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Un dérèglement du microbiote est associé à la formation d’une molécule favorisant le diabète de type 2

L’alimentation joue un rôle important dans la composition du microbiote intestinal. En effet, à partir des aliments consommés, les bactéries intestinales produisent des composés organiques, les métabolites, qui peuvent avoir un impact sur la santé. © Adobe Stock

Une alimentation déséquilibrée est associée à un dérèglement du microbiote intestinal qui favorise les maladies métaboliques comme le diabète. Des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université, de l’AP-HP et d’INRAE en collaboration avec une équipe suédoise, montrent que des changements dans la composition du microbiote intestinal entraînent une augmentation des niveaux sanguins d’une molécule appelée le propionate d’imidazole, au sein d’une large cohorte européenne. Cette molécule est connue pour rendre les cellules de l’organisme résistantes à l’insuline et augmenter le risque de diabète de type 2. Les résultats sont publiés dans le journal Nature Communications.

L’alimentation joue un rôle important dans la composition du microbiote intestinal. En effet, à partir des aliments consommés, les bactéries intestinales produisent des composés organiques, les métabolites, qui peuvent avoir un impact sur la santé s’ils sont présents en trop grande ou trop faible quantité dans l’organisme.

Des études ont précédemment montré que les changements dans la composition du microbiote intestinal et la production de certains métabolites peut directement influencer le développement du diabète de type 2.

Elles ont par exemple mis en avant qu’une quantité plus faible des bactéries productrices d’un acide gras connu pour améliorer la sensibilité à l’insuline, le butyrate, est associé à un risque de diabète plus élevé.

D’autres travaux récents suggèrent qu’une altération du microbiote intestinal dérègle le métabolisme de l’histidine, un acide aminé présent dans de nombreux aliments, ce qui entraîne une élévation des niveaux d’un métabolite ; le propionate d’imidazole. Cette molécule bloque l’action de l’insuline, l’empêchant de diminuer les quantités de sucre dans le sang.

L’étude publiée dans Nature Communications confirme ces résultats initiaux dans une large cohorte européenne regroupant 1990 participants originaires de France, Allemagne et Danemark. Il s’agit de la cohorte METACARDIS pilotée par l’Inserm dont l’objectif est d’étudier l’impact des changements du microbiote intestinal sur l’apparition et la progression des maladies cardio-métaboliques et des pathologies associées. « METACARDIS est une base de données unique et précieuse dans le sens où elle nous permet d’accéder à des caractéristiques très détaillées sur chacune des personnes enrôlées dans la cohorte avec de nombreuses précisions phénotypiques, métaboliques et génétiques bactériennes », souligne Karine Clément, médecin, enseignante-chercheuse en nutrition à Sorbonne Université et coordinatrice du projet.

Avec ses collègues, la chercheuse montre que dans la cohorte, les sujets atteints de pré-diabète[1] ou de diabète de type 2 présentent effectivement des niveaux plus élevés de propionate d’imidazole dans le sang. Le microbiote intestinal de ces personnes est par ailleurs caractérisé par un appauvrissement important en bactéries.

Les chercheurs suggèrent que ces altérations de la composition bactérienne du microbiote seraient liées à une alimentation peu équilibrée. Elles entrainent un dérèglement du métabolisme de l’histidine qui entraîne à son tour l’augmentation du propionate d’imidazole et donc des problèmes de régulation de la glycémie. Il y a alors un risque plus élevé de développer un diabète de type 2.

 « Notre étude suggère que les individus qui ont une mauvaise alimentation ont une augmentation du propionate d’imidazole et qu’il y a une association claire entre la composition appauvrie du microbiote, l’alimentation et le diabète de type 2. Elle vise à faire passer un message de prévention, en soulignant qu’une alimentation plus variée permet d’enrichir le microbiote. Cette étude a aussi des implications thérapeutiques puisqu’on pourrait envisager à l’avenir développer des médicaments modifiant la synthèse de certains métabolites dont le propionate d’imidazole », explique Karine Clément.

Plusieurs questions de recherche continuent à se poser et devraient être élucidées dans de futurs travaux s’appuyant sur la cohorte METACARDIS. Les chercheurs veulent notamment comprendre comment l’élévation d’un ou plusieurs métabolites peuvent prédire, chez les personnes diabétiques, le risque de développer d’autres complications comme par exemple des problèmes cardiovasculaires. Ils veulent également étudier comment l’élévation des niveaux de propionate d’imidazole chez les personnes en situation de pré-diabète pourrait augmenter le risque de devenir diabétique plus tôt dans leur parcours clinique. 

Ce large projet de recherche, qui repose sur une étroite collaboration entre plusieurs équipes scientifiques européennes, a reçu un soutien de la communauté européenne (7ème projet cadre Européen FP7-Metacardis), ainsi que de la Fondation Leducq.

 

[1] Le pré-diabète est un trouble glycémique à un stade moins avancé que le diabète proprement dit.  Pour ces personnes, la glycémie à jeun se situe entre 1,10 g/L et 1,25 g/L (une glycémie normale à jeun est inférieure à 1,10 g/L). Le risque de développer un diabète de type 2 ultérieurement est augmenté. 

Trois premiers essais cliniques vaccinaux prévus à partir du mois de décembre via la plateforme COVIREIVAC de l’Inserm

Même si des vaccins sont autorisés dans les prochains mois, la poursuite des essais via COVIREIVAC est nécessaire. © Adobe Stock

A la demande du Ministère des Solidarités et de la Santé et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la France, forte de l’excellence de sa recherche clinique en matière de vaccination s’est organisée pour contribuer à l’évaluation des candidats vaccins contre la Covid-19 les plus prometteurs via la plateforme COVIREIVAC de l’Inserm. Trois essais cliniques vaccinaux devraient démarrer en France dès le mois de décembre sous réserve de l’accord des autorités réglementaires. Si les annonces de plusieurs laboratoires pharmaceutiques ces dernières semaines suscitent les espoirs quant à la possibilité de développer et de commercialiser rapidement un vaccin efficace contre la Covid-19, il est indispensable de développer plusieurs vaccins et de compléter la collecte de données, y compris sur ceux ayant des résultats préliminaires prometteurs.

Des accords pour lancer des essais cliniques vaccinaux en France via la plateforme COVIREIVAC de l’Inserm sont conclus avec les industriels Astra Zeneca, Janssen et Moderna. Ces derniers ont été scrupuleusement sélectionnés après avis du Comité scientifique vaccins Covid-19.

Les dossiers ont été déposés auprès de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de santé) et d’un CPP (Comité des Protections des Personnes).  Les essais pourront donc démarrer en décembre sous réserve de l’accord de ces autorités réglementaires. 

Même si des vaccins sont autorisés dans les prochains mois, il est impératif de poursuivre les essais afin d’approfondir les connaissances scientifiques notamment sur la durée de la protection et la qualité de la réponse immunitaire. Quelle que soit la stratégie vaccinale adoptée en France et les vaccins qui seront autorisés par les autorités sanitaires, la tenue d’essais cliniques via COVIREIVAC sera poursuivie pour répondre à d’autres questions de recherche qui continuent de se poser.

En effet, afin de répondre au besoin mondial et aux différentes populations, il est impératif de développer plusieurs vaccins. La poursuite des travaux de recherches permet aussi d’élaborer des produits avec des efficacités complémentaires, plus faciles à administrer et/ou moins chers à produire. Par ailleurs, des interrogations scientifiques demeurent.

Quelle est la durée de l’immunité conférée par la vaccination ? Des rappels seront-ils nécessaires ? Les premiers vaccins autorisés pourront-ils être proposés à toutes les populations, des personnes âgées aux jeunes, en passant par les femmes enceintes ? Telles sont les questions auxquelles il convient encore de répondre.

Ces données scientifiques complémentaires permettront d’affiner la stratégie vaccinale qui sera mise en place sur notre territoire.

Le démarrage de trois essais vaccinaux en France grâce à la plateforme COVIREIVAC n’est donc qu’une partie d’un processus de recherche international sans précédent. Selon l’avancée des connaissances sur le SARS-cov2 et la disponibilité des vaccins, les protocoles de recherche pourront être adaptés en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, toujours dans une logique de protection des volontaires, de rigueur scientifique et de transparence.  

 

A propos de Covireivac

Mise en place le 1er octobre 2020, la plateforme COVIREIVAC est pilotée par l’Inserm. Le volet opérationnel clinique des différents CHU fait l’objet d’une coordination prise en charge par l’AP-HP.

Depuis le lancement de la plateforme, 40 000 volontaires se sont déjà inscrits pour participer aux efforts de recherche et tester les vaccins. Il s’agit d’une initiative sans précédent en France.

Les inscriptions sont toujours ouvertes à ceux qui le souhaitent. Pour se porter volontaire, il suffit de se préinscrire sur le site www.covireivac.fr et de remplir un premier questionnaire de santé. Le volontaire sera ensuite contacté en fonction des besoins des différents protocoles de recherche (âge, conditions préexistantes, localisation géographique). Il pourra alors confirmer son accord pour participer à l’essai spécifique pour lequel il aura été appelé ou bien choisir d’y renoncer. Il est également possible qu’il ne soit jamais appelé. La participation aux essais cliniques ne garantit pas un accès prioritaire aux vaccins qui seront mis que le marché.

Déchiffrer le code énergétique des cellules pour améliorer les thérapies anticancéreuses

 

© Olivier Cabaud

Un procédé qui pourrait aider à personnaliser les thérapies anti-cancéreuses vient d’être mis au point par des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université au Centre d’immunologie de Marseille Luminy, associés à des collègues de l’Université de Californie à San Francisco et à l’AP-HM, avec le soutien du Canceropôle Provence Alpes Côte d’Azur. Leur technique brevetée1 permet de connaître l’état énergétique des cellules, révélateur de leur activité. Elle est décrite dans la revue Cell Metabolism le 1er décembre 2020.

Les immunothérapies, qui consistent à mobiliser le système immunitaire pour qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise, sont une approche prometteuse pour lutter contre les cancers2. Néanmoins, l’environnement tumoral peut être hostile aux cellules immunitaires en les privant de leur source d’énergie, ce qui limite l’efficacité de ces traitements (actuellement, seul un tiers des patients répond aux traitements par immunothérapie). L’état énergétique des différents types de cellules immunitaires est ainsi un marqueur de leur activité, et en particulier de leur action pro- ou anti-tumorale. Afin d’augmenter l’efficacité des immunothérapies, il devenait donc indispensable de disposer d’une méthode simple pour caractériser le profil énergétique des cellules immunitaires provenant d’échantillons de tumeurs.

Appelée SCENITH1, la méthode mise au point entre Marseille et San Francisco permet d’identifier les sources d’énergie dont dépend chaque type de cellule présent dans la tumeur, et en particulier les besoins spécifiques des cellules immunitaires dans cet environnement hostile.

Elle utilise comme marqueur de l’état énergétique des cellules leur niveau de synthèse de protéines, ce processus consommant la moitié de l’énergie dans une cellule. L’échantillon prélevé par biopsie est séparé en différents lots, chacun étant traité par un inhibiteur d’une des voies métaboliques permettant aux cellules de produire de l’énergie. Le niveau de synthèse de protéines est ensuite analysé dans un cytomètre de flux3, qui permet en outre de différencier les différents types de cellules présentes dans l’échantillon et d’identifier les marqueurs qu’elles portent à leur surface, cibles des thérapies. Ainsi, la méthode SCENITH permet d’identifier l’état énergétique de chaque cellule de la tumeur, qu’elle soit immunitaire ou cancéreuse, ainsi que les sources d’énergie et les voies métaboliques dont elle dépend.

Les scientifiques ont déjà commencé à collaborer avec des équipes de recherche clinique afin de mieux cerner comment utiliser cet outil pour prédire la réponse des patients aux traitements4. Ils souhaitent accroître les collaborations de ce type afin d’identifier les profils liés aux différentes réponses aux immunothérapies et chimiothérapies. SCENITH a ainsi vocation à personnaliser les traitements en exploitant les forces de la réponse immunitaire et les faiblesses de la tumeur de chaque patient.

 

1 SCENITH: Single Cell ENergetIc metabolism by profilIng Translation inhibition (en français : sonder le métabolisme énergétique à l’échelle de la cellule en observant l’inhibition de la traduction). Brevet PCT/EP2020/060486

2 Récompensée par le prix Nobel de médecine en 2018. Pour en savoir plus sur l’immunothérapie :  https://lejournal.cnrs.fr/articles/cancer-la-revolution-de-limmunotherapie

3 Appareil permettant de mesurer les caractéristiques individuelles de chaque cellule telles que leur taille, leur forme, et n’importe quel composant ou fonction qui puisse être détecté par un composé fluorescent.

4 Lopes N, et al. Metabolism and function of γδ T cell subsets in the tumour microenvironment. Nature Immunology (In press).

Cette étude a notamment bénéficié du soutien du Canceropôle Provence Alpes Côte d’Azur, de l’Institut national du cancer, de la région Sud et d’Inserm Transfert.

Pour plus d´informations :

Les neurosciences apportent de nouvelles pistes pour comprendre l’origine de nos émotions

On a longtemps considéré les émotions comme des expériences biologiques innées et universelles, bien distinctes les unes des autres. © Adobe Stock

Nos émotions sont-elles innées ou bien sont-elles le produit de notre culture et de notre environnement ? Cette question fait depuis longtemps l’objet de débats dans le domaine des neurosciences. Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Caen Normandie, de l’École Pratique des Hautes Études et des CHU de Caen et de Rennes apportent des données cliniques robustes en faveur de la seconde hypothèse. Leurs travaux suggèrent que notre capacité à connaître et à reconnaître les émotions se construit progressivement et dépend de notre connaissance du langage. Leurs résultats sont publiés dans le journal Brain.

Tout au long de l’histoire des neurosciences, la question de l’origine des émotions n’a cessé d’intriguer les scientifiques. S’appuyant sur les théories de Charles Darwin, ceux-ci ont longtemps considéré les états émotionnels comme des expériences biologiques innées et universelles, bien distinctes les unes des autres.

Face au constat que les émotions ne sont pourtant pas définies de la même manière dans toutes les cultures, et que les frontières entre les catégories (joie, tristesse, colère…) ne sont pas les mêmes à travers le monde, cette perspective n’a cependant cessé d’évoluer. Une hypothèse dite « constructionniste » des émotions s’est ainsi développée au cours des dernières décennies, postulant que les émotions ne sont pas innées. Il s’agirait plutôt de concepts appris dans l’enfance et associés à nos sensations physiques.

Ces concepts s’enrichiraient tout au long de la vie, en fonction de nos expériences et de notre environnement. Des données robustes, issues de l’imagerie cérébrale et de la pratique clinique, manquaient toutefois pour confirmer cette théorie.

Pour départager les deux courants de pensée, le chercheur Inserm Maxime Bertoux et l’équipe du laboratoire « Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine » (Inserm/Université de Caen Normandie/École pratique des hautes études) associés aux CHU de Caen et de Rennes et au GIP Cyceron se sont intéressés à 16 patients atteints d’une maladie neurodégénérative rare, la « démence sémantique ».

Celle-ci se caractérise par une dégradation de la mémoire conceptuelle, c’est-à-dire par une perte des connaissances que l’on a sur le monde et sur le langage. « Les patients ont des difficultés à mobiliser ce qu’ils ont appris tout au long de la vie, par exemple à se rappeler que Paris est la capitale de la France. Ils ont aussi une incapacité à identifier les objets du quotidien et à se rappeler leur fonctionnement ou leur utilité, ou encore à comprendre le sens des mots. Cependant, la dégradation des connaissances conceptuelles associée à cette maladie ne devrait pas avoir d’impact sur la capacité des patients à connaître et à reconnaître les émotions, si celles-ci sont réellement innées », explique Maxime Bertoux.

Réseau cérébral identifié

Les participants ont été testés sur leurs connaissances conceptuelles de quatre émotions : la colère, la fierté, la surprise et l’embarras. Dans un premier temps, ils étaient invités à donner un synonyme de chacune de ces émotions puis à choisir un autre mot s’en approchant au sein d’une liste. Ils devaient ensuite donner un exemple de contexte dans lequel cette émotion pouvait être ressentie puis, parmi une liste de situations, choisir celle qui était la plus susceptible de provoquer l’état émotionnel en question. Dans un second temps, les participants ont regardé des photos et des vidéos d’acteurs qui exprimaient des émotions. Ils devaient alors reconnaître celle qui était représentée.

Comparée à des participants sains, la mémoire conceptuelle des émotions était plus dégradée chez les participants souffrant de démence sémantique. En moyenne, ces patients étaient par exemple moins capables de donner ou de choisir le synonyme correct d’une émotion particulière mais aussi de sélectionner le contexte approprié dans lequel on peut s’attendre à la ressentir. Ils avaient également une plus grande difficulté à reconnaître les états émotionnels exprimés par d’autres individus, que ceux-ci soient positifs ou négatifs, présentés en photographie ou en vidéo.

En s’appuyant sur ces résultats, les chercheurs mettent à jour une corrélation étroite entre la perte de mémoire des connaissances conceptuelles et la difficulté à reconnaître les émotions et leur caractère positif ou négatif.

Les chercheurs ont aussi eu recours à des techniques d’imagerie cérébrale afin d’identifier les réseaux cérébraux mobilisés lors de la réalisation de ces différents exercices. Leurs résultats suggèrent qu’un même réseau est à l’œuvre à la fois lors des tâches de reconnaissance des émotions faciales et des tâches de mobilisation des connaissances conceptuelles sur les émotions.

« Notre étude souligne l’intrication forte de processus neurocognitifs « affectifs », liés à la reconnaissance des émotions, et « conceptuels » qui étaient supposément distincts. Nous montrons que nos connaissances conceptuelles et notre connaissance du langage ont un rôle déterminant dans la manière dont nous percevons les émotions. Cela nous permet d’apporter de nouveaux éléments pour confirmer la théorie constructionniste des émotions : nous construirions culturellement nos émotions depuis l’enfance », souligne Maxime Bertoux.

Ces travaux présentent aussi un intérêt dans le domaine clinique. En effet, de nombreuses maladies psychiatriques et neurodégénératives entraînent des perturbations émotionnelles.

« Notre étude soutient l’intérêt des approches cognitives, comportementales et émotionnelles dans les maladies mentales ou les neuroatypies. Reconnaître une émotion chez les autres mais aussi réguler nos propres émotions dépendent de notre capacité à avoir appris à les nommer et à les distinguer sur le plan conceptuel », conclut Maxime Bertoux.

Création de l’Ecole de l’Inserm-Pfizer Innovation France : former les élèves ingénieurs à la recherche biomédicale

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L’Inserm et le fonds de dotation Pfizer Innovation France annoncent la création d’un dispositif de formation à la recherche en biologie/santé à destination des élèves des écoles d’ingénieurs :  l’École de l’Inserm-Pfizer Innovation (EIPI).

Née de ce partenariat, l’EIPI alliera modules d’enseignement et soutien financier pour la réalisation d’une thèse de doctorat par des élèves désireux d’enrichir leur formation initiale par une spécialisation dans le domaine de la santé.

De nombreuses écoles d’ingénieurs proposent au cours de leur cursus une formation à la recherche mais rares sont aujourd’hui les élèves à emprunter cette filière pour s’orienter vers la biologie ou la santé.

En créant l’École de l’Inserm-Pfizer Innovation France (EIPI), l’Inserm et le fonds de dotation Pfizer Innovation France proposent une nouvelle voie d’accès privilégiée, organisée et simplifiée aux élèves ingénieurs qui souhaitent compléter leur formation initiale par une spécialisation dans le domaine biomédical.

Cette initiative, née de la volonté des deux partenaires de promouvoir l’interdisciplinarité au service d’une recherche fertile et source d’innovations, vise à favoriser l’intégration d’ingénieurs dans les laboratoires de recherche académiques.

« La recherche et l’innovation dans les domaines de la biologie et de la santé reposent plus que jamais sur des approches interdisciplinaires. Afin d’enrichir cette interdisciplinarité, l’Inserm souhaite intégrer des profils d’ingénieurs talentueux mais encore trop rares dans ses collectifs de recherche. C’est tout l’objet de ce dispositif innovant imaginé avec notre partenaire Pfizer Innovation France », Dr. Gilles Bloch, PDG de l’Inserm.

« Avec son approche fondée sur la complémentarité des compétences et sur l’interdisciplinarité, l’EIPI est un dispositif fondamental qui s’inscrit dans la volonté commune de l’Inserm et de Pfizer Innovation France de tout mettre en œuvre pour favoriser l’innovation de rupture en matière de santé ».  Henriette Rosenquist, Présidente de Pfizer France et de Pfizer Innovation France.

 

Un dispositif en 2 formats

 

Une école d’été sera proposée en fin de première année du cycle ingénieur. 12 à 15 candidats participeront durant une à deux semaines à des formations académiques en biologie/santé ainsi qu’à des conférences portant sur des innovations ou des expertises technologiques clés pour la recherche biomédicale. Ces mêmes candidats seront invités, lors de leurs 2ème et 3ème année, à des manifestations scientifiques d’une durée de 2 à 3 jours, deux fois par an.

Des doctorats dans le domaine de la biologie/santé seront menés au sein de laboratoires de l’Inserm. A compter de l’année universitaire 2021-2022, trois doctorants, sélectionnés tous les ans, recevront une rémunération durant trois ans ainsi que le versement d’une dotation de fonctionnement de 20 000 € visant à faciliter l’amorçage d’un projet de recherche doctoral.

En lien avec un comité de pilotage du projet, constitué de représentants de l’Inserm et de Pfizer Innovation France, un conseil pédagogique composé d’experts scientifiques sera en charge de définir l’ensemble des contenus qui seront délivrés dans le cadre du dispositif. Il accompagnera par ailleurs les étudiants en les conseillant, en particulier dans leurs choix de recherche ou de laboratoires d’accueil.

L’appel à candidature sera lancé prochainement auprès des étudiants et la sélection de la première promotion sera effectuée au printemps 2021.

Lien entre nutrition et cerveau : comment un déficit en oméga 3 chez la mère influence le développement comportemental des petits chez l’animal

Sources animales et végétales d’oméga-3 comme le saumon, l’avocat, les graines de lin, les œufs, le beurre, les noix, les amandes, les graines de courge, les feuilles de persil et l’huile de colzal © Fotolia

Les acides gras omega 3* sont essentiels, nécessairement apportés par l’alimentation, et indispensables au développement du cerveau. Des chercheurs INRAE et de l’université de Bordeaux, en collaboration avec l’Inserm, les Universités canadiennes Laval et de Toronto, et d’autres partenaires (Harvard, Fondation Basque…) se sont en particulier intéressés à l’impact de l’alimentation maternelle dans la période de la gestation et de la lactation, sur le développement cérébral des petits. Ils ont ainsi montré pour la première fois chez la souris, comment des apports insuffisants en omégas 3 chez la mère altèrent le développement des réseaux de neurones chez le petit, provoquant des altérations de la mémoire. Ils en ont également décrypté les mécanismes moléculaires. Ces résultats inédits, issus de plusieurs années de recherche, sont publiés le 30 novembre 2020 dans Nature Communications.

Les acides gras essentiels (omégas 3 et 6) s’incorporent massivement dans le cerveau des petits via l’alimentation maternelle, au cours de la gestation et de la lactation. Des données scientifiques parcellaires indiquent qu’une consommation insuffisante de ces acides gras par la mère durant la période périnatale est un facteur de risque pouvant engendrer des déficits cognitifs chez l’enfant (langage, mémoire, apprentissage…). Mais quel est le mécanisme responsable ?

Les chercheurs INRAE Nouvelle-Aquitaine, de l’université de Bordeaux et leurs collègues se sont intéressés à un type cellulaire particulier du cerveau : les cellules microgliales (ou microglie), qui participent à la construction des réseaux neuronaux de la mémoire. Ces macrophages du cerveau sont à l’interface entre l’environnement et les neurones.

Pendant le développement du cerveau, les cellules microgliales « sculptent » les réseaux neuronaux en « mangeant » les synapses inutiles, ces liens de connexions entre les neurones, et en conservant celles qui sont essentielles pour le bon fonctionnement cérébral.

Les scientifiques ont mené leurs travaux sur des souris pour évaluer si le statut alimentaire maternel en omégas 3, et donc celui du cerveau du petit, avait une influence sur l’activité des microglies.

La carence en omégas 3 impacte l’activité d’un type cellulaire dans le cerveau chez la souris

Les résultats montrent pour la première fois que des apports insuffisants en omégas 3 dans l’alimentation maternelle affectent l’activité des microglies du cerveau en développement : ces cellules adoptent un fonctionnement anormal et deviennent hyperphagiques, c’est-à-dire qu’elles perdent leur capacité à reconnaître les synapses qu’il faut supprimer et « mangent » trop de synapses. Le réseau neuronal est alors mal formé, ce qui entraine des altérations de la mémoire des petits. Les scientifiques ont également décrypté les mécanismes moléculaires responsables de l’activité aberrante des cellules microgliales.

Pour étudier ce lien entre apports en omégas 3 et développement du cerveau, les chercheurs ont également mis au point différentes technologies innovantes pour évaluer les changements de comportement des cellules microgliales vis-à-vis des synapses, analyser leur contenu lipidique, tester les différentes molécules pour identifier celles responsables de la dysfonction et trouver comment restaurer cette fonction.

Ces travaux chez l’animal ouvrent de nouvelles perspectives de recherche et des études se poursuivront chez l’humain pour mieux comprendre les liens entre oméga 3 et développement du cerveau.

Dans la population générale, beaucoup de femmes enceintes présentent des carences alimentaires en omégas 3, et identifier au plus tôt les personnes à risque pourrait être une étape préventive afin de rééquilibrer cette carence par l’alimentation.

* Les acides gras oméga 3 constituent une famille d’acides gras essentiels. Elle regroupe des acides gras indispensables au développement et au bon fonctionnement de l’organisme, mais qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation. Ils se retrouvent dans de nombreuses huiles végétales (noix, colza, lin…) et dans la chair de poissons gras.

Une nouvelle canalopathie cérébrale associant déficience intellectuelle et mouvements anormaux

Brain scan, X-ray © Fotolia

Les dysfonctionnements des canaux ioniques – ou canalopathies – dans le cerveau sont aujourd’hui associés à plus de 30 maladies neurologiques comme l’épilepsie ou encore les ataxies cérébelleuses. Structures situées sur la membrane des cellules permettant le passage d’ions (par exemple les ions sodium et potassium) entre l’intérieur d’une cellule et son environnement extérieur (milieu extracellulaire), ces canaux permettent notamment de générer et contrôler les potentiels d’action dans les neurones. Une étude menée à l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) a permis d’identifier une nouvelle canalopathie cérébrale ayant pour origine des mutations dominantes du gène KCNN2, codant pour le canal ionique SK2. Les résultats ont été publiés dans Brain le 27 novembre 2020.

 

Les variants pathogéniques du gène KCNN2 identifiés chez les patients et leur localisation sur la structure protéique du canal SK2.

Les variant en rouge sont des variants pathogènes tronquant (introduisant un codon stop dans la séquence protéique). Les variants en noirs sont les variants pathogènes faux-sens associés à une perte de fonction. Le variant en gris a été classé de signification inconnue car le canal avec ce variant n’a pas montré de déficit particulier en électrophysiologie.

 

Le Dr Fanny Mochel, généticienne au sein du département de génétique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheuse à l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) et le Pr Christel Depienne, généticienne à l’institut de génétique humaine de l’Hôpital Universitaire d’Essen (Allemagne) et également chercheuse à l’Institut du cerveau ont identifié un nouveau syndrome associé à des mutations du canal SK2. L’étude publiée dans la revue scientifique Brain porte sur 10 patients, 6 hommes et 4 femmes âgés de 2 à 60 ans présentant des retards intellectuels plus ou moins sévères associés, pour certains, à des troubles du spectre autistique ou des épisodes psychotiques. Ces troubles cognitifs sont dans tous les cas associés à des tremblements, à des symptômes d’ataxie cérébelleuse ou encore à des mouvements anormaux.

Grâce à une collaboration avec Agnès Rastetter de la plateforme de génotypage/séquençage de l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS), le génome d’un premier patient recruté à la Pitié-Salpêtrière a été analysé à la recherche de mutations génétiques à l’origine de ce syndrome. Cette analyse a mis en évidence une mutation du gène KCNN2 interrompant sa séquence codante, absente des parents du patient (mutation de novo). L’imagerie cérébrale par IRM (imagerie par résonance magnétique) chez ce patient a mis en évidence des anomalies de structure et d’intégrité de la substance blanche du cerveau, c’est-à-dire la gaine cérébrale protectrice des axones des neurones.

Par ailleurs, une collaboration internationale a permis aux chercheurs d’identifier 9 autres patients avec mutations du gène KCNN2. La majorité de ces mutations étaient survenues de novo tandis qu’une mutation était transmise dans une forme familiale du même syndrome.

Enfin, en travaillant conjointement avec Carine Dalle de la plateforme d’exploration cellulaire d’électrophysiologie de l’Institut du cerveau, les équipes des Dr Mochel et Depienne ont montré un rôle délétère de ces mutations sur la fonction du canal SK2, c’est-à-dire une perte de fonction entrainant un dysfonctionnement du canal ionique SK2 et donc une perte de régulation du potentiel d’action, support du message nerveux.

Les résultats de cette nouvelle étude ont permis d’identifier une nouvelle canalopathie cérébrale ayant pour origine des mutations dominantes du gène KCNN2, codant pour le canal ionique SK2. Ce nouveau syndrome se caractérise par la présence, d’une part, de symptômes cognitifs, en particulier une déficience intellectuelle et, d’autre part, de symptômes moteurs tels que des mouvements anormaux.

Cette nouvelle pathologie, dont on connaît maintenant la cause, est très hétérogène d’un point de vue des symptômes et nécessite une prise en charge multidisciplinaire à la frontière entre la génétique, pour la recherche des mutations du gène KCNN2, la neuropédiatrie et la neurologie pour la prise en charge des manifestations cognitives et motrices des patients.

Rôle possible de l’exposition aux perturbateurs endocriniens dans la sévérité de la Covid-19

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

 

Une nouvelle étude, portée par Karine Audouze (Maître de conférences, Université de Paris) au sein du laboratoire T3S* (Université de Paris, Inserm) et publiée le 19 novembre 2020 dans la revue Environment International suggère que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19.

Certains sujets infectés par le SARS-CoV2 n’ont aucun symptôme majeur; d’autres tombent gravement malades. La littérature scientifique a prouvé que l’âge, le sexe, le poids et les maladies chroniques préexistantes, jouent un rôle dans la variabilité substantielle de l’évolution de la Covid-19. D’autres facteurs comme les polluants de l’environnement pourraient aussi être impliqués, notamment en favorisant l’obésité et les maladies chroniques.

En effet, « notre nouvelle étude révèle que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19 » explique Karine Audouze.

L’exposition aux perturbateurs endocriniens a été associée à des maladies chroniques métaboliques telles que le diabète, l’obésité ou certaines maladies cardiaques, qui peuvent toutes contribuer à la gravité de la Covid-19. Pour mieux comprendre les relations entre ces substances et l’augmentation du risque de Covid-19 sévère, les chercheurs ont utilisé une approche bio-informatique.

Ils ont pour cela identifié les voies biologiques (et les protéines clés de ces voies) qui étaient associées à la fois aux modes d’action des PE et, en parallèle, aux maladies chroniques favorisant la sévérité de la Covid-19. Ils ont alors pu identifier des voies communes, qui sont en l’occurrence impliquées dans la défense de l’organisme vis à vis de pathogènes (la réponse immunitaire).

Les auteurs suggèrent qu’il existe une relation possible entre la gravité de cette pandémie et la détérioration de notre environnement par les produits chimiques. Ils soulignent d’une part que les populations fortement exposées aux PE méritent la meilleure prévention possible et d’autre part que les protéines clés des voies biologiques qui sont à la fois ciblées par les PE et liées à la gravité de la Covid-19, peuvent représenter des cibles possibles pour les thérapies futures.

 

* Unit T3S : Environmental Toxicity, Therapeutic Targets, Cellular Signaling and Biomarkers

Efficacité de traitement contre le VIH : le dolutégravir n’est pas inférieur à l’éfavirenz au terme de 96 semaines d’étude

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La non-infériorité d’un traitement contre le VIH, le dolutégravir, en comparaison à un autre traitement contre le virus, l’éfavirenz, avait déjà été démontrée à la semaine 48 chez des patients infectés par le VIH-1 par l’essai ANRS 12313 NAMSAL, conduit au Cameroun. L’équipe de recherche a poursuivi cette étude et a confirmé ce résultat au bout de 96 semaines.

Les chercheurs n’ont pas observé de résistance au traitement dans le bras dolutégravir, mais une prise de poids plus importante – en particulier chez les femmes – qui avait déjà été constatée à la semaine 48. Ils ont également montré que le succès thérapeutique était moins fréquent parmi les patients qui présentaient une forte charge virale à l’inclusion. Il semble donc difficile de rattraper le retard lorsque le traitement est débuté à un stade tardif de la maladie.

Les résultats de cette étude, soutenue par Unitaid et l’ANRS, agence autonome de l’Inserm, ont été publiés dans l’édition d’octobre 2020 du Lancet HIV et ont été présentés à l’AFRAVIH connecté-e-s 2020.

L’objet de l’étude ANRS 12313 NAMSAL (News Antiviral and Monitoring Strategies in HIV-infected Adults in Low-income countries), co-financée par Unitaid et l’ANRS et conduite au Cameroun, est de mesurer l’efficacité, la tolérance et le risque d’apparition à long terme de résistance de nouvelles combinaisons thérapeutiques contre le VIH.

Cette étude est la première du genre à comparer deux traitements pour l’infection par le VIH – le dolutégravir et l’éfavirenz – en conditions de vie réelles dans le contexte particulier des pays à ressources limitées. Coordonnée par Éric Delaporte (TransVIHMI, Université de Montpellier, Inserm, IRD) et par Charles Kouanfack (Hôpital Central Yaoundé, Faculté de médecine de l’Université de Dschang), l’étude NAMSAL avait déjà montré que l’efficacité du dolutégravir (50 mg) n’était pas inférieure à celle d’une faible dose (400 mg) d’éfavirenz à la semaine 48. Ils ont confirmé ces résultats à la semaine 96 dans cette nouvelle publication.

Cet essai de phase 3 a inclus, dans trois hôpitaux de Yaoundé, entre 2016 et 2019, 613 patients infectés par le VIH-1, n’ayant jamais eu de traitement antirétroviral et une charge virale supérieure à 1 000 copies d’ARN viral par mL. Parmi eux, 66 % étaient des femmes. À l’inclusion, 66 % des patients avaient une charge virale supérieure à 100 000 copies par mL et 31 % une charge virale supérieure à 500 000 copies par mL

Les patients étaient répartis en deux bras : 310 d’entre eux étaient traités avec 50 mg de dolutégravir et 303 avec 400 mg d’éfavirenz. Tous recevaient en plus d’autres molécules antivirales (lamivudine et fumarate de ténofovir disoproxil). Les résultats à la semaine 96 présentés par Alexandra Calmy (Hôpitaux Universitaires de Genève, Université de Genève), présidente du conseil scientifique de NAMSAL, ont montré que 74 % des patients du bras dolutégravir et 72 % de ceux recevant l’éfavirenz voyaient leur charge virale supprimée (c’est-à-dire réduite à moins de 50 copies d’ARN viral par mL). Cependant, en faisant un focus sur les patients ayant les charges virales les plus élevées au moment de l’inclusion (supérieures à 500 000 copies virales par mL), ces pourcentages baissaient et la non-infériorité du dolutégravir n’était plus démontrée : seuls 67 % du groupe dolutégravir et 71 % du groupe éfavirenz parvenaient à la suppression de la charge virale. La non-infériorité était également non démontrée chez les hommes et chez les patients avec une charge virale inférieure à 100 000 copies par mL.

La suppression de la charge virale était significativement plus rapide dans le bras dolutégravir, y compris dans chaque sous-groupe de patients (charge virale supérieure à 100 000 copies par mL, supérieure à 500 000 copies par mL…).

Les chercheurs ont constaté un échec thérapeutique (charge virale supérieure à 1 000 copies par mL) pour 8 patients du groupe dolutégravir et 19 du groupe éfavirenz. Aucun cas de résistance au dolutégravir n’a été constaté, alors que 17 cas de résistance à l’éfavirenz sont survenus au cours de l’étude (parmi les 19 patients en échec dans ce bras).

Dans les deux groupes, une prise de poids a été observée. Elle était plus forte dans le bras dolutégravir (gain médian de 5 kg contre 3 kg dans le bras éfavirenz). Ce phénomène était plus marqué chez les femmes (augmentation de 5 % du poids) que chez les hommes (+ 4 %). C’est aussi le cas parmi les patients ayant une forte charge virale à l’inclusion : 52 % des personnes du bras dolutégravir et 41 % du bras éfavirenz ont eu un gain de poids d’au moins 10 %.

Les taux d’effets secondaires sévères étaient similaires dans les deux bras (9 % dans le groupe dolutégravir et 7 % dans le bras éfavirenz).

« Notre travail a confirmé la non-infériorité observée à la semaine 48 du dolutégravir par rapport à une dose faible d’éfavirenz à la semaine 96 », indique le Dr Charles Kouanfack. « Le dolutégravrir permet la suppression plus rapide de la charge virale, mais aussi la non-émergence de résistance ».

Les résultats de cette étude reflètent davantage les conditions de vie réelles au Cameroun, où de nombreuses personnes initient le traitement antirétroviral à un stade avancé et avec une forte charge virale. Elle montre que le risque d’échec thérapeutique est deux fois plus élevé chez les personnes ayant une forte charge virale à l’initiation du traitement (plus de 100 000 copies par mL). « Malgré d’excellentes molécules, il reste difficile de rattraper le retard en termes de suppression virologique lorsque les patients se présentent en phase avancée de la maladie ; il est donc nécessaire de diagnostiquer tôt les personnes infectées par le VIH et les traiter immédiatement », conclut Alexandra Calmy.

Rendre le cerveau résilient aux maladies neurodégénératives : une nouvelle piste identifiée dans la maladie de Huntington

Image de microscopie à balayage de la couche épendymaire d’une souris modèle de la maladie de Huntington. ©Inserm/Saudou, Frédéric

L’équipe de recherche (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP) dirigée par Christian Néri, directeur de recherche Inserm à l’Institut de biologie Paris-Seine1 en collaboration avec le Buck Institute for Research on Aging (USA), vient de mettre en évidence que les neurones du cerveau peuvent devenir sénescents très tôt dans la maladie de Huntington et que l’inhibition des gènes pro-sénescence possèdent des effets neuro-protecteurs. Publiés dans Aging Cell le 6 novembre 2020 et basés sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites humaines, ces travaux suggèrent que les neurones sont victimes d’un vieillissement cellulaire accéléré dans la maladie de Huntington et fournissent de nouvelles pistes thérapeutiques pour une intervention précoce contre cette maladie.

Protéger les neurones du cerveau contre les maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington demeure un objectif difficile à atteindre.

Les chercheurs savaient déjà que face à ces maladies, le cerveau mobilise des mécanismes de défense qui permettent aux neurones et aux autres cellules du cerveau de compenser les dommages cellulaires qu’elles provoquent. Ils savaient également que l’efficacité de ces mécanismes dits de « compensation cellulaire » finit par s’épuiser. Ils peuvent en outre s’accompagner d’un effet délétère majeur : la sénescence cellulaire chronique, une forme de vieillissement accéléré des cellules qui favorise leur dysfonctionnement et peut conduire à leur dégénérescence.
En revanche, deux questions restaient en suspens : quels sont les mécanismes susceptibles de s’opposer à la sénescence cellulaire chronique dans les maladies neurodégénératives et à quel moment cette sénescence cellulaire peut-elle se mettre en place au cours de la vie des neurones ?

Cette nouvelle étude2 parue dans Aging Cell montre que la sénescence cellulaire peut s’installer dès les phases de différenciation neuronale pour s’aggraver ensuite dans les neurones matures. Les chercheurs ont aussi démontré que l’inhibition de gènes notoirement connus pour favoriser la sénescence cellulaire au cours du vieillissement possède des effets protecteurs, comme l’inhibition du gène p16INK4a, par exemple. Naturellement déclenchée par la cellule, elle reste cependant insuffisante pour empêcher la sénescence neuronale face à l’importance du stress cellulaire induit par la maladie de Huntington, d’où le besoin de développer des thérapies qui inhibent les gènes inducteurs de la sénescence cellulaire chronique.

Pour parvenir à ces résultats, l’équipe de recherche a utilisé des techniques de génomique permettant d’étudier la reprogrammation des mécanismes de réponse au stress cellulaire.

Ils ont ainsi pu l’observer dans un modèle cellulaire du noyau caudé – une structure cérébrale fortement affectée par la maladie de Huntington –  pendant la différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en cellules neurales et en neurones.  Cette approche leur a permis de détecter que les principaux facteurs de défense et de réparation cellulaire, comme les protéines FOXOet les gènes qu’elles régulent, peuvent s’opposer au risque précoce de sénescence neuronale dans la maladie de Huntington en réduisant les niveaux d’expression des inducteurs de sénescence cellulaire.

 

Modèle de développement précoce de la sénescence neuronale (en haut et en rouge) et des réponses de compensation anti-sénescence (en bas et en vert) dans la maladie de Huntington. © Christian Neri, Institut de Biologie Paris-Seine, Paris, France.

En révélant la dynamique des effets de sénescence neuronale au cours du temps dans les neurones qui composent le noyau caudé, et en identifiant un nouveau mécanisme de régulation de ces effets, les chercheurs ouvrent une nouvelle piste thérapeutique pour rendre le cerveau biologiquement résilient aux effets précoces de la maladie de Huntington.

 

[1] Sorbonne Université, CNRS.
[2] Ces travaux de recherche ont mobilisé d’importants moyens de subventions en provenance de l’ANR, du NIH, de fondations, et d’associations de patients comme l’association Huntington France.
[3]Facteurs de contrôle de l’expression des gènes qui au travers de leurs gènes cibles, régulent plusieurs mécanismes d’homéostasie cellulaire.
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