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Les psychédéliques, des traitements contre les troubles psychiatriques, vraiment ?

N’est-il pas dangereux de se soigner avec du LSD ? Plus largement, la recherche a-t-elle vraiment déjà des preuves solides de l’efficacité des substances psychédéliques ?

Le 11 Mai 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

© Photo de Possessed Photography sur Unsplash

En avril 2023, des données issues d’un essai clinique de phase II mené en Suisse ont fait du bruit dans les médias. Et pour cause, il s’agissait d’un sujet plutôt hallucinant : l’étude s’intéressait aux effets d’une consommation de LSD pour des patients atteints de dépression, suggérant que cette substance psychédélique aurait des bénéfices importants. En effet, les premiers résultats indiquaient que les personnes à qui l’on avait administré de plus grandes doses de LSD avaient bénéficié d’une réduction moyenne de leurs symptômes dépressifs presque quatre fois supérieure à celle des personnes exposées à un placebo.

Ces données qui n’ont pas encore fait l’objet d’une publication scientifique revue par les pairs, ont néanmoins remis sur le devant de la scène un débat vieux de plusieurs décennies sur les éventuels bénéfices thérapeutiques du LSD pour tout un tas de troubles psychiatriques, de la dépression à l’anxiété,+ en passant par le stress post-traumatique. Depuis quelques années, l’intérêt pour ce domaine de recherche a repris de l’ampleur et de nombreux essais ont été lancés à travers le monde.

Mais n’est-il pas dangereux de se soigner avec du LSD ? Plus largement, la recherche a-t-elle vraiment déjà des preuves solides de l’efficacité des substances psychédéliques ? Canal Détox fait le point.

Dès les années 1950, deux substances psychédéliques font l’objet de nombreuses recherches : le LSD, dérivé d’une molécule issue d’un champignon parasite du seigle, et la psilocybine, principe actif de champignons hallucinogènes. Les médecins expérimentent, parfois sur eux-mêmes, les effets de ces molécules qui modifient l’état de conscience durant plusieurs heures. Ils étudient notamment leurs effets sur la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, les troubles obsessionnels compulsifs, ou encore en tant que soins palliatifs, avec l’espoir d’en faire des médicaments. Mais le LSD et la psilocybine, qui provoquent des hallucinations avec des distorsions des sens, du temps et de l’espace, vont finir par être considérés comme des drogues dangereuses et être interdits. Les recherches vont s’arrêter durant 30 ans.

Stimulées par les limites des traitements actuels contre les troubles psychiatriques, elles reprennent au milieu des années 1990, encadrées plus strictement, et éclaircissent, en partie, le mode d’action de ces molécules sur le cerveau. Elles révèlent notamment que le LSD et la psilocybine, agissent principalement dans le cerveau sur les récepteurs de la sérotonine, hormone impliquée dans la régulation des comportements, de l’humeur, et de l’anxiété.

C’est aussi sur le système sérotoninergique qu’agissent les antidépresseurs les plus prescrits actuellement, bien que leur effet ne soit bien évidemment pas le même. D’ailleurs, si les antidépresseurs sont moins populaires dans les médias que les substances hallucinogènes, il faut rappeler qu’ils apportent une solution satisfaisante, avec des effets persistants sur le long terme, à environ 70 % des patients traités en dépression.

Les promesses de la psilocybine

Les substances psychédéliques font aujourd’hui l’objet de nombreuses expérimentations en particulier aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada. Et jusqu’à maintenant, c’est la psilocybine qui obtient les résultats les plus intéressants dans les études déjà publiées.

Par exemple, son utilisation en complément de séances de thérapie a ainsi permis de réduire durablement l’anxiété et la dépression, notamment les formes résistantes aux antidépresseurs qui concernent environ 30 % des patients traités. Des effets secondaires (maux de tête, étourdissements mais aussi angoisse) ont cependant été notés chez 77 % des participants dans une récente étude.

La psilocybine a aussi eu des effets intéressants dans des essais sur des personnes qui cherchaient à arrêter le tabac ou l’alcool, ou encore pour accompagner les personnes en fin de vie, en favorisant la communication avec les proches et en leur permettant d’affronter plus sereinement la mort.

Autre piste explorée : l’utilisation des substances psychédéliques sur les troubles obsessionnels compulsifs ou TOC, pour les patients qui ne répondent pas aux traitements classiques. Une étude en double aveugle a démarré aux Etats-Unis, à l’université de Yale, pour évaluer l’effet de la psilocybine et décrire ses mécanismes d’action, chez une trentaine de volontaires atteints de TOC.

Enfin, dans le domaine du stress post-traumatique, des publications commencent aussi à voir le jour. Une revue de littérature a récemment rappelé le besoin de thérapies innovantes dans ce domaine et les premiers résultats prometteurs d’études menées chez des vétérans, témoignant d’un effet bénéfique de la prise de psilocybine pour affronter les souvenirs traumatiques et réduire les angoisses associées.

 

Des nuances à apporter

Malgré ces avancées, la prudence reste de mise. En effet si la plupart des études dédiées aux substances psychédéliques apportent des résultats intéressants et utilisent une méthodologie rigoureuse en « double aveugle versus placebo », elles sont encore peu nombreuses, et menées sur un nombre restreint de sujets. En outre, les mécanismes d’actions de ces substances expliquant leurs éventuels effets thérapeutiques demeurent assez peu explorés.

Par ailleurs, ces substances nécessitent d’être employées dans un cadre médical sécurisé : avec une préparation, un accompagnement, un environnement approprié, un dosage adapté, et l’exclusion de certaines interactions médicamenteuses ou certains profils psychologiques incompatibles avec ces traitements. Cela sera aussi de mise si les substances sont un jour autorisées en dehors du cadre d’un essai clinique.

La prise de psychédéliques peut par ailleurs s’accompagner d’effets secondaires comme le montrent certains essais, et dans les cas les plus extrêmes, des états d’intense panique, phobies et de confusion.

La présence d’un professionnel de santé pour s’assurer du bien-être physique et psychologique du patient, pendant et après le traitement semble donc incontournable. Dans la pratique, le nombre limité de psychiatres en France pourrait être un frein. Parmi les chantiers à mener, il faudra aussi déterminer les règles éthiques encadrant l’administration de telles substances hors des essais cliniques et bien définir les patients les plus susceptibles d’en bénéficier.

Alors, même si les effets de ces substances s’avèrent un jour clairement bénéfiques, avec de nombreuses autres études qui confirmeraient les premiers résultats prometteurs, l’idée n’est résolument pas de généraliser la prise de LSD comme celle d’une aspirine.

 

D’autres travaux français et européens à découvrir

À Amiens, l’équipe de Mickaël Naassila (laboratoire Inserm 1247 Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances) travaille en parallèle sur un autre grand projet, européen cette fois. Ce projet baptisé Psi-Alc a été lancé en 2019 pour une durée de 4 ans, et mené en partenariat avec des chercheurs allemands, italiens et suisses. Leur but est, entre autres, de décrypter les mécanismes d’action qui pourraient réduire l’envie de boire de l’alcool, après absorption de psilocybine.

Lire notre article sur le sujet : https://www.inserm.fr/actualite/therapies-psychedeliques-une-panacee/

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