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Et si l’optimisme s’apprenait ?

Portrait of happy woman with fingers crossed

© Fotolia

Comment notre cerveau apprend-il de nos erreurs ? Préfère-t-il les bonnes nouvelles aux mauvaises ? C’est à ces questions qu’a répondu une équipe de chercheurs menée par Stefano Palminteri (Inserm-ENS), lauréat du programme ATIP-Avenir, du Laboratoire de Neurosciences Cognitives. Les résultats paraitront dans Nature Human Behaviour.

De manière générale, l’homme a tendance à surestimer la probabilité d’un événement positif dans un avenir proche tandis qu’il sous-estime celle d’un événement négatif. En psychologie cognitive on appelle cela, le biais d’optimisme. Ce biais, ainsi que d’autres biais cognitifs, influence notre logique rationnelle, nos jugements ou nos décisions et par conséquent nos comportements. Le biais d’optimisme est une tendance à davantage prendre en compte les informations « positives » (les bonnes nouvelles) par rapport aux informations « négatives » (les mauvaises nouvelles). Cette asymétrie fondamentale est supposée générer et nourrir ce biais et nous fait croire que nos perspectives futures sont, en moyenne, meilleures que celles des autres. Cela a notamment été mis en évidence chez de gros fumeurs qui sous-estiment leur risque de mortalité prématurée ou encore chez certaines femmes qui sous-estiment leur risque d’avoir un cancer du sein.

Une équipe de recherche du Laboratoire de Neurosciences Cognitives (LNC) a voulu en savoir plus sur ce phénomène et comprendre son origine. Ce phénomène est-il uniquement lié à nos croyances concernant de potentiels futurs événements ou plus généralement, est-il aussi présent dans tout type d’apprentissage y compris le plus fondamental : l’apprentissage par essai et erreur ? Pour ce faire, les chercheurs ont étudié le comportement chez un groupe de personnes engagées dans un processus d’apprentissage par essai et erreur qui consistait à faire un choix entre deux symboles associés à une récompense monétaire. Selon le choix du participant, ce dernier pouvait gagner 0,50€ (« bonne nouvelle »), ne rien gagner ou perdre 0,50€ (« mauvaise nouvelle »).

Les résultats démontrent que les participants accordent aux « bonnes nouvelles », 50 % plus d’importance en moyenne qu’aux « mauvaises nouvelles ». Cette tendance générale de notre cerveau à apprendre de manière asymétrique, en privilégiant les informations positives et négligeant les négatives, serait à la base du biais d’optimisme.

Une question restait en suspens, celle du rapport entre ce biais profondément ancré dans l’apprentissage et les circuits cérébraux de la récompense. Pour répondre à cette question, les chercheurs du LNC ont étudié l’activité cérébrale des sujets effectuant la tâche d’apprentissage précédemment décrite, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Selon Stefano Palminteri, à la tête de cette étude : « l’activité cérébrale enregistrée dans les structures majeures du circuit cérébral de la récompense est quasiment 2 fois plus importante chez un sujet optimiste comparativement à un sujet plus réaliste, à récompense monétaire égale. Cette activité met en évidence des profils distincts, plus ou moins optimistes ou réalistes. ».

Outre le fait de donner une explication neuropsychologique à l’origine de l’optimisme, ces travaux apportent une preuve supplémentaire de l’existence de biais d’apprentissage profondément ancrés dans la cognition humaine. Le biais d’optimisme pourrait alors être en cause dans des psychopathologies comme la dépression (absence du biais) ou certaines addictions (surexpression du biais). « Pour mieux comprendre l’origine et le maintien de ces comportements dont le coût social et humain est important, l’étude de ces biais élémentaires dans les processus d’apprentissage est donc primordiale » estiment les auteurs de l’étude.

Vers la synthèse d’antibiotiques par une nouvelle enzyme bactérienne

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©Inra

Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont découvert un nouveau type d’enzymes bactériennes capables de produire des peptides à activité antibiotique jusqu’alors jamais identifiés. Publiés dans Nature Chemistry, ces travaux sont prometteurs pour la synthèse de molécules d’intérêt pharmaceutique et la conception de nouveaux antibiotiques.

Dans le cadre des recherches portant sur l’étude des enzymes du microbiote intestinal, des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont étudié la bactérie modèle Bacillus subtilis. En effet, son analyse génétique a révélé la présence de gènes conservés chez des bactéries communes du microbiote intestinal telles que les entérocoques.  

Les scientifiques se sont notamment intéressés à deux gènes de Bacillus subtilis codant potentiellement pour un peptide et une enzyme appartenant à la super-famille dite des « enzymes à radical SAM». Leurs travaux ont permis de décrire un nouveau mécanisme enzymatique capable de transformer un peptide en une molécule bio-active. Appelée épimérisation, cette transformation enzymatique entraîne le changement de configuration de certains acides aminés de la configuration L (configuration normale au sein des peptides) vers la configuration D. Les chercheurs ont découvert comment cette enzyme fonctionne : elle arrache un atome d’hydrogène présent sur l’atome de carbone alpha des acides aminés pour en donner un nouveau, à l’origine de l’épimérisation de ces derniers. Il s’agit d’un mécanisme inédit dans le vivant.

C’est la première fois que des chercheurs démontrent in vitro la capacité d’enzymes à « radical SAM» de catalyser des épimérisations au sein d’un peptide. De manière surprenante, le peptide ainsi modifié et appelé « épipeptide », est capable d’inhiber très efficacement la croissance de Bacillus subtilis.

Ces épipeptides représentent donc une nouvelle classe de produits naturels qui pourraient servir à développer de nouveaux antibiotiques contre les bactéries à Gram-positif (comme les staphylocoques, entérocoques ou les streptocoques) dont la résistance croissante aux antibiotiques représente un problème majeur de santé publique.

Les mouvements volontaires des yeux, nouvel indicateur du contrôle postural dans la maladie de Parkinson ?

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© Fotolia

L’instabilité de la posture est le premier facteur associé aux chutes chez les patients parkinsoniens mais il existe d’autres symptômes tels que les troubles oculaires. Des équipes de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Inserm, CNRS, UPMC) se sont penchés sur le lien entre ces troubles oculaires observés chez certains patients et l’instabilité de la posture. Leurs résultats mettent en évidence un nouveau marqueur potentiel du contrôle postural dans la maladie de Parkinson. Ces résultats sont publiés dans la revue Neurology.

Certains patients atteints de la maladie de Parkinson présentent des dysfonctionnements au niveau de mouvements volontaires des yeux, les « antisaccades ». Le Dr Claire Ewenczyk, au sein de l’équipe du Pr Marie Vidailhet, et le Pr Stéphane Lehéricy, de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Inserm, CNRS, UPMC) à l’hôpital Pitié Salpêtrière AP-HP, a mené une étude chez 30 patients parkinsoniens avec ou sans troubles du contrôle postural et 25 sujets sains.

Les chercheurs ont testé la marche et l’équilibre chez les patients et ont par ailleurs enregistré l’initiation de la marche et le mouvement des yeux. En parallèle, ils ont étudié les interactions entre deux régions cérébrales : la région oculomotrice frontale, jouant un rôle important dans l’attention visuelle et les mouvements des yeux, et la région locomotrice mésencéphalique, largement impliquée dans le contrôle de la posture et des mouvements oculaires.

Leurs résultats montrent que les patients avec des troubles de la posture présentent également un temps de réaction anormal (latence) des mouvements volontaires des yeux. Cette anomalie est corrélée à une variation des paramètres lors de l’initiation du pas, notamment de la durée des ajustements posturaux anticipatoires, mécanismes mis en place par le système nerveux central pour maintenir l’équilibre en position debout lors de l’exécution de mouvements volontaires.

L’étude des interactions cérébrales entre la région oculomotrice frontale et la région locomotrice mésencéphalique révèle, chez les sujets sains, une corrélation entre les connexions fonctionnelles de ces régions et la latence des mouvements volontaires des yeux. Lorsque les patients sont atteints de la maladie de Parkinson, cette association disparait. Ceci suggère une atteinte étendue de la région mésencéphalique dans la maladie, qui est impliquée à la fois dans le contrôle de la posture et des mouvements des yeux.

L’allongement du temps de réaction des mouvements des yeux ou « antisaccades », un paramètre simple et fiable, pourrait constituer un marqueur pronostic du contrôle postural dans la maladie de Parkinson et être utilisé pour l’évaluation des patients dans de futures études longitudinales.

Le manque de sommeil altère le cerveau des ados

Ne pas assez dormir ou se coucher trop tard entraine une diminution du volume de matière grise du cerveau des adolescents. Ces conclusions ont été obtenues par des chercheurs de l’Inserm de l’Unité 1000 « Neuroimagerie et psychiatrie » (Inserm/Université Paris-Descartes/Université Paris-Sud) qui ont étudié le cerveau et les habitudes de sommeil de 177 élèves de 14 ans. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports et ont bénéficié du soutien de l’académie de Finlande.

Le manque de sommeil chez les adolescents peut compromettre leur réussite scolaire, leur santé et leur sécurité. Un sommeil court ou trop tardif a des conséquences sur les performances scolaires. La question de l’heure à laquelle doivent démarrer les enseignements pour qu’elle soit bénéfique pour la santé des adolescents demeure débattue. Cependant, les chercheurs ignoraient jusqu’à présent si les mauvaises habitudes de sommeil des adolescents étaient associées ou pas à des altérations de l’anatomie du cerveau.

Une collaboration entre les chercheurs de l’Inserm et de l’Institut National de la Santé et de l’aide sociale, soutenue par l’Académie de Finlande démontre pour la première fois une association entre les habitudes de sommeil et la structure du cerveau chez de jeunes adolescents.

Les chercheurs ont étudié les habitudes de sommeil de 177 élèves de 14 ans scolarisés dans des collèges de région parisienne. En moyenne, les enfants se couchent à 22h20 en semaine pour se lever à 7h06 et se couchent à 23h30 le weekend pour se lever à 9h45. Mais il existe de fortes disparités entre les adolescents.

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Les chercheurs ont constaté qu’une durée de sommeil courte (moins de 7h)  en semaine et qu’une heure de coucher tardive le week-end, étaient corrélés avec des volumes plus petits de matière grise dans plusieurs régions cérébrales (le cortex frontal, le cortex cingulaire antérieur et le précuneus.  » Le résultat le plus significatif de notre étude est très certainement celui qui montre que plus les adolescents se couchent tard le weekend, plus leur volume de matière grise est diminué » explique Jean Luc Martinot, directeur de recherche Inserm et dernier auteur de ce travail.

Ces 3 régions du cerveau sont notamment impliquées dans l’attention, la concentration et la capacité à réaliser des tâches simultanées. En outre, les chercheurs ont constaté que les mauvaises notes obtenues par les élèves étaient associées avec moins de matière grise dans les régions frontales, celles dont le volume est diminué par un coucher tardif le week-end.

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Ces résultats montrent qu’il existe un lien entre les mauvaises habitudes de sommeil, la structure du cerveau (encore en pleine période de maturation péri-pubertaire), et les mauvaises performances scolaires.

Pour les chercheurs, cette étude suggère de veiller à ce que les adolescents acquièrent de bonnes habitudes de sommeil pendant cette période de maturation de leur cerveau. « Nous encourageons les parents, les intervenants sociaux et scolaires, à favoriser le maintien d’un bon rythme veille-sommeil pour les adolescents. En particulier, éviter de se coucher systématiquement trop tard pendant les week-ends semble important pour optimiser le  potentiel de développement du cerveau et pour contribuer à la réussite scolaire. » conclut Jean Luc Martinot.

Sclérose en plaques : objectif régénération !

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Pourquoi la sclérose en plaques progresse-t-elle plus rapidement chez certains patients que chez d’autres ? Pourquoi certains patients atteints de SEP arrivent à régénérer leur myéline et d’autres non ? Des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Unité  1127 « Institut du cerveau et de la moelle épinière » (Inserm/CNRS/UPMC) et des équipes de l’AP-HP ont mis en évidence le fait que les lymphocytes jouent un rôle majeur dans ce processus de remyélinisation et qu’ils pourraient agir à travers eux pour développer de nouvelles stratégies de régénération de la myéline.

Ce travail est publié dans Brain

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central entrainant une destruction progressive de la gaine de myéline entourant les axones, indispensable à leur protection et à la transmission de l’influx nerveux. La capacité à réparer la myéline efficacement, est un facteur clef pour contrer la progression de la maladie. Comprendre pourquoi et comment certains patients parviennent à mieux gérer la maladie que d’autres est essentiel.

Dans la sclérose en plaques, les lymphocytes T attaquent la myéline comme s’il s’agissait d’un virus, ce qui est anormal, mais ce sont également eux qui organisent, plus ou moins bien, la réparation de celle-ci. Les lymphocytes activent les macrophages et la microglie, (d’autres cellules du système immunitaire), qui elles-mêmes vont attirer de nouvelles cellules souches sur le site de la lésion afin de réparer la myéline endommagée. Des études antérieures ont montré que chez certains patients, les lésions sont complétement réparées alors que chez d’autres patients, une fois la lésion apparue, elle ne se répare jamais.

Pour mieux comprendre le phénomène, les chercheurs de I’Inserm ont greffé des lymphocytes provenant de donneurs sains ou de patients atteints de sclérose en plaques au niveau de lésions démyélinisées de la moelle épinière de souris.

Grâce à cette technique, les chercheurs ont montré que le problème ne se trouvait pas au niveau de la première phase de recrutement des cellules capables de réparation, mais au niveau de la différenciation de ces cellules pour réparer la myéline. Dans le cas des patients à forte capacité de remyélinisation, les lymphocytes vont envoyer les signaux appropriés pour activer la microglie, qui passe alors dans un état d’activation et entraine la différenciation des cellules souches et la réparation de la myéline. Dans le cas de patients à faible capacité de remyélinisation, les lymphocytes T ne permettent pas l’activation de la microglie, affectant l’ensemble de la cascade de réparation.

En comparant les profils de sécrétion des lymphocytes issus de patients à forte ou faible capacité de remyélinisation, les chercheurs ont mis en évidence 3 molécules associées à une bonne remyélinisation et 3 molécules associées à une mauvaise.

Parmi elles se trouve la molécule CCL19, associée à une faible capacité de remyélinisation. Les chercheurs proposent l’hypothèse selon laquelle l’inhibition de cette molécule permettrait aux macrophages d’atteindre un état d’activation et pourrait donc agir sur le profil de remyélinisation des patients.

Les cellules microgliales et les macrophages sont des éléments essentiels dans la coordination de la réparation, ces résultats pourraient également apporter des éléments supplémentaires dans d’autres pathologies comme la sclérose latérale amyotrophique, la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson.

« L’étude des lymphocytes issus de patients présentant de fortes capacités de remyélinisation est une piste prometteuse pour développer de nouvelles stratégies de régénération de la myéline. De plus, l’étude systématique de leurs lymphocytes permettrait de proposer une aide au diagnostic et au traitement et de développer une médecine de précision adaptée à chaque patient » explique Violetta Zujovic, chercheuse à Inserm et principale auteur de ces travaux.

La testostérone pour réparer les fibres nerveuses

La sclérose en plaques

La myéline autour des neurones constitue une gaine. © Inserm/Fumat, Carole

Pour se protéger contre les agressions, l’organisme a recours à des processus de réparation naturelle. Qu’est ce qui concourt à la régénération spontanée de la gaine de myéline qui entoure les fibres nerveuses? C’est à cette question que se sont intéressés les chercheurs de l’unité 1195 « Petites Molécules de Neuroprotection, Neurorégénération et Remyélinisation » (Inserm/Université Paris-Sud). Ils ont découvert, chez la souris, le rôle inattendu et réparateur de la testostérone dans ce processus. Cela constituerait un facteur influençant l’évolution des maladies démyélinisantes, telles que la sclérose en plaques, qui peut différer chez les hommes et chez les femmes, et augure de nouvelles perspectives thérapeutiques.  

Ces résultats sont publiés dans PNAS.

La gaine de myéline permet la transmission rapide de l’information entre le cerveau ou la moelle épinière et le reste du corps. La myéline peut être la cible de pathologies dites démyélinisantes, telles que la sclérose en plaques ou de blessures qui conduisent à sa destruction. Ces pathologies perturbent la transmission nerveuse ce qui aboutit à divers symptômes parmi lesquels des paralysies. Des mécanismes de réparation se mettent alors en place et conduisent à la régénération de la myéline ainsi qu’à la régression des symptômes. Ce processus régénératif est inconstant pour des raisons encore largement méconnues. C’est ce qu’a analysé l’équipe de recherche « Myélinisation et Réparation de la Myéline » de l’unité 1195 « Petites Molécules de Neuroprotection, Neurorégénération et Remyélinisation ».

Dans cette étude, les chercheurs mettent en évidence le rôle essentiel et inattendu de l’hormone sexuelle mâle bien connue, la testostérone et de son récepteur, le récepteur des androgènes, dans la réparation spontanée de la myéline.

« La testostérone favorise la production de myéline par les cellules qui la synthétisent dans le système nerveux central dans le but de réparer la gaine essentielle à la transmission de l’influx nerveux » indique Elisabeth Traiffort, directrice de recherche à l’Inserm.

En absence de testicules et par conséquent de l’hormone que ces organes produisent, la testostérone, ou en absence du récepteur des androgènes, le processus de réparation spontanée de la myéline est perturbé chez la souris. En effet, la maturation des cellules spécialisées dans la synthèse de la myéline, « les oligodendrocytes » est défectueuse. Les chercheurs ont également montré que c’est le contrôle de cette maturation, assuré par d’autres cellules importantes pour la réparation,  « les astrocytes », qui est compromis.

Mais pourquoi la testostérone? En revenant aux origines de cette hormone, il s’avère de façon surprenante que le récepteur des androgènes qui permet à la testostérone d’agir est apparu au même moment que la myéline, très tard dans l’évolution des vertébrés gnathostomes (vertébrés à mâchoire). D’après les chercheurs, cela expliquerait leur lien très fort dans le processus de myélinisation.

« C’est aussi peut-être l’une des raisons pour lesquelles l’évolution des maladies démyélinisantes telles que la sclérose en plaques diffère souvent chez les hommes et chez les femmes. Nos résultats ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques et pourraient également être bénéfiques pour la recherche sur les maladies psychiatriques ou du vieillissement cognitif » conclut Elisabeth Traiffort, directrice de recherche à l’Inserm.

Sommeil paradoxal : ces neurones qui nous paralysent

Lors du sommeil paradoxal, le cerveau inhibe le système moteur, ce qui rend le dormeur complètement immobile. Des chercheurs CNRS travaillant au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm/Université Jean Monnet) ont identifié une population de neurones responsables de cette paralysie transitoire des muscles. Le modèle animal créé permettra de mieux comprendre l’origine de certains troubles du sommeil paradoxal, en particulier la maladie qui empêche cette paralysie corporelle. Il sera également d’une grande aide pour étudier la maladie de Parkinson, les deux pathologies étant liées. Ces travaux sont publiés le 12 décembre 2016 sur le site de la revue Brain.

Pourtant plongé dans un sommeil profond, le patient parle, s’agite, donne des coups de pied et finit par tomber de son lit. Il souffre d’une forme de parasomnie appelée REM Sleep Behavior Disorder[1] (RBD), une maladie du sommeil qui se déclare aux alentours de la cinquantaine. Alors que pendant la phase de sommeil paradoxal, les muscles sont au repos, chez ce patient, la paralysie corporelle est absente, sans que l’on sache bien pourquoi. Il exprime alors des mouvements anormaux reflétant très probablement son activité onirique.

Une équipe du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet) a fait un pas de plus dans la compréhension de cette pathologie. Les chercheurs ont identifié dans le cerveau les neurones du noyau sub-latérodorsal, idéalement placés pour contrôler la paralysie du système moteur pendant le sommeil paradoxal. Chez le rat, ils ont ciblé spécifiquement cette population de neurones en y introduisant des vecteurs viraux génétiquement modifiés[2]. Une fois dans les cellules neurales, ceux-ci bloquent l’expression d’un gène permettant la sécrétion synaptique du glutamate. Incapables de libérer ce neurotransmetteur excitateur, ces neurones ne peuvent alors plus communiquer avec leurs voisins. Ils sont déconnectés du réseau cérébral nécessaire à la paralysie corporelle du sommeil paradoxal.

Depuis 50 ans, la communauté scientifique considérait que ces neurones à glutamate généraient le sommeil paradoxal lui-même. L’expérience menée par l’équipe balaye cette hypothèse : même sans aucune activité de ce circuit neuronal, les rats passent bien par cet état de sommeil. Ils sont profondément endormis et déconnectés du monde extérieur, les paupières closes. Pourtant ces rats ne sont plus paralysés. Leurs comportements rappellent très fortement le tableau clinique des patients souffrant de RBD. Les neurones à glutamate ciblés dans cette étude jouent donc un rôle essentiel dans la paralysie corporelle pendant le sommeil paradoxal et seraient prioritairement atteints dans cette pathologie neurologique.

Ces travaux de recherche vont au-delà de la création d’un nouveau modèle préclinique mimant cette parasomnie. Ils pourraient même avoir une importance capitale dans l’étude de certaines maladies neurodégénératives. En effet, de récents travaux de recherche clinique ont montré que les patients diagnostiqués avec le RBD développent presque systématiquement les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, en moyenne une décennie plus tard. L’équipe cherche maintenant à développer un modèle animal évoluant de la parasomnie à la maladie de Parkinson afin de comprendre les prémices de la dégénérescence neuronale.

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A gauche : les neurones à glutamate du noyau sub-latérodorsal émettent une fluorescence rouge spontanée (gène rapporteur) indiquant que les vecteurs viraux utilisés y ont été efficacement introduits. © Sara Valencia Garcia / Patrice Fort, CNRS       

A droite : chez le rat normal (en A et B), les neurones du noyau sub-latérodorsal (SLD, coloré en marron) sont de nature glutamate (également coloré en noir). Chez le rat traité par les vecteurs viraux (en C et D), les neurones sont toujours présents (en marron) mais ne sont plus capables de libérer du glutamate (absence de coloration noire). © Sara Valencia Garcia / Patrice Fort, CNRS

[1] Le sommeil paradoxal est aussi appelé REM sleep chez les anglo-saxons

[2] Fournis par des chercheurs de l’université de Tsukuba au Japon

Un minimum d’effort pour un maximum d’effet

Dix jours après le décollage de l’astronaute Thomas Pesquet dans l’espace pour la mission Proxima, les questions restent nombreuses concernant l’adaptation de l’Homme à la gravité. L’équipe de recherche de l’Unité Inserm 1093 « Cognition, action et plasticité sensori-motrice » (Inserm/Université de Bourgogne) s’intéresse à la façon dont sont réalisés les mouvements dépendants de ce paramètre. Depuis 30 ans, on pensait que le cerveau à l’origine de la commande motrice compensait en permanence les effets de la gravité. Dans cette étude, les chercheurs révèlent qu’il se sert de la gravité pour minimiser les efforts que nos muscles doivent déployer. Ces résultats sont parus dans eLife.

De nombreuses activités humaines et animales nécessitent que les mouvements de nos membres s’opèrent de manière précise. (C’est le cas des danseurs professionnels qui ont une parfaite maitrise de leur corps.) Pour qu’un mouvement soit réussi, le cerveau doit générer des contractions musculaires en tenant compte des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter ce mouvement. L’un des plus importants est la gravité. Le cerveau développe une représentation interne de la gravité qu’il peut ainsi utiliser pour anticiper ses effets sur notre corps. Mais comment ça marche? Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que le cerveau compensait à chaque instant les effets de la gravité pour réaliser un mouvement. Mais les chercheurs de l’Inserm ont avancé une nouvelle hypothèse. Le cerveau utiliserait la représentation interne de la gravité pour en tirer avantage et économiser de l’énergie.

Pour percer ce mystère, l’équipe de recherche a demandé à des volontaires de réaliser des mouvements du bras en condition de gravité normale et en condition de microgravité. En gravité normale, 15 volontaires ont réalisé des mouvements du bras droit dans 17 directions différentes.

Chaque mouvement est composé de deux phases qui déterminent la durée totale du mouvement: une phase d’accélération (ex: lever le bras si la trajectoire initiale est « vers le haut ») et une phase de décélération (ex: pour stopper le bras dans sa course). C’est ce que l’on appelle l’organisation temporelle du mouvement.

Si le cerveau compensait les effets de la gravité en permanence, comme on le croyait, les durées des phases d’accélération et de décélération seraient constantes. En gravité normale, la phase d’accélération ou de décélération commandée par le cerveau s’est avérée plus ou moins grande selon l’orientation du mouvement. Cette observation corrobore l’hypothèse d’une adaptation de l’Homme pour tirer avantage de la gravité en modulant la durée de ces phases pour ne pas solliciter inutilement les muscles.

Pour confirmer et valider ces résultats, les chercheurs ont recréé l’apesanteur dans un avion. Les volontaires ont réitéré les mouvements du bras dans les 17 directions. Alors qu’au début de l’expérience, la façon de réaliser les mouvements est la même que sur Terre, peu à peu, les durées des phases d’accélération et décélération ont changé.

 

Volontaire effectuant des mouvements en condition de microgravité dans un avion suivant un arc parabolique © Jérémie Gaveau / Inserm

« Cette observation montre bien que notre cerveau capte les informations de l’environnement, se reprogramme et s’adapte à la nouvelle gravité » explique Jérémie Gaveau, premier auteur de ce travail. Une fois qu’il a compris, il intègre les nouveaux paramètres et envoie les commandes qui permettent de réaliser les mouvements en fournissant le moins d’efforts possible.

« La comparaison de ces résultats à ceux de simulations numériques révèle un comportement sophistiqué de l’individu. En effet, nos mouvements sont organisés pour tirer avantage des effets de la gravité, ceci afin de minimiser les efforts que nos muscles doivent déployer » conclut-il.

C’est un réel changement de paradigme. Cette avancée pourrait à terme être utilisée pour programmer correctement le « cerveau » des robots humanoïdes ou d’aide au mouvement pour les personnes handicapées.

Les mitochondries sont essentielles à la mémoire

visuel-marsicano-newsroomLes mitochondries développent notre mémoire en apportant de l’énergie aux cellules du cerveau

(c) Charlie Padgett

De nombreuses études ont montré que la prise de cannabis peut entrainer des pertes de mémoire à court et à long terme. Ces effets sur la mémoire seraient liés à la présence de récepteurs spécifiques sur plusieurs types cellulaires cérébraux (neurones mais aussi cellules gliales). Des chercheurs de l’Inserm sous la direction de Giovanni Marsicano (NeuroCentre Magendie, U1215) montrent que ces effets sur la mémoire sont liés à la présence de ces mêmes récepteurs sur les mitochondries, la centrale énergétique des cellules. C’est la première fois que l’implication directe des mitochondries dans les fonctions supérieures du cerveau, comme l’apprentissage et la mémoire, est montrée. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature.

 

Les mitochondries sont les centrales énergétiques des cellules animales. Elles sont présentes à l’intérieur des cellules pour produire l’énergie (sous forme d’ATP) nécessaire à tous les processus biochimiques. Pour ce faire, elles utilisent l’oxygène pour transformer les nutriments en ATP. Ces fonctions sont évidemment nécessaires à la survie de l’ensemble des cellules du corps, mais dans le cerveau l’impact des mitochondries va au de-là de la simple survie cellulaire. Si le cerveau ne représente que 2% du poids du corps, il consomme en effet, jusqu’à 25% de son énergie. Par conséquent, l’équilibre énergétique du cerveau est quelque chose de très important pour ses fonctions et, donc très régulé. On sait parfaitement que des altérations chroniques des fonctions mitochondriales (par ex. dans les maladies mitochondriales) produisent d’importants symptômes neurologiques et neuropsychiatriques.

Cependant, l’implication fonctionnelle directe des mitochondries dans les fonctions supérieures du cerveau, comme l’apprentissage et la mémoire, était jusqu’à présent inconnue.

En d’autres termes, nous servons-nous des mitochondries de notre cerveau quand nous apprenons ou quand nous nous souvenons de quelque chose ?

Cette étude, qui s’appuie sur la découverte du fait que le récepteur cannabinoïde CB1 est aussi présent sur les mitochondries du cerveau (appelées mtCB1) révèle que c’est bien le cas. À l’aide d’outils innovants, les chercheurs de l’Inserm ont montré que le composant actif du cannabis, le THC (delta9-tétrahydrocannabinol), provoque de l’amnésie chez les souris en activant les mtCB1 dans l’hippocampe.

« La diminution de mémoire induite par le cannabis chez la souris exige l’activation de ces récepteurs mtCB1 hippocampiques » explique Giovanni Marsicano. A l’inverse, « leur suppression génétique empêche cet effet induit par la molécule active du cannabis. Nous pensons donc que les mitochondries développent notre mémoire en apportant de l’énergie aux cellules du cerveau ».

Cette étude est importante non seulement parce qu’elle présente un nouveau mécanisme qui sous-tend les effets du cannabis sur la mémoire, mais aussi parce qu’elle révèle que l’activité mitochondriale fait partie intégrante des fonctions du cerveau.

Des macaques retrouvent le contrôle d’un membre paralysé

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(c) EPFL

Des primates non-humains ont retrouvé le contrôle d’un membre inférieur paralysé suite à une lésion de la moelle épinière. Cette avancée a été rendue possible grâce à une interface cerveau-moelle épinière (dite « neuroprothèse »). Ce système agit comme un pont sans fil entre le cerveau et les centres de la marche situés dans la moelle épinière, court-circuitant ainsi la lésion. Cette neuroprothèse a été développée par un consortium international mené par l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL) au sein duquel l’Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/Université de Bordeaux) sous la direction d’Erwan Bezard, directeur de recherche Inserm a mené la validation expérimentale chez l’animal. Les résultats sont publiés le 9 novembre 2016 dans la revue Nature. Un essai clinique a d’ores et déjà été initié à l’hôpital universitaire de Lausanne afin de tester les effets thérapeutiques de cette neuroprothèse chez des patients souffrant de lésions de la moelle épinière.

 

Le 23 juin 2015, un premier singe macaque porteur d’une lésion de la moelle épinière a pu retrouver le contrôle d’un membre inférieur paralysé, et donc remarcher, grâce à une neuroprothèse appelée « interface cerveau-machine » court-circuitant la lésion. Ce système est capable de restaurer la communication entre le cerveau (lieu de genèse des actions volontaires) et la région de la moelle épinière produisant les mouvements des membres inférieurs.

Comment ?
Cette interface cerveau-machine enregistre l’activité cérébrale liée à l’intention de marche, la décode, et transmet cette information à la moelle épinière sous la lésion. Cette transmission est assurée par des électrodes qui stimulent les réseaux nerveux activant les muscles des jambes pendant la locomotion naturelle. Ainsi, seuls les mouvements souhaités par le singe sont produits.
Cette neuroprothèse a été conçue à l’EPFL (Lausanne, Suisse) et techniquement développée par un groupe international composé de Medtronic (USA), l’Université Brown (USA) et le Fraunhofer ICT-IMM (Mayence, Allemagne). Elle a ensuite été testée chez le primate en collaboration avec l’Inserm, le CNRS, l’Université de Bordeaux et le Centre Hospitalier Universitaire de Lausanne (Suisse).
“C’est la première fois qu’une neuroprothèse restaure la marche chez le primate » déclare Grégoire Courtine, professeur à l’EPFL, qui conduit le consortium.

“Les deux singes ont été capables de remarcher immédiatement après la mise en fonction de la neuroprothèse. Aucun entrainement n’a été nécessaire » indique Erwan Bézard, directeur de recherches Inserm et directeur de l’Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/Université de Bordeaux), qui a supervisé les expériences sur le primate menées dans son centre. “ Il faut toutefois conserver à l’esprit les nombreux challenges qu’il reste à relever. Même si les essais cliniques débutent, cela prendra quelques années avant que de telles approches soient disponibles en clinique pour l’Homme ».

 

L’interface cerveau-moelle épinière court-circuite la lésion, en temps réel et sans fil

Dans le système nerveux intact, le signal électrique produisant la marche est généré au niveau des neurones cérébraux du cortex moteur. Ces signaux sont aussitôt envoyés à la région lombaire de la moelle épinière. A ce niveau, des réseaux complexes de neurones prennent le relais et contrôlent l’activation des muscles des jambes responsables de la marche. Des faisceaux de fibres nerveuses provenant du cerveau fournissent l’information requise à ces neurones quant à l’intention (ou non) de marcher, leur permettant alors de s’activer pour la réalisation du comportement. Une stimulation électrique délivrée précisément est donc capable de moduler ces réseaux et de produite l’activation désirée des muscles des jambes.

L’interface cerveau-moelle épinière court-circuite la lésion, en temps réel et sans fil. La neuroprothèse décode l’activité du cortex moteur pour « comprendre » le désir de marche ou de quelque mouvement que ce soit et transmet cette information au stimulateur. Ce dernier active les électrodes situées sous la lésion à la surface de la moelle épinière pour permettre l’activation contrôlée des muscles des jambes, en fonction du réel souhait de l’animal.

Le Pr. Jocelyne Bloch, neurochirurgienne, du centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV) conduit maintenant l’essai clinique qui permettra d’évaluer, chez l’Homme, le potentiel thérapeutique de cette technologie qui permettrait à des patients avec des lésions incomplètes de la moelle épinière de remarcher.

 

L’interface est composée d’un implant cérébral, d’un système d’enregistrement, d’un ordinateur, d’un stimulateur implantable et d’un implant spinal.

L’implant cérébral est une puce comparable à celles déjà utilisées chez l’Homme pour des recherches sur les interfaces cerveau-ordinateur, et placée chirurgicalement sur le cortex moteur.
Développé à l’Université Brown en collaboration avec les Drs Borton et Nurmikko, le système d’enregistrement est connecté à l’implant cérébral pour enregistrer l‘activité électrique et relayer celle-ci en temps réel et sans fil à un ordinateur.
L’ordinateur décode l’activité électrique cérébrale, grâce à des algorithmes spécifiquement développés pour détecter le souhait du singe d’effectuer tel ou tel mouvement en temps réel. Cette « intention » de se mouvoir est transformée en protocole de stimulation de la moelle épinière qui est transmis, là encore sans fil, au stimulateur spinal implantable.
Le stimulateur spinal implantable est du type de ceux communément utilisés pour la stimulation cérébrale profonde (exemples : maladie de Parkinson, tremblement essentiel). Tim Denison et son équipe (Medtronic Inc.) ont développé un nouveau petit logiciel incorporé dans le stimulateur pour recevoir les informations en temps réel. Le stimulateur spinal implantable reçoit le protocole de stimulation sans fil et délivre les instructions de stimulation via l’implant spinal.
L’implant spinal est composé de 16 électrodes préalablement placées chirurgicalement à des endroits précis sur la partie dorsale de la moelle épinière lombaire. Cet implant spinal active de manière synergique les groupes de muscles de la jambe paralysée, permettant la production des mouvements de flexion et d’extension nécessaires à la marche.

Infographie

(c) EPFL

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