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Covid-19 : la combinaison infection-vaccination est celle qui protège le mieux d’une réinfection par le SARS-CoV-2

SARS-CoV-2

Visualisation en microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault/Inserm.licence CC-BY-NC 4.0 international

Une grande partie de la population a développé une immunité contre le SARS-CoV-2 suite à une infection et/ou à la vaccination. En outre, certains patients infectés bénéficient d’une immunité dite « hybride » lorsqu’ils ont été vaccinés après leur épisode infectieux. Des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Claude-Bernard Lyon 1 et de l’ENS de Lyon au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) cherchent à caractériser l’empreinte laissée par l’exposition au SARS-CoV-2 par la vaccination ou par la combinaison des deux événements sur la mémoire immunitaire. L’objectif ? Mieux appréhender les mécanismes de la réponse immunitaire face au virus afin d’améliorer la prise en charge des patients et d’optimiser les stratégies vaccinales. Dans une nouvelle étude, les scientifiques ont comparé la mémoire immunitaire d’individus convalescents, vaccinés ou non contre le SARS-CoV-2, avec celle induite par la vaccination chez des individus vaccinés n’ayant jamais été infectés par le virus. Leurs résultats montrent que les personnes vaccinées après une infection sont les mieux protégées d’une réinfection par le SARS-CoV-2. L’article complet est publié dans la revue Science Translational Medicine.

Notre organisme garde en mémoire les infections qu’il a déjà combattues afin de nous protéger contre une éventuelle réinfection. L’efficacité de la vaccination repose sur une stratégie consistant à simuler une infection pour induire une immunité protectrice, c’est-à-dire la production de cellules à mémoire « entraînées » à la reconnaissance du pathogène qui pourront protéger l’organisme en cas d’infection.

Dans le cas de la Covid-19, l’immunité est conférée soit par l’infection (immunité naturelle) soit par la vaccination (immunité vaccinale). Certaines personnes bénéficient par ailleurs d’une immunité dite « hybride » puisqu’elles ont été vaccinées après un épisode infectieux.

Pour mieux appréhender les mécanismes précis de la réponse immunitaire face au SARS-CoV-2, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Claude-Bernard Lyon 1 et de l’ENS de Lyon ont comparé différents paramètres de la mémoire immunitaire à partir d’échantillons sanguins récoltés chez des individus porteurs d’une immunité naturelle, d’une immunité vaccinale ou d’une immunité hybride contre le SARS-CoV-2.

Ils se sont plus spécifiquement intéressés à la réponse immunitaire adaptative et plus précisément à la réponse dite « humorale » (voir encadré ci-dessous).

En savoir plus sur la réponse immunitaire adaptative

La réponse immunitaire adaptative se met en place quelques jours après le contact avec l’agent pathogène, contrairement à l’immunité innée qui, elle, est immédiate.

On peut distinguer deux grandes catégories de réponse immunitaire adaptative.

Les réponses dites « cellulaires » sont fondées sur la reconnaissance et la destruction des cellules infectées par les lymphocytes T cytotoxiques (tueurs).

Les réponses dites « humorales » sont fondées sur la production d’anticorps par les lymphocytes B. Ces anticorps reconnaissent le pathogène et le neutralisent pour l’empêcher d’infecter les cellules cibles.

La mémoire immunitaire humorale comporte deux compartiments :

  • la mémoire sérologique, estimée par les taux d’anticorps circulants produits par les plasmocytes à mémoire. Ces anticorps permettent de créer une barrière susceptible de prévenir la réinfection ;
  • la mémoire cellulaire, constituée par les lymphocytes B à mémoire qui ne sécrètent pas d’anticorps mais peuvent se différencier de manière rapide et massive en plasmocytes pour générer une nouvelle production d’anticorps amplifiée. Ces lymphocytes B à mémoire sont sollicités lorsque la barrière d’anticorps produits par les plasmocytes à mémoire est déficiente ou insuffisante.

Les résultats indiquent que six mois après la dernière injection vaccinale ou après infection, les personnes qui présentent une immunité hybride sont celles qui ont les plus forts taux d’anticorps neutralisants dans le sang.

Au-delà de cette variation quantitative de la mémoire sérologique, les auteurs montrent également que l’immunité hybride induit une modification qualitative de la mémoire cellulaire constituée par les lymphocytes B. Celle-ci se traduit par la multiplication du nombre de certains lymphocytes B à mémoire porteurs de récepteurs permettant leur relocalisation au niveau des muqueuses respiratoires et intestinales. Ce dernier point suggère que l’immunité hybride pourrait conférer une meilleure protection aux sites de pénétration du virus SARS-CoV-2.

« Dans leur ensemble, les résultats de cette étude démontrent la supériorité de l’immunité hybride sur toutes les autres formes d’immunité. Ils soulignent l’importance d’inclure les individus préalablement infectés dans les campagnes de vaccination », explique Thierry Defrance, chercheur Inserm et dernier auteur de l’étude.

« Enfin, cette étude nous rappelle que les taux d’anticorps sériques sont certes un marqueur important de l’immunité, mais qu’ils ne constituent pas le seul déterminant d’une immunité protectrice. D’autres composantes de la mémoire immunitaire, lymphocytes T mais aussi lymphocytes B à mémoire, peuvent induire un rebond de la sécrétion d’anticorps lorsqu’elles sont stimulées par le virus », ajoute le scientifique.

Une modélisation pour limiter la transmission des maladies infectieuses dans les aéroports et les gares

Le modèle s’intéresse au cas de Heathrow à Londres. © Unsplash

Dans les lieux à forte densité de population, comme dans les aéroports ou les gares, la distanciation sociale peut difficilement être maintenue et le risque de transmission des maladies infectieuses est accru. Afin de réduire ce risque, il est essentiel de mieux comprendre les dynamiques de transmission dans ces espaces et les mesures d’atténuation efficaces qui peuvent être mises en place à moindre coût. C’est l’objectif d’un modèle mathématique développé par des équipes de l’Inserm et de Sorbonne Université à Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique avec l’Institut espagnol CSIC-IFISC.

En prenant l’exemple de l’aéroport de Heathrow à Londres et de maladies comme la grippe H1N1 et la Covid-19, ce modèle permet d’identifier les lieux où le risque de transmission est le plus grand au sein d’espaces à forte densité de population. En ciblant uniquement ces lieux avec des mesures comme la filtration de l’air ou l’utilisation de lampe Far-UVC[1], les scientifiques montrent aussi qu’il est possible de réduire les contaminations de manière significative. Les résultats complets sont publiés dans Nature Communications.

Les foules et les attroupements, avec les contacts prolongés entre les individus qui en résultent, constituent un facteur crucial dans la transmission des maladies infectieuses. S’il est possible de mettre en place certaines mesures d’atténuation comme le port du masque pour limiter les risques, le maintien d’une distance entre les individus ne peut pas toujours être respecté, notamment dans les centres de transport comme les aéroports ou les gares. Ces lieux sont en effet conçus pour optimiser l’efficacité logistique, pas pour réduire l’affluence. Ils se caractérisent par un flux constant d’entrées et de sorties, avec un risque élevé de diffusion des maladies à l’échelle internationale.

L’étude menée par les scientifiques de l’Inserm, de Sorbonne Université et du CSIC-IFISC décrit un modèle mathématique qui permet d’identifier, au sein de ces espaces, les zones les plus à risque du point de vue de la transmission des maladies infectieuses. Il est essentiel de connaître précisément ces zones pour mettre en place des stratégies « d’immunisation spatiale » adaptées, c’est-à-dire des mesures de prévention spécifiques ciblant ces lieux à haut risque et permettant de réduire les contaminations.

« Dans les lieux que nous avons identifiés avec notre modèle, développer des approches dédiées telles que le filtrage de l’air, la désinfection systématique des surfaces ou l’utilisation de lampes Far-UVC peut réduire de manière significative le risque de propagation des agents pathogènes, au-delà des premiers cas arrivant dans un aéroport ou une gare sans avoir été détectés », explique Mattia Mazzoli, chercheur Inserm et premier auteur de l’étude.

 

Un modèle construit à partir des données GPS

Dans cet article, les scientifiques ont étudié l’exemple de l’aéroport européen le plus fréquenté, l’aéroport de Heathrow à Londres. Leur modèle utilise des données anonymisées concernant le déplacement de plus de 200 000 individus au sein de l’aéroport, provenant de la géolocalisation de téléphones portables, entre février et août 2017. A partir de ces données, les chercheurs ont pu visualiser les trajets des individus avec une résolution spatiale de 10 mètres, reconstruire les réseaux de contacts entre ces différentes personnes et ainsi détecter les endroits où les contacts étaient les plus intenses, avec un risque plus grand de contamination.

Afin de fournir quelques exemples pratiques, les scientifiques ont alimenté leur modèle mathématique avec des données concernant la propagation de maladies telles que la grippe H1N1 ou la Covid-19 afin d’étudier leur diffusion à travers l’espace de l’aéroport.

 

Un modèle généralisable pour le futur

Les résultats de ces modélisations indiquent que les zones communes telles que les bars ou les restaurants sont celles où se produisent le plus grand nombre d’infections, car elles mettent en contact des voyageurs et des travailleurs de l’aéroport se trouvant au même endroit pendant de longues périodes.

« Le danger de ces zones de contagion résulte de l’équilibre entre le nombre de personnes qui y passent et la durée de leur séjour. Ces lieux ne sont pas toujours les plus fréquentés au sein de l’aéroport, mais ils impliquent des contacts plus soutenus sur des durées plus longues entre les individus, permettant de transmettre les maladies », souligne Mattia Mazzoli.

Les modélisations ont également permis de montrer qu’en ciblant ces zones les plus à risque qui correspondent à 2% de la surface accessible de Heathrow avec des mesures d’immunisation spatiale, on observe une réduction de 50% du risque d’avoir un cas secondaire de H1N1 suite à un premier cas importé dans l’aéroport. Cette réduction est de 40 % pour la Covid-19.

Si le modèle n’a été testé qu’avec la grippe H1N1 ou la Covid-19, il pourrait néanmoins être utilisé dans le future pour étudier tout nouvel agent pathogène non encore caractérisé. En outre, la méthode est immédiatement généralisable à d’autres modes de transport tels que les trains, les métros, les gares routières ou d’autres lieux bondés où les distances interpersonnelles ne sont pas possibles, tels que les centres commerciaux ou les centres de congrès.

« La mise en œuvre de mesures d’immunisation spatiale permet de réduire le nombre d’infections chez les usagers de l’aéroport et, dans une moindre mesure, chez les travailleurs de l’aéroport. Bien ciblées et mises en place dans les lieux identifiés comme les plus à risque, ces mesures permettraient de contenir et/ou de retarder la propagation d’agents infectieux dans le reste du monde via les aéroports et autres centres d’affluence. Notre modèle pourrait être particulièrement utile dans les premiers stades d’une éventuelle future épidémie, alors que les premiers cas importés au sein des aéroports et des gares n’ont pas encore été détectés », conclut Mattia Mazzoli.

Une étude montre des liens entre symptômes COVID-19 et idées suicidaires

dépression - suicide

© Adobe Stock

Une étude internationale impliquant une équipe de l’Université McGill à Montréal et pilotée par des scientifiques de l’Université Paris-Saclay, de l’Inserm et de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines au sein du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP – Inserm / Université Paris-Saclay / UVSQ) à partir de données de la cohorte EpiCov, vient de livrer des premiers résultats.  Ceux-ci montrent une augmentation de la fréquence des pensées suicidaires chez les personnes atteintes de symptômes de la COVID-19. Ses travaux ont été publiés dans la revue Plos Medicine le 14 février 2023.

Dès le début de la pandémie, de nombreux experts ont alerté sur son potentiel impact important sur la santé psychologique et mentale. Ils suspectaient notamment une fréquence plus importante des pensées suicidaires chez les personnes atteintes d’un COVID-19. Peu de données étaient disponibles sur le sujet jusqu’à présent, d’où l’intérêt de l’étude pilotée par l’équipe du CESP (Inserm/Université Paris-Saclay/UVSQ) qui avait deux objectifs : dans un premier temps explorer si la survenue de symptômes évocateurs du COVID-19 en 2020 était associée à un risque plus élevé de pensées suicidaires en 2021 ; et dans un second temps, analyser cette association en utilisant un marqueur d’infection par le virus SARS-CoV-2.

L’étude a été réalisée à partir des données de la cohorte nationale en population générale EpiCov[1] qui suit l’état de santé et les conditions de vie de plus de 80 000 personnes depuis mai 2020.

En mai et novembre 2020, les membres de la cohorte ont été interrogés à propos d’éventuels symptômes évocateurs de la maladie survenus depuis le début de l’épidémie : perte soudaine ou inhabituelle de goût ou d’odorat, survenue d’un épisode de fièvre associé à une toux, difficultés respiratoires, essoufflement, ou oppression thoracique. En novembre 2020, une sérologie a aussi été pratiquée sur les volontaires, visant à rechercher la présence d’anticorps contre le virus SARS-CoV-2, signe d’un contact – même asymptomatique – avec le virus. Enfin, en juillet 2021, les membres de la cohorte ont été interrogés au sujet d’éventuelles pensées suicidaires survenues depuis décembre 2020. De nombreux facteurs sociodémographiques et l’état de santé ont été pris en compte dans l’analyse des résultats afin d’avoir une image la plus précise possible des conditions de vie des personnes.

Parmi les 52 050 personnes concernées par ces analyses, 1.7% déclaraient avoir eu des pensées suicidaires entre décembre 2020 et l’été 2021. Avoir déclaré des symptômes évocateurs du COVID-19 en 2020 était associé à une augmentation de 43% du risque de déclarer des pensées suicidaires en 2021. En revanche, l’étude n’a pas permis d’établir une association entre la sérologie positive pour le SARS-CoV-2 en 2020 et la survenue de pensées suicidaires en 2021.

Autrement dit, si une exposition au virus SARS-CoV-2 ne semble pas avoir d’impact sur le risque d’avoir des pensées suicidaires, l’étude a en revanche montré que le fait de ressentir des symptômes évocateurs du COVID-19 était quant à lui un facteur aggravant de ce risque.

 « En utilisant la sérologie, nous souhaitions explorer si le fait d’avoir rencontré le SARS-CoV-2 en 2020, sans information de date, de forme ou de sévérité de l’infection, augmentait le risque de pensées suicidaires par la suite. Si nos résultats semblent montrer que non, ils ne sont pas suffisants pour infirmer le rôle du SARS-CoV-2 dans la survenue de pensées suicidaires. D’autres études, avec notamment des informations sur la forme et la sévérité de la maladie, sont nécessaires pour répondre à cette question. En revanche, nous montrons que le fait d’avoir eu des symptômes évocateurs de COVID-19, maladie transmissible potentiellement mortelle, lors de cette période où nous n’avions encore que très peu d’informations sur son évolution ou ses séquelles, et pour laquelle il n’existait pas de traitement, représentait probablement un stress suffisant pour augmenter le risque de pensées suicidaires. Et c’est à ce mal-être qu’il faut être attentif afin de le prendre en charge, le surveiller et le comprendre pour y remédier, ou au moins éviter qu’il ne s’aggrave. Ces résultats pourraient par ailleurs s’avérer utiles dans la réponse à d’éventuelles futures pandémies. » expliquent les auteurs de l’étude.

Ces résultats incitent au déploiement des ressources en santé mentale (numéros d’écoute et d’urgence, symptômes à surveiller, fréquence dans la population…) dans les lieux susceptibles d’être fréquentés par des personnes symptomatiques afin de les encourager à être attentives à leur santé mentale, de façon à limiter l’émergence ou l’aggravation de pensées suicidaires.

Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114.

[1] https://www.epicov.fr/

Cette enquête est menée conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Solidarités et de la Santé, avec le soutien de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et de Santé publique France.

Covid-19 : des défauts génétiques responsables du syndrome inflammatoire multi-systémique de l’enfant

SARS-CoV-2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France

L’équipe du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, de l’Inserm, d’Université Paris Cité au sein de l’Institut Imagine, à la tête du consortium international COVID Human Genetic Effort (www.covidhge.com) coordonné par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Pr Laurent Abel, a découvert des défauts génétiques responsables du syndrome inflammatoire multi-systémique de l’enfant (MIS-C), à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2. Les résultats de cette étude ont été publiés le 20 décembre 2022 dans la revue Science.

Le syndrome inflammatoire multi-systémique de l’enfant est une nouvelle entité inflammatoire systémique chez l’enfant apparue dans le contexte épidémique de l’infection par le SARS-Cov-2. Il s’agit d’une pathologie rare et sévère qui ressemble fortement à la maladie de Kawasaki. Ce syndrome est incompris et les symptômes évocateurs (fièvre, altération de l’état général et troubles digestifs) sont peu spécifiques, ce qui peut conduire à un retard de diagnostic d’autant plus que l’infection par le SARS-CoV-2 est souvent peu symptomatique, voire asymptomatique, chez l’enfant.

Il toucherait environ 1 enfant sur 10 000 infectés par le SARS-CoV-2. Ce syndrome survient généralement quatre semaines après l’infection.

L’objectif de cette étude était d’identifier une cause du MIS-C à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2.

558 patients atteints de MIS-C, âgés de trois mois à 19 ans et issus de 16 pays différents (60,4% de garçons et 39,6% de filles) ont été analysés. L’étude s’est penchée en particulier sur cinq de ces patients âgés de trois mois à 14 ans en raison de leurs caractéristiques génétiques bien précises. Effectivement, ces patients possédaient des mutations responsables d’une perte de fonction dans une zone de leur génome (affectant les gènes OAS1,OAS2 et RNASEL). Ces mutations étant récessives, il fallait que les enfants possèdent deux copies héritées de chacun de leurs parents pour qu’elles s’expriment. Cette spécificité laissait suggérer que ces mutations génétiques étaient probablement responsables du développement du MIS-C.

Ils ont été comparés immunologiquement à des enfants en bonne santé et à des enfants atteints d’une infection par le SARS-CoV-2. Chez les enfants présentant une mutation dans la voie OAS-RNase L, un excès de réponse au virus a été observé dans certaines cellules de l’immunité : les phagocytes.

Or, on le sait désormais, pour se défendre correctement, la réponse de l’organisme contre le SARS-Cov2 doit être très finement régulée. Une sous-activation du système immunitaire empêche l’organisme de combattre correctement le SARS-CoV-2 mais à l’inverse, une suractivation du système immunitaire peut conduire également à de graves dysfonctionnements.

L’étude a donc permis de mettre en lumière des déficits génétiques expliquant le MIS-C. Ces derniers augmentent de façon excessive la réponse inflammatoire déclenchée par le SARS-CoV-2 dans les cellules phagocytaires (monocytes, cellules dendritiques etc).

De manière plus générale, les données de ce travail démontrent ainsi que la voie OAS1, OAS2 et RNASEL est essentielle à la régulation correcte de l’immunité contre le SARS-CoV-2, en limitant l’inflammation produite par les phagocytes au contact du virus.

Covid-19 : troisième cause de décès en France en 2020, quand les autres grandes causes de décès baissent

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

 

La Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques (DREES), le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm) et Santé Publique France (SpFrance) analysent les causes médicales de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2020. Ces travaux s’appuient sur la statistique nationale des causes de décès produite par le CépiDc-Inserm à partir du recueil exhaustif et de l’analyse des volets médicaux des certificats de décès. Ils renseignent sur les effets de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité, en dressant un panorama complet de l’ensemble des causes de décès en 2020. Les résultats de cette étude sont conjointement publiés dans Études et Résultats (DREES) et le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (SpFrance).

L’épidémie de Covid-19 en 2020 constitue un épisode sanitaire sans précédent récent, tant sur le plan de son impact sanitaire et sociétal, que sur le plan des mesures exceptionnelles de gestion et de prévention qui ont été mises en place pour endiguer la diffusion du virus dans la population. La campagne de vaccination contre la Covid-19 démarrée le 27 décembre 2020 n’a, en revanche, pas concerné l’année 2020.

 

Covid-19, 69 000 décès en 2020

En 2020, l’épidémie de Covid-19 a directement causé le décès de 69 000 personnes en France (10,4% des décès), ce qui en fait la troisième cause de décès derrière les tumeurs et les maladies cardio-neurovasculaires. Les causes de décès les plus fréquentes en 2020 restent les tumeurs (25,6%) et les maladies cardio-neurovasculaires (20,2%).

Un peu plus de la moitié des victimes de la Covid-19 avaient 85 ans ou plus. Si les décès de la Covid-19 comptent autant d’hommes que de femmes, les hommes ont, à âge comparable, un taux de mortalité deux fois supérieur à celui des femmes. Cette surmortalité des hommes par rapport aux femmes n’est pas spécifique à la Covid-19 mais concerne la plupart des causes de décès. Elle est néanmoins légèrement plus marquée pour la Covid-19.

 

Une diminution de la mortalité hors Covid-19

Le taux de mortalité pour les causes autres que la Covid-19 a baissé. Par rapport à la période 2015-2017, la mortalité par tumeurs, maladies cardio-neurovasculaires, maladies du système nerveux, troubles mentaux et du comportement a diminué, notamment chez les personnes âgées de 85 ans ou plus. Une partie de cette baisse pourrait s’expliquer par le fait que certaines personnes qui seraient décédées dans l’année en raison de ces maladies ont pu décéder, à la place, d’une infection au SARS-CoV-2. Par ailleurs, les mesures de prévention accompagnant la gestion de la crise sanitaire ont pu avoir un effet protecteur expliquant en partie la baisse observée de la mortalité par maladies respiratoires ou infectieuses (hors Covid-19) ainsi que par accidents de transport. Ceci explique en partie pourquoi le nombre de décès en excès pour l’année 2020 comparée aux années précédentes, soit 47 000, soit moins élevé que les 69 000 décès dont la cause médicale identifiée est la Covid-19. D’autres impacts de cette épidémie et de son c

ontexte à court ou moyen terme, ne peuvent être exclus.

 

Encadré méthodologique – Sources et méthodes

Au cours de l’épidémie de Covid-19, dans un objectif d’aide à la gestion de la crise sanitaire, plusieurs sources de données ont permis d’approcher le nombre de décès en lien avec la Covid-19 de façon plus réactive, mais sans certitude sur la nature de la cause initiale du décès, celle qui a déclenché le processus conduisant au décès, ni sans être toujours exhaustif. Ces estimations se sont appuyées sur les certificats de décès contenant une mention de Covid-19 dans les textes libres des volets médicaux, que ce dernier en soit ou non la cause initiale, ainsi que sur les déclarations de décès remontées par les systèmes de surveillance des services hospitaliers (système SI-VIC) et des établissements médicaux sociaux (SurvESMS).

La statistique nationale des causes de décès dénombre finalement, en 2020, 69 000 décès dont la cause initiale de décès est, selon les règles de l’organisation mondiale de la santé, la Covid-19 : ce chiffre diffère de moins de 15% des précédentes estimations.

 

Cépi décès Covid

Tableau A1- Site du CépiDc – Inserm : www.cepidc.inserm.fr

Covid long : l’hypothèse d’une réponse immunitaire dérégulée pour expliquer la persistance des symptômes

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Certains patients présentent encore des symptômes persistants plusieurs mois après une infection par le SARS-CoV-2. Ce phénomène, désigné sous le nom d’état « post-Covid » ou plus communément « Covid long » demeure encore assez mal documenté. Afin d’y remédier et d’améliorer la prise en charge des patients, des équipes de recherche tentent de mieux comprendre les mécanismes biologiques et immunologiques sous-jacents. Dans une nouvelle étude, des scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Montpellier à l’Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier, en collaboration avec le CHU de Montpellier[1], ont mis en lumière le rôle éventuel de la dérégulation d’une partie de la défense immunitaire innée. Ils suggèrent notamment que la production de « pièges extracellulaires de neutrophiles », un mécanisme de défense de première ligne contre les pathogènes, pourrait avoir un rôle dans la persistance de symptômes à six mois, chez des patients ayant développé une forme sévère de Covid-19. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of medical virology.

Les neutrophiles constituent la classe de globules blancs la plus abondante et la première ligne de défense contre les virus et les bactéries. Lorsqu’ils sont activés, ils sont notamment capables de produire un mécanisme de défense particulier appelé « pièges extracellulaires » (ou NETs, pour neutrophil extracellular traps). Composés de fibres d’ADN, d’enzymes bactéricides et de molécules pro-inflammatoires, ces pièges extracellulaires contribuent à la lutte contre les pathogènes, mais ils peuvent aussi dans certains cas déclencher une inflammation excessive, délétère pour l’organisme.

Dans de précédents travaux, l’équipe du chercheur Inserm Alain Thierry à l’Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier avait montré qu’une partie de la réponse immunitaire inné est dérégulée chez les patients atteints de formes graves de Covid-19. Chez ces derniers, la formation de NETs est en effet amplifiée, ce qui se traduit par des lésions multi-organes.

Dans leur nouvelle étude, les scientifiques ont voulu aller plus loin dans l’étude des biomarqueurs caractéristiques de la Covid-19. Ils ont pour cela analysé les échantillons biologiques de plus de 155 patients. Il s’agissait à la fois d’individus atteints de Covid-19 en phase aiguë non-sévère (hospitalisés) et sévère (placés en soins intensifs), et qui ont eu un bilan post-infection aiguë plus de six mois après leur sortie du service de soins critiques. Ces échantillons ont été comparés à ceux de 122 individus sains.

NETS et auto-anticorps persistant dans l’organisme

Les analyses effectuées dans ce travail confirment que, par rapport à des individus sains, la production des NETs est plus élevée chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Par ailleurs, les patients présentent une quantité plus importante d’auto-anticorps dits « auto-anticorps anti-cardiolipine ». Produits par le système immunitaire, ces auto-anticorps sont souvent associés à la formation anormale de caillots dans les veines (phlébites) et dans les artères (thromboses artérielles).

Par ailleurs, les données récoltées par l’équipe de recherche suggèrent aussi que cette réponse immunitaire dérégulée se maintient chez les personnes qui présentent des symptômes de Covid long, six mois après une hospitalisation pour forme grave. La production amplifiée et incontrôlée des NETs six mois après l’infection ainsi que la présence persistante des auto-anticorps pourraient expliquer en partie les symptômes du Covid long, via notamment la formation de micro-thromboses.

« Nos résultats pourraient indiquer la persistance d’un déséquilibre soutenu de la réponse immunitaire innée, et une activité potentielle pro-thrombotique prolongée pouvant expliquer les séquelles de post-infection aiguë ou « Covid long ». Il est nécessaire de poursuivre les recherches afin d’une part de confirme cela et d’autre part de mieux comprendre la nature de ce phénomène pouvant être grave et durable, pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients », conclut Alain Thierry.

Des travaux de recherche sont d’ores et déjà en cours dans certains laboratoires dans le monde, pour consolider ces données et pour explorer d’autres pistes d’intérêt, dans le but de mieux appréhender le phénomène du Covid long dans toute sa complexité. L’équipe d’Alain Thierry a également déposé une demande de brevet internationale en août 2022.

 

[1] Par ailleurs, le SIRIC Montpellier Cancer a financé en partie les travaux de recherche.

Fort excès de mortalité pour les populations immigrées pendant la première vague de la pandémie de COVID-19 en France

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France

 

Dans une étude réalisée par l’Ined et l’Inserm en partenariat avec Santé publique France et l’Institut Convergences Migrations, des chercheurs[1] ont montré que l’excès de mortalité observé au début de la pandémie de COVID-19, entre le 18 mars et le 19 mai 2020, était bien plus grand pour différentes populations nées à l’étranger que pour la population née en France. Les résultats sont publiés dans la revue Social Science and Medicine.

 

Une mortalité en excès jusqu’à 9 fois plus élevée parmi les immigrés

Avant la pandémie de COVID-19, au cours des années 2016 à 2019, les taux de mortalité des populations immigrées (mis à part celles originaires d’Europe de l’Est) étaient inférieurs à ceux de la population née en France (voir figure 1). Ce phénomène est observé en temps normal dans les grands pays d’immigration à travers le monde[2]. Lors de la première vague épidémique du printemps 2020, la mortalité en excès des populations immigrées a été beaucoup plus importante que celle des personnes nées en France. L’écart est visible à 70 ans et plus, et il est encore plus prononcé entre 40 et 69 ans. À titre d’exemple, au sein de la tranche d’âge 40-69 ans, les taux de mortalité en excès étaient, dans les régions les plus touchées par la pandémie (Grand‑Est et Ile‑de‑France), 8 à 9 fois plus élevés pour les immigrés d’Afrique sub‑Saharienne et 3 à 4 fois pour ceux originaires d’Afrique du nord, d’Amérique et d’Asie ou d’Océanie que pour les populations nées en France. Du fait de cette inégalité dans la hausse des décès en ce début de pandémie, les niveaux de mortalité globale des immigrés nés en dehors d’Europe, habituellement inférieurs à ceux des personnes nées en France, se sont situés bien au-dessus pendant la première vague. L’impact de cette première vague épidémique de COVID-19 a donc entraîné pour ces groupes de populations un bouleversement inédit de leur profil de mortalité habituel.

 

Des facteurs explicatifs multiples

Au cours de la première vague de COVID-19, le confinement strict mis en place par les autorités a permis de contenir l’impact de la pandémie sur le système de soins, en termes d’hospitalisations et de mortalité. Cependant, cette période s’est aussi accompagnée d’écarts importants d’exposition au virus entre populations. Dans ce contexte, les facteurs explicatifs de la vulnérabilité spécifique des populations immigrées, et de l’ampleur des écarts de mortalité en excès avant 70 ans, pourraient être multiples et cumulatifs, renvoyant aux inégalités sociales de santé dues :

(1) à l’environnement et aux conditions de vie (densité des communes de résidence, densité au sein du foyer) et de travail (emplois « essentiels », non-télétravaillables, déplacements en transports collectifs), à l’origine d’un surcroît de risque de contamination, et ;

(2) à des difficultés de recours aux soins et de prise en charge dans un contexte de saturation des hôpitaux.

En cas de nouvelle pandémie, les résultats de cette étude appellent à porter une attention particulière aux conditions de vie des populations, et à la prévention, l’accès au système de soins et la prise en charge des plus vulnérables.

 

Figure 1 – Taux standardisés de mortalité générale à 40 ans et plus. Années 2016-2019 (partie gauche) et semaines 12 à 20 des années 2016-2020 (partie droite), par groupe de pays de naissance. France métropolitaine

Lecture :Pour la France métropolitaine, le taux standardisé de mortalité générale à 40 ans et plus des personnes nées en France était en 2019 de 1 440 décès pour 100 000 et pendant les semaines 12 à 20 de 2020 de 1696 pour 100 000.

Source : article référencé ci-dessous

Données : Décès : données provisoires issues des avis de décès (Bulletin B7 bis) diffusées par l’INSEE

 

[1] Myriam KHLAT (Ined), Walid GHOSN (Inserm), Michel GUILLOT (Ined | University of Pennsylvania), Stéphanie VANDENTORREN (Santé publique France), DcCOVMIG Research Team

[2] La plus faible mortalité de nombreuses populations immigrées est inattendue compte tenu de leur situation économique défavorisée. L’explication majeure avancée dans la littérature scientifique est que les personnes qui migrent sont globalement en meilleure santé que l’ensemble de leur population d’origine, et même souvent en meilleure santé que la population de leur pays d’accueil, du moins au moment de leur arrivée. Ce processus de sélection est dénommé “effet migrant en bonne santé”.

Une étude préclinique montre l’absence d‘efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 et son intérêt potentiel contre le virus Zika

Les chercheurs ont montré que le favipiravir a une activité antivirale contre le virus Zika mais ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. © Photo Hal Gatewood/Unsplash


Une étude, menée par des chercheurs du CEA, de l’Inserm et d’Université Paris Cité faisant partie  du  groupe d’études précliniques (GEPC)* mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, a évalué les effets du médicament favipiravir sur les virus Zika et SARS-CoV-2 chez le macaque crabier, qui constitue le modèle animal de référence. Les chercheurs ont montré que la molécule a une activité antivirale contre le virus Zika. En revanche, elle ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 dans ce modèle et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. Cette étude a été publiée le 30 août 2022 dans la revue Nature Communications.

Pendant la pandémie de Covid-19, nombre de médicaments ont fait l’objet d’essais cliniques sans pour autant apporter de preuve d’efficacité convaincante contre le SARS-CoV-2. Si l’épisode de l’hydroxychloroquine a marqué le grand public, il ne s’agit pas de la seule molécule a avoir fait l’objet d’une étude de la part de la communauté scientifique quant à sa potentielle efficacité. Le favipiravir, qui a été à l’origine développé pour le traitement des grippes sévères, est aujourd’hui utilisé, notamment en Asie, dans la lutte contre la Covid-19. Pourtant les preuves de son efficacité se sont jusqu’à aujourd’hui limitées à des tests in vitro et des études cliniques difficilement interprétables en raison de leur taille ou des risques de biais.

Les scientifiques français du GEPC s’intéressent depuis plusieurs années au favipiravir comme une potentielle arme de première ligne contre les virus émergents, en particulier contre les fièvres hémorragiques virales comme Ebola ou Lassa.

Forts de cette expérience, les chercheurs ont étudié l’activité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 chez l’animal, en administrant différentes doses de favipiravir ou de placebo à des macaques crabiers. Ce modèle expérimental d’infection est très utile car il permet de reproduire une maladie très similaire à celle observée chez l’homme, et avait déjà permis de démontrer l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine dans une publication parue dans la revue Nature en 2020.

Dans ces nouvelles expérimentations, aucun effet sur la charge virale n’a été observé chez les animaux infectés par le SARS-CoV-2 et traités par favipiravir, y compris à des doses élevées. Par ailleurs, une évolution péjorative a même été observée chez quatre animaux suite à la prise de la molécule dont l’état s’est rapidement détérioré. 

En suivant le même protocole, les scientifiques ont par ailleurs testé l’efficacité du médicament contre le virus Zika. Leurs résultats montrent que le favipiravir entraîne cette fois une réduction importante de la charge virale chez le primate et soulignent ainsi l’intérêt potentiel de cette molécule dans cette indication.

« Cette étude montre à nouveau l’importance d’une évaluation rigoureuse des médicaments dans des modèles expérimentaux avant leur administration chez l’humain. Alors que la molécule a été testée dans de nombreux essais cliniques, avec des résultats souvent difficilement interprétables, notre étude établit sans ambiguïté l’absence d’efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 », précise Romain Marlin, co-premier auteur de cette étude et chef de projet au CEA, en charge de programmes précliniques en immunothérapie et vaccinologie (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob du CEA).

« Ces résultats ne préjugent cependant pas d’une activité du favipiravir contre d’autres virus, comme le montrent nos résultats sur le virus Zika. Des études chez l’humain sont en cours avec le soutien de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, afin d’évaluer le potentiel du favipiravir dans d’autres indications, en particulier le virus de la fièvre de Lassa, pour lequel nous ne disposons pas de traitement antiviral », explique Jérémie Guedj, directeur de recherche à l’Inserm (laboratoire IAME, Inserm / Université Paris Cité / Université Sorbonne Paris Nord), co-investigateur principal de l’étude avec Roger Le Grand, directeur de recherche au CEA (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob).

 

*Le groupe d’études précliniques (GEPC) qui réunit entre autres des spécialistes des modèles animaux, virologues, cliniciens, pharmacologues, biostatisticiens, vétérinaires, biochimistes et des modélisateurs a été mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes afin d’évaluer (dans des modèles non humains, in vitro ou in vivo) le plus rigoureusement possible des candidats thérapeutiques avant les essais chez l’humain, et prioriser les molécules les plus prometteuses.

Cette étude a été financée par la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), l’infrastructure européenne TRANSVAC2, la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (via l’ancien consortium REACTing), le projet ZIKAlliance, qui a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne.

Deux formes distinctes de myocardites fulminantes associées à l’infection par le SARS-CoV-2

Cellules infectées par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, Inserm – Université de Tours

Des équipes du service de médecine intensive-réanimation de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université, au Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (CIMI-Paris) ont étudié la survenue d’atteintes cardiaques (myocardites fulminantes) associées à l’infection par le SARS-CoV-2. Cette étude montre que l’utilisation des critères de syndrome inflammatoire multisystémique (MIS) permet d’identifier deux phénotypes ayant des présentations bio-cliniques et des pronostics différents. Elle identifie des biomarqueurs diagnostiques et de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Les résultats de cette étude, coordonnée par le Dr Marc Pineton de Chambrun, le Dr Guillaume Hékimian et le Pr Guy Gorochov, feront l’objet d’une publication le 26 juillet 2022 au sein de la revue The Journal of the American College of Cardiology (JACC).

La myocardite fulminante est une maladie rare et grave touchant principalement des individus jeunes. Elle est responsable d’une inflammation et d’une dysfonction myocardique associées à une mortalité importante.

L’infection par le virus SARS-Cov-2 peut entraîner des myocardites fulminantes, s’intégrant le plus souvent dans un syndrome inflammatoire multisystémique, initialement décrit chez l’enfant (MIS-C, [1]) puis chez l’adulte (MIS-A, [2]). Les traitements recommandés sont les corticostéroïdes et les immunoglobulines intraveineuses.

Cependant, certains adultes atteints de myocardites fulminantes ne présentent pas les critères diagnostiques de MIS-A établis par le Center for Disease Control and Prevention (fièvre prolongée, rash, conjonctivite, atteinte neurologique, digestive, thrombopénie et syndrome inflammatoire marqué) [3], suggérant qu’il existerait plusieurs phénotypes de myocardites fulminantes liées à la Covid-19.

Afin de mieux caractériser les myocardites fulminantes associées à l’infection par le virus SARS-CoV-2 chez l’adulte, l’équipe de recherche a mené une étude rétrospective sur 38 patients répondant ou non aux critères du MIS-A admis en soins critiques à l’Institut de Cardiologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière pour une myocardite fulminante secondaire à une infection par le virus SARS-CoV-2 entre mai 2020 et juin 2021.

Le groupe de patients qui ne présentaient pas les critères du MIS-A (groupe MIS-A-) avait une infection SARS-CoV-2 plus récente (délai médian de survenue après le début des symptômes Covid-19 : 3 jours), une PCR SARS-CoV-2 plus fréquemment positive, une myocardite plus grave nécessitant plus fréquemment le recours à l’assistance circulatoire extracorporelle par ECMO veinoartérielle4, et une mortalité hospitalière plus importante. Chez l’autre groupe de patients présentant ces critères (MIS-A-+), la défaillance cardiaque survenait de manière retardée (délai médian de survenue après la Covid-19 prouvée : 32 jours) et était moins sévère, le virus était typiquement indétectable à ce stade et le pronostic meilleur.

Ces deux phénotypes étaient par ailleurs associés à des profils immunologiques différents. Les réponses innées interféron alpha (précocement impliqué dans la réponse antivirale) et interleukine(IL)-8 (chimiokine qui permet le recrutement des polynucléaires neutrophiles) étaient fortement augmentées chez patients MIS-A-, en comparaison aux MIS-A+.

Les patients MIS-A+ présentaient des taux sanguins particulièrement élevés d’IL-22 et d’IL-17. Ces cytokines jouent un rôle physiologique important au niveau des barrières muqueuses et cutanées et sont produites par les lymphocytes Th17. L’IL-17 est une cytokine pro-inflammatoire impliquée dans plusieurs maladies inflammatoires chroniques.

En résumé, la myocardite MIS-A- survient au même moment que la réponse immunitaire précoce contre la réplication virale. Un point intéressant : 54% de patients MIS-A- exprimaient des anticorps particuliers (les anticorps anti-ARN polymérase III), qui ont déjà été associés à des myocardites fulminantes virales récidivantes [5]. En comparaison, les formes MIS-A+ sont associées à une réponse lymphocytaire spécifique de type Th17, retardée et exacerbée. Les cibles de cette réponse Th17, et la possibilité de réactions croisées entre virus et antigènes myocardiques restent à déterminer.

Cette étude montre donc que les myocardites fulminantes associées à la COVID-19 représentent une entité hétérogène recouvrant 2 phénotypes de patients qui diffèrent par des critères cliniques, immunobiologiques et pronostiques.

Elle suggère que l’IL-17, IL-22, l’interféron et les anticorps anti ARN polymérase III pourraient être utilisés comme biomarqueurs pour distinguer ces deux phénotypes.

Les vaccins contre la Covid-19 seraient également associés à un risque de myocardite et de péricardite [6]. Même si ces effets secondaires cardiologiques sont très rares [5], il serait important de déterminer si ces biomarqueurs pourraient aussi aider à les diagnostiquer précocement. Enfin, les inhibiteurs de l’IL-17, qui sont actuellement disponibles sur le marché, semblent une piste thérapeutique intéressante chez les patients MIS-A+.

 

  1. Dufort EM, Koumans EH, Chow EJ, Rosenthal EM, Muse A, Rowlands J, et al. Multisystem Inflammatory Syndrome in Children in New York State. N Engl J Med. 23 juill 2020;383(4):347‑58.
  2. Hékimian G, Kerneis M, Zeitouni M, Cohen-Aubart F, Chommeloux J, Bréchot N, et al. Coronavirus Disease 2019 Acute Myocarditis and Multisystem Inflammatory Syndrome in Adult Intensive and Cardiac Care Units. Chest. 8 sept 2020;
  3. CDC. Multisystem Inflammatory Syndrome (MIS) [Internet]. Centers for Disease Control and Prevention. 2020 [cité 19 déc 2021]. Disponible sur: https://www.cdc.gov/mis/mis-a/hcp.html
  4. L’ECMO (ExtraCorporelle Membrane Oxygénation) est une des techniques d’assistance circulatoire utilisée en urgence pour sauver les malades en grand choc cardiogénique. En cas de dysfonction sévère du cœur, on relie le cœur à cette machine qui assure tout ou partie de la circulation sanguine.
  1. Pineton de Chambrun M, Charuel JL, Hékimian G, Lifermann F, Mathian A, Cohen-Aubart F, et al. Severe Viral Myopericarditis With Autoantibodies Directed Against RNA Polymerase III. Ann Intern Med. 7 avr 2020;172(7):502‑4.
  2. Anders H, Køber L. Lancet 11 june 2022 COVID-19 mRNA vaccination and myocarditis or pericarditis. Disponible sur  https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00842-X/fulltext

Mieux comprendre les différences d’immunité entre les femmes et les hommes face à la Covid-19

Image de microscopie du Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines
©M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

 

Comment expliquer la réponse immunitaire plus performante des femmes face à certaines infections virales, et notamment face aux virus à ARN comme le SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19 ? Les mécanismes de production par les cellules immunitaires d’une molécule inflammatoire, l’interféron de type α (IFN-α), pourraient répondre en partie à cette question. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’université Toulouse III – Paul Sabatier et du CHU de Toulouse se sont penchés sur l’origine cellulaire de la production de l’IFN-α et sur les raisons de sa production plus importante chez les femmes que chez les hommes. Leurs résultats publiés dans eBioMedicine montrent un maintien de cet avantage immunitaire avec l’avancée en âge et définissent deux types précis de cellules immunitaires impliquées : les cellules dendritiques plasmacytoïdes et les monocytes.

La performance de la réponse immunitaire face à une infection virale diffère selon le sexe biologique : face à des virus comme la grippe, le VIH ou encore le SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19, les femmes développent souvent une immunité plus performante que celle des hommes. De récentes recherches suggèrent une implication des hormones (œstrogènes) et chromosomes sexuels dans ces différences. 

En effet, une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes.

L’expression des gènes présents sur le second chromosome X est majoritairement réprimée, mais entre 15 et 23 % de ces gènes restent actifs.

C’est notamment le cas du gène codant pour le récepteur cellulaire dit « de type Toll-7 » qui est par conséquent plus fortement exprimé chez les femmes que chez les hommes. Présent dans les cellules immunitaires appelées « cellules dendritiques plasmacytoïdes[1] », ce récepteur leur permet de reconnaître l’ARN des virus et d’enclencher une réaction immunitaire via la sécrétion de molécules anti-virales et immunorégulatrices : les interférons de type I. La réponse immunitaire liée au récepteur Toll-7 est une ligne de défense primordiale contre les virus à ARN, comme le SARS-CoV-2 ; la production rapide d’interféron de type I dans les voies respiratoires lors de l’infection protège contre les formes sévères de Covid-19.

La capacité des cellules dendritiques plasmacytoïdes des femmes à produire de plus grandes quantités d’interférons de type I est considérée comme une des raisons pour lesquelles elles présentent une meilleure résistance à la Covid-19 que les hommes.

Cependant, jusqu’à présent, les chercheurs ne savaient pas si cet « avantage immunitaire » persistait chez les femmes très âgées.

Une équipe de recherche de l’Institut toulousain des maladies infectieuses (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) menée par Jean-Charles Guéry, directeur de recherche Inserm, en collaboration avec l’équipe du professeur Antoine Blancher du CHU de Toulouse, a étudié l’effet du sexe et de l’âge sur la production de l’interféron alpha (IFN-α), une sous-catégorie d’interférons de type I, et a cherché à identifier les cellules responsables de cette production.

Dans une cohorte de 310 femmes et hommes de 19 à 97 ans en bonne santé apparente, les chercheurs ont mesuré la production d’IFN-α après stimulation par des substances capables d’activer divers récepteurs de l’immunité innée, comme les récepteurs Toll-7 et STING, exprimés par différentes cellules immunitaires dans le sang.  

Ils ont observé que seules les cellules dendritiques plasmacytoïdes produisaient de l’IFN-α après stimulation spécifique du récepteur Toll-7. Sur 7 types de molécules inflammatoires étudiées, l’IFN-α était la seule à montrer une différence de production liée au sexe : lors de la stimulation du récepteur Toll-7, sa production demeurait significativement plus importante chez les femmes. Alors même que le nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes diminue avec l’âge et de façon beaucoup plus marquée chez les femmes, la sécrétion d’IFN-α demeurait très largement supérieure chez les participantes et ce, même chez les plus âgées d’entre elles (plus de 80 ans).

A contrario, la production d’IFN-α liée à la stimulation du récepteur STING n’apparaissait corrélée ni au sexe, ni à l’âge, ni au nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes. L’étude révèle que cette production est corrélée à l’abondance d’autres cellules immunitaires : les monocytes, dont le nombre dans le sang augmente passé 60 ans, en particulier chez les hommes.

Selon Jean-Charles Guéry, « ces résultats montrent pour la première fois que les monocytes sont la source prééminente de production d’IFN-α dans le sang, via l’activation du récepteur STING, suspecté d’être à l’origine de la production délétère car tardive d’interférons de type I dans l’infection Covid-19 ». Or, les interférons de type I sont en revanche clairement bénéfiques lorsqu’ils interviennent durant la phase précoce de l’infection, « comme ceux produits par les cellules dendritiques plasmacytoïdes via l’activation de Toll-7 », précise le chercheur.

Ces observations suggèrent que la production d’IFN-α, via la stimulation du récepteur Toll-7, contribuerait y compris chez les femmes âgées à renforcer la résistance contre le SARS-Cov-2 et d’autres infections virales.

« Cependant, le fait que la différence de production d’IFN-α entre les sexes persiste avec l’âge et demeure plus importante chez les femmes bien au-delà de la ménopause, ne peut pas être expliqué par un effet des hormones sexuelles, et suggère un rôle clé des facteurs génétiques liés au chromosome X », ajoute Jean-Charles Guéry.

Ces travaux ouvrent ainsi la voie à de nouvelles pistes dans la recherche des gènes de l’immunité présents sur le chromosome X et susceptibles d’être surexprimés chez les femmes.

 

[1] Les cellules dendritiques plasmacytoïdes sont des cellules du système immunitaire inné circulant dans le sang, et présentes au niveau des tissus barrières comme les poumons. Elles assurent les premières lignes de défense contre les infections virales en produisant des interférons de type I.

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