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Dans les pages d’un magazine féminin, une jeune femme témoigne : « Après ma séance de cryothérapie, je me suis sentie en pleine forme…Une autre s’extasie sur les effets de cette « thérapie par le froid » sur sa peau. Sur les réseaux sociaux, les blogs et les forums en ligne, des dizaines de témoignages de ce type se multiplient. La cryothérapie « corps entier » y est présentée comme le nouveau traitement de choix pour soigner tout un tas de troubles, des insomnies à la dépression en passant par les maladies inflammatoires ou encore les troubles asthmatiques. Certaines cliniques peu scrupuleuses annoncent même que cette pratique pourrait soigner le cancer.
Alors, pourquoi la cryothérapie « corps entier », qui consiste à s’enfermer pour une courte durée dans des cabines dont la température peut descendre sous -110 degrés rencontre-t-elle un tel engouement ? Les bénéfices du froid extrême sur la santé ont-ils réellement été démontrés ? Et peut-on vraiment opter pour ce traitement sans courir aucun risque ?
L’usage du froid à des fins médicales est loin d’être nouveau. Depuis l’Antiquité, le froid est en effet utilisé pour lutter contre les douleurs et l’inflammation. Ainsi, on retrouvait déjà dans les aphorismes d’Hippocrate, l’utilisation de la neige ou de la glace pour leurs vertus antalgiques et anti-inflammatoires.
Toutefois, depuis quelques dizaines d’années, cet intérêt pour les vertus thérapeutiques du froid va bien plus loin. Des techniques d’exposition au froid de l’ensemble du corps, couramment désignés sous le nom de cryothérapie « corps entier », ont gagné du terrain. Deux modalités sont en général proposées à ceux qui souhaitent y prendre part : l’exposition tête comprise dans une chambre cryogénique pendant 2 à 3 minutes à un froid sec (-110 à -170°C) et l’exposition dans une cabine cryogénique ouverte au niveau de la partie supérieure afin que la tête ne soit pas exposée, à un nuage de gaz liquéfié à très faibles températures (-110 à -195°C).
Si à l’origine, ces soins étaient surtout destinés aux athlètes de haut niveau pour traiter les douleurs musculaires, des patients atteints de pathologies très diverses y ont désormais recours. Certaines personnes se tournent même vers la cryothérapie dans un objectif de « bien-être » ou esthétique.
Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer les potentiels effets anti-inflammatoires et analgésiques de la cryothérapie. En provoquant un choc thermique, la cryothérapie entrainerait une augmentation du métabolisme cellulaire ainsi qu’un phénomène de vasoconstriction (réduction du diamètre des vaisseaux sanguins). A partir de là plusieurs mécanismes en cascade pourraient être impliqués, par exemple pour la récupération musculaire chez le sportif avec augmentation du débit sanguin, meilleure oxygénation et élimination des déchets, meilleure cicatrisation des microlésions.
Quelques études cliniques ont été réalisées dans diverses indications (notamment dans les douleurs lombaires, la fibromyalgie, les maladies rhumatismales). Certaines ont esquissé de possibles effets favorables. Par exemple, une étude chez les patients atteints de fibromyalgie a comparé deux groupes de patients : la moitié des patients ont bénéficié de 10 séances de cryothérapie à -196°C pendant 3 semaines, l’autre moitié ne bénéficiant d’aucun traitement. A la fin des 3 semaines, les patients traités décrivaient des douleurs moins importantes et une meilleure qualité de vie que les patients non traités.
De manière générale, les études sur le sujet sont très rares et de mauvaise qualité. Les quelques études réalisées impliquaient peu de sujets et mesuraient l’efficacité des traitements sur des temps courts alors que les maladies chroniques vers lesquelles se destinerait la cryothérapie corps entier s’inscrivent dans un temps long. Les effets potentiellement thérapeutiques de la cryothérapie corps entier sont donc loin d’être démontrés. En tout état de cause, la cryothérapie corps entier ne peut en aucune façon revendiquer de traiter efficacement des cancers ou d’autres pathologies somatiques sévères.
Pire, la cryothérapie corps entier pourrait aussi poser des problèmes de sécurité, comme en témoignent des études de cas publiées, des témoignages de professionnels voire des affaires en justice : brulures locales au 1er ou 2ème degré, céphalées ou accentuations des douleurs présentes, urticaire chronique au froid, intolérances digestives, augmentation de la tension artérielle et plusieurs cas d’ictus amnésique (amnésie transitoire). Autant de risques qui doivent être bien mis dans la balance avant de se lancer et d’opter pour le « froid » en tant que traitement.
En France, aucune réglementation ne restreint actuellement l’exploitation de cabines de cryothérapie corps entier à une profession donnée. Cependant, les séances ne sont pas conventionnées par l’Assurance Maladie.
La cryochirurgie est à distinguer de la cryothérapie corps entier. Il s’agit d’une technique chirurgicale visant la destruction par le froid et à l’ablation de tissus ou de petites lésions superficielles par application de gaz cryogénique.