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La persistance de cellules mémoires B résistantes au rituximab contribue aux rechutes des patients adultes atteints de thrombopénie immunologique

lymphocytes B

Image d’un centre germinatif persistant (rate de souris, 4 mois après immunisation), comportant des lymphocytes B ou cellules B à mémoire (vert), en forte interaction avec des cellules folliculaires dendritiques (CD35, rouge), et des cellules T helper folliculaires (CD4, bleu). ©Inserm/Reynaud, Claude-Agnès

Des équipes du Pr Matthieu Mahévas du centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’adulte et de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (hôpital Henri-Mondor AP-HP/Inserm/Université Paris-Est Créteil), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud au sein de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris) ont étudié la présence de lymphocytes B mémoires auto réactifs avant et après traitement par rituximab de patients adultes atteints de thrombopénie immunologique (PTI), une maladie auto-immune rare.

Les résultats de cette étude, qui fait l’objet d’une publication dans la revue Science Translational Medicine le 14 avril 2021, montrent notamment qu’une fraction des lymphocytes B mémoires auto-réactifs envers les antigènes plaquettaires résiste au traitement par rituximab, persiste dans la rate pendant plusieurs mois et participe aux rechutes. La découverte de ces cellules pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.    

Les patients atteints de maladies auto-immunes médiées par les cellules B, telles que la thrombopénie immunologique (PTI), peuvent bénéficier d’un traitement par l’anticorps anti-CD20, ciblant les cellules B, le rituximab. Une proportion importante de patients rechute cependant après ce traitement.

Les équipes du Pr Matthieu Mahévas du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP (Pr Godeau et Pr Michel), de l’unité de recherche « Transfusion et maladies du globule rouge » de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (UPEC/Inserm), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris), en collaboration avec de nombreux cliniciens du Centre National des cytopénies auto-immunes de l’adulte (CERECAI), ont cherché à comprendre pourquoi en étudiant la présence de lymphocytes B mémoires réactifs envers les plaquettes dans la rate de patients splénectomisés pour une rechute de thrombopénie immunologique après un traitement par rituximab.

Plusieurs approches expérimentales innovantes ont été menées par les Dr Crickx et Chappert afin de déterminer le phénotype, le programme transcriptionnel et la spécificité de ces cellules B capables de secréter des anticorps anti-plaquettes dans la rate des patients lors des rechutes. Ces travaux ont permis de mettre en évidence que des cellules nouvellement générées après reconstitution lymphocytaire B et des cellules mémoires ayant résisté au traitement participaient aux rechutes.

Il apparait ainsi que ces cellules pathogéniques, résistantes au rituximab, ont perdu l’expression du CD20 à leur surface mais conservées l’expression du CD19, spécifiquement exprimée par les lymphocytes B, qui pourrait donc constituer une nouvelle cible thérapeutique potentielle dans cette maladie.

La persistance de la mémoire immunitaire est généralement étudiée pour le bénéfice qu’elle apporte en termes de protection anti-infectieuse. Ce travail démontre que des cellules mémoires peuvent également persister durant des périodes de rémission d’une maladie auto-immune et contribuer aux rechutes ultérieures, suggérant de nouvelles voies à explorer pour favoriser des rémissions prolongées au cours des maladies auto-immunes.

Ces travaux ont bénéficié d’un financement ANR (Auto-Immuni-B – ANR-18-CE15-0001).

Traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine, dans la Myopathie de Duchenne

Myopathie de Duchenne

Myopathie de Duchenne. Les myofibres en rouge sont en cours de régénération et sont indicatrices des lésions multiples présentes dans tout le muscle des patients. Le pourtour des myofibres est marqué en vert. ©Mélanie Magnan/Bénédicte Chazaud/Inserm

Des équipes des hôpitaux Cochin, Hôtel-Dieu et Necker-Enfants malades de l’AP-HP, d’Université de Paris et de l’Inserm, en collaboration avec le Centre de Référence des maladies neuromusculaires Nord/Est/Ile-de-France avec le soutien de l’association monégasque contre les myopathies, ont mené des travaux sur l’impact d’un traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion (IEC) de l’Angiotensine, dans la Myopathie de Duchenne. Les résultats de ces travaux montrent que ce traitement préventif précoce pour les patients de 8 ans ou plus atteints de Myopathie de Duchenne est associé à une survie globale significativement plus élevée et à un taux d’hospitalisation plus faible pour les patients pris en charge. Les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une publication, le 22 mars 2021, dans l’European Heart Journal.

La Myopathie de Duchenne est une affection génétique grave dûe à l’absence d’une protéine de soutien essentielle à la contraction musculaire, la Dystrophine. Elle entraîne une atteinte musculaire et myocardique et ne dispose pas de traitement curatif spécifique actuel. L’approche développée dans les travaux publiés dans l’European Heart Journal est la première à démontrer une diminution non-discutable de la mortalité, notamment de la mortalité cardiovasculaire très significative, grâce à ce traitement précoce.

Les patients inclus dans cette étude rétrospective ont été identifiés parmi les 668 patients inscrits dans le « DMD-Heart-Registry ». Ce registre, coordonné par le Pr Wahbi, comprend des patients admis entre janvier 1986 et octobre 2018 dans huit centres médicaux français de prise en charge de la Myopathie de Duchenne.

Plus de 600 enfants ont pu être inclus dans ce travail rétrospectif et l’équipe en charge de ces travaux a pu constater une diminution de la mortalité estimée à 12 ans de suivi de plus de 50 %.

Une première étude pilote menée en 2007 sur 60 enfants coordonnée au sein du service de cardiologie de l’hôpital Cochin AP-HP (Pr Duboc, Pr Meune, Dr Bécane, Pr Wahbi) indiquait déjà l’intérêt potentiel d’un tel traitement. Aujourd’hui, il s’agit d’une plus large étude, multicentrique nationale, portant sur plusieurs centaines de patients touchés par cette maladie orpheline, qui confirme les résultats initiaux.

Trois principales structures au sein d’AP-HP ont largement contribué à l’aboutissement de ce travail : le centre de référence constitutif maladies rares sur l’atteinte cardiaque des myopathies (Pr  Wahbi , Pr D. Duboc) au sein du service de cardiologie de l’hôpital Cochin AP-HP qui a coordonné ce travail, aidé par le service de neuro-pédiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP (Pr Desguerre) qui a permis l’analyse bio-statistique des résultats qui a été réalisée par le centre d’épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu AP-HP (Pr Porcher, Pr Ravaud).

La conclusion pratique de cette étude montre que ce traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion (IEC) de l’Angiotensine pour les patients de 8 ans ou plus atteints de Myopathie de Duchenne est associé à une survie globale significativement plus élevée et à un taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque plus faible pour les patients pris en charge.

Une toxine à l’origine de dommages à l’ADN retrouvée chez des patients souffrant d’infections urinaires

 

Bactérie E Coli

« Lors d’une infection urinaire, les bactéries Escherichia coli uropathogènes (leur ADN est marqué en rouge) forment des communautés bactériennes au sein des cellules superficielles de la vessie (le noyau des cellules est marqué en bleu, leur contenu cellulaire en sucre est marqué en vert), ici 6 heures après une infection reproduite chez la souris ». © Inserm/Motta, Jean-Paul/Chagneau, Camille

Les infections urinaires touchent plus de 50 % des femmes, dans certains cas de manière récurrente. La bactérie E. coli est très souvent impliquée dans le développement de ces infections. Pour la première fois, des scientifiques de l’Inserm, du CHU de Toulouse, d’INRAE, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse ont identifié la présence d’une toxine produite par ces bactéries dans les urines de patientes, qui aurait pour effet d’endommager l’ADN des cellules de la vessie. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour affiner la prise en charge des patientes sujettes à infections urinaires récurrentes. L’étude est publiée dans le journal Plos Pathogens le 25 février 2021.

Tous les ans, 150 millions de personnes sont touchées par les infections urinaires. Celles-ci sont plus fréquentes chez les femmes : plus d’une sur deux en connaîtra une au cours de sa vie. Ces infections constituent donc un problème de santé publique majeur, d’autant que la prise d’un traitement antibiotique est souvent nécessaire, favorisant l’émergence d’antibiorésistances.

Les infections urinaires surviennent lorsque la région urogénitale est contaminée par des bactéries issues du microbiote intestinal. Les bactéries Escherichia coli (E. coli) sont ainsi impliquées dans 80 % de ces infections[1] et font l’objet de travaux de recherche menés depuis plusieurs années par Eric Oswald et son équipe à l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRAE/Université de Toulouse III Paul Sabatier/École nationale vétérinaire de Toulouse) dans le cadre d’une collaboration avec plusieurs équipes de recherche de Toulouse.[2]

Les scientifiques s’intéressent notamment aux facteurs de virulence de ces bactéries, c’est-à-dire à leur capacité à infecter ou endommager les tissus de l’hôte. Ils avaient déjà montré que dans certaines conditions, les E. coli présentes dans le tractus intestinal peuvent produire une toxine, la colibactine, qui est associée à un risque accru de cancer colorectal. Dans cette nouvelle étude, l’équipe a analysé les prélèvements urinaires de 223 adultes avec une infection urinaire liée à la présence d’E. coli et prise en charge aux urgences du CHU de Toulouse.

Ils ont ainsi identifié un biomarqueur témoignant de la présence de colibactine produite par les bactéries E. coli dans au moins 25 % des urines collectées. C’est la première fois que cette toxine est identifiée dans le contexte d’une infection urinaire et que des chercheurs apportent une preuve directe de sa production lors d’une infection chez l’Homme.

 

ADN endommagé chez la souris

Pour essayer de mieux comprendre et de caractériser les effets de la colibactine dans le contexte des infections urinaires, les chercheurs se sont tournés vers des modèles animaux. Ils montrent que chez la souris, la toxine est produite lors d’une infection urinaire par E. coli et qu’elle induit des dommages à l’ADN dans les cellules de la muqueuse de la vessie.

« Ces expérimentations nous permettent de sortir d’un cadre très théorique et de montrer que lors d’une infection urinaire, la colibactine peut avoir un effet génotoxique : les dommages causés à l’ADN ne se réparent pas complètement et des mutations génétiques peuvent survenir. Si on ne peut pour le moment que spéculer sur l’impact de ces mutations, il est probable qu’elles soient associées à un risque accru de cancer de la vessie », précise Eric Oswald.

Si ces résultats portant sur des modèles animaux ne peuvent en l’état être appliqués aux humains, le chercheur et son équipe estiment qu’ils pourraient néanmoins inciter à une surveillance plus importante et plus ciblée des personnes sujettes à infections urinaires récurrentes.

Par ailleurs, mieux comprendre les liens entre microbiote intestinal et infections urinaires à répétition est considéré comme une priorité. « On pourrait imaginer mettre en place une prise en charge plus spécifique des patientes souffrant régulièrement d’infections urinaires, avec une recherche systématique des marqueurs de la colibactine dans leurs urines. Et de manière plus proactive, proposer des approches thérapeutiques visant à moduler la composition de leur microbiote intestinal, qui représente le réservoir principal des bactéries E. coli mises en cause dans ces infections urinaires », souligne Eric Oswald.

L’équipe travaille notamment sur plusieurs projets de recherche autour des probiotiques et du réservoir intestinal pour limiter les populations nocives d’E. coli dans le microbiote et favoriser l’émergence de « bonnes bactéries ». Ils ont ainsi breveté avec Inserm-Transfert une souche d’E. coli non pathogène, capable de mener une « guerre biologique » aux souches uropathogènes.

 

[1] On parle alors d’Escherichia coli uropathogènes (UPEC).

[2] En particulier la coordination d’un projet ANR avec comme partenaires la société VibioSphen et une équipe de l’institut travaillant sur le métabolisme du fer.

Découverte d’un mécanisme expliquant l’action bénéfique de l’anti-cancéreux tamoxifène sur le système cardiovasculaire

Image montrant le processus de cicatrisation endothéliale chez la souris 3 jours après l’agression de l’artère carotidienne. © Coralie Fontaine.

Très largement utilisé dans le traitement de certains cancers du sein, le tamoxifène agit sur les cellules cancéreuses en bloquant le récepteur des œstrogène (ER)a et en inhibant ainsi leur prolifération. L’action de ce médicament semble néanmoins plus complexe, avec en supplément des effets protecteurs sur les artères, ce qui pourrait diminuer le risque de maladies cardiovasculaires. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires se sont intéressés aux effets du tamoxifène sur les artères dans des modèles animaux afin de mieux comprendre son mode d’action et d’affiner son utilisation clinique. Leurs résultats sont publiés dans le journal Circulation Research.

Après un cancer du sein, les femmes sont plus à risque de développer des maladies cardiovasculaires. Plusieurs études ont confirmé cette association, soulignant des facteurs de risque communs aux deux types de pathologies, mais aussi la toxicité de certains traitements anticancéreux comme les chimiothérapies anti-cancéreuse sur le système cardiovasculaire. Des données expérimentales et cliniques suggèrent néanmoins que le tamoxifène, une hormonothérapie qui permet de réduire les risques de récidives de certains cancers du sein[1], aurait en même temps des effets protecteurs contre les maladies cardiovasculaires.

Dans les cellules cancéreuses, le tamoxifène agit comme un anti-œstrogène : sans supprimer la production de cette hormone, il prend sa place au niveau de leurs récepteurs (les récepteurs ERa), bloquant ainsi la prolifération de ces cellules.  

Toutefois, ce médicament ne se limite pas à bloquer les récepteurs des œstrogènes des cellules cancéreuses. En effet, dans d’autres types de cellules, il pourrait à l’inverse activer ces mêmes récepteurs, comme le font les œstrogènes.

Des mécanismes d’action différents

Dans leur étude, les chercheurs ont pu montrer que le tamoxifène accélérait la cicatrisation des artères en favorisant le renouvellement de la couche de cellules endothéliales qui protège les artères. Ils révèlent ainsi un nouvel effet bénéfique de ce médicament vis-à-vis du risque cardiovasculaire.

Pour expliquer cette nouvelle action bénéfique du tamoxifène, l’équipe montre que contrairement à son action bloquante sur les cellules cancéreuses, le tamoxifène mimerait l’action des œstrogènes au niveau des artères, ce qui entraînerait la cicatrisation artérielle.

Cependant, les mécanismes cellulaires en jeu seraient différents.

Tandis que l’estradiol (l’œstrogène majoritaire) induit cet effet en activant directement les récepteurs des œstrogènes dans les cellules endothéliales des artères, les chercheurs montrent que le tamoxifène produit ce même effet sur les artères en activant lui aussi le récepteur des œstrogènes, mais dans un autre type de cellules (les cellules musculaires lisses sous-jacentes).

Ces travaux apportent donc une nouvelle compréhension de l’action du tamoxifène, montrant que cette molécule peut mimer l’action des œstrogènes en ciblant des fonctions différentes de leurs récepteurs dans des types cellulaires différents.

Ces résultats pourraient avoir plusieurs implications cliniques, notamment parce qu’ils permettent de mieux appréhender le spectre d’action de ce médicament très largement prescrit à des milliers de patientes en cancérologie.

Ils devraient aussi susciter d’autres travaux sur cette molécule utilisée depuis 40 ans.

« La vision que l’on a aujourd’hui du tamoxifène, c’est qu’il s’agit d’une hormonothérapie qui bloque les récepteurs présents sur les cellules cancéreuses, mais ceci n’est qu’une explication partielle de son action. Notre étude souligne que ce médicament mime les œstrogènes en ciblant des voies qui ne sont pas toujours celles qu’on anticipe. Nous avons mis en évidence un effet protecteur des artères en jouant de manière indirecte sur les cellules endothéliales, mais cette action pourrait aussi avoir des effets sur les cellules du système immunitaire, qui jouent un rôle clé dans la surveillance immunitaire des tumeurs », soulignent Jean-François Arnal, professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, et Coralie Fontaine, chercheuse Inserm, qui ont coordonné ces travaux.

 

[1] Les cancers dits « hormonodépendants », pour lesquels les cellules cancéreuses expriment le récepteur des œstrogènes

Un dérèglement du microbiote est associé à la formation d’une molécule favorisant le diabète de type 2

L’alimentation joue un rôle important dans la composition du microbiote intestinal. En effet, à partir des aliments consommés, les bactéries intestinales produisent des composés organiques, les métabolites, qui peuvent avoir un impact sur la santé. © Adobe Stock

Une alimentation déséquilibrée est associée à un dérèglement du microbiote intestinal qui favorise les maladies métaboliques comme le diabète. Des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université, de l’AP-HP et d’INRAE en collaboration avec une équipe suédoise, montrent que des changements dans la composition du microbiote intestinal entraînent une augmentation des niveaux sanguins d’une molécule appelée le propionate d’imidazole, au sein d’une large cohorte européenne. Cette molécule est connue pour rendre les cellules de l’organisme résistantes à l’insuline et augmenter le risque de diabète de type 2. Les résultats sont publiés dans le journal Nature Communications.

L’alimentation joue un rôle important dans la composition du microbiote intestinal. En effet, à partir des aliments consommés, les bactéries intestinales produisent des composés organiques, les métabolites, qui peuvent avoir un impact sur la santé s’ils sont présents en trop grande ou trop faible quantité dans l’organisme.

Des études ont précédemment montré que les changements dans la composition du microbiote intestinal et la production de certains métabolites peut directement influencer le développement du diabète de type 2.

Elles ont par exemple mis en avant qu’une quantité plus faible des bactéries productrices d’un acide gras connu pour améliorer la sensibilité à l’insuline, le butyrate, est associé à un risque de diabète plus élevé.

D’autres travaux récents suggèrent qu’une altération du microbiote intestinal dérègle le métabolisme de l’histidine, un acide aminé présent dans de nombreux aliments, ce qui entraîne une élévation des niveaux d’un métabolite ; le propionate d’imidazole. Cette molécule bloque l’action de l’insuline, l’empêchant de diminuer les quantités de sucre dans le sang.

L’étude publiée dans Nature Communications confirme ces résultats initiaux dans une large cohorte européenne regroupant 1990 participants originaires de France, Allemagne et Danemark. Il s’agit de la cohorte METACARDIS pilotée par l’Inserm dont l’objectif est d’étudier l’impact des changements du microbiote intestinal sur l’apparition et la progression des maladies cardio-métaboliques et des pathologies associées. « METACARDIS est une base de données unique et précieuse dans le sens où elle nous permet d’accéder à des caractéristiques très détaillées sur chacune des personnes enrôlées dans la cohorte avec de nombreuses précisions phénotypiques, métaboliques et génétiques bactériennes », souligne Karine Clément, médecin, enseignante-chercheuse en nutrition à Sorbonne Université et coordinatrice du projet.

Avec ses collègues, la chercheuse montre que dans la cohorte, les sujets atteints de pré-diabète[1] ou de diabète de type 2 présentent effectivement des niveaux plus élevés de propionate d’imidazole dans le sang. Le microbiote intestinal de ces personnes est par ailleurs caractérisé par un appauvrissement important en bactéries.

Les chercheurs suggèrent que ces altérations de la composition bactérienne du microbiote seraient liées à une alimentation peu équilibrée. Elles entrainent un dérèglement du métabolisme de l’histidine qui entraîne à son tour l’augmentation du propionate d’imidazole et donc des problèmes de régulation de la glycémie. Il y a alors un risque plus élevé de développer un diabète de type 2.

 « Notre étude suggère que les individus qui ont une mauvaise alimentation ont une augmentation du propionate d’imidazole et qu’il y a une association claire entre la composition appauvrie du microbiote, l’alimentation et le diabète de type 2. Elle vise à faire passer un message de prévention, en soulignant qu’une alimentation plus variée permet d’enrichir le microbiote. Cette étude a aussi des implications thérapeutiques puisqu’on pourrait envisager à l’avenir développer des médicaments modifiant la synthèse de certains métabolites dont le propionate d’imidazole », explique Karine Clément.

Plusieurs questions de recherche continuent à se poser et devraient être élucidées dans de futurs travaux s’appuyant sur la cohorte METACARDIS. Les chercheurs veulent notamment comprendre comment l’élévation d’un ou plusieurs métabolites peuvent prédire, chez les personnes diabétiques, le risque de développer d’autres complications comme par exemple des problèmes cardiovasculaires. Ils veulent également étudier comment l’élévation des niveaux de propionate d’imidazole chez les personnes en situation de pré-diabète pourrait augmenter le risque de devenir diabétique plus tôt dans leur parcours clinique. 

Ce large projet de recherche, qui repose sur une étroite collaboration entre plusieurs équipes scientifiques européennes, a reçu un soutien de la communauté européenne (7ème projet cadre Européen FP7-Metacardis), ainsi que de la Fondation Leducq.

 

[1] Le pré-diabète est un trouble glycémique à un stade moins avancé que le diabète proprement dit.  Pour ces personnes, la glycémie à jeun se situe entre 1,10 g/L et 1,25 g/L (une glycémie normale à jeun est inférieure à 1,10 g/L). Le risque de développer un diabète de type 2 ultérieurement est augmenté. 

Lien entre nutrition et cerveau : comment un déficit en oméga 3 chez la mère influence le développement comportemental des petits chez l’animal

Sources animales et végétales d’oméga-3 comme le saumon, l’avocat, les graines de lin, les œufs, le beurre, les noix, les amandes, les graines de courge, les feuilles de persil et l’huile de colzal © Fotolia

Les acides gras omega 3* sont essentiels, nécessairement apportés par l’alimentation, et indispensables au développement du cerveau. Des chercheurs INRAE et de l’université de Bordeaux, en collaboration avec l’Inserm, les Universités canadiennes Laval et de Toronto, et d’autres partenaires (Harvard, Fondation Basque…) se sont en particulier intéressés à l’impact de l’alimentation maternelle dans la période de la gestation et de la lactation, sur le développement cérébral des petits. Ils ont ainsi montré pour la première fois chez la souris, comment des apports insuffisants en omégas 3 chez la mère altèrent le développement des réseaux de neurones chez le petit, provoquant des altérations de la mémoire. Ils en ont également décrypté les mécanismes moléculaires. Ces résultats inédits, issus de plusieurs années de recherche, sont publiés le 30 novembre 2020 dans Nature Communications.

Les acides gras essentiels (omégas 3 et 6) s’incorporent massivement dans le cerveau des petits via l’alimentation maternelle, au cours de la gestation et de la lactation. Des données scientifiques parcellaires indiquent qu’une consommation insuffisante de ces acides gras par la mère durant la période périnatale est un facteur de risque pouvant engendrer des déficits cognitifs chez l’enfant (langage, mémoire, apprentissage…). Mais quel est le mécanisme responsable ?

Les chercheurs INRAE Nouvelle-Aquitaine, de l’université de Bordeaux et leurs collègues se sont intéressés à un type cellulaire particulier du cerveau : les cellules microgliales (ou microglie), qui participent à la construction des réseaux neuronaux de la mémoire. Ces macrophages du cerveau sont à l’interface entre l’environnement et les neurones.

Pendant le développement du cerveau, les cellules microgliales « sculptent » les réseaux neuronaux en « mangeant » les synapses inutiles, ces liens de connexions entre les neurones, et en conservant celles qui sont essentielles pour le bon fonctionnement cérébral.

Les scientifiques ont mené leurs travaux sur des souris pour évaluer si le statut alimentaire maternel en omégas 3, et donc celui du cerveau du petit, avait une influence sur l’activité des microglies.

La carence en omégas 3 impacte l’activité d’un type cellulaire dans le cerveau chez la souris

Les résultats montrent pour la première fois que des apports insuffisants en omégas 3 dans l’alimentation maternelle affectent l’activité des microglies du cerveau en développement : ces cellules adoptent un fonctionnement anormal et deviennent hyperphagiques, c’est-à-dire qu’elles perdent leur capacité à reconnaître les synapses qu’il faut supprimer et « mangent » trop de synapses. Le réseau neuronal est alors mal formé, ce qui entraine des altérations de la mémoire des petits. Les scientifiques ont également décrypté les mécanismes moléculaires responsables de l’activité aberrante des cellules microgliales.

Pour étudier ce lien entre apports en omégas 3 et développement du cerveau, les chercheurs ont également mis au point différentes technologies innovantes pour évaluer les changements de comportement des cellules microgliales vis-à-vis des synapses, analyser leur contenu lipidique, tester les différentes molécules pour identifier celles responsables de la dysfonction et trouver comment restaurer cette fonction.

Ces travaux chez l’animal ouvrent de nouvelles perspectives de recherche et des études se poursuivront chez l’humain pour mieux comprendre les liens entre oméga 3 et développement du cerveau.

Dans la population générale, beaucoup de femmes enceintes présentent des carences alimentaires en omégas 3, et identifier au plus tôt les personnes à risque pourrait être une étape préventive afin de rééquilibrer cette carence par l’alimentation.

* Les acides gras oméga 3 constituent une famille d’acides gras essentiels. Elle regroupe des acides gras indispensables au développement et au bon fonctionnement de l’organisme, mais qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation. Ils se retrouvent dans de nombreuses huiles végétales (noix, colza, lin…) et dans la chair de poissons gras.

Rôle possible de l’exposition aux perturbateurs endocriniens dans la sévérité de la Covid-19

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

 

Une nouvelle étude, portée par Karine Audouze (Maître de conférences, Université de Paris) au sein du laboratoire T3S* (Université de Paris, Inserm) et publiée le 19 novembre 2020 dans la revue Environment International suggère que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19.

Certains sujets infectés par le SARS-CoV2 n’ont aucun symptôme majeur; d’autres tombent gravement malades. La littérature scientifique a prouvé que l’âge, le sexe, le poids et les maladies chroniques préexistantes, jouent un rôle dans la variabilité substantielle de l’évolution de la Covid-19. D’autres facteurs comme les polluants de l’environnement pourraient aussi être impliqués, notamment en favorisant l’obésité et les maladies chroniques.

En effet, « notre nouvelle étude révèle que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19 » explique Karine Audouze.

L’exposition aux perturbateurs endocriniens a été associée à des maladies chroniques métaboliques telles que le diabète, l’obésité ou certaines maladies cardiaques, qui peuvent toutes contribuer à la gravité de la Covid-19. Pour mieux comprendre les relations entre ces substances et l’augmentation du risque de Covid-19 sévère, les chercheurs ont utilisé une approche bio-informatique.

Ils ont pour cela identifié les voies biologiques (et les protéines clés de ces voies) qui étaient associées à la fois aux modes d’action des PE et, en parallèle, aux maladies chroniques favorisant la sévérité de la Covid-19. Ils ont alors pu identifier des voies communes, qui sont en l’occurrence impliquées dans la défense de l’organisme vis à vis de pathogènes (la réponse immunitaire).

Les auteurs suggèrent qu’il existe une relation possible entre la gravité de cette pandémie et la détérioration de notre environnement par les produits chimiques. Ils soulignent d’une part que les populations fortement exposées aux PE méritent la meilleure prévention possible et d’autre part que les protéines clés des voies biologiques qui sont à la fois ciblées par les PE et liées à la gravité de la Covid-19, peuvent représenter des cibles possibles pour les thérapies futures.

 

* Unit T3S : Environmental Toxicity, Therapeutic Targets, Cellular Signaling and Biomarkers

Une « signature » immunitaire pour identifier les patients diabétiques à risque de développer une forme grave de Covid-19

Les chercheurs ont identifié des biomarqueurs dans des échantillons sanguins de patients diabétiques. © Inserm/Latron, Patrice

Le diabète de type 2 est un facteur de risque de développer une forme grave de Covid-19. Identifier les marqueurs immunitaires et inflammatoires associés à ces formes sévères de la maladie chez cette population de patients permettrait de les prendre en charge de manière plus adaptée et plus précoce. Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et de Université de Paris ont identifié une signature immunitaire chez des patients diabétiques hospitalisés qui permettrait de prédire le risque d’un passage en réanimation. Les résultats de ces travaux sont publiés dans le journal EMBO Molecular Medicine et viennent compléter les conclusions d’autres études parues ces derniers mois sur l’identification de biomarqueurs prédictifs de formes sévères de Covid-19.

Dès les premiers mois de la pandémie de Covid-19, le diabète de type 2 a été identifié comme un facteur de risque de développer une forme grave de la maladie et à une mortalité plus élevée. Comprendre pourquoi et identifier des biomarqueurs permettant de prédire quels patients diabétiques évolueront vers une forme sévère de Covid-19 nécessitant un passage en réanimation constitue donc une priorité de recherche afin de mieux les prendre en charge et d’augmenter leurs chances de survie.

Le diabète de type 2 est caractérisé par une inflammation chronique, liée à un dérèglement du tissu adipeux chez les patients, qui produit des lipides reconnus comme « signaux de danger » par certaines cellules du système immunitaire. La réponse immunitaire est alors dérégulée, entrainant une inflammation locale, puis systémique.

Au sein de l’équipe dirigée par le Directeur de recherche Inserm Nicolas Venteclef au Centre de Recherche des Cordeliers (Inserm/Université de Paris/Sorbonne Université), les chercheurs Fawaz Alzaid et Jean-Baptiste Julla ont mis au point une étude observationnelle en milieu hospitalier. Elle a été menée au « Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications » dirigé par Jean-François Gautier, chercheur diabétologue à l’hôpital Lariboisière AP-HP. L’objectif était de mieux comprendre le lien entre l’inflammation préexistante dans le diabète et le risque de développer une forme grave de Covid-19. Les scientifiques ont cherché à caractériser les « signatures » immunitaires et inflammatoires de patients diabétiques hospitalisés suite à une infection par le SARS-CoV-2 présentant des symptômes sévères de la maladie.  

Ils se sont ainsi intéressés à la réponse immunitaire de 45 patients atteints de Covid-19 et hospitalisés, dont 30 étaient atteints de diabète de type 2. Parmi les participants à cette étude, 35 % des patients diabétiques ont développé une forme grave de la maladie nécessitant un passage en réanimation, contre 25 % des patients hospitalisés non diabétiques.

Les chercheurs ont analysé les échantillons sanguins de tous les patients. Ils ont constaté que les patients les plus sévèrement atteints avaient un nombre de lymphocytes (un type de globule blanc) inférieur à celui des patients qui n’avaient pas été en réanimation. L’équipe a notamment observé un taux particulièrement faible de lymphocytes cytotoxiques CD8+, des cellules immunitaires particulièrement impliquées dans la réponse antivirale avec des fonctions importantes de reconnaissance et d’élimination des cellules infectées. Ceci était observé chez tous les patients en réanimation, indépendamment du statut diabétique. 

Les patients diabétiques ayant nécessité des soins de réanimation différaient néanmoins des patients non diabétiques dans le même cas, car ils présentaient aussi un taux de monocytes (un autre type de globule blanc) dans le sang moins élevé. Des changements dans la morphologie de ces monocytes ont en outre été observés, ces cellules immunitaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ayant une taille moyenne supérieure à celles retrouvées dans les échantillons sanguins des patients non diabétiques.

Enfin, les chercheurs ont constaté une présence accrue de marqueurs inflammatoires associés à la voie des interférons de type 1, de puissantes molécules antivirales.

« Ces résultats ont d’importantes implications cliniques puisqu’ils suggèrent qu’il existe une signature immunitaire et inflammatoire propre aux patients diabétiques à risque de faire une forme grave de Covid-19. Si les médecins constatent une diminution de la fréquence des monocytes et un changement morphologique de ces cellules, ils ont alors la possibilité d’identifier les patients qui vont avoir besoin d’un suivi plus poussé et potentiellement d’une place en réanimation. Cela permet donc d’affiner et d’améliorer la prise en charge », explique le chercheur Inserm Fawaz Alzaid.

Ces travaux apportent donc des données pour soutenir les études cliniques en cours qui suggèrent l’importance d’un dérèglement de la voie des interférons de type 1 dans le développement de formes graves de la maladie, et le potentiel intérêt thérapeutique des médicaments anti-interférons, déjà souligné dans de récents travaux impliquant l’Inserm et publiés dans Science.

Une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 découverte grâce à une maladie rare

Une image représentant une photo en 3D d’un adipocyte humain (en vert le réservoir de la protéine ALMS1, en rouge une partie du cytoskelette, et en bleu le noyau de la cellule). © Vincent Marion

Une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 vient d’être identifiée par des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg, en collaboration avec plusieurs centres hospitaliers européens. Il s’agit de l’ALMS1, une protéine à la fonction encore mal comprise. Celle-ci a été mise en évidence grâce à l’étude d’une maladie rare, le syndrome d’Alström, qui touche différents organes et associe obésité précoce et diabète de type 2. Ces travaux ouvrent la voie au développement d’un nouveau médicament et sont parus dans Diabetes.

Obésité et diabète de type 2 sont fortement intriqués. Ainsi, environ 80% des sujets obèses développent cette pathologie, mais les raisons de cette association ne sont pas encore clairement établies. Pour étudier les liens entre les deux, l’équipe du chercheur Inserm Vincent Marion au laboratoire de génétique médicale (Inserm/Université de Strasbourg) a travaillé sur le syndrome d’Alström, une maladie monogénique[1] extrêmement rare qui touche plusieurs organes et entraine à la fois une obésité et un diabète de type 2.

Cette pathologie est provoquée par des mutations du gène ALMS1 codant une protéine à la fonction encore mal connue. « Le fait qu’il s’agisse d’une maladie monogénique offrait un point de départ pour étudier les mécanismes complexes du diabète de type 2 », souligne Vincent Marion. L’équipe a découvert que des anomalies du tissu adipeux causées par la perte de fonction d’ALMS1 entrainaient un diabète de type 2 chez les personnes atteintes du syndrome d’Alström. Par ailleurs, chez l’animal, restaurer la fonction de cette protéine rétablissait l’équilibre glycémique. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 : la protéine ALMS1.

Ces résultats sont le fruit de plusieurs années de recherche s’appuyant sur différentes approches cliniques et expérimentales, menées in vivo chez des sujets atteints de la maladie d’Alström et dans un modèle de souris pour cette maladie, ainsi que sur des observations in vitro. Les chercheurs ont identifié des anomalies de structure et de fonction du tissu adipeux chez les personnes atteintes de la maladie d’Alström bien plus importantes que celles constatées chez des sujets obèses présentant la même masse corporelle mais non atteints de cette maladie. Chez la souris, ces anomalies ont été associées à l’incapacité des adipocytes, qui composent le tissu adipeux, à absorber le glucose. « En empêchant les adipocytes d’absorber le glucose, la perte de fonction d’ALMS1 est directement responsable d’un diabète de type 2, ce qui en fait une cible thérapeutique très intéressante », explique Vincent Marion.

ALMS1 cible thérapeutique en cas de diabète

Dans l’étude publiée dans Diabetes, les chercheurs ont voulu évaluer l’intérêt thérapeutique de cette protéine en restaurant l’expression du gène ALMS1 dans leur modèle de souris. Cette manipulation a rétabli l’équilibre glycémique chez ces animaux grâce à l’augmentation de l’absorption du glucose par ces dernières.

Les chercheurs ont également travaillé in vitro avec des adipocytes humains issus de personnes atteintes du syndrome d’Alström dans le but de comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents, permettant d’expliquer pourquoi cette protéine permet de rétablir l’équilibre glycémique. Ils ont découvert que, dans ces cellules du tissu adipeux, la protéine ALMS1 agissait très en aval d’une chaine de signaux moléculaires contrôlée par l’insuline.

« Grâce à ce travail sur un modèle de maladie rare, nous avons découvert une molécule capable à elle seule d’augmenter l’absorption du glucose par les adipocytes et de maintenir un bon équilibre glycémique. Cela en fait une très bonne cible thérapeutique pour lutter contre le diabète de type 2 en général, associé ou non à une obésité », explique Vincent Marion.

En identifiant et en utilisant une molécule capable de cibler cette protéine ALMS1 chez des sujets atteints de diabète de type 2, l’espoir est d’améliorer le contrôle du diabète, indépendamment du taux d’insuline circulant chez ces personnes. Un peptide est déjà en cours de développement.

Les essais précliniques menés chez l’animal sont en cours de finalisation et des essais cliniques devraient débuter en 2021 chez des sujets atteints de diabète de type 2, obèses ou non. A terme, si ce candidat médicament s’avère efficace et sûr, il pourrait être prescrit seul ou en association avec d’autres antidiabétiques qui ciblent d’autres mécanismes moléculaires.

Fort de ces résultats, le chercheur a fondé ALMS Therapeutics, une société destinée à valoriser cette découverte.

[1] Maladie génétique résultant de la mutation d’un seul gène

Les lymphocytes T non conventionnels chez les patients atteints de formes sévères de Covid-19 sont prédictifs de l’évolution de la maladie

Coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine. ©M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-Cerda

Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Tours et du CHRU de Tours ont découvert que les patients souffrant de formes sévères de Covid-19 présentent des changements dans une classe de cellules immunitaires connues sous le nom de « lymphocytes T non conventionnels ». L’étude, publiée dans le Journal of Experimental Medicine (JEM), suggère que surveiller l’activité de ces cellules dans le sang des patients pourrait permettre de prédire la gravité et l’évolution de la maladie.

Alors que la plupart des personnes infectées par le virus du SARS-CoV-2 présentent des symptômes relativement bénins, certains patients développent une réponse inflammatoire anormale associée à des lésions pulmonaires et à un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), pouvant entraîner le décès du patient. Cependant, les cellules immunitaires et les molécules inflammatoires responsables du SDRA associé au Covid-19 restent mal connues des chercheurs.

Les lymphocytes T non conventionnels sont une classe de cellules immunitaires qui participent au contrôle de la réponse à une infection virale et sont fréquemment retrouvées dans les poumons et dans d’autres tissus muqueux de l’organisme. « Néanmoins, le rôle des lymphocytes T non conventionnels dans le processus physiopathologique du SDRA causé par le SARS-CoV-2 n’a pas encore été exploré », souligne Christophe Paget, dernier auteur et chercheur Inserm au Centre d’Etude des Pathologies Respiratoires (Inserm/Université de Tours). 

Avec ses collègues, dont le co-auteur de l’étude Youenn Jouan, Christophe Paget s’est intéressé à 30 patients admis en Médecine Intensive Réanimation au CHRU de Tours, atteints de formes graves de Covid-19. Les chercheurs ont comparé la quantité et le type de cellules immunitaires présentes dans leur sang et leurs voies respiratoires à celles retrouvées chez des volontaires sains ou des patients admis en réanimation pour des raisons autres que le Covid-19. 

Ils ont ainsi découvert que deux populations de lymphocytes T non conventionnels, connues sous le nom de lymphocytes T invariants associés aux muqueuses (MAIT) et de lymphocytes T Natural Killer (iNKT), se retrouvaient en quantité considérablement réduite dans le sang des patients atteints de Covid-19 sévère. A l’inverse, la quantité des MAIT dans les voies respiratoires de ces patients était augmentée, ce qui pourrait suggérer une migration de ces cellules vers les poumons afin de contrôler localement l’infection par le SARS-CoV-2.

Par ailleurs, les MAIT et iNKT des patients atteints de Covid-19 semblaient être fortement activées, produisant de nombreuses molécules inflammatoires. Les chercheurs ont découvert que les patients dont les MAIT et iNKT du sang étaient particulièrement activées au moment de leur admission en réanimation présentaient une meilleure évolution de leur niveau d’hypoxémie (faible taux d’oxygène dans le sang). De plus, ces patients sortaient également plus tôt des soins intensifs, suggérant donc une évolution plus rapide et favorable de leur maladie.

« Ces résultats suggèrent que les cellules MAIT et iNKT pourraient jouer un rôle bénéfique lors d’une Covid-19 grave bien que leurs fonctions précises et les mécanismes associés nécessitent des recherches plus approfondies », explique Youenn Jouan.

« Dans l’ensemble, nos conclusions devraient encourager d’autres études sur les cellules MAIT et iNKT dans les cas de SDRA induits par le SARS-CoV-2 afin d’évaluer leur potentiel en tant que biomarqueurs et/ou cibles pour les stratégies d’intervention immunitaire. Cette piste est intéressante car nous savons déjà manipuler les lymphocytes T non conventionnels dans des modèles expérimentaux. Toutefois, ces perspectives cliniques sont à envisager à plus long terme », ajoute Christophe Paget.

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