Menu

Consommation d’aliments ultra-transformés et risque de maladies cardiovasculaires

©Photo Christopher Flowers / Unsplash

Dans un article à paraître le 30 mai 2019 dans le British Medical Journal, des chercheurs de l’Inserm, de l’Inra, de l’Université Paris 13 et du Cnam au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle EREN rapportent un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les consommateurs d’aliments ultra-transformés dans la cohorte NutriNet-Santé.

Durant les dernières décennies, les habitudes alimentaires se sont modifiées dans le sens d’une augmentation de la consommation d’aliments ultra-transformés (voir encadré ci-dessous), qui contribuent aujourd’hui à plus de la moitié des apports énergétiques dans de nombreux pays occidentaux. Ils se caractérisent souvent par une qualité nutritionnelle plus faible, mais aussi par la présence d’additifs alimentaires, de composés néoformés et de composés provenant des emballages et autres matériaux de contact.

Des études récentes ont montré des associations entre la consommation d’aliments ultra-transformés et un risque accru de dyslipidémie, de surpoids, d’obésité, et d’hypertension artérielle.

Les chercheurs de l’équipe EREN ont également déjà observé des associations entre la consommation d’aliments ultra-transformés et les risques de cancer, de mortalité, de symptômes dépressifs, et de troubles fonctionnels digestifs mais aucune étude épidémiologique n’avait, à ce jour, investigué les relations entre la consommation de ces aliments et le risque de maladies cardiovasculaires. C’est désormais chose faite grâce à ce travail réalisé dans le cadre de la cohorte NutriNet-Santé, par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle, plus spécifiquement par le Dr Bernard Srour (épidémiologiste, doctorant), sous la direction du Dr Mathilde Touvier (directrice de recherche Inserm, directrice de l’équipe), en collaboration avec l’Université de São Paulo au Brésil.

Plus de 100 000 participants de la cohorte française NutriNet-Santé (suivis entre 2009 et 2018) ont été inclus. À l’entrée dans l’étude, la consommation alimentaire habituelle a été évaluée grâce à des enregistrements de 24 h répétés (6 en moyenne par participant) portant sur 3 300 aliments et boissons différents. Ceux-ci ont été catégorisés en fonction de leur degré de transformation par la classification NOVA (voir encadré ci-dessous).

Au cours du suivi, la consommation d’aliments ultra-transformés s’est révélée être associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires (n = 1 409 cas sur les 105 159 participants), en particulier coronariennes (n = 665 cas), ainsi que de maladies cérébro-vasculaires (n = 829 cas).

Une augmentation absolue de 10% de la part d’aliments ultra-transformés dans le régime (par exemple, en comparant deux individus consommant respectivement 15% et 25% de leurs aliments sous forme ultra-transformée) était associée à une augmentation de 12% de risque de maladies cardiovasculaires au global (13% pour les maladies coronariennes et 11% pour les maladies cérébro-vasculaires).

Cette étude observationnelle ne permet pas à elle seule de conclure à un lien de cause à effet. Cependant, en plus du design prospectif de l’étude, les résultats tiennent compte d’un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie dont l’âge, le sexe, le tabagisme, la consommation d’alcool, le niveau d’étude, l’activité physique ainsi que le statut pondéral, les comorbidités métaboliques et les antécédents familiaux. Les résultats obtenus montrent également que la moins bonne qualité nutritionnelle globale des aliments ultra-transformés ne serait pas le seul facteur impliqué dans cette relation.

Les recommandations nutritionnelles publiées récemment par Santé publique France (2019) conseillent de limiter la consommation d’aliments ultra-transformés et de privilégier les aliments bruts ou peu transformés, en adéquation avec l’objectif du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de réduire de 20% la consommation d’aliments ultra-transformés en France d’ici 2022.

Définition et exemples d’aliments ultra-transformés

La classification NOVA permet de catégoriser les aliments selon 4 groupes, en fonction de leur degré de transformation (aliments peu ou pas transformés, ingrédients culinaires, aliments transformés, aliments ultra-transformés). Cette étude portait sur le groupe des « aliments ultra-transformés », qui comprend par exemple les sodas sucrés ou édulcorés, les légumes marinés conservés avec l’ajout de sauces contenant des additifs alimentaires, les steaks végétaux reconstitués avec l’ajout d’additifs, les confiseries et barres chocolatées et tous les produits transformés avec ajout de conservateurs autre que le sel (nitrites par exemple), ainsi que les produits alimentaires principalement ou entièrement constitués de sucre, de matières grasses et d’autres substances non utilisées dans les préparations culinaires telles que les huiles hydrogénées et les amidons modifiés. Les procédés industriels comprennent par exemple l’hydrogénation, l’hydrolyse, l’extrusion, et le prétraitement par friture. Des colorants, émulsifiants, texturants, édulcorants et d’autres additifs sont souvent ajoutés à ces produits.

Exemples :

– Les viandes rouges ou blanches salées sont considérées comme des « aliments transformés » alors que les viandes fumées et/ou avec des nitrites et des conservateurs ajoutés, comme les saucisses et le jambon, sont classées comme « aliments ultra-transformés ».

– Les soupes  liquides en brique préparées uniquement avec des légumes, des herbes et des épices sont considérées comme des « aliments transformés » alors que les soupes déshydratées sont classées comme « aliments ultra-transformés».

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN, Inserm U1153 / Inra U1125 / Cnam / Université Paris 13), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 160 000 « Nutrinautes » fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales. À l’occasion des 10 ans de l’étude, un appel au recrutement de nouveaux Nutrinautes est lancé afin qu’ensemble, nous continuions de faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois pour répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée www.etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, l’activité physique et la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé. Par ce geste citoyen, chacun peut facilement devenir un acteur de la recherche et, en quelques clics, jouer un rôle important dans l’amélioration de la santé de tous et du bien-être des générations futures.

Récidives et chronicité de l’eczéma : comment l’expliquer ?

©AdobeStock

Pourquoi les plaques d’eczéma provoquées par le contact de la peau avec un allergène réapparaissent-elles aux mêmes endroits alors que la lésion a eu le temps de guérir ? C’est sur cette question que s’est penchée une équipe de recherche associant l’Inserm, l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’Ecole normale supérieure de Lyon et le CNRS au sein du Centre international de recherche en infectiologie. Les chercheurs ont découvert que non seulement les allergènes persistaient dans la peau pendant plusieurs semaines mais qu’ils n’étaient pas les seuls. Des cellules immunitaires appelées lymphocytes T mémoire résidents prolifèrent en effet sur les sites de lésion et y persistent pendant de longues périodes, réactivant l’apparition de plaques d’eczéma lors d’un nouveau contact avec l’allergène. Ces travaux parus dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension du fonctionnement et le traitement de l’eczéma de contact allergique.

L’eczéma de contact (ou dermite de contact) allergique est une réaction cutanée provoquée par l’exposition à des substances allergènes. L’inflammation des couches supérieures de la peau qu’elle provoque peut perdurer pendant plusieurs jours, ne disparaît pas tant que la peau reste en contact avec l’allergène responsable et peut même devenir chronique. Elle se manifeste par des éruptions cutanées (plaques d’eczéma) locales, accompagnées de brûlures et de démangeaisons, et réapparaît lorsque les zones guéries sont à nouveau en contact avec l’allergène.

Les lymphocytes T mémoire résidents (TRM) sont des cellules de l’immunité qui persistent à long terme dans les tissus périphériques, comme la peau. Ils participent à la réponse immunitaire secondaire, particulièrement rapide et efficace contre les pathogènes déjà rencontrés mais qui peut être responsable de l’aggravation de certaines maladies inflammatoires comme la dermite de contact. Dans les plaques d’eczéma causées par cette dernière, on observe en effet une accumulation de TRM.

Une équipe de recherche associant l’Inserm, l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’Ecole normale supérieure de Lyon et le CNRS, au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) s’est intéressée, chez la souris, à la contribution de ces TRM à la sévérité et à la chronicité de l’eczéma de contact et a observé qu’ils proliféraient localement au niveau des zones cutanées en contact avec un allergène.

Les TRM s’accumulent progressivement dans l’épiderme lorsque l’inflammation due à l’allergie de contact se résorbe et y persistent plusieurs semaines.

Ils sont ensuite à l’origine de l’apparition de plaques d’eczéma dès que l’allergène entre à nouveau en contact avec la lésion eczémateuse et ce, même si elle semble guérie.

L’équipe de recherche a donc essayé de comprendre les causes de la persistance de ces TRM dans la peau.

Elle a ainsi constaté que les allergènes pouvaient rester dans l’épiderme pour une période bien supérieure à celle estimée jusqu’à présent (au minimum un mois).

Cette persistance des allergènes dans les zones guéries pourrait expliquer la stimulation durant plusieurs semaines de la prolifération des TRM qui leur sont spécifiques, ainsi que leur persistance dans la lésion eczémateuse.

Enfin les chercheurs ont pu observer que la réactivation des TRM responsables des plaques d’eczéma était soumise à un rétrocontrôle permis par un ensemble spécifique de récepteurs inhibiteurs porté par les TRM eux-mêmes. Lors d’une réexposition à une faible dose d’allergène, ces récepteurs sont activés et répriment l’activité des TRM en empêchant ainsi une réaction immunitaire excessive.

Ces travaux permettent de mieux comprendre comment les TRM sont impliqués dans la réapparition locale des plaques d’eczéma. Ils montrent également que le développement de stratégies thérapeutiques empêchant la réactivation locale des TRM à travers leurs récepteurs inhibiteurs pourrait ouvrir de nouvelles perspectives dans le traitement de la dermite de contact allergique.

Les pouvoirs extraordinaires des bactéries visualisés en direct

Population de bactéries résistantes aux antibiotiques visualisées en microscopie à fluorescence en cellules vivantes. Cette population d’Escherichia coli possède un plasmide conjugatif qui code la protéine TetA (en rouge), une pompe à efflux responsable de la résistance à la tétracycline (en vert). On voit une claire anti-corrélation entre la présence de TetA et la présence de tétracycline dans les cellules. Bien que génétiquement identiques certaines bactéries parviennent à produire TetA et rejeter la tétracycline, lorsque d’autres accumulent l’antibiotique et ne parviennent pas à développer la résistance.©Christian Lesterlin

La dissémination globale de résistances aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique et une priorité de la recherche internationale en microbiologie. Dans ses travaux à paraître dans Science, Christian Lesterlin, chercheur Inserm au sein du laboratoire  » Microbiologie moléculaire et biochimie structurale « (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) à Lyon, a pu filmer avec son équipe le processus d’acquisition de l’antibiorésistance en temps réel, et a découvert un acteur essentiel mais inattendu dans son maintien et dans sa dissémination au sein des populations bactériennes.

Cette dissémination de l’antibiorésistance est en grande partie due à la capacité qu’ont les bactéries d’échanger du matériel génétique par un processus appelé conjugaison bactérienne. Le séquençage systématique de souches pathogènes ou environnementales a permis d’identifier une grande variété d’éléments génétiques transmissibles par conjugaison et porteurs des résistances à la plupart, sinon à toutes les classes d’antibiotiques actuellement utilisés dans les traitements cliniques. En revanche, le processus de transfert in vivo du matériel génétique d’une bactérie à l’autre, le temps nécessaire à l’acquisition de cette résistance une fois le nouveau matériel génétique reçu et l’effet des molécules antibiotiques sur cette résistance étaient encore inconnus.

Une visualisation en temps réel

Les chercheurs ont choisi d’étudier l’acquisition de la résistance de la bactérie Escherichia coli à un antibiotique couramment utilisé, la tétracycline en mettant une bactérie sensible à l’antibiotique en présence d’une bactérie résistante. Des études précédentes ont montré que cette résistance repose sur sa capacité à évacuer l’antibiotique avant qu’il n’ait pu jouer son rôle destructeur grâce à des « pompes à efflux » situées sur sa membrane. Ces pompes à efflux spécifiques, sont capables d’éjecter les molécules antimicrobiennes en dehors de bactéries, leur conférant ainsi un certain niveau de résistance.

Dans cette expérience, la transmission de l’ADN d’une « pompe à efflux » spécifique – la pompe TetA – a été observée entre une bactérie résistante et une bactérie sensible par marquage fluorescent.  Grâce à l’apport de la microscopie en cellule vivante, il suffisait alors de suivre la progression de la fluorescence pour voir, la manière dont l’ADN de la « pompe » migrait d’une bactérie à l’autre et comment il s’exprimait chez la bactérie receveuse.

Les chercheurs ont ainsi mis en évidence qu’en 1 à 2 heures seulement, le fragment d’ADN simple brin de la pompe à efflux était transformé en ADN double brin puis traduit en protéine fonctionnelle, conférant ainsi la résistance à la tétracycline à la bactérie receveuse.

 

Le transfert d’ADN des bactéries donneuses (vertes) aux bactéries receveuses (rouges) est révélé par l’apparition de foyers de localisation rouges. L’expression rapide des gènes nouvellement acquis est quant à elle révélée par la production de fluorescence verte dans les bactéries receveuses. Crédit vidéo : Christian Lesterlin/Inserm

Comment la résistance s’organise-t-elle en présence d’antibiotique?

Le mode d’action de la tétracycline est bien connu des scientifiques : elle entraine la mort des bactéries en se fixant sur leur machinerie traductionnelle bloquant ainsi toute possibilité de produire des protéines. En suivant ce raisonnement, lorsque l’antibiotique est introduit dans le milieu de culture précédent, la pompe à efflux TetA ne devrait pas être produite et les bactéries devraient mourir. Pourtant, les chercheurs ont observé que paradoxalement, les bactéries étaient capables de survivre et de développer la résistance efficacement, suggérant l’implication d’un autre facteur essentiel au processus d’acquisition de résistance.

Les scientifiques ont découvert que ce phénomène s’explique par l’existence d’une autre pompe à efflux présente chez quasiment toutes les bactéries : la pompe AcrAB-TolC. Bien que cette pompe généraliste soit moins efficace que la pompe TetA, elle évacue tout de même un peu d’antibiotique hors de la cellule. Les bactéries peuvent ainsi maintenir une activité minimale de synthèse protéique. Ainsi, si la bactérie a la chance d’avoir reçu un gène de résistance par conjugaison, alors la pompe TetA est produite, et la bactérie devient durablement résistante.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de mécanismes similaires chez d’autres bactéries que E.coli, et pour différents antibiotiques. « On pourrait même penser à une thérapie combinatoire qui allierait l’antibiotique et une molécule capable d’inhiber cette pompe généraliste. Même s’il est encore trop tôt pour envisager l’utilisation d’un tel inhibiteur dans une perspective thérapeutique, cette possibilité fait actuellement l’objet de nombreuses études car elle permettrait de réduire l’antibiorésistance, et d’empêcher sa dissémination aux différentes espèces de bactéries » conclut Christian Lesterlin.

La santé de 200 000 volontaires suivie par l’Inserm

Foule©Fotolia

Objectif atteint : 200 000, c’est le nombre de personnes vivant en France qui ont rejoint la cohorte Constances depuis 2012. Un record inégalé qui fait de Constances le plus important projet de recherche d’épidémiologie et de santé publique en France, qui n’a que peu d’équivalents au niveau international.

Réalisée en partenariat avec l’Inserm, la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale d’assurance vieillesse les universités de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et de Paris Descartes, Constances a pour objectif de suivre la santé des volontaires sur le long terme afin de mieux comprendre les facteurs qui l’influencent comme l’alimentation, l’environnement, les conditions de travail, etc.

Constances est une infrastructure de recherche financée dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir.

Quelques chiffres sur Constances :

  • 205 000 participants, (dont près de 97%  acceptent l’appariement aux bases du système national des données de santé)
  • Plusieurs milliers de variables par individu
  •  80 projets de recherche et de santé publique en cours
  • + de 190 chercheurs travaillant sur les données de Constances en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Finlande, Italie, Suède, au Canada, Danemark et aux États-Unis
  • la participation à 11 consortiums de recherche français et internationaux
  • des publications scientifiques dont le nombre croît rapidement.

« A l’heure de l’essor des big-data et de l’Intelligence artificielle et si la recherche publique doit pouvoir éclairer la décision publique sur des questions aussi sensibles que les pesticides ou la téléphonie mobile par exemple, il faut pouvoir s’appuyer sur des instruments de recherche puissants et sécurisés comme Constances explique Marie Zins, directrice scientifique de la cohorte. « 

Constances, un projet vivant

7 ans après son lancement, de nouveaux chantiers s’ouvrent pour améliorer encore l’apport de Constances à la recherche. La collecte d’échantillons biologiques pour constituer une biobanque a débuté fin 2018 : près de 95 % des participants sollicités ont donné leur consentement. En 2019, les volontaires vont remplir par Internet leur ‘’calendrier résidentiel’’ pour recueillir leurs adresses depuis leur naissance, ouvrant d’immenses champs de recherche pour étudier les effets de l’environnement (pollution atmosphérique, pesticides, pollution lumineuse…) sur la santé. Mais Constances c’est aussi un apport au plan France Médecine Génomique, notamment grâce au séquençage du génome entier d’un sous échantillon de participants pour constituer une base de données des variations génétiques dans nos populations.

Les chercheurs de Constances présenteront leurs derniers résultats de recherche à l’occasion d’une journée scientifique qui se déroule le 23 mai à Paris. Parmi les thématiques abordées : stress au travail et risque de mésusage en benzodiazépines, épidémiologie de la NASH en France, utilisation de la cigarette électronique et la réduction du tabagisme à long terme ou encore l’association entre symptômes dépressifs et régimes végétariens.

Constances : la recherche avance pour améliorer la santé de tous

  • Association entre symptômes dépressifs et régimes végétariens

Si les régimes végétariens (excluant la consommation de certains animaux, voire de tout produit d’origine animale) semblent globalement profitables pour la santé physique, une association avec une plus grande fréquence des symptômes dépressifs a été rapportée par certaines études. Chez un peu de plus de 90 000 sujets de la cohorte Constances, les chercheurs ont retrouvé cette association pour les régimes pesco-végétariens (excluant la consommation des mammifères et des oiseaux) et lacto-ovo-végétariens (excluant également la consommation des poissons), même en tenant compte de facteurs socio-démographiques ou liés à la santé. Toutefois, cette association n’était pas présente chez les personnes consommant fréquemment des légumineuses (lentilles, pois chiches, soja, etc.) ni chez celles suivant un tel régime « pour leur santé ». Surtout, cette association avec la dépression n’était pas spécifique de l’exclusion des produits animaux mais observée avec n’importe quel groupe alimentaire. Par exemple, un régime pauvre en légumes était associé avec une augmentation de la probabilité de dépression deux fois plus importante qu’un régime pauvre en viande.

Ces résultats, qui ne peuvent affirmer une relation de cause à effet, suggèrent que la dépression est associée à une tendance à restreindre la variété des aliments consommés, quels que soient ces aliments.

Référence de l’étude : http://dx.doi.org/10.3390/nu10111695

 

  • Benzodiazépines : consommation chronique et stress au travail

Les benzodiazépines sont les médicaments les plus prescrits au monde en raison de leurs effets anxiolytiques. Pourtant leurs indications sont limitées et il n’est pas recommandé de les utiliser de façon prolongée à cause du risque de dépendance et de nombreux effets indésirables. Les sujets les plus exposés à ces effets indésirables sont les consommateurs chroniques. A partir des informations sur les traitements délivrés en pharmacie chez plus de 9000 participants de la cohorte Constances inclus en 2015, les chercheurs ont calculé des prévalences d’usage chronique de benzodiazépines représentatives de la population générale française. Ces prévalences étaient particulièrement élevées puisque 2,8% des hommes et 3,8% des femmes de la population française étaient concernés par l’usage chronique de benzodiazépines en 2015. Ces prévalences atteignaient 9,3% des hommes et 12,2% des femmes chez les plus de 50 ans.

L’usage chronique de benzodiazépines est donc particulièrement fréquent dans la population générale française  et les sujets les plus vulnérables à leurs effets indésirables sont paradoxalement les plus concernés.


Dans une autre étude, les chercheurs ont étudié les associations entre le stress au travail, mesuré à l’aide d’une échelle validée internationalement, et le risque d’usage chronique de benzodiazépines. A partir d’un échantillon de plus de 30 000 actifs inclus dans la cohorte Constances entre 2012 et 2014, et n’ayant pas d’antécédent récent d’usage chronique de benzodiazépines, les chercheurs ont calculé le risque d’apparition d’usage chronique au cours d’un suivi de deux ans.

Ils ont trouvé que le stress au travail était associé à un risque accru d’usage chronique de benzodiazépines et que ce risque augmentait en fonction de l’intensité du stress au travail. Le risque d’usage chronique de benzodiazépines était au moins multiplié par 2 pour les sujets les plus stressés.

Référence de l’étude : https://doi.org/10.1186/s12889-019-6933-8

 

  • NASH : près d’un français sur 5 concerné

La stéatose métabolique (ou maladie du foie gras), et plus particulièrement la NASH, est une maladie hépatique émergente associée à l’épidémie d’obésité et de diabète dans le monde, et susceptible d’évoluer vers la cirrhose et le cancer du foie. A partir de la cohorte Constance, les chercheurs ont déterminé à l’aide de marqueurs indirects que la prévalence de la stéatose métabolique était de 18,2% dans la population adulte française, dont 2,6% avec une maladie hépatique  avancée, qu’elle était deux fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme et qu’elle augmentait avec l’âge. Il existait une relation inverse avec le niveau socio-économique, ainsi qu’un gradient Nord Sud.

L’obésité et le diabète sont des facteurs de risque majeurs. L’étude de l’impact de la stéatose métabolique et de la NASH sur la morbi-mortalité dans la population générale française est en cours.

 

  • La cigarette électronique efficace pour réduire le tabagisme à long terme ?

Cette étude porte sur 5400 fumeurs et 2025 ex-fumeurs de la cohorte Constances (2012-2016 ; arrêt du tabac à partir de 2010, année de mise en vente de la cigarette électronique en France). Au total, 15% des fumeurs et environ 9% des ex-fumeurs déclaraient vapoter au moment où ils étaient interrogés. Au cours d’une période moyenne de suivi  de 2 ans, les fumeurs utilisant la cigarette électronique ont plus réduit leur niveau de tabagisme que les non-utilisateurs (réduction de 4,4 cigarettes/j à. 2,7 cigarettes/j). De plus, 40% se sont arrêté de fumer pendant le suivi, contre 25% des fumeurs qui n’utilisaient pas la cigarette électronique. Cependant, les ex-fumeurs utilisant la cigarette électronique avaient une plus forte probabilité de refumer que les non-vapoteurs (31 vs. 16%).

En conclusion, la cigarette électronique permet aux fumeurs de réduire leur niveau de tabagisme ou d’arrêter de fumer, mais cet arrêt ne semble pas toujours durable, il est donc nécessaire de surveiller de près les personnes qui vapotent et conseiller l’arrêt complet du tabac pour limiter le risque de rechute.

 

Publication en cours.

 

Pour en savoir plus sur cette journée : consultez le programme.
Les journalistes sont autorisés à suivre cette journée sous réserve de s’être accrédités auprès du service de presse rf.mresni@esserp

Une étude confirme l’intérêt du test sanguin de dépistage des infections virales VirScan dans le suivi des patients greffés du rein

Tubes de prélèvement sanguin.© Inserm/Depardieu, Michel

L’équipe du Dr Guillaume Canaud, praticien hospitalo-universitaire à l’hôpital Necker-Enfants malades – AP-HP et à l’Université de Paris, et chercheur à l’Inserm (INEM l’Institut Necker Enfants Malades – Centre de médecine moléculaire), a étudié, en collaboration avec celle du Pr Steve Elledge du Brigham and Women’s hospital – Harvard Medical School (Boston, USA), l’efficacité du test VirScan dans le suivi de patients greffés du rein. En effet, ce test sanguin permet de détecter les infections virales, responsables de complications tumorales et infectieuses, fréquentes après une greffe et susceptibles d’avoir un impact sur le fonctionnement du greffon. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 13 mai 2019 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)

La transplantation rénale est l’option thérapeutique privilégiée lors d’une insuffisance rénale terminale. Toutefois, l’utilisation de traitements immunosuppresseurs afin d’éviter le rejet de greffe, est associée à un risque accru de développement d’infections opportunistes. Parmi ces dernières, on retrouve les infections virales qui peuvent significativement réduire la durée de vie du greffon et du patient greffé. 

Jusqu’à présent, une analyse sérologique permettait de dépister et de surveiller certaines infections virales des donneurs et receveurs d’organes. Après la greffe d’organe, des outils de biologie moléculaire comme la PCR étaient utilisés pour assurer le suivi des patients greffés. Toutefois ces approches ne permettent pas de détecter les virus émergents. Le test sanguin VirScan, développé par l’équipe du Pr Steve Elledge du Brigham and Women’s hospital – Harvard Medical School, permet aujourd’hui, à partir d’une très petite quantité de sérum (1ul) et pour un coût modéré, d’avoir une vision d’ensemble des virus auxquels le patient a été confronté durant sa vie.

Le VirScan propose une approche originale de dépistage des virus que n’importe quel individu a pu rencontrer au cours de sa vie. Techniquement, il s’agit d’une immunoprécipitation suivie d’un séquençage haut débit d’une banque de bactériophages contenant des peptides de l’ensemble des virus à tropisme humain (206 espèces virales avec 1000 souches différentes).

L’équipe du Dr Guillaume Canaud a intégré ce test dans la prise en charge de patients greffés du rein. Le test a en effet été réalisé sur des échantillons sanguins le jour de la greffe et un an après chez 45 patients transplantés et suivis à l’hôpital Necker Enfants Malades AP-HP.

Les équipes ont ainsi montré que la réalisation de deux tests VirScan sur 12 mois chez des patients greffés permettait d’avoir une vision simple et dynamique des virus rencontrés au cours de la greffe, afin de potentiellement adapter la stratégie thérapeutique. En effet, ce genre d’approche sans biais pourrait à terme changer les traitements prophylactiques donnés chez les patients greffés pour prévenir certaines infections. Il permettrait également de moduler l’immunosuppression. Enfin, ce test pourrait servir rétrospectivement à expliquer un syndrome infectieux pour lequel aucun virus classique n’aurait été identifié.

Ces travaux ont aussi montré que l’immunosuppression ne modifiait que très peu les titres d’anticorps dirigés contre les virus.

Ces premiers résultats, qui confirment l’intérêt d’utiliser le test VirScan dans le suivi des patients greffés du rein, vont faire l’objet de nouvelles études à plus large échelle.

L’hépatite D, un virus qui en utilise d’autres

Foie humain avec fibres de collagène. Hépatocyte et cellules circulantes (x2000).© Inserm/U56

Si la plupart des virus sont capables de se répliquer seuls dans les cellules qu’ils infectent, ce n’est pas le cas du virus de l’hépatite D (VHD). Celui-ci a besoin que le virus de l’hépatite B (VHB) co-infecte une cellule afin de se transmettre à d’autres cellules. En effet, le VHD ne possède pas de gènes codant les protéines d’enveloppe virale sans lesquelles il est incapable de sortir d’une cellule pour en infecter une autre, mais utilise celles du VHB. Cette interaction, rare au sein des virus animaux, fait l’objet d’une étude de l’équipe de François-Loïc Cosset, directeur de recherche CNRS au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI, CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard – Lyon 1/Inserm). Ces recherches, soutenues par l’ANRS, démontrent dans un modèle de souris au foie humanisé, que le VHD est capable in vitro et in vivo d’utiliser l’enveloppe d’autres virus que celle du VHB, comme celle du virus de l’hépatite C et de virus d’autres genres, comme celui de la dengue. Ces résultats sont parus le 8 mai 2019 dans Nature Communications.

Le virus de l’hépatite D (VHD) a été découvert il y a 40 ans chez des patients préalablement diagnostiqués comme atteints d’hépatite B (VHB). Cette co-infection virale s’est rapidement révélée nécessaire pour le VHD, celui-ci étant incapable d’infecter seul d’autres cellules.

En effet, son génome ne contient pas les gènes nécessaires à la production d’une enveloppe virale, élément entourant le virus et lui permettant de sortir de la cellule pour en infecter d’autres (figure 1). Un tel virus, nécessitant une co-infection pour se multiplier, est dit « satellite ». L’infection par le VHD est responsable de symptômes plus marqués que lors d’une infection par le VHB seul, mais, si à présent ce virus a été sujet de plusieurs études, son origine reste à ce jour inconnue.

 

Figure 1 : Utilisation des enveloppes virales par le VHD. Les gènes du VHD ne codent que pour ses ribonucléoprotéines (RNP), d’où son besoin d’utiliser des enveloppes de virus différents pour former une particule virale complète. Les particules dites « conventionnelles » sont celles utilisant l’enveloppe du VHB, alors que l’existence des particules « non conventionnelles », c’est-à-dire utilisant l’enveloppe d’un autre virus, est montrée dans ce travail.

Une étude menée par l’équipe de François-Loïc Cosset au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) à Lyon, soutenue par l’ANRS et le LabEx ECOFECT, publiée le 8 mai 2019 dans Nature Communications s’intéresse à l’utilisation par le VHD de l’enveloppe d’autres virus que celle du VHB, notamment virus de l’hépatite C (VHC) et virus de la dengue. Dans ce travail, les chercheurs montrent in vitro que des cellules infectées à la fois par le VHD et des virus différents du VHB et formant des enveloppes permettent la production de VHD fonctionnel et infectieux. Ce dernier a donc été capable d’utiliser l’enveloppe d’un autre virus et de se propager indépendamment du VHB.

Ces résultats sont validés in vivo dans un modèle de souris au foie humanisé, dans lequel la co-infection du VHD avec le VHC lui permet de se multiplier. Ce dernier, d’une famille différente du VHB, illustre et prouve la capacité qu’a le VHD à utiliser des enveloppes de virus variés pour créer des particules virales infectieuses.

Les chercheurs concluent que « Le VHD est capable d’être le satellite de virus de familles différentes du VHB, ce qui ouvre la possibilité qu’il puisse s’associer avec d’autres virus humains. Ainsi, des nouveaux scénarios de pathogénèse et des modes de transmission différents, jusqu’à présent inenvisageables, sont possibles et doivent être recherchés. » Suite à ce travail, l’équipe souhaite vérifier ces hypothèses à partir d’échantillons issus de cohortes de patients infectés par le VHD afin de saisir l’ampleur de ce mécanisme chez l’humain.

Des pansements pour régénérer les articulations

 

Cartilage articulaire © Inserm/Chappard, Daniel

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg au sein de l’Unité 1260  » Nanomédecine régénérative » ont mis au point un implant qui, appliqué comme un pansement, permet de régénérer les cartilages en cas de lésions importantes des articulations ou d’arthrose débutante. Les détails de cette innovation validée en phase préclinique sont publiés ce jour dans Nature communication.

L’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation des traumatismes accidentels nécessitent une augmentation des interventions chirurgicales visant à remplacer une articulation défectueuse. Parmi les pathologies chroniques, l’arthrose, décrite comme une destruction du cartilage touchant toutes les structures de l’articulation, dont l’os et le tissu synovial, qui tapisse l’intérieur des articulations représente un réel problème de santé publique. Selon le diagnostic médical, plusieurs options thérapeutiques sont possibles allant de la microgreffe à la pose d’une prothèse. Néanmoins, ces interventions sont toutes invasives et/ou douloureuses pour le patient, avec une efficacité limitée et des effets secondaires.

Aujourd’hui, en dehors de la pose de prothèses, on se contente en réalité de réparer provisoirement le cartilage des articulations et d’alléger les douleurs.  Les traitements consistent surtout à injecter des anti-inflammatoires ainsi que de l’acide hyaluronique pour améliorer la viscosité de l’articulation. Des cellules souches peuvent être aussi utilisées, notamment parce qu’elles sécrètent des molécules capables de contrôler l’inflammation.

Dans ce contexte et afin de régénérer ce tissu conjonctif, souple et souvent élastique qui recouvre nos articulations et permet aux os de bouger et de glisser l’un par rapport à l’autre, une équipe de recherche associant l’Inserm et l’université de Strasbourg vient de mettre au point un pansement pour le cartilage – inspiré des pansements de nouvelle génération qui forment comme une seconde peau sur les plaies cutanées. Avec les pansements développés par la chercheuse et son équipe, la réponse thérapeutique passe un nouveau cap. On n’est plus seulement dans la réparation, on parle réellement de régénération du cartilage articulaire.

L’équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg 1260 sous la direction de Madame Benkirane-Jessel a en effet mis au point une technique innovante d’implant ostéoarticulaire, capable de reconstituer une articulation endommagée et dont l’application peut être comparée à celle des pansements. « L’implant que nous avons développé se destine à deux cas en particulier, d’une part les grandes lésions du cartilage et d’autre part les arthroses débutantes. » explique la chercheuse.

Dans le détail, ces pansements articulaires  sont composés de deux couches successives. La première, qui fait office de support (pansements classiques), est une membrane composée de nanofibres de polymères et dotée de petites vésicules contenant des facteurs de croissance en quantités similaires à celles que nos cellules sécrètent elles même. La seconde est une couche d’hydrogel chargée d’acide hyaluronique et de cellules souches provenant de la moelle osseuse du patient lui-même, ce sont ces cellules qui, en se différenciant en chondrocytes (cellules qui forment le cartilage) vont régénérer le cartilage de l’articulation. 

Les scientifiques entrevoient un avenir prometteur pour leur « pansement à cartilage » : en plus de l’articulation du genou et de l’épaule, celui-ci pourrait aussi être utilisé pour l’articulation temporo-mandibulaire, liée à la mâchoire. Assez handicapante, celle-ci peut conduire à des douleurs, des bruits articulaires mais surtout à une baisse de l’amplitude de l’ouverture de la bouche. L’équipe de chercheurs a d’ores et déjà mené des essais concernant des lésions cartilagineuses chez le petit animal, la souris et le rat, ainsi que chez le grand animal, la brebis et la chèvre, des modèles très adaptés à l’étude comparée des cartilages avec l’homme. L’objectif est de lancer un essai chez l’homme avec une petite cohorte de 15 patients.

Ce projet a été soutenu par la Satt conectus, L’ANR et la grande région Est.

Les « gènes sauteurs » humains attrapés en pleine action !

©Photo AdobeStock

Tout au long de l’évolution, le génome de la plupart des êtres vivants s’est complexifié grâce aux éléments transposables ou « gènes sauteurs », des fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à un autre sur les chromosomes. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, d’Université Côte d’Azur et de l’Université de Montpellier ont pu capturer ces « gènes sauteurs » juste après leur déplacement et ont croisé leurs observations avec des bases de données déjà existantes. Leurs travaux, à paraître dans Molecular Cell, montrent que l’intégration des « gènes sauteurs » chez l’humain ne se ferait pas au hasard mais serait influencée par certaines propriétés du génome. Ces résultats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives dans l’interprétation des données de séquençage de génome entier.

Les éléments transposables, aussi appelés « gènes sauteurs », sont de petits fragments d’ADN capables de se multiplier et de se déplacer dans les chromosomes de la plupart des organismes vivants. Cette prolifération a été tellement intense chez les mammifères et les primates, qu’ils constituent plus de la moitié de nos chromosomes ! Bien sûr, ils ne sautent pas tous en même temps, dans toutes nos cellules. Parmi toutes les copies présentes dans notre ADN, seule une petite fraction est toujours active. Toutes les autres sont des vestiges moléculaires qui reflètent des millions d’années d’évolution au cours desquelles les insertions néfastes ont été éliminées et celles bénéfiques conservées.

Chez l’humain, les gènes sauteurs les plus actifs sont les rétrotransposons L1. En sautant, ils peuvent altérer ou détruire des gènes et provoquer l’apparition de maladies génétiques comme des hémophilies ou des dystrophies musculaires. Les rétrotransposons L1 sont aussi particulièrement actifs dans certaines formes de cancers, et pourraient être impliqués dans le vieillissement cellulaire ou dans certaines maladies mentales.

Les rétrotransposons L1 ciblent-ils des régions chromosomiques spécifiques ou s’insèrent-ils au hasard ? Les équipes de Gaël Cristofari et Simona Saccani, directeurs de recherche à l’Inserm au sein de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement de Nice – Ircan (Inserm, CNRS, Université Côte d’Azur), et leurs collaborateurs à l’Université de Montpellier, sont parvenus, grâce à une technique de séquençage du génome dite « à haut débit », à capturer ces gènes sauteurs en pleine action juste après qu’ils aient sauté à une nouvelle position. En croisant leurs observations avec des banques de données génomiques et épigénomiques, les chercheurs ont identifié les caractéristiques du génome qui influencent l’intégration des rétrotransposons L1, la plus notable étant la réplication de l’ADN, ainsi que le rôle prépondérant des phénomènes de sélection naturelle après intégration.

« Jusqu’à présent, on savait que les rétrotransposons L1 ont tendance à s’accumuler dans certaines régions de nos chromosomes, notamment l’hétérochromatine. Mais on ne savait pas si cela reflète une attraction particulière pour ces régions, ou s’ils sont uniquement tolérés dans ces régions et éliminés ailleurs par sélection naturelle. Lorsqu’on sait où ils sautent et les copies qui sont conservées au cours de l’évolution, on peut découvrir – en négatif – les régions où ils peuvent faire des dommages », explique Gaël Cristofari.

Ces résultats permettent de mieux comprendre comment les gènes sauteurs peuvent provoquer des mutations chez l’humain et contribuent à l’évolution de notre patrimoine génétique. Ils pourront être utiles à l’avenir pour interpréter les données de séquençage de génome entier, notamment en médecine personnalisée ou dans les grands programmes de séquençage.

Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier de la Fondation pour la recherche médicale, du Cancéropôle PACA, du Conseil européen de la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du Labex Signalife, du Groupement de recherche sur les éléments transposables (CNRS, GDR 3546), du FHU OncoAge, et du programme européen Erasmus Mundus Mobility with Asia.
fermer