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Texte actualisé le 14 février 2025
L’endométriose est une maladie gynécologique répandue qui touche une femme sur dix. Pourtant, jusqu’à présent, elle demeurait relativement mal connue du grand public. Ce n’est que récemment que les pouvoirs publics ont commencé à s’y intéresser. Pour donner un coup d’accélérateur à la recherche et au diagnostic de la maladie, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a annoncé le 10 janvier 2025 que certaines femmes pourront bénéficier de la prise en charge par l’Assurance maladie de l’Endotest, un test salivaire pour diagnostiquer cette maladie développé par la start-up lyonnaise Ziwig.
Un arrêté[1] publié au journal officiel le 11 février 2025 autorise le remboursement de ce test salivaire pour 25 000 femmes. Parmi elles, 2 500 patientes seront suivies dans le cadre d’une étude menée par le fabriquant afin de vérifier l’utilité clinique de ces tests, comme le précise l’arrêté. Leur coût, estimé à 839 euros par test, sera remboursé par la Sécurité sociale à « des patientes à l’imagerie normale ou équivoque mais présentant des symptômes très évocateurs et invalidants de la maladie ».
Sur son site internet, le fabricant indique que ses tests sont fiables[2] à 97,4 %. Mais dans son avis de janvier 2024[3], la Haute Autorité de santé a estimé que « les données restent trop préliminaires pour accorder un avis favorable au remboursement de droit commun » pour toutes les femmes présentant des symptômes d’endométriose. C’est pourquoi elle proposait plutôt de « permettre un accès précoce et sécurisé des femmes à ce test (…) qui permettra de recueillir les données manquantes aujourd’hui ». Alors, que sait-on sur le fonctionnement de ces tests et sur leur intérêt clinique ? Canal Détox fait le point.
Des retards de diagnostic
L’endométriose est une maladie caractérisée par la présence anormale, en dehors de la cavité utérine, de fragments de tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus. Ces fragments s’implanter et proliférer sur de nombreux organes sous l’effet de stimulations hormonales. Les principaux symptômes sont des douleurs (notamment pelviennes, surtout pendant les règles) et, dans certains cas, une infertilité.
Chez les patientes présentant des symptômes, un examen clinique, incluant un examen gynécologique, permet de prescrire une échographie ou une IRM. Toutefois, ces examens ne permettent pas toujours d’obtenir un diagnostic fiable, en particulier pour les formes péritonéales précoces, qui représentent environ 70 % des endométrioses. Dans ces cas, une chirurgie diagnostique associée à une biopsie est nécessaire pour confirmer le diagnostic avec certitude.
Cette situation, associée à une connaissance insuffisante de l’endométriose par les professionnels de santé, engendre des retards de diagnostic importants, et explique qu’à l’heure actuelle, il s’écoule en moyenne un délai de 6 à 10 ans avant que le diagnostic ne soit définitivement posé. Disposer d’un test rapide, fiable et non invasif pouvant être proposé aux femmes qui présentent des symptômes constituerait donc une avancée majeure.
L’endométriose cause des lésions qui peuvent compromettre la réserve ovarienne et entraver la conception, en particulier lorsqu’elles affectent les ovaires, les trompes de Fallope ou l’utérus. Sensibiliser les patientes et les professionnels de santé à l’importance d’un diagnostic rapide constitue donc un enjeu majeur pour améliorer la prise en charge de cette pathologie et offrir aux patientes les meilleures options en fonction de leur projet de vie.
Identification des microARN
Le test salivaire mis au point par l’entreprise Ziwig a fait l’objet de plusieurs publications scientifiques.
Dans un article paru en janvier 2022 dans le Journal of Clinical Medicine, les chercheurs ont montré que leur test présentait une sensibilité de 96 %, c’est-à-dire qu’il pouvait identifier 96 % des patientes atteintes d’endométriose, avec une excellente très peu de faux positifs (voir encadré ci-dessous). Cependant, quelques limites méthodologiques ont aussi été pointées.
En juin 2023, l’équipe de recherche a publié une analyse intermédiaire dans NEJM Evidence. Les résultats portent sur 200 patientes (159 avec endométriose et 41 témoins) recrutées dans des hôpitaux en Île-de-France, en Pays de la Loire, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Bretagne et en Corse.
L’équipe de recherche a procédé à un séquençage à haut débit des petits ARN pour identifier les microARN[4] particulièrement exprimés chez les femmes présentant un diagnostic d’endométriose. Elle a ensuite extrait les valeurs d’expression des 109 microARN précédemment identifiés, confirmant une nouvelle fois que le test a une forte sensibilité (96,2 %) et une forte spécificité (95,1 %).
Sensibilité et spécificité d’un test de diagnostic
La sensibilité et la spécificité expriment la capacité d’un test à catégoriser les patients (négatifs ou positifs pour la maladie considérée) :
– la sensibilité est la probabilité du résultat positif du test chez les sujets porteurs de la maladie. On parle aussi de « taux de vrais positifs » ;
– la spécificité est la probabilité du résultat négatif de test chez des patients non malades. On parle aussi de « taux de vrais négatifs ».
De nouvelles perspectives pour les patientes
Il est important de noter que ce test a pour but de proposer un diagnostic à des patientes qui présentent des symptômes évocateurs de la maladie : il ne s’agit pas d’un test de dépistage pour l’ensemble de la population.
Il semblerait que certains microARN permettent de caractériser des mécanismes physiopathologiques en lien avec la maladie autres que l’inflammation, comme l’immunité ou la prolifération cellulaire… Ce qui pourrait expliquer la précision du test salivaire aussi bien pour les stades précoces que pour les autres formes de l’endométriose.
L’analyse de nouveaux résultats concernant 2 500 femmes dans le cadre du dispositif dérogatoire devrait désormais permettre d’apporter de nouvelles réponses quant à l’intérêt clinique de ces tests. Et ainsi, savoir s’il est possible de les généraliser à toute la population en routine pour mettre fin à l’errance diagnostique des patientes et les orienter vers des choix thérapeutiques adéquats.
[1] Arrêté du 6 février 2025 relatif à la prise en charge du dispositif médical in vitro ENDOTEST au titre de l’article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale – Légifrance
[2] Découvrir Ziwig Endotest – Ziwig
[3] Haute Autorité de Santé – Diagnostic complexe d’endométriose : la HAS propose un accès au test salivaire Endotest® dans le cadre du forfait innovation
[4] Un microARN est un ARN non codant qui joue un rôle important dans la régulation de l’expression des gènes.
Texte rédigé avec le soutien de Daniel Vaiman, chercheur Inserm à l’institut Cochin à Paris, et Samir Hamamah, professeur de médecine et de biologie de la reproduction à la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes.