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La huntingtine, architecte des seins

Dans la glande mammaire, les canaux galactophores sont indispensables car ils sont les conduits par lesquels le lait est amené vers le mamelon. A l’intérieur des cellules qui les tapissent, les cellules luminales, les organites et protéines sont répartis de manière asymétrique. Cette « polarité » cellulaire est l’élément clé de leur bon fonctionnement.

Parmi les nombreux facteurs engagés dans l’établissement correct de cette polarité, les chercheurs d’une équipe anciennement localisée à l’institut Curie (Inserm/CNRS, Paris) maintenant au Grenoble Institut des Neurosciences (Inserm/Université Joseph Fourier) se sont intéressés à la huntingtine, plus connue pour son rôle dans la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative. De manière surprenante, elle est non seulement présente dans le cerveau mais aussi dans toutes les cellules du corps, et serait impliquée dans l’architecture et le développement de la glande mammaire.

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Section de glande mammaire marquée pour les cellules basales (vert), et un organite (appareil de Golgi, rouge). L’organite est localisé sur le noyau (bleu) des cellules luminales et témoigne de leur polarité. © Salah ELIAS.

Dans ces travaux menés par l’équipe de Sandrine Humbert et publiés dans Plos Biology, la huntingtine a été supprimée des cellules luminales chez des souris, puis, l’effet sur le développement des glandes et la lactation a été étudié. Les canaux galactophores des souris ayant perdu la huntingtine sont plus longs à se former et présentent une architecture anormale avec une lumière malformée. Parallèlement, la lactation est aussi affectée : l’abondance en protéines de lait est réduite et surtout, ces souris n’ont pas pu allaiter leurs souriceaux occasionnant de graves défauts de poids.

La huntingtine détermine la polarité de ces cellules, en interagissant avec de nombreux autres facteurs. Son absence perturbe cette polarité, ce qui est à l’origine des troubles fonctionnels et structurels observés dans la glande mammaire.

« Pendant la formation des tumeurs, on observe une désorganisation similaire de la polarité cellulaire. La caractérisation du rôle de la huntingtine est donc essentielle pour mieux comprendre le développement pathogénique à l’origine des cancers du sein » conclut Sandrine Humbert, directeur de recherche Inserm.

Un vaccin contre les allergies aux acariens ?

L’allergie aux acariens concerne plus de la moitié des patients asthmatiques. L’allergène majeur Der p 2, est reconnu par près de 90% des patients allergiques. L’exposition continue à cet allergène entraine un asthme caractérisé par une constriction des bronches et une inflammation des voies aériennes, pouvant dans les cas les plus sévères entrainer un handicap important et parfois des crises graves et des décès.

La « désensibilisation » est le seul traitement actuel des allergies respiratoires. Il consiste à exposer les patients le plus souvent par voie sublinguale à l’allergène, pour que leur système immunitaire constitue des cellules et des anticorps protecteurs au fur et à mesure. Grâce aux progrès technologiques et du génie génétique, des peptides dits hypoallergéniques, dérivés d’allergènes et utilisés comme vaccin, représentent une nouvelle voie d’immunothérapie, particulièrement dans l’asthme aux acariens. Cette stratégie présente le triple avantage potentiel d’être efficace en peu de temps, d’offrir une protection prolongée et de diminuer les effets secondaires allergiques de la désensibilisation.

Dans ce travail mené par des chercheurs de l’Inserm et de l’Inra en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Vienne en Autriche, un fragment de Der p 2 a été généré par génie génétique puis son effet protecteur contre l’asthme aux acariens a été testé dans un modèle d’asthme chez la souris.

Pour cela, des souris ont été vaccinées avec ce peptide en 2 temps: avant et durant la sensibilisation allergique aux acariens. Les chercheurs ont alors mesuré l’obstruction bronchique de ces souris en réponse à la métacholine (un agent broncho-constricteur) et mis en évidence que la vaccination par ce peptide rendait la réactivité des bronches des souris asthmatiques normale.

De plus, la vaccination avec ce peptide induit une activité anti-inflammatoire, en diminuant les messagers chimiques attirant les polynucléaires éosinophiles et neutrophiles au niveau des bronches et des poumons, tout en diminuant l’activation des lymphocytes T et la sécrétion d’immunoglobulines de type E responsables de la réaction allergique.

Pour les chercheurs, le rôle protecteur de la vaccination, avec un peptide hypoallergénique, est une option thérapeutique très intéressante pour enrayer la progression de l’asthme en particulier chez les enfants à risque.Des études supplémentaires sont nécessaires chez l’animal avant de pouvoir envisager les premiers essais thérapeutiques chez l’homme.

Le peptide utilisé fait l’objet d’un brevet déposé par Inserm transfert.

Les bactéries filamenteuses segmentées, partenaires de l’immunité intestinale, enfin in vitro !

Les bactéries filamenteuses segmentées (SFB) sont des bactéries de la famille des Clostridiales qui colonisent l’intestin de nombreuses espèces et probablement aussi celui de l’Homme, sans provoquer de maladies : elles vivent en symbiose avec les cellules épithéliales et sont nécessaires à la maturation de la barrière immune intestinale.
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Cellules épithéliales intestinales humaines en culture ©Inserm/Martin, Sandra

Si le rôle clé de SFB dans la stimulation des défenses intestinales est maintenant bien établi in vivo chez la souris, les scientifiques se heurtaient depuis 50 ans à la reconstitution in vitro de cette symbiose afin d’en déchiffrer les interactions au niveau cellulaire et moléculaire. Les chercheurs de l’Institut Pasteur, du Collège de France, de l’Inserm/Institut Imagine-Necker et de l’université Paris Descartes sont parvenus pour la première fois à cultiver ces bactéries au contact de cellules épithéliales intestinales en dehors de leur hôte.

Zoom sur la symbiose entre les bactéries filamenteuses segmentées et leur hôte

Les SFB ont un cycle cellulaire inhabituel qui débute par leur attachement aux cellules épithéliales de l’intestin. Cet ancrage permet aux bactéries d’établir des échanges mutuellement bénéfiques avec leur hôte, dès le sevrage.

L’interaction intime entre SFB et son hôte fournit à la bactérie les nutriments nécessaires à sa croissance et, en retour, favorise le développement et l’éducation du système immunitaire intestinal. Un équilibre finement régulé se met en place entre SFB et son hôte, les bactéries protégeant celui-ci des pathogènes en renforçant la barrière épithéliale et son système immunitaire. Les souris ayant une flore intestinale dépourvue de SFB sont ainsi plus sensibles aux infections, et ce même à l’âge adulte.

La reconstitution des interactions entre SFB et cellules épithéliales in vitro va permettre de décoder le dialogue entre l’hôte et cette bactérie. Ces travaux pourraient aussi aider à comprendre comment les antibiotiques peuvent altérer le développement du système immunitaire, les antibiotiques faisant disparaître SFB de la flore intestinale.

Les macrophages résidents et recrutés orchestrent la défense du foie contre les infections

Les macrophages sont des cellules clés de l’immunité innée. Par la phagocytose – capture et ingestion d’éléments à détruire – ils participent à la défense des tissus de l’hôte contre l’infection. Il existe deux types de macrophages : les macrophages résidant dans les tissus, et ceux issus de la moelle osseuse circulant dans le sang (ou monocytes), qui sont recrutés dans les tissus en cas d’infection. Ces deux types de macrophages ont une origine, un développement et des fonctions distincts.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité (unité de Biologie des infections, Inserm U1117, dirigée par Marc Lecuit) ont mis en évidence que les macrophages résidents du foie étaient rapidement tués par la bactérie pathogène Listeria monocytogenes. Cette mort précoce déclenche le recrutement dans le foie de macrophages issus du sang. Ceux-ci vont dans un premier temps contrôler l’infection bactérienne, puis, et de façon inattendue, remplacer les macrophages résidents du foie tués par l’infection.

Ce mécanisme jusqu’ici inconnu permet de mieux comprendre comment un organe comme le foie contrôle une infection bactérienne et revient à son état d’équilibre une fois le pathogène éliminé. Sur un plan immunologique, cette étude révèle également une interconnexion fonctionnelle inédite entre macrophages résidents et recrutés.
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Illustration : Macrophage hépatique (en vert) phagocytant les bactéries pathogènes Listeria monocytogenes (en rouge). © Institut Pasteur

Une bactérie du microbiote protège le gros intestin d’une inflammation

Le microbiote, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes hébergés au niveau des muqueuses, contribue de façon cruciale à notre santé en influençant notre développement, notre métabolisme, notre immunité… Cependant, les mécanismes par lesquels il joue ce rôle majeur restent pour la plupart inconnus. Des chercheurs de l’Unité Inserm 892 « Centre régional de recherche en cancérologie Nantes Angers » viennent d’identifier un des mécanismes par lesquels le microbiote permet à notre système immunitaire de prévenir l’inflammation du gros intestin. Leurs résultats sont publiés sur le site de la revue Plos Biology le 9 avril.

Les chercheurs ont identifié une population de lymphocytes T régulateurs jusque-là inconnue chez l’homme – baptisés DP8a – et démontré que leur développement est induit par une bactérie du microbiote intestinal: Faecalibacterium prausnitzii.

De précédentes études avaient révélé la fréquence anormalement basse de cette bactérie dans la flore fécale des patients atteints de maladies inflammatoires du tube digestif.
Les chercheurs montrent dans cette étude que les lymphocytes DP8a spécifiques de cette bactérie sont eux-mêmes diminués chez ces patients, à la fois dans la muqueuse colique et dans le sang.

« Les résultats indiquent que cette population de lymphocytes joue un rôle majeur pour préserver le gros intestin d’une inflammation. Nous avons ainsi identifié, pour la première fois chez l’homme, un mécanisme par lequel une bactérie du microbiote contribue à l’équilibre de la muqueuse qui l’héberge » explique Francine Jotereau, professeur émérite au sein de l’Unité Inserm et co-auteur de ces travaux.



Ces résultats ouvrent la voie au développement de marqueurs et de thérapies innovantes pour la prévention et le traitement des maladies inflammatoires du tube digestif via la restauration de l’activité anti-inflammatoire des lymphocytes Treg DP8a chez les patients.

« Ces résultats vont également permettre de rechercher le rôle de ces lymphocytes T régulateurs dans le contrôle d’autres pathologies telles que les allergies, ou les maladies infectieuses chroniques mais aussi de mieux comprendre l’impact du microbiote sur le système immunitaire » conclut Francine Jotereau.

L’Europe soutient la recherche sur les cellules souches dans le traitement du diabète

Une subvention de 6 millions d’euros accordée par la Commission européenne au projet HumEn a permis de réunir les principaux instituts de recherche sur les cellules souches, dont l’Inserm, et partenaires industriels européens visant à développer des cellules produisant de l’insuline pour une future thérapie de remplacement cellulaire dans le diabète.

La maturation complète de cellules souches pluripotentes humaines en cellules bêta* transplantables qui peuvent guérir le diabète n’a pas encore pu être obtenue en laboratoire.

L’objectif du projet HumEn est de développer des cellules bêta fonctionnelles, produisant de l’insuline, faisant défaut chez les diabétiques*, à partir de cellules souches pluripotentes. L’avantage des cellules souches pluripotentes en tant que source de cellules bêta est que, en théorie, elles constituent une source illimitée de cellules productrices d’insuline.

Le projet HumEn, financé par la Commission européenne, est coordonné par l’Université de Copenhague et rassemble six partenaires institutionnels, dont fait partie l’Inserm, et trois industriels. Ensemble, ils apportent leur expertise dans des secteurs de recherche complémentaires tels que le développement et la physiologie des cellules bêta, la transplantation des cellules bêta, la biologie des cellules souches pluripotentes humaines, la chimie des polymères, l’ingénierie spécialisée et l’épigénétique. L’objectif final est de développer des cellules bêta fonctionnelles, produisant de l’insuline et réactives au glucose, et de permettre aux patients de bénéficier de ces avancées traitement dès que possible.

 

« Nous espérons que les connaissances générées dans ce projet contribueront un jour à l’amélioration du traitement et de la qualité de vie de la population croissante de diabétiques »

, commente Raphaël Scharfmann, directeur de recherche au sein de l’unité Inserm 1016 – Institut Cochin, partenaire du projet HumEn.

* Les cellules souches dans le traitement du diabète

La carence en insuline sous-tend toutes les formes de diabète et touche actuellement 366 millions de personnes dans le monde. En Europe, le nombre de diabétiques est estimé à 52,8 millions.

Les cellules bêta jouent un rôle central dans le diabète : elles se trouvent dans le pancréas et sont responsables de la production d’insuline, l’hormone qui contrôle le transport de l’énergie sous forme de glucose dans le système sanguin jusqu’aux muscles. Dans le diabète de type 1, le système immunitaire détruit les cellules bêta, alors que dans le diabète de type 2, la sensibilité à l’insuline diminue, amenant le corps à avoir besoin de quantités d’insuline de plus en plus importantes que les cellules bêta ne peuvent sécréter.

Actuellement, la seule solution pour remplacer les cellules bêta détruites ou dysfonctionnelles est la transplantation d’un pancréas entier ou d’îlots de cellules fonctionnelles. Rares sont les patients à pouvoir bénéficier de ce traitement, en raison du manque de donneurs.

Le projet HumEn est financé par le 7e Programme-Cadre de l’Union européenne (FP7/2007-2013), sous la convention de subvention n° HEALTH-F4-2013-602889

Les partenaires du projet HumEn :

DanStem, Université de Copenhague, UCPH, Danemark
Helmholtz Zentrum München, Centre national de recherche pour l’environnement et la santé, HMGU, Allemagne
Université d’Edimbourg, UEDIN, Royaume-Uni
Inserm – Institut Cochin, France
Département d’immunologie, Génétique et Pathologie (IGP), Université d’Uppsala, UU, Suède
Génétique développementale, Institut Max Planck pour la recherche sur le cœur et le poumon, MPG, Allemagne
CYTOO SA, France
MATERIOMICS, Pays-Bas
MILTENYI, Allemagne

HumEn s’intègre à un vaste consortium européen sur les cellules souches
En parallèle, la Commission européenne vient d’accorder des subventions à sept projets de recherche sur les cellules souches. Humen a déjà pu établir des collaborations avec les projets : PluriMes, Neurostemcellrepair et ThymiStem. L’ensemble de ces projets permet ainsi à l’Europe de rester à l’avant-garde de la recherche sur les cellules souches, pour créer de nouvelles opportunités commerciales et améliorer la compétitivité du secteur biomédical européen.

Les lymphocytes T régulateurs, garants d’une bonne mémoire immunitaire

Les lymphocytes T régulateurs (Treg) sont une sous-population de cellules immunitaires qui empêchent que chaque individu déclenche des réactions immunitaires contre ses propres organes.  Dans le cadre de certaines pathologies ces mécanismes peuvent être défectueux : on parle alors  de  réactions auto-immunes.  Dans ce nouveau travail publié dans la revue Science, l’équipe de chercheurs dirigée par Sebastian Amigorena (unité Immunité et cancer Institut Curie / Inserm U932) montre que les lymphocytes T reg sont également importants lors des réponses immunitaires contre les antigènes externes, au cours d’une infection par exemple.

En effet, en régulant les interactions entre cellules présentatrices d’antigènes et lymphocytes T, les Treg favorisent le recrutement de lymphocytes dits de « forte affinité » pour l’antigène et boostent ainsi la réponse immunitaire.  En revanche, en l’absence des Treg, cette première étape de la protection immunitaire est défectueuse, entraînant à terme un mauvais processus de mémorisation des éléments pathogènes et donc de moins bonnes défenses contre les infections par exemple.

La mise en lumière de cette nouvelle propriété des lymphocytes T régulateurs pourrait s’avérer importante pour mettre au point des stratégies de vaccination perdurant dans le temps.

©M Depardieu/Inserm

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