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Le “Féminin Sacré” pour lutter contre l’endométriose, vraiment ?

Ces dernières années, des craintes ont été évoquées concernant certaines approches thérapeutiques alternatives auxquelles des femmes souffrant d’endométriose peuvent avoir recours. Canal Détox revient ici sur cette problématique.

 

Le 20 Nov 2024 | Par Inserm (Salle de presse)

« Je propose des soins énergétiques du Féminin sacré pour renouer avec soi-même, retrouver sa véritable nature sensuelle, puissante, sauvage et libre… Des soins pour soulager l’endométriose et le syndrome polykystique. »

« Je vous guide vers la guérison de votre féminin blessé (endométriose, cancer du sein, de l’utérus, troubles gynécologiques …). »

De telles propositions fleurissent sur certains sites de thérapeutes auto-proclamés ou encore sur des comptes Instagram. Au cœur des discours qui sont relayés, on retrouve bien souvent le concept de Féminin sacré, qui se situe à l’intersection entre la spiritualité et le développement personnel.

Définir le Féminin sacré n’est pas aisé, car il s’agit d’un mouvement pluriel, qui ne fait ni référence à une communauté homogène ni à des pratiques ou des idées toujours bien définies. Néanmoins, un aspect semble être central : la notion que les femmes possèderaient un « pouvoir », une puissance intérieure particulière, à explorer et à célébrer.

Comme la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) le souligne dans un rapport datant de 2022, le Féminin sacré est d’ailleurs souvent présenté comme un travail de « reconnexion » du corps et de l’esprit, enseigné lors de stages et de rituels ou encore auprès de personnes qui se définissent comme « thérapeutes ».

Si l’émancipation des femmes, la sororité et la quête de sens sont au cœur de la théorie du Féminin sacré, certains observateurs, dont la Miviludes, s’inquiètent toutefois de potentielles dérives. Parmi les critiques qui sont soulevées : une tendance à essentialiser les femmes en les réduisant à des fonctions biologiques ou des facultés reproductives, ou encore le fait que le Féminin sacré s’apparente souvent à un business, reposant sur une offre de stages et de pratiques non réglementées aux coûts élevés.

Ces dernières années, des craintes ont également été évoquées en lien avec de potentielles répercussions sur la santé des femmes, notamment celles qui souffrent d’endométriose. Canal Détox revient ici plus spécifiquement sur cette problématique.

 

Des patientes à la recherche de solutions

L’endométriose est une maladie gynécologique qui concerne environ une femme sur dix en âge de procréer. Causée par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, elle peut provoquer des douleurs parfois invalidantes, notamment au moment des règles. D’autres symptômes peuvent être observés, variables d’une femme à l’autre : troubles digestifs, fatigue chronique, douleurs pendant les rapports sexuels, en allant aux toilettes… Enfin, pour les femmes en âge de procréer, la maladie peut dans certains cas être associée à une infertilité.

Ces dernières années ont été marquées par un renouveau d’intérêt pour l’endométriose dans la communauté scientifique et médicale, renforcé en 2022 par le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose.

Aucune solution n’existe à ce jour pour guérir de l’endométriose. Des traitements visant à réduire les symptômes sont disponibles, mais ils ne sont pas efficaces pour toutes les patientes. En cas d’échec de ces médicaments, une chirurgie peut être proposée pour éliminer les lésions associées à la maladie, ce qui peut entraîner une disparition des symptômes à plus ou moins long terme.

Néanmoins, cette stratégie n’est là encore pas toujours efficace, puisqu’il y a un risque de récidive. Des travaux ont ainsi estimé qu’environ la moitié des patientes présentaient des symptômes récurrents dans les cinq ans, quelle que soit l’approche thérapeutique utilisée.

Par ailleurs, des retards de diagnostic peuvent aussi compliquer la prise en charge. Il n’existe aujourd’hui pas de technique de dépistage spécifique de la maladie, que ce soit pour les femmes à risque ou en population générale. Les patientes qui présentent des symptômes peuvent se voir proposer un examen clinique (examen gynécologique) qui permet ensuite d’orienter la prescription d’une échographie endovaginale ou d’une IRM pelvienne. Seuls ces examens couplés à une biopsie (lorsque celle-ci est possible) sont capables de donner des réponses fiables aux patientes.

Cette situation, associée à une connaissance insuffisante de l’endométriose par les professionnels de santé, engendre des retards de diagnostic importants, et explique qu’à l’heure actuelle, il s’écoule en moyenne un délai de 7 à 12 ans, selon les études, avant que le diagnostic ne soit définitivement posé.

Confrontées à une large palette de symptômes qui impactent directement leur qualité de vie, à des traitements pas toujours efficaces et à des retards de diagnostic qui peuvent partiellement être dus à une minimisation, une normalisation ou une psychologisation des symptômes par certains professionnels de santé, une forme de découragement et de défiance des patientes envers la médecine peut s’installer. 

Certaines patientes peuvent être amenées à se détourner d’une prise en charge médicale « conventionnelle » pour chercher d’autres solutions.

 

Des approches non médicamenteuses utiles ?

Les premiers résultats issus de la cohorte ComPaRe Endométriose coordonnée par la chercheuse Marina Kvaskoff, Prix Inserm Science et société-Opecst 2023, ont ainsi souligné que 80 % des participantes atteintes d’endométriose ont eu recours au moins une fois à une pratique alternative comme l’ostéopathie, l’acupuncture, la méditation ou la sophrologie…

Il faut noter qu’à l’heure actuelle, la plupart de ces pratiques n’ont pas démontré d’efficacité propre, supérieure à un placebo. Si certaines études démontrent une efficacité pour certaines pratiques, leur méthodologie peut comporter des limites. Et à l’inverse, d’autres travaux n’ont pas démontré l’efficacité de ces pratiques. Aucun consensus clair n’est donc en mesure de se dégager à leur sujet.

Néanmoins, il semblerait que l’efficacité perçue de certaines approches non conventionnelles serait principalement liée au contexte de ces consultations : les praticiens qui proposent ces approches prennent généralement le temps de recevoir les patientes, et ont une écoute attentionnée et bienveillante qui peut parfois manquer dans les consultations de médecine conventionnelle.

En ce sens, les effets contextuels, présents dans ces approches comme dans tout acte thérapeutique, peuvent aider les patientes dans la gestion de leurs symptômes. Toutefois, le recours à ces pratiques ne doit en aucun cas se substituer entièrement aux traitements médicaux, et il est important d’en faire part à l’équipe médicale qui suit la patiente.

 

« Culpabilisation » des femmes

Or c’est justement ce point qui inquiète certains soignants. Ils craignent que des « thérapeutes » autoproclamés qui proposent des approches non médicamenteuse – tout particulièrement des approches peu documentées s’appuyant sur une rhétorique propre au Féminin sacré – conduisent certaines patientes à renoncer entièrement aux soins et aux traitements médicamenteux.

Nuançons : nous ne disposons pas de données solides concernant le nombre de patientes qui ont recours à de telles approches pour « soigner leur féminin blessé » ou qui participent à des cérémonies de bénédiction de l’utérus – des rituels s’appuyant sur une « technique énergétique cherchant à harmoniser les énergies des femmes » – dans l’espoir d’apaiser leurs symptômes. Il est néanmoins utile, alors que les mouvements fondés sur le Féminin sacré prennent de l’ampleur, de rappeler que toutes les approches « thérapeutiques » qui en découlent ne s’appuient en aucun cas sur des preuves scientifiques solides, qu’elles sont souvent coûteuses pour les patientes et qu’elles peuvent conduire à une culpabilisation des femmes.

Sur ce dernier point, la Miviludes alertait notamment sur le fait que certaines femmes peuvent être confrontées à un discours hasardeux et culpabilisant, qui les ferait se sentir responsables de leurs symptômes : « Il est affirmé que si une femme a des règles douloureuses, c’est qu’elle n’est pas en accord avec sa nature profonde de femme. En d’autres termes, elle serait responsable de cette souffrance. »

L’endométriose est une maladie qui est longtemps restée dans l’ombre, ce qui explique le désarroi des patientes et leur volonté de se tourner parfois vers des solutions non médicamenteuses et des alternatives à la médecine conventionnelle.

De nouvelles connaissances sur l’endométriose, et un accompagnement plus bienveillant des patientes, émergent peu à peu, ouvrant la voie à un meilleur repérage ainsi qu’une meilleure prise en charge.

Il est maintenant nécessaire de continuer les efforts de recherche et de communication auprès des patientes et d’apprendre à mieux les écouter.

Améliorer les parcours de soin, notamment en matière de relation de soin, est une voie qu’il faut poursuivre si l’on veut réellement accompagner les patientes et si l’on souhaite éviter toute dérive et tout renoncement à une prise en charge médicale.

Il pourrait également être intéressant que les soignants soient eux-mêmes formés sur les fondements des « thérapies » ou des pratiques qui n’ont pas de base scientifique solide, ainsi que sur leurs dérives, afin qu’ils puissent mieux informer les patientes de manière transparente, et que celles-ci puissent faire un choix parfaitement éclairé sur les soins complémentaires auxquels elles souhaitent avoir recours.

Texte rédigé avec le soutien de Marina Kvaskoff, directrice de recherche Inserm, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à Villejuif et d’Hélèna Schoefs, doctorante en sociologie au Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Lapsco), université Clermont-Auvergne – Unité de recherche Adaptation, résilience et changement (ARCh), université de Liège (Belgique)

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