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C'est dans l'air

Programme 13-Novembre : point d’étape 5 ans après le démarrage du projet

10 Nov 2021 | Par INSERM (Salle de presse) | France

Les phases 1 et 2 de l’étude 1000 ont donné lieu à 934 et 839 tournages, soit 2763 heures d’enregistrement.© Adobe stock

 

Les attentats du 13 novembre 2015 ont profondément marqué les victimes, leurs proches, ainsi que l’ensemble de la société française. Depuis 2016, des chercheurs et chercheuses sont mobilisés autour du projet « 13-Novembre », vaste entreprise de recherche transdisciplinaire portée par le CNRS et l’Inserm, codirigé par l’historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache. L’objectif : étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats, et en particulier l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective. Alors que le procès des attentats – qui devrait durer 8 à 9 mois – est en cours, l’Inserm fait le point sur les avancées de deux volets de ce programme de recherche, l’étude 1000 et l’étude REMEMBER. Cinq ans après le démarrage du projet, où en est-on ?

Le procès en cours : l’écriture de différentes facettes des mémoires

Aujourd’hui, le procès est en cours et les débats publics facilitent la rencontre entre les mémoires individuelles des différentes parties qui s’expriment et la mémoire collective, façonnée par les médias qui retransmettent ces prises de paroles et différentes analyses.

Selon les chercheurs, s’approcher de la vérité des faits lors de ce procès est une question cruciale car cela minimise les mécanismes de double peine qui peuvent survenir quand les victimes ou les parents endeuillés constatent que la société semble hiérarchiser les lieux de souffrance.

« La double peine pourrait être illustrée par le fait que la victime d’un attentat dans un lieu public (première peine) ne se sent pas reconnue par la communauté (l’État français) car le lieu où s’est déroulé l’attentat qui la concerne (par exemple la terrasse d’ un restaurant) est progressivement mis à l’arrière-plan, avant d’être potentiellement oublié (deuxième peine), contrairement à la salle de spectacle du Bataclan qui occupe une place importante dans les médias et dans la mémoire collective. » explique Francis Eustache, Directeur d’Unité Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire, coresponsable du Programme 13-Novembre.

L’avenir indiquera si le procès contribue à la construction d’un grand récit partagé, présenté à la société française par les médias qui s’appuient sur les témoignages individuels des rescapés et intervenants.

« Avant même les analyses fines qui seront réalisées par les chercheurs, nous assistons à l’évolution et à l’écriture de différentes facettes des mémoires, celles d’individus singuliers, au contact de mémoires collectives elles-aussi en cours d’élaboration. Le principal enjeu du programme 13-Novembre sera de rendre compte, de la façon la plus objective possible, de cette écriture au long cours et de ce moment fécond que constitue ce procès hors-normes[1] », explique Francis Eustache.

L’étude 1000 : les deux premières phases réalisées et la troisième en cours

Dans le cadre de l’étude 1000, des médiateurs, des enquêteurs et des chercheurs ont recueilli et vont recueillir puis analyser les témoignages d’un groupe de mille personnes volontaires, au cours de quatre phases d’entretiens filmés réparties sur 10 ans, en 2016, 2018, 2021 et 2026.

Les phases 1 et 2, désormais terminées, ont donné lieu à 934 et 839 tournages, soit 2763 heures d’enregistrement.

Lors de la phase 3, engagée au printemps 2021 et actuellement en cours, l’étude 1000 a intégré 300 nouveaux volontaires afin d’affiner encore l’observation des fluctuations de la mémoire dans les témoignages : comment se présente la mémoire de ceux déjà interrogés à deux reprises dans le cadre du protocole, comment se formule la mémoire de ceux confrontés pour la première fois au protocole, comment ces mémoires se répondent-elles et quelles disparités…?

Cette étude vise l’élaboration d’une cartographie de témoignages la plus complète et variée possible, permettant aux chercheurs de reconstituer un récit de référence des attentats du 13-Novembre. Ainsi, la répartition des volontaires se fait selon quatre cercles, sur la base de leur proximité des lieux des attentats, soit du plus proche au plus lointain. Les volontaires du cercle 1 sont donc les personnes ayant été directement exposées aux attentats.

Parmi les premiers résultats de l’étude, les chercheurs ont pu mettre en évidence des singularités selon les témoignages, notamment ceux relatés par des membres des équipes d’intervention (police et soignants). A travers les témoignages recueillis, ils ont également pu observer que les lieux des attentats avaient pris une place importante pour les habitants des quartiers qui ont été ciblés, alors même que certains ne se trouvaient pas sur place le soir des événements.

Ces récits individuels seront ensuite analysés en détail et mis en perspective avec les traces de la mémoire collective telle qu’elle se construit au cours du temps, notamment au sein des espaces médiatiques (journaux télévisés et radiodiffusés, articles de presse, réseaux sociaux, images commémoratives…).

L’étude REMEMBER : la résurgence des souvenirs intrusifs liée à un dysfonctionnement de certains réseaux cérébraux

L’étude REMEMBER, dirigée par le chercheur Inserm Pierre Gagnepain, évalue les conséquences d’un événement traumatique sur l’évolution des fonctions mentales, psychologiques et cérébrales via l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour, à terme, améliorer les prises en charge. Dans ce programme, les participants se répartissent entre 80 sujets non exposés, et 120 sujets exposés aux attentats, issus de l’étude 1000. Ces derniers forment deux sous-groupes de même taille, les exposés présentant un trouble de stress post-traumatique, et ceux qui n’en présentent pas.

Les premiers résultats de l’étude qui ont fait l’objet d’une publication dans la revue Science ont montré que la résurgence intempestive des images et pensées intrusives chez les patients atteints de stress post-traumatique, longtemps attribuée à une défaillance de la mémoire, serait également liée à un dysfonctionnement des réseaux cérébraux qui la contrôlent. Ces résultats permettent d’identifier de nouvelles pistes de traitement, visant à renforcer ces mécanismes inhibiteurs défaillants.

 

[1] Référence : Eustache F., Peschanski D. Le programme 13-Novembre : le cheminement d’une recherche transdisciplinaire. Médecine/sciences 2021 ; 37 : 963-5

Texte rédigé avec le soutien de Francis Eustache, Directeur d’Unité Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire, coresponsable du Programme du 13-Novembre.

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