Menu
Communiqués et dossiers de presse

Stress post-traumatique : la plasticité cérébrale, un mécanisme clé de la résilience au trauma

08 Jan 2025 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

image décorative

Le projet Remember apporte de nouvelles pistes pour comprendre le trouble de stress post-traumatique © Inserm

À la suite d’une expérience choquante, dangereuse ou effrayante, comme par exemple un attentat, de nombreuses personnes développent un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Afin d’améliorer sa prise en charge, de nombreux travaux scientifiques se penchent sur les processus neurobiologiques qui sous-tendent le développement de ce trouble. L’étude Remember, dirigée par Pierre Gagnepain et dont l’Inserm est promoteur, a été mise en place dans les mois qui ont suivi les attentats du 13 Novembre. Elle s’intéresse plus particulièrement aux facteurs de protection et aux marqueurs cérébraux qui sont associés à la résilience au traumatisme. Dans un nouvel article scientifique publié dans Science Advances, l’équipe de recherche au sein du laboratoire Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine (Inserm/Université de Caen Normandie/École pratique des hautes études/CHU Caen/GIP Cyceron) met en évidence la plasticité des mécanismes cérébraux permettant de faire face au trauma. Ceux-ci se transforment avec le temps, et leur reconfiguration aboutit à une diminution des symptômes de stress post-traumatique. 

Les attentats de Paris et Saint-Denis, le 13 novembre 2015, ont laissé des marques durables, non seulement sur les survivants et les proches des victimes, mais aussi sur la société française dans son ensemble.

L’étude Remember, menée dans le cadre du programme transdisciplinaire 13-Novembre[1], est une étude qui compare les résultats d’imagerie cérébrale menée chez 120 participants exposés aux attentats et 80 non-exposés qui ont été suivis depuis 2015.

L’équipe de recherche explore les effets d’un événement traumatique sur les structures et le fonctionnement du cerveau, identifiant des marqueurs neurobiologiques du stress post-traumatique mais également de la résilience au trauma. À terme, l’objectif est que ces travaux puissent déboucher sur de nouvelles pistes thérapeutiques, complémentaires à celles existant déjà, pour les personnes qui souffrent de TSPT.

« Pourquoi certaines personnes ayant vécu un traumatisme souffrent-elles de stress post-traumatique, alors que d’autres ne développent jamais ce trouble ? Qu’est-ce qui, au niveau cérébral, explique que certaines personnes se remettent après avoir souffert de TSPT et que d’autres en sont atteintes de manière chronique ? Voilà le type de questions auxquelles nous tentons de répondre avec nos travaux », explique Pierre Gagnepain chercheur Inserm et responsable scientifique de Remember.

Mécanismes de contrôle de la mémoire

Parmi les symptômes les plus caractéristiques du TSPT, l’intrusion fréquente du souvenir des images, des odeurs et des sensations associées au traumatisme vécu. Ces mémoires intrusives, qui arrivent souvent sans crier gare et bouleversent la vie quotidienne, sont source de grande détresse.

Dans de précédents travaux, l’équipe a montré que les personnes souffrant de TSPT présentent un dysfonctionnement au niveau des réseaux cérébraux de contrôle qui régulent normalement l’activité des régions de la mémoire, et notamment l’activité de l’hippocampe.

Chez les individus atteints de ce trouble, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire ne parviennent pas à inhiber l’activité de l’hippocampe, ce qui permet aux souvenirs intrusifs de resurgir. À l’inverse, le fonctionnement de ces mécanismes est très largement préservé chez les individus sans TSPT, qui parviennent à lutter efficacement contre les souvenirs intrusifs.

Dans la continuité de ces résultats, Pierre Gagnepain et ses collègues ont voulu comprendre dans leur nouvelle étude[2] si les mécanismes de contrôle de la mémoire pouvaient se refaçonner et s’améliorer avec le temps, contribuant à la guérison du trouble.

Au total 100 personnes, qui avaient été exposées aux attaques terroristes du 13 novembre 2015, ont participé à ce travail. Parmi elles, 34 souffraient de TSPT chronique, alors que 19 s’étaient remises d’un trouble initial. L’étude comptait également 72 participants non exposés aux attentats, servant de groupe contrôle.

Toutes ces personnes ont été invitées à participer à deux reprises à des études d’imagerie cérébrale (en 2016/2017 puis en 2018/2019) afin d’étudier les évolutions structurelles et fonctionnelles de leur cerveau au cours du temps. Elles ont également répondu à un questionnaire sur leurs éventuels symptômes de TSPT en 2020/2021.

À partir de ces données, l’équipe de recherche a pu mettre en évidence la plasticité des réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle de la mémoire, qui régulent la résurgence des souvenirs intrusifs.

Les chercheurs montrent en effet que, chez les personnes remises du TSPT, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire se refaçonnent au cours du temps et finissent par se « normaliser », pour ressembler à ceux des personnes « contrôles ». Concrètement, cela se traduit en imagerie cérébrale par une action plus efficace des régions préfrontales pour inhiber l’activité hippocampique et empêcher l’accès aux souvenirs intrusifs.

Chez les participants qui souffrent de TSPT chronique, ces phénomènes sont toujours altérés. Néanmoins, l’apparition d’un début de plasticité des mécanismes de contrôle de la mémoire, observée lors de la seconde étape d’imagerie chez certains d’entre eux, prédit une future réduction des symptômes intrusifs rapportés dans la troisième partie de l’étude, dans le questionnaire.

Enfin, au niveau structurel, cette normalisation des mécanismes de contrôle de la mémoire est aussi associée à une interruption de l’atrophie de l’hippocampe, contribuant ainsi à limiter les effets négatifs du stress sur le cerveau.

« Notre étude permet de montrer que rien n’est inscrit dans le marbre. La résilience humaine aux traumatismes est caractérisée par la plasticité des circuits de contrôle de la mémoire, notamment ceux qui régulent l’activité de l’hippocampe et la résurgence des souvenirs intrusifs. Elle souligne également que l’altération des mécanismes de contrôle, que nous avions identifiés lors de notre précédente étude comme centraux pour comprendre la variation dans la réponse au trauma, sont bien plus probablement la cause que la conséquence du TSPT », souligne Giovanni Leone, premier auteur de l’étude.

D’un point de vue clinique, cette étude pourrait avoir des implications intéressantes.

« On pourrait imaginer de nouvelles thérapies, complémentaires à celles qui sont déjà utilisées, pour venir stimuler les mécanismes de contrôle de la mémoire, et encourager la plasticité. L’avantage de cette approche serait d’agir sur les réseaux cérébraux sans agir sur le système émotionnel et sans faire revivre les émotions traumatiques au patient », précise Pierre Gagnepain.

L’équipe poursuit les travaux sur le sujet : la prochaine étape consistera à étudier le rôle d’un récepteur cérébral particulier (appelé « GABA alpha 5 »), principalement localisé au sein de l’hippocampe. Les scientifiques pensent en effet que ce récepteur pourrait être impliqué dans l’oubli et la mise sous silence des souvenirs. Ils souhaitent creuser cette piste, qui leur permettrait à la fois de mieux comprendre les mécanismes du TPST mais aussi d’envisager ce récepteur comme une nouvelle cible thérapeutique potentielle.

 

[1]Vaste programme de recherche transdisciplinaire, le programme 13-Novembre bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre de France 2030 portant la référence ANR-10-EQPX-0021. Le programme est codirigé par le neuropsychologue Francis Eustache, directeur d’étude à l’EPHE, et l’historien Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS.  L’objectif : étudier la construction et l’évolution de la mémoire, individuelle et collective, de ces événements traumatiques, mais également mieux comprendre les facteurs protégeant les individus du stress post-traumatique.

[2] Cette étude a bénéficié d’un financement de la Région Normandie dans le cadre du Réseau d’Intérêt normand (RIN) Label d’excellence.

Contacts
Contact Chercheur

Pierre Gagnepain

Chercheur Inserm

Unité 1077 Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine (Inserm/Université de Caen Normandie/École pratique des hautes études/CHU Caen/GIP Cyceron)

E-mail : tntarcnva@plpreba.se

Téléphone sur demande

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Plasticity of Human resilience mechanisms

Giovanni Leone1,2,3, Hannah Casanave1, Charlotte Postel1, Florence Fraisse1, Thomas Vallée1, Vincent de La Sayette1, Jacques Dayan1,4, Denis Peschanski5, Francis Eustache1, Pierre Gagnepain1

1 Normandie Univ, UNICAEN, PSL Research University, EPHE, INSERM, U1077, CHU de Caen, GIP Cyceron, Neuropsychologie et Imagerie de la Mémoire Humaine, 14000 Caen, France.

2 Laboratory of Behavioural Neurology and Imaging of Cognition, Department of Neuroscience, Campus Biotech, University of Geneva, Geneva, Switzerland.

3 Swiss Center for Affective Sciences, University of Geneva, Geneva, Switzerland.

4 Pôle Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Centre Hospitalier Guillaume Régnier, Université Rennes 1, 35700 Rennes, France.

5 Université Paris I Panthéon Sorbonne, HESAM Université, EHESS, CNRS, UMR8209, Paris, France.

Science Advances, 8 janvier 2025

DOI : 10.1126/sciadv.adq8336

fermer