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Choc toxique menstruel : Respecter les instructions d’usage des tampons pour limiter le risque

Environ 60 à 80 % des Françaises seraient aujourd’hui concernées par le port de tampon. © Josefin on Unsplash

Tous les ans, une centaine de cas de syndromes de choc toxique staphylococcique liés à l’utilisation de tampons périodiques pourraient avoir lieu en France, selon certaines estimations. Caractérisé par de multiples symptômes, notamment par une forte fièvre et des éruptions cutanées, ce syndrome peut conduire dans les cas les plus extrêmes à des défaillances multi-organes et au décès. Si son incidence reste rare, des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, des Hospices Civils de Lyon, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’ENS Lyon au sein du Centre International de recherche en infectiologie et du Centre National de référence des staphylocoques, ont identifié plusieurs facteurs de risque. Ils montrent notamment que le port de tampon pendant plus de six heures ou au cours de la nuit est associé à un risque plus élevé de syndrome de choc toxique. Cette étude menée auprès de 180 femmes, publiée dans eClinicalMedecine le 10 mars 2020, devra faire l’objet de confirmation auprès d’une population plus large et demande à être complétée par des analyses de toxicité qui seraient les seules à pouvoir prouver un lien de cause à effet. En attendant, les chercheurs recommandent de renforcer les messages de prévention liés au mésusage des tampons.

Le syndrome du choc toxique staphylococcique liés à l’utilisation de tampons périodiques a beaucoup fait parler de lui dans les années 1980. Touchant à l’époque près de 10 jeunes femmes sur 100 000 aux États-Unis tous les ans, son incidence a été considérablement réduite depuis grâce à la diffusion de tampons en fibres de cellulose ou de coton. Néanmoins, plusieurs cas sont toujours signalés chaque année, aussi bien outre-Atlantique qu’en France, surtout chez les adolescentes. Pour les chercheurs, il est donc essentiel d’identifier les facteurs de risque qui augmentent la probabilité pour les femmes de développer ce syndrome, d’autant que 60 à 80 % des Françaises seraient aujourd’hui concernées par le port de tampon.

Le syndrome du choc toxique est lié à la présence d’une bactérie, Staphylococcus aureus ou staphylocoque doré, dans le microbiote vaginal de certaines femmes, productrice de la toxine TSST-1. Néanmoins, la présence de cette bactérie ne suffit pas à elle-seule à expliquer le choc toxique. Il faut par ailleurs que la femme porte une protection intravaginale (tampon, coupe menstruelle…) et qu’elle soit dépourvue d’anticorps capables de lutter contre la toxine TSST1. Le fait que certaines femmes combinent ces trois facteurs de risque mais ne développent aucune complication suggérait toutefois que ce n’est pas tant le port de tampon qui est problématique, mais plutôt un mésusage de celui-ci.

Dans une étude publiée dans eClinicalMedecine, des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’ENS, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et des Hospices Civils de Lyon, au sein du Centre International de recherche en infectiologie et du Centre National de référence des staphylocoques, ont cherché à identifier les caractéristiques d’un usage de tampon associé à un risque plus élevé de syndrome de choc toxique.

Durée d’usage

Pour cela, les chercheurs ont fait remplir un questionnaire à 55 jeunes femmes porteuses de tampons, ayant été victimes entre 2011 et 2017 d’un choc toxique, et à 126 femmes contrôles, n’ayant jamais souffert de ce syndrome. L’âge médian de ces participantes était de 17 ans, ce qui reflète bien le fait que ce sont surtout des femmes jeunes qui sont touchées. Les questions portaient notamment sur leur durée d’usage des tampons, leur lecture des instructions incluses avec la boîte de protections hygiéniques ou encore l’éducation qu’elles avaient reçue sur le sujet.

Les chercheurs montrent que le risque de syndrome de choc toxique est multiplié par deux lorsque le port de tampon dépasse une durée de six heures, et par trois quand le tampon est porté toute la nuit (la durée d’usage pouvant alors atteindre huit heures ou plus). Par ailleurs, le fait de ne pas lire les instructions accompagnant la boîte de tampons ou de ne pas les suivre est également associé à un risque accru de choc toxique. A noter que si ces résultats permettent de mieux évaluer les risques liés à un mauvais usage des tampons, ils ne démontrent pas un lien de causalité entre le port de ces protections et le choc toxique.

« Aux États-Unis, le FDA recommande de ne pas dépasser huit heures d’usage, et c’est généralement ce qui est indiqué sur les boîtes de tampons vendues en France. Notre étude est la première à remettre cette durée en question. Par ailleurs, nous souhaitons attirer l’attention sur la nécessité d’améliorer l’éducation des jeunes filles. Souvent, ce sont les mères qui s’en chargent, et si elles sont tout à fait capables d’expliquer l’usage du tampon à leurs filles, elles ne sont pas toujours bien informées sur le risque de choc toxique et sur comment le prévenir », souligne Gérard Lina, qui a dirigé l’étude.

Alors que le syndrome de choc toxique pendant les règles touche surtout les jeunes filles, avec un pic autour de l’âge de 15 ans, les auteurs de l’étude appellent à inclure des notions sur le sujet dans les cours d’éducation sexuelle dispensés à l’école, et à s’appuyer plus clairement sur les professionnels de santé qui voient ces jeunes patientes, afin de faire passer les messages de prévention.

Quand le stress affaiblit les défenses immunitaires

Infection par le cytomégalovirus (CMV), ici chez l’humain. En rouge et vert les cellules Natural Killer essayent de se frayer un chemin vers la cellule infectée. © Inserm/Jabrane-Ferrat, Nabila

Au cours des dernières années, plusieurs études ont établi un lien entre stress psychologique et réduction des défenses immunitaires, mais les mécanismes en jeu restaient mal définis. Sophie Ugolini, directrice de recherche Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, et ses collègues du CNRS et d’Aix-Marseille Université viennent de montrer que cette association entre stress et immunité est largement médiée par un type de récepteurs qui se lie aux hormones du stress, le récepteur β2-adrénergique. Leurs résultats sont publiés dans le Journal of Experimental Medicine.

Depuis plusieurs années, la communauté scientifique s’intéresse aux effets du stress psychologique sur la santé. Des études ont notamment montré qu’en cas d’infection, le stress est associé à une efficacité réduite du système de défense immunitaire. Avec son équipe, Sophie Ugolini, directrice de recherche Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université), a cherché à expliquer biologiquement cette association. Les chercheurs se sont intéressés à des récepteurs exprimés à la surface de nombreuses cellules de l’organisme (dont les cellules immunitaires) et qui sont spécifiques des hormones du stress, l’adrénaline et la noradrénaline : les récepteurs β2-adrénergiques.

Pour étudier leur rôle, l’équipe a d’abord mimé une situation de stress chronique chez des souris en administrant pendant sept jours une molécule qui, comme les hormones du stress, stimule les récepteurs β2-adrénergiques. Elle a ensuite exposé les animaux à un virus de la famille des herpès, le cytomégalovirus MCMV. Le taux de mortalité des souris « stressées » qui avaient reçu la molécule s’est alors avéré bien supérieur à celui des souris non traitées (90 % contre 50 %). 

Dans un second temps, les chercheurs ont évalué la résistance des animaux à l’infection en l’absence de ces récepteurs. Pour cela, ils ont exposé au cytomégalovirus des souris génétiquement modifiées pour être dépourvues de récepteurs β2-adrénergiques. Chez ces animaux, les hormones du stress ne pouvaient plus se fixer à des récepteurs β2 et ne pouvaient par conséquent plus agir. Ces souris résistaient beaucoup mieux à l’infection virale (90 % de survie contre seulement 50 % pour les souris contrôles). Ces premiers résultats suggèrent donc que la stimulation des récepteurs β2-adrénergiques par les hormones du stress serait responsable de l’affaiblissement du système immunitaire en situation de stress psychologique.

Vers de nouvelles pistes thérapeutiques

Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, l’équipe a aussi analysé la réponse immunitaire des souris dépourvues de récepteurs β2-adrénergiques. Elle a observé une augmentation de la production de cytokines inflammatoires, molécules produites par les cellules immunitaires et favorisant l’élimination des virus.

Les chercheurs ont notamment découvert que les récepteurs β2-adrénergiques inhibent tout particulièrement la réponse de certaines cellules immunitaires, les cellules Natural Killer (NK). Stimulés par les hormones du stress, les récepteurs β2-adrénergiques empêchent ces Natural Killer de produire un type de cytokine particulier requis pour permettre l’élimination des virus.

« Nous avons confirmé expérimentalement que les hormones du stress qui se lient aux récepteurs β2-adrénergiques réduisent la réponse immunitaire et que cela passe par une diminution de la production de certaines cytokines inflammatoires, requises pour l’élimination des virus, précise Sophie Ugolini». Selon la chercheuse, ces travaux pourraient ouvrir des perspectives thérapeutiques. « En ciblant le récepteur β2-adrénergique, il serait en effet envisageable, dans certains contextes pathologiques, de lever les freins immunitaires provoqués par un état de stress », conclut Sophie Ugolini.

Ulcère de Buruli : nouvelles pistes de diagnostic pour une maladie négligée

 

De récentes études ont révélé que l’infection par Mycobacterium ulcerans entraîne l’agrégation de cellules immunitaires, les lymphocytes B, autour des zones infectées. Ici, marquage en fluorescence, d’une coupe de rate de souris, qui permet d’identifier des Lymphocytes B (bleu) et deux sous-populations de Lymphocytes T (vert et rouge). © CIML/INSERM/CNRS/Mailfert, Sébastien/Chasson, Lionel

Après la tuberculose et la lèpre, c’est la troisième maladie tropicale mycobactérienne la plus courante au monde. Causé par la bactérie Mycobacterium ulcerans, l’ulcère de Buruli entraîne chez le patient la destruction des tissus cutanés et l’apparition de larges ulcérations pouvant toucher tout un membre du corps jusqu’à l’os. Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Nantes, de l’Université d’Angers et du CNRS, au sein du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA), se sont penchés sur les rares cas de guérison spontanée de cette maladie afin de mieux en comprendre les mécanismes. Leurs résultats publiés dans Science Advances s’accompagnent d’un dépôt de brevet, ouvrant de nouvelles pistes pour la mise en place d’outils diagnostics jusque-là inexistants.

L’ulcère de Buruli est une maladie causée par la mycobactérie Mycobacterium ulcerans (M.ulcerans), dont on ne sait pas encore comment elle se transmet à l’Homme. Cette bactérie produit une toxine appelée mycolactone qui détruit les cellules cutanées et empêche le système immunitaire de répondre efficacement à cette attaque, entraînant la propagation des ulcérations caractéristiques de la maladie à la surface des membres. A la fois invalidant et stigmatisant, l’ulcère de Buruli atteint particulièrement les enfants et les adolescents. Peu connue, cette maladie sévit notamment en Afrique centrale et de l’Ouest et dispose d’un très faible arsenal diagnostique et thérapeutique. L’OMS la classe d’ailleurs comme maladie tropicale négligée. Un traitement à base d’antibiotiques est efficace si la maladie est diagnostiquée rapidement, ce qui n’est pas encore possible dans la majorité des cas. 

Dans le cadre d’une étude publiée dans Science Advances[1], une équipe de recherche dirigée par la chercheuse Inserm Estelle Marion au sein du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (Inserm/Université de Nantes/Université d’Angers/CNRS) s’est intéressée, à travers des expériences sur des souris, aux cas de guérison spontanée observés chez environ 5% des patients infectés.

Jusqu’ici les études sur l’ulcère de Buruli se concentraient sur la réponse immunitaire au niveau de tout l’organisme. Néanmoins, de récentes études sur les tissus cutanés ont révélé que l’infection par Mycobacterium ulcerans entraîne l’agrégation de cellules immunitaires, les lymphocytes B, autour des zones infectées. Dans ce contexte, les chercheurs ont ici décidé de se pencher sur la réponse immunitaire locale, au niveau du site infecté par la bactérie.

Les lymphocytes B produisent une famille d’anticorps appelés immunoglobulines (Ig). Les sous-groupes les plus importants sont les IgA, que l’on retrouve principalement dans les muqueuses et l’épiderme, les IgM, présentes à la surface des lymphocytes et dont un nombre élevé est synonyme d’une infection en cours et, enfin, les IgG, les plus nombreuses, circulant avant tout dans le sang et servant à éliminer les corps étrangers qui y naviguent.

Vers une piste de diagnostic

Les chercheurs ont travaillé avec deux types de souris dont l’un ayant la capacité de guérir spontanément d’une infection par Mycobacterium ulcerans. Ils se sont d’abord intéressés à la réaction immunitaire lors de l’infection, y compris durant le processus de guérison spontanée, en analysant des échantillons cutanés à proximité du site infecté.

Chez les deux types de souris, le taux d’immunoglobulines cutané croit au cours de l’infection, mais pas dans les mêmes proportions. Chez la souris incapable de guérir, les IgM sont majoritairement présentes, alors que chez la souris capable de guérir ce sont les IgG.

Les chercheurs ont montré que ces IgG se fixent à la toxine mycolactone. Ils ont ensuite découvert que seules les souris qui guérissent produisent un sous-type d’IgG bien particulier, les IgG2a, capables de neutraliser l’action de la mycolactone. Enfin, les chercheurs ont par ailleurs retrouvé la présence de ces anticorps capables de se lier à la mycolactone dans les tissus des patients infectés par la bactérie M. ulcerans.

 « Cette étude suggère pour la première fois que l’organisme pourrait répondre efficacement à une infection de Mycobacterium ulcerans grâce à la production d’anticorps capables de reconnaître et neutraliser la toxine sécrétée par la mycobactérie. Si les pistes thérapeutiques sont encore lointaines, ces travaux offrent de nouvelles pistes diagnostiques », conclut la chercheuse Inserm Estelle Marion, qui a dirigé cette étude.

En effet, dans le respect des priorités de l’OMS, l’équipe envisage le développement d’un test diagnostique rapide et simple de type bandelette, basé sur la détection d’anticorps reconnaissant la mycolactone, et témoignant donc d’une infection à M. uclerans.

[1] Ces travaux ont été financés par la Fondation Raoul Follereau, l’ANR, la région Pays de la Loire, Université d’Angers et l’Inserm (programme ATIP-Avenir).

Alzheimer : un acide aminé pour aider à restaurer la mémoire ?

 

Astrocytes dans l’hippocampe du cerveau de souris © Laboratoire des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/Université Paris Saclay)

Des scientifiques du Laboratoire des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/Université Paris-Saclay) et du Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) viennent de mettre en évidence le rôle déterminant que joue une voie métabolique dans les troubles de mémoire de la maladie d’Alzheimer. Leurs travaux, à paraître le 3 mars 2020 dans Cell Metabolism, montrent également qu’un apport en acide aminé particulier, sous forme de complément alimentaire, restaure la mémoire spatiale atteinte de façon précoce chez des souris modèles de la maladie. Une piste prometteuse pour atténuer la perte de mémoire liée à Alzheimer.

Le cerveau consomme une grande partie de l’énergie disponible dans notre organisme. Son bon fonctionnement repose sur une étroite coopération entre les neurones et les cellules de leur environnement, en particulier les astrocytes. La phase précoce de la maladie d’Alzheimer est caractérisée par une réduction de ce métabolisme énergétique, mais on ignorait si ce déficit pouvait contribuer directement aux symptômes cognitifs de la maladie d’Alzheimer.

Une étude collaborative a montré chez une souris modèle de la maladie d’Alzheimer que la diminution de la consommation de glucose par les astrocytes conduit à une réduction de la production de L-sérine, un acide aminé majoritairement produit par ces cellules dans le cerveau et dont la voie de biosynthèse est altérée chez les patients.

La L-sérine est le précurseur de la D-sérine, connue pour stimuler les récepteurs NMDA, essentiels au bon fonctionnement du cerveau et à l’établissement de la mémoire. Dès lors, en produisant moins de L-sérine, les astrocytes sont à l’origine d’une diminution de l’activité de ces récepteurs, ce qui entraîne une altération de la plasticité neuronale et des capacités de mémorisation associées. Les scientifiques ont également démontré que les fonctions de mémorisation des souris ont toutes été restaurées par un apport alimentaire en L-sérine.

L’identification du rôle de la L-sérine dans les troubles de la mémoire et l’efficacité expérimentale d’une supplémentation nutritionnelle ouvrent la voie à de nouvelles stratégies, complémentaires des thérapies médicamenteuses, pour lutter contre les symptômes précoces de la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies présentant des altérations du métabolisme cérébral, comme les maladies de Parkinson ou de Huntington. La L-sérine étant disponible comme complément alimentaire, il convient de tester de façon rigoureuse cette molécule chez l’humain, à travers des essais cliniques encadrés.

Ces travaux ont été menés par des chercheurs du Laboratoire des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/Université Paris-Saclay), au sein du MIRCen/Institut de biologie François Jacob, et du Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) en collaboration avec des équipes du laboratoire Neurosciences Paris Seine (CNRS/Inserm/Sorbonne Université), de l’Institut Galien Paris Sud (CNRS/Université Paris Saclay), du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet), du Département médicaments et technologies pour la santé (CEA/Inrae/Université Paris Saclay) et par des chercheurs de l’AP-HP au sein de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière). Ces travaux ont été soutenus par l’association France Alzheimer, la Fondation de France, la Fondation pour la recherche médicale, la Fondation Alzheimer et l’Infrastructure nationale de biologie-Santé NeurATRIS.

Grippe : lutter contre les surinfections bactériennes grâce au microbiote

Coupe de poumons infectés par le virus grippal avec une inflammation majeure qui se traduit notamment par une infiltration marquée de polynucléaires neutrophiles, cellules foncées.

© Inserm/Si-Tahar, Mustapha

Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille, et d’INRAE révèlent pour la première fois chez la souris, que les perturbations du microbiote intestinal engendrées par le virus de la grippe favorisent les surinfections bactériennes secondaires. Publiés dans Cell Reports le 3 mars 2020, ces résultats offrent de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement des pneumonies bactériennes, une cause majeure de décès chez les personnes âgées ou vulnérables infectées par le virus de la grippe.

La grippe et ses complications demeurent un problème important de santé publique et une lourde charge socio-économique. Les campagnes de vaccination et la découverte de nouveaux traitements antiviraux offrent des solutions préventives ou thérapeutiques. Cependant, l’altération des mécanismes de défense contre les infections bactériennes secondaires, qui aggravent considérablement le tableau clinique des personnes grippées, reste un problème majeur.

Spécialisée dans le domaine de l’immunité pulmonaire, l’équipe dirigée par François Trottein, chercheur du CNRS au Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CHU Lille), s’est intéressée au microbiote intestinal, bien connu pour son rôle clé dans de nombreux processus physiologiques, y compris les mécanismes de défenses immunitaires. Les scientifiques ont montré, chez la souris, que la grippe modifie de façon transitoire la composition et l’activité métabolique du microbiote intestinal probablement à cause de la réduction de la consommation alimentaire durant la maladie. Lors de la grippe, la production d’acides gras à chaînes courtes par les bactéries du microbiote est également réduite. Or, l’équipe dévoile que ces acides gras favorisent à distance l’activité bactéricide des macrophages présents dans les poumons. La perturbation du microbiote intestinal par la grippe compromet donc les défenses pulmonaires, notamment contre Streptococcus pneumoniae, la première cause des pneumonies bactériennes chez l’humain.

Les chercheurs et chercheuses ont par ailleurs démontré que cette sensibilité à la surinfection bactérienne peut être corrigée par un traitement à l’acétate, l’un des principaux acides gras à chaînes courtes produit par le microbiote. Ces travaux pourraient avoir des applications concrètes pour le bien-être des patients infectés, qui seraient mieux armés contre les complications liées à la grippe. Cette découverte, réalisée en collaboration avec des scientifiques de l’Institut Micalis (INRAE/AgroParistech/Université Paris Saclay), du Lille inflammation research international center (Inserm/Université de Lille/CHU Lille), du laboratoire Conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg), de l’unité Virologie et immunologie moléculaires (INRAE) et de la société GenoScreen (Lille), représente une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes conduisant aux surinfections bactériennes chez les patients grippés. Elle pourrait conduire au développement de nouvelles stratégies nutritionnelles et/ou thérapeutiques visant à mieux contrôler les infections bactériennes.

À l’origine de la satiété, des cellules du cerveau qui changent de forme après un repas

Neurones POMC (points oranges) dans l’hypothalamus, à la base du cerveau. Photo acquise chez la souris avec un microscope confocal.© Danaé Nuzzaci / CNRS / CSGA

Vous venez de terminer un bon repas et vous vous sentez repu ? Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm, d’Inrae, de l’Université de Bourgogne, d’Université de Paris et de l’Université du Luxembourg1 viennent de comprendre les mécanismes qui, dans votre cerveau, ont conduit à cet état. Il s’agit d’une cascade de réactions déclenchée par l’élévation du taux de glucose dans le sang. Cette étude, menée chez la souris, est publiée dans Cell Reports le 3 mars 2020.

Les circuits de neurones qui gouvernent les sensations de faim et de satiété dans notre cerveau ont la capacité de modifier leurs connexions, ce qui permet d’ajuster le comportement alimentaire aux conditions de vie et de maintenir un équilibre entre apports et dépenses énergétiques. Les scientifiques soupçonnent d’ailleurs que cette plasticité pourrait être altérée chez les sujets obèses.

Dans une nouvelle étude menée chez la souris, une équipe dirigée par Alexandre Benani, chercheur du CNRS au Centre des sciences du goût et de l’alimentation (CNRS/Inrae/Université de Bourgogne/ AgroSup Dijon) montre que ces circuits sont activés à l’échelle d’un repas, ce qui contribue à la régulation du comportement alimentaire. Mais cette activation ne passe pas par un changement dans les « branchements » du circuit.

 

Remodelage du circuit de la satiété des neurones POMC après un repas équilibré. Encadré rouge : zone correspondant à la photo de droite.© Alexandre Benani / CNRS / CSGA

Les scientifiques se sont intéressés aux neurones POMC de l’hypothalamus, situés à la base du cerveau. Ces neurones sont connus pour limiter la prise alimentaire. Ils reçoivent un grand nombre de terminaisons nerveuses provenant d’autres régions du cerveau et les connexions de ce circuit sont malléables : elles peuvent se faire et se défaire très rapidement au gré des fluctuations hormonales. Les chercheurs ont observé qu’après un repas équilibré, ce circuit neuronal n’est pas modifié. En revanche, d’autres cellules nerveuses associées aux neurones POMC, les astrocytes, changent de forme.

Les astrocytes sont des cellules nerveuses en forme d’étoiles, d’abord décrites pour leur rôle de support des neurones. Dans les conditions habituelles, ils recouvrent étroitement les neurones POMC et agissent un peu à la manière de plaquettes de frein, limitant leur activité. Après un repas, le taux de glucose dans le sang (glycémie) s’élève transitoirement et ce signal est ressenti par les astrocytes qui se rétractent en moins d’une heure. Le « frein » étant levé, les neurones POMC se trouvent activés, ce qui favorise in fine le sentiment de satiété.

De manière étonnante, un repas riche en graisses n’induit pas ce remodelage. Est-ce à dire que les lipides sont moins efficaces pour couper la faim ? Les scientifiques cherchent à déterminer s’ils ne déclencheraient pas la satiété par un autre circuit. Il reste aussi à savoir si les édulcorants ont les mêmes effets ou s’ils sont de véritables leurres pour le cerveau, qui ne procurent que la sensation sucrée addictive sans couper la faim.

 

1 L’étude a été menée au Centre des sciences du goût et de l’alimentation (CNRS/Inrae/Université de Bourgogne/Agrosup Dijon), en étroite collaboration avec des collègues de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université Côte d’Azur), de l’Institut de génomique fonctionnelle (CNRS/Inserm/Université de Montpellier) et de l’Université du Luxembourg, et avec les contributions de l’Unité de biologie fonctionnelle et adaptative (CNRS/Université de Paris) et de l’Institut de psychiatrie et de neuroscience de Paris (Inserm/Université de Paris).

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