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Dépression : traiter le déclenchement des symptômes à la racine

De nombreux traitements sur le marché améliorent les symptômes dépressifs, mais cette pharmacothérapie n’est efficace qu’après une longue période de traitement et ne fonctionne pas chez 100 % des patients. Des chercheurs de l’Inserm ont identifié des modifications cellulaires cérébrales précoces qui participent au déclenchement des symptômes dépressifs, ainsi qu’une nouvelle cible pharmacologique prometteuse.

Ces résultats sont publiés dans le journal Nature Medicine le 25 janvier 2016.

Manuel Mameli, chargé de recherche Inserm et son équipe de l’Unité Inserm 839 « Institut du Fer à Moulin » (Inserm/UPMC), dont le Dr Salvatore Lecca (postdoctorant), ont cherché à comprendre les modifications cellulaires survenant de manière précoce suite à une expérience stressante. Celles-ci constituent un des facteurs qui contribue aux comportements dépressifs chez les animaux et chez l’homme.

À l’aide de différentes approches électrophysiologiques, virales et pharmacologiques, les chercheurs ont découvert que l’activité des neurones situés dans l’habenula latérale – un noyau du cerveau impliqué notamment dans l’aversion et la déception – augmente après une expérience stressante à cause de la baisse de fonction de deux protéines du contrôle neuronal (GABAB et GIRK).

Les scientifiques de l’Inserm ont conçu une stratégie permettant d’inverser les modifications cellulaires et d’améliorer les symptômes dépressifs après une expérience stressante en ciblant une phosphatase spécifique (PP2A). En utilisant un modèle de rongeur des troubles de l’humeur, qui intègre un nombre de profils comportementaux typiques de la dépression chez l’homme, ils ont montré que l’inhibition de PP2A est efficace et a rapidement amélioré le phénotype comportemental des souris.

« Notre étude présente des mécanismes cellulaires précoces, jusque-là inconnus, capables de déclencher des réponses comportementales complexes. Elle décrit le rôle de l’habenula latéral dans le déclenchement de la dépression. Nos résultats révèlent une potentielle nouvelle cible pharmacologique qui pourra être étudiée pour le traitement des troubles de l’humeur.»

 explique Manuel Mameli, chargé de recherche à l’Inserm.

Un coup d’œil au cerveau pour prévenir la dépression de l’adolescent

Avec 8 % des adolescents touchés selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la dépression représente un vrai problème de santé publique. L’adolescence est une période de transition pendant laquelle les jeunes sont souvent sujets à des épisodes de déprime ce qui complique souvent le diagnostic de cette pathologie.

D’après certaines études, les adolescents souffrant de dépression avérée semblent présenter des altérations de zones du cerveau impliquées dans la réponse à la récompense. Cela expliquerait que le manque d’intérêt et la morosité soient des symptômes plus fréquents que la tristesse.

Pour mieux comprendre ce phénomène, des chercheurs de l’Unité Inserm 1 000 «Neuroimagerie et psychiatrie » dirigée par Jean-Luc Martinot, en collaboration avec une équipe du King’s College (Londres), ont étudié par imagerie par résonance magnétique (IRM), dans le cadre de l’étude européenne IMAGEN, plus de 1 500 jeunes (à 14 ans et deux ans plus tard). Les participants étaient répartis en trois groupes : un groupe souffrant de dépression, un second ayant des symptômes de dépression isolés sans diagnostic réel et enfin un groupe de sujets sains.

Chaque participant devait réaliser une tâche permettant d’évaluer la réponse du cerveau à la récompense (gagner des points dans un jeu). Les résultats de l’IRM simultanée confirment l’hypothèse des scientifiques: les adolescents dépressifs ou présentant des symptômes de dépression ponctuels ont une activité réduite d’une zone du cerveau spécifique, le striatum ventral, impliquée dans le circuit de la récompense. La réponse de cette région est d’autant plus faible que la perte d’intérêt de la personne dépressive est importante.

«La faible activité de cette région détectée chez des adolescents sains à 14 ans est corrélée à l’apparition d’une dépression ou de symptômes de dépression à l’âge de 16 ans », explique Jean-Luc Martinot, directeur de recherche Inserm.

Cette étude montre donc que l’altération du fonctionnement du circuit de la récompense constitue un facteur de vulnérabilité de la dépression chez les adolescents. La détection de symptômes de perte d’intérêt chez l’adolescent et leur prise en compte précoces pourraient permettre de prévoir l’apparition de la maladie ou de récidives, et donc d’intervenir précocement et de manière ciblée en amont de celles-ci.

Découverte d’un nouveau mécanisme d’action d’une protéine toxique dans la maladie de Parkinson

Une équipe coordonnée par Antoine Triller, directeur de recherche Inserm, directeur de l’Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure, et Ronald Melki, directeur de recherche CNRS (Institut des Neurosciences de Paris-Saclay), vient d’identifier la cible d’une protéine l’alpha-synucléine, qui est pathogène dans la maladie de Parkinson. Cette cible est une pompe sodium/potassium ATP-dépendante. Elle peut potentiellement être utilisée pour la mise au point de traitements symptomatiques de la maladie de Parkinson. Le détail de ces travaux est publié dans The EMBO Journal daté du 31 août 2015.

Triller

L’alpha-synucléine forme des fibrilles (en gris) qui se collent (en rouge) sur la membrane des neurones (en vert). Sur la partie droite de la figure : les fibrilles (en rouge), en s’agrégeant, perturbent le fonctionnement de la pompe (en vert) qui maintient le gradient de sodium (Na+). Cela dépolarise le neurone et augmente l’entrée de calcium (Ca2+) qui est toxique pour le neurone.© Inserm/Antoine Triller

L’alpha-synucléine fait partie (avec les protéines tau et bêta amyloïde pour la maladie d’Alzheimer, ou la protéine prion pour la maladie de Kreutzfeld-Jacob,) des protéines pathogènes qui se propagent de cellules en cellules et qui sont associées aux changements physiopathologiques observés dans les maladies neurodégénératives.

Antoine Triller et ses collègues ont montré que cette protéine s’agrège sur la membrane des neurones, et interagit avec une protéine de surface du neurone, la sous unité α3 de la pompe sodium (Na+)/potassium (K+) ATPase. Cette pompe contrôle les flux d’ions sodium et potassium dans les neurones, et par voie de conséquence, l’activité électrique de ces neurones.

Chez l’homme, des mutations de cette pompe sont responsables de symptômes moteurs de la maladie de Parkinson à début précoce et de l’hémiplégie alternante de l’enfant (HAE). Les chercheurs viennent de démontrer que l’apha-synucléine, qui diffuse entre les cellules, interagit avec la pompe Na+/K+ ATPase dans la membrane. La pompe, lorsqu’elle est liée à l’alpha-synucléine est moins à même d’effectuer son activité de pompage. L’excitabilité neuronale est perturbée. Peu à peu, les signaux entre neurones ne sont pas transmis normalement et les symptômes de la maladie de Parkinson ou de l’HAE apparaissent.

Cette découverte a été rendue possible grâce à la combinaison de techniques de biologie moléculaire et de microscopie super-résolutive permettant le suivi des molécules individuelles. Cette dernière approche a été couronnée en 2014 par le prix Nobel de chimie attribué à Eric Betzig, Stephan W. Hell et William E. Moerner.

« Il s’agit d’un nouveau mécanisme permettant d’expliquer au niveau cellulaire les dysfonctionnements neuronaux dans la maladie de Parkinson, explique Antoine Triller, directeur de recherche Inserm. Ce travail met au jour des processus fondamentaux et initiaux de la maladie et permet d’explorer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour en contrôler l’extension et la symptomatologie», complète-t-il.

Observer le cerveau des animaux en mouvement

La complexité du cerveau en fait un organe particulièrement difficile à étudier malgré les progrès technologiques. L’électroencéphalogramme (EEG), comme les techniques optiques, permet d’enregistrer l’activité neuronale chez l’animal mobile, mais les zones étudiées sont limitées par la taille des électrodes ou la diffraction de la lumière. D’un autre côté, l’imagerie par ultrasons ou functional ultrasound (fUS), comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM), enregistre les variations de flux sanguins dans le cerveau. Les neurones actifs nécessitant un apport important de sang, l’afflux sanguin dans une zone est le reflet de l’activité neuronale dans cette même zone. Cependant, ces techniques demandent une immobilité totale des sujets.

Imagerie électro-encéphalographique

Imagerie électro-encéphalographique. © Inserm/CRICM – Plateau MEG/EEG – Inserm U975

Deux équipes dirigées par Ivan Cohen de l’Unité Inserm 1130 « Neuroscience Paris Seine » et Mickaël Tanter de l’Unité Inserm 979 « Physique des ondes pour la médecine » à l’institut Langevin (ESPCI/CNRS), ont réussi à améliorer la méthode fUS afin de la rendre portable et utilisable sur des rats éveillés et mobiles, simultanément à l’EEG.

Afin de démontrer l’intérêt de cette nouvelle méthodologie pour des questions pathologiques, les chercheurs se sont intéressés aux mécanismes cérébraux de rats reproduisant des crises épileptiques.

« Grâce à cette technologie de pointe, nous avons observé de manière précise les modifications du débit sanguin, signes précurseurs de la survenue de la crise épileptique » explique Ivan Cohen, chargé de recherche Inserm.

L’étude des mécanismes cérébraux de l’animal mobile ouvre de nombreuses perspectives dans la compréhension des comportements et des pathologies neurologiques, en cartographiant les régions cérébrales qui leurs sont associées.  En particulier, cette technologie permettra d’associer les données neurologiques et vasculaires qui jouent un rôle clé dans des pathologies comme les démences, les accidents vasculaires cérébraux, les épilepsies, et la maladie d’Alzheimer.

Utiliser Google Trends dans la prévention du suicide ?

Le moteur de recherche Google est aujourd’hui le moteur de recherche le plus utilisé dans le monde. Google Trends est un outil d’analyse statistique des mots entrés dans le moteur de recherche. Lors de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009, un fort pic de croissance pour la recherche du mot « grippe » a été retrouvé dans les régions où avait commencé l’épidémie. Ainsi, Google Trends pourrait être utilisé pour suivre la propagation d’épidémies infectieuses, mais également d’autres phénomènes, comme des épidémies de suicide. C’est cette hypothèse qui a conduit le psychiatre et chercheur Guillaume Fond (Unité Inserm 955, Institut Mondor de recherche biomédicale, Créteil) et son équipe à étudier plus en détails les liens entre nombre de requêtes sur Google de termes tels que suicide, dépression, trouble bipolaire, et…risque d’une « épidémie » de suicides. Ce travail est publié dans la revue Psychiatry Research.

Une épidémie de suicide est une augmentation ponctuelle du taux de suicide dans une population à un moment donné. Ce phénomène a également été nommé « effet Werther », en référence à l’augmentation de suicide qui avait suivi la publication du livre de Goethe Les souffrances du jeune Werther en 1774.

Le but de l’étude réalisée par Guillaume Fond et ses collaborateurs a été de déterminer en quoi Google Trends pouvait aider à suivre des évolutions dans la recherche des mots-clés ou expressions-clés tels que « suicide » ; « comment se suicider », mais aussi « dépression » et « trouble bipolaire », le trouble bipolaire de l’humeur étant très fortement associé au risque suicidaire. 

« Détecter une hausse de la recherche du mot suicide permettrait potentiellement de mettre en place des politiques de prévention ciblées », expliquent les chercheurs. 

Les travaux publiés ce mois-ci montrent plusieurs pics de recherche entre 2005 et 2015 concernant le mot suicide, cette recherche étant dissociée des recherches des mots « dépression » et « bipolaire ». Ces pics de recherche ont parfois été associés à des actualités parues sur internet contenant le mot suicide, essentiellement. D’autres pics n’étaient associés à aucun événement présent sur le web. Ceci n’exclut pas que des reportages ou émission diffusés sur des canaux traditionnels (télévision radio, presse version papier) aient pu avoir une influence, mais celle-ci n’a pas été prise en considération dans le cadre de cette étude.

Ces résultats ont confirmé l’influence très forte des medias sur les taux de recherche de mots clés associés au suicide et à la dépression. Ainsi, la recherche du mot « bipolaire » a progressivement augmenté en France au cours de la dernière décennie. Un pic a été retrouvé dans cette recherche aussi bien en France qu’au niveau mondial au moment de l’annonce de la bipolarité de l’actrice Catherine Zeta-Jones en 2011.

Aussi les auteurs proposent de nommer l’effet de l’influence des medias de l’internet sur la recherche de mots psychiatriques « l’effet Zeta-Jones« , en référence à l’effet Werther.

En conclusion, Google Trends est un outil qui peut fournir certaines informations utiles pour évaluer l’impact de la communication médiatique sur les maladies mentales, mais l’outil n’est pas encore assez précis pour permettre une politique de prévention efficace du suicide.

Perspectives : un outil permettant une analyse fine de certains mots-clés, tel que « suicide » « comment se suicider », à une fréquence hebdomadaire voire journalière associée avec une répartition géographique fine, permettrait d’orienter les politiques de prévention du suicide de manière adaptée et efficace. Suivant le même procédé Google orientant les recherches des internautes en fonction des intérêts perçus par leurs mots clés, une orientation vers un numéro vert ou vers un centre de crise pourrait être imaginée. Ce système pourrait être particulièrement efficace chez les adolescents.

« La limite de ce procédé serait la liberté individuelle et le respect de la vie privée, enjeux très débattus à l’heure actuelle », conclut Guillaume Fond.Symbolbild Zahlen Ziffern

Le glucose au secours de la cécité

La perte des cônes, ces photorécepteurs situés dans la rétine, constitue la cause majeure de handicap pour les personnes souffrant de dégénérescences rétiniennes héréditaires. Empêcher leur perte permettrait à plus d’un million de personnes dans le monde de ne pas devenir aveugle.

Le diagnostic de rétinite pigmentaire, un des types de dégénérescences rétiniennes héréditaires, est généralement posé chez de jeunes adultes. Cette maladie résulte d’une dégénérescence progressive des photorécepteurs situés dans la rétine (bâtonnets et cônes). Au début, elle touche principalement les fonctions des bâtonnets : 1 000 fois plus sensibles à la lumière que les cônes, ce sont eux qui contribuent à la vision de nuit. Les symptômes les plus fréquents au début de la maladie sont donc une cécité de nuit. Puis, par une réaction en chaine , les cônes finissent par dégénérer à leur tour et les patients souffrent de troubles visuels sévères à partir de 40 à 50 ans.

La prévention de la dégénérescence secondaire des cônes constitue une approche thérapeutique très prometteuse. Après avoir testé le potentiel effet protecteur de 200 000 gènes sur l’œil, Thierry Léveillard et son équipe ont démontré il y a quelques années que le facteur de viabilité des cônes dérivés des bâtonnets (Rod-derived cone viability factor, (RdCVF)) induit directement la survie des cônes et augmente leur nombre. Les résultats de ces premiers travaux ont mis en évidence une récupération de la vision chez les patients.

Dans ce nouveau travail paru dans la revue Cell, Thierry Léveillard et son équipe ont élucidé le mécanisme d’action de RdCVF sur les cônes : il favorise leur survie en stimulant la glycolyse aérobie. La glycolyse aérobie fournit aux cônes le substrat nécessaire au renouvellement quotidien d’une partie du segment externe des cônes, la structure cellulaire qui porte les molécules sensibles à la lumière.

Ce mécanisme fait intervenir plusieurs intermédiaires dont la protéine membranaire Basigin-1 exprimée spécifiquement par les photorécepteurs. Sous l’action de RdCVF, elle se lie à un transporteur de glucose qui favorise l’entrée du glucose dans les cônes qui métabolisent eux-mêmes le glucose via la glycolyse aérobie.

Ce type très particulier de métabolisme du glucose, jamais décrit pour les cellules neuronales, est typique des cellules cancéreuses qui prolifèrent et utilisent aussi des quantités importantes de ces métabolites.

« Quand on sait par ailleurs que les photorécepteurs sont des neurones rétiniens, notre travail révèle un mécanisme entièrement nouveau de neuroprotection qui pourrait concerner d’autres neurones » prédit Thierry Léveillard directeur de recherche à l’Inserm auteur de ces travaux.

« Ces résultats apportent également une pierre de plus à nos travaux sur RdCVF. Nous avons identifié ce facteur en 2004 avec José Sahel. Puis, son action thérapeutique a été validée dans des modèles animaux en 2009 et plus récemment en 2015. Des tests devant mener à un essai clinique sont en cours. Comprendre comment RdCVF agit était indispensable pour continuer à écrire cette histoire entre recherche fondamentale et applications thérapeutiques.« 

Abus de drogues et dépression : une nouvelle piste dans la compréhension des mécanismes cérébraux

L’état de manque, lors de la cessation de la prise de drogues addictives telles que la cocaïne, provoque des états d’anxiété et de dépression. Ce processus pousse l’individu à vouloir recourir de nouveau à cette substance et participe alors à la mise en place de la toxicomanie. Le syndrome dépressif représente ainsi un des obstacles supplémentaires à surmonter pendant le sevrage des personnes dépendantes.

Pour mieux comprendre les fondements neuronaux d’un tel phénomène, une équipe de l’Inserm au sein de l’Institut du Fer à Moulin (UMR-S 839 dirigée par le Dr Mameli) s’est penchée sur les réponses neurophysiologiques qui suivent l’exposition à la cocaïne chez la souris. Les chercheurs ont alors remarqué une hausse de l’activité des neurones de l’habénula latérale se projetant vers le mésencéphale, la connexion anatomique entre ces deux structures étant connue pour répondre aux évènements désagréables. Cette hyperactivité neuronale est durable et persiste jusqu’à plusieurs jours après l’exposition initiale à la drogue. Parallèlement, ils observent l’émergence de symptômes dépressifs chez ces souris en période de manque.

En bloquant cette activité neuronale excessive dans leur modèle murin, le Dr Mameli et ses collègues ont réussi à empêcher le développement de comportements dépressifs émergeant pendant la période de manque.

Bien que des études complémentaires soient nécessaires avant une éventuelle application clinique, cette étude a permis de découvrir de nouvelles cibles moléculaires et anatomiques potentielles pour l’amélioration des états émotionnels négatifs associés aux drogues, telles que la dépression.

Ce mécanisme nouvellement identifié pourrait être commun à plusieurs désordres affectifs tels que l’anhédonie – incapacité à ressentir du plaisir – et le sentiment de désespoir qui sont aussi caractérisés par un dysfonctionnement de l’habénula latérale.

Ces résultats sont à prendre avec prudence et ne pourraient être considérés comme une solution aux risques liés à la prise de substances addictives.

cerveau

©Fotolia

Quand respirer nous libère l’esprit

Certaines activités, comme la marche ou la respiration, présentent la propriété singulière de pouvoir être réalisées de manière volontaire ou automatique. Par exemple, chacun d’entre nous peut décider de prendre une grande inspiration et de garder les poumons gonflés quelques secondes pour ensuite expirer lentement. A l’inverse, nous respirons la plupart du temps sans y penser, et c’est d’ailleurs ce qui se passe chaque nuit. Si les structures nerveuses en charge de la respiration automatique situées dans le tronc cérébral sont assez bien connues, celles liées à la respiration volontaire demeurent davantage mystérieuses.

Lunge mit Bronchien in grauem Umfeld

© psdesign1

Pour en savoir plus, des chercheurs de l’Inserm dirigés par Lionel Naccache (au sein de l’ICM, un centre de recherche UPMC, ICM, Inserm situé à la Pitié-Salpêtrière), en collaboration avec les professeurs Thomas Similowski et Christian Straus (Département de Pneumologie de la Pitié-Salpêtrière, et Inserm), ont eu l’idée de comparer l’activité cérébrale d’une jeune femme éveillée atteinte du syndrome d’Ondine, lorsqu’elle respirait volontairement ou était aidée par un système de ventilation externe.

Qu’est-ce que le syndrome d’Ondine?

Les nouveau-nés porteurs de cette mutation naissent avec un dysfonctionnement sévère de la structure du tronc cérébral en charge de la respiration automatique. Leur respiration volontaire est toutefois intacte. Conséquence immédiate : dans les formes les plus sévères, les patients meurent dès qu’ils s’endorment. Le traitement consiste à équiper ces patients de ventilateurs externes qu’ils utilisent dès lors qu’ils se couchent, même pour une simple sieste.

Premier résultat : lorsqu’elle respirait avec l’aide d’un ventilateur externe, l’activité de son cerveau mesurée par IRM fonctionnelle était bien plus proche de celle d’un sujet sain que lorsqu’elle respirait volontairement. A l’inverse, sans aide supplémentaire, de nombreuses régions de son cerveau étaient davantage occupées à contrôler le tronc cérébral (qui dans son cas n’est pas capable de « piloter » seul la respiration) qu’à participer à un réseau cérébral de repos. Ce résultat est important car ce réseau est associé à la conscience de soi, à l’introspection et à l’imagination.

Second résultat : cet effort cérébral, induit par la respiration volontaire, avait des répercutions sur le plan mental ou cognitif. Dans plusieurs tâches cognitives, la patiente s’est montrée plus efficace lorsqu’elle respirait à l’aide du ventilateur que lorsqu’elle respirait volontairement.

Ces résultats éclairent d’une manière originale les mécanismes automatiques (tronc cérébral) et volontaires (cortex) de la respiration, et nous informent sur l’impact cognitif associé à la respiration volontaire. Plus largement encore, ces résultats nous permettent de prendre conscience des ressources cognitives qui sont rendues disponibles lorsque nous respirons de manière automatique et sans y penser.

L’exploration tactile décryptée

Comment distingue-t-on précisément la texture des objets au toucher? C’est ce que viennent de décrypter  Clément Léna, directeur de recherche Inserm et Daniela Popa, chargée de recherche Inserm au sein de l’Unité mixte de recherche 1024 « Institut de biologie de l’école normale supérieure » (Inserm, ENS, CNRS) dans une étude publiée dans la revue Nature Neuroscience. Des interactions jusque-là non identifiées entre plusieurs régions cérébrales, ajustent le mouvement et affinent le toucher.

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont étudié le sens du toucher chez la souris. Ce sens est très développé chez les rongeurs nocturnes qui ont une vue médiocre mais qui utilisent leurs vibrisses, sortes de longues moustaches mobiles, pour explorer leur environnement par tâtonnement. Chez la souris, les aires cérébrales dédiées au toucher avec les vibrisses sont proportionnellement aussi étendues que celles du toucher avec la main chez l’homme. Les vibrisses très sensibles permettent, à l’image de la main des primates, de percevoir les textures, les formes et les dimensions, grâce à un contrôle extrêmement précis de leurs mouvements.

souris blanches et noires

© A. Eychène / F. Bertrand (Institut Curie)

En stimulant les zones cérébrales des souris grâce à l’optogénétique[1], les chercheurs révèlent l’existence d’un circuit fonctionnel entre le cervelet, les cortex sensoriels et moteurs. Lorsque ce circuit ne fonctionne plus, les souris ne peuvent plus explorer correctement leur environnement, effleurer les objets de manière précise, ce qui modifie leur perception de l’environnement.

« Les boucles du circuit permettent au cervelet, une zone cérébrale clé, d’ajuster en permanence les signaux du cortex sensorimoteur. Les mouvements du corps (des vibrisses chez la souris ou des doigts chez l’homme) sont alors adaptés pour effleurer précisément les objets.

C’est ce qui nous rend capable de distinguer ce que l’on touche et de percevoir la texture d’une surface en la caressant, sans faire de mouvements grossiers » explique Clément Léna, directeur de recherche Inserm.

L’équipe de recherche s’intéresse désormais à la fonction de ce circuit, qui lie cervelet et le cortex, dans les maladies où les fonctions motrices sont altérées telles que la maladie de Parkinson et les dystonies[2]. « Les outils que nous développons au laboratoire devraient permettre de progresser dans la compréhension de ces maladies et dans l’élaboration de traitements symptomatiques, » conclut Daniela Popa, chargée de recherche à l’Inserm, co-auteur de ces travaux.

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Connections cérébrales entre le cortex et le cervelet permettant l’exploration tactile. Les cortex moteur (rouge) et somatosensoriel (jaune) sont connectés au cervelet (vert) via le pons (vert). Les noyaux cérébelleux (bleu) projettent en retour vers les cortex moteur, via le thalamus (violet). Cette boucle fermée est nécessaire pour générer des mouvements fins utilisés lors de l’exploration tactile (effleurements, palpation).

© Inserm / C.Léna


[1]              Technique permettant de stimuler avec de la lumière les neurones rendus sensibles par des méthodes génétiques

[2]              Maladies caractérisée par des mouvements involontaires des muscles d’une ou de plusieurs parties du corps, entraînant souvent une torsion ou une distorsion de cette partie.

Le traitement par L-Dopa diminue les troubles du sommeil liés à la maladie de Parkinson

Les patients atteints de la maladie de Parkinson se plaignent de troubles du sommeil sévères qui se traduisent par des insomnies et à l’inverse des périodes de somnolence au cours de la journée. Si le traitement dopaminergique améliore radicalement les symptômes moteurs de la maladie (en calmant entre autres les tremblements), son action sur le sommeil restait controversée suggérant que l’altération d’autres neurones (non dopaminergiques) serait à l’origine de ces autres symptômes. L’implication possible des neurones du noyau pédonculopontin (PPN) qui règle le sommeil et l’éveil était en particulier postulée.

Des chercheurs de l’Inserm sous la direction de Chantal François (Unité Inserm 1127/ Institut du cerveau et de la moelle épinière/Université Pierre et Marie-Curie/AP-HP) ont pu, grâce à un appareillage miniaturisé, enregistrer et mesurer dans la durée, la qualité du sommeil chez des modèles animaux atteints de la maladie de Parkinson.

Il ressort de cette étude qu’une lésion dopaminergique pure induit des troubles du sommeil, et que le traitement par L-Dopa les améliore significativement.

 Les résultats montrent effectivement une réduction des phases de somnolence dans la journée, une diminution des réveils impromptus, et une augmentation générale du temps de sommeil.

Le noyau pédonculopontin est quant à lui bien impliqué dans la régulation du cycle éveil/sommeil. Son altération modifie la qualité du sommeil des animaux parkinsoniens après avoir induit des troubles sévères mais transitoires.

Ces résultats suggèrent que la stimulation du noyau pédonculopontin à l’aide d’électrodes pourrait être bénéfique chez les patients parkinsoniens qui souffrent de graves troubles du sommeil, comme le montrent des essais cliniques récents.

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