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La vie reproductive des femmes et la prise de traitements à base d’hormones pourraient avoir un impact sur le risque de développer la maladie de Parkinson

Parkinson

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Les facteurs de risque spécifiques au développement de la maladie de Parkinson chez les femmes sont encore peu étudiés et mal connus. L’exposition aux hormones impliquées dans la vie reproductive féminine est une des pistes explorées au sein du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations par une équipe de recherche de l’Inserm, de l’Université Paris-Saclay, de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines avec l’institut Gustave Roussy, qui a comparé les caractéristiques relatives à l’histoire reproductive de près de 1 200 femmes atteintes de la maladie de Parkinson à celles des autres femmes de la cohorte E3N[1].

Leurs résultats montrent que l’âge des premières menstruations, le nombre de grossesses, le type de ménopause ainsi qu’une molécule administrée pour améliorer la fertilité, sont associés à un risque plus élevé de survenue de la maladie. Ces travaux, parus dans Brain, appuient le rôle de l’exposition hormonale – notamment des taux d’œstrogènes – au cours de la vie reproductive des femmes dans la maladie de Parkinson et ouvrent des pistes pour des stratégies de prévention ciblées.

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative progressive favorisée par des interactions complexes entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux. Elle touche aujourd’hui plus de 6 millions de personnes dans le monde et est 1,5 fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Comparativement, elle est également moins étudiée et moins bien connue chez ces dernières. Ainsi, les études sur certains facteurs de risques spécifiquement féminins comme l’impact de l’exposition aux hormones liées à la vie reproductive, qu’elle soit naturelle (puberté, cycles menstruels, grossesses, ménopause…) ou médicale (traitements hormonaux comme par exemple la prise de contraceptifs, les traitements augmentant la fertilité, ou encore les traitements post-ménopause), demeurent peu nombreuses et contradictoires.

Au sein de l’équipe de recherche Exposome, hérédité, cancer et santé du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Inserm/Université Paris-Saclay/Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Marianne Canonico, chercheuse Inserm, en collaboration avec Alexis Elbaz, chercheur Inserm, a évalué l’influence de la vie reproductive et de la prise de traitements médicaux à base d’hormones sur le risque de survenue de la maladie de Parkinson chez les femmes. Pour ce faire, elle a examiné de nombreuses caractéristiques relatives à l’histoire reproductive de près de 1 200 femmes de la cohorte E3N, chez qui un diagnostic de maladie de Parkinson a été porté au cours des 24 ans de leur suivi, et les a comparées à celles des autres femmes de la cohorte.

Les scientifiques ont pu observer plusieurs caractéristiques associées à un risque accru[2] de développer la maladie, dont les effets s’avéraient cumulatifs[3].

Ainsi, les femmes dont les premières menstruations sont survenues avant ou après 12-13 ans montraient un risque accru de respectivement + 21 % et + 18 %. La durée et la régularité du cycle menstruel ne montraient en revanche pas d’impact significatif.

« C’est la première fois qu’une telle association est montrée entre l’âge des premières règles et la maladie, précise Marianne Canonico, celle-ci pourrait entre autre s’expliquer par une interférence – à cette période cruciale pour le neurodéveloppement qu’est la puberté – des hormones sexuelles avec des circuits neuronaux impliqués dans le développement de la maladie de Parkinson. »

Autre caractéristique observée : si le fait d’avoir ou non des enfants n’était pas associé au risque de développer la maladie, chez les femmes ayant eu des enfants, ce risque augmente avec le nombre de naissances (+ 22 % au deuxième enfant, + 30 % à partir du troisième).

Si le fait d’être ménopausée n’apparaissait pas directement associé à une augmentation du risque de la maladie de Parkinson, en revanche, le type de ménopause semble avoir un impact. Ainsi, une ménopause artificielle serait associée à une augmentation du risque de 28 % par rapport à une ménopause naturelle, et de manière plus prononcée lorsqu’elle survient avant 45 ans (+ 39 % de risque par rapport à une ménopause survenue après 45 ans) ou lorsqu’elle est la conséquence d’une ablation des deux ovaires – avec ou sans retrait de l’utérus[4] (+ 31 % par rapport à une ménopause naturelle).

Enfin, si les traitements pour améliorer la fertilité n’étaient pas associés de manière globale à un accroissement du risque de la maladie de Parkinson, pris individuellement, le clomifène – un traitement stimulant l’ovulation – augmenterait de 80 % le risque par rapport aux femmes n’ayant jamais pris de traitement pour la fertilité.

Dans les deux cas précédents, une exposition à des taux insuffisants d’hormones féminines (œstrogènes) pourrait être en cause :

« La ménopause artificielle et/ou précoce, provoque une insuffisance ovarienne et en conséquence une chute brusque et anticipée des niveaux d’œstrogènes, normalement encore élevés avant l’âge de 45 ans, explique Marianne Canonico, quant au clomifène, il a un rôle anti-œstrogènes. »

Cette hypothèse est soutenue par l’observation d’un effet protecteur des traitements hormonaux utilisés à la ménopause, qui semblent atténuer le risque lié à la ménopause précoce ou artificielle pour la maladie de Parkinson.

« Ces résultats sont cohérents avec la connaissance du rôle neuroprotecteur des œstrogènes, déjà démontré dans d’autres études », ajoute Marianne Canonico.

Si cette étude comporte la plus grande cohorte à ce jour de patientes atteintes de la maladie de Parkinson, les chercheuses et chercheurs précisent que les résultats liés aux facteurs de risque identifiés doivent être confirmés par des études au long cours avec davantage de participantes. Ces résultats pourraient permettre à terme d’identifier des groupes à risque au sein desquels des stratégies de prévention pourraient être proposées précocement.

 

[1]La cohorte E3N, promue par l’Inserm, l’Université Paris-Saclay et l’institut Gustave Roussy, est la première grande étude française sur la santé des femmes. Depuis 1990, près de 100 000 femmes françaises sont suivies dans le cadre de cette vaste étude prospective en santé.

[2]En revanche, l’allaitement, l’utilisation de contraceptifs oraux, ou encore la durée de la vie reproductive ne présentaient pas d’association avec la survenue de la maladie de Parkinson.

[3]Un effet cumulatif était observé pour les critères de risque cités plus loin dans le texte. Ainsi, les femmes ayant cumulé une puberté précoce ou tardive, plusieurs grossesses et une ménopause artificielle et précoce, étaient les plus à risque de développer la maladie.

[4]En revanche, une ménopause artificielle provoquée par retrait de l’utérus seul, était associée à une augmentation du risque plus modérée.

L’exposition alimentaire aux nitrites associée à un risque accru de diabète de type 2

nitrites - charcuterie

En plus de leur rôle dans la conservation des aliments, les nitrites et nitrates permettent de donner une couleur rose au jambon et autres produits de charcuterie. © Adobe Stock

Plus de 15 000 produits emballés sur le marché français contiennent actuellement des nitrites et ou des nitrates. Fréquemment utilisés pour garantir une meilleure conservation des viandes transformées (jambons, saucissons…), l’innocuité de ces additifs alimentaires fait cependant l’objet de débats. Les nitrites et nitrates sont également retrouvés naturellement dans divers aliments (légumes notamment) et dans l’eau de consommation, mais leur présence peut y être augmentée par les pratiques agricoles et industrielles.

Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam, au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress) se sont intéressés au rôle des nitrites/nitrates alimentaires dans la survenue du diabète de type 2. Les scientifiques ont analysé les données de santé et d’exposition aux nitrites/nitrates de 104 168 adultes français et françaises participant à l’étude de cohorte NutriNet-Santé. Les analyses statistiques suggèrent une association entre la consommation de nitrites et un risque accru de diabète de type 2. Aucune association entre la consommation de nitrates et le risque de diabète de type 2 n’a toutefois été mise à jour. Les résultats sont publiés dans PLOS Medicine.

Les nitrites et les nitrates sont des composés naturellement présents dans certains aliments (notamment les légumes) ainsi que dans l’eau et les sols ; les pratiques agricoles et industrielles peuvent accentuer ce phénomène. Ces composés se retrouvent de ce fait dans notre alimentation.

Largement utilisés comme additifs pour augmenter la durée de conservation de certains aliments comme la charcuterie, leur rôle antimicrobien permet de limiter le développement de bactéries pathogènes à l’origine de certaines infections alimentaires. Ils permettent également de donner une couleur rose aux jambons et autres produits de charcuterie. Plus de 15 000 produits emballés sur le marché français contiennent actuellement des nitrites ou des nitrates ajoutés.

Certaines autorités de santé publique ont toutefois préconisé de limiter l’utilisation des nitrites et des nitrates comme additifs alimentaires, du fait de leur impact probable sur le risque de cancer colorectal[1]. De précédentes études expérimentales avaient déjà suggéré une association entre l’exposition aux nitrites et aux nitrates et l’apparition de dysfonctionnements métaboliques, mais les données épidémiologiques et cliniques sont encore parcellaires.

Afin d’approfondir les connaissances sur le sujet, une équipe de recherche de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam a consulté les données recueillies auprès de 104 168 participants à la cohorte prospective NutriNet-Santé (cf. encadré ci-dessous).

Les volontaires ont renseigné en détail leurs consommations alimentaires en transmettant aux scientifiques des enregistrements complets de leurs repas sur des périodes répétées de 24 heures, incluant les noms et marques des produits. Cette approche a permis à l’équipe d’évaluer précisément les expositions aux additifs nitrates et nitrites des participants, avec des niveaux de précision élevés. En outre, ces informations ont été complétées par des données de contrôle fournies par les autorités sanitaires, qui renseignaient sur le degré d’exposition des volontaires aux nitrites/nitrates d’origine non-additifs (via l’eau et le sol donc) selon leur localisation sur le territoire.

Les scientifiques avaient également accès à des données sur les antécédents médicaux des participants, leurs données sociodémographiques, mais aussi des informations sur leur pratique d’activité physique, leur mode de vie et leur état de santé. Les participants étudiés ici ne présentaient pas de diabète de type 2 à l’inclusion, et ont été suivis entre 2009 et 2021 pour surveiller l’apparition de cette maladie.

Les chercheurs ont effectué des analyses statistiques afin d’étudier les associations entre les expositions aux nitrites/nitrates (à la fois sous forme d’additifs alimentaires et en tant que non-additifs) et le risque de diabète de type 2.

Les participants ayant une exposition plus élevée aux nitrites (provenant spécifiquement d’additifs alimentaires, mais aussi de sources « non-additifs ») présentaient un risque plus élevé de développer un diabète de type 2.

Dans cette étude, l’augmentation de risque était en effet de 27 % pour les personnes ayant la plus forte consommation de nitrites totaux par rapport à ceux ayant la plus faible consommation (avec dans le détail une augmentation de 53 % pour les personnes consommant le plus de nitrites provenant des additifs et de 26 % pour les nitrites provenant d’autres sources).

Aucune association entre l’exposition aux nitrates et le risque de diabète de type 2 n’a été retrouvée.

Les résultats n’ont par ailleurs démontré aucun bénéfice des nitrites ou des nitrates alimentaires en matière de protection contre le diabète de type 2.

« Il s’agit de la première étude de cohorte à grande échelle qui suggère une association entre les nitrites provenant d’additifs et un risque potentiellement accru de diabète de type 2 », expliquent Bernard Srour, chercheur post-doctoral à l’Inserm, et Mathilde Touvier, directrice de recherche Inserm, qui ont piloté cette étude.

 

« Ces résultats fournissent un nouvel élément de preuve dans le contexte des discussions actuelles concernant la nécessité d’une réduction de l’utilisation des additifs nitrités dans les viandes transformées par l’industrie alimentaire, et pourraient également soutenir la nécessité d’une meilleure réglementation de la contamination des sols par les engrais. En attendant, plusieurs autorités de santé publique dans le monde recommandent déjà aux citoyens de limiter leur consommation d’aliments contenant des additifs controversés, dont le nitrite de sodium », concluent les deux scientifiques.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Eren-Cress, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 Nutrinautes, fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 250 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux Nutrinautes est toujours lancé afin de continuer à faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé.

[1] Rapport de l’Anses relatif aux risques associés à la consommation de nitrites et de nitrates déposé en juillet 2022.

Prédire l’apparition de troubles anxieux dès l’adolescence grâce à l’intelligence artificielle

Anxiété

L’angoisse est une caractéristique commune à tous les troubles anxieux, troubles psychiatriques les plus répandus à l’adolescence. © Adobe Stock

L’angoisse est une caractéristique commune à tous les troubles anxieux, troubles psychiatriques les plus répandus à l’adolescence. Environ un adolescent sur trois est concerné. Certains de ces troubles – comme le trouble panique ou le trouble d’anxiété généralisée[1] – ont tendance à apparaître un peu plus tard dans la vie, ou à se consolider au début de l’âge adulte. Par conséquent, la détection des individus à risque élevé de développer une anxiété clinique (qui remplit des critères de diagnostic précis) est cruciale. Pour la première fois, une équipe dirigée par les chercheurs Inserm Jean-Luc Martinot et Éric Artiges, au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (Inserm/ENS Paris-Saclay) et du Centre Borelli[2] (CNRS/Université Paris-Saclay), a recherché des prédicteurs de l’apparition de troubles anxieux à l’adolescence. Ils ont suivi l’évolution de la santé mentale d’un groupe d’adolescents de 14 ans à 23 ans. Grâce à l’intelligence artificielle, ils ont identifié les signes avant-coureurs les plus prédictifs à l’adolescence de l’apparition de troubles anxieux chez ces jeunes adultes. Les résultats de cette étude sont publiés dans Molecular Psychiatry.

Une personne souffre de troubles anxieux lorsqu’elle ressent une angoisse forte et durable sans lien avec un danger ou une menace réelle, qui perturbe son fonctionnement normal et ses activités quotidiennes. Ces troubles, dont la fréquence est élevée dans la population générale (environ 21 % des adultes seraient concernés au moins une fois au cours de leur vie) débutent souvent dans l’enfance ou pendant l’adolescence. Ainsi, un meilleur repérage dans ces tranches d’âge éviterait une aggravation des symptômes au cours de la vie.

De précédentes études ont mis en avant le pouvoir prédictif de l’intelligence artificielle dans le cadre de maladies psychiatriques comme la dépression ou encore les addictions[3]. Mais aucune étude ne s’était jusqu’alors intéressée à la recherche de prédicteurs des troubles anxieux.

Des chercheurs et chercheuses au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (unité 1299 Inserm) au Centre Borelli (unité 9010 CNRS) ont tenté de détecter des signes avant-coureurs, à l’adolescence, de l’apparition de troubles anxieux à l’âge adulte.

Les scientifiques ont pour cela suivi un groupe de plus de 2 000 adolescents et adolescentes européens âgés de 14 ans au moment de leur inclusion dans la cohorte Imagen[4]. Les volontaires de l’étude ont rempli des questionnaires en ligne renseignant sur leur état de santé psychologique à 14, 18 et 23 ans. Le suivi dans le temps des volontaires a permis de mesurer l’évolution du diagnostic de l’anxiété.

Une étude d’apprentissage statistique poussée s’appuyant sur un algorithme d’intelligence artificielle a ensuite permis de déterminer si certaines des réponses formulées à l’adolescence (14 ans) avaient une incidence sur le diagnostic individuel de troubles anxieux à l’âge adulte (18-23 ans).

Trois grands prédicteurs ou signes avant-coureurs ont été mis en évidence, dont la présence à l’adolescence augmente significativement le risque statistique de troubles anxieux à l’âge adulte. Il s’agit du neuroticisme, du désespoir, et de symptômes émotionnels.

Le neuroticisme désigne une tendance persistante à ressentir des émotions négatives (peur, tristesse, gêne, colère, culpabilité, dégoût), une mauvaise maîtrise des pulsions, et une inadaptation face aux stress.

Le désespoir est associé à un faible score de réponses faites aux questionnaires évaluant l’optimisme et la confiance en soi.

Les symptômes émotionnels recouvrent les réponses aux questionnaires indiquant des symptômes tels que « des maux de tête/ d’estomac » ; « beaucoup de soucis, souvent inquiet » ; « souvent malheureux, abattu ou larmoyant » ; « nerveux dans les nouvelles situations, perd facilement confiance » ; « a facilement peur ».

Une partie de l’étude s’est par ailleurs intéressée à l’observation du cerveau des volontaires à partir d’examens d’imagerie par résonnance magnétique (IRM). Comme le développement du cerveau implique un changement de volume de différentes régions cérébrales à l’adolescence, les chercheurs ont voulu identifier dans ces images une modification éventuelle du volume de la matière grise qui pourrait être prédictive de futurs troubles anxieux.

Si l’imagerie n’a pas permis d’améliorer la performance de prédiction des troubles anxieux dans leur ensemble par rapport aux seules données issues des questionnaires, elle pourrait néanmoins permettre de déterminer plus précisément un type de trouble anxieux vers lequel une personne est susceptible d’évoluer.

« Notre étude révèle pour la première fois qu’il est possible de prédire de façon individualisée, et ce dès l’adolescence, l’apparition de troubles anxieux futurs. Ces prédicteurs ou signes avant-coureurs identifiés pourraient permettre de détecter les personnes à risque plus tôt et de leur proposer une intervention adaptée et personnalisée, tout en limitant la progression de ces pathologies et leurs conséquences sur la vie quotidienne », explique Jean-Luc Martinot, directeur de recherche à l’Inserm et pédopsychiatre, co-auteur de l’étude.

 

troubles anxieux adolescence

 

[1] Il existe plusieurs types de troubles anxieux : l’anxiété généralisée, le trouble panique, les phobies spécifiques, l’agoraphobie, le trouble d’anxiété sociale et le trouble d’anxiété de séparation.

[2] Centre de recherche en mathématiques appliquées

[3] Whelan R., Watts R., Orr C. et al. Neuropsychosocial profiles of current and future adolescent alcohol misusers. Nature 512, 185-189 (2014).

[4] Imagen est une étude de cohorte européenne qui a recruté 2 223 adolescents âgés de 14 ans entre 2008 et 2011. Cette cohorte est composée de jeunes de la population générale et non de patients.

Les pères bénéficiant de 2 semaines de congé paternité seraient moins à risque de développer une dépression post-partum

© Photo de Omar Lopez sur Unsplash

Dans les semaines qui suivent la naissance d’un enfant, les deux parents sont susceptibles de développer une dépression. Le congé paternité, reconnu pour ses bénéfices sur l’équilibre familial, le développement de l’enfant et l’égalité femme-homme, pourrait être une des clés pour prévenir cette pathologie qui touche un père et presque deux mères sur dix. En utilisant les données de plus de 10 000 couples hétérosexuels participant à l’étude de cohorte Elfe[1], une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique s’est intéressée à l’impact de deux semaines de congé paternité sur les risques de dépression post-partum chez chacun des parents. Si les résultats montrent que les pères ayant pris ou projetant de prendre ce congé sont moins à risque de développer une dépression post-partum, ce risque semble en revanche augmenté chez les mères dont le conjoint a pris un congé paternité. Ces travaux, à paraître dans Lancet Public Health, appuient l’importance des politiques familiales ciblées sur les pères et questionnent les modalités d’un congé paternité bénéfique à la santé mentale des deux membres du couple.

La dépression post-partum est un phénomène courant chez les nouveaux parents : chez les personnes en bonne santé, 17 % des mères et plus de 10 % des pères sont susceptibles de la développer au cours de l’année suivant la naissance de leur enfant. Pour certains parents, la survenue d’un épisode dépressif à cette période cruciale en matière de vie familiale et sociale préfigure l’entrée dans des troubles dépressifs pouvant persister dans le temps.

À la suite de la directive de l’Union européenne sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée en 2019, le Parlement européen a encouragé les politiques favorisant le partage égal des tâches parentales et domestiques entre les mères et les pères. Le congé paternité rémunéré est considéré comme une des politiques susceptibles de répondre à cet objectif et des études ont déjà montré qu’il était associé à une participation accrue des pères aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants, qu’il améliorait la dynamique familiale et relationnelle et qu’il avait des conséquences positives sur le développement émotionnel, psychologique et social de l’enfant. En outre, des travaux ont montré que, chez les nouveaux parents, le fait de se sentir soutenu socialement et de se déclarer globalement satisfait de sa relation de couple était associé à une réduction des risques de dépression post-partum.

Pour consolider les données existantes, une équipe de recherche dirigée par Maria Melchior, directrice de recherche Inserm au sein de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université), a cherché à observer l’impact de la prise d’un congé paternité de deux semaines (rémunéré et sans risque de perte d’emploi)[2] sur les risques chez les deux parents de développer une dépression deux mois après la naissance de leur enfant.

Pour cela, les chercheuses et chercheurs ont utilisé les données provenant de l’étude de cohorte Elfe, qui inclut plus de 13 000 mères et près de 11 000 pères français dont les enfants sont nés en 2011.

Chaque couple participant a indiqué si le père avait pris ou avait l’intention de prendre un congé paternité[3]. Deux mois après la naissance de l’enfant, les participantes et participants ont renseigné un questionnaire permettant d’évaluer si elles ou ils souffraient de dépression. Leurs réponses ont été analysées en prenant en compte un certain nombre de caractéristiques socioéconomiques (liées à l’emploi) et de santé des familles, susceptibles d’influencer l’utilisation du congé paternité.

À 2 mois, plus de 64 % des pères avaient déjà pris un congé paternité, 17 % ont déclaré avoir l’intention d’en prendre un et près de 19 % n’en avaient pas pris et ne projetaient pas d’en prendre. 4,5 % des pères ayant pris un congé paternité et 4,8 % de ceux ayant l’intention de l’utiliser présentaient une dépression post-partum contre 5,7 % de ceux ne l’ayant pas utilisé.

Cependant, une tendance inverse a été observée chez les mères : 16,1 % des mères dont le partenaire a utilisé le congé paternité présentaient une dépression post-partum contre 15,1 % de celles dont le partenaire avait l’intention d’utiliser le congé paternité, et 15,3 % de celles dont le partenaire n’avait pas pris de congé paternité.

Ainsi, si la prise ou le projet de congé paternité de 2 semaines sont associés chez les pères à une diminution du risque de dépression post-partum, chez les mères, la prise du congé paternité par le conjoint ne semble pas avoir d’effet bénéfique significatif.

« Outre les avantages que le congé paternité peut conférer en matière de dynamique familiale et de développement des enfants, il pourrait donc également avoir des effets positifs en matière de santé mentale des pères, commente Katharine Barry, doctorante Inserm à Sorbonne Université et première autrice de ces travaux. En revanche l’association négative observée chez les mères pourrait suggérer qu’une durée de 2 semaines de congé paternité n’est a contrario pas suffisante pour prévenir la dépression post-partum des mères. »

Selon les scientifiques, cette association négative chez les mères pourrait être due à la répartition inégale du temps alloué à la garde des enfants et/ou à un biais de sélection.

« En effet, même si nous avons pris en compte de nombreux facteurs de confusion possibles, nous n’avons pas pu évaluer suffisamment la préexistence de troubles dépressifs en dehors d’une autre grossesse chez les mères. Il est ainsi possible que les pères dont la compagne est plus à risque de dépression, prennent plus volontiers un congé paternité, précise Maria Melchior. Nos résultats soulignent cependant l’importance que peuvent avoir les politiques familiales ciblées sur les pères en matière de santé mentale des parents, continue la chercheuse, car elles peuvent faire progresser l’égalité des sexes sur le marché du travail et accroître la participation des pères à la sphère familiale. »

De futures recherches devraient ainsi examiner l’impact que la durée et le moment du congé paternité peuvent avoir sur la santé mentale des parents et sur le développement des enfants, y compris depuis l’allongement de la période de ce congé en 2021.

 

[1] L’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) est une cohorte nationale française d’enfants suivis de la naissance à l’âge adulte pour étudier les facteurs familiaux, économiques et socioculturels pouvant influencer le développement des enfants.

[2] Soit la durée moyenne du congé paternité dans les pays de l’OCDE en 2021. En France, le congé paternité a été créé en 2002, et allongé en 2021 de 11 à 25 jours consécutifs.

[3] Dans cette étude, les pères participants avaient jusqu’à 4 mois après la naissance de leur enfant pour prendre leur congé paternité.

Retour sur 5 avancées marquantes à l’Inserm en 2022

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L’année 2022 a été marquée par de belles avancées pour l’Inserm qui ont, chacune dans leur domaine, contribué à améliorer la santé des citoyens et le quotidien de nombreux patients. Avant d’entamer une nouvelle année, nous vous proposons de jeter un coup d’œil dans le rétro. Très belle année 2023 à tous et au plaisir d’échanger autour de la devise qui nous anime : la Science pour la santé.

 

Janvier 2022 – Une thérapie génique prometteuse contre la drépanocytose et la bêta-thalassémie

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont deux maladies génétiques sanguines très fréquentes. Elles se caractérisent par une baisse anormale du taux d’hémoglobine des malades, avec des conséquences graves sur divers organes et une espérance de vie réduite. La seule option curative consiste actuellement à greffer des cellules de moelle osseuse issues de donneurs compatibles. Néanmoins, moins de 20 % des malades peuvent actuellement en bénéficier.

Des équipes de l’AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm, au sein de l’Institut Imagine, ont mené une étude clinique de thérapie génique consistant à transplanter chez le patient ses propres cellules souches de moelle osseuse, génétiquement modifiées.

Pour tester cette thérapie génique, les équipes de recherche ont mené une étude clinique sur des patients bêta-thalassémiques et des patients drépanocytaires. Chez les premiers, le taux d’hémoglobine est revenu à la normale. Chez les seconds, il était corrigé pour deux tiers des patients. Ces résultats très prometteurs se sont maintenus sur la durée, sur plus de 4 ans.

Février 2022 – Une étude confirme les bénéfices du traitement intermittent contre le VIH

 Améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH et réduire les coûts des traitements sont deux enjeux majeurs de la recherche actuelle en santé. Pour y parvenir, le traitement intermittent est l’une des pistes explorées. Cette approche consiste à prendre le traitement pendant quatre jours consécutifs suivi de trois jours de « pause », au lieu d’une prise quotidienne. Il est important de tester rigoureusement cette stratégie thérapeutique afin de voir si elle pourrait être utilisée largement par les patients.

Mené en collaboration avec des médecins de l’AP-HP, le projet Quatuor financé par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, agence de l’Inserm, a confirmé l’efficacité du traitement intermittent. Les résultats obtenus ont souligné que la prise d’un traitement 4 jours par semaine était en effet aussi efficace que 7 jours sur 7 en ce qui concerne la suppression du virus et la tolérance au traitement. Il est également intéressant de souligner que le traitement intermittent a été associé dans cette étude à une amélioration de l’observance et de l’acceptabilité du traitement par les patients – ce qui est crucial pour leur santé à long terme ainsi que pour lutter efficacement contre l’épidémie mondiale de VIH.

 

Avril 2022 – Syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse : premier et unique traitement autorisé par les autorités américaines

Les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse sont un groupe de maladies génétiques rares qui se caractérisent par le développement d’excroissances déformant certaines parties du corps et responsables de douleurs intenses, de fatigue, de saignements et de divers dysfonctionnements. Les malades souffrent ainsi de handicaps sévères et leur pronostic vital peut être parfois engagé.

Une étude clinique majeure menée par des équipes de l’Inserm, l’AP-HP et l’Université Paris Cité a démontré l’efficacité d’un médicament habituellement utilisé dans le cancer du sein. Il fonctionne en bloquant le gène défaillant responsable de ces syndromes. Les patients traités ont vu leurs lésions régresser et leurs symptômes s’améliorer. Ces résultats importants ont abouti cette année à une autorisation de mise sur le marché de ce médicament comme premier et unique traitement de ces maladies, par l’agence américaine du médicament (FDA).

 

Août 2022 – Trisomie 21 : une nouvelle thérapie pour améliorer les fonctions cognitives

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 et se traduit par diverses manifestations cliniques, parmi lesquelles un déclin des capacités cognitives. Une perte progressive de l’olfaction, typique des maladies neurodégé­nératives, est également fréquemment observées à partir de la période prépubère, et les hommes peuvent aussi présenter des déficits de maturation sexuelle.

Pour expliquer ces symptômes, les chercheurs de l’Inserm ont identifié des anomalies géné­tiques sur le chromosome 21 surnuméraire. Ces dernières entraînent un dysfonctionnement des neurones qui secrètent la GnRH, une hormone connue pour son rôle dans la repro­duction.

A partir de cette découverte, les scientifiques ont ensuite mené un essai clinique afin de tester les effets d’injections de la GnRH via un patch pendant 6 mois, sur des hommes porteurs de trisomie 21. Les résultats sont très prometteurs puisque ce traitement a permis d’améliorer leurs fonctions cognitives. Cela justifie le lancement d’une étude plus vaste – incluant des femmes – visant à confirmer l’efficacité de ce traitement pour les personnes atteintes de trisomie 21, mais aussi pour d’autres pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer.

 

Septembre 2022 – Tolérance et efficacité démontrées d’un vaccin thérapeutique contre le cancer

Dans de nombreux cancers, la reproduction illimitée des tumeurs est liée à une enzyme, la télomérase. En temps normal, celle-ci est essentielle au renouvellement de nos cellules, en protégeant nos chromosomes et donc notre ADN. Or dans les cancers, son activité anormalement élevée entraîne une prolifération des cellules. Cibler cette enzyme ouvre la voie au développement de nouveaux traitements, notamment pour des cancers difficiles à traiter avec des chances de survie faible, comme le cancer du poumon, principale cause de mortalité liée au cancer dans le monde.

Les chercheurs ont développé un vaccin qui active le système immunitaire afin qu’il soit en mesure de détecter et de détruire les cellules cancéreuses porteuses de la télomérase. Ils ont ensuite démontré son innocuité, sa bonne tolérance et son efficacité chez 80 % de patients vac­cinés atteints de cancer du poumon métastatique et en impasse thérapeutique. Une amélioration de la survie a été constatée pour la moitié d’entre eux.

Prochaine étape : démontrer l’efficacité de ce vaccin sur des tumeurs du cerveau, le cancer du foie ou encore cancers liés au papillomavirus. Des essais cliniques sont en cours.

Des résultats prometteurs concernant la sûreté et la réponse immunitaire induite par la vaccination contre Ebola

PREVAC - Centre de Vaccination de Landréah Conakry

© Inserm/Patrick Delapierre, 2018

Des épidémies de maladies à virus Ebola surviennent périodiquement dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne. Si des vaccins existent et ont déjà reçu une préqualification[1] de l’OMS contre l’espèce Ebolavirus Zaïre, il est essentiel de poursuivre et d’intensifier les efforts afin d’approfondir les données disponibles, pour développer une stratégie de vaccination sûre et efficace contre le virus Ebola, chez les adultes comme chez les enfants. Le consortium international PREVAC (voir encadré), qui inclut des scientifiques de l’Inserm et d’institutions africaines, américaines et britanniques, publie dans le New England Journal of Medicine les résultats d’un large essai clinique randomisé en Afrique de l’Ouest. Ceux-ci confirment la sûreté de trois schémas vaccinaux différents, ainsi que le maintien à 12 mois de la réponse immunitaire induite.

Dans un contexte où de nombreux pays d’Afrique subsaharienne font régulièrement face à des flambées épidémiques de la maladie d’Ebola, les vaccins sont plus que jamais considérés comme un outil central pour lutter contre sa propagation.

Depuis 2019, deux vaccins ont obtenu une préqualification de l’OMS contre l’espèce Ebolavirus Zaïre : le vaccin rVSVΔG-ZEBOV-GP, développé par Merck, Sharpe & Dohme, Corp., et la stratégie vaccinale comprenant les vaccins Ad26.ZEBOV et MVA-BN-Filo de Johnson & Johnson.

Au-delà de ces avancées, la recherche sur ces vaccins continue. En effet, il est nécessaire d’obtenir des données complémentaires pour établir leurs recommandations d’utilisation, notamment pour les différentes catégories de personnes susceptibles de les recevoir.

 

Trois schémas vaccinaux testés

C’est tout l’objectif du consortium international PREVAC. Débuté en 2017, un vaste un essai de phase 2 multicentrique, randomisé et contrôlé contre placebo a mobilisé des équipes de recherche africaines, européennes et américaines, travaillant ensemble au Libéria, en Guinée, en Sierra Leone et au Mali. À ce jour, il s’agit de l’un des essais les plus importants sur la vaccination contre le virus Ebola – à la fois chez des adultes et chez des enfants d’un an et plus.

L’essai visait à mesurer la rapidité, l’intensité et la durée des réponses immunitaires générées par trois différents schémas vaccinaux contre le virus Ebola, impliquant les vaccins évoqués plus haut. Il consistait également à évaluer l’innocuité et la tolérance des différents produits administrés.

 

  • Le premier schéma vaccinal testé consistait à injecter une dose du vaccin ZEBOV suivie 56 jours plus tard d’une dose de MVA-BN-Filo;
  • Le deuxième schéma consistait à injecter une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP ;
  • Enfin le troisième schéma commençait par une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP suivie 56 jours après d’un rappel avec ce même vaccin.

 

Au total, l’essai a porté sur 1 400 adultes et 1 401 enfants âgés de 1 à 17 ans, qui ont été répartis en plusieurs groupes afin de tester et de comparer les trois schémas vaccinaux contre placebo.

Les données obtenues suggèrent que les trois schémas vaccinaux sont sûrs et bien tolérés chez les adultes et les enfants. Après la vaccination et dans les sept jours qui suivent, la majorité des participants rapportent des douleurs au point d’injection et d’autres symptômes sans gravité (fièvre, douleurs musculaires et articulaires, maux de tête…), qui disparaissent généralement au bout de sept jours.

Concernant la réponse immunitaire, les trois schémas vaccinaux ont permis une augmentation rapide, au bout de 14 jours, de la quantité d’anticorps dirigés contre le virus, avec un pic entre 1 et 3 mois après la première vaccination. S’il n’est pas possible d’affirmer que cette réponse immunitaire permet de prévenir l’infection, la littérature scientifique suggère qu’il existe une corrélation forte entre la quantité de ces anticorps et la protection contre le virus.

Cette quantité d’anticorps demeure détectable jusqu’à 12 mois après la première injection. Il est par ailleurs intéressant de constater que cette réponse immunitaire induite par la vaccination est plus élevée chez les enfants que chez les adultes.

« Les données collectées lors de cet essai clinique sont précieuses car elles permettent de confirmer la sécurité et l’efficacité potentielle des vaccins disponibles, ce qui va permettre d’affiner les recommandations de vaccination en période d’épidémie d’Ebolavirus Zaïre mais aussi en période inter-épidémies, chez les populations à risque », précise Yazdan Yazdanpanah, co-investigateur principal de l’essai, chercheur Inserm et directeur de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes.

 

« Cet essai est marqué par un fort taux de rétention des participants grâce à l’implication sans faille de tous les professionnels sur le terrain à et l’adhésion de la population à la recherche qui a permis d’aboutir à ces résultats », explique Mark Kieh, co-investigateur principal de l’essai.

 

« L’essai PREVAC est un véritable exemple de succès pour la recherche internationale. Nous montrons qu’avec une solide collaboration en nous appuyant sur des partenariats robustes, nous faisons avancer la recherche contre Ebola, dans les régions du monde les plus touchées par la maladie  », souligne H. Clifford Lane, directeur adjoint du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) pour la recherche clinique et les projets spéciaux.

 

Les travaux du consortium PREVAC en Afrique de l’Ouest se poursuivent grâce à un financement européen de l’European & Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP) soutenu par l’Union européenne. Les participants sont désormais suivis pendant une durée de 5 ans pour évaluer leur sécurité à long terme et la durabilité de la réponse immunitaire. Il est crucial d’obtenir de telles données, qui apporteront des informations sur la nécessité de faire un rappel ou non à des personnes déjà vaccinées.

 

 

 

À propos de PREVAC

PREVAC (Partnership for Research on Ebola Vaccinations ou Partenariat pour la recherche sur la vaccination contre Ebola) est un consortium international qui mène des recherches en Afrique de l’Ouest pour évaluer la sécurité et l’efficacité de la vaccination contre Ebola.

Le projet bénéficie d’un cofinancement de l’Inserm, du NIAID, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) et du College of Medicine and Allied Health Sciences (Comahs), ainsi que d’un soutien de la Guinée, du Liberia, du Mali et de la Sierra Leone. Le soutien sur le terrain de l’ONG Alima a également été crucial pour favoriser l’adhésion de la population à la recherche et le suivi des volontaires. Les industriels Merck et Johnson & Johnson ont fourni les vaccins utilisés dans le cadre de l’essai.

Le projet a aussi bénéficié d’un financement supplémentaire pour continuer le suivi des volontaires sur le long terme (projet PREVAC-up coordonné par l’Inserm) via le programme EDCTP2 (European and Developing Countries Clinical Trials Partnership) soutenu par l’Union européenne.

Organisations partenaires de PREVAC-up

Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)*, France ; Vaccine Research Institute (VRI), France ; Centre national de formation et de recherche en santé rurale (CNFRSR)*, Guinée ; Institut Bouisson-Bertrand* (IBB) / Centre de recherche et de formation en infectiologie (CERFIG) France/Guinée ; London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM)*, Royaume-Uni ; University of Sierra Leone, College of Medicine and Allied Health Sciences (Comahs)*, Sierra Leone ; Alliance for International Medical Action (ALIMA)*, France ; Inserm-Transfert SA*, France ; National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), États-Unis ; Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako (USTTB)*, Mali ; Ministry of Health (Centre pour le développement des vaccins – Mali)*, Mali ; National Public Health Institute of Liberia (NPHIL), Libéria

*Signataires de la convention de subvention de l’EDCTP

Inserm’s participation in PREVAC is in part through a subcontract with Leidos Biomedical Research, Inc. which operates the Frederick National Laboratory for Cancer Research on behalf of the National Cancer Institute. The content of this publication does not necessarily reflect the views or policies of the Department of Health and Human Services, nor does mention of trade names, commercial products, or organizations imply endorsement by the U.S. government.

The PREVAC-UP project is funded by the European and Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP2) programme supported by the European Union and the UK Department of Health & Social Care (Grant number RIA2017S – 2014 -PREVAC-UP). Besides the EDCTP2 grant, PREVAC-UP benefits from co-funding from Inserm, the NIAID, the LSHTM and the COMAHS as well as host country support from Liberia, Sierra Leone, Guinea and Mali.

 

[1] La préqualification signifie qu’un vaccin satisfait aux normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité de l’OMS. Sur la base de cette recommandation, les organismes du système des Nations unies et l’Alliance Gavi peuvent acheter le vaccin pour les pays à risque.

Covid-19 : troisième cause de décès en France en 2020, quand les autres grandes causes de décès baissent

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

 

La Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques (DREES), le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm) et Santé Publique France (SpFrance) analysent les causes médicales de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2020. Ces travaux s’appuient sur la statistique nationale des causes de décès produite par le CépiDc-Inserm à partir du recueil exhaustif et de l’analyse des volets médicaux des certificats de décès. Ils renseignent sur les effets de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité, en dressant un panorama complet de l’ensemble des causes de décès en 2020. Les résultats de cette étude sont conjointement publiés dans Études et Résultats (DREES) et le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (SpFrance).

L’épidémie de Covid-19 en 2020 constitue un épisode sanitaire sans précédent récent, tant sur le plan de son impact sanitaire et sociétal, que sur le plan des mesures exceptionnelles de gestion et de prévention qui ont été mises en place pour endiguer la diffusion du virus dans la population. La campagne de vaccination contre la Covid-19 démarrée le 27 décembre 2020 n’a, en revanche, pas concerné l’année 2020.

 

Covid-19, 69 000 décès en 2020

En 2020, l’épidémie de Covid-19 a directement causé le décès de 69 000 personnes en France (10,4% des décès), ce qui en fait la troisième cause de décès derrière les tumeurs et les maladies cardio-neurovasculaires. Les causes de décès les plus fréquentes en 2020 restent les tumeurs (25,6%) et les maladies cardio-neurovasculaires (20,2%).

Un peu plus de la moitié des victimes de la Covid-19 avaient 85 ans ou plus. Si les décès de la Covid-19 comptent autant d’hommes que de femmes, les hommes ont, à âge comparable, un taux de mortalité deux fois supérieur à celui des femmes. Cette surmortalité des hommes par rapport aux femmes n’est pas spécifique à la Covid-19 mais concerne la plupart des causes de décès. Elle est néanmoins légèrement plus marquée pour la Covid-19.

 

Une diminution de la mortalité hors Covid-19

Le taux de mortalité pour les causes autres que la Covid-19 a baissé. Par rapport à la période 2015-2017, la mortalité par tumeurs, maladies cardio-neurovasculaires, maladies du système nerveux, troubles mentaux et du comportement a diminué, notamment chez les personnes âgées de 85 ans ou plus. Une partie de cette baisse pourrait s’expliquer par le fait que certaines personnes qui seraient décédées dans l’année en raison de ces maladies ont pu décéder, à la place, d’une infection au SARS-CoV-2. Par ailleurs, les mesures de prévention accompagnant la gestion de la crise sanitaire ont pu avoir un effet protecteur expliquant en partie la baisse observée de la mortalité par maladies respiratoires ou infectieuses (hors Covid-19) ainsi que par accidents de transport. Ceci explique en partie pourquoi le nombre de décès en excès pour l’année 2020 comparée aux années précédentes, soit 47 000, soit moins élevé que les 69 000 décès dont la cause médicale identifiée est la Covid-19. D’autres impacts de cette épidémie et de son c

ontexte à court ou moyen terme, ne peuvent être exclus.

 

Encadré méthodologique – Sources et méthodes

Au cours de l’épidémie de Covid-19, dans un objectif d’aide à la gestion de la crise sanitaire, plusieurs sources de données ont permis d’approcher le nombre de décès en lien avec la Covid-19 de façon plus réactive, mais sans certitude sur la nature de la cause initiale du décès, celle qui a déclenché le processus conduisant au décès, ni sans être toujours exhaustif. Ces estimations se sont appuyées sur les certificats de décès contenant une mention de Covid-19 dans les textes libres des volets médicaux, que ce dernier en soit ou non la cause initiale, ainsi que sur les déclarations de décès remontées par les systèmes de surveillance des services hospitaliers (système SI-VIC) et des établissements médicaux sociaux (SurvESMS).

La statistique nationale des causes de décès dénombre finalement, en 2020, 69 000 décès dont la cause initiale de décès est, selon les règles de l’organisation mondiale de la santé, la Covid-19 : ce chiffre diffère de moins de 15% des précédentes estimations.

Nombre de décès par cause en 2020Tableau A1- Site du CépiDc – Inserm : www.cepidc.inserm.fr

Rapport Euro-Peristat : état des lieux de la santé périnatale en France par rapport aux autres pays européens

Le nouveau rapport Euro-Peristat fournit des indicateurs sur la santé périnatale en France et en Europe. © Adobe Stock

Le 15 novembre 2022 est publié le nouveau rapport Euro-Peristat, projet européen coordonné par l’Inserm et mis en place depuis 2000. Celui-ci rassemble des statistiques sur la santé périnatale de 28 pays, pour la période allant de 2015 à 2019. La comparaison de la France à ses voisins permet d’aboutir à un bilan contrasté, avec en particulier un taux de césariennes maîtrisé, mais une situation moins favorable en ce qui concerne la mortinatalité (enfants mort-nés à partir de 24 semaines d’aménorrhée[1]). Par ailleurs, la mortalité après la naissance n’a pu être comparée à celle des autres pays européens, en raison d’un manque de données disponibles. L’ensemble des résultats peut être consulté sur le site du projet.

Après les précédents bilans de 2004, 2010 et 2015, le nouveau rapport européen Euro-Peristat présente des données sur la santé périnatale pour 24 pays membres de l’Union européenne, plus l’Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse.

Euro-Peristat est coordonné par l’Inserm (équipe Epopé2[2]) et financé dans le cadre du projet européen PHIRI[3].

Dans ce rapport, les données concernent les principaux indicateurs périnataux portant sur la santé des nouveau-nés (mortalité, poids, âge gestationnel), les pratiques médicales et les facteurs de risque (âge, parité, naissances multiples).

Les résultats permettent de situer la France par rapport aux autres pays, notamment en ce qui concerne sa capacité à fournir des indicateurs de santé. En outre, ils offrent une vision plus globale que les résultats annuels nationaux ou internationaux.

« Étant donné que les pays européens partagent des niveaux de vie comparables et des systèmes de soins généralement bien développés, mais qu’ils ont des politiques et des pratiques très diversifiées en matière de santé, le constat de différences dans les indicateurs périnataux peut mettre en lumière les pratiques sur lesquelles cibler les efforts, afin de réduire les risques sanitaires et optimiser la santé des parents et des bébés. Ces indicateurs peuvent également permettre aux pays de comparer leurs performances et d’identifier les domaines dans lesquels des progrès restent à faire », souligne Jennifer Zeitlin, directrice de recherche Inserm et coordinatrice du projet.

Un mot sur les données

Pour ce rapport, les données ont été collectées selon un nouveau protocole qui garantit une harmonisation des définitions entre pays mais qui impose de fournir les données à partir d’une seule source. Les données françaises proviennent des statistiques hospitalières (ou PMSI). Cette source, disponible chaque année, permet d’avoir des indicateurs fondés sur la totalité des naissances annuelles. Cependant, cette source n’inclut pas tous les indicateurs principaux demandés par l’Euro-Peristat, notamment la mortalité néonatale et la mortalité infantile, qui sont recueillies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ainsi, la France figure parmi les 8 pays sur 28 qui n’ont pas pu fournir les données sur la mortalité néonatale avec le protocole spécifique utilisé pour produire le rapport.

Tendances concernant le mode d’accouchement

La césarienne est une intervention vitale pour permettre un accouchement sûr, en présence de certaines complications maternelles ou fœtales. Cependant, en l’absence d’indications médicales, le recours à la césarienne peut être préoccupant, notamment en raison de risques à court et à long terme pour la santé de la mère et du nouveau-né.

En France, le taux de césariennes est maîtrisé – avec un taux stable sur la période 2015 à 2019 – soit environ une césarienne pour 5 naissances en 2019 (20,9 %). Le pays arrive 9e sur les 28 fournissant des données pour cet indicateur. Toutefois, on note en parallèle un taux élevé d’accouchements par voie basse instrumentale (forceps, spatules, ventouses).

 

Pourcentages de naissances par césarienne et par voie basse instrumentale en 2019 pour les pays limitrophes de la France et les pays nordiques.

 

Évolution de quelques facteurs de risque

Les facteurs de risque ont évolué au fil du temps : entre 2015 et 2019, une diminution des taux de naissances multiples a été observée dans la plupart des pays, y compris en France, tandis que l’âge maternel à l’accouchement a continué à augmenter.

Un âge maternel élevé (au-delà de 35 ans) ou au contraire peu élevé (moins de 20 ans) est plus fréquemment associé à certaines complications pour la mère et l’enfant à naître, augmentant par exemple le risque de prématurité et/ou de présenter un faible poids de naissance.

Dans le détail, en France, 23,1 % des accouchements en 2019 concernent des mères âgées de 35 ans et plus (4,6 % des mères de plus de 40 ans). En Europe, ces chiffres sont similaires puisque 23,1 % des naissances concernent des mères de 35 ans et plus (4,5 % de 40 ans et plus).

Les grossesses multiples sont aussi un facteur de risque pour la santé des mères, augmentant le risque de pré-éclampsie et de diabète gestationnel. De plus, dans ce contexte, le risque pour les enfants de naître prématurément est de 50 %. En France, les données montrent que 16,1 pour 1000 grossesses sont des grossesses gémellaires (contre 15,8 pour mille naissances en Europe).

Santé des nouveau-nés

Une partie importante du rapport est consacrée à la santé des nouveau-nés, avec notamment la publication d’indicateurs relatifs à la mortinatalité (enfants mort-nés à partir de 24 semaines d’aménorrhée), à la mortalité néonatale (décès de l’enfant dans les 28 jours suivant la naissance) et à la prématurité (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée).

Au niveau européen, les taux de mortinatalité et de mortalité néonatale ont continué à diminuer en moyenne, mais ces baisses ont été moins prononcées que les années précédentes et certains pays ont enregistré des taux stables ou en hausse.

En France, des progrès sont nécessaires pour réduire la mortalité autour de la naissance. Par exemple, le pays arrive en 20e position sur 28 en ce qui concerne le taux de mortinatalité avec 3,6 décès pour 1 000 naissances en 2019, après exclusion des interruptions médicales de grossesse

À titre de comparaison, en 2019, le taux médian est de 2,5 mort-nés pour 1 000 naissances en Europe. La situation préoccupante de la France est illustrée ci-dessous par sa position par rapport aux pays nordiques et aux pays limitrophes.

 

Taux de mortinatalité à partir de 24 semaines et de 28 semaines d’aménorrhée en 2019 pour les pays limitrophes de la France et les pays nordiques.

Pour ce rapport, puisque le protocole prévoyait que toutes les données proviennent d’une même source, aucune donnée au niveau français n’a pu être fournie concernant la mortalité néonatale et infantile[4]. Toutefois, la mortalité néonatale atteignait un niveau relativement élevé dans le précédent rapport Euro-Peristat et une étude récente portée par des équipes de l’Inserm a constaté une augmentation de la mortalité infantile à partir de 2012.

Enfin, les données concernant la prématurité indiquent qu’en France, le taux de naissances prématurées parmi toutes les naissances vivantes est de 6,9 %. Au niveau européen, ce taux varie de 5,3 % à 11,3 %, avec une médiane de 6,9 % en 2019.

« Ce rapport permet de consolider et de confirmer les résultats de précédents travaux menés en France qui ont soulevé des craintes quant à la mortalité des nouveau-nés. Il souligne aussi la nécessité d’améliorer notre système d’informations pour obtenir des données solides permettant de soutenir les politiques publiques en faveur de la santé périnatale », conclut Jennifer Zeitlin.

 

[1]Aménorrhée : absence de menstruations, ici en raison de la grossesse

[2] Equipe intégrée sein du Centre de recherche épidémiologie et statistiques (Inserm/INRAE/Université Paris Cité/Université Sorbonne Nord)

[3]Ce rapport a été soutenu par le projet H2020 Population Health Information Research Infrastructure (PHIRI ; phiri.eu). PHIRI vise à favoriser l’échange et l’utilisation de données sur la population en Europe, avec un accent immédiat sur la pandémie de Covid-19. Il comprend quatre axes, dont un sur la santé périnatale qui est coordonné par le réseau Euro-Peristat. Les résultats relatifs à l’année pandémique 2020 sont en cours d’analyse et seront présentés dans des rapports en 2023.

[4]En France, l’information sur la mortalité néonatale et infantile est publiée par l’Insee. En 2019, le taux de mortalité néonatale était de 2,6 pour 1 000 naissances, ce qui nous situe dans le dernier quartile (taux au-dessus de 2,4 pour 1 000 naissances des pays qui ont fourni l’information pour le rapport Euro-Peristat 2015-2019.

 

Pour aller plus loin

  • Enquête nationale périnatale : résultats 2021

https://presse.inserm.fr/enquete-nationale-perinatale-resultats-de-ledition-2021/45860/

  • Sur la mortalité infantile

Trinh NTH, de Visme S, Cohen JF, Bruckner T, Lelong N, Adnot P, Roze JC, Blondel B, Goffinet F, Rey G, Ancel PY, Zeitlin J, Chalumeau M. Recent historic increase of infant mortality in France: A time-series analysis, 2001 to 2019. The Lancet regional health Europe. 2022;16:100339.

  • Sur la nécessité d’avoir des statistiques européennes de qualité

Gissler M, Durox M, Smith L et al. Clarity and consistency in stillbirth reporting in Europe: why is it so hard to get this right ? Eur J Publ Hlth 2022;32:200-6

Des molécules couramment utilisées pourraient perturber la fonction thyroïdienne de la femme enceinte

Crédits : AdobeStock

Les hormones produites par la glande thyroïde sont impliquées dans le développement du fœtus : un dérèglement de la fonction thyroïdienne chez la femme enceinte est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur la santé de l’enfant à naître. Or, l’exposition à certains polluants environnementaux, en particulier les perturbateurs endocriniens, peut justement impacter la fonction thyroïdienne. Pour mieux comprendre cet impact, un consortium international coordonné par des chercheuses et chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes a réalisé des dosages dans les échantillons biologiques de plus de 400 femmes enceintes et a constaté une association entre l’exposition à trois polluants couramment utilisés (le propyl-parabène, le bisphénol A et le butyl-benzyl phtalate) et des taux anormaux d’hormones thyroïdiennes. Ces travaux, à paraître dans Environmental Health Perspectives, alertent sur la présence de ces perturbateurs endocriniens chez une majorité des participantes et invitent à approfondir les connaissances sur leurs effets sur la grossesse et la santé de l’enfant à naître.

La thyroïde est une petite glande située à la base du cou, qui produit deux hormones : la triiodothyronine (ou T3) et la thyroxine (ou T4) ; la T3 étant en réalité le produit de la conversion de la T4 en une forme plus active. Leur sécrétion est régie par une autre hormone, la thyréostimuline (ou TSH) produite dans le cerveau par une autre glande, l’hypophyse. Ces hormones sont cruciales pour le développement du fœtus ; un dysfonctionnement thyroïdien chez la femme enceinte est donc susceptible d’impacter la santé de l’enfant à naître. Plusieurs types de facteurs environnementaux sont reconnus comme capables d’affecter la fonction thyroïdienne, en particulier l’exposition à des polluants tels que les perturbateurs endocriniens.

Un consortium de recherche international coordonné par Claire Philippat, chercheuse Inserm au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), en collaboration avec le CHU Grenoble Alpes, a étudié l’impact de l’exposition à des molécules de la famille des phénols[1], parabènes[2] et phtalates[3], considérées comme des polluants chimiques, sur les concentrations d’hormones thyroïdiennes de la femme enceinte.

Les chercheuses et chercheurs ont d’abord identifié plusieurs polluants chimiques susceptibles d’affecter la fonction thyroïdienne à l’aide d’une base de données recensant des résultats de tests toxicologiques in vitro. L’équipe de recherche a ensuite travaillé à partir des échantillons biologiques de 437 femmes enceintes de la cohorte grenobloise SEPAGES. En comparant la présence des polluants dans les urines et les concentrations en hormones thyroïdiennes dans le sang, les scientifiques ont pu étudier leurs associations potentielles.

Plusieurs polluants chimiques ont été détectés dans la majorité des échantillons d’urine recueillis, ce qui confirme que les participantes y étaient quasiment toutes exposées. Un certain nombre de ces molécules aurait par ailleurs un impact négatif sur la fonction thyroïdienne : l’exposition au propyl-parabène (un composé utilisé comme conservateur dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique) était associée à une diminution des concentrations de T3 tandis que le butyl-benzyl phtalate (utilisé notamment dans les plastiques de type PVC) était associé à une augmentation des concentrations de T4. Par ailleurs, la conversion de la T4 en T3 semblait elle aussi affectée. Dans les deux cas, ces mécanismes donnaient lieu à des proportions anormales entre les deux hormones.

Un autre composé, le bisphénol A (utilisé, entre autres, dans la fabrication de plastiques), apparaissait, lui, associé à une diminution de la concentration en TSH.

« Les données des tests toxicologiques in vitro suggèrent que ces polluants pourraient agir sur les mécanismes régissant la synthèse et la dégradation des hormones thyroïdiennes, précise Claire Philippat. Le butyl-benzyl phtalate et le bisphénol A pourraient notamment inhiber l’incorporation de l’iode – élément indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes – dans les cellules de la thyroïde », ajoute-t-elle.

Elle poursuit : « Ces travaux renforcent les connaissances sur les effets délétères de l’exposition à certains polluants chimiques sur la fonction thyroïdienne. Ils alertent notamment sur l’exposition fréquente de la population à ces polluants et invitent à poursuivre les recherches sur les conséquences sur la santé de l’enfant, car des variations, même faibles, des niveaux d’hormones thyroïdiennes de la mère pendant la grossesse peuvent impacter le fœtus et son développement. »

Fortes de ces constatations, la chercheuse et son équipe s’intéressent maintenant aux impacts potentiels de ces altérations de la fonction thyroïdienne sur le neurodéveloppement et la croissance des enfants.

[1]Composés chimiques aromatiques, par exemple le bisphénol A

[2]Conservateurs utilisés dans certains cosmétiques, médicaments et aliments

[3]Groupe de produits chimiques dérivés de l’acide phtalique, plastifiants retrouvés dans de nombreux produits de consommation courante

De courtes nuits de sommeil dès 50 ans augmenteraient le risque de développer plusieurs maladies chroniques

Les scientifiques ont observé une association robuste entre de courtes nuits de sommeil (inférieures ou égales à 5 heures) et un risque plus élevé de multimorbidité. © Adobe Stock

Plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. La multimorbidité, ou la présence de multiples affections chroniques chez la même personne, est un défi majeur de santé publique. Si la littérature scientifique a apporté les preuves cohérentes d’une association entre la durée du sommeil et le risque de développer différentes maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, aucune étude ne s’était intéressée jusqu’alors au lien entre le sommeil et la multimorbidité. Une équipe de recherche de l’Inserm et d’Université Paris Cité en collaboration avec l’University College London (Angleterre) a examiné comment la durée du sommeil à 50, 60 et 70 ans est associée à l’évolution des maladies chroniques au cours du vieillissement chez 7 000 hommes et femmes. Ils ont trouvé une association robuste entre de courtes nuits de sommeil (inférieure ou égale à 5 heures) et un risque plus élevé de multimorbidité. Les résultats de cette étude sont publiés dans Plos Medicine.

Nous passons un tiers de notre vie à dormir et l’importance du sommeil pour la santé n’est plus à démontrer. Il régule en effet plusieurs fonctions dont l’humeur, la cognition, le métabolisme ou encore l’immunité. De plus, plusieurs études scientifiques ont observé une association entre la durée du sommeil, qu’elle soit courte ou longue, et le développement d’une maladie chronique (comme l’apparition d’un cancer ou encore d’une maladie cardiovasculaire).

À mesure que les populations vieillissent, leurs habitudes de sommeil changent. Or on sait que plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. Si les recommandations actuelles[1] préconisent 7 à 8 heures de sommeil par nuit, la question de savoir si la durée du sommeil au milieu et à la fin de la vie augmente ou non le risque de multimorbidité n’a pas été étudiée.

Des scientifiques de l’Inserm et d’Université Paris Cité ont examiné comment la durée du sommeil est associée à l’évolution des maladies chroniques au cours du vieillissement. Ils ont pour cela utilisé les données de 7 000 britanniques collectées dans le cadre de l’étude Whitehall II[2] de l’University College London.

Les participants ont effectué une auto-évaluation de leur durée de sommeil à plusieurs reprises entre 1985 et 2019 ce qui a permis d’extraire des données sur la durée du sommeil à l’âge de 50, 60, et 70 ans pour chaque participant. Un groupe de participants (4 000 personnes) a également porté une montre connectée (ou à accéléromètre) pendant une semaine, ce qui a permis d’avoir une mesure précise de la durée de sommeil et de vérifier la précision des estimations. Ces données ont été croisées avec des informations sur l’état de santé des participants obtenues au cours de leur suivi[3] jusqu’en mars 2019.

Les chercheurs ont ainsi pu examiner le lien entre la durée du sommeil à différents âges, son évolution entre 50 et 70 ans, et le risque de survenue de multimorbidité. Ils ont également étudié plus spécifiquement le rôle de la durée du sommeil à l’âge de 50 ans dans le risque de transition d’un état sain vers une première maladie chronique, vers la multimorbidité et vers la mortalité.

Les résultats obtenus suggèrent d’abord qu’il existe une association robuste entre une courte durée de sommeil (inférieure ou égale à 5 heures) aux âges de 50, 60 et 70 ans et un risque plus élevé de multimorbidité de l’ordre de 30 à 40% en fonction de l’âge.

Les auteurs ont également observé qu’une courte durée de sommeil à l’âge de 50 ans était associée à un risque accru de 20 % de développer une première maladie chronique, et à un risque accru similaire de multimorbidité parmi les personnes qui avaient déjà développé une première maladie chronique.

Ces résultats pourraient expliquer le risque augmenté de décès de l’ordre de 25 % observé chez les personnes âgées de 50 ans ayant une durée de sommeil inférieure ou égale à cinq heures par nuit. En effet, de courtes nuits de sommeil augmentent le risque de survenue d’une ou plusieurs maladies chroniques, et ces dernières sont associées à une espérance de vie plus courte.

Enfin, les scientifiques n’ont pas trouvé d’association robuste entre le fait d’avoir une durée de sommeil plus longue (supérieure ou égale à 9 heures) à l’âge de 50 ans et le risque de développer une multimorbidité au cours du vieillissement. Par contre, une nuit de sommeil de 9 heures ou plus chez les personnes ayant développé une première maladie chronique au cours de leur suivi (à l’âge moyen de 66 ans) était associée à un sur-risque de survenue de multimorbidité. Ce résultat suggère qu’une longue nuit de sommeil puisse être la conséquence d’une maladie chronique plutôt que sa cause. De futures études sur le sujet sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

« L’ensemble de ces résultats soutiennent l’importance de la promotion d’une bonne hygiène du sommeil des populations. Pour cela, il est nécessaire de cibler les habitudes de vie et les conditions environnementales qui affectent la durée et la qualité du sommeil », explique Séverine Sabia, chercheuse Inserm et première auteure de l’étude.

 

[1] Hirshkowitz M, Whiton K, Albert SM, Alessi C, Bruni O, DonCarlos L, et al. National Sleep Foundation’s sleep time duration recommendations: methodology and results summary. Sleep Health. 2015.

[2] Dans le cadre du suivi de la cohorte britannique Whitehall II, les scientifiques examinent les conséquences des facteurs sociaux, économiques, biologiques et de mode de vie sur la santé à long terme. 

[3] Les informations de santé sont obtenues grâce à des questionnaires ainsi qu’à des examens cliniques réalisés tous les 5 ans dans le cadre du suivi de la cohorte (examens sanguins et électrocardiogrammes). Elles sont complétées par des données électroniques de santé (accès par exemple au registre des hospitalisations).

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