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De nouvelles formes d’expression de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob observées dans le cadre de transmissions expérimentales

Une équipe de chercheurs français du CEA, de l’AP-HP, du CNRS, de l’Inserm, de l’Inra, de l’ENVT, de l’Institut  Pasteur et de MacoPharma a montré que de multiples variants de prions peuvent coexister et se manifester sous différentes formes cliniques selon les conditions de transmission. Les résultats de cette étude sont publiés dans Nature Communications, le 2 novembre 2017.

Moins de 250 cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (v-MCJ) ont été recensés dans le monde, principalement au Royaume Uni, suite à l’exposition des populations humaines à l’agent de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB, ou maladie de la vache folle). Cependant, plus de 99 % des infections humaines par ces prions d’origine bovine pourraient demeurer silencieuses selon des études britanniques menées sur des prélèvements d’appendices, ce qui suggère un risque de transmission inter-humaine lié à de tels porteurs apparemment sains, notamment par la voie de la transfusion sanguine.

Evaluation du risque transfusionnel

Dans le cadre de l’évaluation du risque transfusionnel lié à la v-MCJ, les chercheurs du CEA, de l’hôpital universitaire La Pitié-Salpêtrière, de l’AP-HP, du CNRS, de l’Inserm, de l’Inra, de l’ENVT, de l’Institut Pasteur et de MacoPharma[1] ont exposé des souris et des macaques à des produits sanguins issus de donneurs infectés par la v-MCJ.

Au moyen des techniques classiquement utilisées pour le diagnostic des maladies à prion (histologie, biochimie), les chercheurs ont relevé peu de cas de transmission de la v-MCJ sous sa forme classique (moins de 3 % des animaux exposés). Ces cas ont été principalement observés lorsque les donneurs étaient fortement infectés, ce qui correspond à la situation observée chez l’homme[2].

Observation de myélopathies

En revanche, précise Emmanuel Comoy, chercheur au CEA et auteur principal,  « dans une proportion nettement plus importante (2 à 5 fois plus selon les modèles étudiés, soit près de 10 % des animaux exposés), des animaux receveurs ont développé des syndromes neurologiques fatals différents de la v-MCJ ».

Ces syndromes ne présentent pas l’ensemble des caractéristiques classiques des maladies à prion (formation de vacuoles dans le cerveau et accumulation d’une forme anormale de la protéine du prion[3] résistante à la dégradation par des enzymes). Ils sont désignés sous le terme de myélopathies chez les primates affectés car ils sont principalement centrés sur la moelle épinière. Ces syndromes se révèlent bien faire partie des maladies à prion, puisque leur retransmission aux souris conduit à l’apparition des caractéristiques classiques des maladies à prions.

Infection par des porteurs sains

La forme myélopathique de la maladie a été observée chez des animaux transfusés avec du sang provenant de porteurs apparemment sains, c’est-à-dire de donneurs exposés aux prions et sans pathologie identifiable, ainsi qu’à partir de sang provenant de patients présentant les signes cliniques de la v-MCJ.

L’étude révèle ainsi une diversité de syndromes, du porteur sain à la forme typique de v-MCJ : de multiples variants de prions pourraient donc coexister et émerger sous différentes formes cliniques selon les conditions de transmission (voie d’exposition, dose, nature du produit contaminant, état agrégé ou dispersé des prions).

Dans un contexte où l’exposition humaine par voie alimentaire à l’agent de l’ESB a pu entraîner l’émergence de nombreux porteurs apparemment sains, les chercheurs relèvent que leur étude, qui remet en question l’unicité de la souche d’ESB/v-MCJ, souligne la difficulté à détecter et prévenir la transmission de toutes les formes d’infections à prions. Ces questions font actuellement l’objet d’investigations complémentaires.

 

Comparaison des lésions observées : Les macaques développant une v-MCJ présentent une vacuolisation et une accumulation de la protéine du prion anormale dans l’ensemble du système nerveux (figure de gauche), tandis que les lésions chez les macaques myélopathiques sont focalisées dans la moelle cervicale basse et le tronc cérébral,  sans accumulation de protéine prion anormale détectable par les techniques classiques (figure de droite). ©  CEA/E. Comoy.

 


[1] Institut François Jacob (CEA), Institut du cerveau et de la moelle épinière (CNRS/Inserm/UPMC/ Hôpital Universitaire Pitié-Salpêtrière, AP-HP), l’Institut Neuromyogène (CNRS/Inserm/Univ. Cl. Bernard Lyon 1/ Hospices Civils de Lyon), laboratoire Interactions hôtes-agents pathogènes (Inra/ENVT), société Maco-Pharma, unité de Biologie des infections (Institut Pasteur), Laboratoire de maladies neurodégénératives : mécanismes, thérapies, imagerie (CNRS/CEA/Univ. Paris Sud).

[2] Durant les dix dernières années, 4 cas de contamination par l’agent de la v-MCJ au Royaume-Uni sont imputés à transfusion de produits sanguins non déleucocytés (sang dit « total », dont les globules blancs n’ont pas été retirés) dérivés de donneurs qui ont développé eux-mêmes une v-MCJ peu de temps après leur don. A présent les produits sanguins sont systématiquement déleucocytés.

[3] Un prion pathologique est un agent pathogène constitué d’une protéine dont la conformation ou le repliement est anormal et qui, au contraire d’agents infectieux tels que les virus ou les bactéries, ou encore des parasites, ne dispose pas d’acide nucléique (ADN ou ARN) comme support de l’information infectieuse.

Interaction entre cœur et cerveau: un nouvel indicateur de l’état de conscience.

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Comment savoir si un patient est conscient lorsqu’il est incapable de communiquer ? D’après une étude de l’Inserm menée chez 127 patients âgés de 17 à 80 ans, la modification des battements cardiaques en réponse à une stimulation sonore est un bon indicateur de l’état de conscience. C’est ce que montrent Jacobo Sitt, chercheur à l’Inserm et son équipe basée à l’institut du cerveau et de la moelle épinière à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP dans un article paru dans Annals of neurology. Cet examen facile à réaliser est complémentaire aux tests déjà existants et permet un diagnostic prédictif plus fin, utile à la fois aux médecins et aux familles.

L’étude des troubles de la conscience distingue schématiquement l’état végétatif, dans lequel le patient est éveillé mais non conscient de l’état de conscience minimale qui correspond à un certain degré de conscience. Distinguer ces deux états est très important pour établir un pronostic sur le devenir neurologique du patient, pour informer les proches et mettre ainsi en œuvre un traitement adapté. Tous les outils développés jusqu’à présent pour déterminer l’état de conscience, comme l’électroencéphalogramme (EEG), l’IRM fonctionnelle ou le PET scan, se concentraient sur le cerveau. Ces outils nécessitent soit un équipement lourd, soit des analyses complexes.

Des chercheurs de l’Inserm ont utilisé une approche novatrice : l’exploration de l’interaction entre le cœur et le cerveau.

De précédentes études avaient mis en évidence que les processus « inconscients » du système neuro-végétatif, comme la respiration ou les battements du cœur, pouvaient être modulés par des processus cognitifs conscients. La perception d’une stimulation externe, auditive par exemple, pourrait donc se traduire par un effet sur l’activité cardiaque, et cela d’autant plus facilement que le sujet est conscient.

En étudiant les données de 127 patients en états végétatifs ou de conscience minimale, les chercheurs ont constaté que les cycles cardiaques étaient effectivement modulés par la stimulation auditive uniquement chez les patients conscients ou minimalement conscients. Ils ont également montré que ces résultats étaient complémentaires des résultats obtenus en EEG. La combinaison de ces deux tests (test cardiaque et EEG) améliorant nettement les performances de prédictions de l’état de conscience d’un patient.

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur une approche globale pour évaluer l’état de conscience des patients. Les chercheurs souhaitent à présent étendre le cadre à d’autres signaux physiologiques modulés par des processus conscients comme la respiration ou la dilatation des pupilles pour mettre au point un outil complet afin de mieux évaluer l’état de conscience au lit du patient.

En quoi consiste le test auditif utilisé ?

Le test consiste à faire écouter des séquences sonores initialement répétitives puis présentant, de manière rare et aléatoire, des variations. Lors de ces perturbations, les chercheurs déterminent si le rythme des battements cardiaques s’en trouve modifié,  traduisant une prise de conscience des bruits environnants.

Précarité dans l’enfance et santé : des liens à long terme ?

 

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Une étude, menée par Coralie Chevallier, chercheuse de l’Inserm au sein de l’Unité 960 « Laboratoire de Neurosciences Cognitives » (Inserm/ENS), suggère qu’un environnement défavorable durant notre enfance induit à la fois une reproduction plus précoce et un désinvestissement dans la santé au cours de la vie. Ces résultats sont publiés dans la revue Evolution and Human Behavior.

Les modèles actuels issus de la biologie évolutive montrent qu’il peut être avantageux pour un organisme vivant dans un milieu défavorable (avec un faible niveau de ressource ou un fort niveau de stress et de violence) d’adopter des comportements privilégiant les bénéfices à court terme, moins élevés que sur ceux obtenus sur le long terme mais plus certains. Ainsi, recevoir des signaux indiquant que l’environnement est dangereux pendant la période juvénile amènera l’organisme à ajuster sa stratégie vers une reproduction précoce, au détriment d’investissements à plus long terme dans l’entretien et la réparation du corps.

Partant de cette observation chez l’animal, Coralie Chevallier, chercheuse à l’Inserm au sein du « Laboratoire de neurosciences cognitives » de l’École Normale Supérieure (ENS) de Paris, a mené une étude afin de déterminer si ce modèle était applicable à l’Homme. Pour cela, la chercheuse et son équipe, ont sélectionné un panel représentatif de la population française de 1000 hommes et femmes, âgés de 19 à 87 ans.

Ces derniers ont répondu à une série de questions, afin de connaitre entre autres, leur genre, leur âge, la composition de leur foyer, leur catégorie socio-professionnelle ou encore leur niveau scolaire. Puis, un second questionnaire a été donné aux participants. Trois grandes thématiques ont été abordées :

  • l’environnement lors de l’enfance : investissement des parents, éducation reçue, expériences personnelles, difficultés familiales, etc… ;
  • la stratégie reproductive : nombres d’enfants, âge de la 1ère grossesse, âge du premier rapport sexuel et nombre de partenaires à court-terme ;
  • état de santé : indice de masse corporel (IMC), ressenti personnel sur l’état de santé, volonté de rester en bonne santé et consommation de tabac.

L’analyse de ces données montre qu’il existe une association entre la précarité durant l’enfance et la stratégie de reproduction et de santé des individus : débuts plus précoces de la vie sexuelle, arrivée du premier enfant plus tôt, moins bonne santé à l’âge adulte (surpoids, tabagisme,…). En d’autres termes, un plus faible investissement dans la santé est bien associé à une stratégie de reproduction avantageuse à court-terme et ces comportements sont associés à la présence d’un environnement défavorable durant l’enfance.

Ces résultats suggèrent donc que des comportements que l’on aurait pu considérer a  priori complètement indépendants font en réalité partie de stratégies plus générales qui s’ajustent en fonction de l’environnement. Selon Coralie Chevallier, ce travail est important pour les pouvoirs publics : « l’exposition à des environnements précaires dans l’enfance a des conséquences importantes tout au long de la vie et doit faire l’objet de politiques publiques ciblées. » conclut-elle.

Un modèle animal inédit pour accélérer la lutte contre la maladie d’Alzheimer

Pour la première fois, un modèle animal exprime les deux caractéristiques biologiques de la maladie d’Alzheimer. Des chercheurs du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris-Descartes et du CNRS ont mis au point un modèle animal qui reproduit la progression de la maladie humaine. Ces résultats offrent de nouvelles possibilités pour tester des médicaments et développer un diagnostic par simple analyse de sang. Leurs résultats sont publiés dans Cerebral Cortex du 18 Octobre 2017.

La maladie d’Alzheimer reste aujourd’hui incurable. Les médicaments actuellement disponibles ne réduisent que partiellement certains symptômes et la communauté scientifique éprouve les plus grandes difficultés à concevoir des thérapies efficaces.

Parmi les obstacles rencontrés figure l’impossibilité de diagnostiquer la maladie avant un stade avancé. Or, les caractéristiques biologiques d’Alzheimer apparaissent au moins vingt ans avant la manifestation des symptômes (perte de mémoire, etc.). Il faudra donc comprendre cette phase silencieuse pour espérer pouvoir soigner les patients alors que les atteintes cérébrales sont encore réversibles. Cependant, il n’existait pas, jusqu’à présent de modèles in vitro ou animaux qui permettent d’étudier cette longue période précédant l’apparition de symptômes cognitifs.

De plus, la maladie d’Alzheimer, à un stade avancé, se caractérise par deux types de dégénérescence dans le cerveau : l’agrégation de protéines Tau dans les neurones d’une part, et l’apparition de plaques de peptides Aβ42 à l’extérieur des neurones d’autre part. Les modèles animaux actuels n’expriment que l’une ou l’autre de ces deux dégénérescences.

 

 Les enjeux de la recherche sur Alzheimer

►  A l’échelle mondiale, près de 45 millions de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. Elles pourraient être 52 millions en 2020, 81 millions en 2040 et 115,4 millions d’ici à 2050.

►  Les stratégies thérapeutiques disponibles actuellement sont considérés comme insuffisamment efficaces.

►  Les essais cliniques contre Alzheimer sont des échecs pour 99,6 % d’entre eux (d’après Jeffrey L Cummings, Travis Morstorf and Kate Zhong (2014) Alzheimer’s disease drug-development pipeline: few candidates, frequent failures; Alzheimer’s Research & Therapy20146:37)

►  Les patients sont traités trop tard pour être soignés et les modèles animaux actuels ne sont pas représentatifs de la pathologie humaine.

 

Une collaboration (1) entamée en 2013 entre des équipes du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris-Descartes et du CNRS a abouti au développement de modèles rongeurs (2) qui présentent les stades très précoces de la maladie ainsi que les deux types de dégénérescence. Leurs résultats sont publiés dans la revue Cerebral Cortex (REF) : pour la première fois, un modèle animal présente des caractéristiques pathologiques comparables à celles de patients humains.

Les chercheurs comptent désormais utiliser ce modèle animal, baptisé AgenT pour :

  • tester de potentiels médicaments afin de caractériser leur efficacité et leurs effets sur les deux types de dégénérescences ;
  • étudier la phase précoce de la maladie, pendant laquelle le développement de celle-ci pourrait être réversible ;
  • chercher des marqueurs sanguins de la maladie au stade le plus précoce, qui permettrait de poser un diagnostic du vivant du patient (diagnostic ante-mortem) dès 45 ans ou 50 ans.

 

Ce modèle a fait l’objet d’un dépôt de brevet par Inserm Transfert en Europe (WO/2015/067668) en novembre 2013 et ensuite étendu à l’international (WO/2015/067668). La délivrance de ce brevet est en cours d’étude en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

Une start-up qui mettra en œuvre le modèle est en cours de création par Jérôme Braudeau (Docteur en neurosciences, inventeur du modèle et dernier auteur de cette publication) et de Baptiste Billoir (Diplômé de HEC Paris). Elle réalisera des essais précliniques pour le compte de tiers, laboratoires de recherche ou industries pharmaceutiques et mènera sa propre recherche pour développer le premier diagnostic sanguin précoce chez l’Homme. L’objectif est de pouvoir dépister la maladie d’Alzheimer au moins 10 ans avant la pose du diagnostic actuel, et ainsi disposer d’une période pour des traitements précoces de la maladie, avant son évolution vers un stade incurable.

 

Comparaison entre la progression de la maladie d’Alzheimer 1/ chez les patients 2/ dans les modèles AgenT (la progression des troubles cognitifs et de la formation des plaques séniles est très similaire) 3/ avec les modèles animaux transgéniques disponibles jusqu’à présent. ©AgenT

Première neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons chez le nouveau-né

Coupe coronale du réseau vasculaire cérébral, obtenue de façon non-invasive par imagerie Doppler ultrasonore ultrarapide chez un nouveau-né prématuré.   Crédit photo : Inserm U979 « Physique des Ondes pour la Médecine », Institut Langevin Ondes et Images

Des physiciens de l’Unité Inserm 979 « Physique des Ondes pour la Médecine » à l’ESPCI Paris et des cliniciens chercheurs du service de réanimation néonatale de l’hôpital pédiatrique Robert-Debré, AP-HP et de l’Unité Inserm 1141 viennent de réaliser  une première scientifique et médicale : imager de manière non invasive par échographie l’activité cérébrale du nouveau-né, ouvrant des perspectives inédites pour le diagnostic neurologique au lit du patient chez les bébés à terme et prématurés. Le détail de leurs travaux est publié dans la revue Science Translationnal Medicine datée du 11 octobre 2017.

La technique utilisée, appelée neuroimagerie fonctionnelle par ultrasons, a été inventée en 2009 à l’ESPCI Paris dans l’unité Inserm 979 « Physique des Ondes pour la Médecine » dirigée par Mickael Tanter, Directeur de recherche Inserm. Son originalité réside dans l’utilisation des ultrasons, une technologie portable et simple, contrairement aux autres modalités d’imagerie cérébrale. Les médecins utilisent généralement l’IRM (imagerie par résonance magnétique) ou la TEP (tomographie par émission de positrons) pour imager l’activité dans le cerveau. Malgré d’importants progrès techniques, ces méthodes sont contraignantes et coûteuses, avec de longs délais d’attente pour les patients.

Semblable en apparence aux échographes utilisés en obstétrique ou en échocardiographie, le prototype de recherche utilisé présente la particularité d’acquérir des images à très haute cadence. Grâce à cette cadence d’imagerie ultrarapide et des algorithmes de traitement de données de pointe, il est possible de cartographier avec une très grande sensibilité les variations subtiles de flux sanguins dans les petits vaisseaux cérébraux, variations liées à l’activité neuronale. La neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons combine une cadence ultrarapide avec une très bonne résolution spatiale et une grande profondeur d’imagerie. Jusqu’à présent, ces performances avaient été appliquées uniquement à des études précliniques, réalisées sur des modèles animaux.

Les travaux publiés aujourd’hui établissent ainsi la première preuve de concept non intrusive de l’imagerie neuro-fonctionnelle par ultrasons chez l’humain, réalisée au sein du service de néonatalogie et réanimation néonatale du Pr. Olivier Baud à l’hôpital Robert Debré, AP-HP, aujourd’hui dirigé par le Pr Valérie Biran. L’activité cérébrale de nouveau-nés prématurés a été enregistrée dans de larges régions du cerveau, au repos et lors de crises d’épilepsie, à 1000 images/sec et avec une résolution spatiale de 150 µm. Ces données inédites montrent une propagation des flux sanguins cérébraux entre et pendant les crises d’épilepsie, et permettent de localiser le foyer de ces crises. Grâce à un prototype d’échographe ultrarapide placé au chevet du nouveau-né, les acquisitions se font de manière totalement non-invasive, en plaçant une sonde échographique sur la tête du bébé, au-dessus de la fontanelle.

Pour Mickael Tanter et son collègue Charlie Demené, « cette première preuve de concept d’une neuroimagerie non invasive, permettant d’enregistrer l’activité neuronale sur une zone étendue du cerveau, marque l’entrée des ultrasons dans le monde des neurosciences cliniques avec une modalité très sensible, portable et utilisable directement au lit du patient». 

Cette étude démontre le potentiel de l’imagerie fonctionnelle par ultrasons pour le suivi de nouveau-nés prématurés, qui sont des patients délicats à examiner chez qui le diagnostic de troubles neurologiques est difficile à établir. Cette technologie  ne nécessite aucune manipulation lourde : pas de transport du patient, ni d’utilisation d’agents de contraste ou d’émission ionisante. Pour Olivier Baud, « la neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons pourrait offrir une véritable révolution en médecine en apportant de nouvelles connaissances sur la dynamique neuro-vasculaire, le développement cérébral, ou encore les mécanismes de neuro-protection du cerveau, mais aussi diagnostiquer de manière plus précoce des altérations de la connectivité fonctionnelle cérébrale».

L’étude s’inscrit dans le cadre du projet FUSIMAGINE financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC) pour développer l’imagerie neuro-fonctionnelle ultrasonore (http://fultrasound.eu)

Identification d’un mécanisme moléculaire commun à la schizophrénie et au trouble bipolaire

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Une équipe de recherche en psychiatrie au CEA-Neurospin, avec l’Institut Mondor de Recherches Biomédicales (INSERM) et les hôpitaux universitaires Henri-Mondor AP-HP, a montré qu’un variant génétique associé à de multiples troubles psychiatriques altère un réseau préfronto-limbique, ce qui augmenterait le risque de développer la schizophrénie ou un trouble bipolaire. Les résultats de cette étude sont publiés en ligne le 2 octobre 2017 dans Journal of Neuroscience.

Les auteurs ont étudié une variation allélique du gène SNAP25, impliquée dans la neurotransmission et associée à la schizophrénie, au trouble bipolaire mais également à l’hyperactivité/trouble de l’attention.

Les chercheurs ont combiné une étude d’association génétique chez 461 patients atteints de schizophrénie, une construction génétique in vitro et une approche dite d’« imagerie génétique[1] » dans deux cohortes, la première comprenant 71 sujets dont 25 patients bipolaires, la seconde comprenant 121 sujets sains. Ils ont en outre interprété l’expression génétique post mortem de SNAP25 à partir de tissu cérébral de patients schizophrènes.

Les résultats révèlent que la variation du gène SNAP25 change l’expression de la protéine associée dans le cerveau, ce qui impacterait le traitement de l’information entre les régions cérébrales impliquées dans la régulation des émotions. En lien avec ce mécanisme, l’étude d’imagerie génétique, combinant IRM anatomique et fonctionnelle de repos, montre que dans les deux cohortes, le variant à risque est associé à un plus grand volume d’une zone cérébrale, l’amygdale, et une connectivité fonctionnelle préfronto-limbique altérée.

Cette étude confirme l’existence d’un facteur de risque commun à la schizophrénie et au trouble bipolaire : la variation du gène SNAP25. Ces maladies très fréquentes touchent chacune 1 % de la population adulte et sont handicapantes. En plus d’apporter un éclairage sur leur mécanisme, les résultats de cette étude suggèrent l’existence de symptômes potentiellement présents chez des patients ayant des maladies variées dans lesquels le gène est impliqué.

 

Connexions fronto-limbiques associé à la variation de SNAP25 visualisé en tractographie par IRM de diffusion. ©Stéphane Jamain (data from diffusion-imaging.com)

 

 

Réseau préfronto-amygdalien associé à la variation de SNAP25 visualisé en tractographie par IRM de diffusion. ©Josselin Houenou /BrainVisa/Connectomist 2.0

[1] L’imagerie génétique consiste à comparer grâce à l’imagerie (ici l’IRM) deux populations de sujets qui ne diffèrent que par leur terrain génétique (ici la variation de SNAP25).

L’accident vasculaire cérébral, une (autre) inégalité homme-femme ?

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Aujourd’hui, l’AVC est la première cause de handicap physique acquis de l’adulte et représente désormais la première cause de mortalité chez la femme dans le monde. L’influence de certains facteurs de risque d’AVC, comme le diabète ou l’hypertension, est plus importante chez les femmes que chez les hommes et il a été montré que la survenue d’une hypertension au cours de la grossesse affectait le risque d’AVC de nombreuses années après la grossesse. Pourtant, les femmes sont peu informées de ces risques, restent sous représentées dans les essais cliniques, et les données disponibles concernant les spécificités des femmes sont très hétérogènes d’un pays à l’autre, voire manquantes. C’est dans ce contexte que Charlotte Cordonnier (Unité Inserm 1171 « Troubles cognitifs dégénératifs et vasculaires », Lille) a coordonné une revue des publications internationales, publiée ce mois-ci dans la revue Nature reviews Neurology. Objectif : pointer les spécificités de l’AVC chez la femme afin de dégager des priorités de recherche futures et sensibiliser les pouvoirs publics pour faire décroître ce fléau mondial.

Des facteurs de risques spécifiques pour les femmes : hypertension et fibrillation auriculaire sont des facteurs de risque plus fréquents que chez les hommes, grossesse et traitements hormonaux.

Les effets de certains de ces facteurs de risques ont plus de conséquences négatives chez les femmes que chez les hommes (la fibrillation auriculaire par exemple double le risque d’AVC par rapport aux hommes).

Par ailleurs, les études internationales disponibles actuellement mettent en lumière des difficultés de prise en charge et de traitement de l’AVC chez la femme : Les délais sont plus longs pour arriver à l’hôpital, et le diagnostic moins vite posé que chez l’homme, ce qui entraîne un traitement moins approprié. Les raisons de cette situation ne sont pas totalement claires même si les auteurs précisent que les femmes, bien que connaissant davantage les symptômes d’un AVC que les hommes, seraient moins promptes à appeler l’ambulance pour elles-mêmes…Des facteurs socio-culturels pourraient donc être en jeu. C’est pourquoi les auteurs estiment qu’un meilleur contrôle des facteurs de risques spécifiques chez les femmes, et des recommandations internationales spécifiques sont nécessaires pour réduire l’incidence de l’AVC féminin. Des campagnes telles que « Je suis une femme », lancée par la World Stroke Organization pourraient compléter ces dispositifs en soulignant le fait que les femmes sont souvent les premières au sein de la famille à prendre soin de la victime d’un AVC.

Les essais cliniques devraient aussi être conçus en prenant en compte la population des femmes, de manière à disposer de données plus complètes concernant les traitements et prises en charges efficaces.

Identification d’un gène lié aux lésions cérébrales du prématuré

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Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Paris Diderot, du King’s College London, et de Duke-NUS Medical School à Singapour ont identifié un gène qui pourrait être associé aux lésions cérébrales qui peuvent être induites par une naissance prématurée. Cette étude est publiée le 05 septembre 2017 dans Nature Communications.

Lors de l’accouchement, un travail prématuré est associé à des phénomènes inflammatoires chez la maman et/ou le bébé. Ces phénomènes sont souvent liés à une infection. Cette inflammation peut provoquer des lésions cérébrales pouvant entrainer des séquelles à vie de type paralysie cérébrale, autisme ou troubles comportementaux chez environ 30% des bébés prématurés.

Publiée dans Nature Communications, une nouvelle étude a investigué le rôle des cellules microgliales, qui contrôlent la réponse immunitaire dans le cerveau, en réponse à cette inflammation. Les chercheurs ont montré l’expression d’un gène, connu sous le nom de DLG4, dans ces cellules qui contrôlent le processus inflammatoire.

DLG4 se trouve sous différentes formes chez tous les êtres humains. Auparavant, on pensait qu’il ne jouait un rôle que dans le fonctionnement des neurones. Cette nouvelle découverte suggère qu’il est également impliqué dans le processus de lésions cérébrales de certains bébés prématurés et peut ouvrir des perspectives originales pour la recherche de traitements plus efficaces de ces lésions.

L’étude collaborative a utilisé une approche qui comprenait à la fois des modèles d’inflammation chez la souris et une analyse génomique de plus de 500 examens cérébraux de nouveau-nés prématurés. Cette approche a identifié des différences dans la façon dont DLG4 est exprimé dans la microglie des souris et a montré une association de DLG4 et les anomalies cérébrales des prématurés.

Cette découverte suggère un mécanisme de lésions cérébrales du prématuré précédemment inconnu. Pour Pierre Gressens :

« Nous avons montré que le gène DLG4 est exprimé différemment dans la microglie lorsque le cerveau a été endommagé par une inflammation. En développant ce travail, nous espérons offrir une nouvelle voie pour étudier et comprendre comment cette inflammation et les dommages cérébraux ultérieurs sont causés afin que les scientifiques puissent travailler à des traitements plus efficaces pour des maladies telles que l’autisme et la paralysie cérébrale, en arrêtant ou même en empêchant l’inflammation associée à la naissance prématurée. »

Schizophrénie : lien entre troubles de la personnalité et perception du temps

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Une récente étude menée par Anne Giersch et son équipe de chercheurs (Unité 1114 Inserm/ Université de Strasbourg) a permis de mettre en évidence une incapacité à percevoir et anticiper le temps qui passe chez certaines personnes atteintes de schizophrénie. Ces résultats, publiés dans la revue Scientific Reports, nous révèlent également un lien entre cette fragilité des capacités de prédiction temporelle et les troubles du « soi » (la perception que l’on a de soi-même, « je suis là, ici et maintenant »).            

La schizophrénie est une pathologie psychiatrique concernant environ 0,7% de la population mondiale dont 600 000 personnes en France. Cette maladie, qui se déclare le plus souvent à l’adolescence entre 15 et 25 ans, peut être diagnostiquée grâce à deux aspects : des symptômes cliniques (hallucinations, idées délirantes, désorganisation, etc…) et des troubles cognitifs et neurobiologiques.

Une récente étude menée par Anne Giersch de l’unité Inserm « Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie » située à Strasbourg, a permis de tester 28 patients souffrant de schizophrénie et 24 sujets sains. Les scientifiques ont cherché à mettre en évidence un lien entre la perception du « soi » et celle du « temps ». Ensemble, ces deux perceptions nous permettent d’appréhender notre expérience vécue dans le temps.

Dans un premier temps, l’équipe strasbourgeoise a mis en place un test cognitif pour analyser la prédiction temporelle de chaque sujet. Cette prédiction sert par exemple, à se préparer à appuyer sur l’accélérateur avant que le feu passe au vert. Plus largement, elle nous permet de lier des événements discontinus entre eux et d’atteindre un sentiment de continuité temporelle, indispensable pour une stabilité et une continuité de la vie subjective. Chez certaines personnes souffrant de schizophrénie, une fragilité des capacités de prédiction temporelle a été observée. En effet, lors du test cognitif, le passage du temps permettait de se préparer à répondre, mais certains schizophrènes n’en ont pas bénéficié.

Les patients ont par la suite été évalués à l’aide d’une échelle phénoménologique (étude des expériences rapportées par les patients), afin de détecter les troubles du « soi ». En effet, les troubles de la personnalité et la dissolution de la conscience de « soi » sont des symptômes fréquents de la schizophrénie. Ces derniers attribuent par exemple des actes ou des pensées à d’autres personnes qu’eux-mêmes, ce qui génère une confusion entre le « soi » et « l’autrui ».

Les chercheurs ont ainsi observé que les patients qui souffraient le plus fortement d’un trouble du « soi » étaient les mêmes qui présentaient le plus de difficultés à bénéficier du passage du temps. Ces résultats renforcent donc l’hypothèse d’un lien entre anomalies de prédiction temporelle (troubles cognitifs) et troubles du « soi » (symptômes cliniques).

« La finalité sera de déterminer quelles sont les bases neurologiques de la prédiction temporelle. En étudiant la source du problème, nous pourrons mieux comprendre l’origine des symptômes cliniques de la schizophrénie. » conclut Anne Giersch.

Un outil pour prédire le déclin cognitif dans la maladie de Parkinson 10 ans après son apparition

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Une étude internationale à laquelle ont participé des médecins de l’AP-HP et des chercheurs de l’Inserm, de l’UPMC, et du CNRS au sein de l’ICM s’est penchée sur l’identification d’un score clinico-génétique prédictif du déclin cognitif chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Le déclin cognitif est une des caractéristiques les plus handicapantes qui se manifeste chez certains patients au cours de la maladie de Parkinson. Pouvoir prédire son apparition dix ans après le déclenchement de la maladie représente un intérêt majeur pour la prise en charge et la mise en place d’essais cliniques ciblés pour ces patients.

Cette étude, publiée dans The Lancet Neurology et financée notamment par les NIH, associe des équipes américaines de  la Harvard Medical School et de Brigham and women’s hospital (Boston).

Après quelques années de vie avec la maladie de Parkinson, les patients peuvent souffrir de déficits des fonctions cognitives, en plus des troubles du mouvement qui caractérisent la maladie. Dans cette étude, les chercheurs ont construit un algorithme pour identifier les patients les plus sujets au déclin cognitif. Il a été conçu à partir des données cliniques et génétiques issues de 9 cohortes de patients atteints de la maladie de Parkinson en Europe et en Amérique du Nord, soit près de 3200 patients suivis pendant 30 ans, de 1986 à 2016.

En France, la cohorte DIG-PD promue par l’AP-HP et coordonnée par le Pr Jean-Christophe Corvol du Département de Neurologie et responsable du Centre d’Investigation Clinique à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, est issue du projet, appelé « Interaction gène/médicament et maladie de Parkinson – DIG-PD ». La cohorte française a suivi plus de 400 patients annuellement pendant 6 années.

Plusieurs facteurs ont été pris en compte et analysés. L’âge de déclenchement de la maladie, la sévérité motrice et cognitive, le niveau d’éducation, le sexe, la dépression ou encore la mutation du gène de la β-glucocérébrosidase s’avèrent être les prédicteurs les plus importants du déclin cognitif et ont été ajoutés au modèle prédictif développé par les chercheurs. L’étude révèle également que l’éducation aurait un rôle dans la survenue du déclin et que ce facteur serait associé à une « réserve cognitive » dont les patients disposeraient.

A partir de ces données, le score clinique développé par les chercheurs prédit de manière précise et reproductible l’apparition des troubles cognitifs dans les 10 ans qui suivent le déclenchement de la maladie. Il a été mis au point grâce à des analyses génétiques et cliniques issues des 9 cohortes, soit plus de 25 000 données associées analysées.

Cet outil représente un intérêt majeur pour le pronostic du déclin cognitif chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Il pourrait également permettre d’identifier de manière plus précise les patients à haut risque de développer de tels troubles pour leur permettre d’anticiper une prise en charge adaptée ou de participer à des essais cliniques ciblés.

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