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METACARDIS : un projet européen qui décrypte les gènes de la flore intestinale responsables des maladies cardio-métaboliques

Le projet européen METACARDIS (Metagenomics in Cardiometabolic Diseases), coordonné par l’Inserm, vise à étudier le rôle de la flore intestinale dans le développement des maladies cardio-métaboliques. Grâce au soutien de la Commission Européenne, quatorze partenaires de six pays européens s’engagent sur 5 ans à traduire les résultats obtenus en nouvelles méthodes de diagnostic et de traitement de ces pathologies, dans un esprit de médecine personnalisée. Ce projet implique également des chercheurs et cliniciens de l’Institut Hospitalo-Universitaire ICAN.

Le projet METACARDIS a pour but le développement et la mise en place de traitements personnalisés des patients atteints de maladies cardio-métaboliques pour répondre à l’urgence d’une meilleure prise en charge, et diminuer le fardeau socio-économique pour le système de santé. En effet, les maladies cardio-métaboliques – qui regroupent les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques et l’obésité représentent une cause majeure de mortalité et de morbidité dans le monde. Elles sont associées à un coût socio-économique considérable, puisqu’on estime les seuls coûts des maladies cardiovasculaires à plus de 192 milliards d’euros par an pour l’économie européenne (57% dus aux traitements directs, 21% à la perte de productivité et 22% dus à la prise en charge indirecte[1]).

L’objectif de METACARDIS est d’étudier l’impact des changements de la flore intestinale sur l’apparition et la progression des maladies cardio-métaboliques et des pathologies associées. Ces pathologies se manifestent de façon très hétérogène et sont vraisemblablement reliées les unes aux autres par des voies et des dysfonctions initiales communes. Ce constat rend indispensable une connaissance accrue des mécanismes physiopathologiques, la mise en place d’un diagnostic précoce et fin, ainsi que de traitements adaptés à chaque pathologie. C’est-à-dire :

  • Trouver des nouvelles cibles et voies biologiques partagées jouant un rôle dans la progression des maladies cardio-métaboliques.
  • Valider les cibles et bio-marqueurs venant de la flore intestinale.
  • Affiner l’analyse des profils cliniques des patients par un phénotypage moléculaire.
  • Développer de nouveaux systèmes (logiciels) pour l’intégration des données venant de l’environnement et des informations cliniques et biologiques des patients.

METACARDIS représente la première étude systémique pour corréler la flore intestinale et les maladies cardio-métaboliques chez l’homme.

Le projet allie des groupes de chercheurs européens multidisciplinaires et des experts du secteur de la biotechnologie et de l’industrie, qui auront accès à des technologies de pointe pour faire progresser le développement de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques des maladies cardio-métaboliques. Parmi ces équipes, celles de Karine Clément et Dominique Gauguier de l’unité Inserm 872 « Centre de recherche des Cordeliers » et de l’Institut Hospitalo-Universitaire ICAN, de Serge Hercberg de l’unité Inserm 557 « Epidémiologie nutritionnelle »,  d’Hervé Blottière, de Joel Dore et de Dusko Ehrlich de l’INRA.

Les études préliminaires sur lesquelles s’appuie le projet METACARDIS

Ces dernières années, la caractérisation génomique de la flore intestinale, c’est-à-dire l’ensemble du génome bactérien de l’intestin, a ouvert de nouvelles perspectives dans la connaissance fondamentale de possibles voies partagées entre les différentes pathologies que composent les maladies cardio-métaboliques.

Dans le domaine de l’oncologie, des signatures biologiques ont été identifiées comme permettant de prédire les caractéristiques des tumeurs. De même, des travaux ont montré que des modèles d’expression des gènes de la flore intestinale varient dans les différentes affections cardio-métaboliques. Des patients obèses présentant une résistance à l’insuline, un syndrome inflammatoire, une dyslipidémie et/ou et une dérégulation du glucose sont caractérisés par une altération de la diversité et de la composition de la flore microbienne intestinale. Certaines espèces bactériennes de la flore intestinale ont même été trouvées associées à des pathologies vasculaires et coronariennes. Ainsi, des déséquilibres de la flore digestive pourraient contribuer au développement d’affections cardio-métaboliques.

Les patients impliqués dès la fin de l’année 2012

Dés le début du projet – fin 2012 – METACARDIS conduira les premières études sur une cohorte de patients déjà existante (projets MetaHIT et Micro-Obes ; > 200 sujets), laquelle donnera un accès immédiat à de nombreuses données cliniques, médicales et environnementales ainsi qu’à des échantillons biologiques. Ceci permettra d’entreprendre une première recherche sur des biomarqueurs des maladies cardio-métaboliques par approche métabolomique et profilage métagénomique. Une deuxième cohorte de patients avec des maladies cardio-métaboliques à différents stades sera mise en place au cours du projet dans 3 pays (France, Danemark, Allemagne) (fin du recrutement prévu mi-2015). Plus de 2000 patients dont près de la moitié, sera collectée dans le pôle cœur et métabolisme de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière.

Des informations sur le style de vie (nutrition, activité physique et des facteurs psychosociaux) seront intégrées aux données cliniques et biologiques des patients pour évaluer leur influence sur la flore intestinale et la progression des maladies associées. Ces données seront combinées avec des études interventionnelles reconnues pour diminuer les risques des maladies cardio-métaboliques.

Pour en savoir plus


[1] Leal J. et al, 2012, Economic Costs In: European Cardiovascular Disease Statistics

L’action du vaccin, dépendante de son mode d’administration : nouvelles pistes

L’équipe de Béhazine Combadière, Directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité mixte de recherche 945 « Immunité et infection » (Inserm-Université Pierre et Marie Curie) à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, vient de montrer que la réponse immunitaire après vaccination par la voie intradermique déclenche la prolifération de cellules de l’immunité et la maturation de celles-ci dans un site jusque-là considéré comme un site de stockage des cellules « mémoires » de l’immunité : la moelle osseuse. 

Ces travaux sont publiés dans la revue Immunity datée de ce jour. 

La vaccination est le moyen le plus efficace et le moins couteux de protéger contre les maladies infectieuses et permet de sauver 2 à 3 millions de vies chaque année dans le monde.

Néanmoins, les experts discutent l’efficacité des vaccins et tente le développement de nouvelles stratégies contre le VIH, les hépatites, la dengue, les virus de l’influenza. Aujourd’hui les voies d’administration des vaccins et leur efficacité deviennent un sujet de recherche important dans la vaccination. En utilisant un candidat vaccin recombinant VIH, MVA-Gag HIV (Modified-Ankara Virus), Behazine Combadière et son équipe ont montré que suite à l’injection du vaccin dans le derme (intradermique), un infiltrat inflammatoire de cellules neutrophiles est détecté dans l’heure qui suit (Abadie et al. Plos One 2009). Ces cellules neutrophiles transportent l’antigène jusqu’au ganglion par les voies lymphatiques mais aussi, via la circulation sanguine, vers un site inattendu : la moelle osseuse.

Prise en charge des Antigènes vaccinaux par les neutrophiles dans la peau

©Inserm/B. Combadière

Microscopie à fluorescence sur coupe immunohistologique de peau (noyaux des cellules cutanées marqués en bleu) montrant l’infiltrat de neutrophiles (en rose) dans le derme après injection intradermique de vaccin (en vert). Montage d’images de microscopie confocale montrant les neutrophiles (en rose) ayant prise en charge l’angtigène vaccinal (en vert).

Le transport de l’antigène vaccinal vers ce site est dépendant du récepteur de chimiokine CCR1.
Alors que la moelle osseuse est plutôt considérée comme un organe où le pool de cellules mémoires se localise, les chercheurs de l’Inserm ont observé pour la première fois dans la moelle osseuse l’initiation de la prolifération de cellules CD8 naïves en cellules effectrices. L’équipe de recherche a montré que la présentation de l’antigène dans la moelle se fait par les cellules de type myéloïde aux cellules T CD8 naïves. La formation de ce nouveau pool de cellules CD8 s’effectue simultanément à la formation de cellules effectrices dans les ganglions. Or, l’analyse d’expression des gènes est significativement différente des cellules CD8 spécifiques du MVA ganglionnaires. Des analyses utilisant d’autres techniques de biologie moléculaire ont montré que ce pool de cellules CD8 initiant leur division cellulaire dans le microenvironnement de la moelle est probablement destiné à constituer la mémoire immunitaire CD8 indépendamment du pool ganglionnaire.

Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du programme européen FP7 CUT’HIVAC (Cutaneous HIV vaccination) pour le développement des voies d’administration de vaccin VIH. Ils apportent des éléments nouveaux importants pour le choix des stratégies vaccinales par la peau.

L’inflammation « naturellement » induite lors de l’injection intradermique (à la différence d’injection sous-cutanée ou intramusculaire) provoque l’activation d’une nouvelle source de cellules CD8 effectrices/mémoires dans la moelle osseuses, différentes en qualité des cellules CD8 ganglionnaires spécifiques de l’antigène. Ainsi, le développement d’adjuvants permettant de cibler le recrutement de cellules inflammatoires, de vaccins atténués induisant cette inflammation locale ainsi que la vaccination intradermique sont autant de pistes de recherche dans l’induction d’une réponse immunitaire et une mémoire pouvant protéger à long terme.

Darragh Duffy a reçu un soutien sous forme de bourse post-doctorale de la part de l’ANRS

Optimiser les soins intensifs aux prématurés : une démarche collaborative européenne

« Des soins intensifs périnatals efficaces en Europe : traduire les connaissances en pratiques fondées sur les preuves » tel est le thème réunissant les 12 institutions partenaires d’EPICE – Effective Perinatal Intensive Care in Europe – projet européen financé par le 7ème Programme-Cadre « Santé » et coordonné par l’Inserm. Ce rendez-vous organisé à Paris, la semaine prochaine, sera l’occasion de la présentation de l’étude de cohorte de plus de 8 000 nourrissons prématurés. Retour sur les premiers résultats issus de ce projet démarré en 2011.

Vers des changements de pratiques dans les unités de néonatalogie

Le projet EPICE, démarré il y a 18 mois, vise à recueillir des données issues de 19 régions européennes (en orange sur la carte) et à analyser les facteurs qui favorisent l’utilisation de pratiques médicales fondées sur les preuves scientifiques pour la prise en charge des grands prématurés.

©EPICE

 « La nécessité de mettre en place un projet de recherche européen est née du constat que les taux de mortalité et de morbidité chez les grands prématurés varient d’un facteur supérieur à deux selon les régions européennes » explique Jennifer Zeitlin, coordinatrice du projet EPICE et chargée de recherche à l’Inserm (Unité 953 « Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants »).

Les enfants grands prématurés nés avant 32 semaines d’âge gestationnel (8ème mois de grossesse) représentent 1 à 2% de la totalité des naissances. Ces enfants ont un risque plus élevé de mortalité et de troubles neurologiques à long terme que les enfants nés à terme.

Le projet EPICE a donc pour objectif d’améliorer la survie et la santé à long terme des grands prématurés en s’assurant que les connaissances médicales soient traduites en soins périnatals efficaces. Le projet EPICE cherche à aller au-delà des connaissances actuelles en fournissant des stratégies d’intervention pour obtenir un changement des pratiques médicales qui sont fondées sur les preuves dans la prise en charge des grands prématurés.

Il en découlera également une base méthodologique et conceptuelle pour les futurs travaux scientifiques sur l’efficacité des stratégies d’intervention.

Un mode opératoire utilisant la médecine fondée sur les preuves

Promouvoir l’utilisation des recommandations cliniques fondées sur les preuves est une approche prometteuse et efficace pour améliorer la qualité des soins. Les chercheurs du projet EPICE étudient un large éventail d’interventions afin de mesurer leur utilisation et les facteurs favorisant leur diffusion dans la pratique clinique courante.

« Le but est d’apprendre de l’expérience des unités néonatales les plus performantes d’Europe et d’utiliser ces connaissances pour améliorer les soins offerts aux grands prématurés »

explique Jennifer Zeitlin.

19 interventions médicales pertinentes ont été choisies en fonction de leur importance clinique, de la solidité des preuves, de la faisabilité de la collecte de données. Les interventions étudiées concernent par exemple :

– l’utilisation des corticostéroïdes prénatals pour la maturation des poumons avant un accouchement très prématuré,

– le transfert des femmes enceintes dans des centres spécialisés incluant une réanimation néonatale (maternités de niveau 3) avant l’accouchement,

– la limitation du recours aux corticostéroïdes postnatals.

– la promotion de l’allaitement.

Depuis mars 2011, deux études épidémiologiques sont menées en parallèle : la première est la création d’une cohorte de plus de 8 000 nourrissons grands prématurés (entre 180 et 1500 inclusions par pays) et la seconde recense les protocoles et l’organisation des soins dans les maternités et les unités de néonatologie qui prennent en charge ces mêmes enfants.

– La cohorte fournira des données sur la prise en charge des enfants grands prématurés et les pathologies qu’ils ont présentées, de la naissance à la sortie de l’hôpital. Ce recueil sera complété par des informations sur leur santé et leur développement à 2 ans, recueillies auprès des familles par questionnaire.

– Les questionnaires auprès des équipes médicales dans 261 maternités et unités néonatales recueillent des données sur les caractéristiques des unités, leur organisation et les politiques d’utilisation de certaines interventions et procédures.

L’équipe multidisciplinaire du projet apporte à la fois une expertise en obstétrique, en médicine néonatale, en épidémiologie et en recherche sur les services de santé. Ainsi, le projet renforce la coopération et l’excellence en Europe en rassemblant des initiatives de recherche nationales.

En quoi la médecine fondée sur les preuves est-elle nécessaire ?

La médecine fondée sur les preuves (« evidence-based medicine ») améliore la qualité des soins. Elle est définie en fonction de la robustesse des preuves vis-à-vis des bienfaits d’une pratique, de ses avantages et des éventuels risques des traitements. Elle permet aux professionnels de santé de choisir des traitements et des pratiques ayant fait preuve de leur efficacité clinique.

* Pour en savoir plus

EPICE www.epiceproject.eu 

Des soins intensifs périnatals efficaces en Europe : traduire les connaissances en médecine fondée sur les preuves

Le projet EPICE est consacré aux pratiques médicales apportées aux grands prématurés nés avant 32 semaines de gestation, dans onze pays européens. Le but du projet est d’évaluer les pratiques et d’en tirer des améliorations de soins, car ces enfants courent un plus grand risque de mortalité et de troubles neurologiques à long terme que les enfants nés à terme.

EPICE a démarré en 2011 et est soutenu par l’Union Européenne (PC7) pendant 5 ans. Il est coordonné par l’Inserm, comme 27 autres projets « santé » européens. Le projet implique 12 partenaires et 6 partenaires associés, basés dans 11 pays européens :

Les 12 partenaires :

Inserm (coordinateur), France
SPE, Belgique
Hvidore Hospital, Danemark
Universitas Tartuensis, Estonie
Philipps Universität Marburg, Allemagne
Bambino Gesu Ospedale Pediatrico, Italie
Laziosanita Agenzia Di Sanita Pubblica, Italie
Radboud University Nijmegen Medical Centre, Pays Bas
Poznan University of Medical Sciences, Pologne
U.Porto, Portugal
University of Leicester, Royaume-Uni
Karolinska Institutet, Suède

EPICE en France

Le projet EPICE en France fait partie de l’étude nationale EPIPAGE 2 (étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels) qui constitue une cohorte des enfants grands prématurés mise en place en 2011 dans les 22 régions de France métropolitaine et les DOM. L’étude permettra de suivre plus de 4 000 enfants prématurés jusqu’à l’âge de 11-12 ans. Trois régions françaises, l’Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais et la Bourgogne, participent à l’EPICE.

Ce projet est mené par l’unité Inserm 953 (« Recherche épidémiologique en santé périnatale et dans té des femmes et des enfants ») en collaboration avec l’équipe 2, de l’UMRS 1027, dirigée par le Dr Catherine Arnaud (Epidémiologie périnatale, handicap de l’enfant et santé des adolescents),  et les équipes cliniques et de recherche des régions participantes.

Pour plus d’information sur cette étude : www.epipage2.inserm.fr (investigateur principal : Pierre-Yves Ancel, Inserm U953)

Inserm 

Créé en 1964, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la Santé.

Ses chercheurs ont pour vocation l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares, à travers leurs travaux de recherches biologiques, médicales et en santé des populations.

Avec un budget 2011 de 905 M€, l’Inserm soutient quelque 300 laboratoires répartis sur le territoire français. L’ensemble des équipes regroupe près de 13 000 chercheurs, ingénieurs, techniciens, gestionnaires…

L’Inserm est membre de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, fondée en avril 2009 avec le CNRS, le CEA, l’Inra, l’Inria, l’IRD, l’Institut Pasteur, la Conférence des Présidents d’Université (CPU) et la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires. Cette alliance s’inscrit dans la politique de réforme du système de recherche visant à mieux coordonner le rôle des différents acteurs et à renforcer la position de la recherche française dans ce secteur par une programmation concertée.

L’Inserm est le premier porteur de projets européens « Santé » avec 28 projets coordonnés par l’institut dans le cadre PC7.

Stress au travail et infarctus : un lien confirmé

Les dernières études sur lien entre la survenue d’accidents cardiovasculaires ischémiques et le stress au travail ont été confrontées à de nombreux biais (méthodologie employée, définition du « stress » au travail et nombre de cas étudiés) modifiant la valeur du risque obtenu. Pour en savoir plus, des chercheurs français de l’Inserm et de l’université Versailles Saint Quentin participent à un grand consortium européen appelé IPD-WORK Consortium, regroupant treize cohortes en population en Europe. Aujourd’hui, les chercheurs confirment, par une analyse à grande échelle sur près de 200 000 individus en Europe, l’association entre le stress au travail et la survenue d’accidents cardiovasculaires. Les personnes exposées au stress auraient un risque de 23% plus élevé que celles qui n’y sont pas exposées de faire un infarctus.

Les résultats publiés dans The Lancet  le 14 septembre 2012.

Ces dernières années, le rôle d’une série de facteurs psychologiques (la personnalité, la cognition, le stress) a été étudié dans la survenue de maladies cardiovasculaires. Le stress psychologique a été le facteur plus examiné, en particulier le stress au travail, combinaison d’une forte demande de travail avec peu de marges de manœuvre. Des études précédentes ont mis en exergue une association entre le stress au travail et un risque de survenue d’évènements coronariens multiplié par deux. D’autres travaux suggèrent un risque bien plus modeste. Pour améliorer les connaissances sur le sujet, le consortium européen IPD-WORK (Individual-Participant-Data Meta-analysis in Working Populations) a été initié en 2008.

13 cohortes à l’étude, près de 200 000 participants

Le consortium regroupe treize cohortes européennes, dont la cohorte française GAZEL constituée de près de 20 000 agents d’EDF-GDF suivie depuis 1989. Des chercheurs de l’Inserm, Marcel Goldberg, Archana Singh Manoux et Marie Zins de l’unité Inserm 1018  » Centre de recherche en épidémiologie et sante des populations » et de l’université Versailles Saint Quentin, ont contribué à la plus large analyse jamais conduite sur l’association entre le stress au travail et la survenue d’événements coronariens.

La particularité de cette grande analyse est qu’elle regroupe les données individuelles de 197 473 participants inclus dans les cohortes européennes, permettant aux chercheurs de mieux cerner l’association étudiée sur un grand nombre de cas.

Les cohortes étudiées, initiées de 1985 à 2006, sont celles de 7 pays: Belgique, Danemark, Finlande, France, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse.

La moyenne d’âge des participants est de 42.3 ans et la population étudiée présente autant de femmes que d’hommes. Le stress au travail a été évalué par des questionnaires portant sur les aspects psychosociaux liés au travail. Il s’agit par exemple d’analyser la demande, l’excès de travail des individus, les demandes conflictuelles auxquelles ils sont confrontés, le temps restreint pour accomplir les tâches qui leur sont confiées.

La proportion d’individus exposés au stress au travail variait entre 12.5% et 22.3% selon les précédentes études. Sur cette grande population, elle représente 15.3%.

En parallèle, sur les 200 000 individus, les chercheurs ont recensé 2358 événements coronariens, sur une période de 7 ans de suivi en moyenne.

Prévenir le stress au travail, un facteur non négligeable

En harmonisant les données,

« les résultats obtenus à partir des 13 cohortes européennes, révèlent que les individus exposés au stress au travail ont un risque de 23% plus élevé que ceux qui n’y sont pas exposés de faire un infarctus« 

, explique Marcel Goldberg, chercheur à l’Inserm et professeur à l’Université de Versailles Saint Quentin.

Quand on prend en compte des modes de vie, l’âge, le sexe, le statut socioéconomique et la répartition géographique des participants, les résultats sont pratiquement inchangés.

Si l’on étudie la population globale (stressée et non stressée), les chercheurs considèrent que le stress au travail est associé à une augmentation du risque relativement modeste de faire un infarctus, mais qui n’est pas négligeable : « Dans notre étude, 3.4% des infarctus recensés parmi les 200 000 individus sont attribuables au stress au travail. Sur les 100 à 120 000 infarctus survenant en France chaque année, cela correspondrait tout de même à environ 3 400 à 4 000 accidents imputables à ce facteur de risque », souligne Marcel Goldberg.

L’équipe de recherche européenne suggère de renforcer la prévention du stress au travail pour réduire ce risque existant. De telles mesures préventives pourraient avoir également un impact positif sur d’autres facteurs de risque, tels que le tabac et l’alcool dont la consommation est partiellement liée au stress selon des études récentes réalisées par ce même consortium.

Les bases neurobiologiques de l’anxiété

Une journée scientifique intitulée « Neurobiological basis of Anxiety disorders » réunit lundi 18 juin à Paris les scientifiques des 6 organismes partenaires de DEVANX [1], projet européen coordonné par l’Inserm, démarré en 2008. L’occasion de faire un point sur l’état des connaissances acquises sur les bases neurobiologiques de l’anxiété.

La connaissance des circuits cérébraux et les molécules-clés impliqués dans les manifestations de l’anxiété a fait de grand progrès depuis quelques années. L’utilisation de modèles animaux a beaucoup contribué à cette compréhension. Chez la souris, il est ainsi possible d’observer les changements comportementaux  qui interviennent dans les situations de conflit émotionnel, par exemple comment l’animal va choisir entre l’exploration d’un espace neuf (curiosité) et le repli sur soi (peur). L’étude de l’animal dans une situation de peur apprise a aussi été bien décrite : comment l’animal va apprendre à associer un environnement neutre avec un danger potentiel.

La sérotonine et le GABA sont les 2 principales molécules « messagères » entre les neurones (« neurotransmetteurs »)  qui sont impliquées dans les états anxieux. Ce sont de fait les cibles communes des médicaments « anxiolytiques ».

Mais le rôle exact de ces molécules, leurs interactions avec l’environnement sont encore à préciser. L’apport de la génétique et les nouvelles données concernant la plasticité du cerveau doivent s’intégrer à la compréhension chaque jour plus fine des mécanismes en jeu. Patricia Gaspar et Laurence Lanfumey, directrices de recherche Inserm – coordinatrices du projet DEVANX – et leurs collègues, ont cherché à aborder l’étude des bases neurobiologique de l’anxiété sous divers angles.

1.   LES ASPECTS PHARMACOLOGIQUES

Les récepteurs GABAb, présents sur les neurones, sont des cibles de nouvelles molécules dont le mode d’action est complètement différent des anxiolytiques classiques (benzodiazépines) qui, quant à eux, agissent sur les récepteurs GABAa. La connaissance de la structure et de la fonction des récepteurs GABAb, ainsi que leurs interactions avec le système sérotoninergique permet de proposer des nouvelles cibles thérapeutiques.

En particulier l’équipe de Benny Bettler, membre du consortium DEVANX localisé en Suisse, a montré que les récepteurs GABAb sont des hétérodimères (assemblage de 2 sous unités différentes de récepteurs) qui possèdent des protéines partenaires pouvant modifier leurs propriétés de couplage. Les propriétés pharmacologiques des récepteurs GABAb varient en fonction de l’organisation des protéines partenaires. D’un point de vue thérapeutique, la modulation positive de ces récepteurs représente une possible stratégie pour le développement de nouveaux anxiolytiques. John Cryan, partenaire du consortium DEVANX en Irlande, a montré que le blocage des récepteurs GABAb induit en effet la diminution d’un comportement dépressif. Dans ce cadre, l’équipe de Laurence Lanfumey à Paris a étudié le lien entre les récepteurs GABAb et le système sérotoninergique.

Sous unités du récepteur GABAB : GABAB1a, GABAB1b et GABAB2.

© Gassmann et Bettler, 2012

Ces sous unités sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplées aux protéines G via la sous unité GABAB2 .Les sous unités GABAB1a et GABAB1b diffèrent entre elles par la présence de deux domaines terminaux (sushi-domain) sur la sous unitéGABAB1a.

2.   LE RÔLE DE LA SÉROTONINE

Chez les personnes souffrant de dépression, d’attaques de panique, d’anxiété, ou de phobies, un traitement permettant d’augmenter le niveau de sérotonine réduit ces pathologies.

Cependant, peu de données étaient disponibles sur la cause initiale de ce manque de sérotonine, déclencheur de ces troubles. C’est pourquoi différents modèles animaux sont nécessaires aux chercheurs pour découvrir et analyser les différentes situations d’un cerveau « pauvre » en sérotonine.

La sérotonine est impliquée dans de nombreux rôles physiologiques : rythmes veille-sommeil, impulsivité, appétit, douleur, comportement sexuel, et anxiété. Son action est médiée par près d’une quinzaine de  sous-types de récepteurs différents.

Le système sérotoninergique est en fait multiple : il est présent dans le système nerveux central (dans les  noyaux du raphé dans le cerveau) et périphérique (dans les cellules entérochromaffines du tube digestif).

La « spécialisation » de neurones en « neurones à sérotonine » est contrôlée par différents facteurs moléculaires, selon leur localisation, et ne se fait pas aux mêmes moments du développement.

Une des études réalisées par les spécialistes de la génétique au sein du projet DEVANX a consisté à cibler de manière conditionnelle la production de sérotonine à un temps donné, dans une localisation choisie. L’équipe de Dusan Bartsch, partenaire DEVANX localisé à Mannheim, a par exemple produit des modèles de souris génétiquement modifiées qui permettent de diminuer la sérotonine à différents temps de la vie, en créant des modèles dits inductibles (l’extinction d’un gène peut être induite par l’administration d’une drogue). L’équipe de Patricia Gaspar à Paris a caractérisé des mutations dans lesquelles seule une partie des neurones sérotoninergiques est atteinte (mutation d’un facteur de transcription pet1). Chez ces souris, l’équipe a observé que l’anxiété spontanée était diminuée, mais leur conditionnement à la peur accru. Ainsi, le défaut de sérotonine centrale pourrait contribuer à associer plus facilement une réaction de panique avec des situations neutres.

3.   LES AUTRES CIRCUITS EN JEU : CIRCUITS DE LA PEUR

Les connexions avec des travaux sur la peur et les derniers enseignements d’un point de vue neurocomportemental permettent de croiser les approches.

Il apparaît de plus en plus que ce sont des circuits neuronaux normaux de réaction à l’environnement qui sont détournés ou amplifiés de manière pathologique dans l’anxiété. Dès lors, il est très important de comprendre et d’analyser le fonctionnement de ces circuits chez les animaux « en situation ». A terme, l’objectif consiste à trouver les moyens de « déconditionner » certains circuits cérébraux anormalement ou excessivement activés.

Les nouvelles approches de la physiologie sur l’animal vigile et de pharmacogénétique ont permis des avancées dans ce domaine. Par exemple le laboratoire d’Agnés Gruart à Séville, une des équipes partenaires de DEVANX, a enregistré différents neurones des circuits hippocampiques dans des situations d’apprentissage de la peur et ont observé l’effet de la modification du message médié par le GABAb et la sérotonine. Le laboratoire de Cornelius Gross à l’EMBL de Rome, a montré que l’on pouvait utiliser des récepteurs sérotoninergiques (5-HT1A) exprimés dans différentes régions cérébrales pour abolir transitoirement l’activité des circuits neuronaux très spécifiques. Ceci lui a permis de préciser les circuits hippocampiques et amygdaliens impliqués dans le phénomène de généralisation de la peur.

 

 

La recherche dans le domaine de l’anxiété, comme dans de nombreux domaines des Neurosciences, met à profit des approches intégrées, qui nécessitent des expertises multiples. Les études moléculaires doivent à présent impérativement s’intégrer dans le contexte de l’animal entier qui exprime des comportements les plus proches possibles de situations physiologiques, tout en étant rigoureusement contrôlées sur le plan expérimental. Les outils génétiques donnent une puissance inégalée pour rechercher la fonction d’une molécule déterminée ou d’un assemblage moléculaire dans un circuit donné et dans une fenêtre temporelle précise. Ce type d’approche est appelé à se développer dans les années à venir avec des outils qui permettront d’activer ou de rendre silencieux certains circuits neuronaux sélectionnés.

La résolution, pas à pas, de ces processus élémentaires imbriqués, devrait permettre d‘expliquer les mécanismes sous-tendant l’anxiété pathologique.


[1] DEVANX: “Serotonin and GABA-B receptors in anxiety : From developmental risk factors to treatment”, projet soutenu par la Commission Européenne, démarré en 2008, dont les partenaires sont l’Inserm (coordinateur), University College Cork, Irlande, European Molecular Biology Laboratory, Italie/Allemagne, Central Institute of Mental Health, Mannheim, Allemagne, Universitaet Basel, Suisse, Universidad Pablo de Olavide, Espagne

Pourquoi l’organisme réagit-il différemment, selon les individus, à un régime riche en graisse ?

Une alimentation riche en graisse déséquilibre notre flore intestinale. La composition de cette flore conditionnerait la façon dont l’organisme développe certaines pathologies métaboliques comme le diabète, en dehors de toute modification génétique, du sexe, de l’âge et d’un régime alimentaire particulier. C’est ce que viennent de montrer Rémy Burcelin et Matteo Serino, chercheurs dans l’unité Inserm 1048 « Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) », Université Toulouse III – Paul Sabatier. Des additifs nutritionnels (les gluco-oligosaccharides, fibres alimentaires) visant le microbiote intestinal pourraient empêcher le développement de troubles du métabolisme. Ces résultats sont publiés dans la revue Gut d’Avril 2012.

La flore intestinale ou microbiote intestinal constitue l’ensemble des bactéries vivant dans notre tube digestif. Elle regroupe environ mille espèces bactériennes différentes se nourrissant en partie de ce que nous ingérons. Chaque individu est doté d’une flore intestinale spécifique et d’un métabolisme qui diffère suivant le régime alimentaire suivi. Des études précédentes ont montré, chez la souris, qu’une alimentation riche en graisse est capable de déséquilibrer la flore intestinale, entrainant ainsi des maladies métaboliques telles que le diabète ou l’obésité.

L’équipe de Rémy Burcelin (Unité Inserm 1048, Université Toulouse III – Paul Sabatier) a étudié l’action d’une alimentation grasse (Alimentation diabétogène et non obésitogène), sur la flore intestinale, pendant trois mois, chez des souris mâles du même âge ayant toutes le même fond génétique. La plupart d’entre-elles sont devenues diabétiques en restant maigres mais quelques-unes, toujours maigres, sont restées non-diabétiques. Pour confirmer l’hypothèse selon laquelle la flore intestinale est impliquée dans la façon dont l’organisme réagit face à un régime alimentaire riche en gras, l’équipe de recherche s’est penchée sur le profil microbien de différents types de souris (maigre-diabétique et maigre non diabétique, indiquant deux phénotypes). Ils ont montré que les bactéries de la flore intestinale n’étaient pas présentes en même quantité chez les souris, selon qu’elles étaient diabétiques ou non. Les souris maigres diabétiques sont caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Bacteroidetes » à la différence des souris maigres non diabétiques, caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Firmicutes ».

La flore intestinale est-elle la cause ou la conséquence
des maladies métaboliques ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Rémy Burcelin a modifié directement la flore intestinale d’un groupe de souris en ajoutant des fibres alimentaires, des gluco-oligosaccharides, à leur régime en haute teneur en graisse. « La plupart des caractéristiques physiologiques ont été modulées par l’ajout de ces fibres. Le métabolisme des souris traitées avec ces fibres est proche de celui des souris maigres et non diabétiques. Cependant, la flore intestinale des souris traitées par les fibres est devenue très différente par rapport à celle des autres phénotypes observés » précise Matteo Serino.

L’équipe de Rémy Burcelin conclut que « la flore intestinale pourrait orienter le métabolisme vers un état diabétique ou non suivant son profil. Si on ne peut pas comparer la flore bactérienne d’une souris à celle d’un homme (2% seulement de superposition), certains mécanismes inflammatoires liés à certaines bactéries, comme le Faecalibacterium prausnitzii, semblent être les mêmes. » Selon les chercheursles bactéries présentent dans la flore intestinale pourraient prédire la survenue du diabète. « Il est possible qu’une supplémentation en fibre, ciblant la flore intestinale, empêche l’apparition de maladies métaboliques (comme le diabète) même en cas de régime riche en graisse », ajoute Matteo Serino.

Ce projet a été subventionné en partie par le programme de recherche « Florinflam » financé par l’ANR ainsi que par le programme de recherche FLORINASH financé par le 7ème programme de la Commission européenne.
FLORINASH (Prevention and treatment of non-alcoholic fatty liver disease) est un projet coordonné par l’Inserm sous la direction de Rémy Burcelin, directeur de recherche Inserm et qui regroupe 6 partenaires dans 4 pays d’Europe.

Un combat européen contre les maladies neurodégénératives

Lancement, le 13 mai 2011, de la première initiative de financement de la Programmation conjointe européenne sur les biomarqueurs

Au cours de la 8ème réunion du comité de pilotage de la Programmation conjointe européenne sur les maladies neurodégénératives (JPND) qui s’est tenue à Istanbul en Turquie, le Professeur Philippe Amouyel, directeur de l’unité Inserm 744 et Président du JPND, a annoncé le lancement de la première action majeure du JPND : un appel à projets multinational pour soutenir l’optimisation des biomarqueurs utilisés dans les maladies neurodégénératives et harmoniser leur utilisation en Europe. Cette annonce offre aux chercheurs travaillant dans le domaine des maladies dégénératives une nouvelle occasion d’améliorer, à un niveau sans précédent, la coordination européenne au coeur de la lutte contre ces maladies, en particulier la maladie d’Alzheimer et de Parkinson.

Cette collaboration mettra plus de 14 millions d’euros à disposition des chercheurs de 20 pays dont la France. « Ces financements seront gérés de façon coordonnée comme un seul et unique fonds. Ils seront répartis par les agences de moyens de chaque pays, comme l’ANR en France, qui financent une recherche collaborative internationale d’excellence » explique Philippe Amouyel.

D’un point de vue de la recherche, cette première action permettra aux chercheurs d’utiliser de précieux outils, des biomarqueurs optimisés, pour accélérer la lutte contre les maladies neurodégénératives. Pour le Professeur Thomas Gasser de l’Université de Tübingen et président du conseil scientifique du JPND, « la disponibilité de biomarqueurs à la fois sensibles et spécifiques pour le diagnostic et le suivi de ces maladies, suffisamment robustes pour être utilisés dans de vastes essais cliniques, est un des objectifs qu’il reste à atteindre dans de ce domaine ».

L’appel à projet concerne les maladies neurodégénératives suivantes :

  • La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées
  • la maladie de Parkinson et les désordres apparentés
  • les maladies à Prions
  • la sclérose latérale amyotrophique
  • la maladie de Huntington
  • l’ataxie spino-cérébelleuse
  • l’atrophie musculaire spinale

Pour plus d’information sur l’appel à projets et les pays participants

La programmation conjointe sur les maladies neurodégénératives (JPND)
La programmation conjointe est une initiative collaborative, menée par les Etats européens eux-mêmes, qui apporte un nouveau niveau de coordination parmi ces pays. La programmation conjointe permet de mettre en commun de manière plus efficace les recherches et leurs financements dans la lutte contre les enjeux sociétaux qui dépassent le champ d’application de chaque pays pris de manière isolée.
Les maladies neurodégénératives, et plus particulièrement la maladie d’Alzheimer, ont été choisies par l’Europe comme premier domaine pour lequel la programmation conjointe sera appliquée.
Cette programmation permet ainsi à des pays européens, qui partagent un même objectif de recherche, de préparer un agenda stratégique commun et de l’appliquer selon leurs propres priorités, dans un processus de sélection « à la carte ».

Identification de cinq nouveaux facteurs de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer

Avec l’augmentation de la longévité des populations humaines, le nombre de patients atteints de maladie d’Alzheimer tend à augmenter en France et dans le monde. Première cause de troubles de la mémoire et des fonctions intellectuelles chez la personne âgée, cette affection constitue donc un enjeu majeur de santé publique. Pour lutter plus vite et plus efficacement contre cette maladie, les chercheurs européens unissent leurs forces. Ainsi, un consortium de 108 laboratoires européens animé par une équipe française (UMR 744 Inserm-Lille2-Institut Pasteur de Lille « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement ») et une équipe britannique (centre de neuropsychiatrie génétique et de génomique, Université de Cardiff) viennent d’identifier cinq nouveaux facteurs de prédisposition génétique impliqués dans le développement de la maladie.

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© Fotolia

Ces recherches ont été menées par l’Inserm en collaboration étroite avec le CEA (Centre national de génotypage, CEA-IG-CNG), la Fondation Jean Dausset-CEPH, et un consortium européen regroupant 25 équipes. Ces découvertes ont été obtenues grâce au soutien de la Fondation Plan Alzheimer, qui coordonne le volet recherche du Plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, lancé en février 2008.

Les travaux de ces équipes françaises et anglaises avaient permis en septembre 2009 de découvrir trois nouveaux facteurs de susceptibilité génétique à la maladie d’Alzheimer (CLU, CR1, PICALM) en plus de l’allèle ε4 du gène codant pour l’apolipoprotéine E (APOE) connus depuis plus de 15 ans.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé les génomes de 59 176 individus dont 19 870 étaient atteints de la maladie d’Alzheimer et ont ainsi découvert cinq nouveaux gènes de prédisposition : ABCA7, MS4A, EPHA1, CD2AP et CD33. Ils ont également confirmé l’importance du gène BIN1. Ces résultats sont publiés dans la version en ligne de la revue Nature Genetics, du 3 avril 2011.

Ces résultats ont deux intérêts majeurs. Tout d’abord, l’identification de nouveaux gènes associés à la maladie d’Alzheimer va permettre d’élargir le nombre des hypothèses de recherche sur les causes de cette affection. Cette étape est essentielle pour pouvoir identifier de nouvelles pistes de traitements curatifs dans la mesure où les médicaments actuels n’ont que des effets symptomatiques. Par ailleurs, les gènes ainsi identifiés vont aider à mieux cerner le terrain individuel favorisant la survenue de la maladie d’Alzheimer et seront une aide précieuse lorsque des traitements préventifs seront disponibles. La connaissance de ces gènes aidera les chercheurs du monde entier à mieux appréhender les événements conduisant à la destruction des cellules nerveuses et à la perte des fonctions intellectuelles qui caractérisent cette affection.

Dans le même numéro de Nature Genetics, un consortium américain animé par l’Université de Pennsylvanie a également identifié quatre de ces gènes dans une population comparant plus de 11 000 patients et un nombre équivalent de sujets sains. L’ensemble des chercheurs européens et américains ayant contribué à ces découvertes se sont réunis pour la première fois à Paris en Novembre 2010 pour créer le consortium mondial IGAP (International Genomics Alzheimer Project) soutenu par la Fondation Plan Alzheimer en France et l’Alzheimer’s Association aux Etats-Unis. « Cette initiative unique au monde va permettre d’accélérer la lutte contre la maladie, et témoigne de l’importance de ces études collaboratives internationales pour aborder la complexité d’une telle affection », indique Philippe Amouyel, son coordinateur pour la France et le consortium international.

La maladie d’Alzheimer est l’une des principales causes de dépendance de la personne âgée. Elle résulte d’une dégradation des neurones dans différentes régions du cerveau. Elle se manifeste par une altération croissante de la mémoire, des fonctions cognitives ainsi que par des troubles du comportement conduisant à une perte progressive d’autonomie. En France, la maladie d’Alzheimer touche plus de 850 000 personnes et représente un coût social et économique majeur.
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par le développement dans le cerveau de deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l’accumulation extracellulaire d’un peptide, le peptide β amyloïde (Aβ), dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions intraneuronales provenant de l’agrégation anormale, sous forme de filaments, d’une protéine appelée protéine Tau.
L’identification des gènes qui participent à la survenue de la maladie d’Alzheimer et à son évolution permettra d’aborder plus rapidement les mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette affection, d’identifier des protéines et des voies métaboliques cibles de nouveaux traitements et d’offrir des moyens d’identifier les sujets les plus à risque lorsque des traitements préventifs efficaces seront disponibles.
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