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Nouvelle découverte sur la stabilisation de nos souvenirs pendant le sommeil

Des scientifiques du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Collège de France/Inserm)1 ont démontré que les ondes delta émises pendant notre sommeil ne sont pas des périodes de silence généralisé durant lesquelles le cortex se repose, comme cela est décrit depuis des décennies dans la littérature scientifique. Au contraire, elles permettent d’isoler des assemblées de neurones jouant un rôle essentiel lors de la formation des souvenirs à long terme. Ces résultats sont publiés le 18 octobre 2019 dans la revue Science.

Pendant le sommeil, l’hippocampe se réactive spontanément en générant une activité semblable à celle de l’éveil. Il transmet alors des informations au cortex qui réagit en conséquence. Cet échange est souvent suivi par une période de silence appelée « onde delta » puis d’une activité rythmique appelée « fuseau de sommeil ». C’est à ce moment que les circuits corticaux se réorganisent pour former des souvenirs stables. Cependant, le rôle des ondes delta dans la formation de nouveaux souvenirs reste une énigme : pourquoi une période de silence vient-elle interrompre l’enchaînement entre les échanges d’information hippocampo-corticaux et la réorganisation fonctionnelle du cortex ?

La chercheuse et le chercheur co-auteurs de cet article ont regardé de plus près ce qui se passe au cours des ondes delta elles-mêmes. Ils ont découvert, avec surprise, que le cortex n’est pas tout à fait silencieux mais que quelques neurones restent actifs et s’organisent en assemblées, c’est-à-dire en de petits ensembles coactifs codant des informations. Cette observation inattendue suggère que les quelques neurones qui s’activent alors que tous les autres se taisent peuvent ainsi effectuer des calculs importants à l’abri de possibles perturbations. Et les découvertes de cette étude vont encore plus loin ! En effet, les réactivations spontanées de l’hippocampe déterminent quels neurones corticaux restent actifs pendant les ondes delta et révèlent ainsi la transmission d’informations entre les deux structures cérébrales. En outre, les assemblées activées pendant les ondes delta sont constituées de neurones qui ont été fortement sollicités lors de l’apprentissage d’une tâche de mémoire spatiale au cours de la journée. Tous ces éléments suggèrent que ces processus sont impliqués dans la consolidation de la mémoire. Pour le démontrer, les scientifiques ont provoqué, chez les rats, des ondes delta artificielles afin d’isoler soit des neurones associés aux réactivations de l’hippocampe, soit des neurones au hasard.

Résultat : lorsque les bons neurones sont isolés, les rats parviennent à stabiliser leurs souvenirs et réussissent le test spatial le lendemain.

Ces résultats engendrent ainsi une profonde révision de notre compréhension du cortex. Les ondes delta seraient un moyen d’isoler sélectivement des assemblées de neurones choisies, qui transmettent une information cruciale entre les périodes de dialogue hippocampo-cortical et de réorganisation des circuits corticaux, pour former des souvenirs à long terme.

1 Membre associé de l’Université PSL, le Collège de France mène depuis 2009 une politique volontariste d’accueil d’équipes indépendantes qui bénéficient de services techniques et scientifiques mutualisés et d’un environnement multidisciplinaire exceptionnel. Vingt-deux équipes sont actuellement hébergées au sein du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie ainsi que dans les instituts de chimie et de physique du Collège de France. Soutenu notamment par le CNRS, ce dispositif est ouvert aux chercheurs français et étrangers. Il contribue à consolider l’attractivité de Paris dans la géographie mondiale de la recherche.

La science agit pour l’égalité homme/femme

Dans un commentaire publié dans la revue Nature Human Behavior, Violetta Zujovic, chercheuse à l’Inserm et ses collègues du comité XX initative regroupés au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, expliquent comment une approche neuroscientifique permet de lutter plus efficacement contre les inégalités femmes/hommes. Grâce à leurs actions, les scientifiques ont fait passer de 25 à 44 % le nombre d’oratrices invitées dans les séminaires du centre de recherche en un an et demi et de 25 à 31% le nombre de femmes désormais chefs d’équipe. Leur démarche, basée sur les neurosciences, constitue aujourd’hui un levier majeur pour faire évoluer les mentalités et les comportements. La suite de leur travail consistera, entre autres, à avoir recours aux « nudges » (« coup de pouce » en anglais) une technique issue des neurosciences qui se propose d’influencer nos comportements dans notre propre intérêt, pour améliorer l’équité homme/femme. Un exemple à suivre.

Reconnue internationalement pour être un pays facilitateur pour la carrière des femmes, de part des infrastructures adaptées et des législations spécifiques, la France n’est cependant pas plus performante dans l’égalité des chances offertes aux femmes et aux hommes. Tel est le paradoxe que souligne le comité XX initiative regroupant une dizaine de scientifiques dans un commentaire publié dans Nature Human Behavior. Bien que l’ensemble de la communauté, y compris scientifique reconnaisse ces inégalités, pourquoi les comportements associés aux genres persistent-ils ? Le commentaire publié alerte sur l’impact de biais cognitifs, indépendants de notre volonté mais très enracinés dans notre mentalité. En effet, les préjugés et les stéréotypes inconscients ont une influence puissante sur presque tous nos choix.

Malgré les normes égalitaires et malgré la preuve que des équipes mixtes ont plus de réussite, les préjugés sociaux continuent de tirer les ficelles de manière implicite, créant par exemple des préjugés sexistes ou raciaux. La communauté neuroscientifique est à la pointe, non seulement de la sensibilisation à de tels biais inconscients, mais elle dispose également des outils nécessaires pour comprendre leurs origines cognitives et briser les stéréotypes de la société.

Le comité XX initiative de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), composé de chercheuses et chercheurs en neuroscience de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université propose une feuille de route en plusieurs étapes. Leurs recommandations mettent en avant une première étape indispensable : la prise de conscience de chacun de ses propres raccourcis implicites qui résultent de préjugés existants et de leur impact sur leur prise de décision.

Cette première étape a été mise en application grâce à la collecte exhaustive de chiffres montrant le ratio femme homme en fonction du niveau de responsabilités et de la fonction occupée. Les données internes de l’ICM, recueillies en avril 2017, ont montré que seulement 26 % des femmes occupaient un poste de direction ou de cogestion au sein de l’institut, qui est composé à 63 % de femmes. D’autres chiffres ont montré que seuls 25 % des conférencières et conférenciers invités aux séminaires scientifiques hebdomadaires étaient des femmes.

Le simple fait de montrer les résultats de cette enquête, a permis de déclencher un processus de remise en question collectif qui a abouti à une augmentation de 26 % à 31 % du nombre de femmes à la tête d’une équipe de recherche. L’ensemble de la communauté s’est également impliqué dans la volonté de mettre plus en avant les femmes scientifiques avec comme action concrète le passage du nombre de scientifiques féminines oratrices aux conférences de l’institut de 25 à 44 %.

« Grâce à l’impulsion collective de lutte contre l’inégalité de genre, une révision de nombreux formulaires institutionnels a également été menée afin de supprimer toute information liée à un genre spécifique » explique Violetta Zujovic, chercheuse à l’Inserm et coordinatrice de ce travail.

Dans ce contexte sociétal et économique, emprisonné dans des préjugés inconscients et des stéréotypes de genre, une des recommandations majeures proposée par les scientifiques est l’information et la formation des femmes et des hommes pour échapper à ces biais. Le comité organise un colloque sur les « biais de genre : science et pratiques » le 3 avril 2020, ouvert à tous, et des ateliers pratiques présentant des outils pour combattre ses propres préjugés et savoir évaluer ses propres valeurs et compétences.

L’impact de ce comité et de son approche neuroscientifique entamée il y a environ un an et demi, souligne l’importance d’associer des mesures concrètes aux politiques nationales. A cet effet, les neuroscientifiques planchent déjà sur le développement de « nudges » (« coupe de pouce » en anglais) qui permettraient, via des astuces, d’inciter à l’équité homme/femme plutôt que de contraindre. Dans leur ensemble, ces mesures devront permettent de connaître et reconnaître les préjugés inconscients liés au genre que nous perpétuons et transmettons et de lutter individuellement pour un changement culturel.

Par ailleurs, en mai 2019, l’Inserm s’est doté d’une mission parité-égalité professionnelle qui proposera le plus rapidement possible des actions concrètes permettant de faire progresser l’égalité professionnelle. Elles s’inscriront dans un plan pluriannuel et s’intègreront dans la stratégie de l’établissement.

Lire les sons du langage : une aire du cerveau spécialisée dans la reconnaissance des graphèmes

Activation du cortex visuel, auditif et somatosensoriel. ©Inserm/CRICM – Plateau MEG/EEG – Inserm U975

Une étude conduite par une équipe de Sorbonne Université et du département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, dirigée par le Pr Laurent Cohen à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Sorbonne Université / CNRS / Inserm) a permis d’analyser les mécanismes de la lecture à l’œuvre chez les adultes. Les chercheurs ont identifié une région cérébrale du cortex visuel qui serait responsable de la reconnaissance des graphèmes, c’est-à-dire des lettres ou groupes de lettres transcrivant un son élémentaire de la langue parlée (phonèmes). Les résultats de cette étude et la métholodogie utilisée ont été publiés dans la revue PNAS.

Hormis les idéogrammes chinois, la quasi-totalité des systèmes de lecture ont pour principe d’écrire les sons composant les mots sous leur forme parlée. Comment fait-on donc en français pour écrire un son, par exemple le son « o » ? La réponse qui vient immédiatement à l’esprit est que ce sont les lettres qui jouent ce rôle. Ce n’est en réalité pas vraiment le cas. Prenons l’exemple du mot « chapeau », formé de quatre sons (ch + a + p + o), mais de sept lettres. En moyenne, les sons ne sont donc pas définis par une lettre, mais par plusieurs. Les linguistes utilisent le terme de graphème pour désigner l’écriture d’un son. Dans le mot « chapeau », il y a quatre sons correspondant à quatre graphèmes qui sont CH, A, P, et EAU. On constate donc que le système alphabétique repose entièrement sur ces graphèmes.

Dans une étude réalisée à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Sorbonne Université / Inserm / CNRS) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, Florence Bouhali, doctorante dans l’équipe « PICNIC – Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle », a identifié une petite région du cortex précisément responsable de la reconnaissance des graphèmes et dont le rôle dans la lecture semble a priori essentiel (figure).

Cette région est située au sein d’une vaste étendue de cortex responsable de la reconnaissance des objets en général et qui occupe le dessous de toute la partie arrière du cerveau. Elle abrite de petites zones spécialisées, mobilisées notamment dans la reconnaissance des visages ou des lieux, mais aussi des graphèmes. La région « des graphèmes » se situe dans l’hémisphère gauche, où se trouve en général tout le système du langage. Cela permet, une fois les graphèmes reconnus, d’envoyer l’information rapidement aux régions du langage, qui vont les transformer en sons (figure).

Comment les chercheurs ont-ils procédé ?

Pendant que les participants inclus dans l’étude étaient allongés dans un appareil  d’IRM, des mots défilant les uns après les autres sur un écran leur étaient présentés. Ces mots étaient écrits de façon bicolore afin de mettre en valeur le découpage en graphèmes (CHAMPIGNON) ou au contraire, de le perturber (CHAMPIGNON). La région « des graphèmes » identifiée s’activait alors de façon différente selon les frontières de graphèmes définies par les couleurs.

Si l’expérience menée paraît simple, elle était en réalité plus complexe. En effet, l’importance des graphèmes n’est pas la même selon le genre de lecture : ils sont indispensables quand il s’agit de lire à haute voix un mot jamais vu (par exemple CHANDISSON), mais moins importants lorsque les participants devaient juste reconnaître en silence un mot familier (par exemple, CHAPEAU). Les chercheurs ont donc demandé aux participants tantôt de lire à haute voix, tantôt de simplement reconnaître en silence de vrais mots, mais aussi des mots inventés. La région identifiée répondait différemment à la manipulation des graphèmes selon le type de lecture.

En conduisant cette étude, l’équipe du Pr Laurent Cohen s’est penchée sur les mécanismes de la lecture chez des adultes. Or, la spécialisation du cortex visuel pour la reconnaissance des graphèmes n’existe pas à la naissance, et apparaît probablement pendant que les enfants apprennent à lire. Si elle n’a pas encore dévoilé tous ses mystères, la région des graphèmes reste un exemple frappant de la capacité du cerveau à se modifier et à s’adapter.

Le sport a ses bienfaits mais attention aux excès

©Braden Collum/Unsplash

On ne cesse de nous le répéter : l’activité sportive est bonne pour la santé. Chez les sportifs de haut niveau, un excès d’exercice pourrait néanmoins être délétère, en témoigne le cas des athlètes qui souffrent du « syndrome de surentraînement ». À l’origine d’une grande fatigue et de performances sportives réduites, ce syndrome intrigue les scientifiques. Une étude menée par Mathias Pessiglione, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, en collaboration avec l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) et l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) montre qu’un entraînement physique intense peut nuire aux capacités cérébrales, en particulier au contrôle cognitif. Les résultats complets sont publiés dans la revue Current Biology.

Mathias Pessiglione, chercheur à l’Inserm, et son équipe souhaitaient identifier les causes d’un syndrome courant chez les sportifs d’élite, connu sous le nom de « syndrome de surentraînement ». Celui-ci se traduit par une baisse des performances sportives et une sensation intense de fatigue. Un athlète souffrant de ce syndrome peut être tenté par des produits susceptibles de rétablir ses performances, ce qui explique l’intérêt de l’AFLD pour ce projet.

L’hypothèse principale des chercheurs était claire :  la fatigue qui résulte d’un surentraînement sportif ressemblerait à celle engendrée par un effort intellectuel. Elle serait associée aux mêmes mécanisme cérébraux. Une autre étude avait déjà récemment montré que la fatigue intellectuelle affecte le contrôle cognitif et donne lieu à des prises de décision impulsives.

Pour tester cette idée, l’équipe a travaillé pendant neuf semaines avec 37 triathlètes répartis en deux groupes. Le premier a suivi un entraînement « normal » de haut niveau, tandis que le second a été soumis à une surcharge d’entraînement au cours des trois dernières semaines de l’expérience, avec des séances d’entraînement plus longues (de 40 % en moyenne). Tous les participants ont été suivis au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, d’une part au niveau comportemental et d’autre part via la réalisation d’IRM fonctionnelles.

Des entraînements rallongés de 40 % en moyenne

Les chercheurs ont ainsi montré des similarités entre un entraînement sportif trop intensif et un travail intellectuel excessif. Cet excès d’activité sportive entraîne en effet une réduction de l’activité du cortex préfrontal latéral (une région clé pour le contrôle cognitif), similaire à celle observée lors d’un effort intellectuel. Une diminution de l’activité cérébrale qui se traduit par des décisions impulsives, privilégiant les gratifications à court terme plutôt que les buts à long terme. Dans le cas d’un athlète de haut niveau, cette impulsivité peut par exemple donner lieu à la décision de s’arrêter en pleine performance sportive ou d’abandonner une course pour faire cesser la douleur ressentie pendant l’effort.

Au-delà de ces athlètes de haut niveau, les chercheurs estiment que sur le plan clinique, la fatigue et la réduction du contrôle cognitif pourraient constituer une première étape dans le développement d’un syndrome de burn-out, qui touche de nombreuses personnes dans toutes sortes de milieux professionnels.

Les chercheurs devront maintenant proposer et tester des interventions pour éviter l’installation du burn-out proprement dit, c’est-à-dire l’épuisement complet de la personne.

Une nouvelle méthode plus efficace pour diagnostiquer Alzheimer

 

Inserm/Auzias, Guillaume/Baillet, Sylvie/Colliot, Olivier

Actuellement, l’analyse anatomique du cortex cérébral par IRM, permet d’appuyer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer dans 80 % des cas. Et si l’analyse d’une autre structure cérébrale, pouvait donner de meilleurs résultats ? C’est ce que montre l’équipe de chercheurs associant l’Inserm, l’Université de Paris et le CEA sous la direction de Maxime Bertoux désormais chercheur Inserm au sein de l’unité 1171 Troubles cognitifs dégénératifs et vasculaires (Inserm / Université de Lille / CHU de Lille). Selon son étude publiée dans Neurobiology of Aging, l’analyse de la morphologie des sillons corticaux permettrait de reconnaître la maladie d’Alzheimer dans 91 % des cas. En outre, la taille de ces sillons apparaît associée au stade d’évolution de la maladie et du déclin cognitif. Ces travaux suggèrent l’intérêt de cette méthode dans le diagnostic et le suivi des patients.

L’analyse anatomique du cerveau par IRM (imagerie par résonance magnétique) consiste habituellement à mesurer l’épaisseur du cortex cérébral (le tissu aussi appelé « substance grise », qui recouvre les deux hémisphères du cerveau) ou le volume de plusieurs régions du cerveau comme l’hippocampe, dont l’atrophie est un des premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Cette méthode permet de détecter la maladie correctement dans environ 80% des cas. L’équipe de Maxime Bertoux, chercheur Inserm montre que l’analyse des sillons corticaux par IRM fait mieux.

Les sillons sont des circonvolutions du cerveau qui ont tendance, au cours du vieillissement, à s’élargir. Cette évolution des sillons s’accompagne d’une diminution de l’épaisseur du cortex qui les borde. L’accélération de ce phénomène dans la maladie d’Alzheimer avait été mis en évidence par la même équipe dans de précédents travaux. L’équipe a cette fois cherché à vérifier si l’analyse morphologique des sillons pouvait constituer un marqueur diagnostic de la maladie et de son stade d’évolution.

Les chercheurs ont effectué une IRM cérébrale chez 51 patients atteints de la maladie d’Alzheimer dont certains à un stade précoce et d’autres à un stade avancé, ainsi que chez 29 participants contrôles non atteints par la maladie. Le diagnostic était effectué à l’issue d’un bilan biologique, reposant à la fois sur une ponction lombaire pour rechercher la présence des biomarqueurs de la maladie et sur une imagerie par émission de positron (PET-scan), montrant les dépôts amyloïdes, des accumulations d’agrégats protéiques sous forme de plaques caractéristiques de certaines maladies neurodégénératives.

Les chercheurs ont ensuite utilisé le logiciel Morphologist récemment développé à NeuroSpin (Centre de neuroimagerie du CEA), qui permet de recréer informatiquement à partir d’une IRM un « moule » en négatif du cerveau. Le logiciel a ensuite extrait dans 18 régions de chaque hémisphère cérébral, une valeur moyenne de la largeur de chaque sillon et de l’épaisseur du cortex les bordant. En parallèle, les chercheurs ont effectué les mesures usuelles du volume de plusieurs régions cérébrales et de l’épaisseur du cortex, afin de comparer ces techniques.

Un algorithme a ensuite permis de corréler l’état de santé de chaque participant (contrôle ou malade) aux mesures obtenues. Les chercheurs ont alors constaté que la largeur d’un groupe de quelques sillons, appartenant notamment aux lobes frontaux et temporaux, était associée à la maladie d’Alzheimer. Il permettait de déterminer l’état de santé des participants dans 91% des cas, contre seulement 80% pour les mesures anatomiques usuelles. En outre, la morphologie des sillons semble évoluer avec les stades de la maladie : ils étaient plus larges chez les patients présentant les déclins cognitifs les plus poussés.  

« Ces mesures reflétant l’évolution de la maladie apparaissent corrélées à la performance cognitive, explique Maxime Bertoux, ce qui peut être très utile lors d’essais cliniques évaluant l’efficacité d’un potentiel médicament. De plus, ces mesures ne nécessitent qu’une IRM et une analyse largement automatisée qui peuvent être réalisées dans de nombreux centres de soin. Cette technique doit encore être validée sur de plus grands échantillons de patients, mais elle pourrait avoir un grand intérêt sur le plan clinique », conclut-il. Le chercheur exploite déjà cette nouvelle approche pour détecter des signatures spécifiques d’autres maladies neurodégénératives, en particulier la démence fronto-temporale.

Des neurones en ébullition pendant le sommeil

Adobe Stock

Une équipe Inserm décrit pour la première fois le comportement et le langage des neurones qui assurent la consolidation de la mémoire pendant le sommeil. Bien loin de l’organisation statique et linéaire supposée, les chercheurs de l’Inserm montrent que le rôle des neurones varie rapidement au cours du temps et que le trajet de l’information change en permanence. Ces travaux sont parus dans Science Advances.

Les cellules du cerveau échangent constamment des informations. Pendant le sommeil, cela sert notamment à consolider la mémoire. Mais la façon dont ces échanges se font reste encore mal connue. L’électroencéphalogramme, qui permet de mesurer l’activité électrique globale du cerveau, montre des ondes régulières plus ou moins rapides selon les phases de sommeil, mais il ne permet pas de savoir comment est traitée l’information à l’échelle du neurone. Voilà qui est fait grâce à l’équipe de Christophe Bernard (Institut de Neuroscience des Systèmes – Inserm U1106). Pour y parvenir, l’équipe a utilisé des électrodes afin d’enregistrer l’activité électrique d’une centaine de neurones concentrés dans une région donnée. Ce sont ces signaux électriques qui portent l’information. Trois zones connues pour être impliquées dans la mémoire ont été enregistrées chez des rats pendant leur sommeil : l’hippocampe, le cortex préfrontal et le cortex entorhinal.

« D’après la régularité des ondes dans l’encéphalogramme, nous imaginions que les neurones fonctionnaient selon un schéma bien précis et répétitif pour transmettre les informations ou les stocker (un peu à la manière d’une machine industrielle bien réglée). Or les enregistrements montrent qu’il n’en est rien », clarifie Christophe Bernard.

Des groupes de neurones s’organisent entre eux pendant des temps très courts pour stocker et transmettre de l’information, et se relaient en permanence au cours du temps. Et au sein de chaque groupe, seuls quelques neurones jouent un rôle prépondérant. « Il y a ainsi une succession de sous-états avec au final, environ la moitié des neurones de ces trois régions qui jouent un rôle clé dans le traitement de l’information à un moment ou à un autre. Autrement dit, il n’y a pas de hiérarchie établie au sein des neurones, mais plutôt une répartition équilibrée des rôles », explique Christophe Bernard.

Une circulation fluide

L’autre découverte majeure est que, pendant un sous-état donné, l’information ne suit pas toujours le même chemin. « Ce fut une surprise car la théorie dominante était que le transfert de l’information suivait un trajet fixe. Or, nous constatons que ce n’est pas le cas. Dans le cerveau, les partenaires avec lesquels un neurone échange fluctuent d’un instant à l’autre. Cela se passe un peu comme sur internet, illustre le chercheur.

Un mail qui part de Paris vers Sydney, passera par des serveurs situés dans différents pays au cours de son acheminement et ces serveurs varieront au cours de la journée en fonction du trafic. Dans le cerveau c’est pareil : même quand l’information est la même, les itinéraires qu’elle emprunte ne sont pas fixes et les partenaires changent sans arrêt ».

Enfin, ces travaux ont permis de décoder le type de langage que les neurones parlent. Si un sous-état correspond à un « mot », la séquence de sous-états constitue une phrase. Même si la signification des mots et des phrases échappe encore aux chercheurs, ces derniers ont pu établir que le langage parlé par les neurones est complexe, ce qui permet d’optimiser le traitement de l’information. Un langage simple contient très peu de mots ; il est facile à apprendre mais il est difficile de convoyer des notions complexes. Un langage chaotique contient un mot pour chaque situation possible, et est impossible à apprendre. Le langage des neurones est complexe, comme pour les langues humaines. A noter que cette complexité est supérieure lors du sommeil paradoxal (celui des rêves) que pendant le sommeil lent.

Les chercheurs vont maintenant regarder ce qu’il en est en cas d’éveil, de réalisation de taches particulières ou encore en cas de pathologies. Ils vont notamment étudier le lien possible entre les pertes mnésiques chez les sujets épileptiques et la complexité du langage neuronal.

Une nouvelle cible thérapeutique pour traiter les ataxies spinocérébelleuses ?

Cellules de Purkinje dans une coupe horizontale du cervelet de souris exprimant une protéine fluorescente (GFP) sous le contrôle du promoteur des récepteurs dopaminergiques D2. Ces cellules dégénèrent chez les patients atteints d’ataxie spinocérébelleuse SCA3. ©Inserm/Valjent, Emmanuel

Les ataxies spinocérébelleuses font partie des maladies génétiques neurodégénératives du cervelet et du tronc cérébral qui entrainent de nombreux troubles moteurs, et dont la forme la plus connue est la SCA3 aussi appelée maladie de Machado-Joseph. Dans ses travaux parus le 14 juin dans Acta Neuropathologica, Nathalie Cartier-Lacave, chercheuse Inserm au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, a découvert avec son équipe le rôle crucial d’une enzyme qui permet d’améliorer les symptômes de la maladie chez la souris.

Certaines maladies neurodégénératives sont dues à une mutation qui entraine la production de protéines malformées et possédant des acides aminés en excès (expansion de polyglutamines). C’est le cas de la maladie de Huntington et de certaines formes d’ataxies spinocérébelleuses.

Dans cette étude, une équipe de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/Sorbonne Université/ APHP) dirigée par Nathalie Cartier-Lacave s’est intéressée à un autre groupe de maladies présentant cette production de protéines à expansion de polyglutamines, les ataxies spinocérébelleuses, et plus spécifiquement la SCA3. Dans cette maladie qui touche 1 à 2 personnes sur 100 000, c’est la protéine ataxine 3 qui est mutée et qui s’agrège dans les neurones provoquant leur mort et entrainant ainsi des troubles moteurs. Les chercheurs ont pu montrer qu’apporter une enzyme clé du métabolisme cérébral du cholestérol, CYP46A1, dans les zones atteintes par la maladie, améliorait les symptômes. Cette stratégie pourrait également être efficaces dans les autres ataxies liées à des expansions de polyglutamines.

Pour commencer, les chercheurs ont étudié le métabolisme du cholestérol chez des souris atteintes de SCA3 et mis en évidence un déséquilibre du métabolisme du cholestérol et une diminution de l’enzyme CYP46A1.       Ces premiers résultats ont conduit les chercheurs à tester si restaurer l’expression de cette enzyme chez des souris atteintes de SCA3 pouvait être bénéfique. Ils ont réalisé une injection unique d’un vecteur de thérapie génique portant le gène CYP46A1 dans le cervelet de souris SCA3 et ont mis en évidence une diminution de la dégénérescence des neurones de Purkinje du cervelet, une amélioration des troubles moteurs, et la diminution des agrégats d’ataxine 3 par rapport aux souris malades non traitées.

« Ces résultats montrent que CYP46A1 est une cible thérapeutique importante pour restaurer ce métabolisme, diminuer les agrégats de protéines mutées toxiques et ainsi améliorer les symptômes de la maladie », explique Nathalie Cartier-Lacave, directrice de recherche Inserm.

Pour aller plus loin dans la compréhension du phénomène, ils ont mis en évidence que la voie qui permet d’évacuer les protéines malformées ou mutées, la voie de l’autophagie, est perturbée chez des souris SCA3. Cela leur a permis de conclure que les ataxines 3 s’agrègent à cause du dysfonctionnement de cette voie. En revanche, si on arrive à réinstaller un niveau normal de CYP46A1, l’autophagie est restaurée, atténuant ainsi les symptômes de la maladie.

De façon intéressante, les chercheurs ont observé que les agrégats d’ataxine 2 sont également mieux évacués lors de la surexpression de l’enzyme, ouvrant des espoirs thérapeutiques, un seul produit pouvant potentiellement être efficace pour plusieurs pathologies rares sévères.

Un programme européen (Erare) est actuellement en cours coordonné par l’Inserm à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (N. Cartier, A. Durr) pour confirmer ces résultats sur d’autres modèles d’ataxies et évaluer la faisabilité et la tolérance d’une application thérapeutique potentielle chez des patients atteints de ces pathologies génétiques sévères.

Une étude montre des effets bénéfiques particulièrement importants du café dans le traitement d’une maladie neurologique orpheline

©Photo by Frame Harirak on Unsplash

Une équipe du département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (CNRS / Inserm / Sorbonne Université), sous la direction du Pr Emmanuel Flamand-Roze et du Dr Aurélie Méneret, a montré, chez un enfant de onze ans, que le café avait des effets bénéfiques dans le traitement de ses mouvements anormaux causés par une mutation dans le gène ADCY5. Ces travaux ont été publiés dans la revue Annals of Internal medicine le 10 juin 2019.

Les dyskinésies liées au gène ADCY5 font partie des maladies neurologiques orphelines. Les enfants qui en sont atteints ont de nombreux mouvements anormaux qui peuvent toucher tout le corps. Ces mouvements anormaux sont souvent exacerbés lors de crises qui peuvent survenir le jour mais aussi la nuit. Il n’y a pour le moment aucun traitement connu de cette maladie.

Une équipe du département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (CNRS / Inserm / Sorbonne Université), sous la direction du Pr Emmanuel Flamand-Roze et du Dr Aurélie Méneret, mènent depuis cinq ans des travaux afin de mieux comprendre cette maladie et de trouver un traitement adapté.

Les médecins ont noté, chez un enfant de onze ans qu’ils suivaient, une diminution de plus de 90% de ses mouvements anormaux liés au gène ADCY5 lorsqu’il prenait deux tasses de café par jour.

Un jour, les parents de ce jeune patient ont acheté involontairement des dosettes de décaféiné au lieu de dosettes de café. L’enfant de onze ans les a consommés pendant quatre jours, ce qui a entraîné la réapparition des mouvements anormaux et du handicap tels qu’ils étaient avant le traitement par café. Ses parents se sont ensuite aperçus de l’erreur et la reprise du café a permis de faire à nouveau régresser les mouvements anormaux de façon spectaculaire.

La famille du jeune patient a donc permis de démontrer l’efficacité du café dans la réduction des mouvements anormaux liés à cette maladie. Elle a réalisé en vie réelle un test thérapeutique en double aveugle contre placebo puisque ni eux ni leur enfant ne savaient qu’ils utilisaient des dosettes de décaféiné.

En consommant deux tasses de café par jour, le jeune patient a ainsi pu reprendre une vie normale (rentrer de l’école à pied, écrire sans difficulté, faire du vélo et participer aux activités sportives avec les autres enfants), ce que les mouvements anormaux causés par sa dyskinésie rendaient impossible en l’absence de traitement efficace.

L’efficacité du café dans le traitement de cette maladie peut s’expliquer par le fait que la caféine vient se fixer sur des récepteurs (à l’adénosine) qui modifient le fonctionnement de la protéine malade (ADCY5). Cette dernière est fortement exprimée dans une région profonde du cerveau (le striatum), qui contrôle en effet les mouvements.

L’équipe du Pr Flamand-Roze et du Dr Méneret poursuivent leurs recherches afin de mieux comprendre cette maladie et espèrent répliquer leurs résultats sur une grande série de patients.

Quand la narcolepsie rend plus créatif

©Adi Goldstein/ Unsplash

Dormir nous rendrait-il plus créatif ? L’étude des personnes narcoleptiques, qui bénéficient d’un accès privilégié au sommeil paradoxal, pourrait apporter des informations clés pour comprendre ce phénomène. Une équipe associant des médecins de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, en collaboration avec une équipe de l’université de Bologne en Italie, a mis en évidence l’existence d’une plus grande créativité chez les patients atteints de narcolepsie. Les résultats de l’étude suggèrent un lien entre une phase du sommeil particulière, le sommeil paradoxal, et les capacités créatives. Cette avancée importante, publiée dans la revue Brain le 29 mai 2019, ouvre de nouvelles pistes quant à la compréhension des fonctions cognitives du sommeil et des mécanismes de la pensée créative.

La narcolepsie est un trouble rare du sommeil qui touche environ 0.02% de la population générale. Il est caractérisé par des phases de sommeil incontrôlables. Ces endormissements ont la particularité de débuter souvent immédiatement par une phase de sommeil particulière, le sommeil paradoxal, une situation impossible à rencontrer en temps normal.

En effet, notre sommeil est composé de plusieurs phases et le sommeil paradoxal est systématiquement précédé d’une phase de sommeil lent. Il faut donc en général dormir au moins une heure avant d’accéder à ce sommeil particulier. Les personnes narcoleptiques bénéficient donc d’un accès privilégié au sommeil paradoxal. Ils présentent d’ailleurs beaucoup de symptômes parallèles associés au sommeil paradoxal, comme s’ils existaient chez eux une barrière poreuse entre l’éveil et cette phase du sommeil. Par exemple, la majorité d’entre eux sont des rêveurs lucides, c’est-à-dire conscients de rêver au moment où ils rêvent et pouvant même parfois influencer le scénario du rêve. Si plus de la moitié de la population adulte rapporte avoir fait un rêve lucide au moins une fois dans sa vie, les rêveurs lucides réguliers (plusieurs fois par semaine) sont très rares.

Les données de la littérature actuelle suggèrent par ailleurs qu’une sieste incluant une phase de sommeil paradoxal est suivie d’une période accrue de plus grande flexibilité mentale pour la résolution de problèmes. Les individus narcoleptiques ayant un accès privilégié à cette phase du sommeil, y aurait-il un effet à long-terme sur leur créativité ?

« En rencontrant régulièrement des patients narcoleptiques au sein de mon service, j’ai remarqué qu’ils semblaient plus évoluer dans des activités créatives que la moyenne ; pas uniquement dans leur vie professionnelle mais aussi dans leurs loisirs ou leur façon de penser.» explique le Pr Isabelle Arnulf, cheffe du service des pathologies du Sommeil à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière-AP-HP.

De ce constat est née l’idée d’explorer les capacités créatives de ces patients au regard de leur accès particulier au sommeil paradoxal.

Une étude conduite par Célia Lacaux, chercheuse à Sorbonne Université, et Delphine Oudiette chercheuse à l’Inserm, au sein du service des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP dirigé par le Pr Isabelle Arnulf à l’ICM, a testé, en collaboration avec une équipe de l’université de Bologne en Italie, les capacités créatives de 185 personnes narcoleptiques et de 126 individus contrôles.

Définir et mesurer la créativité n’est pas une tâche aisée. En neuroscience, elle peut être définie comme la capacité à produire quelque chose d’à la fois original et adapté à des contraintes. Pour l’évaluer et obtenir la mesure la plus complète possible, les chercheurs ont employé deux méthodes :

  • Une mesure « subjective » à base de questionnaires de créativité chez 185 sujets narcoleptiques et 126 sujets contrôles : un test « de profils créatifs » axé sur la personnalité et le profil créatif, et un test « d’accomplissement créatif » portant sur les réalisations personnelles des participants dans différents domaines des arts et des sciences, de l’écriture au cinéma, en passant par l’humour, la cuisine ou encore l’architecture.

 

  • Une mesure « objective » de la performance créative grâce à un test « papier crayon » durant deux heures, appelé EPoC (Evaluation du Potentiel Créatif) chez 30 patients et 30 contrôles. Celui-ci évalue les deux grandes dimensions de la créativité: la pensée divergente qui demande, à partir d’un stimulus, de générer le plus de réponses possibles ; et la pensée convergente, qui requiert d’intégrer plusieurs objets dans une seule et même production, cohérente et originale.

Les individus narcoleptiques ont globalement obtenu des scores plus élevés que les sujets contrôles, aussi bien aux mesures objectives que subjectives. « Si les sujets narcoleptiques obtenaient des scores plus élevés que les sujets contrôles, seule une partie d’entre eux sortait vraiment du lot en matière d’accomplissement créatif. Ceci nous suggère de vraiment encourager les personnes narcoleptiques à exploiter leur potentiel. », précise Delphine Oudiette, chercheuse Inserm à l’ICM, qui a dirigé l’étude. « De plus, parmi les personnes narcoleptiques, le sous-groupe des rêveurs lucides obtenait les scores les plus élevés au test de profils créatifs, suggérant un rôle du rêve dans les capacités créatives. »

Cette créativité accrue pourrait s’expliquer par l’accès privilégié au sommeil paradoxal et aux rêves dont bénéficient les personnes narcoleptiques et qui leur donne l’occasion « d’incuber » leurs idées lors de siestes brèves pendant la journée.

« Il s’agit d’un argument fort pour dire que l’accès régulier au sommeil paradoxal et aux rêves favorise la créativité. Dors dessus, tu trouveras une solution! C’est aussi la première fois que nous montrons que les sujets narcoleptiques sont meilleurs que la moyenne dans un domaine aussi important que la créativité, apportant par là même une note positive à cette maladie difficile à vivre.» conclut Célia Lacaux, premier auteur de l’étude. Des travaux supplémentaires seront nécessaires pour confirmer cette hypothèse mais ces premiers résultats ouvrent des pistes importantes vers la compréhension des fonctions du sommeil paradoxal et des rêves.

Hypertension artérielle : un nouveau médicament bientôt disponible ?

Prise de la tension artérielle chez un patient ©Inserm/Depardieu, Michel

Un essai clinique de phase IIa apporte les premières données d’efficacité du firibastat chez des sujets hypertendus par rapport au placebo. Ce médicament est le chef de file d’une nouvelle classe d’antihypertenseurs qui cible le système rénine-angiotensine cérébral. Cette étude est coordonnée par Michel Azizi du Centre d’investigation clinique 1418 Inserm / hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP et du service d’hypertension artérielle du même hôpital et Catherine Llorens-Cortes, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité 1050  » Centre interdisciplinaire de recherche en biologie » au Collège de France. Les résultats parus dans The Journal of Hypertension, ont permis de lancer la phase IIb aux Etats-Unis.

L’hypertension artérielle (HTA) est la maladie chronique la plus fréquente en France. Liée à une pression anormalement élevée du sang dans les vaisseaux sanguins, elle semble anodine car elle est généralement silencieuse. Elle constitue pourtant, lorsqu’elle n’est pas contrôlée, l’une des principales causes de complications cardiovasculaires, cérébrovasculaires ou neurodégénératives (infarctus du myocarde, AVC, maladie d’Alzheimer…). Des mesures hygiéno-diététiques seules, ou le plus souvent associées à un traitement médicamenteux, permettent de normaliser la pression artérielle. Néanmoins, jusque 30 % des patients ne répondent pas, ou insuffisamment, aux traitements actuellement disponibles. Pour y remédier, des approches interventionnelles et de nouvelles cibles thérapeutiques liées à la physiopathologie de la maladie sont à l’étude.

Le développement du firibastat[1] dans la prise en charge de l’hypertension artérielle se poursuit. Ce médicament est le chef de file d’une nouvelle classe thérapeutique qui cible le système rénine-angiotensine cérébral contrôlé par l’angiotensine III. Ce peptide exerce un effet stimulateur sur la pression artérielle dans différents modèles d’hypertension via trois mécanismes. Elle accroit l’activité des neurones qui favorisent la vasoconstriction, elle inhibe le réflexe qui permet d’adapter l’intensité des contractions cardiaques au niveau de la pression artérielle et enfin, elle contribue à la sécrétion accrue de vasopressine, hormone anti-diurétique, dans le sang, réduisant le volume d’urine produit au niveau des reins.

Le firibastat s’oppose à tous ces mécanismes en inhibant spécifiquement l’aminopeptidase A, une enzyme présente dans le cerveau qui produit l’angiotensine III. Ce médicament, pris par voie orale, devient actif dans le cerveau après avoir franchi la barrière hémato-encéphalique. Sa sécurité d’emploi a déjà été testée chez des sujets sains dans deux études cliniques de phase I. Les résultats de l’étude de phase IIa qui viennent de paraître confirment les données de sécurité et apportent les premiers éléments d’efficacité. Cette étude, a inclus 34 patients ayant une pression artérielle ambulatoire diurne comprise entre 135/85 mmHg et 170/105 mmHg. Ils étaient âgés en moyenne de 57 ans (73% d’hommes) et non obèses (IMC moyen 26,8 kg/m2). La moitié d’entre eux a reçu le firibastat pendant quatre semaines puis le placebo pendant quatre autres semaines et l’autre moitié a reçu le traitement dans l’ordre inverse : placebo puis firibastat.

Les résultats attestent d’un meilleur contrôle de la pression artérielle systolique (PAS) sous firibastat après quatre semaines avec une baisse de la PAS de -4,7 mmHg en moyenne contre +0,1 mmHg sous placebo. Néanmoins cette différence n’est pas statistiquement significative. « Cela peut s’expliquer par la taille réduite de l’effectif mais aussi par le fait que les patients inclus avaient une hypertension artérielle modérée, explique Catherine Llorens-Cortes, directrice de recherche Inserm. Le firibastat est un agent anti-hypertenseur et non un hypotenseur ce qui signifie qu’il peut agir sur une hypertension mais n’aura aucun effet sur une tension normale. « Son efficacité devrait donc s’accroitre avec la sévérité de l’hypertension », clarifie la chercheuse. Ce qui semble se confirmer d’ailleurs dans cet essai car la baisse de la PAS ambulatoire a atteint -9,4 mmHg en cas de fortes hypertensions au moment de l’inclusion alors que le bénéfice était moins marqué pour des PAS basales plus faibles. Les auteurs ont par ailleurs vérifié la tolérance à ce médicament et constaté qu’il n’interférait pas avec le système rénine-angiotensine systémique, contrôlé lui par l’angiotensine II.

« Ces résultats encourageants ont donné le feu vert à l’étude de phase IIb qui vient de s’achever aux Etats-Unis. Elle a confirmé l’efficacité du firibrastat chez 254 patients hypertendus en surpoids à haut risque cardiovasculaire après deux mois de traitement, y compris chez les patients afro-américains qui ont le plus souvent une hypertension résistante aux traitements actuellement disponibles. » précise Catherine Llorens Cortes.

[1] En partenariat avec la Société Quantum Genomics avec le soutien de l’ANR : ANR RPIB CLINAPAI et LabCom CARDIOBAPAI»

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