Menu
Communiqués et dossiers de presse

Des champignons hallucinogènes pour traiter l’addiction à l’alcool

22 Mai 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

bouteilles d'alcoolUne étude inédit ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l’addiction à l’alcool avec de la psilocybine, le composé actif des champignons hallucinogènes © Fotalia

Une étude inédite, menée par le Professeur Mickael Naassila et son équipe du Groupe de Recherches sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP, laboratoire UPJV/INSERM 1247), ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l’addiction à l’alcool avec de la psilocybine, le composé actif des champignons hallucinogènes. Publiés dans la revue scientifique Brain, leurs travaux confirment le potentiel de la psilocybine à combattre l’addiction à l’alcool, tout en levant le voile sur les mécanismes d’action de cette molécule, jusqu’alors inconnus. Une percée scientifique très prometteuse pour enrayer le fléau de l’addiction à l’alcool à l’aide de psychédéliques.

 

La psilocybine réduit l’auto-administration d’alcool par l’activation sélective du noyau accumbens gauche

Les résultats de l’étude conduite par les scientifiques de l’Inserm et de l’UPJV montrent que l’administration de psilocybine dans des modèles murins d’addiction à l’alcool réduit de moitié leur consommation d’alcool. Ces données confirment l’intérêt d’étudier cette molécule dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.

Pour expliquer ces effets et mieux comprendre les mécanismes sous-jacents, les chercheurs ont mesuré, dans le cerveau au niveau du noyau accumbens, l’expression de certains gènes connus pour être impliqués dans l’addiction à l’alcool. Le noyau accumbens joue un rôle central dans l’addiction notamment en relayant les effets plaisants des drogues et la motivation à les consommer.

Les résultats révèlent de manière surprenante une latéralisation cérébrale dans les effets de la psilocybine, avec une modification de l’expression de certains gènes, soit à la hausse, soit à la baisse et qui est différente en fonction du côté gauche ou du côté droit du cerveau.

Ces premiers résultats ont donc poussé les chercheurs à explorer le rôle spécifique du noyau accumbens gauche ou droit en injectant directement la psilocybine soit dans le noyau accumbens gauche, soit dans le droit.

La psilocybine injectée chez des rats non consommateurs d’alcool induit des changements particuliers dans le cerveau, notamment une diminution de l’expression des récepteurs 5HT-2A de la sérotonine uniquement dans le noyau accumbens gauche. De manière inattendue, l’augmentation de l’expression du gène BDNF, associé à la plasticité cérébrale, a lui été observée uniquement dans le noyau accumbens droit.

Lorsque la psilocybine est injectée directement dans le noyau accumbens gauche, elle réduit de moitié la consommation d’alcool mais elle n’a pas d’effet lorsque qu’elle est injectée dans le noyau accumbens droit.

 

Une meilleure compréhension du mécanisme impliqué dans les effets bénéfiques de la psilocybine sur la consommation d’alcool

L’étude de l’équipe du Pr Naassila est ensuite allée encore plus loin pour décrypter le mécanisme biologique de la psilocybine. On sait que les effets hallucinogènes de la psilocybine sont liés à son action sur les récepteurs 5-HT2A de la sérotonine. Dans ce travail, les chercheurs ont montré que ces récepteurs étaient surexprimés après traitement par la psilocybine. Ensuite, pour vraiment démontrer que les effets de la psilocybine sur la consommation d’alcool sont liés à un effet spécifique sur les récepteurs 5-HT2A de la sérotonine -, ils ont testé l’effet d’un blocage de ces récepteurs.

Et effectivement, l’infusion de la kétansérine, un bloqueur des récepteurs 5HT-2A, directement dans le noyau accumbens gauche empêche la psilocybine de réduire la consommation d’alcool. Ce blocage dans le noyau accumbens droit n’est quant à lui pas efficace.

L’étude met aussi en lumière un autre mécanisme potentiel bien connu dans l’addiction. L’administration de psilocybine augmente l’expression des récepteurs D2 de la dopamine dans le noyau accumbens chez les rats consommateurs d’alcool. Comme on sait déjà que dans l’addiction à l’alcool, on observe chez l’animal et chez l’humain une diminution de l’expression des récepteurs D2, ces résultats pourraient aussi expliquer comment la psilocybine contrecarre les mécanismes de l’addiction, en restaurant l’expression de ces récepteurs.

Cette découverte inédite sur la latéralisation des effets des psychédéliques dans le traitement de l’addiction à l’alcool ouvre de nouvelles voies de recherche. Prochaines étapes : réaliser une cartographie plus précise de cette latéralisation et vérifier si cela se généralise aux autres psychédéliques (LSD, DMT…).

Selon le Pr Mickael Naassila : « Ces résultats sont très originaux car ils démontrent que la psilocybine agit différemment sur l’expression des gènes en fonction de l’hémisphère cérébral. Et que dans le cerveau, c’est particulièrement le noyau accumbens, mais celui situé dans l’hémisphère gauche, qui semble impliqué dans les effets de réduction de la consommation d’alcool ».

Contacts
Contact Presse

Université de Picardie Jules Verne

rf.eidracip-u@ereuhcsrev.einigriv

Inserm

rf.mresni@esserp

Sources

Psilocybin reduces alcohol self-administration via selective left nucleus accumbens activation in rats

 

Jérôme Jeanblanc, Romain Bordy, Grégory Fouquet, Virginie Jeanblanc, Mickaël Naassila

 

Brain, 2024; awae136

https://doi.org/10.1093/brain/awae136

fermer