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En cette fin d’année 2024, qui marque l’anniversaire des 60 ans de l’Institut, l’Inserm célèbre, par la remise de ses prix annuels, celles et ceux qui font avancer la recherche en santé. Les Prix Inserm 2024 viennent récompenser le travail de cinq scientifiques portés par un objectif commun : faire progresser la santé de toutes et tous.
Le Grand Prix Inserm est décerné cette année à Stéphanie Debette, médecin, chercheuse et universitaire qui travaille depuis plus de 20 ans à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de démence ou victimes d’AVC.
« Les parcours des chercheuses et de chercheurs mis à l’honneur cette année incarnent l’excellence de la recherche au sein de l’Inserm et témoignent de l’importance de l’engagement collectif pour mener une recherche innovante et de qualité, déclare le Pr Didier Samuel, PDG de l’Inserm. En fédérant des équipes de haut niveau autour de projets de recherche innovants et audacieux, ces scientifiques contribuent, par la qualité de leur travail et leur engagement personnel, à une recherche au service de la société et de la santé de toutes et tous. »
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Directrice du laboratoire Inserm Bordeaux Population Health et de l’institut hospitalo-universitaire pour la santé vasculaire cérébrale, Stéphanie Debette est à la fois médecin, chercheuse et universitaire. Ses multiples casquettes, elle les met toutes au service de la cause des maladies vasculaires cérébrales, en particulier de l’AVC et de la démence. Récompensées par de nombreux prix, ses recherches ont contribué à des recommandations cliniques européennes qui permettent une meilleure prise en charge des patients atteints de ces pathologies.
Lors de ses études de médecine, Stéphanie Debette se spécialise en neurologie tout en sachant déjà qu’elle se consacrera à la recherche pour « contribuer à améliorer la prévention et les soins en santé humaine ». Après une thèse en épidémiologie génétique à l’institut Pasteur de Lille au début des années 2000, et alors que les technologies de génotypage à haut débit se développent rapidement, elle participe à un projet collaboratif européen qui permettra des avancées importantes sur les déterminants génétiques de la dissection des artères cervicales, une cause majeure d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les jeunes.
Après deux ans de postdoctorat à Boston sur les maladies liées au vieillissement cérébral, elle est invitée à rejoindre le laboratoire Inserm de neuroépidémiologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, où elle obtient une chaire d’excellence de l’Agence nationale de recherche. Elle rejoint ensuite un autre laboratoire Inserm parisien, sur la génétique des maladies cérébrovasculaires rares, et entre en parallèle au service de neurologie de l’hôpital Lariboisière, reconnu pour son expertise dans la prise en charge et la recherche sur les maladies vasculaires cérébrales.
En 2014, elle rejoint son ancien laboratoire Inserm de neuroépidémiologie, qui a déménagé à Bordeaux, et intègre un grand centre de recherche en épidémiologie et santé publique. Elle obtient à son arrivée une bourse du Conseil européen de la recherche pour travailler à identifier des facteurs et mécanismes précoces qui pourraient expliquer la susceptibilité de développer des maladies liées au vieillissement cérébral. En 2022, elle prend la tête du laboratoire.
Après avoir accepté en 2018 la vice-présidence en charge des relations extérieures à l’université de Bordeaux, Stéphanie Debette est missionnée pour monter l’alliance Enlight d’universités européennes, une initiative qui entend accroître la visibilité et la compétitivité des universités en Europe sur la scène internationale et de former des citoyens engagés dans la réalisation des objectifs de développement durable. L’importance de ces enjeux sociétaux (notamment l’équité d’accès à la prévention et aux soins innovants) est une révélation personnelle qui la conduit à augmenter considérablement la participation de patients et de cohortes d’origine non européenne dans ses travaux de recherche ultérieurs.
Aujourd’hui, Stéphanie Debette est directrice de l’Institut pour la santé vasculaire cérébrale qui réunit trois pôles d’excellence bordelais en neurosciences, en santé publique et en recherche cardiovasculaire. En janvier 2025, elle prendra la direction de l’Institut du cerveau à Paris et ses prochains programmes de recherche et d’innovation se concentreront sur le développement de nouveaux traitements et d’approches préventives en vue d’améliorer la santé cérébrale des patients et des populations.
À travers la remise du Grand Prix 2024, l’Inserm reconnaît ainsi l’engagement et la qualité du travail de Stéphanie Debette, qui conclut : « Ce prix revient à toutes celles et ceux avec qui j’ai travaillé étroitement, je le reçois donc avec humilité et reconnaissance. »
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Directeur de recherche Inserm internationalement reconnu, Vincent Prévot s’est déjà vu remettre de multiples prix pour ses travaux sur les interactions entre cerveau et hormones. Aujourd’hui, le Prix Recherche vient récompenser le tournant majeur que son travail a permis dans les avancées sur la compréhension de plusieurs troubles et pathologies.
Vincent Prévot dirige l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine depuis 2006, au laboratoire Lille neuroscience et cognition. Il a fait éclore une discipline jusque-là confidentielle : la neuroendocrinologie. Il s’intéresse en particulier à l’étude des tanycytes – des cellules situées à la frontière du cerveau, au niveau de la barrière cérébrale et qui sont le point de passage de nombreuses voies de signalisation. Les travaux de son équipe sur le rôle de ces cellules dans le fonctionnement cérébral ont révolutionné les connaissances sur la communication entre le cerveau et le reste du corps, avec des retombées dans les domaines de l’obésité, de la puberté, de la trisomie 21, des troubles neurodéveloppementaux ou encore de la démence.
De nombreuses distinctions sont venues récompenser les travaux du chercheur : bourses du Conseil européen de la recherche (ERC), prix Charles-Thibault dans le domaine de la reproduction, grands prix de la Fondation pour les neurosciences-Institut de France et de la Fondation pour la recherche médicale, ou encore Award de la Société américaine d’endocrinologie.
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Néphrologue à l’Institut Necker-Enfants malades à Paris, où il a créé une équipe de recherche Inserm grâce à une bourse du Conseil européen de la recherche (ERC), Guillaume Canaud a été choisi en 2023 par le gouvernement pour copiloter le 4e plan national sur les maladies rares. Le Prix Innovation vient récompenser ses travaux sur le repositionnement d’une molécule pour traiter pour la première fois le syndrome de Cloves, une maladie rare très sévère.
Guillaume Canaud s’est initialement spécialisé dans l’étude d’une voie moléculaire dysfonctionnelle dans l’insuffisance rénale chronique, qui implique la protéine PIK3CA et le gène qui lui correspond. Il va réorienter le travail de son équipe après avoir découvert un lien entre une mutation de PIK3CA et le syndrome de Cloves, une maladie d’hypercroissance rare au pronostic sombre. Sa persévérance lui permettra d’obtenir un accès compassionnel à une molécule en cours de développement dans le domaine de la cancérologie, et de la repositionner pour traiter avec succès une cinquantaine de personnes gravement atteintes. Ce médicament est désormais considéré comme le premier et unique traitement dans cette indication.
Face à la demande massive de patients et de médecins à l’international, Guillaume Canaud a décidé d’interrompre ses consultations de néphrologie pour prendre en charge des personnes atteintes d’un syndrome de Cloves ou de maladies apparentées. En parallèle, son équipe a développé un modèle animal pour l’étude du syndrome de Cloves et s’est lancée dans l’étude d’autres mutations de PIK3CA liées à des syndromes d’hypercroissance.
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Jonathan Bernard est épidémiologiste à l’Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques à Paris. Les travaux menés avec son équipe sur les liens entre usage des écrans et développement des enfants lui valent le Prix Science et société-Opecst. En apportant un éclairage scientifique aux débats sur la place des écrans dans la vie quotidienne, ils contribuent de façon majeure à un sujet de préoccupation sociétale et parentale.
Après un postdoctorat à Singapour, où il étudie pendant 4 ans les liens entre écrans et santé des plus jeunes, Jonathan Bernard revient en France, où il est invité à poursuivre ses recherches en s’appuyant sur la cohorte nationale Elfe (Inserm/Ined), qui suit, depuis 2011, 18 000 enfants depuis leur naissance. Il réunit alors une équipe au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques, dont les travaux mettront en évidence le poids des inégalités sociales face à l’usage des écrans, et feront le lien, par exemple, entre le fait de regarder la télévision pendant les repas et un moins bon développement du langage des jeunes enfants.
À travers les cohortes d’enfants, le chercheur espère pouvoir étudier sur le long terme l’effet de l’usage des écrans et des réseaux sociaux sur d’autres paramètres développementaux ou de santé primordiaux à l’adolescence comme la santé mentale, les résultats scolaires, l’addiction aux paris en ligne ou encore la sexualité.
Chaque nouvelle étude entraîne une forte sollicitation médiatique de l’équipe, qui s’investit pour apporter de la nuance dans le débat public. Jonathan Bernard a également été invité à participer à la commission Écrans mise en place par le président de la République en janvier dernier.
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Daria Julkowska coordonne depuis plusieurs années des projets européens de soutien à la recherche sur les maladies rares. Le Prix Appui à la recherche vient récompenser son travail, qui a permis d’inclure financeurs, chercheurs, médecins, industriels, patients et familles dans ces projets. Un réseau indispensable pour relever le défi du diagnostic et du soin de ces maladies qui concernent chacune moins de 5 cas pour 10 000 personnes.
Daria Julkowska cumule les diplômes : doctorat en microbiologie à l’université Paris XI, postdoctorat à l’institut Pasteur, diplôme de communication au Conservatoire national des arts et métiers, suivi d’un cursus sur l’Union européenne. En parallèle d’un master en management de la recherche, elle devient manager puis coordinatrice des programmes européens E-Rare 2 puis E-Rare 3, pilotés par l’Inserm et destinés à fédérer les agences de financement de la recherche dans le domaine des maladies rares.
Grâce à une opération de lobbying auprès de la Commission européenne, son équipe lance le Programme conjoint européen pour les maladies rares (EJP-RD) pour la période 2019-2024, incluant des registres de patients, des biobanques et des formations, avec près de 100 millions d’euros investis et 130 partenaires européens. Un projet qui se poursuit avec l’Alliance européenne de recherche sur les maladies rares (Erdera), initiée en septembre dernier.
Le 29 octobre 2024, lors de la célébration des 60 ans de l’Inserm à Washington, l’Institut a souhaité mettre à l’honneur la coopération internationale en recherche, à travers la remise d’un Prix International. C’est à Miriam Merad, chercheuse franco-algérienne, présidente du Département d’immunologie et d’immunothérapie et du Precision Immunology Institute à l’École de médecine du Mont Sinaï (New York), qu’il a été attribué. La scientifique travaille sur l’immunologie du cancer et des maladies inflammatoires, et s’intéresse aux rôles des cellules de l’immunité innée et de l’immunité adaptative dans ces pathologies. Le Prix International Inserm 2024 vient récompenser son engagement dans la coopération franco-américaine, notamment à travers ses travaux de recherche en collaboration avec des équipes Inserm.
Les Prix Inserm
Le Grand Prix rend hommage à un acteur ou une actrice de la recherche scientifique française dont les travaux ont permis des progrès remarquables dans la connaissance de la physiologie humaine, en thérapeutique et, plus largement, dans la recherche en santé.
Le Prix Recherche distingue un chercheur ou une chercheuse, un enseignant-chercheur ou une enseignante-chercheuse ou enfin un clinicien chercheur ou une clinicienne chercheuse dont les travaux ont particulièrement marqué le champ de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et thérapeutique et de la recherche en santé publique.
Le Prix Innovation revient à un chercheur ou une chercheuse dont les travaux ont fait l’objet d’une valorisation entrepreneuriale.
Le Prix Science et société-Opecst récompense un chercheur ou une chercheuse, ou un personnel d’appui ou d’accompagnement de la recherche qui s’est distingué dans le domaine de la valorisation de la recherche et par sa capacité à être en dialogue avec la société et à l’écoute des questions des citoyens sur leur santé.
Le Prix Appui à la recherche enfin est décerné à un personnel d’appui ou d’accompagnement de la recherche pour des réalisations marquantes au service de l’accompagnement de la recherche.