Des chercheurs de l’Unité mixte Inserm 698 dirigée par le Dr Jean-Baptiste Michel “Hémostase, bio-ingénierie, immunopathologie et remodelage cardiovasculaires”, (Hôpital Bichat-Université Paris Diderot), en collaboration avec des chirurgiens vasculaires de l’AP-HP (Bichat et Georges Pompidou) et des équipes de parodontologie (Hôpital Rothschild AP-HP et Rennes), montrent un lien fort entre les parodontites -inflammations des tissus de soutien des dents-, et le développement d’anévrysmes de l’aorte abdominale (AAA).
Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue PloS One, accessible à l’adresse : https://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0018679
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L’athérosclérose et ses complications cliniques, comme les accidents vasculaires cérébraux ou l’infarctus du myocarde, représentent la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Les anévrysmes de l’aorte abdominale (AAA) représentent une manifestation clinique particulière d’athérothrombose au niveau de l’aorte touchant jusqu’à 9% de la population adulte et expliquant 1-2% de la mortalité des hommes âgés de plus de 65 ans.
Les AAA se caractérisent par la formation d’un thrombus (caillot de sang) dans la lumière de l’aorte qui participe à la dégradation de la paroi et éventuellement à sa rupture, conduisant à la mort appelée aussi, dans ce cas, “rupture d’anévrysme”. Ce thrombus ne bouche pas l’aorte mais est une source d’enzymes qui digèrent la paroi du vaisseau et pourrait servir de point d’accroche pour des bactéries circulantes.
Or, depuis quelques années, des travaux ont montré qu’un traitement avec un antibiotique, la doxycycline réduisait la croissance des AAA. Des études récentes ont également permis de détecter des bactéries parodontales dans des échantillons athérosclérotiques de patients japonais. Cependant, jamais aucune preuve sur l’animal, attestant du lien de cause à effet n’avait été apportée jusqu’à présent.
Grâce à leurs travaux, les chercheurs de l’Inserm et de l’AP-HP coordonnés par Olivier Meilhac, ont montré que les bactéries responsables des maladies de la gencive comme Porphyromonas gingivalis se retrouvaient dans les échantillons aortiques d’anévrysme humains…Olivier Meilhac et son équipe ont donc cherché à élucider les mécanismes par lesquels ces bactéries présentes dans la gencive pouvaient être retrouvées au niveau de l’aorte.
Détails (grossissement ×40 photos du haut, x200 photos du bas et x1000 encadré) du thrombus dans le cas d’un anévrysme de l’aorte abdominale à l’état normal (colonne de gauche) et en présence de la bactérie Porphyromonas gingivalis (colonne de droite).Thrombus accru en présence de la bactérie et cicatrisation moindre © J-B. Michel-O. Meilhac/Inserm
Les chercheurs ont mis en évidence chez des rats, une taille d’anévryme plus importante chez les rats auxquels est injecté P.gingivalis et surtout une absence de cicatrisation similaire à ce qui est observé chez l’homme. La non-cicatrisation de ce thrombus pourrait être expliquée par un recrutement chronique de cellules de l’immunité, appelées neutrophiles, chargées de défendre l’organisme, dont l’activation mènerait à la libération d’élastase qui digère la paroi de l’aorte.
Or, la présence de ces neutrophiles sur la face luminale du thrombus (chez l’homme) ne peut être expliquée que par un agent qui les attire. C’est pour cette raison que l’équipe de recherche a fait l’hypothèse que des bactéries (peu pathogènes) pourraient entretenir ce phénomène de recrutement chronique. L’histologie montre en effet que chez les rats à qui est injecté P. gingivalis de nombreux neutrophiles s’accumulent à la surface du thrombus alors que les rats non-injectés commencent à cicatriser et les neutrophiles sont rares.
Pour les chercheurs, le recrutement de ces cellules pourrait être dû à des infections bactériennes à bas bruit mais récurrentes d’origine buccale. “Ces résultats, à terme, pourraient permettre de ralentir voire stopper la progression des anévrysmes de l’aorte abdominale en traitant la maladie parodontale ou par l’utilisation d’antibiothérapies adaptées”, concluent les auteurs. L’équipe d’Olivier Meilhac visera, dans l’avenir, à vérifier la transposition possible de ces résultats à d’autres manifestations cliniques de l’athérothrombose comme la pathologie carotidienne ou coronaire.