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TIM et TAM, 2 portes d’entrée du virus de la Dengue dans la cellule

Une étude conduite par l’équipe d’Ali Amara au sein de l’Unité mixte Inserm/CNRS-Université Paris Diderot « Pathologie et virologie moléculaire », à l’Hôpital Saint-Louis, à Paris, en collaboration avec des équipes de l’Institut Pasteur Paris et du Salk Institute à San Diego a permis d’identifier deux familles de récepteurs qui jouent un rôle important dans l’entrée du virus de la dengue dans les cellules. En montrant qu’il est possible d’inhiber in vitro l’infection virale en bloquant la liaison du virus sur ces récepteurs, les chercheurs ouvrent la voie à la possibilité d’une nouvelle stratégie antivirale. Ces travaux, sont publiés online sur le site de la revue Cell Host & Microbe le 18 octobre 2012.

Le virus de la dengue (VD), qui circule sous quatre formes différentes (quatre sérotypes), est transmis à l’homme par des moustiques. Il constitue un problème majeur de santé publique. Dans le monde, deux milliards de personnes sont exposées au risque d’infection et 50 millions de cas de dengue sont recensés par l’OMS chaque année. L’infection souvent asymptomatique ou s’apparentant à un état grippal peut conduire, dans ses formes sévères, à des fièvres hémorragiques fatales. Il n’existe pas actuellement de vaccin préventif ou de traitements antiviraux efficaces contre les quatre sérotypes du VD. Le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques reste donc un enjeu important.

L’équipe dirigée par Ali Amara a réalisé un criblage génétique pour identifier des récepteurs cellulaires utilisés par le VD pour pénétrer dans les cellules cibles[1].Les chercheurs ont déterminé le rôle important que jouent les récepteurs TIM (TIM-1, 3, 4) et TAM (AXL et TYRO-3) dans le processus d’entrée des quatre sérotypes du VD.

Exemple de reconnaissance directe et indirecte du virus de la dengue par les récepteurs TIM et TAM

©Cell Host & Microbe – Ali Amara

En effet, l’équipe d’Ali Amara a réussi à montrer que l’expression de ces 2 familles de récepteurs rend les cellules  plus facilement infectables. De plus, les chercheurs ont observé que des anticorps ou des RNA interférents ciblant les molécules TIM et TAM réduisaient considérablement l’infection des cellules cibles par le VD.

Les TIM et TAM appartiennent à deux familles distinctes de récepteurs transmembranaires qui interagissent directement (TIM) ou indirectement (TAM) avec la phosphatidylserine, un signal de type « mange moi » permettant la phagocytose et l’élimination des cellules apoptotiques. De façon inattendue, les travaux des chercheurs de l’Inserm ont montré que la phosphatidylserine était abondamment exprimée à la surface des particules virales, et que sa reconnaissance par les récepteurs TIM et TAM est essentielle à l’infection des cellules cibles.


Répresentation schématique du signal de type « mange moi » permettant la phagocytose et l’élimination des cellules apoptotiques

©Cell Host & Microbe – Ali Amara

Ces résultats contribuent à élucider la première étape clé du cycle infectieux du VD, et mettent en évidence un nouveau mécanisme d’entrée du VD par mimétisme des fonctions biologiques impliquées dans l’élimination des cellules apoptotiques. La découverte de ces nouveaux récepteurs ouvre également la voie à de nouvelles stratégies antivirales ciblées sur le blocage de la liaison du VD sur les TIM et TAM.

Ces travaux de recherche ont fait l’objet d’une protection par dépôt de demande de brevet par Inserm Transfert. 


[1] A ce jour, uniquement les récepteurs DC-SIGN et son homologue L-SIGN sont connus pour exercer un rôle actif dans le processus d’entrée du VD dans les cellules cibles

Un test automatisé pour évaluer la migration cellulaire et l’efficacité de nouvelles molécules anticancéreuses

Des physiciens et des biologistes du CNRS, de l’UPMC, de l’Inserm et de l’Institut Curie viennent de mettre au point une méthodologie pour automatiser l’analyse de la migration cellulaire. Les biologistes développent en effet de nombreuses molécules pour enrayer la progression tumorale. Ensuite pour les évaluer, ils observent leurs effets sur des populations de cellules. Une opération jusqu’à présent manuelle, fastidieuse, longue et source d’erreurs.

Avec cette nouvelle méthodologie, empruntée à la physique et présentée dans Nature Methods du 14 octobre 2012, les physiciens proposent en libre accès à la communauté scientifique, un test fiable, facile, rapide et plus pointu afin d’accélérer la découverte de nouvelles molécules empêchant l’envahissement tumoral.

A l’heure où la biologie génère des masses de données de plus en plus importantes en raison du passage au haut débit des techniques d’analyse, le développement d’outils fiables et rapides pour décrypter ces résultats est primordial. L’équipe de Pascal Silberzan[1], en collaboration avec l’équipe de Jacques Camonis[2], vient de mettre au point un logiciel totalement innovant pour analyser la migration cellulaire. Un sujet crucial puisque c’est ainsi que l’efficacité de certains traitements contre le cancer est évaluée au niveau cellulaire. En effet, l’un des défis de la cancérologie reste de découvrir des molécules qui bloquent la progression tumorale. D’où la recherche de substances chimiques pouvant arrêter la migration cellulaire.

Pour tester l’efficacité d’une molécule donnée, les chercheurs étudient son action sur un ensemble de cellules. Comment ? En filmant en présence de cette molécule, la recolonisation d’une surface par migration cellulaire suite à une « blessure », une sorte de coupure effectuée au sein d’un film de cellules. Le problème majeur de cette méthode est que les chercheurs doivent analyser manuellement des centaines de films et y suivre des dizaines de cellules pour identifier les molécules les plus actives. Un travail fastidieux, long et source d’erreurs. S’inspirant de l’hydrodynamique, l’équipe de Pascal Silberzan, physicien d’origine, vient de mettre au point une méthodologie fiable, quantitative et objective pour analyser ces films de manière automatisé. « Avec cette méthode, les cellules sont désormais toutes prises en compte lors de l’analyse des films, explique Jacques Camonis, alors que manuellement, il n’était possible de suivre que les cellules se trouvant au « bord » de la blessure ». Comparé avec les techniques manuelles, ce logiciel – que les chercheurs ont choisi de mettre en libre accès pour l’ensemble de la communauté scientifique – apporte gain de temps, fiabilité mais aussi des données plus complètes.

« Cette idée est née d’une discussion avec le biologiste Jacques Camonis » raconte Pascal Silberzan.

« L’exposé des techniques d’analyse que son équipe utilisait nous a incités à transposer des méthodes d’analyses radicalement différentes utilisées habituellement en physique des fluides ». Il ne restait plus qu’à les développer et les valider pour les besoins des biologistes. C’est désormais chose faite.

La solution à un problème de biologie est donc venue de la physique, d’où l’importance de la multidisciplinarité inscrite historiquement dans la culture de l’Institut Curie. Dans la lourde tâche consistant à mieux comprendre le développement tumoral, les biologistes sont épaulés par des physiciens, des chimistes, des mathématiciens. Le croisement des compétences permet à la fois de mettre au point les outils nécessaires au décryptage des processus tumoraux en produisant des méthodes d’analyse novatrices.

Comment les cellules migrent pour combler une brèche 

Pour évaluer les capacités migratoires des cellules, les chercheurs les observent lorsqu’elles recolonisent une brèche qu’ils ont eux-mêmes créée. Ici, chaque image a été prise à 5h d’intervalle. C’est à partir de ces films que les chercheurs étudient l’efficacité des molécules anticancéreuses sur la migration des cellules.

Taille d’une image : 1.68 mm

©Maxime Deforet, Maria Carla Parrini / Institut Curie


[1] Pascal Silberzan est directeur de recherche CNRS et chef d’équipe dans l’unité PhysicoChimie Curie – Institut Curie/CNRS UMR 168/UPMC

[2] Jacques Camonis est directeur de recherche Inserm et chef d’équipe dans l’unité Génétique et biologie des cancers – Institut Curie / Inserm U830

Un dispositif qui réduit la carcinogénèse et détermine la réponse thérapeutique des cancers

Contrairement aux idées reçues, le cancer n’est pas simplement une maladie cellulaire dans laquelle une série de mutations oncogéniques mène à la prolifération sans freins. Pour qu’une lésion initiale se transforme en tumeur déclarée, les cellules cancéreuses doivent échapper au contrôle du système immunitaire, comme le souligne une étude récente publiée dans Science. Guido Kroemer, Professeur Universitaire et Praticien Hospitalier à l’Université Paris Descartes – Hôpital Européen Georges Pompidou (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), et son équipe « Apoptose, cancers et immunité » (Institut Gustave Roussy, Centre de Recherche des Cordeliers, Inserm, Universités Paris-Sud et Paris Descartes) ont démontré que le système immunitaire a la capacité de détecter une aberration génétique qui accompagne fréquemment l’oncogénèse initiale. Il s’agit de la tétraploïdisation, c’est-à-dire de la duplication du génome menant à la formation de cellules possédant le double de chromosomes que les cellules normales, dans un noyau excessivement grand. Les cellules tétraploïdes peuvent perdre des chromosomes pendant les divisions cellulaires successives, divisions qui, souvent, ne sont pas bipolaires et symétriques mais multipolaires et asymétriques. Elles permettent donc une distribution aléatoire des chromosomes de la cellule mère vers les cellules filles, ce qui peut donner lieu à des cellules de plus en plus malignes. La tétraploïdisation est donc l’un des moteurs de l’hétérogénéité morphologique et génétique des cancers.

L’équipe du Pr Guido Kroemer a montré que les défenses immunitaires sont capables de reconnaître et détruire les cellules tétraploïdes, évitant aux cellules précurseures du cancer de reprendre l’ascendant sur le patient. Les cellules tumorales tétraploïdes inoculées chez la souris ne forment pas de tumeur dans le contexte d’un système immunitaire fonctionnel. Elles sont donc soumises à une sélection Darwinienne permettant seulement la survie des cellules qui ressemblent le plus aux cellules normales au niveau de leur contenu chromosomique. Les tumeurs spontanées se développant suite à l’exposition aux carcinogènes ou à l’activation d’oncogènes se manifestent aussi plus vite chez les souris immunodéficientes, tout en exhibant un contenu chromosomique excessif. L’absence de contrôle immunitaire est donc favorable à la formation rapide de cancers montrant une hétérogénéité cellulaire accrue.

Les chercheurs coordonnés par Guido Kroemer ont découvert que la tétraploïdisation provoque le stress d’un des organites intracellulaires majeurs, le réticulum endoplasmique. Ce stress est étroitement lié à la survie des cellules tétraploïdes et peut être détecté avec des anticorps spécifiques. Le stress du réticulum endoplasmique change les propriétés de surface des cellules tétraploïdes permettant donc leur reconnaissance par le système immunitaire.

Ces résultats ont des implications cliniques, comme les chercheurs le montrent sur une série de patientes atteintes de cancer mammaire traité par chimiothérapie néo-adjuvante. Dans ce contexte, la réponse thérapeutique semble être dictée par la réponse immunitaire anticancéreuse déclenchée par le traitement. L’apparition de lymphocytes T cytotoxiques dans les cancers suite au premier cycle de chimiothérapie prédit une réponse favorable qui est associée à l’élimination préférentielle des cellules possédant des grands noyaux et montrant un stress du réticulum endoplasmique.

L’ensemble de ces résultats souligne l’importance de l’immuno-surveillance anti-cancéreuse dans le contrôle des précurseurs tumoraux de la rechute ou des métastases.

L’immunosurveillance réduit la carcinogénèse et détermine la réponse thérapeutique aux thérapies antitumorales aujourd’hui réalisées.

D Pissaloux/Inserm

Une souris blanche …

Des souris au pelage noir qui deviennent blanches ? Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Institut Curie et de l’Université Paris-Sud, spécialisés dans l’étude des cancers, ont cherché à mieux comprendre comment se développent les cellules de la peau (appelées mélanocytes) responsables de la pigmentation. En manipulant génétiquement des souris au pelage noir, les chercheurs ont identifié deux acteurs clés : les protéines BRAF et CRAF, indispensables au maintien du cycle cellulaire des cellules souches de mélanocytes et donc à la bonne pigmentation au cours de la vie. Sans ces deux protéines, le pelage des souris devient blanc.

Ces travaux publiés dans la revue Cell Report constituent une piste sérieuse pour enrayer la formation des mélanomes, tumeurs dont la cellule d’origine est précisément le mélanocyte.

Les mélanocytes sont les cellules de l’organisme qui permettent la pigmentation de la peau, des poils et des cheveux. Cette fonction de pigmentation protège du soleil et permet de colorer les organismes. Un dysfonctionnement de ces cellules peut entrainer des cancers de la peau appelés mélanomes. Ces mélanomes sont des cancers très agressifs qui deviennent difficiles à traiter lorsqu’ils progressent et forment des métastases.

Chez l’homme, les chercheurs ont découvert il y a quelques années que le gène BRAF qui code pour la protéine du même nom est muté dans plus de 50% des mélanomes. Des progrès spectaculaires ont été obtenus ces dernières années dans le traitement de ce cancer grâce au développement d’inhibiteurs pharmacologiques ciblant une enzyme, la kinase BRAF.

Toutefois, malgré ces traitements, le cancer resurgit chez de nombreux patients, signe que toutes les cellules cancéreuses ne sont pas éliminées.

Tout laissait penser aux chercheurs que BRAF n’était pas le seul acteur responsable du processus cancéreux.

Dans ce nouveau travail, les scientifiques ont donc essayé de comprendre comment les mélanocytes fonctionnaient de manière normale pour cerner ensuite leur implication précise dans le cancer. Ils ont pour cela supprimé tour à tour l’expression de la protéine BRAF, puis celle d’une protéine de la même famille, CRAF, chez des souris au pelage noir (idéal pour bien voir les changements de pigmentation).

Des souris noires qui deviennent blanches en vieillissant

Chez les souris auxquelles les chercheurs ont supprimé seulement l’expression de BRAF ou seulement l’expression de CRAF dans la lignée de cellules donnant naissance aux mélanocytes, on n’observe pas de changement de pigmentation

souris blanches et noires

© A. Eychène / F. Bertrand (Institut Curie)

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Les souris auxquelles on a supprimé simultanément les deux gènes codant pour BRAF et CRAF ont également une couleur normale à la naissance.

En revanche, elles perdent petit à petit leur pigmentation au fur et à mesure de leur croissance. De noires, elles deviennent grises puis de plus en plus blanches.

Pour Alain Eychène, responsable de l’équipe ayant mené cette étude « ces observations traduisent un défaut dans le renouvellement des mélanocytes. Puisque la couleur noire est présente à la naissance, les cellules pigmentaires existent bien. En revanche, le blanchiment progressif du pelage en l’absence de BRAF et CRAF dans cette lignée cellulaire prouve que ces deux protéines sont nécessaires au renouvellement des mélanocytes ».

Comme toutes les cellules, les mélanocytes dérivent de cellules souches qui assurent ce renouvellement lors des mues. Ces travaux montrent que c’est précisément et uniquement cette population de cellules souches qui disparaît progressivement chez les souris mutantes.

Pour Alain Eychène, « il s’agit de la première démonstration in vivo du rôle des protéines RAF dans l’auto-renouvellement de cellules souches normales ».

Le fait que BRAF et CRAF soient toutes deux impliquées dans le contrôle et le renouvellement des cellules souches pigmentaires représente un pas de plus dans la compréhension et le traitement du mélanome. En les bloquant chez les patients traités par les inhibiteurs, peut-être que les chercheurs arriveront à terme à éliminer toutes les cellules souches cancéreuses, probablement responsables des cas de rechute.

Cancers de l’enfant – Nouvelle piste thérapeutique dans les tumeurs d’Ewing

Une équipe de l’Institut Curie et de l’Inserm dirigée par le Dr Olivier Delattre vient de découvrir une nouvelle cible thérapeutique pour les tumeurs d’Ewing, un cancer qui touche près de 100 enfants et adolescents en France chaque année. En effet dans Cancer Research du 29 août 2012, les chercheurs montrent qu’en inactivant la protéine PRKCB, ils empêchent la progression tumorale. Or des inhibiteurs de la PRKCB sont actuellement en cours de développement ; ils pourraient, à terme, faire partie de l’arsenal thérapeutique contre la tumeur d’Ewing.

Chaque année, en France près de 100 nouveaux cas de tumeur d’Ewing sont diagnostiqués chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte. Aujourd’hui, les formes localisées sont traitées, dans la majorité des cas, par une combinaison initiale de chimiothérapie et de chirurgie. Toutefois, au moment du diagnostic, un quart des jeunes patients sont déjà porteurs de métastases. Malgré les progrès déjà réalisés, la recherche de nouvelles thérapies pour les formes avancées est primordiale pour améliorer encore leur pronostic.

C’est l’une des préoccupations majeures de Franck Tirode, chargé de recherche Inserm à l’Institut Curie dans l’équipe du Dr Olivier Delattre (Unité génétique et biologie des cancers Inserm 830/Institut Curie). Partant de la découverte de l’anomalie chromosomique responsable de la tumeur, il a cherché à identifier les cibles en aval de cette altération. « C’est ainsi que nous avons découvert le rôle majeur de la protéine kinase PRKCB dans le développement de la tumeur d’Ewing. Cette dernière est cruciale pour la survie cellulaire in vitro et le développement tumoral in vivo. » explique Franck Tirode. D’ailleurs, la surexpression de PRKCB est présente dans toutes les tumeurs d’Ewing. C’est une véritable signature de ce cancer pédiatrique qui pourrait à terme devenir un marqueur diagnostique complémentaire de cette tumeur.

A l’instar de l’identification par cette même équipe de la protéine IGFBP3[1] qui a conduit à des essais cliniques ciblant la voie IGF1, l’identification de la PRKCB – surexprimée dans les tumeurs d’Ewing à un taux beaucoup plus élevé que dans d’autres tumeurs – laisse présager des possibilités thérapeutiques prometteuses. « En effet, la nature même de cette protéine en fait une cible idéale pour de nouvelles thérapies » ajoute le chercheur. Pour preuve, il existe déjà des inhibiteurs de la protéine PRKCB en cours d’essai clinique pour d’autres localisations tumorales chez l’adulte.

Toutefois, comme le conclut Franck Tirode, « le plus grand bénéfice en termes thérapeutiques viendra très certainement  de l’association d’un inhibiteur de la PRKCB avec d’autres molécules dirigées contre des cibles spécifiquement activées dans les tumeurs d’Ewing, telle que la voie IGF1. »

Pour en savoir plus sur les tumeurs d’Ewing

Avec près de 100 nouveaux cas par an en France, la tumeur d’Ewing est la deuxième tumeur maligne primitive de l’os, en termes de fréquence. Elle survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte (jusqu’à 30 ans), avec un pic de fréquence à la puberté entre 10 et 20 ans. Appelée aussi sarcome d’Ewing, cette tumeur se développe essentiellement dans les os du bassin, les côtes, les fémurs, les péronés et les tibias. C’est à l’Institut Curie qu’a été découverte en 1984, et caractérisée, en 1992, dans l’unité d’Olivier Delattre, l’anomalie chromosomique responsable de cette tumeur. Il s’agit d’une translocation qui se produit, dans 85 % des cas, entre les chromosomes 11 et 22 et aboutit à la synthèse d’une protéine anormale EWS-FLI1, et dans 10 % des cas, entre les chromosomes 22 et 21 et donne lieu à la synthèse d’une protéine anormale EWS-ERG. Il existe d’autres altérations, mais elles sont rares. La découverte de ces altérations génétiques a permis la mise au point, à l’Institut Curie en 1994, d’un test moléculaire diagnostic de la tumeur d’Ewing.

Aujourd’hui, les formes localisées sont traitées majoritairement par une combinaison initiale de chimiothérapie et de chirurgie. Une chimiothérapie postopératoire, et parfois une radiothérapie, complètent le traitement. Le pronostic de la tumeur d’Ewing a bénéficié de l’apport de nouvelles chimiothérapies.

L’Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge clinique et pour la recherche sur les tumeurs d’Ewing.

La protéine PRKCB, un marqueur de la tumeur d’Ewing

Le marquage brun sur ces deux coupes de prélèvement tumoral permet de mettre en évidence la présence de la protéine PRKCB. A gauche, il s’agit d’une tumeur desmoplastique à petite cellule ronde : dans ce cancer agressif des tissus mous, la PRKCB n’est pas exprimée. En revanche, à droite, dans une tumeur d’Ewing, la densité du marquage brun montre que la PRKCB est surexprimée, ce qui en fait un marqueur diagnostique complémentaire possible pour cette tumeur.

© AV. Decouvelaere / Centre Léon Bérard


[1] La protéine IGFBP-3 est désormais connue pour sa capacité à bloquer l’un des plus importants messagers cellulaires, le facteur de croissance IGF-1. IGFBP-3 est une cible thérapeutique pour bloquer la prolifération cellulaire anormale induite par IGF-1.

Une nouvelle molécule aux propriétés anticancéreuses et anti-métastatiques

Une nouvelle molécule aux propriétés anticancéreuses et anti-métastatiques vient d’être découverte par des équipes du CNRS, du CEA, de l’Institut Curie et de l’Inserm[1], en collaboration avec des chercheurs australiens et anglais. Cet anticancéreux agit sur les cellules résistantes aux chimiothérapies conventionnelles grâce à un mécanisme d’action entièrement nouveau. Celui-ci cible non seulement la multiplication des cellules mais également leur mobilité et empêcherait ainsi la formation de métastases. Publiés dans Cancer Research, les résultats obtenus in vitro et chez l’animal pourraient, à moyen terme, aboutir au développement de traitements anticancéreux alternatifs.

L’apparition de tumeurs résistantes limite considérablement l’efficacité des chimiothérapies conventionnelles. De plus, la dissémination des métastases est la cause la plus fréquente de décès des patients cancéreux. C’est pourquoi les chercheurs explorent diverses pistes thérapeutiques, notamment la mise au point de nouveaux médicaments actifs sur les cancers résistants et empêchant la formation de métastases.

Il aura fallu près d’une dizaine d’années pour qu’un groupe de biologistes et de chimistes du CNRS, du CEA, de l’Institut Curie et de l’Inserm aboutisse, en collaboration avec des scientifiques australiens et anglais, à la découverte et à la caractérisation d’une nouvelle molécule anticancéreuse et anti-métastatique. Pour y parvenir, les chercheurs ont utilisé une plateforme de criblage à haut débit robotisée :

près de 30 000 molécules ont été testées jusqu’à ce que l’une d’entre elles issue de la chimiothèque de l’Institut Curie présente l’activité attendue sur les cellules tumorales et qu’elle soit ainsi sélectionnée.

Appelée Liminib (ou Pyr1), cette nouvelle molécule a été identifiée comme un inhibiteur de la LIM Kinase (LIMK). Surexprimée dans les carcinomes[1] invasifs, la LIMK représente une cible thérapeutique pertinente qui suscite un vif intérêt pour de nombreux laboratoires. Cette kinase est connue pour réguler la dynamique du squelette interne de la cellule, constitué d’un réseau de fibres dont les filaments d’actine et les microtubules qui permettent aux cellules de se mouvoir et de se multiplier, deux propriétés activement utilisées par les cellules cancéreuses.

Liminib stabilise les microtubules.

©Lafanechère/CNRS Liminib stabilise les microtubules. Les microtubules sont des structures filamenteuses. Grâce à des anticorps spécifiques il est possible de les visualiser. Ainsi, dans une même cellule, on peut marquer les microtubules totaux en rouge et les microtubules stabilisés en vert. Contrairement aux cellules contrôles, on observe de nombreux microtubules verts, stabilisés, dans les cellules traitées par Liminib. La barre d’échelle (en blanc, photo en bas à droite) représente 10 µM.


Liminib est donc le premier inhibiteur de la LIMK découvert présentant des propriétés anticancéreuses. Cette molécule bloque la mobilité des cellules en désorganisant le cytosquelette d’actine et provoque également une stabilisation du réseau microtubulaire, empêchant ainsi les cellules de se multiplier, par un mécanisme différent de celui du Taxol®[2], un médicament anti-cancéreux largement utilisé. Les chercheurs montrent que Liminib est toxique sur plusieurs lignées cellulaires cancéreuses in vitro, y compris sur des lignées résistantes aux chimiothérapies. De plus, les résultats d’une étude préclinique « pilote » menée chez un modèle murin sont encourageants : ils révèlent non seulement une bonne efficacité mais aussi une bonne tolérance de cette nouvelle molécule. A moyen terme, ces travaux pourraient aboutir, dans un premier temps, au développement de traitements alternatifs pour les patients en impasse thérapeutique.


[1] Tumeurs cancéreuses épithéliales ou glandulaires.

[2] Les molécules de la famille du Taxol® (les taxanes) sont des médicaments couramment utilisés en chimiothérapie mais qui provoquent de nombreux effets indésirables et, souvent, une accoutumance des cellules traitées, diminuant ainsi son efficacité. Les taxanes agissent directement sur la tubuline, protéine constitutive des microtubules.


[1] Sont notamment impliqués dans ces travaux : le Centre de criblage pour Molécules Bio-Actives de l’institut iRTSV du CEA (CEA/CNRS/INSERM/Université Joseph Fourier, Grenoble), l’Institut Albert Bonniot (INSERM/Université Joseph Fourier), le laboratoire Conception, synthèse et vectorisation de biomolécules (CNRS/Institut Curie), le Centre de recherche en oncologie biologique et oncopharmacologie (Inserm/Université de la Méditerrannée) à Marseille, le Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard-Lyon 1/Centre anticancéreux Léon Bérard), le laboratoire Bases moléculaires et structurales des systèmes infectieux (CNRS/Université Claude Bernard-Lyon 1).

L’anémie des maladies chroniques élucidée

Le rôle essentiel d’une molécule, l’activine B, dans l’anémie survenant fréquemment au cours des maladies chroniques, vient d’être mis en évidence par une équipe de l’Inserm à Toulouse. Alors que la prise de fer par voie orale est relativement inefficace dans ce type d’anémie, les chercheurs voient en l’inactivation de cette molécule une cible thérapeutique potentielle. Ces travaux sont publiés dans la revue Blood.

Une anémie dite « anémie des maladies chroniques » survient fréquemment lors d’infections chroniques, qu’elles soient virales, bactériennes, parasitaires ou mycosiques, mais également au cours de maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus ou maladies inflammatoires chroniques intestinales) et de cancers (tumeurs solides, lymphomes ou myélomes).

Elle se caractérise par une baisse du taux de fer circulant dans le sang. Dans ce contexte pathologique, l’anémie accroît l’asthénie et la détérioration de la qualité de vie des patients, et l’apport de fer par voie orale est malheureusement inefficace.

© Fotolia 

Le mécanisme de cette anémie des maladies chroniques s’explique en grande partie par une augmentation de la production d’hepcidine, l’hormone du fer, par les cellules hépatiques. Cette hepcidine produite en excès empêche l’absorption du fer par le tube digestif et séquestre le fer libéré par le recyclage des globules rouges vieillissants dans les macrophages de la rate. Il n’y a alors plus assez de fer disponible pour la synthèse de l’hémoglobine.

Les membres de l’équipe d’Hélène Coppin et de Marie-Paule Roth (1) viennent de découvrir ce qui déclenchait la production exagérée d’hepcidine par le foie dans les maladies inflammatoires. Il s’agit de l’activine B, une petite molécule connue jusque là principalement pour réguler le cycle menstruel. Etonnamment, sa synthèse par le foie augmente massivement en réponse à un stimulus inflammatoire. L’activine B active alors une cascade de signaux, que l’équipe a clairement identifiés, et qui aboutissent à la production d’hepcidine.

Suite à ces travaux, les chercheurs considèrent l’activine B comme une cible spécifique dont l’inactivation permettrait d’enrayer l’anémie des maladies chroniques.

ADN tumoral circulant dans le sang : un nouveau biomarqueur du cancer

Repérer le plus tôt possible l’apparition de cancers ou leur rechute est l’un des enjeux de la cancérologie. Malgré les progrès de l’imagerie, la récidive de la tumeur doit avoir atteint une taille suffisante pour être visible. A l’Institut Curie, un travail co-dirigé par deux médecins chercheurs, Marc-Henri Stern et Olivier Lantz (U830 et U9323 Inserm/Institut Curie), montrent pour la première fois qu’il est possible de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang de patients atteints de mélanome de l’oeil métastatique. Sa présence révèle l’existence d’une tumeur et sa quantité reflète sa taille : ceci en fait un nouveau biomarqueur susceptible de repérer très tôt la présence d’une tumeur ou d’une récidive.

Bien que réalisée sur un nombre limité de patients atteints d’une maladie rare, cette étude mise en ligne dans Clinical Cancer Research est une preuve de concept de la faisabilité et de l’intérêt clinique de la détection et de la quantification de l’ADN tumoral dans le sang. Cette technique pourrait être appliquée à n’importe quel type tumoral à partir du moment où une altération génétique spécifique a été identifiée.

Malgré les progrès dans la prise en charge initiale des mélanomes de l’oeil, ce cancer est, une fois disséminé, très difficile à traiter. L’un des espoirs est de pouvoir proposer le plus tôt possible un traitement aux patients présentant une dissémination tumorale. Mais à ce jour, les techniques d’imagerie et de biologie ne peuvent révéler que des métastases ayant déjà une taille importante. D’où l’idée des chercheurs de l’Institut Curie de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang des patients.

A partir d’une prise de sang, les chercheurs détectent de l’ADN tumoral dans le sang : sa présence est la preuve de l’existence d’un foyer tumoral. © Phovoir

Détecter l’ADN circulant dans le sang : une nouvelle méthode « simple » applicable à tous les cancers

Il existe en effet un phénomène naturel de dégradation des cellules normales ou tumorales dans l’organisme et ce, afin d’assurer le renouvellement des tissus. Les cellules sont dégradées et une partie de leur matériel génétique se retrouve dans le sang. Donc, comme l’explique Marc-Henri Stern (1), « si de l’ADN tumoral est détecté, cela signifie que des cellules tumorales sont présentes dans l’organisme. »

Un travail co-dirigé par Olivier Lantz (2) et Marc-Henri Stern 1 s’est attelée à mettre au point une technique utilisable en clinique pour détecter l’ADN tumoral dans le sang sachant que celui-ci est en très faible quantité par rapport à l’ADN normal issu des autres cellules. Dans un premier temps, il a fallu déterminer comment distinguer l’ADN tumoral. « L’ADN tumoral possède les mêmes altérations que la tumeur primitive. La présence de ces mutations génétiques, en l’occurrence une altération dans les gènes GNAQ ou GNA11 très fréquentes dans ce type de cancer, est la marque de l’origine de l’ADN. » explique Olivier Lantz 2.

Les chercheurs ont ensuite eu recours à la méthode appelée « polymérisation activée par pyrophosphorolyse » (PAP), basée sur la réaction en chaîne par polymérase, pour détecter la présence de 3 mutations ponctuelles dans ces deux gènes. Cette technique allie sensibilité et spécificité puisqu’elle permet d’identifier une mutation ponctuelle dans un gène au milieu d’une quantité d’ADN équivalente à plus de 10 000 génomes entiers de cellule. Cette technique est simple, peu coûteuse et peut être mise en oeuvre dans n’importe quel laboratoire de biologie moléculaire clinique.

D’un point de vue clinique, de l’ADN tumoral a été détecté dans les prélèvements sanguins de 20 des 21 patients ayant un mélanome de l’oeil métastatique. « Par ailleurs la quantité de cet ADN était proportionnelle à la masse tumorale évaluée par imagerie par résonance magnétique (IRM) » ajoute Marc-Henri Stern. « Nous avons ainsi établi la preuve de concept que cette méthode de détection est parfaitement adaptée pour repérer la présence d’un foyer tumoral chez les patients à partir d’une simple prise de sang » complète Olivier Lantz.

Des études complémentaires sont dores et déjà prévues pour évaluer la valeur pronostique de ce nouveau biomarqueur en fonction du stade d’évolution des mélanomes de l’oeil.

Des thérapies ciblées étant en cours de développement pour cette tumeur, la recherche de l’ADN tumoral pourrait permettre de repérer très tôt une rechute – de petite taille – et donc les patients susceptibles d’en bénéficier de manière optimale, avec en prime la possibilité d’évaluer son efficacité en observant une éventuelle diminution du taux d’ADN tumoral circulant dans le sang.

Mais l’avenir de cette technique va bien au-delà du mélanome de l’oeil, puisqu’elle pourrait s’appliquer à tous les cancers chez lesquels une mutation spécifique a été identifiée.

Mélanomes de l’oeil : l’expertise de l’Institut Curie

Le mélanome de l’oeil est le cancer de l’oeil le plus fréquent chez l’adulte, avec 500 à 600 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. L’Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge de cette pathologie avec plus de la moitié des patients français traités chaque année.

L’une des préoccupations majeures est la préservation de la vue. Les traitements conservateurs, qui permettent de détruire ou d’enlever la tumeur en conservant le globe oculaire, sont essentiellement basés sur la chirurgie, la protonthérapie et la curiethérapie. Si la tumeur est trop volumineuse, le traitement conservateur n’est pas toujours réalisable et une ablation chirurgicale de l’oeil (énucléation) est parfois nécessaire.

Lors du diagnostic d’un mélanome de l’oeil, il est assez rare de déceler la présence de métastases. Toutefois, 10 ans – et parfois jusqu’à 20 ans – après le diagnostic, des métastases sont décelées chez 30 à 50 % des patients.

L’uvée ne possédant pas de système lymphatique, les cellules tumorales ne se propagent que par le système sanguin. Dans plus de 80 % des cas, seul le foie est atteint. Plus rarement et plus tardivement, des métastases se développent au niveau des os, de la peau ou des poumons.

1 MH Stern est directeur de recherche Inserm, médecin expert en génétique et chef de l’équipe Génomique et biologie des cancers du sein héréditaires dans l’unité U830 Inserm/Institut Curie.

2 O. Lantz est médecin spécialiste en immunologie à l’hôpital de l’Institut Curie et chef de l’équipe Lymphocyte T CD4+ et réponse anti-tumorale dans l’unité U932 inserm/Institut Curie

BCG et cancer de la vessie : vers un nouveau protocole pour les patients ?

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’université Paris Descartes et de Mines ParisTech ont montré comment renforcer les effets du BCG qui constitue, depuis 35 ans, le traitement standard des tumeurs à haut risque de récidive dans le cancer de la vessie. La validation de ce nouveau protocole thérapeutique permettrait de limiter les rechutes de ce cancer parmi les plus fréquents des pays industrialisés. Cette étude est publiée ce jour sur le site de Science Translational Medicine.

A ce jour, malgré les progrès de l’immunologie, peu d’immunothérapies, ces traitements qui consistent à stimuler le système immunitaire, ont démontré leur efficacité clinique. L’une des exceptions notables est le traitement du cancer de la vessie par le BCG, le bacille de Calmette et Guérin connu du grand public comme le vaccin contre la tuberculose. Le succès de cette « BCG thérapie » repose sur de simples injections répétées de BCG, localement dans la vessie. Le taux de survie des patients varie alors entre 50 et 70%.

En utilisant un modèle murin pour caractériser la dynamique de la réponse immune au BCG dans la vessie, une étude réalisée par Claire Biot dans l’équipe de Matthew Albert*, responsable de l’unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques (Institut Pasteur/Inserm/Université Paris Descartes), a montré qu’une simple injection sous-cutanée du BCG préalablement au protocole standard de la « BCG thérapie » améliore la réponse anti-tumorale. Les cellules immunitaires sont ainsi opérationnelles en grand nombre dès la première instillation de BCG dans la vessie.

A la lumière de ces résultats obtenus chez la souris, les chercheurs se sont demandé si les patients vaccinés dans leur enfance par le BCG répondaient mieux au traitement standard. A l’aide d’une étude réalisée par l’université de Berne, ils ont comparé les réponses au traitement de deux types de patients : ceux qui sont vaccinés et répondent toujours positivement au test anti-tuberculinique, preuve que la vaccination est toujours effective. Et ceux dont la vaccination n’est plus active. Ils ont ainsi pu constater que sur une période de cinq ans, 80% des patients positifs survivaient sans récidive contre seulement 45% des patients qui avaient été testés négativement au BCG. Un résultat qui corrobore les données obtenues expérimentalement sur le modèle murin.

Ces données encourageantes suggèrent qu’une simple injection intradermique de BCG préalablement au protocole standard pourrait améliorer la réponse au traitement. Cette nouvelle stratégie thérapeutique devrait très prochainement faire l’objet d’une étude clinique afin d’être validée et de proposer une meilleure prise en charge des patients.

Ces travaux ont pu être réalisés grâce au soutien financier de La Ligue contre le cancer et de l’Institut national du cancer, et grâce à la générosité de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et de la Swiss National Foundation.

* Matthew Albert est directeur de recherche Inserm et professeur à l’Institut Pasteur. Il dirige le département d’Immunologie à l’Institut Pasteur ainsi que l’unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques (unité mixte 818 Institut Pasteur/Inserm) et rattaché à l’université Paris Descartes.
Dans son équipe, Claire Biot est chercheur à Mines ParisTech, détachée dans l’unité de Matthew Albert.

Cancer du foie : premiers résultats de séquençage à haut débit obtenus en France

Depuis 2009, la France mène un grand essai pilote sur le cancer du foie dans le cadre du projet International Cancer Genome Consortium (ICGC). Ce projet vise à séquencer le génome des tumeurs de plusieurs milliers de patients afin de mieux comprendre, pour une cinquantaine de cancers différents, le rôle des altérations génétiques dans leur développement. Les travaux menés par l’équipe de Jessica Zucman-Rossi (Unité Inserm 674 « Génomique fonctionnelle des tumeurs solides » mixte avec l’Université Paris Descartes) ont révélé 4 gènes n’ayant jamais été décrits dans les tumeurs du foie et qui présentent pourtant des altérations fréquentes. Ces gènes, nommés ARID1A, RPS6KA3, IRF2 et NFE2L2 sont impliqués dans des processus importants qui conduisent à la naissance de tumeurs au niveau du foie.
Ces travaux sont publiés le 6 mai 2012 dans la revue Nature Genetics.

Coordonnée par l’INCa et l’Inserm, la participation française à l’ICGC porte sur 4 programmes concernant un type particulier de cancer du sein, les cancers agressifs de la prostate, le sarcome d’Ewing et le cancer du foie.

Cellules Hep3B : Marquage fluorescent de la N-cadhérine en rouge et Phalloidine en vert de cellules de lignée d'hépatome Hep3B inactivées pour le gène HNF1A. Les noyaux sont marqués en bleu par le Dapi.

© Inserm, Zucman-Rossi, Jessica

Cellules Hep3B : Marquage fluorescent de la N-cadhérine en rouge et Phalloidine en vert de cellules de lignée d’hépatome Hep3B inactivées pour le gène HNF1A. Les noyaux sont marqués en bleu par le Dapi.

Le cancer du foie est la 3ième cause de mortalité dans le monde. Il apparait souvent chez des personnes dont le foie est déjà touché par des pathologies telles qu’une hépatite B ou C, la consommation excessive d’alcool, des surcharges en fer ou l’obésité ; ces pathologies pouvant conduire au développement d’une cirrhose du foie.

En France, une étude pilote incluant une première série de 24 carcinomes hépatocellulaires dans le cadre du consortium ICGC de séquençage de l’ensemble du génome a démarré en 2009. Le but de cette étude menée par Jessica Zucman-Rossi était de mettre en évidence de nouveaux gènes responsables de la formation de ces tumeurs du foie (suppresseurs de tumeur et/ou à l’inverse oncogènes).

Grâce à de nouvelles techniques de séquençage du génome, les chercheurs ont pu établir que le code génétique des personnes atteintes d’un cancer du foie présentait souvent des modifications : les bases G étant remplacées par des bases T. Ces mutations semblent spécifiques et significativement associées aux cancers du foie. Ceci suggère fortement, en dehors d’une cirrhose du foie préexistante, l’implication d’un agent toxique qui entrainerait des mutations dans l’ADN de ces patients.
Dans les zones tropicales, des composés comme l’aflatoxine B1 sont déjà bien connus pour de tels effets cancérigènes. De nouvelles données épidémiologiques et toxicologiques restent à établir pour déterminer précisément quels pourraient être ces agents génotoxiques chez ces patients vivant en France.

Identification de 4 nouveaux gènes impliqués dans les tumeurs du foie

L’analyse de l’ensemble des mutations observées a révélé 4 nouveaux gènes n’ayant jamais été décrits dans les tumeurs hépatiques et qui présentent pourtant des altérations génétiques récurrentes ; ARID1A, RPS6KA3, IRF2 et NFE2L2. Afin de comprendre leur rôle, ces 4 gènes, ainsi que 10 autres, ont été testés sur des échantillons de 125 tumeurs hépatiques.

D’un point de vue physiologique, certaines de ces mutations génétiques altéreraient deux voies de signalisation connues des scientifiques : la voie WNT/β-Caténine et celle de la P53.

D’autres, par ailleurs, sont impliquées dans l’activation de la voie du stress oxydatif, de l’interferon ou de la signalisation RAS qui entrainent des bouleversements de l’état cellulaire.

Enfin, chez les patients avec une intoxication alcoolique chronique, les gènes de remodelage des chromosomes (qui stabilisent l’ADN) sont fréquemment altérés ce qui en fait des contributeurs majeurs de la tumorigenèse hépatique.

Pour Jessica Zucman-Rossi, « cette étude révèle de nouveaux gènes suppresseurs de tumeurs et oncogène impliqués dans la carcinogenèse hépatique. De nouvelles pistes sont à explorer pour utiliser dans le futur de nouveaux médicaments ciblant ces altérations génétiques et ainsi améliorer et adapter le traitement des patients en fonction des anomalies génomiques identifiées dans leur tumeur. »

Ce travail a été coordonné et financé par l’INCa dans le cadre du Plan cancer 2009-2013 en collaboration étroite avec la Ligue nationale contre le cancer et l’Inserm.

Notes

(1) qui est basé sur quatre bases ATCG
(2) L’aflatoxine est une toxine secrétée par un champignon (Ascomycète aspergillus flavus) fréquente sur diverses graines en condition chaude et humide. C’est un agent oncogène puissant, en particulier sur le foie, et un inhibiteur de la synthèse des ARNm.

L’Institut national du cancer partenaire français du consortium international ICGC
L’International Cancer Genome Consortium (ICGC) constitue un des programmes globaux de recherche biomédicale les plus ambitieux depuis le projet Génome Humain (http://www.icgc.org/). Initié en 2008, le programme ICGC, qui regroupe actuellement 14 pays, a pour objectif d’établir une description complète des altérations génomiques, transcriptomiques et épigénomiques de 50 types et/ou sous-types de cancers considérés comme les plus préoccupants aux plans clinique et sociétal.
25 000 génomes de cancers doivent ainsi être séquencés et analysés, et les résultats implémentent progressivement une base de données accessible aux chercheurs du monde entier. Le catalogue des altérations génomiques spécifiques de chaque type de cancer permettra le développement d’investigations fonctionnelles sur les mécanismes de la cancérogénèse conduisant à de nouvelles stratégies de prévention, de diagnostic et de traitement.
Les organisations membres et les centres qui prennent part à l’ICGC se sont engagés sur des normes relatives au respect du consentement éclairé et des règles éthiques communes afin de garantir que l’identité des participants aux études soit protégée.
L’Institut national du cancer (INCa) coordonne la contribution française à ce programme, avec des financements INCa-Inserm à hauteur de 5 M € par an.
Le programme ICGC est une opportunité pour consolider l’effort structurant engagé par l’INCa dans le domaine de la génomique à grande échelle.
En 2012 l’INCa et l’Inserm sont engagés sur 4 projets portant sur les cancers du foie, du sein HER2+, de la prostate et sur le sarcome de Ewing. Un cinquième programme sera engagé en 2012-2013.

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