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Un « nano-robot » entièrement construit à base d’ADN pour explorer les processus cellulaires

Les scientifiques sont parvenus à concevoir un « nano-robot » composé de trois origamis d’ADN. Crédits : Gaëtan Bellot/Inserm

Mieux comprendre divers processus invisibles à l’œil nu, qui ont lieu à l’échelle de nos cellules, grâce à un minuscule robot construit à base dADN… Si cela s’apparenterait presque à un projet de science-fiction, il s’agit en fait de travaux très sérieux menés par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpellier au Centre de biologie structurale de Montpellier[1]. Ce « nano-robot », très innovant, devrait permettre d’étudier de plus près des forces mécaniques qui s’appliquent à des niveaux microscopiques et qui sont cruciales pour de nombreux processus biologiques et pathologiques. Le dispositif est décrit dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communications.

Des forces mécaniques s’exercent à l’échelle microscopique sur nos cellules, déclenchant des signaux biologiques qui sont essentiels à de nombreux processus cellulaires impliqués dans le fonctionnement normal de notre organisme ou dans le développement de pathologies.

Par exemple, la sensation de toucher est en partie conditionnée à l’application de forces mécaniques sur des récepteurs cellulaires spécifiques (dont la découverte a été récompensée cette année par le prix Nobel de médecine).

Outre le toucher, ces récepteurs sensibles aux forces mécaniques (on parle de mécano-récepteurs) permettent la régulation d’autres processus biologiques clés comme la constriction des vaisseaux sanguins, la perception de la douleur, la respiration ou encore la détection des ondes sonores dans l’oreille, etc.

Un dysfonctionnement de cette mécano-sensibilité cellulaire est notamment impliqué dans de nombreuses pathologies comme le cancer : les cellules cancéreuses migrent dans le corps en sondant et en s’adaptant constamment aux propriétés mécaniques de leur microenvironnement. Cette adaptation peut se faire seulement parce que des forces spécifiques sont détectées par des mécano-récepteurs qui transmettent l’information vers le cytosquelette des cellules.

A l’heure actuelle, nos connaissances sur ces mécanismes moléculaires impliqués dans la mécano-sensibilité cellulaire sont encore très limitées. Plusieurs technologies sont déjà disponibles pour appliquer des forces contrôlées et étudier ces mécanismes, mais elles comportent un certain nombre de limites. Elles sont notamment très coûteuses et ne permettent pas d’étudier plusieurs récepteurs cellulaires à la fois, ce qui signifie qu’elles sont très chronophages à utiliser si l’on souhaite collecter de nombreuses données.

Origamis d’ADN

Pour proposer une alternative, l’équipe de recherche menée par le chercheur Inserm Gaëtan Bellot au Centre de biologie structurale (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) a décidé de s’appuyer sur la méthode des origamis d’ADN. Celle-ci permet l’auto-assemblage de nanostructures 3D dans une forme prédéfinie en utilisant la molécule d’ADN comme matériel de construction. Au cours des dix dernières années, la technique a permis des avancées majeures dans le domaine des nanotechnologies.

Les chercheurs et chercheuses sont ainsi parvenus à concevoir un « nano-robot » composé de trois origamis d’ADN. De taille nanométrique, il est donc compatible avec la taille d’une cellule humaine. Il permet pour la première fois d’appliquer et de contrôler une force avec une résolution de 1 piconewton, soit un mille-milliardième de Newton, un Newton correspondant à la force d’un doigt sur le poussoir du stylo. C’est la première fois qu’un objet auto-assemblé à base d’ADN créé par l’humain peut appliquer une force avec cette précision.

Dans un premier temps, le robot est couplé avec une molécule qui reconnaît un mécano-récepteur. Ce couplage permet ensuite de diriger le robot sur certaines de nos cellules et appliquer spécifiquement des forces sur les mécano-récepteurs cellulaires ciblés et localisés à la surface des cellules afin de les activer.

Un tel outil est très précieux pour la recherche fondamentale, car il pourrait être utilisé pour mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans la mécano-sensibilité cellulaire et découvrir de nouveaux récepteurs cellulaires sensibles aux forces mécaniques. Grâce au robot, les scientifiques pourront également étudier plus précisément à quel moment, lors de l’application d’une force, des voies de signalisation clés pour de nombreux processus biologiques et pathologiques s’activent au niveau des cellules.

« La conception d’un robot qui permet d’appliquer des forces de l’ordre du piconewton in vitro et in vivo répond à une demande croissante dans la communauté scientifique et représente une avancée technologique importante. En revanche, la biocompatibilité du robot peut être à la fois considérée comme un avantage pour des applications in vivo mais également représenter une faiblesse avec une sensibilité aux enzymes qui peuvent dégrader l’ADN. Donc la prochaine étape de notre travail sera d’étudier comment on peut modifier la surface du robot pour qu’il soit moins sensible à l’action des enzymes. Nous allons également tenter de trouver d’autres modes d’activation de notre robot en utilisant par exemple un champ magnétique », souligne Gaëtan Bellot.

[1] Ont également contribué à ces travaux l’Institut de génomique fonctionnelle (CNRS/Inserm/Université de Montpellier), l’Institut des biomolécules Max Mousseron (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM), le Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux) et le laboratoire Physiologie et médecine expérimentale du cœur et des muscles (CNRS/Inserm/Université de Montpellier.

L’intensité de la douleur est contrôlée par l’horloge interne

horloge

Selon les résultats de cette étude, l’intensité de la douleur varie sur 24 heures avec une intensité maximale ressentie entre 3 et 4 heures du matin. © Adobe Stock

Comme de très nombreuses fonctions de l’organisme, l’intensité de la douleur est contrôlée par l’horloge circadienne interne. C’est ce que vient de découvrir une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm au sein du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS). Elle montre qu’elle oscille sur 24 heures avec un pic la nuit et une baisse dans l’après-midi indépendamment de toute stimulation extérieure et du cycle veille-sommeil. Cette découverte pourrait aboutir à de nouvelles approches pour le traitement de la douleur. Ces travaux paraissent dans Brain.

Le niveau d’activité de nombreuses fonctions de l’organisme est régulé par une horloge interne calée sur un rythme d’environ 24 heures : le système veille/sommeil, la température corporelle, la pression artérielle, la production d’hormones, la fréquence cardiaque, mais aussi les capacités cognitives, l’humeur ou encore la mémoire. À cette longue liste, on peut désormais ajouter la douleur. L’équipe du chercheur Inserm Claude Gronfier au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, vient de montrer que c’est également son cas.

L’intensité de la douleur suit une courbe sinusoïdale sur 24 heures avec une intensité maximale entre 3 et 4 heures du matin et minimale autour de 15 et 16 heures l’après-midi, indépendamment du comportement et de tout facteur extérieur de l’environnement.

Pour le mettre en évidence, les chercheurs ont étudié douze jeunes adultes au laboratoire dans des conditions d’isolation temporelle et de constante routine. Ils les ont maintenus éveillés pendant 34 heures sans qu’aucun signal externe ni rythme environnemental ne leur parviennent : pas d’horaire, pas de repas à heure fixe mais une collation chaque heure, une température et une faible luminosité constantes, pas de changement de posture (position semi-allongée) et pas de rythme d’activité/repos. L’objectif était d’évaluer si la perception douloureuse était rythmique dans ces conditions, afin de pouvoir conclure qu’elle était contrôlée par l’horloge interne.  

Dans cette situation, les chercheurs ont exposé l’avant-bras des participants à une source de chaleur toutes les deux heures. D’une part les participants devaient indiquer quand le stimulus devenait douloureux lors de l’augmentation de la température, et d’autre part, ils devaient évaluer l’intensité de la douleur sur une échelle de 1 à 10 lors de l’application d’une température de 42, 44 ou 46 degrés Celsius. Deux approches complémentaires destinées à vérifier la concordance des résultats.

Une variation sur 24 heures

Les chercheurs ont observé chez tous les sujets une rythmicité de la sensation douloureuse, au cours des 24 heures. « Les résultats sont très homogènes avec une association extrêmement significative », explique Claude Gronfier. En outre, ils ont constaté, comme le clamaient de précédents travaux sans l’avoir démontré, que la sensibilité à la douleur augmentait de façon linéaire avec la dette de sommeil : plus la dette de sommeil est importante, plus l’intensité de la douleur ressentie l’est également.  « Il est souvent dit que le sommeil a une action antalgique. Mais en modélisant mathématiquement nos résultats, nous montrons que l’horloge interne est responsable de 80 % de la variation de la sensation douloureuse au cours de 24 heures, contre seulement 20 % pour le sommeil », clarifie-t-il.

Cette variation circadienne de la douleur a certainement une utilité physiologique selon Claude Gronfier. « On ne sait pas pourquoi la sensibilité est maximale au milieu de la nuit. On peut penser que l’évolution a mis cela en place afin d’être réveillé rapidement en cas de contact douloureux et d’éviter une menace vitale. Pendant la journée, l’individu est conscient de l’environnement et plus facilement sujet aux blessures ; ce signal d’alerte pourrait donc être moins nécessaire. » Cette découverte s’intègre dans le concept de la médecine personnalisée, et plus exactement de la médecine circadienne. Celle-ci est en train d’émerger et tient compte des rythmes biologiques dans la prise en charge des patients.

« D’après ces résultats, il est légitime de penser qu’améliorer la synchronisation des rythmes biologiques et/ou la qualité du sommeil chez des individus souffrant de douleurs chroniques pourrait participer à une meilleure prise en charge thérapeutique, estime Claude Gronfier. En outre, tout comme la chronothérapeutique du cancer a fait ses preuves avec une meilleure efficacité et une toxicité réduite en cas d’administration des médicaments à certains moments de la journée, adapter un traitement antalgique selon le même procédé en tenant compte du rythme biologique de chaque individu, pourrait accroître son efficacité tout en réduisant la dose nécessaire et les potentiels effets indésirables. Mais cette hypothèse reste à valider par des essais cliniques avant de pouvoir proposer cette approche chronobiologique aux patients », prévient-il.

Manier des outils améliore nos compétences langagières

 

aires cérébrales liées au langage

Les aires cérébrales liées au langage se seraient étendues chez nos ancêtres dans des périodes d’explosion technologique, au moment où l’usage d’outils devenait plus répandu. © Adobe Stock

 

Notre capacité à comprendre la syntaxe de certaines phrases complexes fait partie des compétences langagières les plus difficiles à acquérir. En 2019, des travaux avaient révélé une corrélation entre le fait d’être particulièrement habile dans le maniement d’outils et d’avoir de bonnes compétences syntaxiques. Une nouvelle étude, menée par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et l’Université Lumière Lyon 2, en collaboration avec le Karolinska Institutet en Suède, montre désormais que ces deux habiletés font appel à de mêmes ressources cérébrales, localisées dans la même région du cerveau. Par ailleurs, un entraînement moteur avec un outil améliore nos capacités à comprendre la syntaxe de phrases complexes et à l’inverse, un entrainement syntaxique améliore les performances d’utilisation d’outils. Dans le domaine clinique, ces résultats pourraient être exploités pour soutenir la rééducation de patients ayant perdu une partie de leurs compétences langagières. L’étude est publiée dans la revue Science.

Le langage a longtemps été considéré dans le domaine des neurosciences comme une habileté très complexe, mobilisant des réseaux cérébraux spécifiquement dédiés à cette faculté. Cependant, depuis plusieurs années, des travaux scientifiques ont réexaminé cette idée.

Des études ont ainsi suggéré que des zones du cerveau qui contrôlent certaines fonctions langagières, comme le traitement du sens des mots par exemple, sont également impliquées dans le contrôle de la motricité fine. Toutefois, aucune preuve fondée sur l’imagerie cérébrale n’a permis de révéler de tels liens entre langage et utilisation d’outil. La paléo-neurobiologie[1] a indiqué que les aires cérébrales liées au langage se seraient étendues chez nos ancêtres dans des périodes d’explosion technologique, au moment où l’usage d’outils devenait plus répandu.

En considérant ces données, des équipes de recherche se sont donc interrogées : et si l’usage de certains outils, qui suppose de réaliser des mouvements complexes, impliquait des ressources cérébrales similaires à celles mobilisées dans des fonctions langagières complexes comme la syntaxe?

 

Exercices de syntaxe et maniement d’une pince

En 2019, le chercheur Inserm Claudio Brozzoli en collaboration avec la chercheuse CNRS Alice C. Roy et leur équipe a montré que des individus particulièrement habiles dans l’utilisation d’outils étaient aussi généralement plus performants dans le maniement des subtilités de la syntaxe suédoise.

Pour aller plus loin, la même équipe en collaboration avec la chercheuse CNRS Véronique Boulenger[2], a mis au point toute une série d’expériences en s’appuyant sur des techniques d’imagerie cérébrale (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ou IRM) et des mesures du comportement. Les participants ont été invités à réaliser plusieurs tests consistant en un entraînement moteur avec une pince mécanique et des exercices de syntaxe en français. Cela a permis aux scientifiques d’identifier les réseaux cérébraux spécifiques à chaque tâche, mais aussi communs aux deux tâches.

ganglions de la base

Le maniement de la pince et les exercices de syntaxe proposés aux participants produisaient des activations dans une région appelée « ganglions de la base ». © Claudio Brozzoli


 « Le choix de la pince et non d’un autre objet n’est pas un hasard. En effet, il s’agit d’un outil qui permet un mouvement sophistiqué, dans lequel interviennent des paramètres comme la distance parcourue pour rejoindre l’objet que l’on veut attraper, l’ouverture « des doigts » de la pince et l’orientation, et que l’on peut donc comparer en termes de complexité au maniement de la syntaxe dans le langage », explique Claudio Brozzoli.

À travers les différentes expériences, les scientifiques ont observé pour la première fois que le maniement de la pince et les exercices de syntaxe proposés aux participants produisaient des activations cérébrales dans des zones communes, avec une même distribution spatiale, dans une région appelée « ganglions de la base ».

 

Entraînement cognitif

Si ces deux types d’habiletés utilisent les mêmes ressources cérébrales, est-il possible d’en entraîner une pour améliorer l’autre ? Un entraînement moteur avec la pince mécanique permet-il d’améliorer la compréhension de phrases complexes ? Dans la seconde partie de leur étude, les scientifiques se sont intéressés à ces questions et ont montré que c’est bien le cas.

Les participants ont cette fois été invités à réaliser une tâche de compréhension syntaxique avant et après un entraînement moteur de 30 minutes avec la pince (voir encadré pour le détail de l’expérience). Les chercheurs et chercheuses ont ainsi démontré que l’entraînement moteur avec la pince s’accompagne d’une amélioration des performances dans les exercices de compréhension syntaxique.

Par ailleurs, les résultats obtenus soulignent que l’inverse est également vrai : un entraînement des facultés langagières, avec des exercices de compréhension de phrases à la structure complexe, améliore les performances motrices avec une pince mécanique.

Entraînement moteur et exercices de syntaxe

L’entraînement moteur consistait à insérer avec la pince de petits pions dans des trous adaptés à leur forme mais avec des orientations variables.

L’exercice de syntaxe réalisé avant et après cet entraînement consistait à lire des phrases à la syntaxe simple comme « Le scientifique qui admire le poète rédige un article » ou à la syntaxe plus complexe comme « Le scientifique que le poète admire rédige un article ». Ensuite, les participants devaient juger comme vraies ou fausses des affirmations du type : « Le poète admire le scientifique ». Les phrases comportant le pronom relatif objet « QUE » sont plus difficiles à traiter et les performances étaient donc généralement moins bonnes pour ce type de phrases.

Ces expériences ont révélé qu’après l’entraînement moteur, les participants présentaient de meilleures performances avec les phrases considérées plus difficiles. Les groupes contrôles, qui ont réalisé la même tâche langagière mais après un entraînement moteur à main nue ou sans entraînement, n’ont pas montré une telle amélioration.

Les scientifiques réfléchissent désormais à la meilleure manière d’appliquer ces résultats dans le domaine clinique. « Nous sommes en train d’imaginer des protocoles qui pourraient être mis en place pour soutenir la rééducation et la récupération des compétences langagières de certains patients ayant des facultés motrices relativement préservées, comme par exemple des jeunes présentant un trouble développemental du langage. Au-delà de ces applications, qui pourraient se révéler innovantes, ces résultats nous donnent aussi un aperçu de la manière dont le langage a évolué dans l’Histoire. Lorsque nos ancêtres ont commencé à développer et utiliser des outils, cette habileté a profondément changé le cerveau et a imposé des demandes cognitives qui pourraient avoir amené à l’émergence de certaines fonctions comme la syntaxe », conclut Claudio Brozzoli.

 

[1] Champ d’étude dans lequel les scientifiques s’intéressent à l’évolution de l’anatomie du cerveau de nos ancêtres.

[2] Sont impliqués dans ces résultats le Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et le laboratoire Dynamique du langage (CNRS/Université Lumière Lyon 2).

Covid-19 : un chatbot pour répondre à l’hésitation vaccinale

ordinateurDes chercheurs ont créé un agent conversationnel (chatbot) capable de répondre à 51 questions parmi les plus répandues sur les vaccins contre la  Covid-19 © seth schwiet on Unsplash

 

  • Une part non négligeable de la population est réticente à se faire vacciner contre la Covid-19.
  • Des scientifiques ont conçu un chatbot permettant de répondre de manière personnalisée aux questions des personnes curieuses ou hésitantes, et démontré son efficacité.


Et si interagir quelques minutes avec un chatbot permettait de répondre efficacement aux doutes sur les vaccins ? Dans une étude publiée le 28 octobre 2021 par la revue Journal of Experimental Psychology: Applied, des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et de l’ENS-PSL montrent que ce type d’outil peut inciter les personnes hésitantes à vouloir se faire vacciner.

L’hésitation vaccinale est l’un des défis majeurs pour circonscrire la pandémie de Covid-19. Selon de précédentes études, la communication de masse, par des messages courts diffusés à la télévision ou la radio, est d’une efficacité limitée pour convaincre les hésitants. En revanche, une discussion avec une personne experte et de confiance permet d’aborder les préoccupations propres à chacun, de manière plus ciblée et donc plus convaincante. Il est cependant compliqué de faire en sorte que chaque personne hésitante ait accès à ce type d’échange individuel.

Pour surmonter ce problème, des chercheurs et chercheuses en sciences cognitives de l’Institut Jean- Nicod (CNRS/ENS-PSL) et du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles (Inserm/ ENS-PSL) ont créé un agent conversationnel (chatbot) capable de répondre à 51 questions parmi les plus répandues sur les vaccins contre la  Covid-191.

L’avantage des chatbots est qu’ils permettent un échange de questions-réponses rapide et personnalisé, tout en étant accessibles à un public large.

L’équipe a ensuite testé ce chatbot sur 338 personnes et comparé leurs réponses à celles d’un groupe contrôle de 305 personnes ne lisant qu’un court paragraphe d’information sur les vaccins contre la Covid-19. Le nombre de participants ayant une opinion positive des vaccins a augmenté de 37 % parmi ceux qui ont échangé quelques minutes avec le chatbot. Ils étaient aussi plus enclins à se faire vacciner, le refus vaccinal déclaré ayant diminué de 20 % dans ce groupe. Ces deux effets étaient négligeables chez les participants exposés au paragraphe informatif.

Il resterait à démontrer si l’effet du chatbot est durable, s’il est perçu de la même manière dans toutes les tranches d’âge, ou chez les personnes les plus réfractaires aux vaccins2.

D’ores et déjà, cette étude montre qu’il pourrait bénéficier à un large public puisque la moitié des personnes ayant dialogué avec le chatbot a ensuite essayé de convaincre des proches de se faire vacciner ; et parmi ces participants, les trois-quarts ont déclaré avoir utilisé des informations fournies par le chatbot.

Ces résultats suggèrent donc qu’un chatbot régulièrement mis à jour pour refléter les dernières connaissances scientifiques sur les vaccins pourrait être un outil efficace pour contribuer à réduire l’hésitation vaccinale.

 

Notes

1 Les questions ont été définies à partir de sondages sur les raisons de l’hésitation vaccinale et d’articles de presse traitant de certaines idées reçues ; les réponses ont été rédigées à partir de sources scientifiques et validées par des spécialistes des vaccins contre le Covid-19.

2 L’échantillon de participants est en moyenne plus jeune et plus diplômé que la population générale.

Copie d’écran du chatbot utilisé dans l’étude, en décembre 2020 – janvier 2021.

Insuffisance rénale : Un nouveau modèle intégratif et dynamique de prédiction de la perte du greffon

Dans les traitements des maladies rénales, le rejet et la perte du greffon rénal représentent un fardeau considérable. © Adobe Stock.

 

Pour les individus en insuffisance rénale terminale, la greffe du rein est le meilleur traitement. Compte tenu de la pénurie d’organes dans le monde, le rejet et la perte du greffon sont considérés comme de véritables échecs. Dans une étude publiée le 27 octobre 2021 dans la revue The Lancet Digital Health, une équipe de recherche présente ses travaux qui ont permis de mettre au point un nouveau modèle de prédiction de la perte du greffon avec des performances de prédiction encore jamais atteintes.

Ce modèle a abouti au développement d’un logiciel qui dotera les cliniciens d’un nouvel outil prédictif, intégratif et dynamique, pour orienter au mieux le choix thérapeutique pour leur patient. Cette étude a été conduite par le Professeur Alexandre Loupy, PU-PH Université de Paris et le Docteur Marc Raynaud, chercheur Inserm, au sein du centre de recherche translationnelle sur la transplantation d’organes de Paris (Université de Paris, Inserm, Sorbonne Université, Hôpital Necker-enfants malades AP-HP).

Dans les traitements des maladies rénales, le rejet et la perte du greffon rénal représentent un fardeau considérable et contribuent au nombre grandissant des 7 millions de personnes en insuffisance rénale terminale.

Pour cette raison, des agences de santé majeures telles que la Food and Drug Administration aux États-Unis, ou l’Agence Européenne du Médicament, ont souligné qu’il était crucial de développer un modèle de prédiction du risque de perte du greffon, ce qui permettrait aux cliniciens de prendre des décisions en fonction des prédictions du modèle, d’adapter les traitements des receveurs de reins, et ainsi assurer que ces derniers conservent leurs reins le plus longtemps possible.

Le développement d’un tel modèle se heurtait à une difficulté majeure : les profils très différents des patients et les nombreux paramètres pouvant provoquer la perte du greffon.

Les auteurs de l’étude ont donc abordé ce travail en constituant des bases de données comprenant des milliers de patients, avec pour chacun d’entre eux un grand nombre d’informations, afin d’appliquer à ces données des méthodes statistiques robustes et ainsi développer un puissant modèle de prédiction.

Face à la nécessité de gérer des données très diverses et d’utiliser des méthodes statistiques parfois complexes, un consortium international a été créé avec des experts aux profils variés, incluant des néphrologues, des épidémiologistes, des immunologistes mais aussi des statisticiens et des mathématiciens.

 « L’expertise générale de notre consortium tient aux compétences variées et complémentaires des chercheurs, médecins et statisticiens qui le composent » indique le professeur Alexandre Loupy, principal auteur de l’étude, « Cette multisciplinarité, inhabituelle en recherche, est pourtant d’un grand avantage, car nous pouvons facilement solliciter tous les interlocuteurs nécessaires aux différentes étapes du projet. Grâce à cela, nous sommes dans une effervescence intellectuelle constante, propice à la recherche médicale. »

Alors que les précédents modèles prédictifs s’appuyaient sur des paramètres ponctuels, pour la première fois, cette étude conduite sur plus de 13 000 patients en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud, a intégré, sur une dizaine d’années, pour chaque patient plus de 80 paramètres mesurés, dont des paramètres répétés dans le temps. Ces derniers, bien que difficiles à intégrer statistiquement, permettent de prendre en compte la trajectoire de chaque patient et ainsi de mieux traduire son pronostique, assurant l’utilité du modèle en pratique clinique. En conséquence, le consortium a opté pour une approche dite intégrative et dynamique, considérant une grande diversité de paramètres.

Ce sont donc plus de 400 000 mesures de paramètres répétés dans le temps qui ont été collectées, et qui ont permis au consortium de tester de nombreux modèles intégratifs et dynamiques afin d’obtenir les meilleures performances de prédiction, à savoir le modèle prédisant de la manière la plus précise possible le risque qu’un patient perde son greffon et doive retourner en dialyse.

Après des mois de recherche, leur verdict est sans équivoque : les performances de prédiction de leur modèle final, intitulé DISPO (dynamic, integrative system for predicting outcomes in kidney transplantation), sont les plus hautes jamais atteintes en transplantation rénale.

Parallèlement, cette cohorte de patients transplantés, unique dans le monde, a permis d’inclure dans le modèle les différences de pratiques cliniques et de populations entre les hôpitaux et les pays, ce qui est un atout majeur que les précédents modèles n’intégraient pas, freinant alors leur validation et leur utilisation à large échelle.

« Les méthodes computationnelles que nous avons utilisées étaient très complexes et gourmandes en termes de temps de calcul, ce qui nous a obligé à nous doter d’ordinateurs puissants adaptés » souligne le docteur Marc Raynaud, épidémiologiste et premier auteur de l’étude « d’autant plus que la prochaine étape est d’intégrer de nouveaux paramètres au modèle, notamment des paramètres liés aux anticorps du receveur qui attaquent le greffon, afin d’augmenter les performances de prédiction. »

Le modèle de prédiction mis au point, est aujourd’hui validé dans un grand nombre de scénarios cliniques, ce qui le rend particulièrement pertinent dans la plupart des situations cliniques auxquelles patients et cliniciens sont confrontés. Il devrait donc permettre aux cliniciens d’améliorer et de faciliter leurs prises de décisions, et ainsi de mieux suivre et traiter les patients transplantés. Ce modèle, universel puisque validé dans plusieurs pays et continents, sera, à terme, déployé, via un logiciel dans les hôpitaux de plusieurs pays.

L’apesanteur, un challenge pour le corps… Mais aussi pour le cerveau !

Etude des mouvements

Capture en 3D des mouvements. ©Inserm/Guénet, François

 

Deux semaines avant le décollage de l’astronaute Thomas Pesquet dans l’espace pour la mission Alpha, les connaissances progressent concernant l’adaptation de l’Homme à la gravité. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bourgogne au sein du laboratoire CAPS «Cognition, action et plasticité sensori-motrice » s’intéressent à la façon dont sont réalisés les mouvements dépendants de cette force omniprésente.

Depuis 30 ans, on pensait que le cerveau – à l’origine de la commande motrice – compensait en permanence les effets de la gravité. Dans une première étude en 2016, les chercheurs avaient suggéré que notre cerveau se sert de la gravité pour minimiser les efforts que nos muscles doivent déployer. Des résultats confirmés récemment grâce à de nouvelles expérimentations menées en collaboration avec l’université de New-York à la fois sur des modèles de primates non humains et sur l’Homme. Ces résultats sont parus dans la revue Science Advances .

 

A quoi cette anticipation peut-elle bien servir ?

Initialement, les chercheurs pensaient que le cerveau compensait à chaque instant les effets de la gravité pour réaliser des mouvements qui ne soient pas perturbés par les effets de la gravité. Des études récentes menées par les chercheurs de l’université de Bourgogne et de l’Inserm au laboratoire CAPS en collaboration avec une équipe de l’université de New York (Dora E. Angelaki, professeure de neuroscience à la Tandon School of Engineering – New York) challengent cette idée. Les chercheurs ont fait l’hypothèse que l’anticipation des effets de la gravité permette de planifier des mouvements utilisant les effets de la gravité sur notre corps pour minimiser nos efforts musculaires. 

Pour confirmer cette théorie, l’équipe de recherche a enregistré les activations musculaires envoyées par le cerveau aux muscles. Ces mesures ont été réalisées chez des primates non humains et chez des humains effectuant des mouvements de bras horizontaux et verticaux.

Les résultats obtenus montrent que le cerveau envoie des commandes électriques activant et désactivant les muscles de manière très précise – phénomènes durant quelques millisecondes – afin d’exploiter les effets de la gravité pour accélérer nos mouvements descendants et décélérer nos mouvements ascendants. Ces résultats ont été observés chez le primate non-humain comme chez l’humain.

Cette observation corrobore l’hypothèse d’une adaptation profonde du système nerveux à son environnement.

A terme, cette avancée pourrait éclairer des domaines variés tels que l’aide au mouvement pour les personnes handicapées ou la programmation des mouvements de robots humanoïdes.

La santé des français suivie pendant le confinement de mars 2020 grâce à l’analyse par IA des appels au 15

SAMU

La santé des français suivie pendant le confinement de mars 2020 grâce à l’analyse par IA des appels au 15 © camilo jimenez on Unsplash

Le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux et le centre de recherche Inserm Bordeaux Population Health à Bordeaux publient les résultats de leur étude sur les appels au SAMU centre 15 de la Gironde sur l’année 2020. Les appels pour symptômes grippaux ont précédé de deux semaines les admissions aux urgences. Les appels pour des douleurs thoraciques, du stress et de l’anxiété, ont atteint un pic 12 jours plus tard. On note par contre une chute importante des accidents et des malaises, des violences et des intoxications aiguës à l’alcool. Ces travaux sont parus le 31 mars 2021 dans la revue Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine.

Les SAMU de France reçoivent environ 31 millions d’appels chaque année, 85 000 chaque jour. Et ce chiffre a presque doublé aux pires moments de la crise de la Covid-19. Le contenu de chaque appel fait l’objet d’un compte-rendu dans lequel les observations sont rédigées au fur et à mesure des informations collectées par les différents intervenants.

Se donner les moyens de suivre les évolutions des motifs de tous ces appels, c’est se doter d’un outil puissant et réactif d’observation de la santé de la population.

Pour classer ces appels, les chercheurs ont fait appel à une technologie issue d’une avancée très récente dans le domaine de l’intelligence artificielle qui porte le nom de « Transformer ».

Ce « Transformer » a été construit en deux phases, la première consistant à lui montrer un nombre aussi grand que possible d’exemples de comptes rendus pour lui apprendre à écrire « à la manière » de ces comptes rendus. Cette première phase va grandement améliorer les performances de la deuxième étape qui consiste à entraîner ce Transformer à réaliser la tâche de classification en lui « montrant » des exemples de comptes rendus avec la bonne classification, réalisée pour cette phase d’apprentissage par un humain. Plus on lui montre d’exemples, meilleur sera le Transformer lorsqu’il aura à faire la classification lui-même.

Le CHU, l’université de Bordeaux et l’Inserm se sont associés pour mettre en place un outil de surveillance de santé des populations pendant la période de la pandémie Covid-19.

Les chercheurs ont appliqué ce Transformer aux données issues du centre 15 du SAMU de la Gironde, avant, pendant et après la période de confinement pour observer les tendances dans le motif des appels.

Cette approche leur a permis de montrer que les appels pour symptômes grippaux ont commencé à augmenter à partir du 21 février 2020 et ont atteint un niveau sans précédent le 28 février 2020 pour culminer le 14 mars 2020, 3 jours avant le confinement. Ils étaient fortement corrélés avec les admissions quotidiennes aux urgences, avec un retard de 14 jours. Les appels pour des douleurs thoraciques, du stress et de l’anxiété, ont atteint un pic 12 jours plus tard. Les appels pour des malaises avec perte de conscience, des blessures non volontaires et des intoxications alcooliques ont fortement diminué, à partir d’un mois avant le confinement.

L’utilisation d’un système de classification automatique se servant de l’intelligence artificielle permet de s’affranchir du contexte qui pourrait influencer un codeur humain, notamment en situation de crise. Cette application, réalisée en Gironde, montre que la construction d’un outil similaire à l’échelle nationale pourrait utilement compléter le système de surveillance de la santé des français.

Maladie de Huntington : un espoir de traitement pour protéger le cerveau

huntington

La maladie de Huntington est une pathologie neurodégénérative rare et héréditaire. Ici, un neurone du striatum exprimant la protéine huntingtine mutante (en rouge) à l’origine de la maladie de Huntington qui s’accumule dans le noyau (bleu) pour former un agrégat composé de huntingtine et d’autres protéines dont l’ubiquitine (en jaune).  Frédéric Saudou.

 

La maladie de Huntington est une pathologie héréditaire qui entraîne la dégénérescence de neurones impliqués dans des fonctions motrices, cognitives et psychiatriques. Les traitements actuels sont symptomatiques et soulagent certains troubles mais ne permettent pas de modifier le cours de la maladie. Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes et du CHU Grenoble Alpes au Grenoble Institut des Neurosciences espèrent y remédier. Ils proposent une nouvelle piste thérapeutique dans l’espoir de proposer aux patients un premier traitement neuroprotecteur, c’est-à-dire protégeant les neurones, dans les années qui viennent. Ils ont testé une molécule thérapeutique qui présente des résultats prometteurs chez la souris et est en cours d’évaluation préclinique.  Ce travail est publié dans la revue Science Advances.

La maladie de Huntington est une pathologie neurodégénérative rare et héréditaire. Elle débute habituellement entre 30 et 50 ans et se manifeste par des troubles cognitifs, psychiatriques et des mouvements incontrôlés qui s’aggravent avec le temps jusqu’au décès, environ vingt ans plus tard. En France, environ 18 000 personnes sont concernées. 6 000 d’entre elles ont déjà des symptômes tandis qu’environ 12 000 sont porteuses du gène muté et savent qu’elles seront touchées dans les années qui viennent. L’équipe de Frédéric Saudou, directeur du Grenoble Institut des Neurosciences (Inserm/Université Grenoble Alpes/CHU Grenoble Alpes) travaille sur une nouvelle piste thérapeutique pour essayer d’apporter des solutions à ces patients.

La maladie est due à une anomalie sur le gène codant pour la protéine huntingtine qui interagit et régule l’activité d’au moins 400 autres protéines impliquées dans différentes fonctions cellulaires, dont le transport de molécules. Cette anomalie entraine notamment une réduction du transport d’une molécule très importante appelée BDNF dans le cerveau entre le cortex et le striatum. Son le rôle est de promouvoir la survie des neurones et d’assurer les connexions entre eux. Cette réduction de transport provoque donc chez les patients la mort des neurones dans ces régions cérébrales.

« Bien avant l’apparition des symptômes, nous observons une diminution du transport de BDNF. Cette molécule est indispensable à la survie des neurones et aux connexions neuronales entre le cortex et le striatum, deux régions impliquées entre autres, dans le contrôle de l’humeur et des mouvements », explique Frédéric Saudou, professeur à l’Université Grenoble Alpes et au CHU Grenoble Alpes.

Le chercheur et ses collègues pensaient donc que restaurer la circulation de ce facteur permettrait au moins en partie de protéger le cerveau de la mort neuronale.

 

Une molécule pour rétablir le transport de BDNF

En collaboration avec la directrice de recherche Inserm Sandrine Humbert, le chercheur et son équipe avaient déjà montré que cette molécule BDNF est transportée au sein de vésicules composées de nombreuses protéines, dont la huntingtine. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont identifié une enzyme qui régule le transport de ces vésicules à BDNF en contrôlant un mécanisme cellulaire appelé « palmitoylation ». En augmentant le mécanisme de palmitoylation à l’aide d’une molécule appelée ML348, ils ont pu rétablir le transport des vésicules de BDNF.

Plusieurs expériences in vitro sur des neurones humains et in vivo chez la souris, ont montré que la molécule ML384 passe la barrière hématoencéphalique et qu’elle restaure le trafic de BDNF du cortex vers le striatum. Administré chez un modèle de souris atteint de la maladie, elle a permis de réverser les symptômes.

« L’injection de ML348 a réduit les troubles comportementaux moteurs et psychiques, permettant aux animaux de retrouver une activité proche des souris normales non malades », explique Frédéric Saudou. Par ailleurs, cette molécule améliore également le transport de BDNF dans des neurones humains issus de cellules souches pluripotentes de patients atteints de la maladie de Huntington (cellules IPS), démontrant que cette molécule est potentiellement capable d’agir chez l’Homme.

Suite à cette preuve de concept, le chercheur et son équipe vont passer à la phase des essais précliniques destinés à évaluer sur des modèles cellulaires et animaux, le comportement de la molécule dans l’organisme, sa sécurité d’emploi, ou encore à identifier les doses efficaces. L’objectif final est de développer un médicament pour les patients. Si ces résultats se confirment, cette molécule pourrait devenir le premier traitement « neuroprotecteur » contre la maladie de Huntington, épargnant certains neurones de la dégénérescence, avec peut être à la clé un ralentissement de la progression de la maladie.

Une thérapie génique innovante pour redonner la vue à des patients atteints d’une maladie rare

Cette photo est issue de travaux de recherche sur la thérapie génique dans le traitement de la cécité. Rétine de primate non humain après le transfert d’un gène de protéine fluorescente par un virus adéno-associé (AAV). On distingue les cellules photoréceptrices à cônes (en vert) ayant intégré le gène. © Inserm/Dubus, Elisabeth.

 

Les personnes atteintes de neuropathie optique héréditaire de Leber perdent la vue dès l’adolescence avec un déclin soudain au niveau des deux yeux, jusqu’à la cécité. Alors que les options de traitements étaient jusqu’ici très limitées, des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université et du CNRS à l’Institut de la Vision à Paris ont conçu une approche de thérapie génique pour ces patients. Les résultats d’un essai clinique mené sur 37 patients et publiés dans la revue Science Translational Medicine, montrent que ce traitement améliore de façon significative la vision de ces patients. GenSight Biologics (EURONEXT: SIGHT), une start-up issue de l’Institut de la vision, a mis au point et réalisé le développement clinique de ce traitement. Celui-ci a ensuite été évalué dans un essai clinique international multicentrique produit par un consortium en Europe et aux Etats-Unis, comprenant les équipes de Patrick Yu-Wai-Man de l’UCL Institute of Ophthalmology et de José-Alain Sahel (professeur à Sorbonne Université et directeur de l’Institut de la Vision) à la Fondation Ophtalmologique Rothschild et du CHNO des Quinze-Vingts.

La neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL), est une maladie héréditaire qui se manifeste par une baisse brutale et bilatérale de la vision pouvant conduire à la cécité. Elle est causée par des mutations de l’ADN mitochondrial[1] qui affectent la production de la protéine ND4. Cette perte visuelle intervient généralement chez l’homme jeune sur un œil puis quelques mois plus tard sur le deuxième œil. La pathologie touche une personne sur 30 000 à 50 000.

Dans l’espoir d’aider ces patients, l’équipe de Marisol Corral-Debrinski avec José-Alain Sahel et Serge Picaud à l’Institut de la Vision (Inserm/Sorbonne Université/CNRS) a mis au point un traitement qui repose sur une nouvelle approche de thérapie génique, permettant pour la première fois au monde de corriger un défaut d’un gène mitochondrial (le gène ND4)[2].

La thérapie génique est une stratégie thérapeutique qui consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie. Pour permettre au traitement de pénétrer correctement dans les cellules d’un patient, les scientifiques utilisent dans la plupart des cas un vecteur viral qui assure son transport jusqu’au noyau. Mais pour utiliser cette stratégie dans la neuropathie optique héréditaire de Leber, les chercheurs étaient confrontés à un obstacle majeur : comment cibler la mitochondrie alors que le vecteur viral introduit l’ADN porteur du gène correct dans le noyau ?  

L’équipe a développé une approche innovante qui consiste à ajouter au gène des séquences d’ADN dites « séquences d’adressage ». Leur fonction est d’assurer que la traduction du matériel génétique en protéines fonctionnelles se fasse directement au contact des mitochondries.

Dans l’essai clinique baptisé REVERSE qui a été réalisé par un consortium international en Europe et aux États-Unis et portait sur 37 patients, les chercheurs ont démontré l’efficacité de cette approche par la mesure d’une réelle amélioration clinique.

En effet, ils ont montré que l’injection du vecteur de thérapie génique dans un œil permettait une amélioration bilatérale de la vision chez plus de ¾ des patients. L’amélioration se traduit par une augmentation moyenne de 15 lettres EDTRS pour l’œil traité (3 lignes sur le tableau de lettres utilisé pour déterminer l’acuité visuelle chez les ophtalmologistes).

Cet effet bénéfique sur les deux yeux suite à une injection dans un seul œil était inattendu. Pour mieux comprendre le phénomène, GenSight Biologics et les auteurs de l’étude ont testé à nouveau la thérapie chez l’animal et ont montré que cet effet bilatéral s’explique par le transfert du gène sain d’un œil à l’autre.

 « Cette découverte ouvre des perspectives nouvelles pour le traitement des patients atteints de neuropathie optique de Leber, alors qu’il n’en existait jusqu’à aujourd’hui aucun de réellement efficace. Nos résultats démontrent l’efficacité de cette thérapie génique innovante dans l’œil, ce qui offre une véritable option thérapeutique contre la cécité pour les patients. Ils ouvrent par ailleurs des perspectives pour son application pour d’autres maladies mitochondriales dans d’autres tissus », soulignent les auteurs de l’étude.

Suite à ces travaux, une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) du vecteur de thérapie génique innovant, testé dans l’essai et appelé LUMEVOQ, a été déposée en septembre par GenSight Biologics auprès de l’Agence réglementaire européenne (EMA).

 

[1] Les mitochondries sont des organelles présentes dans les cellules, à l’extérieur du noyau. Elles sont essentielles à la production d’énergie. Elles possèdent leur propre matériel génétique, l’ADN mitochondrial, qui code pour un certain nombre de protéines, dont la protéine ND4, affectée dans la neuropathie optique de Leber.

[2] Le développement de cette thérapie a été réalisé par GenSight Biologics, en collaboration avec l’Institut de la vision, le CHNO des Quinze Vingts et la Fondation Ophtalmologique Rothschild. Des centres experts ont participé aux études cliniques, et plus largement un consortium international en Europe et aux Etats-Unis.

Prothèse et vélo électro-stimulé : à l’assaut du Cybathlon 2020 depuis Paris et Lyon

Rééduquer grâce à des outils instrumentés. Équipe Agathe U1150 Activités Prothèse CNRS Inserm. Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR). Université Pierre et Marie Curie, Paris Sorbonne. ©Inserm/Guénet, François

Le Cybathlon met en compétition des athlètes handicapés assistés de technologies bioniques dans des épreuves inspirées de la vie quotidienne. Organisé par l’ETH Zurich (Suisse), l’édition 2020 se déroulera les 13 et 14 novembre dans un nouveau format, adapté aux contraintes sanitaires actuelles : chaque équipe réalisera ses épreuves à « domicile » sous la surveillance d’un arbitre officiel du Cybathlon. L’occasion de suivre deux équipes françaises participant à cette compétition : l’équipe Smart Arm et sa prothèse de l’Isir (CNRS/Sorbonne Université), en partenariat avec l’Inserm, et l’équipe ANTS et son vélo électro-stimulé du Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1).

 

Suite aux nouvelles mesures sanitaires, et notamment la fermeture des campus universitaires, toute la compétition se déroulera en ligne, sur le site internet de l’événement.
Des rushs vidéos des entraînements et de la prestation de ces équipes sont disponibles auprès d’Alexiane Agullo: rf.srnc@olluga.enaixela

 

Le Cybathlon est la première compétition d’athlètes équipés d’appareillages bioniques qui voit s’affronter plus de 60 équipes du monde entier. Son objectif est de stimuler la recherche sur ces dispositifs dans les meilleurs laboratoires de recherche académiques et les entreprises du domaine, mais aussi de promouvoir les technologies de réparation du corps, en montrant la réalité des technologies d’assistance ainsi que la réalité quotidienne des personnes « appareillées ».

 

Découvrez deux équipes françaises participant à cette compétition :

Smart Arm, la seule équipe française qui s’aligne dans la catégorie « Powered ArM Prosthesis Race » :

Créée par Nathanaël Jarrassé, chercheur CNRS dans l’équipe Agathe, associée à l’Inserm, de l’Isir (CNRS/Sorbonne Université), cette équipe spécialisée en robotique de rééducation et d’assistance, est constituée d’une quinzaine de scientifiques, issus du domaine de la robotique ou des neurosciences, soutenus par un groupe de médecins de l’Institut régional de réadaptation de Nancy. Durant la compétition, la prothèse développée à l’Isir sera pilotée par Christophe Huchet, atteint d’une agénésie de l’avant-bras droit et à l’importante carrière de nageur (multiple champion de natation handisport, mais aussi valide). Seule équipe française dans l’épreuve pour personnes amputées d’un membre supérieur1, elle présentera lors de la compétition un prototype de prothèse de bras très avancé, fruit de plusieurs années de recherche sur le contrôle intuitif et naturel basé notamment sur le décodage des mouvements du corps. L’originalité de cette prothèse réside dans son articulation robotisée de coude, adaptée au handicap de leur pilote. Cette épreuve, plutôt pensée pour des niveaux d’amputation peu importants et axée sur la dextérité fine des doigts, s’avère un véritable challenge pour Christophe Huchet, l’un des seuls athlètes à présenter une absence d’avant-bras et de coude. Cette épreuve sera filmée sur le campus Pierre et Marie Curie de Sorbonne Université à Paris.

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Membres de l’équipe Smart ArM. De gauche à droite : F. Vérité, J. Mago, A. Poignant, C. Drouo, C. Huchet, C. Marchand, N. Jarrassé, P. Gauthier, F. Richer, G. Le Buan-Mania © équipe Smart ArM, ISIR (CNRS/Sorbonne Université)

 

ANTS, un vélo électro-stimulé pour retrouver une mobilité et une activité sportive :

Rien n’arrête la science, ni la détermination de Vance Bergeron. Devenu tétraplégique à la suite d’un accident, ce médaillé de l’innovation 2019, chercheur du CNRS au Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) développe des solutions pour améliorer la qualité de vie des paralysés grâce à une activité physique quotidienne. Il s’appuie notamment sur la stimulation électrique fonctionnelle, qui remobilise les membres paralysés grâce à de faibles impulsions électriques. Épaulé par son ancien doctorant Amine Metani et l’association Advanced Neurorehabiliation Therapies and Sport (ANTS) qu’il a cofondée, Vance Bergeron développe des vélos et rameurs à électrostimulation, destinés à des centres de réadaptation fonctionnelle et à des salles de sport dédiées aux personnes en situation de handicap moteur. Il participe, pour la deuxième année consécutive, au Cybathlon, dans l’épreuve « Functional Electrical Stimulation Bike Race »2. L’objectif : parcourir sur un vélo d’entrainement 1 200 mètres en 8 minutes maximum.
Cette épreuve sera filmée dans la salle de sport de l’association ANTS, à Lyon.

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Vance Bergeron et Amine Metani (à gauche) sont parmi les membres fondateurs de l’association ANTS et sont à l’initiative de la start-up CIRCLES © Frédérique PLAS / UMR5672 / CNRS Photothèque

 

 
  1. La « Powered ArM Prosthesis Race » est une épreuve destinée aux personnes amputées d’un membre supérieur (amputation de main, d’avant-bras ou de bras). Elle est constituée de six tableaux reproduisant des activités de la vie quotidienne à réaliser avec la prothèse dans le temps le plus court possible. Le nombre de points se compte en fonction du nombre d’épreuves réalisées sans erreur et du temps mis pour les compléter.
  2. La course « Functional Electrical Stimulation Bike Race » est destinée aux pilotes paraplégiques et tétraplégiques. La stimulation électrique fonctionnelle leur permet d’effectuer un mouvement de pédalage sur un vélo couché. Le pilote qui franchit la ligne d’arrivée en premier gagne la course.

Retrouvez un reportage sur l’Équipe AGATHE dans le magazine de l’Inserm, #40 juillet/août 2018  :

Équipe Agathe : Main dans la main avec les robots

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