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Canal Détox

La cohérence cardiaque, une technique pour améliorer sa santé, vraiment ?

Les techniques de « cohérence cardiaque » s’appuient sur des exercices de respiration pour mettre en phase le rythme du cœur et celui de la respiration.

Le 24 Mai 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

yoga

La pratique du contrôle de la respiration dans le yoga a été l’une des premières à utiliser des stratégies de respiration pour améliorer le bien-être. © Unsplash.

« Pratiquez la cohérence cardiaque pour obtenir des effets immédiats sur votre santé physique et mentale ! », c’est le genre de promesse que l’on peut lire dans les pages de magazines grand public, sur le site web de certains thérapeutes ou dans des applis « bien-être » qui proposent cette approche à des fins commerciales.

Mais au fil du temps et des usages, la cohérence cardiaque s’est imposée comme concept un peu large, regroupant en fait des pratiques diverses. En général, le point commun des techniques dites de « cohérence cardiaque » est de s’appuyer sur des exercices de respiration pour mettre en phase le rythme du cœur et celui de la respiration et aider ainsi les personnes à se relaxer.

Toutefois, les fondements scientifiques sous-jacents ne sont pas toujours bien compris et les bénéfices de ces techniques, même s’ils existent, sont parfois exagérés. On fait le point dans notre nouveau Canal Détox.

 

La cohérence cardiaque, c’est quoi au juste ?

Dans l’organisme, les fonctions respiratoires et cardiaques sont couplées : les variations de la fréquence cardiaque sont influencées par la respiration. Plus précisément, la fréquence cardiaque augmente pendant l’inspiration et diminue pendant l’expiration. Ce phénomène est appelé « arythmie sinusale respiratoire » (ASR) dans le monde biomédical, ou « cohérence cardiaque » par le grand public (voir encadré pour plus de détails).

L’amplitude de l’ASR est mesurée par la différence entre le rythme cardiaque maximum pendant l’inspiration et le rythme cardiaque minimum pendant l’expiration. Par exemple, si notre rythme cardiaque est de 80 battements par minute pendant l’inspiration, et de 70 battements par minute pendant l’expiration, alors l’amplitude de l’ASR est de 10 battements par minute.

Plusieurs études ont suggéré qu’une amplitude élevée d’ASR est bénéfique sur le plan physiologique et psychologique, tandis qu’une amplitude d’ASR réduite est liée à des troubles cardiovasculaires (hypertension, insuffisance cardiaque chronique) et mentaux (anxiété, stress, voire troubles du spectre autistique). Mais les données sont encore parcellaires et les connaissances sur le sujet reposent pour le moment souvent sur des observations empiriques.

Néanmoins, il s’agit d’un domaine de recherche de plus en plus fertile : la variabilité du rythme cardiaque, dont l’ASR est une des composantes, est d’ores et déjà utilisée comme outil diagnostique pour certaines pathologies (maladies cardiovasculaires, troubles psychiatriques, TSA…), et des essais cliniques qui s’intéressent à l’ASR des participants voient le jour. Ainsi, on dénombre près de 2 000 essais cliniques étudiant la variabilité de la fréquence cardiaque enregistrés sur clinicaltrials.gov. Leur objectif est soit d’augmenter l’amplitude de l’ASR comme stratégie thérapeutique, soit de l’utiliser comme indicateur d’efficacité d’une stratégie thérapeutique.

 

Des retombées sociétales à prendre en compte

Ces dernières années, augmenter l’amplitude de l’ASR grâce à des techniques de respiration, dans l’espoir d’améliorer sa santé, est une pratique qui a aussi gagné en popularité auprès du public. Cependant, le terme d’« arythmie sinusale respiratoire » étant un peu complexe, c’est celui de « cohérence cardiaque » qui s’est imposé dans le discours.

La pratique du contrôle de la respiration dans le yoga, appelée « pranayama », a été l’une des premières à utiliser des stratégies de respiration pour améliorer le bien-être. Aujourd’hui, les stratégies de respiration profonde telles que la technique « 365 » sont courantes et recommandées par les cliniciens. Des dizaines d’appareils et de technologies, y compris des applications pour smartphones développées à des fins commerciales, reprennent le concept à leur compte, enseignant ces stratégies respiratoires et utilisant principalement les mesures de l’ASR comme critère pour évaluer les bénéfices pour la santé.

Il existe des données empiriques et quelques études qui documentent les effets bénéfiques d’exercices respiratoires présentés comme des « techniques de cohérence cardiaque ». Par ailleurs, comme évoqué précédemment, des essais cliniques fondés sur l’ASR s’annoncent prometteurs.

Le problème, c’est que la frontière devient parfois très mince entre les connaissances scientifiques actuelles et les interprétations et usages prodigués au grand public, notamment par des entreprises privées à but lucratif. Les mécanismes biologiques sous-jacents de l’ASR sont mal compris et certaines affirmations concernant les bénéfices de la cohérence cardiaques sont parfois exagérées.

Prétexter par exemple pouvoir guérir de nombreux maux – de la dépression à l’addiction en passant par le stress post-traumatique – grâce à des exercices de respiration, sans tenir compte de l’état actuel des connaissances encore limité et sans proposer d’autres prises en charges thérapeutiques, est une porte ouverte à des dérives.

Zoom sur des études scientifiques solides

Quelques études scientifiques rigoureuses dans le domaine ont récemment été publiées, ouvrant la voie à une meilleure compréhension des bénéfices de l’ASR dans le cadre de certaines pathologies ainsi que des pistes qui doivent être poursuivies.

  • Pour les pathologies cardiovasculaires, travailler sur l’amplitude de l’ASR semble de plus en plus prometteur. Deux études ont montré récemment que le rétablissement d’une variabilité du rythme cardiaque en phase avec la respiration chez des modèles animaux d’insuffisance cardiaque chronique a des effets thérapeutiques importants.
  • Pour la première fois, en 2023, une étude a démontré un concept qui semblait déjà acquis dans l’imaginaire collectif : un rythme cardiaque élevé a un effet anxiogène. Cet article ouvre de nouvelles pistes pour comprendre les causes biologiques des troubles anxieux et les bénéfices de certains exercices de respiration lente et profonde pour calmer ces états. Il met aussi en avant l’idée que comprendre les états émotionnels ne peut se faire sans s’intéresser aux liens entre le cerveau et le reste des cellules de l’organisme.

 

Comment l’arythmie sinusale respiratoire est-elle générée ?

L’ASR est principalement générée par le cerveau. Le tronc cérébral, à la base du cerveau, contient des neurones appelés « respiratoires », à l’origine de la commande nerveuse contrôlant la contraction des muscles respiratoires, mais aussi des neurones « cardiaques », qui génèrent la commande nerveuse régulant l’activité cardiaque.

Certains neurones respiratoires modulent directement l’activité de neurones cardiaques, et plus précisément de ceux dits « parasympathiques », dont l’activité a un rôle de frein sur le rythme cardiaque.

En particulier, un groupe de neurones générant l’inspiration inhibe en parallèle des neurones cardiaques parasympathiques, conduisant à une augmentation du rythme cardiaque pendant l’inspiration. Un autre groupe de neurones qui génère le début de l’expiration active en parallèle les mêmes neurones cardiaques parasympathiques, conduisant à une chute du rythme cardiaque en début d’expiration.

C’est ce mécanisme qui génère l’ASR.

Texte rédigé avec le soutien de Clément Menuet, chercheur Inserm à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (unité 1249 Inserm/Aix-Marseille Université)

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