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Covid-19 : découverte des mécanismes de l’anosmie à court et à long terme

 

Epithélium olfactif_SARS-CoV-2

Microscopie électronique à balayage montrant les changements de l’épithélium olfactif après infection par le SARS-CoV-2. A la périphérie de la photo, les cellules ciliées sont normales. Au centre : perte de cils 2 jours après infection. Les particules virales bourgeonnent à la surface des cellules infectées ayant perdu leurs cils. © Unité Perception et Mémoire – Institut Pasteur

La perte de l’odorat, ou anosmie, est l’un des symptômes précoces les plus fréquents de la Covid-19. Les mécanismes impliqués dans cette anosmie étaient jusqu’ici non élucidés. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, d’Université de Paris et de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, ont élucidé les mécanismes impliqués dans la perte d’odorat chez les patients infectés par le SARS-CoV-2 aux différents stades de la maladie. Ils ont découvert que le SARS-CoV-2 infecte les neurones sensoriels et provoque une inflammation persistante de l’épithélium et du système nerveux olfactif. Par ailleurs, chez certains patients porteurs de manifestations cliniques persistantes, l’anosmie présente est associée à une inflammation prolongée de l’épithélium et du système nerveux olfactif et à la présence durable du virus dans l’épithélium olfactif. Ces résultats ont été publiés dans la revue Science Translational Medicine, le 3 mai 2021.

La Covid-19, causée par le virus SARS-CoV-2 est principalement une maladie respiratoire mais de nombreux patients présentent des symptômes extra-respiratoires. Parmi ceux-ci, une perte soudaine de l’olfaction chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2 a été signalée dans le monde entier dès le début de la pandémie. Le rôle direct du virus dans l’anosmie est resté jusqu’ici incertain. L’une des hypothèses communément admises jusqu’à ce jour était qu’un œdème transitoire au niveau des fentes olfactives empêchait le passage de l’air qui amène les molécules odorantes vers les cellules nerveuses olfactives (la fameuse sensation du « nez bouché » lors d’un rhume classique).

Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm et d’Université de Paris, de l’AP-HP, ont élucidé les mécanismes impliqués dans l’anosmie liée à la Covid-19. L’étude a été conduite auprès de patients ayant la Covid-19 et complétée grâce à des analyses sur un modèle animal. Cette étude montre de façon inattendue que les tests classiques RT-qPCR pratiqués sur les écouvillonnages nasopharyngés peuvent se révéler négatifs alors même que le virus persiste au fond des cavités nasales, dans l’épithélium olfactif. Cette découverte montre qu’un diagnostic du SARS-CoV-2 par brossage nasal peut être envisagé pour compléter l’écouvillonnage nasopharyngé du test PCR chez les patients présentant une perte d’odorat.

Ce travail élucide également le mécanisme de la perte de l’odorat liée à la Covid-19 en révélant, de manière chronologique, différentes étapes :

1) la disparition des cils portés par les neurones sensoriels, après l’infection virale. Or, ces mêmes cils permettent la réception des molécules odorantes par les neurones sensoriels ;
2) la présence de virus dans les neurones sensoriels ;
3) la désorganisation de l’épithélium olfactif (organe sensoriel) liée à l’apoptose (phénomène de mort cellulaire). L’épithélium est organisé en lamelles régulières qui se trouvent être déstructurées par l’infection au coronavirus ;
4) l’invasion du virus dans le premier relai cérébral du système olfactif, le bulbe olfactif ;
5) la présence d’une neuroinflammation et d’ARN viral dans plusieurs régions du cerveau.

Anosmie Covid

Schéma représentant les différentes étapes qui surviennent au niveau de l’appareil sensoriel et qui concourent à l’anosmie liée à la Covid-19.

 

Cette étude montre que la perte de l’odorat est aussi la conséquence d’une dégradation de l’organe sensoriel situé au fond des cavités nasales. « En effet nous avons constaté que les neurones sensoriels sont infectés par le SARS-CoV-2, mais aussi le nerf olfactif et les centres nerveux olfactifs dans le cerveau », commente Pierre-Marie Lledo, chercheur CNRS, responsable de l’Unité Perception et mémoire (Institut Pasteur/CNRS) et co-auteur responsable de l’étude.

« Un autre point important de cette étude tient à l’observation portée sur les modèles animaux qui révèle que le virus, une fois entré dans le bulbe olfactif, se propage à d’autres structures nerveuses où il induit une importante réponse inflammatoire », explique Hervé Bourhy, responsable de l’unité Lyssavirus, épidémiologie et neuropathologie à l’Institut Pasteur et co-auteur responsable de l’étude. L’infection des neurones olfactifs pourrait donc constituer une porte d’entrée vers le cerveau et expliquer pourquoi certains patients développent diverses manifestations cliniques, d’ordre psychologiques (troubles de l’anxiété, dépression) ou neurologiques (déclin cognitif, susceptibilité à développer une maladie neurodégénérative), qui doivent faire l’objet de nouvelles études.

Enfin, Marc Lecuit, responsable de l’unité Biologie de l’Infection (Institut Pasteur, Inserm, Université de Paris, AP-HP) et co-auteur responsable de l’étude, conclut : « Selon nos résultats, la perte de l’odorat dans la Covid-19 peut persister plusieurs mois chez certains patients, et cette persistance des signes cliniques est attribuable à la persistance du virus et de l’inflammation dans la muqueuse olfactive ». Ces éléments devront être pris en compte pour adapter le diagnostic et la prise en charge des manifestations à long-terme de la Covid-19.

En résumé, les 4 faits marquants de cette étude sont les suivants :

  • Le brossage nasal révèle la présence du virus quand l’écouvillonnage ne le détecte pas ;
  • Le SARS-CoV-2 peut persister au sein de l’épithélium olfactif pendant plusieurs mois ;
  • Le SARS-CoV-2 infecte les neurones sensoriels et provoque un recrutement de cellules immunitaires dans l’organe sensoriel ;
  • Le SARS-CoV-2 peut provoquer une inflammation persistante de l’épithélium olfactif et du système nerveux olfactif

Cancers du foie de l’enfant : plasticité tumorale et résistance à la chimiothérapie

Hepatoblastome

Diversité de cellules au sein d’une même tumeur. Visualisation au microscope (avec une coloration à l’hématoxyline et à l’éosine) pour des hépatoblastomes, inclus dans l’étude.©Dr Guillaume Morcrette

 

Grâce à une importante analyse génomique des cancers du foie de l’enfant, l’équipe du Professeure Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers (Université de Paris, Inserm, Sorbonne Université), et ses collaborateurs du réseau Hepatobio, ont identifié de nouveaux mécanismes de résistance à la chimiothérapie.

Les résultats, publiés en avril 2021 dans le journal Cancer Discovery, permettent non seulement une meilleure compréhension des mécanismes d’initiation et de progression des tumeurs du foie de l’enfant, mais surtout d’envisager de nouvelles options thérapeutiques pour les malades résistants à la chimiothérapie.

Les cancers du foie, qui représentent environ 1% de l’ensemble des tumeurs de l’enfant, constituent un groupe rare et hétérogène dont les caractéristiques moléculaires et cliniques ne sont pas encore bien comprises. L’hépatoblastome est le type de tumeur maligne hépatique le plus fréquent chez l’enfant, avec une incidence d’un cas pour un million d’enfants de moins de 15 ans, soit 10 à 15 nouveaux cas par an en France, survenant principalement avant l’âge de 2 ans.

L’hépatoblastome est généralement une tumeur de bon pronostic, avec une guérison d’environ 80% des enfants 5 ans après le diagnostic grâce aux traitements qui reposent sur une combinaison chimiothérapie/chirurgie. Cependant, des résistances à la chimiothérapie surviennent chez environ un enfant sur 5, et les alternatives thérapeutiques sont alors limitées. Il est donc essentiel d’approfondir nos connaissances des mécanismes d’initiation et de progression de ces tumeurs pour améliorer la prise en charge des patients en termes de diagnostic, de pronostic et de thérapie.

L’équipe du Professeure Zucman-Rossi, pionnière dans ce domaine, a effectué une analyse dite « multi-omique intégrée » de près de 130 tumeurs hépatocellulaires pédiatriques. Cette analyse, qui repose sur plusieurs approches, a permis aux chercheurs de caractériser de nouvelles mutations à l’origine du développement des hépatoblastomes, et de comprendre l’origine de la résistance de certaines tumeurs à la chimiothérapie.

Dans leur première approche, l’analyse génomique, les chercheurs ont, pour chaque patient, réalisé le séquençage de l’ensemble du génome des cellules cancéreuses et l’ont comparé aux séquences d’ADN des cellules contenues dans la partie non tumorale du foie. Ceci a permis d’identifier les mutations génétiques responsables du développement des tumeurs.

Cette analyse génomique a révélé des altérations fréquentes d’une région du chromosome 11 (le locus 11p15) responsable de la surexpression de l’oncogène IGF2 et qui est associée au développement des tumeurs. Cette altération du chromosome 11 a également été retrouvée dans des petits groupes de cellules (îlots cellulaires) dispersés dans la partie non-tumorale du foie, et ce chez 10% des patients atteints d’hépatoblastomes. Ce résultat suggère que ces îlots cellulaires constitueraient des zones pré-tumorales et seraient un terrain favorable au développement d’un hépatoblastome.

Parallèlement, les chercheurs ont montré que, dans quasiment tous les cas, la transformation maligne en cancer était liée à l’activation de l’oncogène ß-caténine associée à des mutations rares d’autres gènes (NFE2L2, TERT, GPC3, RPS6KA3 ou CREBBP).

La deuxième approche, l’analyse transcriptomique, repose sur l’analyse de l’expression des gènes grâce aux ARN messagers qu’ils produisent. Cette analyse a permis aux chercheurs de mettre en évidence l’extraordinaire plasticité des cellules tumorales dans les hépatoblastomes. Plasticité qui n’est pas sans conséquence pour l’évolution des hépatoblastomes.

En effet, alors que la plupart des cellules cancéreuses d’une tumeur présentent les mêmes mutations génétiques, les chercheurs ont montré qu’il peut exister quatre sous-populations cellulaires au sein d’une même tumeur. Elles se caractérisent par les différents types de gènes qu’elles expriment (stade de différentiation), leur niveau de prolifération et d’infiltration par des cellules immunitaires. L’une de ces populations contient des cellules bloquées à un stade précoce de leur développement, appelées « cellules de type progéniteur ». Les chercheurs ont montré que cette population de cellules accumule des mutations génétiques lors de l’exposition au cisplatine, molécule faisant partie de la chimiothérapie, et que cette accumulation de mutations est associée à la résistance à la chimiothérapie et donc aux rechutes après chimiothérapie. La présence de ce type de cellules au sein de la tumeur primaire (tumeur initiale) est donc un marqueur de moins bon pronostic et de résistance aux traitements classiques.

En cherchant à cibler spécifiquement ces cellules de type ‘progéniteur’, l’équipe a pu identifier de nouveaux traitements candidats permettant de surmonter la résistance au cisplatine dans des expériences in vitro et chez la souris, qui restent à confirmer chez les patients.

Grâce à la caractérisation précise de la diversité moléculaire et génomique des tumeurs du foie pédiatriques, cette étude permet non seulement de mieux comprendre l’origine du développement des cancers, les phénomènes de plasticité cellulaire à l’origine des cas de résistance mais également d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques afin de proposer un traitement aux enfants qui ne répondent pas à la chimiothérapie.

 

Ce travail a été soutenu financièrement par : la SFCE, l’association Etoile de Martin, la Fédération Enfants et Santé (FES), l’association Hubert Gouin « Enfance et Cancer », l’Inca, la Ligue Nationale contre le Cancer (Equipe Labellisée), le Coup d’Elan de la Fondation Bettencourt-Schueller, la Fondation d’Entreprise Bristol-Myers Squibb, le SIRIC CARPEM, la FRM prix Rosen, la Ligue Contre le Cancer Comité de Paris (prix René et André Duquesne) et la Fondation Mérieux.

Point d’étape sur le projet de concert test à Marseille

concert test covid

Ces concerts tests serviront aussi à mesurer les niveaux de contamination par d’autres pathogènes et permettront une observation des comportements en situation réelle. © Adobe Stock

 

Sommes-nous plus exposés au SARS-CoV-2 lors d’un concert doté d’un protocole sanitaire strict que dans notre vie quotidienne ? Voilà la question à laquelle les scientifiques de l’Inserm souhaitent répondre à travers une étude de santé publique promue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, en collaboration avec le collectif des professionnels du spectacle DO3ME et avec le soutien de la ville de Marseille et d’Aix Marseille université. Le protocole scientifique a rigoureusement été établi et la plupart des autorisations pour mener à bien cette étude ont été délivrées.

Le projet scientifique « ANRS-CONCERT SAFE » vise à répondre à la question suivante : « Les mesures de prévention mises en place, à l’occasion d’un concert, permettent-elle d’avoir un risque de contamination aux virus respiratoires identique à celui auquel la population est exposée dans la vie quotidienne ? »

La réalisation de l’étude scientifique a pour objectif de déterminer si les mesures de protection collectives et individuelles proposées au cours d’un concert dans le cadre de cette étude expérimentale ne sont pas inférieures, en termes de protection contre la contamination par le SARS-CoV-2 et les autres virus respiratoires, aux conditions de vie normales (incluant les restrictions légales mises en œuvre par les autorités). Ces concerts tests serviront aussi à mesurer les niveaux de contamination par d’autres pathogènes et permettront une observation des comportements en situation réelle.

 

La spécificité du protocole repose sur les éléments suivants :

  • Pas de tests à l’entrée de la salle pour être au plus proche de la vie réelle
  • Etude des autres pathogènes (virus respiratoires) en vue d’anticiper de nouveaux risques épidémiques
  • Concert assis avec distanciation spatiale
  • Protocole sanitaire applicable de manière généralisée
  • Population choisie de participants (étudiants d’Aix Marseille Université)

 

Au-delà de l’évènement culturel, il s’agit d’abord et avant tout d’une étude scientifique rigoureuse, qui vise à obtenir des résultats solides permettant d’éclairer la décision publique.

Pour les chercheurs à l’initiative de ce protocole : « Les résultats de cette recherche pourront être utilisés pour mieux lutter contre le SARS-CoV-2, mais aussi pour d’autres virus respiratoires connus tels que la grippe saisonnière dont on sait la gravité potentielle chez les personnes fragiles, et pour disposer d’une stratégie pour les prochaines émergences de virus respiratoires. Dans de nombreuses situations, tester plus de 1000 personnes à l’entrée d’un concert dans les conditions de prélèvements actuels est difficile d’un point de vue logistique sur le long terme. De plus, cette approche centrée sur le SARS-CoV-2 dépend de la qualité diagnostique des tests sur les différentes souches en circulation », explique Fabrice Simon, principal investigateur de l’étude.

Un protocole rigoureusement mis en place

Depuis 6 mois, scientifiques et acteurs du milieu culturel marseillais œuvrent à définir les modalités qui permettraient à des concerts « sécurisés » de voir le jour dans le contexte d’une circulation encore intense sur virus SARS-CoV-2. Il s’agit d’un réel défi scientifique, sanitaire et logistique. Le design et le choix du protocole scientifique ont été mis en place avec beaucoup de rigueur et sont désormais bien arrêtés.

Le projet a d’ores et déjà reçu le label « priorité nationale de recherche » par le comité interministériel CAPNET. Il a également obtenu les autorisations réglementaires de l’ANSM (Agence nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) et du Comité de protection des personnes (CPP).

Tous les détails ont été finalisés afin de pouvoir lancer ce projet de recherche ambitieux et original dans des délais très courts, dès que l’autorisation réglementaire de la CNIL et les autorisations dérogatoires demandées aux ministères auront été délivrées.

La date envisagée pour le premier concert-test est le 29 mai 2021, selon l’évolution de la situation sanitaire.

Les différents partenaires du projet

Les partenaires académiques scientifiques de l’étude sont l’Inserm (2 laboratoires impliqués à Marseille) et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (financement et promotion/responsabilité de l’étude épidémiologique), ainsi qu’Aix-Marseille-Université, l’IRD et l’AP-HM.

Partenaire institutionnel, la Ville de Marseille accompagne cette étude dans la perspective d’une reprise progressive du secteur culturel dans des conditions de sécurité optimales et dans le soutien à la recherche. La Ville de Marseille s’engage ainsi à mettre à disposition le Dôme et les moyens associés, ainsi qu’une aide logistique du Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille durant les événements tests organisés.

Les partenaires opérationnels sont le collectif professionnel DO3ME (représentant plus de 60 entreprises de la région PACA), les productions artistiques associées à l’opération.

De grands artistes, de nombreuses sociétés du monde de l’événementiel et des bénévoles travaillent activement et gracieusement à la mise en œuvre opérationnelle des concerts-tests pour permettre la bonne réalisation de cette expérimentation.

La mise en œuvre et la coordination de l’expérience sont assurés par l’association Prospective et Coopération.

ComPaRe Covid long : développement de la première mesure scientifique de la sévérité de la maladie et de son impact sur la vie des patients

SARS COV 2

@ NIAID

Les chercheurs de la cohorte ComPaRe (Communauté de Patients pour la Recherche, compare.aphp.fr), dirigée par le Pr Philippe Ravaud, AP-HP / Université de Paris / Inserm, ont utilisé une méthode originale pour développer et valider la première mesure scientifique de la sévérité de la maladie et de son impact sur la vie des patients. Cette étude impliquant 1022 patients souffrant de Covid long a fait l’objet d’une publication dans la revue Clinical Infectious Diseases le 29 avril 2021.

Le « covid long » est le terme utilisé par les patients pour décrire l’ensemble des manifestations tardives survenant après une infection par le virus SARS-CoV-2. Selon l’Office National des Statistiques au Royaume Uni, environ une personne sur 10 infectée continue d’avoir des symptômes 12 semaines après le début de son infection. Les causes de la persistance des symptômes sont multiples. On constate par exemple les séquelles d’organe suite à la phase aigüe de la maladie (cicatrices pulmonaires, complications de la réanimation, etc.), le stress post-traumatique lié à la maladie ou à sa prise en charge, la persistance virale ou le syndrome de fatigue post-viral. Chez un individu donné, plusieurs causes sont souvent mêlées et responsables de tableaux cliniques complexes.

Jusqu’à présent, les études scientifiques estimant le nombre de patients présentant des symptômes persistants de la Covid utilisaient chacune une définition différente de la maladie. L’hétérogénéité des mesures utilisées a donc pu contribuer aux discordances entre les résultats des études.

Pour répondre à ce problème, le centre d’épidémiologie clinique de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP, dirigé par le Pr Philippe Ravaud, AP-HP / Université de Paris / Inserm, a lancé fin 2020 une étude sur le Covid long au sein de la cohorte ComPaRe, la Communauté de Patients pour la Recherche portée par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et Université de Paris. Cette étude visait à développer une mesure scientifique de la sévérité de la maladie et de son impact sur la vie des patients selon une méthode en deux phases.

Au cours de la première phase (octobre – novembre 2020), les chercheurs ont interrogé 492 patients [âge médian 45 ans, 84% de femmes, 43% avec une infection confirmée par PCR] avec un covid long (défini comme la présence symptômes persistants au moins 3 semaines après une infection par le SARS CoV2). Les patients ont pu rapporter, en texte libre, l’ensemble de leurs symptômes et les facteurs déclenchants et calmants de ceux-ci. Les patients étaient également interrogés sur l’impact de la maladie sur leur vie. Les réponses des participants ont été analysées par des chercheurs et des patients experts. Elles ont permis la définition d’une liste de 53 manifestations de la maladie (fatigue, douleurs thoraciques, maux de tête, troubles de l’équilibre, etc.) et de six domaines de la vie des patients qui pouvaient être impactés par celle-ci (vie familiale, professionnelle, etc.).

Lors de la seconde phase (novembre 2020 – février 2021), les chercheurs ont utilisé ces résultats pour développer un questionnaire, rempli directement par les patients, afin de mesurer la sévérité de la maladie et son impact sur la vie des patients. Ils ont évalué la validité, la fiabilité et la pertinence de ce questionnaire dans un second échantillon de 1022 patients avec un Covid long [âge médian 45 ans, 79% de femmes, 55% de patients avec une infection confirmée par PCR, 12% ayant été hospitalisés]. Cette seconde phase a montré l’impact majeur du covid long sur la qualité de vie des patients, estimée environ 40% inférieure à celle de la population générale. Ainsi, 77% des patients considéraient l’impact de leur maladie comme « insoutenable » et 48% déclaraient ne plus être capables de réaliser certaines activités chez eux ou dans le cadre de leur travail.

En conclusion, cette recherche a permis le développement d’une base scientifique de qualité pour mesurer le covid long. La standardisation des mesures dans les études scientifiques permettra de comparer et combiner les résultats de celles-ci.

La mesure développée est actuellement utilisée pour évaluer l’évolution au cours du temps des symptômes des patients de l’étude ComPaRe Covid long. Ceci permettra de comprendre les variations des manifestations de la maladie au cours du temps et de permettre de répondre à la question « combien de temps dure la maladie ? ».

Afin de répondre à ces questions de recherche, ComPaRe renouvelle son appel à participation aux projets de recherche sur le Covid long menés au sein de la cohorte. Pour participer, il suffit de s’inscrire sur : https://compare.aphp.fr.

Créée en 2017 par l’AP-HP, ComPaRe, la Communauté de Patients pour la Recherche rassemble aujourd’hui plus de 45 000 patients volontaires partout en France. Ils contribuent à faire avancer la recherche sur leur(s) maladie(s) chronique(s) en répondant régulièrement aux questionnaires en ligne des chercheurs, sur la plateforme sécurisée https://compare.aphp.fr.

Aujourd’hui, 36 projets spécifiques ont été lancés dans ComPaRe. Outre le covid long, plusieurs études spécifiques ont été lancées pour suivre les patients souffrant de diabète, de maladie de Verneuil, de vitiligo, de lombalgie chronique, de maladies rénales, de vascularites, d’hypertension artérielle, d’endométriose, de neurofibromatoses et d’un syndrome de Marfan. De nouvelles études et cohortes spécifiques sont en cours de constitution.

L’Inserm et AstraZeneca s’associent pour tester l’efficacité de la combinaison d’anticorps monoclonaux AZD7442 contre la Covid-19 dans le cadre de l’essai européen DisCoVeRy

SARS-CoV-2

AZD7442 est une combinaison de deux anticorps monoclonaux à longue durée d’action (LAAB) issus du plasma de 2 patients convalescents ayant guéri d’une infection par le Sars-CoV-2. © Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 (Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France)

Une combinaison d’anticorps monoclonaux à longue durée d’action (LAAB) développée par AstraZeneca va être évaluée dans l’essai européen DisCoVeRy piloté par l’Inserm qui a pour objectif de trouver un traitement contre la Covid-19. Il est prévu d’inclure 1240 patients à travers l’Europe dans cet essai clinique de phase III.

Fort d’une riche expérience dans le domaine des thérapies ciblées (oncologie, maladies respiratoires), le laboratoire AstraZeneca a développé une combinaison de deux anticorps monoclonaux ciblant la protéine spike du virus Sars-CoV-2 : AZD7442. Ce traitement fait aujourd’hui l’objet d’une évaluation clinique dans différents contextes, à la fois en préventif mais aussi en curatif de la Covid-19.

Les engagements scientifiques internationaux contre la Covid-19 

L’essai clinique DisCoVeRy coordonné par l’Inserm a été mis en place dès les tous premiers mois de la pandémie de Covid-19 en tant qu’essai « fille » de l’essai international de l’OMS Solidarity avec lequel il partage ses données.

Piloté conjointement par le Pr. Florence Ader, infectiologue à l’hôpital de la Croix-Rousse du CHU de Lyon (France) et le Pr. Maya Hites, infectiologue à l’hôpital universitaire Erasme de Bruxelles (Belgique), DisCoVeRy est un essai évaluant l’efficacité clinique et virologique, ainsi que la sécurité, d’un traitement candidat par rapport à la norme de soins chez des patients adultes hospitalisés pour la Covid-19. Le principal critère d’évaluation est l’état clinique des patients au jour 15[1]. Une première série de quatre traitements a été testée. Ils ont été successivement jugés inefficaces sur la base des analyses intermédiaires conduisant à une suspension des inclusions. Les résultats de ces analyses sont en cours de publication dans des journaux internationaux à comité de lecture et ceux concernant les trois premiers traitements également disponibles sur le site medRXive.

Financé par l’Europe ( European Union Horizon 2020 programme for research and innovation), DisCoVeRy est désormais l’axe de recherche 1 du projet EU-RESPONSE (European Reasearch and Preparedness Network for Pandemics and Emerging Infectious Diseases, qui regroupe 21 partenaires (cliniques, centres hospitaliers, universités…) de 13 pays de l’Union Européenne, de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie. Créé pour répondre à l’urgence épidémique de la Covid-19, EU-RESPONSE piloté par le Pr Yazdan Yazdanpanah permet en plus d’étendre l’essai DisCoVeRy à d’autres pays européens [2] et de mettre en place une plate-forme d’essais cliniques pérenne pour lutter d’abord contre la Covid-19 et d’éventuelles autres épidémies émergentes.

Dans ce cadre académique, est né le partenariat, mis en place entre l’Inserm, via sa filiale Inserm Transfert, et AstraZeneca pour évaluer un nouveau traitement prometteur ciblé contre le virus Sars-CoV-2.

 

AZD7442

Développé par AstraZeneca pour les patients atteints de la Covid-19, AZD7442 est une combinaison de deux anticorps monoclonaux à longue durée d’action (LAAB) issus du plasma de 2 patients convalescents ayant guéri d’une infection par le Sars-CoV-2. Ces deux anticorps dirigés contre la protéine spike du virus ont été sélectionnés pour leur capacité à le neutraliser grâce à une action synergique ; par ailleurs, ces 2 anticorps reconnaissants 2 parties distinctes de la protéine spike sont moins susceptibles d’être affectés par des mutations touchant la protéine spike. Cette combinaison d’anticorps est administrée en une seule dose par voie parentérale avec comme objectif de limiter la sévérité de l’infection chez des patients ayant un risque d’évolution vers une forme grave.

AstraZeneca évalue ainsi déjà AZD7442 dans le cadre d’autres essais cliniques : en tant que traitement préventif dans les essais PROVENT et STORM CHASER et en tant que traitement à visée curative, dans les essais TACKLE, ACTIV-2 et ACTIV-3.

Randomisé, multicentrique, réalisé en double aveugle et contrôlé vs placebo, l’essai DisCoVeRy va donc permettre de tester l’efficacité d’AZD7442 chez des patients atteints de la Covid-19 et hospitalisés. La première inclusion a lieu en France en ce début de semaine alors que suivront celles dans les pays partenaires.

L’efficacité du traitement sera évaluée à partir des critères suivants :

  • Critère primaire : État clinique du patient au 15ème jour après l’administration du traitement ;
  • Critère secondaire : récupération sans nouvelle hospitalisation entre 14 à 90 jours après la sortie ;

Le suivi des 1 240 patients inclus dans l’étude en Europe s’effectuera sur une durée de 15 mois, jusqu’à novembre 2022. Une première analyse des résultats devrait être effectuée fin 2021.

« Nous espérons que ce nouveau traitement pourra réduire les risques d’aggravation de la maladie, et permettre une amélioration rapide de l’état clinique des patients hospitalisés. », indiquent le Pr. Florence Ader et le Pr. Maya Hites co-investigatrices principales de l’étude.

« Cette collaboration est un très bel exemple de partenariat public/privé au cours de laquelle la pertinence d’une thérapeutique développée par un acteur industriel va pouvoir être validée par des équipes académiques ayant une expertise internationalement reconnue dans le domaine. AstraZeneca est très fier de participer à cet essai qui permettra s’il est positif de mettre à disposition des patients hospitalisés un traitement curatif de la Covid-19 », conclut le Pr Gabriel Thabut, Directeur Médical Respiratoire et Immunologie chez AstraZeneca.

 

[1]Mesuré sur l’échelle ordinale à 7 points de l’OMS

[2]INSERM. Covid-19 : L’Inserm à la tête d’un réseau de recherche clinique européen. 29 septembre 2020.

Résultats de l’enquête EPIPAGE-2 : suivi à 5 ans 1/2 des enfants nés prématurément

© Gabe Pierce – Unsplash

 

A l’âge de 5 ans et demi, 35% des enfants nés extrêmes prématurés, près de 45% des grands prématurés et 55% de ceux nés modérément prématurés auront une trajectoire développementale proche de la normale. Les enfants nés prématurément peuvent néanmoins rencontrer des difficultés, allant de handicaps sévères mais rares à des troubles plus subtils nécessitant cependant de mobiliser des ressources médicales, paramédicales et familiales importantes. A cinq ans et demi, à l’âge auquel il devient plus facile d’explorer les grands domaines du neuro-développement, plus d’un tiers des enfants nés prématurément présentaient ainsi des difficultés dites mineures dans les domaines moteurs, sensoriels, cognitifs, ou du comportement. La fréquence de ces difficultés nécessite un suivi rapproché de ces enfants dans des réseaux structurés pour les repérer précocement et mettre en place des interventions à une période où la plasticité cérébrale est maximale.

C’est ce que révèle l’enquête EPIPAGE-2, réalisée par les chercheurs de l’équipe Inserm-Université de Paris EPOPé – « Equipe de Recherche en Épidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique », du Centre de Recherche Epidémiologie et Statistiques (CRESS, Unité 1153) et impliquant des équipes de l’AP-HP ainsi que du CHU de Lille. Cette étude s’est intéressée au devenir de 3083 enfants nés prématurément, à leur insertion scolaire, à leur recours à des prises en charge, ainsi qu’aux inquiétudes ressenties par leurs parents. Elle est publiée dans la revue The British Medical Journal.

En France, la prématurité est la première cause de mortalité néo natale et est responsable de la moitié des handicaps d’origine périnatale. Elle touche chaque année environ 55 000 naissances. Parmi ces milliers d’enfants, 8 à 10 000 naissent au terme de 22 à 31 semaines de grossesse et sont décrits comme extrêmes ou grands prématurés.

Nés entre 24 et 26 semaines d’aménorrhée révolues, les enfants sont considérés comme extrêmes prématurés.

Nés entre 27 et 31 semaines, les enfants sont considérés comme grands prématurés.

Nés entre 32 et 34 semaines d’aménorrhée révolues) les enfants sont considérés comme modérément prématurés.

EPIPAGE-2 est une enquête française pilotée par l’Inserm incluant au départ 5170 enfants, nés prématurément au terme de 5 à 7 mois et demi de grossesse, entre avril et décembre 2011. Un des objectifs des chercheurs qui coordonnent cette enquête est de mieux comprendre les conséquences de la prématurité pour les enfants, plus précisément sur leur devenir neuro-moteur, sensoriel, cognitif, comportemental ainsi que pour leurs apprentissages. 3083 enfants ont été revus dans le cadre de consultations spécialisées dédiées à l’enquête à l’âge de 5 ans et demi.

« L’âge de 5 ans et demi correspond à un moment clé du développement de l’enfant permettant notamment le diagnostic de difficultés d’apprentissage et l’étude des compétences cognitives qui avant cet âge sont beaucoup plus difficiles », souligne Pierre-Yves Ancel, service de santé publique et médecine sociale de l’hôpital Cochin AP-HP (Unité CIC mère enfant), responsable de l’équipe EPOPé.

Le degré de prématurité déterminant pour le neuro-développement

Un enfant prématuré présentant une difficulté du neuro-développement est un enfant qui, en grandissant, s’écarte des caractéristiques de développement observées chez la majorité des enfants nés à terme.

« L’objectif de l’étude est de dresser une photographie précise des difficultés auxquelles ces enfants sont confrontés au cours de leur développement afin de permettre une prise en charge adaptée », explique Véronique Pierrat, chercheuse dans l’équipe EPOPé et néonatologiste au CHU de Lille.

L’étude révèle que plus la prématurité est grande, plus les enfants présentent de difficultés du neuro-développement. Alors que 27% des enfants nés extrêmes prématurés présentaient des difficultés sévères ou modérées de développement, 19% des enfants nés grands prématurés présentent des difficultés de même type, contre 12% des enfants modérément prématurés.

Ces difficultés regroupent des difficultés motrices, de la vision ou de l’audition, ou des déficiences intellectuelles. Quel que soit le degré de prématurité à la naissance, plus d’un tiers des enfants présentaient des difficultés dites mineures. La majorité d’entre elles nécessitent cependant un soutien et une prise en charge adaptée pour éviter qu’elles ne retentissent sur le quotidien de l’enfant ou ses apprentissages.

L’insertion scolaire et les prises en charge de soutien au développement

Les résultats de l’enquête montrent que plus la prématurité est importante, plus la scolarité de l’enfant nécessite d’être adaptée. Alors que 93% des enfants modérément prématurés étaient scolarisés dans des classes ordinaires (sans soutien spécifique), cette part ne concernait plus que 73% des enfants nés extrêmes prématurés.

On peut noter par ailleurs, que plus de la moitié des enfants nés extrêmes prématurés, un tiers des enfants nés grands prématurés et un quart des enfants nés modérément prématurés bénéficiaient d’une prise en charge de soutien au développement (orthophonie, psychomotricité, ou encore soutien psychologique, etc.). Toutefois, 20 à 40% des enfants avec des difficultés sévères ne bénéficiaient pas de soutien.

Les parents inquiets face aux difficultés de leurs enfants

Les parents ont été interrogés sur la santé générale de leur enfant, leur comportement, leur scolarité, la qualité de leurs interactions sociales mais aussi sur leurs inquiétudes concernant le développement de leurs enfants. L’enquête souligne ainsi l’importance de l’environnement dans lequel évolue l’enfant et renforce la nécessité de proposer aux familles un accompagnement coordonné, à la fois médical, éducatif et social. Ces inquiétudes sont réelles, même quand le développement de l’enfant est considéré comme normal. Elles méritent donc d’être mieux comprises et continueront à faire l’objet d’un suivi.

La poursuite des analyses sur les liens qui existent entre le développement à 2 ans et le développement à 5 ans ½ devrait permettre de mieux comprendre comment améliorer le suivi de ces enfants.

Pour les familles, il est important de souligner que le développement à un âge donné n’est pas figé, que le cerveau de l’enfant est encore en pleine évolution, et que les difficultés observées peuvent être prises en charge et accompagnées, sous réserve qu’elles aient été bien identifiées et les parcours de soins optimisés.

Cette cohorte continue actuellement de faire l’objet d’un suivi avec un nouveau recueil d’information prévu à 10 ans.

COVIDOM – Étude sur les caractéristiques cliniques et les facteurs associés à l’hospitalisation ou au décès des patients ambulatoires suivis à distance

SARS-CoV-2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France

 

Des équipes de l’AP-HP, de Sorbonne Université et de l’Inserm à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, coordonnées par le Dr Youri Yordanov et le Pr Agnès Dechartres, ont évalué les caractéristiques cliniques, le devenir et les facteurs associés à l’hospitalisation ou au décès des patients ambulatoires suivis à l’aide du dispositif COVIDOM

Cette étude, promue par l’AP-HP, et financée par la Fondation de France, la Fondation AP-HP, EIT-Health et un PHRC national (COVID 2020) a fait l’objet d’une publication, le 26 avril 2021, dans la revue Clinical Microbiology and Infection (CMI).

COVIDOM est une solution de télésurveillance médicale à domicile destinée aux patients porteurs ou suspectés de Covid-19, co-construite par l’AP-HP, Nouveal e-santé et l’URPS Ile-de-France, sous la direction du Pr Patrick Jourdain (AP-HP, Université Paris-Saclay) directeur médical de COVIDOM.

Les études sur les infections à COVID-19 se sont principalement concentrées sur les patients hospitalisés ou ceux présentant une forme grave de l’infection. Pour mener les travaux qui font aujourd’hui l’objet d’une publication, les chercheurs ont constitué dès mars 2020 une cohorte prospective de patients ambulatoires présentant un COVID-19 léger ou modéré, suivis à distance à l’aide de la solution de télésurveillance COVIDOM.

COVIDOM représente à ce jour le plus grand programme de télésurveillance déployé dans le monde dans le cadre de la COVID-19 (109 000 patients télésuivis depuis le début de l’épidémie) et une source unique de données épidémiologiques concernant les patients ambulatoires atteints de COVID-19.

De mars à aout 2020, plus de 43 000 patients ont été inclus dans la cohorte. L’âge moyen était de 43 ans; 93% des patients étaient âgés de moins de 65 ans et près de 62% étaient des femmes. Pour près de 70% des patients, les données sur les comorbidités et les symptômes étaient disponibles. Les principales comorbidités rapportées par les patients étaient l’asthme (13%), l’hypertension (12%) et le diabète (5 %).

Une faible proportion (4%) des patients inclus dans la cohorte COVIDOM ont présenté une aggravation clinique (hospitalisation ou décès). Le taux d’hospitalisation était de 4% et le taux de décès de 0,1 %. Les facteurs associés à l’aggravation clinique étaient : le sexe masculin, l’âge, l’obésité et les comorbidités telles qu’une insuffisance rénale chronique ou un cancer en cours de traitement. La probabilité d’aggravation était réduite en cas d’anosmie/agueusie.

Les travaux menés montrent que l’aggravation clinique était rare chez les patients ambulatoires présentant une forme de COVID-19 légère ou modérée, suivis à distance à l’aide de la solution de télésurveillance COVIDOM. Le sexe, l’âge et les comorbidités telles que l’insuffisance rénale chronique, les cancers actifs ou l’obésité étaient indépendamment associés à l’aggravation clinique. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer cette évaluation car il peut être considéré que cette cohorte a inclus des patients plus jeunes et en meilleure santé que dans la population générale.

Vaccins anti Covid-19 et thrombose : de quoi parle-t-on ?

Vaccination

Vaccination © Inserm/Depardieu, Michel 

Suite aux cas de thromboses survenus après la vaccination contre la Covid-19, l’équipe du Pr David Smadja, professeur d’hématologie d’Université de Paris, membre du service d’hématologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP et directeur d’une équipe de l’unité Inserm 1140 (Université de Paris) a analysé, à la demande du Centre de Pharmacovigilance de l’OMS, près de 2 000 cas signalés dans le monde. Les résultats de cette étude, publié dans European Respiratory journal, confirment la rareté des cas de thrombose.

Une des principales complications de la Covid-19 en phase aiguë, est une maladie vasculaire qui provoque une activation de la coagulation sanguine et donc la formation de caillots sanguins à l’origine de thromboses notamment au niveau pulmonaire. Créée depuis plus d’un an, l’équipe Covid (ANR-Fondation de France : Projet SARCODO), dirigée par le Pr David Smadja s’intéresse plus particulièrement aux troubles de la coagulation.

Le Pr Smadja a été sollicité par le Centre de Pharmacovigilance de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dès les premières alertes de cas de thrombose chez des patients vaccinés avec le vaccin AstraZeneca (Suède). Il lui a ainsi été demandé d’étudier et d’analyser les cas de thromboses survenus suite à la vaccination anti-Covid, et ce, pour les vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca. L’équipe a analysé et classifié près de 2000 cas de thrombose signalés dans le monde, et remontés par les professionnels de santé au Centre de Pharmacovigilance de l’OMS, entre le 15 décembre 2020 et le 16 mars 2021.

Alors même qu’il est impossible de calculer une vraie incidence (nombre de cas par rapport au nombre de vaccins administrés) et dans la mesure où il s’agit de remontées de déclaration d’effets indésirables, les premiers résultats montrent que des cas de thromboses veineuses et artérielles existent avec les 3 vaccins.

Toutefois, ces évènements thrombotiques sont en proportions infimes ce qui ne permet pas de conclure à un sur-risque de thrombose lié aux vaccins, et ce quel que soit le vaccin. 

Suivant cette étude, il semble que le phénomène de thrombose puisse être lié dans de rares cas à une réaction immunitaire de l’organisme.

Cette réaction peut se traduire par une thrombopénie, c’est-à-dire par une diminution du nombre de plaquettes sanguines dans la circulation sanguine. Au 16 mars 2021, l’équipe avait identifié, suite à la vaccination par AstraZeneca, 1 cas de thrombose semblable à ce qui était déjà connu du phénomène de réaction allergique à l’héparine (thrombopénie à l’héparine) alors même que ce patient n’avait jamais reçu d’héparine. Dans ce cas précis, la diminution du nombre de plaquettes sanguines (thrombopénie) est due à leur agrégation entre elles pour former des caillots sanguins provoquant alors une thrombose.

Depuis le 16 mars, d’autres cas de patients présentant ces mêmes effets secondaires ont été rapportés suite à une vaccination par les vaccins à adénovirus (AstraZeneca, Janssen). Aujourd’hui, c’est plus d’une cinquantaine de cas qui sont décrits dans le monde, ce qui reste extrêmement rare au vue du nombre de personnes vaccinés.

Il semble donc bien exister des formes très rares de thrombose spécifiquement liées aux vaccins à adénovirus, sans que les causes et les mécanismes d’action précis soient encore connus.

Une prise en charge médicale de ces rares patients est maintenant décrite et recommandée par la société internationale d’hémostase et thrombose.

Le Pr Smadja précise qu’il n’y a aucun facteur de risque particulier, identifié à ce jour, prédisposant à ses effets secondaires post vaccination (voir Recommandations groupe de travail COVID AP-HP). Des études complémentaires seront nécessaires pour étudier la prévalence d’une anomalie de l’hémostase associée à des thromboses multiples après les vaccins à adénovirus mais aussi à ARN.

Malgré la survenue d’effets secondaires très rares, le Pr. Smadja réaffirme que les bienfaits du vaccin dans la lutte contre l’épidémie de COVID-19 l’emportent très largement sur le risque d’effets secondaires.

 

Plusieurs formes « d’orages cytokiniques » sont associés à la sévérité et la mortalité dans la Covid-19

SARS-CoV-2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

 

Les formes graves de Covid-19 étant associées à une élévation sérique du taux de nombreuses cytokines inflammatoires, il a été très tôt envisagé de traiter ces patients à l’aide de biothérapies bloquant par exemple l’interleukine-6 ou l’interleukine-1. Une étude récemment publiée par la revue Journal of Allergy and Clinical Immunology, menée par l’équipe du professeur Guy Gorochov, montre qu’il existe au moins deux profils distincts de réponse cytokinique associée à la Covid-19, ce qui impliquerait donc la nécessité d’une prise en charge hautement personnalisée des patients.

Hormis les corticoïdes, les différents traitements testés contre la Covid-19 semblent avoir donné des résultats décevants. L’efficacité du blocage des interleukines (IL)-6 et -1 pour réduire la mortalité n’a pour l’instant pas pu être démontrée. Il a été également proposé d’agir sur la réplication virale en administrant de manière précoce des interférons de type-1[A], sans pour l’instant pouvoir démontrer l’efficacité de cette approche, toujours en termes de réduction de mortalité.

Orages Cytokiniques

© Guy Gorochov

Il est envisageable que cet apparent manque d’efficacité, et notamment celui des biothérapies visant à moduler les désordres cytokiniques, pourrait s’expliquer par une mauvaise stratification des patients, n’ayant pas forcément reçu un traitement adapté à leur profil cytokinique individuel.

Pour répondre à cette question, l’équipe du Pr Gorochov, (département d’immunologie hôpital La Pitié Salpêtrière AP-HP/CIMI – Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses – Sorbonne Université/Inserm) associée au groupe Bio-informatique du Pr Neumann du département de Médecine Environnementale à l’Université d’Augsbourg en Allemagne, en collaboration avec plusieurs services cliniques et laboratoires de l’AP-HP. Sorbonne Université et Sorbonne Université, a étudié les taux sériques d’un large éventail de cytokines chez 115 patients atteints de Covid-19 au moment de leur hospitalisation lors de la première phase de la pandémie. Les résultats de cette étude ont été ensuite confirmés par l’analyse d’une cohorte de réplication comportant 86 patients de la deuxième vague de la pandémie SARS-CoV-2 en région parisienne1.

L’analyse des résultats démontre une grande hétérogénéité des réponses cytokiniques à l’échelon individuel. Néanmoins, une analyse combinée des différentes cytokines permet de faire ressortir au moins deux profils de réponses distincts. Les patients ne présentant pas initialement une atteinte respiratoire sévère développent une réponse antivirale dominée par les interférons de type I dans un contexte de forte réplication virale. A l’inverse, les patients présentant à l’admission de graves troubles respiratoires présentent eux des taux élevés de cytokines pro inflammatoires et de faibles niveaux d’interférons de type I. D’une manière inattendue, la charge virale SARS-CoV-2 est moins augmentée dans ce dernier groupe, alors que la réponse anti virale y est moins importante. Ces résultats vont à l’encontre de la notion que la sévérité clinique serait toujours associée à une forte réplication virale.

Il est important de noter que le risque de décès à 30 jours après le début des symptômes est lié dans les deux groupes à l’intensité de chaque signature cytokinique particulière.

La sévérité et le risque de décès ne sont donc pas uniquement associés à une réponse typiquement pro-inflammatoire (IL-1, -6, -8, TNFalpha), comme vérifié chez certains patients, mais plutôt à une réponse antivirale exacerbée chez d’autres.

Au total ces résultats suggèrent qu’il serait intéressant de revisiter l’analyse des essais de biothérapies en fonction des profils cytokiniques à l’inclusion. Les résultats publiés indiquent en effet qu’il ne serait pas nécessaire d’administrer des interférons de type I chez des patients présentant des taux déjà fortement élevés en ces cytokines2. A l’inverse, le risque de décès n’étant pas toujours associé à une forte élévation des cytokines pro-inflammatoires, leur ciblage thérapeutique devrait être décidé en fonction des dosages.

Ces résultats pourraient suggérer de nouvelles pistes thérapeutiques. Il est en effet observé que le risque de décès à 30 jours des patients les plus sévères, Dont la prise en charge a nécessité le recours à une circulation extracorporelle pour oxygéner le sang, est associé à des taux plus faibles d’interleukine-17 et d’interleukine-18 au moment de l’admission en soins intensifs. Une supplémentation en ces cytokines chez ces patients pourrait donc être envisagée comme nouveaux traitements ciblés.

 

[A] Les interférons de type I (IFN), principalement IFN-α (alpha), IFN-β (bêta), sont impliqués dans l’immunité innée contre les infections virales, mais interviennent également dans plusieurs maladies inflammatoires, comme le Lupus. Les interleukines (IL) 1, 6, 18 et le facteur de nécrose tumorale (TNFalpha) sont des cytokines pro-inflammatoires. L’IL-17 est impliquée dans les réponses anti-microbiennes et induit l’IL-8, chimiokine qui permet le recrutement des neutrophiles.

SARS-CoV-2 : l’infection induit des anticorps capables de tuer les cellules infectées quelle que soit la sévérité de la maladie

 

SARS-COV-2

©AdobeStock

 

En s’appuyant sur des études épidémiologiques de terrain et sur la cohorte hospitalière FrenchCOVID coordonnée par l’Inserm, des équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine Research Institute (VRI, Inserm/université Paris Est Créteil) ont étudié les anticorps induits chez des individus infectés par le SARS-CoV-2 de manière asymptomatique ou symptomatique. Les chercheurs et chercheuses ont montré que l’infection induit des anticorps polyfonctionnels, c’est à dire possédant une activité neutralisante mais aussi capables d’activer d’autres mécanismes de défense tels que les cellules tueuses NK (Natural Killer) ou les molécules du complément. Les niveaux d’anticorps sont légèrement plus faibles chez les personnes asymptomatiques en comparaison à celles symptomatiques, mais des anticorps polyfonctionnels sont retrouvés chez tous les individus. Ces résultats montrent que l’infection induit des anticorps capables de tuer les cellules infectées quelle que soit la sévérité de la maladie. L’étude fait l’objet d’une publication dans la revue Cell Reports Medicine, le 21 avril 2021.

Près de la moitié des personnes infectées par le SARS-CoV-2 ne développe pas de symptôme. Cependant, la réponse immunitaire induite par les formes asymptomatiques de la Covid-19 est encore mal caractérisée. L’étendue des fonctions antivirales des anticorps anti-SARS-CoV-2 est également mal comprise. En effet, les anticorps sont capables de neutraliser le virus, mais aussi d’activer des fonctions dites « non neutralisantes ». Parmi elles, la cytotoxicité dépendante des anticorps (antibody-dependent cellular cytotoxicity ; ADCC) et l’activation du complément sont des constituants majeurs de la réponse immunitaire et de l’efficacité de certains vaccins. L’ADCC est un phénomène en deux étapes, durant lequel les cellules infectées sont d’abord reconnues par les anticorps, puis détruites par les cellules NK. Le complément est un ensemble de protéines plasmatiques qui permet également l’élimination des cellules ciblées par les anticorps. La capacité des anticorps à activer ces fonctions non neutralisantes est encore très peu décrite dans le contexte de l’infection par le SARS-CoV-2.

Dans un premier temps, les équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS et du VRI (Inserm/université Paris Est Créteil) ont mis au point de nouveaux tests permettant de mesurer les différentes fonctions des anticorps. Elles ont développé des tests pour étudier la mort cellulaire induite par les cellules NK ou par le complément en présence d’anticorps. En étudiant les cultures en temps réel grâce à la vidéo-microscopie, les chercheurs et chercheuses ont montré que les cellules NK, en présence des anticorps, peuvent tuer les cellules infectées, démontrant une nouvelle activité antivirale des anticorps.

Les scientifiques ont ensuite étudié des sérums de patients atteints de formes symptomatiques ou asymptomatiques de la Covid-19. En plus de leurs nouveaux tests, ils ont analysé les anticorps avec différentes méthodes préalablement développées à l’Institut Pasteur, telles que le test S-Flow pour rechercher la présence d’anticorps dirigés contre la Spike du SARS-CoV-2 et le test S-Fuse qui mesure la capacité de neutralisation de ces anticorps.

« Cette étude a permis de montrer que les individus infectés par le SARS-CoV-2 possèdent des anticorps capables d’attaquer le virus de différentes manières, en l’empêchant d’entrer dans les cellules (neutralisation) ou en tuant les cellules infectées grâce à l’activation des cellules NK (via la fonction ADCC). On parle donc d’anticorps polyfonctionnels », explique Timothée Bruel, co-auteur principal de l’étude et chercheur au sein de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur[1] et au VRI. En comparant différents groupes de patients, les scientifiques ont ensuite montré que les personnes asymptomatiques possèdent également des anticorps polyfonctionnels et que leur réponse est légèrement plus faible que celle des patients atteints de formes modérées de la Covid-19.

« Cette étude révèle de nouveaux modes d’action des anticorps et suggère que la protection induite par une infection asymptomatique est très proche de celle observée après une infection symptomatique », conclut Olivier Schwartz, co-auteur principal de l’étude et responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur et au VRI (Inserm/université Paris Est Créteil).

 

[1] Département de virologie (CNRS/Institut Pasteur)

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