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Un additif alimentaire couramment utilisé altèrerait le microbiote et l’environnement intestinal humain

microbiote intestinal humain (rouge) au sein de la couche de mucus (verte) située à la surface de l’intestin.

Visualisation du microbiote intestinal humain (rouge) au sein de la couche de mucus (verte) située à la surface de l’intestin. © Benoit Chassaing/Institut Cochin

Face à la prévalence importante des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn, la recherche avance pour mieux identifier les facteurs de risque de ces pathologies et ainsi améliorer la prise en charge des patients. Des scientifiques à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris), dirigés par le chercheur Inserm Benoît Chassaing, avaient montré chez la souris que la présence d’émulsifiants alimentaires dans de nombreux plats transformés pouvait favoriser l’inflammation au niveau intestinal. Dans une nouvelle étude, publiée dans Gastroenterology, la même équipe montre aujourd’hui chez des volontaires sains, que le carboxyméthylcellulose (CMC)[1], un émulsifiant alimentaire largement utilisé, impacte l’environnement intestinal en altérant la composition du microbiote. L’équipe souligne la nécessité de travaux complémentaires pour caractériser l’impact à long terme de cet additif alimentaire, ainsi que l’étude chez des individus souffrant de maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

Près de 20 millions de personnes dans le monde seraient touchées par les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, parmi lesquelles on compte la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques. Des facteurs génétiques ont été identifiés pour expliquer l’inflammation de l’intestin qui caractérise ces pathologies, mais ces prédispositions ne sont pas suffisantes pour expliquer à elles seules la survenue de ces maladies. Ainsi, depuis plusieurs années, de nombreuses équipes de recherche se sont penchées sur les facteurs environnementaux.

C’est le cas du chercheur Inserm Benoît Chassaing et de son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) qui s’intéressent à l’impact de l’alimentation – et plus spécifiquement au rôle de certains additifs alimentaires, comme les émulsifiants – sur le microbiote intestinal.

L’équipe a notamment étudié l’impact du carboxyméthylcellulose (CMC), un émulsifiant synthétique ajouté à de nombreux aliments transformés pour en améliorer la texture et prolonger leur durée de conservation. Des travaux menés sur des souris ont précédemment révélé que le CMC, ainsi que certains autres agents émulsifiants, altèrent la composition du microbiote intestinal et entraînent ainsi l’aggravation de nombreuses pathologies inflammatoires chroniques, telles que la colite, le syndrome métabolique et le cancer du côlon.

Dans de nouveaux travaux, les scientifiques ont donc cherché à vérifier si le CMC pouvait avoir le même impact chez l’humain car, bien qu’elle n’ait jamais fait l’objet de tests cliniques approfondis, cette molécule est de plus en plus utilisée dans les aliments transformés depuis les années 1960.

 

Étude clinique sur volontaires sains

Pour mener à bien cette étude clinique, les scientifiques ont recruté un petit groupe de volontaires sains. Les participants, logés sur le site de l’étude pendant toute sa durée, ont été divisés en deux groupes. L’un consommait un régime alimentaire strictement contrôlé et sans aucun additif, et l’autre un régime identique mais supplémenté par du CMC.

Au bout de deux semaines, les chercheurs et chercheuses ont observé que, chez les participants consommant du CMC, la composition en bactéries présentes dans l’intestin était modifiée, avec une diminution nette de la quantité de certaines espèces connues pour jouer un rôle bénéfique en santé humaine, tel que Faecalibacterium prausnitzii. De plus, les échantillons fécaux des participants recevant du CMC étaient très fortement appauvris pour de nombreux métabolites bénéfiques. Enfin, sur le plan clinique, ces participants étaient plus sujets à des douleurs abdominales et à des ballonnements intestinaux.

Des coloscopies réalisées chez ces volontaires au début et à la fin de l’étude ont également mis en évidence que chez un sous-groupe de sujets dans le groupe qui consommait du CMC les bactéries intestinales se trouvaient localisées plus proches des parois de l’intestin. Il s’agit d’une caractéristique observée dans des maladies inflammatoires de l’intestin et le diabète de type 2.

Si la consommation de CMC n’a entraîné aucune pathologie inflammatoire dans cette étude relativement courte, ces résultats confirment les données issues des études animales et suggèrent que la consommation à long terme de cet additif pourrait impacter négativement le microbiote intestinal et par conséquent favoriser les maladies inflammatoires chroniques ainsi que des dérégulations métaboliques chez l’humain.

« Nos résultats soulignent la nécessité d’études complémentaires sur cette classe d’additifs alimentaires, sur des échantillons plus larges et à plus long terme. Par ailleurs, nous souhaitons désormais mieux comprendre l’hétérogénéité des réponses au CMC entre les sujets. Pourquoi seulement certains individus développent des marqueurs inflammatoires à la suite de la consommation de ces additifs ? Certaines personnes sont-elles plus sensibles à certains additifs que d’autres ? Voici les questions auxquelles nous voulons répondre et pour lesquelles nous sommes en train de concevoir diverses approches », précise Benoît Chassaing.

L’équipe prévoit de nouvelles études cliniques et précliniques qui devraient permettre d’identifier des marqueurs moléculaires de sensibilité au CMC afin de mieux expliquer cette hétérogénéité. Des essais sur des groupes plus larges de volontaires atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont en cours pour identifier l’impact de l’additif chez ces patients.

[1] Le CMC est aussi désigné par E466 dans la liste des additifs notés sur les produits transformés.

Consommation excessive d’alcool : des variations génétiques protectrices vis-à-vis du cancer du foie

 

 

Foie humain© Fotolia

Dans une étude publiée le 10 décembre 2021 dans The Lancet Oncology, des enseignants-chercheurs d’Université de Paris et Sorbonne Université et chercheurs de l’Inserm, au Centre de Recherche des Cordeliers dirigé par la professeure  J. Zucman-Rossi, et leurs collaborateurs du réseau GENTHEP, ont identifié deux nouveaux gènes, WNT3A-WNT9A, dont certaines variations génétiques sont associées au risque de développer un carcinome hépatocellulaire chez les patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Ces résultats permettent de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre l’exposition à l’alcool au cours de la vie et la diversité génétique des individus conduisant au développement d’un cancer du foie.

Cancer du foie le plus fréquent, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la troisième cause de décès par cancer dans le monde. En France et dans de nombreux pays occidentaux, la consommation excessive d’alcool, plus de 4 verres par jour, est à l’origine de cette maladie.

Bien que le risque de développer un cancer du foie augmente parallèlement à la sévérité des lésions hépatiques induites par l’alcool, un cancer du foie ne se développera que chez une partie des grands buveurs chroniques. Ce constat suggère que des facteurs génétiques sont impliqués dans l’évolution des lésions hépatiques vers un CHC. Comprendre pourquoi certains malades développent un CHC et d’autres non est la question à laquelle l’équipe de la Professeure Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers, ainsi que ses collaborateurs du réseau Génétique des tumeurs hépatiques (GENTHEP) en France et en Belgique, se sont intéressé.

Leur étude est la première étude d’association pangénomique (GWAS). Elle a ainsi permis de comparer le génome de milliers d’individus ayant en commun un phénotype ou une maladie, ici des patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Les chercheurs ont alors pu étudier et analyser les données de ces patients ayant développé un CHC et les comparer à celles des patients n’ayant pas développé la pathologie.

Menée chez plus de 4000 patients recrutés dans plusieurs centres hospitaliers universitaires en France et en Belgique, tous spécialisés dans le dépistage et le traitement du cancer du foie, cette étude a permis aux chercheurs d’identifier deux nouveaux gènes WNT3A-WNT9A associés au risque de développer un carcinome hépatocellulaire (CHC) chez les patients avec une consommation excessive d’alcool.

Les gènes WNT3A-WNT9A sont présents chez tout le monde mais peuvent présenter des variations génétiques mineures entre les individus. Ces dernières sont associées à un risque différent de développer un CHC.

Ainsi, sur une population de patients consommateurs chroniques et excessifs d’alcool, l’étude en question montre que les 32% d’individus qui présentaient une variation protectrice des gènes WNT3A-WNT9A ont un risque moindre de développer un CHC lié à une consommation chronique d’alcool. À l’opposé, les 68% de patients qui ne sont pas porteurs de la variation protectrice ont un risque majoré.

Les chercheurs ont également confirmé que des variations génétiques au niveau d’autres gènes (PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13) modulaient le risque de CHC lié à l’alcool.

Ainsi, la présence simultanée de variations génétiques délétères au niveau des gènes WNT3A-WNT9A, PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13 augmente le risque de CHC lié à l’alcool.

Enfin, les résultats de cette étude montrent que les patients consommateurs excessifs d’alcool qui développent un CHC ne présentent pas les mêmes caractéristiques moléculaires au niveau des tumeurs selon qu’ils portent les variations protectrices ou délétères des gènes WNT3A-WNT9A. En effet, ces variations génétiques finalement assez communes, modifient les mécanismes de carcinogénèse, bien connue dans le cas des tumeurs du foie. Cette étude montre que cette influence s’exerce très précocement et qu’elle module non seulement le risque de transformation des lésions hépatiques en cancer mais aussi la réaction du système immunitaire, dans le sens d’un effet protecteur contre le développement d’un CHC.

Avec cette étude, les chercheurs améliorent leur compréhension des mécanismes liés au développement d’un CHC induit par l’alcool et ouvrent la possibilité d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre le cancer du foie. Ces résultats serviront de base pour la mise au point d’autres études évaluant extensivement le risque de développer un CHC lié à l’alcool. Dans tous les cas, il est important de rappeler que limiter sa consommation d’alcool a un impact très important et permet la prévention efficace du développement de cancer du foie.

Cette étude a été soutenue financièrement par la Ligue Nationale contre le Cancer (Équipe Labellisée), Bpifrance, l’Inserm (plan cancer), l’Association Française pour l’Étude du Foie, le Coup d’Élan de la Fondation Bettencourt-Schueller, la FRM prix Rosen, la Ligue Contre le Cancer Comité de Paris (prix René et André Duquesne), la Fondation Mérieux et l’Université Libre de Bruxelles en Belgique.

L’endormissement, un booster de créativité ?

Sommeil _ Dali© Wiki Commons – Fair Use

Salvador Dali fut partisan de l’utilisation de courtes phases de sommeil pour stimuler sa capacité créative. © Wiki Commons – Fair Use

 

Et si quelques minutes de sommeil pouvaient agir comme un déclencheur de créativité ? C’est ce que suggère une étude menée par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Cerveau et du service des pathologies du sommeil à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP. Les résultats sont publiés dans Science Advances.

Une légende sur l’inventeur Thomas Edison raconte que ce dernier faisait des petites siestes pour susciter sa créativité. Lors de celles-ci, il tenait une boule métallique à la main. La boule tombait bruyamment quand il s’endormait et le réveillait juste à temps pour noter ses flashs de créativité. D’autres personnages célèbres furent également partisans de l’utilisation de courtes phases de sommeil pour stimuler leur capacité créative, comme Albert Einstein ou Salvador Dali.

Inspirées par cette histoire, l’équipe de la chercheuse Inserm Delphine Oudiette et de sa collaboratrice Célia Lacaux à l’Institut du Cerveau et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, a souhaité explorer cette phase très particulière de l’endormissement. Les scientifiques voulaient déterminer si celle-ci avait bel et bien un effet sur la créativité.

Pour cela, l’équipe a proposé à 103 participants des problèmes de mathématiques, tous résolvables presque instantanément grâce à une même règle, bien sûr inconnue des participants au début du test. Les sujets essayaient de résoudre les problèmes une première fois. Tous ceux qui n’avaient pas trouvé la règle cachée étaient invités à faire une sieste d’une vingtaine de minutes dans les mêmes conditions qu’Edison, un objet à la main, avant de repasser les tests mathématiques.

« Passer au moins 15 secondes dans cette toute première phase de sommeil après l’endormissement triplait les chances de trouver cette règle cachée, par l’effet du fameux « Eureka ! ». Cet effet disparaissait si les sujets plongeaient plus profondément dans le sommeil », explique Célia Lacaux, première autrice de l’étude.

Les chercheurs ont, en parallèle, mis en évidence plusieurs marqueurs neurophysiologiques clés de cette phase d’endormissement génératrice de créativité.

Il existerait donc bien une phase propice à la créativité au moment de l’endormissement. L’activer nécessite de trouver le bon équilibre entre s’endormir rapidement et ne pas s’endormir trop profondément. Ces « siestes créatives » pourraient constituer un moyen facile et accessible de stimuler notre créativité dans la vie de tous les jours.

« La phase d’endormissement a été jusqu’à présent relativement négligée par les neurosciences cognitives. Cette découverte ouvre un nouveau champ extraordinaire pour de futures études, notamment des mécanismes cérébraux de la créativité. Le sommeil est aussi souvent vu comme une perte de temps et de productivité. En montrant qu’il est en réalité essentiel à nos performances créatives, nous espérons réitérer son importance auprès du public. » conclut Delphine Oudiette, chercheuse Inserm et dernière autrice de l’étude.

Covid-19 : Nouvelles pistes pour expliquer pourquoi les enfants sont moins à risque de formes graves

Cette image colorisée au microscope électronique montre le SARS-CoV-2 isolé d'un patient aux États-Unis. Des particules virales émergent de la surface des cellules cultivées en laboratoire

Cette image colorisée au microscope électronique montre le SARS-CoV-2 isolé d’un patient aux États-Unis. Des particules virales émergent de la surface des cellules cultivées en laboratoire. © NIAID-RML Creative Commons.

 

Pourquoi les enfants sont-ils moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes ? Cette question est étudiée par de nombreux scientifiques depuis le début de la pandémie. Plusieurs pistes intéressantes se dessinent, suggérant notamment des différences au niveau des réponses immunitaires qui se mettent en place à la suite de l’infection par le SARS-CoV-2. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université d’Angers et du CHU d’Angers, membres ou partenaires du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) ont montré que la réponse interféron, qui fait partie de la réponse immunitaire innée n’est pas la même selon l’âge des patients. Les résultats ont été publiés dans la revue Frontiers in Immunology en novembre 2021.

Les symptômes de la Covid-19 varient grandement d’une personne à l’autre. Si certains individus sont asymptomatiques après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, d’autres développent des formes graves de la maladie, pouvant aller jusqu’au décès. Dès le début de la pandémie, l’âge a été identifié comme facteur de risque majeur de faire une forme sévère de Covid-19. Contrairement aux adultes, et notamment aux personnes âgées qui sont très vulnérables à l’infection, les enfants ne présentent généralement aucun signe clinique de la maladie (ou seulement des symptômes légers).

De nombreuses équipes de recherche cherchent à comprendre quels paramètres de la réponse immunitaire pourraient expliquer cette différence de vulnérabilité au virus entre les personnes âgées et les plus jeunes.

Dans ce travail collaboratif, les chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université d’Angers au sein du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers ainsi que des laboratoires de Virologie et d’Immunologie du CHU d’Angers, ont émis l’hypothèse que les enfants seraient protégés en raison d’une réponse immunitaire innée locale plus forte, au niveau de la muqueuse nasopharyngée. Jusqu’ici l’immunité innée face à la Covid-19 a été moins étudiée que la réponse immunitaire adaptative[1].

Quelques rappels sur la réponse immunitaire

L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un microorganisme pathogène, chez tout individu, et ce même en l’absence d’un contact antérieur avec ce microorganisme. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. En cas d’infection virale, elle fait principalement intervenir des cellules « Natural Killer » qui tuent les cellules infectées par un virus. Elle induit aussi la production des interférons par les cellules infectées, et ces interférons protègent les cellules voisines de l’infection. 

L’immunité adaptative est une réponse qui mettra 5 à 7 jours avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire). En cas d’infection virale, elle fait intervenir deux types de cellules immunitaires protectrices : des lymphocytes B producteurs d’anticorps qui se fixent au virus et le « neutralisent », c’est-à-dire empêchant son entrée dans les cellules et favorisant son élimination, et des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques qui tuent les cellules infectées. Les lymphocytes B et T reconnaissent des structures protéiques (du virus) appelées antigènes. 

Après une infection virale ou une vaccination, le taux des anticorps et des lymphocytes reconnaissant le virus diminue dans le temps. Néanmoins, des lymphocytes B et T dit « mémoires » demeurent et patrouillent. Ils agiront plus vite et plus efficacement lors d’un contact ultérieur avec le même virus.

Des réponses interférons différentes

Dans leurs travaux, les scientifiques ont analysé les prélèvements nasopharyngés de 226 personnes venues réaliser un test PCR dans un centre de dépistage « drive » au CHU d’Angers de mars 2020 à mars 2021.  Parmi ces individus, 147 étaient infectés par le SARS-CoV-2.  « L’originalité de nos travaux est de ne pas avoir présélectionné les participants, pour ne pas biaiser les résultats, mais aussi de nous intéresser à l’immunité innée, et plus précisément à la réponse interféron », souligne Yves Delneste, chercheur Inserm ayant participé à cette étude.

Lorsque des cellules sont infectées par un virus quel qu’il soit, elles produisent rapidement des interférons (IFN) de type I (IFN-α/β) et de type III (IFN-l), qui sont de puissantes molécules antivirales naturelles. On les appelle interférons car elles « interfèrent » avec la réplication du virus et protègent les cellules voisines de l’infection.

Ces interférons ont tous une activité antivirale, mais leurs modes d’action ne sont pas redondants. En effet, chacun induit une réponse antivirale d’intensité et de durée différente et agit de façon différente mais complémentaire sur la réponse immunitaire[2].

Une réponse interféron insuffisante ou inadaptée ne permettra pas de contenir la réplication du virus ou pourra favoriser une réponse immunitaire pathologique (par exemple un emballement du système immunitaire comme on le voit dans les formes graves de Covid-19).

L’analyse des échantillons étudiés par l’équipe de recherche révèle que, chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d’expression des interférons de type I (IFN- α/β) et de type III (IFN-l) diffèrent avec l’âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans ont une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus localement au niveau de son point d’entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, expriment préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme).

SARS COV2

« Ces résultats contribuent à expliquer pourquoi les enfants seraient moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes. Les interférons de type III, qui agissent principalement en protégeant localement l’épithélium, pourraient contrôler l’infection au point d’entrée, sans induire d’inflammation excessive généralisée, et éviter ainsi un glissement vers la tempête inflammatoire avec une destruction cellulaire massive que l’on voit dans les formes graves », soulignent Pascale Jeannin (professeure des universités et praticien hospitalier) et Dominique Couez (professeure des universités) à Angers, qui ont dirigé ces travaux.

En s’appuyant sur ces résultats, les scientifiques vont désormais mener une étude prospective pour évaluer si, chez les enfants qui présentent des signes cliniques de la maladie, les caractéristiques de la réponse interféron associée aux formes graves chez l’adulte sont présentes et si elles peuvent permettre de prédire l’évolution de l’infection.

 

[1] voir encadré sur l’immunité innée et l’immunité adaptative à la fin du communiqué

[2] voir encadré

Doses de rappel Covid-19 : début des inclusions de l’essai COVIBOOST

Vaccin Anti Covid

Les autorités sanitaires françaises recommandent à tous les adultes de plus de 18 ans de réaliser une injection de rappel avec un vaccin à ARNm afin d’assurer une protection vaccinale maximale et prolongée.© AdobeStock

 

Dans un contexte de circulation hivernale du virus, d’augmentation constante du nombre de cas confirmés et d’apparition de nouveaux variants, les autorités sanitaires françaises recommandent à tous les adultes de plus de 18 ans de réaliser une injection de rappel avec un vaccin à ARNm afin d’assurer une protection vaccinale maximale et prolongée.

L’administration d’une 3ème dose d’un vaccin différent pourrait néanmoins présenter des avantages en termes d’efficacité et de sécurité, mais aussi en termes de coût et d’acceptabilité.

L’essai COVIBOOST vise à étudier la réponse immunitaire suite à l’injection en 3ème dose de deux candidats vaccins à base de protéine recombinante associée avec un adjuvant développé par Sanofi Pasteur et GSK et celle d’une 3ème dose du vaccin Pfizer-BioNTech.

Cet essai randomisé en double aveugle, promu par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, sera mené dans 11 centres hospitaliers du réseau COVIREIVAC coordonné par l’Inserm. Il démarre le 8 décembre.

300 participants ayant préalablement reçu deux doses du vaccin Pfizer-BioNTech (2ème dose reçue dans un délai de 5 à 7 mois) et sans antécédent de Covid-19 seront inclus, dont la moitié âgée de de 65 ans et plus.

Ils recevront aléatoirement en dose de rappel :

–           le vaccin ARNm de Pfizer-BioNTech (Comirnaty®)

–           le vaccin adjuvanté à protéine recombinante de Sanofi-Pasteur / GSK basé sur la souche originale du virus (souche Wuhan)

–           le vaccin adjuvanté à protéine recombinante de Sanofi-Pasteur / GSK basé sur le variant beta (variant sud-africain)

Les données de l’essai permettront de mesurer la réponse immunitaire induite par les trois vaccins étudiés en rappel, et son efficacité sur les différents variants mais aussi sa persistance à 3 et 12 mois, en fonction de l’âge.

Il s’agit de la huitième étude lancée par COVIREIVAC.

Pour plus d’information sur les conditions de l’essai, rendez-vous sur le site: http://www.covireivac.fr ou écrire à  rf.phpa@hcc.cavierivoctcatnoc

La vaccination de rappel dans le cadre de l’essai permettra de valider le pass sanitaire pour la 3ème dose selon les exigences nationales.

« Aujourd’hui la dose de rappel avec un vaccin ARNm est devenue incontournable. Mais on espère élargir le panel des possibilités avec d’autres technologies vaccinales. » explique Marie Lachâtre, médecin infectiologue (Hôpital Cochin et Hôtel Dieu / APHP) et membre de COVIREIVAC. « Les candidats vaccin de Sanofi-Pasteur/GSK font depuis plusieurs mois l’objet d’essais cliniques de phase 3 en primo-vaccination ou en rappel. Nous souhaitons aujourd’hui évaluer la réponse immunitaire qu’ils induisent en rappel comparativement à celle du vaccin Pfizer-BioNTech ».

Cette étude clinique a été labellisée « priorité nationale de recherche » sur le Covid-19, par le ministère de la Santé et des Solidarités.

Lancée en octobre 2020, la plateforme COVIREIVAC coordonnée par l’Inserm et F-CRIN en lien avec 32 centres hospitaliers universitaires et un réseau de 11 laboratoires d’immunologie vise à mener et à promouvoir une recherche clinique vaccinale d’excellence en France. Depuis le 1er octobre 2020, 50 000 volontaires se sont inscrits pour participer aux efforts de recherche et améliorer les connaissances vis-à-vis de ces nouveaux vaccins. Il s’agit d’une initiative sans précédent dans notre pays. La plateforme est pilotée par l’Inserm, et le volet opérationnel clinique fait l’objet d’une coordination par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris des différents CHU. De nouveaux projets de recherche sont régulièrement lancés dans le cadre de COVIREIVAC.

Même si plusieurs vaccins contre la Covid-19 sont disponibles, il est impératif de poursuivre la recherche afin d’approfondir les connaissances scientifiques, notamment la durée de la protection et la qualité de la réponse immunitaire.

Les études cliniques coordonnées par COVIREIVAC ont pour objectif d’apporter des réponses à ces questions de recherche.

Bronchopneumopathie chronique obstructive : une mutation génétique confirmée comme facteur de prédisposition

Cellules basales des voies aériennes d’un modèle animal en culture marquées par la cytokératine 14 en rouge (marqueur spécifique), les noyaux sont colorés en bleu par une molécule fluorescente, le DAPI. © Unité Neurobiologie intégrative des systèmes cholinergiques _ Institut Pasteur

 

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), troisième cause de mortalité dans le monde en 2019 selon l’OMS, est une maladie respiratoire chronique invalidante dont tous les mécanismes n’ont pas encore été identifiés à ce jour. Dans ce contexte, des chercheuses et des chercheurs de l’Institut Pasteur, d’Université de Paris, du CNRS, de l’Inserm, de l’université de Reims Champagne-Ardenne, du CHU de Reims et de l’Institut Pasteur de Lille, ont montré que la substitution d’un seul nucléotide dans le gène qui code pour le récepteur nicotinique de l’acétylcholine[1] peut entrainer des modifications fonctionnelles des cellules des voies aériennes et conduire à des symptômes similaires à ceux de la BPCO, indépendamment du tabagisme. Les scientifiques ont par ailleurs identifié les mécanismes moléculaires impliqués dans ce phénomène pathologique. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le journal Nature Communications, le 4 novembre 2021.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire chronique évolutive définie par une obstruction permanente des voies aériennes. Elle touche, dans la population française, 5 à 10% des plus de 45 ans selon Santé publique France. Toux chronique, expectorations et essoufflement s’aggravent au fil des ans et deviennent invalidants.

Des études génétiques précédemment menées chez l’Homme ont associé, dans un premier temps, cette pathologie à des gènes situés sur le chromosome 15, qui codent pour des sous-unités du récepteur nicotinique de l’acétylcholine (nAChR). Dans une nouvelle étude, des scientifiques de l’Institut Pasteur, d’Université de Paris, du CNRS, de l’Inserm, de l’université de Reims Champagne-Ardenne, du CHU de Reims et de l’Institut Pasteur de Lille, ont concentré leur recherche sur la variabilité d’un seul nucléotide (une base Adénine au lieu d’une base Guanine), dans le gène appelé CHRNA5, qui code pour la sous-unité alpha5 du récepteur nAChR, sur le chromosome 15. Cette version du gène est retrouvée dans le génome de 37% de la population européenne. Les scientifiques ont étudié l’effet de cette variation sur les cellules des voies aériennes.

Chez le modèle animal porteur de cette version du gène, l’étude a notamment mis en évidence l’apparition d’un emphysème, c’est-à-dire la destruction de la paroi des alvéoles pulmonaires, un phénomène retrouvé chez les patients atteints de BPCO. « Nous mettons en évidence les conséquences biologiques d’une mutation dans un gène associé à la BPCO » indique Valérian Dormoy, enseignant-chercheur au laboratoire Inserm Pathologies Pulmonaires et Plasticité Cellulaire à l’université de Reims Champagne-Ardenne, et co-dernier auteur de l’étude. Les scientifiques ont associé l’expression de cette version du gène avec une inflammation et un remodelage de l’épithélium des voies aériennes. En effet, les cellules progénitrices basales des voies respiratoires, situées sur la couche profonde de l’épithélium et responsables de son renouvellement, ont un fonctionnement altéré. Ce dysfonctionnement a notamment été observé par les chercheuses et chercheurs au cours du processus de cicatrisation de l’épithélium bronchique.

Les résultats de l’étude ont ensuite pu être confirmés chez l’Homme.

En effet, l’analyse histologique de cellules issues de polypes nasaux prélevés chez 123 patients non-fumeurs du CHU de Reims a également montré une association entre le remodelage de l’épithélium et cette mutation du gène.

« Cette version du gène constituerait un facteur de prédisposition génétique à la maladie, indépendamment du tabagisme. La BPCO survenant à la suite de lésions répétées des tissus des voies aériennes, provoquées par d’autres molécules tels que des polluants atmosphériques », commente Philippe Birembaut, (ancien) chef de service au CHU de Reims (Université de Reims Champagne-Ardenne, Inserm), et co-dernier auteur de l’étude.

Par ailleurs, l’analyse in vitro des cellules animales exprimant la version modifiée du récepteur nicotinique, a permis d’identifier les voies de signalisation impliquées. Cette identification pourrait constituer une cible pharmacologique pour le développement d’un futur traitement. « L’un de nos objectifs est de définir les caractéristiques des patients atteints de BPCO et porteurs de cette mutation afin de développer une médecine personnalisée », conclut Uwe Maskos, directeur de l’unité de Neurobiologie intégrative des systèmes cholinergiques à l’Institut Pasteur (Université de Paris, CNRS[2]) et co-dernier auteur de l’étude.

 

[1] Le récepteur nicotinique de l’acétylcholine est situé dans la membrane des cellules. Il est activé par l’acétylcholine ou la nicotine et contrôle l’entrée de différents ions dans la cellule : calcium, sodium.

[2] Laboratoire « Gènes, synapses et cognition » (CNRS/Institut Pasteur).

Prix Inserm 2021 : la science plus que jamais mobilisée au service de la santé

Prix Inserm 2021

© Inserm

 

En cette année 2021, toujours marquée par la Covid-19, les collaborateurs de l’Inserm sont restés mobilisés pour faire avancer la recherche biomédicale et poursuivre leurs efforts dans l’ensemble des champs de la recherche en santé. Pour honorer ce travail collectif, l’Inserm décerne ses Prix 2021 à cinq lauréates et lauréats dont la qualité des travaux témoigne de l’excellence scientifique des recherches menées au sein de l’Institut. « En mettant en lumière ses talents, l’Inserm entend montrer la diversité et la richesse des métiers qui font la recherche biomédicale, ainsi que la créativité et la passion des femmes et des hommes qui l’animent au quotidien et dont les réalisations contribuent à l’excellence scientifique de l’Institut, au service de la société et bien sûr au bénéfice de la santé de tous » salue Gilles Bloch, PDG de l’Inserm.

Le Grand Prix Inserm 2021 récompense Marion Leboyer, psychiatre et chercheuse qui a dédié sa carrière à comprendre et à mieux soigner les maladies mentales. Ce Grand Prix récompense le caractère novateur de ses travaux de recherche en particulier sur les troubles bipolaires, la schizophrénie et les troubles du spectre de l’autisme.

 

Marion Leboyer, Grand Prix Inserm

   Marion Leboyer, Grand Prix Inserm 2021

©Inserm/François Guénet

Marion Leboyer, dirige le laboratoire Neuropsychiatrie translationnelle à Créteil (unité 955 Inserm/Université Paris-Est Créteil). Elle a dédié sa vie professionnelle à la recherche sur les maladies mentales et ses travaux de recherche novateurs ont largement contribué à améliorer le traitement des personnes qui souffrent de schizophrénie, de dépression, de troubles bipolaires ou encore de troubles du spectre de l’autisme, avec toujours pour objectif l’idée de mettre en place des approches thérapeutiques personnalisées pour chaque patient.

En 2007, elle crée la fondation FondaMental, sur laquelle son laboratoire s’appuie pour mener ses recherches. Son équipe est à l’origine de la découverte de plusieurs gènes impliqués dans différents troubles mentaux et a contribué à démontrer le coût de la santé mentale en France.

L’équipe de Marion Leboyer s’est également fortement impliquée pour soutenir les patients durant l’épidémie de Covid-19, mettant en place les plateformes numériques CovidÉcoute puis Écoute Étudiants Île-de-France, dédiées au soutien psychologique et à l’écoute.

 

Pierre-Louis Tharaux, Prix Recherche

©Inserm/François Guénet

Il y a vingt-cinq ans, le néphrologue Pierre-Louis Tharaux s’est lancé un défi : contribuer à sortir l’insuffisance rénale de l’impasse thérapeutique. Désormais chercheur au Paris Centre de recherche cardiovasculaire (unité 970 Inserm/Université de Paris), il est en passe de réussir avec une approche innovante et un premier traitement à l’essai chez des malades : des avancées récompensées par le Prix Recherche.

 

Laurent Fleury, Prix Science et société-Opecst

Laurent Fleury, Prix Science et société-Opecst 2021

©Inserm/François Guénet

Avec le pôle Expertises collectives de l’Inserm qu’il dirige depuis 2016, Laurent Fleury est à l’interface entre la science et la société pour faire le point sur les connaissances scientifiques à un instant T sur un sujet de santé. L’objectif est double : aider à la prise de décisions politiques et informer les citoyens. Les expertises et leur valorisation sont aujourd’hui saluées par le Prix Science et société-Opecst.

 

Ana Zarubica, Prix Appui à la recherche

Ana Zarubica, Prix Appui à la recherche 2021

©Inserm/François Guénet

Ana Zarubica est la cheffe d’orchestre du Centre d’immunophénomique à Marseille (unité de service 12 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université). Son objectif : assurer une organisation optimale de cette unité qui offre aux scientifiques du monde entier des modèles murins pour étudier le fonctionnement et les dysfonctionnements du système immunitaire. Un investissement reconnu au travers du Prix Appui à la recherche.

 

Francine Behar-Cohen, Prix Innovation

Francine Behar-Cohen, Prix Innovation2021

©Inserm/François Guénet

Francine Behar-Cohen est chirurgienne ophtalmologue, chercheuse au Centre des Cordeliers à Paris (unité 1138 Inserm/Sorbonne Université/Université de Paris) et fondatrice de la start-up Eyevensys, spécialisée dans le traitement de maladies oculaires par thérapie génique. Elle souhaite en effet avant tout que ses découvertes quittent son laboratoire et soulagent au plus vite les malades. Ses travaux et leur valorisation lui valent le Prix Innovation.

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