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Régénérer les neurones perdus, un pari réussi pour la recherche

neurones

Image de microscopie confocale montrant des neurones induits (rouges avec un noyau jaune) exprimant le marqueur neuronal NeuN (vert) au sein d’un hippocampe de souris épileptique. © Extrait de: Lentini et al., Cell Stem Cell, 2021.

 

De nombreuses pathologies du système nerveux central sont associées à une mort de neurones sans que le cerveau ne soit capable de les régénérer. Ce phénomène est notamment observé dans la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, suite aux accidents vasculaires cérébraux mais aussi dans certaines formes d’épilepsies. Comment régénérer ces neurones perdus ? C’est à cette question qu’a répondu une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Claude Bernard Lyon 1 à l’Institut Cellule Souche et Cerveau, en collaboration avec le King’s College de Londres. En utilisant un modèle animal d’épilepsie, les chercheurs et chercheuses sont parvenus à transformer des cellules non-neuronales présentes dans le cerveau en nouveaux neurones inhibiteurs qui permettent de diminuer de moitié l’activité épileptique chronique. Ces travaux permettent d’envisager à terme un effet thérapeutique de cette stratégie. Les résultats de cette étude font l’objet d’une publication dans la revue Cell Stem Cell

Notre cerveau est globalement dépourvu de capacités régénératives pour remplacer les neurones endommagés ou perdus. L’objectif de la médecine régénérative est de remplacer les cellules perdues afin de corriger les troubles fonctionnels associés à la perte de ces cellules. La reprogrammation cellulaire directe (par opposition à la reprogrammation en cellules souches pluripotentes induites) a émergé comme une stratégie innovante qui consiste à « reprogrammer » l’identité de certaines cellules non-neuronales présentes au sein même du cerveau malade pour les transformer en neurones. Pour que cette stratégie puisse être efficace, les défis sont nombreux. Les nouveaux neurones doivent s’intégrer dans les réseaux de neurones survivants et prendre le relai des neurones qu’ils remplacent afin de corriger les troubles pathologiques.

C’est cette stratégie qui est explorée dans une nouvelle étude publiée dans la revue Cell Stem Cell. Une équipe de chercheurs associant l’Inserm, le CNRS et de l’Université Claude Bernard Lyon 1 est ainsi parvenue à transformer des cellules gliales du cerveau en nouveaux neurones dans un modèle de souris atteint d’épilepsie mésio-temporale, la forme d’épilepsie pharmaco-résistante la plus fréquente chez l’Homme.

Les cellules gliales en prolifération : une source cellulaire pour générer des neurones

Lors de la mort neuronale, comme observée dans le cas de l’épilepsie mésio-temporale, la forme la plus fréquente d’épilepsie focale de l’adulte, les cellules gliales présentes dans l’environnement direct des neurones endommagés réagissent en se multipliant sans que cette réponse gliale ne résolve le problème.

Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont eu l’idée de tirer parti de cette prolifération et d’utiliser ces cellules gliales surnuméraires. Dans un premier temps, il a fallu identifier des gènes permettant de transformer ces cellules gliales en neurones inhibiteurs, dont la perte joue un rôle clé dans la survenue des crises épileptiques, afin de rétablir l’équilibre des activités neuronales qui a été impacté. Les chercheurs ont ainsi sélectionné des gènes connus pour être impliqués dans la genèse de ces neurones inhibiteurs durant le développement.

En forçant l’expression de ces gènes, ils ont pu reprogrammer l’identité des cellules gliales pour en faire des neurones dits « neurones induits », dont les propriétés sont comparables à ceux disparus dans la maladie. Grâce à une chirurgie stéréotaxique[1], les gènes ont été insérés directement dans le cerveau des souris au niveau du foyer épileptique à l’aide de vecteurs viraux désactivés induisant la reprogrammation des cellules gliales. En quelques semaines, la grande majorité de ces cellules gliales ayant reçu les gènes s’étaient transformées en nouveaux neurones.

Des neurones fonctionnels intégrés dans le réseau épileptique

Les résultats de l’étude indiquent que les neurones induits adoptent une identité de neurones inhibiteurs qui présentent un ensemble de caractéristiques moléculaires comparables à celles des neurones qui ont dégénéré dans l’épilepsie. 

Grâce à des enregistrements électrophysiologiques, les scientifiques ont pu confirmer qu’il s’agissait bien de neurones fonctionnels, capables d’inhiber les neurones voisins responsables des crises, réduisant ainsi leur activité. Puis, grâce à des traçages des connexions entre les neurones, ils ont pu déterminer que les neurones induits étaient pleinement intégrés dans le réseau épileptique mais également plus largement dans le cerveau.

Enfin, grâce à des enregistrements électroencéphalographiques (EEG) réalisés dans le foyer des crises, les chercheurs ont pu montrer chez les souris reprogrammées une réduction de moitié des crises épileptiques.

« Ces résultats révèlent ainsi le potentiel thérapeutique de cette stratégie de reprogrammation cellulaire pour combattre une pathologie comme l’épilepsie mésio-temporale. Une aubaine dans le cas précis de cette maladie alors que 30% des patients qui en sont atteints sont réfractaires aux traitements pharmacologiques », explique Christophe Heinrich, concepteur de l’étude.

Même si la route est encore longue avant d’aboutir à une réelle transposition de ces recherches aux patients, cette étude met en lumière la reprogrammation des cellules gliales en neurones comme une nouvelle stratégie capable de modifier une pathologie telle que l’épilepsie, mais qui pourrait se généraliser à d’autres pathologies dévastatrices de notre cerveau.

 

[1] Technique utilisée en neurochirurgie pour atteindre des zones du cerveau de manière précise grâce à un système de coordonnées 3D dans l’espace.

Mise en évidence du rôle majeur des mutations du gène PIK3CA dans les cavernomes sporadiques

Brain scan, X-ray

Brain scan, X-ray© Adobe Stock

 

Des équipes de l’Inserm, du CNRS, de l’AP-HP et de Sorbonne Université, regroupées au sein de l’Institut du Cerveau à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et coordonnées par le Dr Matthieu Peyre et le Pr Michel Kalamarides, ont étudié la présence des mutations du gènes PIK3CA dans les cavernomes. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 09 septembre 2021 dans le New England Journal of Medicine.

Les cavernomes sont des malformations vasculaires cérébrales à bas débit qui se composent de cavités capillaires anormalement élargies sans parenchyme cérébral visible entre les cavités vasculaires dilatées; cette affection touche 1 personne sur 200 à 250. Bien qu’elles se caractérisent principalement par des saignements visibles à l’IRM mais n’entraînant aucun symptôme clinique, les cavernomes peuvent entraîner des crises d’épilepsie et des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques avec des complications neurologiques importantes, en particulier lorsqu’ils sont localisés dans le tronc cérébral.

Les cavernomes peuvent survenir de manière isolée ou dans le cadre d’une maladie génétique familiale. Les mutations survenant dans un contexte familial concernent dans 80% des cas les gènes CCM. La génétique des cavernomes sporadiques, qui représentent jusqu’à 90% des cas, est en revanche mal connue.

Dans le but d’étudier la tumorigenèse méningée et les méningiomes (la tumeur la plus fréquente du système nerveux central dont ils sont des experts), le Dr Peyre et le Pr Kalamarides ont généré deux nouveaux modèles murins génétiquement modifiés de méningiomes par mutation activatrice des gènes PIK3CA et AKT1 dans la voie PI3K-AKT-mTOR.

L’observation inattendue de cavernomes typiques identiques aux lésions humaines les a incités à étudier l’implication possible des mutations PIK3CA et AKT1 dans les cavernomes sporadiques humains. Ils ont identifié 39% de mutations du gène PIK3CA dans une série de 88 cavernomes sporadiques. Par ailleurs, leurs résultats jettent une nouvelle lumière sur la cellule d’origine potentielle des malformations caverneuses cérébrales qui était jusqu’à présent considérée comme étant de lignée endothéliale. Ils ont en effet montré que ce sont en fait les péricytes PGDS-positifs qui sont dans leurs modèles à l’origine des cavernomes par désorganisation de l’unité neurovasculaire.

Leurs résultats peuvent permettre de mieux comprendre la biologie des malformations caverneuses cérébrales sporadiques en mettant en évidence le rôle majeur des mutations de PIK3CA dans ces dernières, plutôt que celui des gènes CCM, initialement considérés comme prédominants.

Ce résultat, qui a été corroboré par un modèle préclinique, ouvre de nouvelles perspectives, encore à valider, pour le développement de thérapies ciblées pour le traitement des cavernomes sporadiques humains mutés PIK3CA qui sont réfractaires à la chirurgie et à la radiothérapie ou à la radiochirurgie et entraînent des complications fréquentes. Les inhibiteurs de PIK3CA ont en effet donné des résultats prometteurs chez les patients atteints du syndrome de CLOVES (syndrome d’hypercroissance lié à PIK3CA) ainsi que chez les patients atteints d’un large éventail de tumeurs.

Découverte d’un nouveau mode de communication des cellules de notre cerveau

Cellule microgliale

Une image en tissu fixé de cervelet de souris adulte, avec une cellule microgliale en vert contactant des nœuds de Ranvier en rouge, avec les paranœuds (zone d’ancrage de l’extrémité des couches de myéline, de part et d’autre du nœud) en bleu. © Inserm/Desmazieres Anne

 

Le cerveau révèle petit à petit les mystères de son fonctionnement. Outre l’étude des neurones, les chercheurs et chercheuses s’intéressent de plus en plus au rôle d’autres types de cellules du système nerveux qui aident les neurones dans leurs tâches quotidiennes. Une étude conduite par des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de l’AP-HP et de Sorbonne Université, regroupés au sein de l’Institut du Cerveau à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, montre pour la première fois une interaction entre les neurones et les microglies, des cellules immunitaires présentes dans le cerveau. Ce mode de communication jusqu’alors inconnu pourrait être clé pour mieux comprendre les mécanismes de réparation du cerveau ainsi que des pathologies comme la sclérose en plaques. Les résultats font l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications.

Dans notre système nerveux, la transmission de l’influx nerveux (messages nerveux) se fait par le biais des prolongements des neurones, les axones, entourés d’une gaine isolante appelée myéline. Les nœuds de Ranvier, de petits domaines intercalés entre les segments de myéline sont indispensables pour la diffusion rapide de l’information, mais ils sont aussi une plaque tournante d’interactions cellulaires dans le cerveau.

Des études antérieures avaient déjà montré que certains types de cellules du cerveau, comme les oligodendrocytes et les astrocytes, formaient des contacts avec les neurones au niveau de ces nœuds de Ranvier. En revanche, les interactions avec un autre type de cellules essentielles du cerveau, les microglies, n’avait pas été explorées. Ces cellules immunitaires jouent pourtant un rôle clé de protection du cerveau ainsi que dans des processus régénératifs comme la remyélinisation, la reformation de la gaine de myéline, qui est atteinte dans des pathologies comme la sclérose en plaques.

Une étude conduite à l’Institut du Cerveau par la chercheuse Inserm Anne Desmazières et ses collègues Rémi Ronzano et Thomas Roux dans l’équipe de Catherine Lubetzki (AP-HP/Sorbonne Université) montre pour la première fois que des contacts et une communication existent entre les neurones et les cellules microgliales au niveau des nœuds de Ranvier.

Grâce à des études menées sur des modèles murins ex-vivo (cultures tissulaires) et in-vivo, notamment par des approches d’imagerie en temps réel permettant d’observer la dynamique de ces contacts, mais également sur du tissu humain, les chercheurs ont révélé une interaction particulièrement stable entre ces deux types de cellules, et un dialogue renforcé dans un contexte de régénération de la myéline. Ils ont également identifié les mécanismes sous-jacents à ce dialogue. C’est l’activité neuronale qui est le médiateur de l’interaction et la renforce.

Les microglies sont capables de « lire » l’information qui arrive au niveau des nœuds de Ranvier sous la forme de signal ionique, modulant ainsi leur état et leur interaction avec le neurone. Une altération de ce signal ionique peut maintenir les microglies dans un état pro-inflammatoire, les empêchant de jouer leur rôle pro-régénératif et pro-remyélinisant.

Dans le cas de la sclérose en plaques, cette découverte ouvre plusieurs pistes de recherche pour mieux comprendre la pathologie, notamment celle de l’impact des signaux inflammatoires existant dans cette maladie sur le dialogue neurone-microglie et le potentiel pro-remyélinisant de la microglie. La découverte de ce dialogue est d’autant plus intéressante que des thérapies à l’essai dans la sclérose en plaques tentent aujourd’hui d’agir sur la physiologie de ces microglies afin de favoriser leur caractère pro-régénératif.

Ce nouveau mode de communication mis en évidence pose aussi la question de l’impact de l’activité neuronale sur le comportement des microglies. En effet, de nombreuses pathologies neurologiques, dont l’épilepsie, sont associées à des altérations de l’activité des neurones, et les conséquences de cette altération sur les cellules microgliales sont encore à ce jour inconnues.

Vers le développement d’opioïdes sans effets secondaires pour lutter plus efficacement contre la douleur

Médicaments

© Unsplash

 

Les opioïdes ont révolutionné le traitement de la douleur, mais ils présentent de graves effets secondaires pouvant conduire à l’arrêt de la fonction respiratoire et à la mort. Une consommation abusive de ces médicaments liée à leur caractère addictif est d’ailleurs associée à une épidémie de décès par overdose aux États-Unis et en Europe. Leur cible principale impliquée dans la réduction de la douleur et qui provoque les effets secondaires est le récepteur opioïde de type mu. Pour développer de nouvelles molécules analgésiques sans effets secondaires les scientifiques cherchent donc à comprendre comment les opioïdes agissent sur ce récepteur. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpellier à l’Institut de génomique fonctionnelle ont identifié, au sein du récepteur mu, les rouages moléculaires à l’origine des voies de signalisation impliquées dans la réduction de la douleur. Ces résultats, publiés dans la revue Molecular Cell, ouvrent la voie au développement d’opioïdes dénués d’effets secondaires.

En 2019, les analgésiques opioïdes auraient été responsables de plus de 70 000 décès aux États-Unis, un lourd bilan, au point que l’on parle même d’une grave crise des opioïdes. En Europe et notamment en France, le phénomène suscite également des inquiétudes.

Les effets secondaires des médicaments sont souvent dus à des interactions involontaires avec de mauvaises cibles dans notre organisme. Aujourd’hui, les traitements médicamenteux dont nous disposons sont de plus en plus spécifiques à leurs cibles, grâce aux efforts considérables de la recherche pour réduire les effets secondaires. Toutefois, l’action des médicaments, même sur leur cible, peut encore produire des effets secondaires, parfois graves.

Ainsi, les médicaments opioïdes agissent sur nos récepteurs opioïdes, qui contrôlent non seulement la douleur, mais aussi la récompense, la dépendance, l’humeur et encore d’autres fonctions.

S’ils réduisent la douleur, ces médicaments peuvent également produire une sensation d’euphorie ou de plaisir et devenir addictifs. En cas de consommation abusive, une surdose peut même conduire à un arrêt respiratoire et être fatale.

Afin de développer des médicaments plus sûrs, qui agiraient uniquement sur la douleur sans les effets secondaires, l’un des enjeux de la recherche est d’identifier la zone des récepteurs opioïdes impliquée spécifiquement dans le contrôle de la douleur, en quelque sorte le « bouton anti-douleur » des récepteurs. La nouvelle étude portée par l’équipe du directeur de recherche Inserm Sébastien Granier à l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) apporte désormais des réponses à ce sujet.

Deux voix de signalisation principales au sein des récepteurs

Les récepteurs opioïdes sont des récepteurs couplés aux protéines G (on parle de récepteurs RCPG). Les humains possèdent 800 types de RCPG, qui contiennent les cibles d’environ 40 % des médicaments commercialisés. Cette famille de protéines partage une même architecture tridimensionnelle et deux principales voies de signalisation à l’intérieur des cellules.

Sous l’effet de stimuli (par exemple, un contact avec des médicaments), un RCPG comme les récepteurs opioïdes va adopter différentes conformations pour activer ou pour inhiber les voies de signalisation moléculaires de manière spécifique à l’intérieur des cellules, afin de déclencher différentes réponses et réactions biologiques.

En 2012, Sébastien Granier et ses collègues avaient déjà obtenu les premières structures 3D à haute résolution des récepteurs opioïdes. En 2015, son équipe était allée un peu plus loin, mettant au point une stratégie permettant d’observer les changements de conformations d’un récepteur opioïde particulier (le récepteur mu-opioïde), cible principale des analgésiques opioïdes, pendant sa réponse à ces médicaments. A présent, en comparant des opioïdes à d’autres molécules ayant peu d’effets secondaires, l’équipe vient de découvrir les rouages moléculaires qui seraient impliqués spécifiquement dans la réponse anti-douleur.

Pour parvenir à ces nouveaux résultats, les chercheurs ont combiné plusieurs méthodes innovantes en s’appuyant sur des simulations informatiques (en utilisant l’un des supercalculateurs les plus rapides de France, OCCIGEN), la spectroscopie RMN[1] et des essais de pharmacologie sur cellules vivantes.

Ils ont ainsi pu décrire dans les moindres détails la manière dont le récepteur mu-opioïdes répond aux analgésiques, pour identifier le « bouton » anti-douleur spécifique de ce récepteur.

récepteur mu opioïde

Deux modèles 3D du récepteur mu opioïde avec des analgésiques opioïdes. La substance médicamenteuse ayant peu d’effets secondaires (oliceridine, bleu) s’insère plus profondément dans la poche du récepteur qu’un opioïde classique (jaune), et ferme un espace dans le récepteur (en bas à droite) probablement à l’origine des effets secondaires. Pour voir la modélisation 3D sous différents angles, cliquez ici

 

Améliorer les stratégies de développement des nouveaux médicaments

Les implications thérapeutiques de ces travaux sont potentiellement très importantes. « Mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’inhibition ou à l’activation des voies de signalisation et identifier de manière plus précise l’endroit du récepteur sur lequel agissent les médicaments opioïdes est une grande avancée pour permettre à terme de développer des nouvelles molécules plus ciblées, activant seulement les voies qui nous intéressent, sans effets secondaires », souligne le chercheur Inserm Rémy Sounier, qui a co-dirigé cette étude.

Les scientifiques vont désormais poursuivre leurs recherches pour déterminer si les mécanismes identifiés sont universels pour d’autres récepteurs RCPG. Ils souhaitent également utiliser les nouvelles connaissances acquises pour développer de nouvelles molécules opioïdes qui pourraient avoir un intérêt thérapeutique avec des effets secondaires minimes.

 

[1] Connue également en imagerie médicale sous le nom d’IRM, cette technique exploite la propriété de certains atomes lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique pour obtenir des informations sur les mouvements fonctionnels ou changements de forme du récepteur lors de son activation

Diabète : nouvelles avancées de la recherche grâce à l’étude du mécanisme de satiété

Diabète

Le marquage violet montre les « tanycytes », qui forment la porte cellulaire du cerveau à la leptine, tandis que, en jaune, on observe les neurones stimulant l’appétit et en bleu les neurones supprimant l’appétit. Ces deux types de neurones sont les cibles de la leptine; les premiers vont être inhibés et les deuxièmes activés par le signal « coupe-faim » de cette hormone. © Vincent Prévot

 

Le diabète, qui correspond à un excès durable de la concentration de glucose dans le sang, peut entraîner des complications de santé à long terme. Dans 90% des cas, il s’agit de diabète de type 2 (DT2). Les patients qui en sont atteints sont généralement obèses ou en surpoids, et les facteurs de risque de déclenchement de la maladie incluent la sédentarité ainsi qu’une alimentation déséquilibrée. Pour mieux comprendre la pathologie, une équipe de chercheurs de l’Inserm, d’Université de Lille et du CHU de Lille au sein du laboratoire Lille Neuroscience et Cognition[1] étudie depuis plusieurs années le rôle de la leptine, une hormone impliquée dans le contrôle de l’appétit, qui transmet au cerveau le signal de satiété. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Metabolism, en plus d’approfondir les connaissances scientifiques sur le mécanisme de satiété, les chercheurs sont parvenus à reproduire chez la souris un nouveau modèle de diabète utile et pertinent pour faire avancer la recherche sur la maladie.

La leptine (« hormone de la satiété » ou « hormone coupe faim ») est une hormone sécrétée par le tissu adipeux, proportionnellement aux réserves de graisses dans l’organisme, qui régule l’appétit en contrôlant la sensation de satiété.  Elle est transportée vers le cerveau par des cellules appelées tanycytes, dans lesquelles elle entre en s’arrimant à des récepteurs appelés LepR. Les tanycytes sont donc la porte d’entrée de la leptine vers le cerveau, aidant cette hormone à franchir la barrière hémato-encéphalique et à délivrer aux neurones l’information de satiété.

De précédentes recherches ont révélé que le transport de la leptine est altéré chez les sujets obèses et en surpoids, expliquant en partie des dysfonctionnements dans la régulation de l’appétit, puisque l’information de satiété parvient plus difficilement à atteindre le cerveau. Dans leur nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés de plus près à ce transport de la leptine jusqu’au cerveau, et plus précisément au rôle des récepteurs LepR.

 

Le rôle clé des récepteurs de l’hormone de la satiété dans la gestion du glucose

Dans des modèles de souris, les chercheurs ont retiré le récepteur LepR situé à la surface des tanycytes. Au bout de trois mois, les souris ont enregistré une forte augmentation de leur masse grasse (multipliée par deux sur la période) ainsi qu’une perte de masse musculaire (diminuée de plus de la moitié). La prise de poids totale n’a été qu’assez modérée. Les scientifiques ont par ailleurs mesuré régulièrement la glycémie des animaux après injection de glucose.

Ils ont constaté que pour maintenir une glycémie normale (entre 0.70 et 1.10 g/L), les souris ont sécrété davantage d’insuline au cours des quatre premières semaines de l’expérience. Trois mois après le retrait du récepteur, leur capacité de sécrétion d’insuline par le pancréas semblait épuisée.

Le fait de retirer les récepteurs LepR et d’altérer le transport de la leptine vers le cerveau a donc conduit les souris à développer dans un premier temps un état pré diabétique. Celui-ci survient lorsque l’organisme libère de l’insuline en plus grande quantité que d’accoutumée pour contrôler la glycémie. Puis, à plus long terme, les souris deviennent incapables de sécréter de l’insuline et donc de contrôler la quantité de glucose présente dans le sang. Ces données suggèrent ainsi qu’un transport altéré de la leptine vers le cerveau, via les récepteurs LepR, est impliqué dans le développement du diabète de type 2.

Chez un animal/individu normal, la glycémie augmente légèrement après ingestion de glucose et redescend rapidement. En effet, pour retrouver des valeurs normales, le pancréas sécrète de l’insuline qui aide le glucose à pénétrer les cellules de l’organisme. 

Chez l’animal privé du récepteur LepR à la porte d’entrée de la leptine dans le cerveau, la glycémie est anormalement élevée à jeun et à fortiori après ingestion du glucose. Le pancréas devient incapable de sécréter de l’insuline nécessaire à la pénétration du glucose dans l’organisme. La « surdité » du cerveau à l’information véhiculée par la leptine rend ainsi le pancréas non fonctionnel.

Dans la dernière partie de leurs travaux, les chercheurs ont procédé à la réintroduction de la leptine dans le cerveau et ont constaté une reprise immédiate de son action favorisant la fonction du pancréas et notamment sa capacité à sécréter de l’insuline pour réguler la glycémie. Les souris ont retrouvé rapidement un métabolisme en bonne santé.

Cette étude met donc en lumière le rôle du cerveau dans le diabète de type 2 et contribue par ailleurs à faire évoluer la recherche sur la maladie, qui n’était pas considérée jusqu’alors comme une maladie du système nerveux central.

« Nous montrons en effet d’une part que la perception de la leptine par le cerveau est indispensable pour la gestion de l’homéostasie énergétique[2] et de la glycémie. D’autre part, que le blocage du transport de la leptine vers le cerveau altère le bon fonctionnement des neurones qui contrôlent les sécrétions d’insuline du pancréas », conclut Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm, dernier auteur de l’étude.

Autre résultat intéressant de cette étude : en retirant le récepteur LepR à la porte d’entrée de la leptine dans le cerveau, le modèle animal obtenu présente les caractéristiques de ce qu’on appelle le « Diabète Est Asiatique » encore peu étudié par les chercheurs. Ce phénotype de diabète concerne principalement les populations de Corée et du Japon.

Alors que le « Diabète Occidental » est la plupart du temps associé à un surpoids marqué (IMC >25) ou à une obésité morbide (IMC >30) » cet autre phénotype de diabète de type 2 présentant souvent un léger surpoids, une augmentation de la graisse abdominale et une insuffisance en insuline liée à une défaillance de la sécrétion d’insuline par le pancréas.

Selon les chercheurs le développement de ce nouveau modèle animal permettra de faire avancer la recherche sur cette pathologie qui touche des millions de personnes.

 

L’équipe de recherche est parvenue dans un premier temps à décrire le mécanisme de passage de la leptine à travers cette porte cellulaire: les tanycytes (Figure ci-contre : cellules en jaune). Ces cellules capturent la leptine circulante à partir des vaisseaux sanguins qui, à cet endroit-là, ont la particularité de la laisser passer (étape 1). Lors de son parcours dans le tanycyte, la leptine capturée par le LepR active le récepteur à l’ « EGF » (ou EGFR) qui lui-même active une voie de signalisation “ERK” (étape 2) qui enclenche sa libération dans le liquide céphalorachidien (étape 3). La leptine active alors les zones cérébrales qui véhiculent son action anorexigène (‘coupe-faim ‘), mais aussi le contrôle du fonctionnement du pancréas (étape 4).

[1] Ce travail a été conduit en collaboration avec deux laboratoires de l’Institut Cochin et de l’Université de Strasbourg dans le cadre d’un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche et deux laboratoires Européens, l’un à l’Université de Lübeck en Allemagne et l’autre à l’Université de Saint Jacques de Compostelle en Espagne, dans le cadre d’un financement de la Communauté Européenne. Par ailleurs, le laboratoire Lille Neuroscience et Cognition est membre du LabEx EGID (European Genomic Institute for Diabetes), mais aussi de DISTALZ (Development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary approach to ALZheimer’s disease).

[2] Stabilisation, réglage chez les organismes vivants, de certaines caractéristiques physiologiques (prise alimentaire, dépense énergétique etc.).

Découverte du mécanisme cérébral impliqué dans la réponse face au danger

Cellules neuronales

Cellules neuronales/ Onimate © Adobe Stock

Chez l’humain et l’animal, la réponse défensive est un mécanisme de notre cerveau qui nous permet de réagir efficacement face à un danger. L’une des principales réponse défensive est l’évitement. Mais l’évitement excessif en l’absence de menace réelle est un marqueur de pathologies liées à l’anxiété, et les mécanismes neuronaux qui en sont à l’origine sont encore mal compris. Une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux au Neurocentre Magendie a récemment révélé l’interdépendance de deux régions du cerveau, l’amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédial, dans ce mécanisme. Ces nouvelles données, publiées dans la revue Nature, permettent d’ouvrir de nouvelles pistes pour traiter les patients atteints de troubles de l’anxiété, en ciblant directement les régions du cerveau qui en sont à l’origine.

Lorsqu’un danger est proche, on retrouve chez l’humain et l’animal un mécanisme d’évitement, qui lui permet de prendre la fuite pour se protéger. Chez certaines personnes, cette réponse défensive est disproportionnée, se produit en dehors de tout danger et est symptomatique d’un trouble de l’anxiété.  Connaître les mécanismes du cerveau qui sont à l’origine de cette réaction est crucial pour ouvrir des pistes thérapeutiques durables et efficaces sur les patients atteints de ces troubles. 

Le rôle clé de l’amygdale et du cortex préfrontal dans la réponse d’évitement

Il existe deux principales réactions défensives : l’immobilité lorsque le danger est éloigné, et l’évitement lorsqu’il est proche. Si les mécanismes de la première sont bien connus des scientifiques car plus faciles à étudier (il est en effet plus simple d’observer les modifications neuronales sur un animal immobile) ceux de la seconde demeurent mal connus. Depuis ces dix dernières années, les scientifiques savaient que deux régions du cerveau, l’amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédial, étaient impliquées mais ignoraient dans quelle mesure elles travaillaient ensemble pour déclencher cette réaction d’évitement.

 L’équipe de Cyril Herry au Neurocentre Magendie a observé chez les souris les mécanismes neuronaux-sous-jacent à l’origine de l’évitement. Pour cela, les chercheurs ont placé des souris dans un labyrinthe composé de deux compartiments. Dans l’un d’eux, un son désagréable était émis, associé à une menace. La souris avait alors la possibilité de fuir dans l’autre compartiment, arrêtant ainsi le son associé à un danger.

Pour comprendre le rôle de l’amygdale et du cortex préfrontal dans cette stratégie d’évitement, les chercheurs ont désactivé temporairement ces deux régions chez les souris pendant l’expérience. Ils ont ensuite utilisé les approches optogénétique[1] couplées à des enregistrements de l’activité électrique des neurones, afin de manipuler et d’observer en temps réel au niveau neuronal les modifications comportementales qui se produisaient. Le résultat est significatif : au moment où la souris reçoit le stimulus auditif, quelle que soit la région désactivée (amygdale ou cortex préfrontal), la réponse d’évitement est fortement perturbée. Cela démontre le rôle clé de ces deux régions du cerveau, à la fois dans la reconnaissance d’une menace, et dans la réponse d’évitement.

En outre, les chercheurs ont découvert que le cortex préfrontal associe non seulement le son à une menace, mais contrôle l’action à venir. En effet, une seconde avant que la décision de fuir ne soit prise chez la souris, les chercheurs ont constaté une activation des neurones dans le cortex préfrontal. L’amygdale intervient ensuite pour faire persister au sein du cortex préfrontal cette association entre le son désagréable et la prise de décision de l’animal. Le maintien de cette information dans le cortex préfrontal grâce à l’amygdale est ce qui permet in fine à l’animal de prendre la décision de fuir.

 Le mécanisme d’évitement est donc conditionné par l’interaction entre l’amygdale et le cortex préfrontal.

Une avancée prometteuse pour traiter les troubles de l’anxiété grâce à l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle permet de prédire le comportement de l’animal à partir de schémas de l’activité neuronale passée. Néanmoins cette technique avait rarement été appliquée dans les recherches liées aux comportements émotionnels.

Dans cette étude, l’IA a été mobilisée pour prédire le comportement de l’animal en présence d’une menace, et cette technique est tout-à-fait applicable à l’humain.

Bien que cette méthode n’aie encore jamais été testée chez l’homme, « il serait possible avec l’intelligence artificielle de prédire ,en fonction d’un enregistrement en temps réel de l’activité du cerveau, quel va être le comportement de tel ou tel individu dans une situation émotionnelle négative et éventuellement de développer des outils qui permettent réguler en temps réel les modifications neuronales qui y sont associées » souligne Cyril Herry, co-auteur de l’étude. Il s’agit d’une avancée importante pour les patients atteints de stress post-traumatique ou d’anxiété généralisée, qui ont une réaction d’évitement excessive en l’absence de menace réelle. Pouvoir prédire les modifications neuronales associées à cette anxiété permettra de traiter les symptômes en temps réel, et d’en cibler les causes physiologiques profondes.

 

[1]L’optogénétique consiste à modifier génétiquement certaines cellules neuronales pour les rendre sensibles à la lumière. Cela permet par exemple d’activer ou d’inhiber certains neurones bien ciblés grâce à un rayon de lumière, sans toutefois affecter les neurones voisins. Ainsi, cette technique permet de trouver des liens de causalité entre des activités neuronales et des manifestations comportementales.

Suspension provisoire des travaux sur les prions dans les laboratoires de recherche publics français

Maladie de Creutzfeldt-Jakob

Maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique chez l’homme. Il existe une spongiose disséminée à l’intérieur du cortex cérébral. On note la raréfaction neuronale. x62,5. © Inserm/Robain, Olivier 

Texte mis à jour le 26 janvier 2022

Les directions générales de l’ANSES, du CEA, du CNRS, d’INRAE et de l’Inserm, ont décidé conjointement et en accord avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de suspendre à titre conservatoire l’ensemble de leurs travaux de recherche et d’expérimentation relatifs aux maladies à prions, pour une durée de trois mois.

Cette mesure de précaution est motivée par la connaissance d’un possible nouveau cas de personne atteinte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob[1] et qui a travaillé dans un laboratoire de recherche sur les prions.

La période de suspension mise en place à compter de ce jour permettra d’étudier l’éventualité d’un lien entre le cas observé et l’ancienne activité professionnelle de la personne et d’adapter si nécessaire les mesures de prévention en vigueur dans les laboratoires de recherche. 

La personne atteinte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), dont la forme n’est pas connue à ce jour, est un agent INRAE à la retraite. Il pourrait s’agir d’un second cas de MCJ par voie infectieuse affectant un scientifique ayant travaillé sur les prions, après celui d’une assistante ingénieur décédée des suites de la maladie en 2019, et qui s’était blessée en 2010 au cours d’une expérimentation.

A la suite de ce décès, une mission d’inspection générale avait été diligentée dès juillet 2019 par les ministères de la recherche et de l’agriculture auprès des laboratoires français manipulant des prions. Remis en octobre 2020, le rapport avait conclu à la conformité réglementaire des laboratoires visités ainsi qu’à la présence d’une culture de la maîtrise du risque au sein des équipes de recherche.

Les recherches autour des protéines prions, à forts enjeux de santé publique, permettent des avancées majeures dans la compréhension du fonctionnement de ces agents pathogènes infectieux, et contribuent à des résultats transférables vers d’autres maladies dégénératives apparentées comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

A l’échelle de chaque établissement, une information régulière et transparente sera livrée à l’ensemble des communautés de travail concernées par cette mesure.

Prolongation du moratoire sur les travaux de recherche et d’expérimentation relatifs aux maladies à prions jusqu’à fin 2021 – Communiqué de presse conjoint du Ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation, et du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 27 octobre 2021.
26 janvier 2022

L’IGÉSR et le CGAAER précisent les conditions de sortie du moratoire sur les travaux de recherche relatifs aux maladies à prionsCommuniqué de presse conjoint du Ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation et du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

 

[1]  La maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est une des maladies à prions – encore appelées encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) –  des maladies rares, caractérisées par une dégénérescence rapide et fatale du système nerveux central. Elles sont dues à l’accumulation dans le cerveau d’une protéine normalement exprimée mais mal conformée – la protéine prion – qui conduit à la formation d’agrégats délétères pour les neurones. Pour l’heure, aucun traitement ne permet de modifier le cours de ces maladies. Elle peut être d’origine sporadique, forme la plus fréquente, d’origine génétique ou enfin de forme infectieuse suite à une contamination.

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob

Le rôle clé des astrocytes pour le développement cognitif

astrocytes

Culture primaire d’astrocytes © Inserm/Ruiz, Anne-Laure

Les astrocytes sont des cellules du cerveau qui ont longtemps été considérées uniquement comme de simples cellules de soutien des neurones. Depuis quelques années, elles sont de plus en plus étudiées, et leur importance pour le fonctionnement du cerveau est peu à peu mis au jour. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et du Collège de France au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie révèlent désormais le rôle crucial de ces cellules dans la fermeture de la période de plasticité cérébrale qui suit la naissance. Les astrocytes auraient une place centrale dans le développement des facultés sensorielles et cognitives après la naissance. A plus long terme, ces travaux permettent d’envisager de nouvelles stratégies pour ré-introduire la plasticité cérébrale chez l’adulte, et ainsi favoriser la rééducation après des lésions cérébrales ou des troubles neuro-développementaux. Ces travaux ont été publiés dans la revue Science.

La plasticité cérébrale est une période transitoire clé où le cerveau, après la naissance, remodèle le câblage des neurones en fonction des stimulations extérieures qu’il reçoit (environnement, interactions…).  La fin – ou fermeture – de cette période marque la stabilisation des circuits neuronaux, associée à un traitement efficace des informations et à un développement cognitif normal. Cela ne signifie pas qu’il n’y a plus aucune plasticité ensuite, mais qu’elle est très réduite par rapport au début de la vie.

Les problèmes qui interviennent pendant la période de plasticité cérébrale peuvent avoir des conséquences importantes à long terme. Ainsi par exemple, si durant cette période un individu souffre d’une pathologie oculaire qui l’empêche de voir correctement, comme par exemple un strabisme, le câblage cérébral qui correspond à cette faculté sera altéré définitivement si l’œil n’est pas soigné à temps.

Afin d’y remédier, les chercheurs ont pour objectif de remodeler ce câblage en identifiant une thérapie qui permettrait de réintroduire la plasticité cérébrale même après la fin du développement. Pour cela, ils cherchent aussi à mieux caractériser les mécanismes biologiques qui sous-tendent la fermeture de la période de plasticité cérébrale.

Des études pionnières des années 1980 ont montré que greffer des astrocytes immatures dans le cerveau d’animaux adultes permettait d’induire à nouveau une période de grande plasticité. L’équipe de la chercheuse Inserm Nathalie Rouach au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (Inserm/CNRS/Collège de France)[1] s’est inspirée de ce procédé pour révéler le processus cellulaire, jusqu’ici inconnu, à l’origine de la fermeture de la période de plasticité.

La greffe d’astrocytes immatures pour réintroduire la plasticité cérébrale

A travers des expériences menées en s’intéressant au cortex visuel de la souris, les chercheurs montrent que la présence des astrocytes immatures est clé pour la plasticité cérébrale. Les astrocytes orchestrent ensuite plus tard dans le développement la maturation d’interneurones[1] pendant la période de plasticité, ce qui aboutit in fine à sa fermeture. Ce processus de maturation a lieu via un mécanisme inédit impliquant l’action de la Connexine 30, une protéine que les chercheurs ont retrouvée en forte concentration dans les astrocytes matures durant la période de fermeture.

 

Le fait de greffer des astrocytes à des souris adultes pourrait-il permettre réintroduire une plasticité cérébrale ?

Afin de répondre à cette question, les chercheurs ont mis en culture des astrocytes immatures issues du cortex visuel de jeunes souris (qui avaient entre 1 et 3 jours). Ils ont ensuite greffé ces astrocytes immatures dans le cortex visuel primaire de souris adultes. Il s’agissait alors d’évaluer l’activité du cortex visuel après quatre jours d’occlusion monoculaire, une technique classique pour évaluer la plasticité cérébrale. Les chercheurs ont alors trouvé que la souris greffée avec des astrocytes immatures présentait un haut niveau de plasticité, contrairement à la souris non greffée.

 « Cette étude nous rappelle qu’en neurosciences nous ne devons pas uniquement nous intéresser aux neurones. Les cellules gliales, dont les astrocytes font partie, régulent la plupart des fonctions du cerveau. Nous avons réalisé que ces cellules ont des rôles actifs. Les cellules gliales sont en effet moins fragiles que les neurones et constituent donc un moyen plus accessible d’intervenir sur le cerveau. », souligne Nathalie Rouach, coordinatrice de l’étude.

Les cellules gliales représentent plus de la moitié des cellules du cerveau. Elles n’ont pas le même lignage cellulaire que les neurones et leurs fonctions sont très différentes.  On pensait jusque récemment qu’elles étaient les « nettoyeuses » du cerveau, mais les chercheurs ont réalisé qu’elles avaient aussi un rôle actif de libération de molécules. Par rapport aux neurones, elles arrivent plus tard dans le développement, n’ont pas le même mode de communication, et sont majoritaires.

Ces travaux sur les astrocytes permettent d’envisager de nouvelles stratégies cellulaires et moléculaires visant à ré-ouvrir une période de plasticité accrue chez l’adulte afin par exemple de favoriser la réadaptation après une lésion cérébrale ou de pallier les dysfonctionnements sensori-moteurs ou psychiatriques issus de troubles neuro-développementaux

 

[1]   Les interneurones établissent des connexions entre un réseau de neurones afférent (qui envoie les informations au système nerveux central) et un réseau de neurones efférents (qui envoient ces informations vers les organes répondant à la stimulation)

La thérapie génique, un espoir contre les maladies de Charcot-Marie-Tooth

Gaines de myéline

Gaines de myéline transduites dans un nerf sciatique de rat. © Nicolas Tricaud

Troubles de la marche et de l’équilibre, douleurs, atrophie musculaire… c’est le quotidien des 30 000 à 50 000 patients souffrant des maladies de Charcot-Marie-Tooth (CMT) en France. Une catégorie de maladies génétiques orphelines qui affectent les nerfs périphériques et contre lesquelles il n’existe pour l’heure pas de traitement spécifique. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Montpellier à l’Institut des Neurosciences de Montpellier (INM) et à l’Institut de médecine régénérative et de biothérapie (IRMB), en collaboration avec l’ISTEM à Evry et avec le soutien de Genopole, viennent d’obtenir des résultats prometteurs chez l’animal en ayant recours à un vecteur de thérapie génique. Leur étude a été publiée le 21 avril dans le journal Nature communication.

Les maladies de Charcot-Marie-Tooth (CMT), à ne pas confondre avec la maladie de Charcot qui est une autre pathologie distincte, sont des maladies génétiques des nerfs périphériques qui affectent soit la gaine de myéline des nerfs, soit les axones qui transportent l’influx nerveux. Elles touchent jusqu’à une personne sur 2500. Ces maladies, dont il existe 6 grands types différents, provoquent un dysfonctionnement dans la transmission de l’influx nerveux, des atrophies musculaires au niveau des extrémités des membres et le plus souvent des déformations des mains et des pieds associées à un handicap à la marche. D’autres symptômes comme la scoliose et la surdité peuvent aussi exister. En dehors de la chirurgie orthopédique et de la physiothérapie il n’existe pas de traitements pour ces maladies.

L’équipe du chercheur Inserm Nicolas Tricaud à l’Institut des neurosciences de Montpellier (INM) a évalué chez le rat l’utilisation du vecteur de thérapie génique AAV pour introduire une molécule « médicament » dans les cellules de Schwann du nerf, qui forment la gaine de myéline entourant les fibres nerveuses. Le vecteur a été introduit localement dans le nerf sciatique des membres inférieurs dont la dégénération induit la majorité des symptômes. Les chercheurs se sont alors aperçus que ce vecteur AAV était capable de s’introduire dans une grande quantité de cellules de Schwann.

Molécule « médicament »

Deuxième étape : les chercheurs ont introduit dans le vecteur une molécule « médicament » pour la principale des maladies CMT, la CMT1A.

Ce vecteur candidat « médicament » a ensuite été injecté dans les nerfs de jeunes rats mimant la maladie. Résultat : le vecteur a permis d’empêcher l’apparition de la maladie chez ces rats pendant au moins un tiers de leur vie.

« Ce traitement de long terme et local provoque relativement peu des effets secondaires habituellement observés en thérapie génique à base d’AAV, se réjouit Nicolas Tricaud. Nous avons aussi pu valider un certain nombre de biomarqueurs de la peau qui, en combinaison avec des mesures de l’activité motrice, permettent de prédire l’efficacité du traitement chez le rat », complète le responsable de l’étude.

Cette découverte permet d’envisager le développement d’un traitement de thérapie génique à injection locale pour la large partie des maladies CMT qui touchent la gaine de myéline.

La création d’une biotech destinée à amener cette thérapie aux patients est en cours grâce au soutien de la SATT AxLR de la région Occitanie.

L’apesanteur, un challenge pour le corps… Mais aussi pour le cerveau !

Etude des mouvements

Capture en 3D des mouvements. ©Inserm/Guénet, François

 

Deux semaines avant le décollage de l’astronaute Thomas Pesquet dans l’espace pour la mission Alpha, les connaissances progressent concernant l’adaptation de l’Homme à la gravité. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bourgogne au sein du laboratoire CAPS «Cognition, action et plasticité sensori-motrice » s’intéressent à la façon dont sont réalisés les mouvements dépendants de cette force omniprésente.

Depuis 30 ans, on pensait que le cerveau – à l’origine de la commande motrice – compensait en permanence les effets de la gravité. Dans une première étude en 2016, les chercheurs avaient suggéré que notre cerveau se sert de la gravité pour minimiser les efforts que nos muscles doivent déployer. Des résultats confirmés récemment grâce à de nouvelles expérimentations menées en collaboration avec l’université de New-York à la fois sur des modèles de primates non humains et sur l’Homme. Ces résultats sont parus dans la revue Science Advances .

 

A quoi cette anticipation peut-elle bien servir ?

Initialement, les chercheurs pensaient que le cerveau compensait à chaque instant les effets de la gravité pour réaliser des mouvements qui ne soient pas perturbés par les effets de la gravité. Des études récentes menées par les chercheurs de l’université de Bourgogne et de l’Inserm au laboratoire CAPS en collaboration avec une équipe de l’université de New York (Dora E. Angelaki, professeure de neuroscience à la Tandon School of Engineering – New York) challengent cette idée. Les chercheurs ont fait l’hypothèse que l’anticipation des effets de la gravité permette de planifier des mouvements utilisant les effets de la gravité sur notre corps pour minimiser nos efforts musculaires. 

Pour confirmer cette théorie, l’équipe de recherche a enregistré les activations musculaires envoyées par le cerveau aux muscles. Ces mesures ont été réalisées chez des primates non humains et chez des humains effectuant des mouvements de bras horizontaux et verticaux.

Les résultats obtenus montrent que le cerveau envoie des commandes électriques activant et désactivant les muscles de manière très précise – phénomènes durant quelques millisecondes – afin d’exploiter les effets de la gravité pour accélérer nos mouvements descendants et décélérer nos mouvements ascendants. Ces résultats ont été observés chez le primate non-humain comme chez l’humain.

Cette observation corrobore l’hypothèse d’une adaptation profonde du système nerveux à son environnement.

A terme, cette avancée pourrait éclairer des domaines variés tels que l’aide au mouvement pour les personnes handicapées ou la programmation des mouvements de robots humanoïdes.

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