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Améliorer le traitement des anémies grâce à une nouvelle découverte sur le métabolisme du fer

globules rougesLe fer est un élément indispensable à de nombreux processus biologiques, dont le transport et le stockage de l’oxygène dans l’organisme, en tant que constituant essentiel de l’hémoglobine des globules rouges. © Inserm/Claude Féo

L’anémie est un problème de santé publique majeur à travers le monde, qui affecte environ un tiers de la population. Les causes de l’anémie sont multiples mais les plus fréquentes sont un défaut de production de globules rouges, un manque de fer dans le sang ou encore des maladies génétiques comme les thalassémies. Mieux comprendre le métabolisme du fer est essentiel pour améliorer la prise en charge les nombreux patients touchés. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRAE/université Toulouse III – Paul-Sabatier/École nationale vétérinaire de Toulouse), ont identifié le rôle majeur d’une protéine appelée FGL1 dans le métabolisme du fer. Leur découverte ouvre la voie à de nouvelles perspectives cliniques dans le traitement de l’anémie. Ces résultats sont publiés dans la revue Blood.

L’anémie est une maladie qui se caractérise par un nombre de globules rouges – ou un taux d’hémoglobine des globules rouges – inférieur à la normale. Elle constitue un problème de santé publique majeur. En effet, il s’agit d’un facteur important de morbidité et de mortalité pour un tiers de la population mondiale.

L’anémie peut être causée par un déficit en fer dans le sang consécutif à des carences alimentaires, des infections, des maladies chroniques, des menstruations abondantes, des problèmes pendant la grossesse ou par des maladies génétiques impactant la production de globules rouges (les thalassémies).

Le fer est un élément indispensable à de nombreux processus biologiques, comme le transport et le stockage de l’oxygène dans l’organisme, en tant que constituant essentiel de l’hémoglobine des globules rouges. En d’autres termes, lorsque le fer est présent en trop faible quantité dans l’organisme, il n’y a pas non plus assez d’hémoglobine et de globules rouges dans le corps pour transporter l’oxygène vers les organes et tissus, ce qui entraîne à terme une défaillance de ces organes.

Pour aller plus loin : « C’est quoi l’hémoglobine ? »

Cependant, un excès de fer est également toxique pour l’organisme. Les apports en fer nécessitent donc d’être finement régulés pour éviter un déficit ou un excès à l’origine de complications cliniques sévères.

 

Comprendre le métabolisme du fer

Depuis plusieurs années, les connaissances sur l’anémie et sur le métabolisme du fer ne cessent de progresser. Il est ainsi désormais bien connu que le taux en fer dans l’organisme est régulé par une hormone appelée « hepcidine ».

Par ailleurs, on sait aussi maintenant qu’en cas de besoin accru en fer de l’organisme, comme c’est le cas lors d’une anémie, une hormone appelée « érythroferrone » (ERFE) vient réprimer l’expression de l’hepcidine dans le foie. Ce processus permet d’approvisionner la moelle osseuse en fer pour synthétiser de nouveaux globules rouges et augmenter les niveaux d’hémoglobine.

L’identification de ERFE en 2014 par le chercheur Inserm Léon Kautz et ses collègues a constitué une étape importante dans ce domaine de recherche. Néanmoins, ces données obtenues il y a dix ans suggéraient déjà qu’ERFE n’était pas la seule hormone à contrôler ce processus. L’hypothèse des scientifiques était qu’une seconde protéine, inconnue jusqu’ici, exerçait une fonction similaire.

 

Un nouveau facteur identifié

C’est ce qu’ils ont désormais confirmé en menant de nouvelles expériences dans des modèles murins d’anémie, dans deux cas précis : lors d’une synthèse accrue de globules rouges visant à corriger une anémie induite chez la souris et chez des souris atteintes de thalassémie.

Les scientifiques ont d’abord étudié les mécanismes moléculaires activés dans le foie des animaux pour identifier les gènes dont l’expression était augmentée lors de l’anémie. Ils ont ainsi constaté que l’expression du gène codant pour la protéine FGL1 était augmentée dans le foie lorsque la concentration en oxygène diminue.

Les chercheurs ont ensuite produit différentes formes de la protéine FGL1 pour tester son mode d’action in vivo chez la souris et in vitro dans des cellules hépatiques humaines. Ils ont pu montrer que son mode d’action est similaire à celui de l’hormone ERFE, car FGL1 réprime aussi l’expression de l’hepcidine.

« Outre les aspects fondamentaux de ces travaux dans la compréhension de de l’anémie, nous pensons que l’identification du rôle de FGL1 conduira au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour le traitement d’anémies d’origines diverses et pour lesquelles les traitements actuels sont inefficaces », souligne Léon Kautz, chargé de recherche à l’Inserm.

Pour l’heure, l’équipe va d’abord mener des travaux complémentaires pour vérifier que les taux de FGL1 sont bien augmentés dans le sang de patients atteints de différents types d’anémie. Mais les scientifiques comptent bien ensuite aller plus loin. Ainsi, cette étude a déjà donné lieu à deux dépôts de brevet par Inserm Transfert.

D’une part, le premier brevet vise à mieux traiter les anémies consécutives à des maladies chroniques, telles le cancer. L’objectif est d’identifier des molécules analogues ou activant la synthèse de FGL1, qui diminueraient l’expression de l’hepcidine chez ces patients et permettraient d’augmenter leurs niveaux d’hémoglobine.

D’autre part, les thalassémies se caractérisent par des niveaux très faibles d’hepcidine ce qui conduit à une surcharge en fer délétère pour les organes, à l’origine d’une mortalité élevée. L’équipe a émis l’hypothèse que FGL1 serait aussi impliquée dans ce processus. Le second brevet vise donc à réaliser la preuve de concept que l’inhibition de FGL1 pourrait améliorer les surcharges en fer des patients souffrant de thalassémies.

France 2030 : INRAE et l’Inserm, pilotes d’un programme national d’envergure de 58 millions d’euros sur l’alimentation et les microbiomes

Photo de groupe des représentants Inserm et INRAE lors du lancement du PEPR SAMS à NantesLe Pr. Didier Samuel, PDG de l’Inserm, Philippe Mauguin, PDG de l’INRAE et les équipes Inserm et INRAE du programme de recherche Systèmes alimentaires, microbiomes et santé et de l’unité Immunologie et nouveaux concepts en immunothérapie (Inserm/Nantes Université) lors de la visite de lancement le 12 février à Nantes. © Inserm/INRAE

La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau, et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Sylvie Retailleau, avec Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, en charge de France 2030, lancent le programme de recherche Systèmes alimentaires, microbiomes et santé, piloté conjointement par INRAE et l’Inserm. 

Pilier de la stratégie d’accélération Alimentation durable et favorable à la santé de France 2030, ce programme est doté d’une enveloppe de 58 millions d’euros sur 7 ans. Il doit contribuer à lever des verrous scientifiques et sociaux en faisant progresser la recherche vers une meilleure compréhension des comportements alimentaires, des modes de consommation et des liens entre alimentation, microbiome et santé humaine.   

La recherche met régulièrement en lumière l’implication dans les maladies chroniques de l’altération des microbiomes[1] et de leurs interactions avec leur hôte humain. Face aux enjeux soulevés par l’augmentation continue de ces maladies chroniques et leur poids sur les systèmes de santé dans les pays développés, des approches innovantes en recherche sont nécessaires pour mieux comprendre ces interactions et lever des verrous scientifiques majeurs.

Le programme de recherche Systèmes alimentaires, microbiomes et santé, en finançant des projets innovants de recherches fondamentales, translationnelles et interventionnelles, coordonnera l’écosystème français de recherche à la pointe dans ces domaines autour de deux grands axes :

  • Identifier les déterminants des changements de comportement alimentaire et les conditions dans lesquelles ils pourraient à la fois contribuer à la prévention des risques de santé et favoriser une évolution vers des systèmes alimentaires plus durables ;
  • Comprendre les mécanismes de symbiose entre un microbiome et son hôte humain pour, à terme, identifier des mesures préventives et thérapeutiques personnalisées permettant de réduire le poids des maladies chroniques liées au microbiome.

Piloté conjointement par INRAE et l’Inserm, le programme associe de nombreux acteurs de la recherche française, comme le CNRS, l’INRIA, l’Institut Pasteur, le CEA, des universités, des hôpitaux universitaires de l’AP-HP, des centres hospitalo-universitaires et de recherche en nutrition humaine ainsi que des écoles d’ingénieurs.

Pour permettre d’accélérer la révolution agricole et alimentaire française, ce programme de recherche Systèmes alimentaires, microbiomes et santé se fixe 3 objectifs principaux :

  • Éclairer les politiques publiques et les actions des filières alimentaires par l’évaluation de leviers d’intervention ;
  • Identifier les mécanismes impliqués dans la symbiose microbiome-hôte et dans ses altérations, valider des biomarqueurs et développer des études de preuve de concept chez l’humain permettant d’évaluer l’effet de stratégies de prévention et/ou d’intervention pour le contrôle des maladies chroniques liées au microbiome ;
  • Développer une boîte à outils applicable dans la pratique clinique pour le diagnostic et le suivi de l’état de symbiose et pour mettre à disposition des solutions thérapeutiques innovantes prenant mieux en considération et utilisant les microbiomes.

L’Agence nationale de la recherche est l’opérateur pour le compte de l’État de ce programme de recherche.

Ce programme de recherche est l’un des dispositifs soutenus par France 2030 pour accompagner et accélérer les travaux de recherche et leur transfert vers l’innovation au service d’une alimentation saine, durable et traçable.

 

« À travers ce programme de recherche interdisciplinaire, INRAE coordonnera aux côtés de l’Inserm, et avec l’appui de nombreux partenaires français, des recherches mêlant des approches innovantes au service d’un même objectif : favoriser l’accès de toutes et tous à une alimentation saine, durable et traçable. La meilleure compréhension des relations entre alimentation, microbiome et santé, à l’échelle des habitudes de consommation individuelle jusqu’à celle d’un système alimentaire dans son ensemble, doit permettre de répondre à un enjeu de santé publique prégnant : réduire l’incidence des maladies chroniques par le biais d’une alimentation de qualité », souligne Philippe Mauguin, PDG d’INRAE.

« Mieux comprendre les interactions alimentation-microbiomes-santé est un enjeu majeur pour aider à redéfinir l’alimentation de demain, plus respectueuse de la santé et de l’environnement, mais aussi dans la prévention des maladies chroniques liées aux différents microbiomes humains, indique le Pr. Didier Samuel, PDG de l’Inserm. Nous sommes heureux du renforcement de notre collaboration avec INRAE à travers le pilotage conjoint de ce programme national d’envergure. En fournissant des outils innovants d’aide à la conception et à l’évaluation des politiques publiques, celui-ci se positionnera comme un atout majeur pour la prévention et le traitement des maladies inflammatoires chroniques liées aux microbiomes grâce au développement d’une médecine personnalisée. »

 

Dans le cadre de France 2030, l’État consacre 3 milliards d’euros à la recherche à travers des programmes de recherche ambitieux (les PEPR), portés par les institutions de recherche pour consolider le leadership français dans des domaines clés liés ou susceptibles d’être liés à une transformation technologique, économique, sociétale, sanitaire ou environnementale et qui sont considérés comme prioritaires au niveau national ou européen.

 

[1] Le microbiome inclut l’ensemble des micro-organismes (microbiote) d’un environnement donné (intestinal, vaginal, buccal…) ainsi que l’ensemble de leur génome, de leurs interactions, des produits de leur activité (métabolites) et des paramètres biologiques, physiques et chimiques dans lesquels ils évoluent.

 

À propos de France 2030

Le plan d’investissement France 2030 :

  • Traduit une double ambition : transformer durablement des secteurs clés de notre économie (santé, énergie, automobile, aéronautique ou encore espace) par l’innovation technologique, et positionner la France non pas seulement en acteur, mais bien en leader du monde de demain. De la recherche fondamentale, de l’émergence d’une idée jusqu’à la production d’un produit ou service nouveau, France 2030 soutient tout le cycle de vie de l’innovation jusqu’à son industrialisation ;
  • Est inédit par son ampleur : 54 Md€ seront investis pour que nos entreprises, nos universités, nos organismes de recherche, réussissent pleinement leurs transitions dans ces filières stratégiques. L’enjeu : leur permettre de répondre de manière compétitive aux défis écologiques et d’attractivité du monde qui vient, et faire émerger les futurs leaders de nos filières d’excellence. France 2030 est défini par deux objectifs transversaux consistant à consacrer 50 % de ses dépenses à la décarbonation de l’économie, et 50 % à des acteurs émergents, porteurs d’innovation sans dépenses défavorables à l’environnement (au sens du principe Do no significant harm).
  • Sera mis en œuvre collectivement : pensé et déployé en concertation avec les acteurs économiques, académiques, locaux et européens pour en déterminer les orientations stratégiques et les actions phares. Les porteurs de projets sont invités à déposer leur dossier via des procédures ouvertes, exigeantes et sélectives pour bénéficier de l’accompagnement de l’État.
  • Est piloté par le Secrétariat général pour l’investissement pour le compte du Premier ministre et mis en œuvre par l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Banque des territoires.

Plus d’informations sur : france2030.gouv.fr | @SGPI_avenir

Manger de bonne heure pourrait réduire le risque cardiovasculaire

© Freepik

Une étude pilotée par INRAE, l’Institut de santé globale de Barcelone, l’Inserm et l’université Sorbonne Paris Nord révèle que l’heure à laquelle nous mangeons au cours de la journée pourrait avoir une influence sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire. Cette étude, menée sur un échantillon de plus de 100 000 personnes de la cohorte NutriNet-Santé, suivies entre 2009 et 2022, suggère que manger tardivement pour la première ou la dernière fois de la journée serait associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires. Il ressort également qu’une durée plus longue du jeûne nocturne est associée à une réduction du risque des maladies cérébrovasculaires, comme les AVC. Ces résultats, publiés dans Nature Communications, suggèrent l’importance du moment et du rythme de prise des repas au cours de la journée dans la réduction du risque de maladie cardiovasculaire.

Les maladies cardiovasculaires représentent la principale cause de mortalité dans le monde avec 18,6 millions de décès chaque année en 2019 selon le réseau Global Burden of Diseases, dont environ 7,9 seraient attribuables à l’alimentation. L’alimentation joue donc un rôle majeur dans le développement et l’évolution de ces maladies, et le mode de vie moderne des sociétés occidentales a conduit à des comportements alimentaires spécifiques comme la prise tardive du dîner ou le saut du petit-déjeuner. En plus de la lumière, le cycle quotidien des prises alimentaires (repas, collations…) en alternance avec les périodes de jeûne synchronise les horloges internes, ou rythmes circadiens, des différents organes du corps, influençant notamment des fonctions cardiométaboliques comme la régulation de la tension artérielle. La chrononutrition émerge donc comme un nouveau domaine d’importance pour comprendre la relation entre le moment de la prise alimentaire, les rythmes circadiens et la santé.

Dans ce contexte, les scientifiques ont utilisé les données de 103 389 participants de la cohorte NutriNet-Santé (dont 79 % de femmes avec un âge moyen de 42 ans) pour étudier les associations entre les rythmes de prise alimentaire et les maladies cardiovasculaires. Afin de réduire le risque de biais possibles, les chercheurs ont tenu compte d’un grand nombre de facteurs de confusion, en particulier les facteurs sociodémographiques (âge, sexe, situation familiale…), la qualité nutritionnelle de l’alimentation, le mode de vie et le cycle du sommeil.

Les résultats font ressortir qu’une première prise alimentaire de la journée plus tardive, par exemple liée au saut du petit-déjeuner, est associée à un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire, avec une augmentation de 6 % du risque par heure. Par exemple, une personne qui a pour habitude de manger pour la première fois à 9 h 00 aurait 6 % de risque en plus d’avoir une maladie cardiovasculaire qu’une personne qui a l’habitude de manger à 8 h 00. Quant à la dernière prise alimentaire de la journée, manger tardivement, après 21 h 00, est associé à une augmentation de 28 % du risque de maladie cérébrovasculaire, comme les AVC (accident vasculaire cérébral), par rapport à une dernière prise alimentaire avant 20 h 00, en particulier chez les femmes. Enfin, une durée plus longue du jeûne nocturne, entre la dernière prise alimentaire de la journée et la première du lendemain, est associée à une réduction du risque de maladie cérébrovasculaire, ce qui serait donc en faveur d’une combinaison d’une heure précoce de la première et de la dernière prise alimentaire, simultanément.

Ces résultats, qui doivent être répliqués dans d’autres cohortes et via d’autres études scientifiques, soulignent un rôle potentiel du moment de la prise des repas dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Ils suggèrent qu’adopter l’habitude de prendre son premier et son dernier repas plus tôt avec une plus longue période de jeûne nocturne pourrait contribuer à prévenir les risques de maladie cardiovasculaire.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress, Inserm/INRAE/Cnam/université Sorbonne Paris Nord/université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 175 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours lancé afin de continuer à faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé.

Maladies cardiovasculaires : alimentation, microbiote, immunité, tout est lié !

prolifération des cellules immunitaires (lymphocytes)Visualisation de la prolifération des cellules immunitaires (lymphocytes) dans les ganglions mésentériques sous l’influence du microbiote modulé par le régime gras. © Soraya Taleb/PARCC

Si un régime alimentaire riche en graisses et pauvre en fibres est reconnu comme favorisant les maladies cardiovasculaires comme l’athérosclérose, les mécanismes impliqués ne sont pas encore bien identifiés. Des chercheuses et chercheurs de l’Inserm et d’Université Paris Cité se sont intéressés au rôle du microbiote intestinal dans le développement de l’athérosclérose. Leurs travaux chez la souris mettent en évidence que la faible contenance en fibres du régime gras entraînerait un déséquilibre du microbiote intestinal, lui-même à l’origine d’une inflammation systémique aggravant le développement des plaques d’athérosclérose dans les artères. Ces résultats publiés dans Cell Reports fournissent une preuve supplémentaire de l’importance du rôle des fibres dans l’alimentation, à la fois pour le bon fonctionnement de l’intestin et pour prévenir l’apparition des maladies cardiovasculaires.

Les maladies cardiovasculaires constituent une des premières causes de mortalité dans le monde. Parmi ces maladies, l’athérosclérose se caractérise par le dépôt d’une plaque dite d’« athérome », essentiellement composée de lipides, sur la paroi des artères. À terme, ces plaques peuvent entraîner la lésion de la paroi artérielle, obstruer le vaisseau ou se rompre, avec des conséquences souvent graves. Parmi les facteurs de risque majeurs de l’athérosclérose : l’obésité, en particulier celle qui est induite par un régime alimentaire trop riche en graisses et pauvre en fibres. Ainsi, l’alimentation mais également son impact sur le microbiote intestinal sont aujourd’hui des pistes d’intérêt pour la recherche sur les maladies cardiovasculaires.

Une équipe menée par Soraya Taleb, directrice de recherche Inserm au sein du Paris Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Cité), s’est intéressée chez la souris à l’influence d’un régime gras et pauvre en fibres sur le microbiote intestinal et à la façon dont il pourrait par ce biais contribuer au développement de l’athérosclérose.

Les chercheuses et chercheurs ont utilisé un modèle de souris permettant d’étudier l’athérosclérose induite par l’alimentation pour comparer les effets de plusieurs régimes alimentaires sur le métabolisme, le microbiote et le développement de l’athérosclérose.

Sans surprise, chez les souris soumises à un régime riche en graisses et pauvre en fibres, leurs résultats montrent une augmentation des facteurs de risque métaboliques liés aux maladies cardiovasculaires (prise de poids importante, hyperglycémie, résistance à l’insuline, augmentation du poids du foie et de son contenu en triglycérides…).

Mais ce ne sont pas les seuls effets observés de ce régime qui apparaît également associé à un déséquilibre global du microbiote – dans sa composition et dans sa réponse immunitaire –, se traduisant notamment par une altération de la production de dérivés métaboliques par les bactéries qui le composent. En particulier, les acides gras à chaîne courte, issus de la fermentation des fibres et reconnus pour leur impact positif sur la santé, sont produits en plus faibles quantités.

Or ce déséquilibre apparaît lui-même associé non seulement aux facteurs de risque métaboliques mais également à une aggravation des manifestations de l’athérosclérose au niveau vasculaire, avec un accroissement de la taille des plaques d’athérome dans l’aorte ainsi qu’un phénomène inflammatoire systémique qui se traduit par l’augmentation du nombre de cellules immunitaires dans ces plaques. Cependant, une supplémentation en fibres permettait de contrer ces effets.

« Ces résultats indiquent que, chez les souris soumises au régime gras, un microbiote intestinal pathologique accélère le développement de l’athérosclérose, commente Soraya Taleb. Nos observations montrent également que plus que sa forte teneur en graisses, c’est la faible quantité de fibres contenues dans ce régime qui est à l’origine du déséquilibre du microbiote et donc de l’aggravation de l’athérosclérose. Cela appuie encore davantage l’idée d’un rôle primordial des fibres dans la structuration d’un microbiote sain et dans la prévention des maladies inflammatoires systémiques comme les maladies cardiovasculaires », poursuit-elle.

Mais comment expliquer le lien surprenant qui apparaît entre la composition du microbiote et l’accumulation de cellules immunitaires dans les plaques d’athérome ? Chez des souris greffées avec un microbiote intestinal initialement modulé par un régime gras, l’équipe de recherche a observé une prolifération accrue de cellules immunitaires au niveau des ganglions mésentériques[1], siège de leur activation dans le tractus gastro-intestinal.

Des techniques de traçage permettant de suivre la migration des cellules immunitaires ont permis de confirmer que c’étaient bien les cellules issues des ganglions mésentériques qui, après être passées de l’intestin dans la circulation sanguine, s’accumulaient dans les plaques d’athérome et contribuaient ainsi au développement de l’athérosclérose.

« Le fait qu’on ait pu observer que les cellules immunitaires sont capables de migrer de l’intestin vers la périphérie et de générer ainsi une inflammation systémique aggravant les plaques d’athérome ajoute une nouvelle dimension à notre compréhension du lien entre alimentation, intestin, microbiote et athérosclérose, précise Soraya Taleb. Des travaux complémentaires devront être menés pour identifier quelles bactéries du microbiote sont impliquées dans ce mécanisme, afin de pouvoir envisager des approches thérapeutiques ciblées et d’étudier ces mécanismes chez l’humain », conclut la chercheuse.

 

[1] Les ganglions mésentériques sont situés dans le mésentère, un repli du péritoine (la membrane recouvrant la cavité abdominale et les viscères) qui relie l’intestin grêle à la paroi postérieure de l’abdomen.

Chez les primates, l’appendice aurait un effet protecteur contre les diarrhées infectieuses

singe géladaLe gélada (Theropithecus gelada) fait partie des espèces de primates ne possédant pas d’appendice référencées dans ces travaux. © Vallée des singes

Si l’appendice iléo-cæcal n’est désormais plus considéré comme un vestige de l’évolution sans rôle particulier, sa fonction exacte reste encore à découvrir et plusieurs hypothèses sont aujourd’hui explorées. Une équipe de recherche de l’Inserm, du CNRS, du Muséum national d’Histoire naturelle, de l’Université de Rennes, de Sorbonne Université et du centre Eugène Marquis s’est intéressée à la façon dont la présence d’un appendice affecte la survenue et la sévérité des diarrhées infectieuses chez les primates, un ordre animal particulièrement touché par ces maladies. Ses travaux montrent que les espèces de primates possédant un appendice sont moins touchées par les diarrhées infectieuses et que celles-ci sont moins sévères que chez les espèces n’en possédant pas. Elles sont en outre mieux protégées contre ces infections durant la première partie de leur vie, période à la fois plus vulnérable aux diarrhées sévères et capitale pour la reproduction. Ces résultats parus dans Scientific Reports apportent de nouveaux éléments appuyant le rôle d’avantage évolutif de l’appendice.

L’appendice iléo-cæcal (plus communément appelé « appendice ») est une petite excroissance cylindrique en cul-de-sac située dans la partie inférieure du cæcum, la première partie du gros intestin. Il est retrouvé chez certains mammifères et notamment chez certaines espèces de primates, dont l’humain. S’il a longtemps été considéré comme un vestige inutile de l’évolution, les recherches de ces dix dernières années ont mis à mal ce paradigme et les scientifiques tendent aujourd’hui à le considérer comme un potentiel avantage évolutif, bien que sa fonction reste encore mal connue.

L’une des hypothèses concernant le rôle de l’appendice repose sur sa composition en micro-organismes. Différente de celle du reste du microbiote intestinal, elle pourrait constituer un réservoir de flore saine préservé du flux fécal, susceptible de recoloniser l’intestin après une infection intestinale et de permettre une rémission plus rapide. Or les primates représentent un ordre animal particulièrement touché par les diarrhées infectieuses. Chez l’humain, en 2015, la mortalité liée à ces infections a ainsi été identifiée comme la seconde cause de mortalité chez l’enfant entre 1 mois et 5 ans. Plus spécifiquement, chez les patients ayant subi une ablation de l’appendice (appendicectomie), il a été rapporté un risque accru de survenue et/ou de sévérité de certaines diarrhées infectieuses, bien qu’aucun lien direct n’ait été démontré à l’heure actuelle.

Une équipe de recherche dirigée par Éric Ogier-Denis, directeur de recherche Inserm au sein de l’unité Oncogenèse, stress et signalisation (Inserm/Université de Rennes/Centre Eugène Marquis), et Michel Laurin, directeur de recherche CNRS au Centre de recherche en paléontologie – Paris (CNRS/MNHN/Sorbonne Université), avait montré dans de précédents travaux que les espèces de mammifères possédant un appendice présentaient une longévité supérieure aux espèces n’en possédant pas[1]. Dans la continuité de ce travail, elle s’est intéressée à la façon dont la présence d’un appendice iléo-cæcal pourrait affecter la fréquence et la gravité des diarrhées chez les primates et être ainsi déterminante dans la durée de vie propre à chaque espèce.

Pour ce faire, les chercheurs ont examiné les dossiers vétérinaires des 1 251 primates de 45 espèces différentes – 13 espèces présentant un appendice, 32 n’en présentant pas – résidant en semi-liberté au sein du parc zoologique La vallée des singes à Romagne. Ils ont ainsi répertorié la fréquence et la sévérité des épisodes de diarrhées survenus entre 1998 et 2018 chez ces animaux.

gorille (Gorilla gorilla gorilla)Le gorille (Gorilla gorilla gorilla) fait partie des espèces de primates possédant un appendice référencées dans ces travaux. ©Vallée des singes

La moitié des primates avait présenté au moins un épisode de diarrhée au cours des 20 ans de suivi avec 13 % des épisodes pouvant être qualifiés de « sévères ».

Chez les primates présentant un appendice, la fréquence des épisodes de diarrhées était largement plus faible (environ – 85 %) que chez ceux n’en présentant pas. Les cas de diarrhées sévères étaient également beaucoup moins fréquents en particulier durant le premier quart de vie lorsque le risque est le plus élevé (ce risque décroit ensuite progressivement tout au long de la vie).

En outre, chez les espèces porteuses d’un appendice, l’âge médian d’apparition des diarrhées – qu’elles soient sévères ou non –, était significativement plus élevé.

« Ces résultats appuient l’hypothèse du rôle protecteur de l’appendice iléo-cæcal contre la diarrhée infectieuse chez les primates, commente Jérémie Bardin, co-premier auteur de l’étude. L’observation d’un effet protecteur particulièrement important durant la première partie de la vie, période la plus vulnérable aux diarrhées sévères, mais aussi la plus optimale en matière de capacités reproductives, plaide en faveur d’un rôle d’avantage sélectif dans l’évolution », ajoute Éric Ogier-Denis.

Les recherches doivent donc être poursuivies pour approfondir les connaissances sur l’appendice iléo-cæcal et mieux comprendre la fonction de sa flore spécifique. Une des prochaines étapes de ce travail pourrait être de comparer la composition du microbiote de l’appendice entre espèces de primates pour mettre en évidence d’éventuelles similitudes.

Enfin, dernière observation intéressante dans cette étude, aucun des primates possédant un appendice n’a été diagnostiqué d’une appendicite aiguë durant les 20 ans de suivi.

« Bien que cette affection soit plus fréquente chez l’humain que chez les autres espèces de primates, si la protection associée à la présence de l’appendice chez l’humain est du même niveau que celle observée chez les primates, elle contrebalancerait très largement le risque lié aux appendicites mortelles », conclut Maxime Collard, co-premier auteur de l’étude.

 

[1]Voir notre communiqué de presse du 3 août 2021 : https://presse.inserm.fr/lappendice-nest-pas-une-structure-inutile-et-serait-correle-a-un-allongement-de-la-duree-de-vie/43545/

Des organoïdes de tissus adipeux humains développés pour traiter l’obésité

agrégats cellulaires de tissu adipeux humain

In Vivo. L’utilisation d’agrégats cellulaires de tissu adipeux humain et d’un environnement matriciel adapté permet la génération d’organoïdes vascularisés de tissu adipeux beige. © Laboratoire Restore

Longtemps perçus comme inexistants chez l’humain, les tissus adipeux bruns et beiges jouent un rôle clé dans l’homéostasie énergétique de notre corps. Néanmoins, ils sont en faible quantité dans notre organisme et les observer in situ n’est pas aisé. Une équipe scientifique française1  de l’Inserm, de l’ESF, et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier menée par le professeur Louis Casteilla (Institut Restore CNRS/EFS/Inserm/UT3), et l’équipe ELiA du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS – CNRS) a développé un procédé unique afin de les générer en laboratoire sous forme d’organoïdes. Leur étude a été publiée dans Advanced Science le 21 septembre.

Si le gras n’a pas bonne presse, il reste néanmoins essentiel au bon fonctionnement de notre organisme. Depuis 2009 et la découverte de nouveaux types de tissus adipeux chez l’humain, bruns et beiges, les recherches biologiques dans ce domaine se sont accélérées. Le tissu adipeux blanc représente plus de 95% des masses graisseuses dans un corps. C’est lui qui participe à la régulation du métabolisme énergétique en stockant et en libérant l’énergie dont nous avons besoin pour vivre.

Le tissu adipeux brun a un rôle tout autre : il participe à la thermogénèse adaptive. Autrement dit, il permet de dissiper l’énergie stockée sous forme de chaleur et régule ainsi la température corporelle. Or, il a été constaté qu’il dysfonctionnait chez les patients atteints d’obésité mais aussi parfois durant le vieillissement. Il apparaît alors comme un objet d’études et une cible thérapeutique majeure.

Étant donné sa faible quantité dans l’organisme, stimuler la conversion des tissus adipeux blancs en tissus beiges, dont les propriétés sont très proches de celles des bruns, est la piste privilégiée des scientifiques. Jusqu’à maintenant, les modèle d’études in vitro étaient limités à des cultures cellulaires classiques en deux dimensions, dans des boîtes de Pétri, très loin de reproduire le contexte tri-dimensionnel et complexe du tissu in vivo. D’un autre côté, les modèles basés sur des animaux ne présentent pas la même physiologie de ces tissus que les humains.

La collaboration multidisciplinaire des équipes impliquées dans l’étude scientifique a permis le développement d’un procédé unique d’ingénierie tissulaire pour générer des organoïdes pré-vascularisés de tissu adipeux beige humain de dimensions variables. Les organoïdes sont de plus en plus utilisés dans la recherche médicale pour fabriquer des modèles capables de mimer la physiologie des tissus humains en reproduisant leur complexité structurelle et leur variété cellulaire. Ils peuvent servir aussi bien pour le développement des tests in vitro comme alternative à l’expérimentation animale que pour leur transplantation à des fins thérapeutiques.

Par la mise au point d’un microenvironnement biochimique et biomécanique approprié grâce à l’utilisation d’hydrogel et de facteurs de croissance inducteurs définis, les scientifiques ont mis au point un procédé d’ingénierie unique nécessaire à l’émergence d’organoïdes de tissus adipeux de taille millimétrique, comme de micro-tissus de taille centimétrique. Ce travail a fait l’objet d’un dépôt de deux brevets.

1 Collaboration de l’institut Restore (CNRS/EFS/Inserm/UT3), du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS-CNRS) et de l’institut de biologie de Valrose (iBV, CNRS/Inserm/Université côte d’azur).

L’utilisation d’agrégats cellulaires de tissu adipeux humain et d’un environnement matriciel adapté permet la génération d’organoïdes vascularisés de tissu adipeux beige. Le respect de cette géométrie à grande échelle permet la production de micro-tissus. © Laboratoire Restore

Une étude internationale révèle des conséquences de l’obésité infantile due à des mutations génétiques

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Des chercheurs de l’Université de Lille, du CHU de Lille, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille et du CNRS, réunis au sein de l’Institut de recherche EGID, dévoilent des résultats alarmants sur les conséquences médicales de la carence en Leptine chez les enfants obèses.

L’Institut EGID (European Genomic Institute for Diabetes) basé à Lille, en collaboration avec des chercheurs de renommée internationale de l’Imperial College London et de l’Université de Cambridge, ainsi que des experts médicaux du Pakistan, a mené une étude novatrice dirigée par le Professeur Philippe Froguel. Ces travaux, publiés dans la revue Cell Reports Medicine, marquent une avancée majeure dans la compréhension des conséquences médicales de l’obésité infantile causée par des mutations dans trois gènes cruciaux pour la régulation de l’appétit dans le cerveau : la Leptine (LEP), le récepteur de la leptine (LEPR) et le récepteur de la mélanocortine 4 (MC4R).

Cette étude, la première en son genre, a été menée sur la plus grande cohorte d’enfants atteints d’obésité sévère due à ces mutations génétiques, issus de familles consanguines au Pakistan.

Les résultats mettent en lumière les conséquences dramatiques à court terme sur la santé et l’éducation de ces enfants. Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes :

• Un taux de mortalité élevé à court terme chez les enfants atteints de carence en LEP (au moins 26%) et en LEPR (9%), principalement en raison d’infections pulmonaires et gastro-intestinales graves.
• 40% des enfants survivants atteints de carence en LEP ou en LEPR ont connu des épisodes de pneumonies ou d’infections gastro-intestinales mettant leur vie en danger, qui sont leur principale cause de décès.
• Aucun de ces enfants n’était diabétique.

Les chercheurs et médecins de cette équipe internationale lancent un appel pressant à la communauté médicale et aux organismes concernés afin d’accélérer la fourniture des médicaments disponibles pour traiter les carences en LEP et LEPR chez ces enfants.

Ces résultats soulignent l’importance de diagnostiquer et de traiter efficacement ces enfants, en particulier au Pakistan où ces traitements ne sont pas encore largement administrés en raison de contraintes budgétaires.

De plus, cette recherche confirme le caractère potentiellement mortel de certaines formes génétiques d’obésité infantile lorsqu’elles ne sont pas prises en charge. Elle incite à une action immédiate pour améliorer les soins de santé et la qualité de vie de ces jeunes patients.

Cette étude s’inscrit dans le prolongement des travaux récents du même groupe de recherche, qui avait identifié une nouvelle forme d’obésité syndromique associée à un taux de mortalité élevé et à des handicaps cérébraux. Cette série de découvertes souligne l’urgence de la recherche et de l’intervention pour lutter contre l’obésité infantile d’origine génétique.

A Toulouse, une découverte majeure dans la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique

Coupe transversale d'un rein humain sur fond scientifique. Coupe transversale d’un rein humain sur fond scientifique. © Adobe Stock

Des chercheurs et chercheuses du CHU de Toulouse, de l’Inserm et de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier ont récemment fait une découverte dans la compréhension et le traitement de l’insuffisance rénale chronique, une pathologie touchant des millions de personnes à travers le monde. Publiée dans Science Translational Medicine, cette avancée scientifique prometteuse repose sur l’identification de la responsabilité d’une protéine inflammatoire dans les complications graves de la maladie, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle approche thérapeutique.

 

La calcification vasculaire : une complication grave de l’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale chronique touche 10% de la population adulte mondiale et jusqu’à 30% des personnes de plus de 70 ans en Europe.

L’une des principales complications de l’insuffisance rénale chronique est la calcification vasculaire, un phénomène au cours duquel des minéraux s’accumulent anormalement dans les parois des vaisseaux sanguins, provoquant leur rigidification et contribuant au développement de maladies cardiovasculaires graves, qui sont les principales causes de décès chez ces patients.

A date, les traitements à disposition ont des effets limités et ne permettent pas de prévenir ou de traiter la calcification vasculaire.

 

Une nouvelle approche thérapeutique liée à l’identification des ressorts de la calcification vasculaire

L’équipe de recherche a mené une analyse protéomique (méthode d’exploration des protéines présentes dans un échantillon biologique) à grande échelle, combinée à des analyses ciblées en ELISA sur des échantillons de plasma de patients atteints d’insuffisance rénale et de patients dialysés (cohorte de 453 patients issus de la cohorte CKDomique du CHU de Toulouse, de la cohorte espagnole Nefrona, de la cohorte suédoise KärlTx du Karolinska Institutet, et de l’association réunionnaise AURAR.

Le test ELISA est un test immunologique qui permet la détection ou le dosage de molécules dans un échantillon biologique.

Cette analyse a permis d’identifier la présence d’une protéine inflammatoire appelée calprotectine, dont le taux élevé dans le sang des patients était fortement associé au développement de complications cardiovasculaires et à la mortalité chez ces patients.

Plus important encore, des études in vivo et in vitro ont permis de démontrer le rôle direct de la calprotectine dans la calcification vasculaire, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle approche thérapeutique. En effet, cette étude permet de souligner le potentiel thérapeutique du paquinimod, un inhibiteur de la calprotectine, qui se révèle prometteur en tant que candidat médicament pour limiter le développement de la calcification vasculaire.

« Cette étude translationnelle européenne offre des perspectives prometteuses pour améliorer la prise en charge des patients en insuffisance rénale et en dialyse en ciblant la calcification vasculaire. Elle représente une avancée majeure dans la compréhension de la physiopathologie de la calcification vasculaire liée à l’insuffisance rénale. Sur le plan médical, ces résultats ouvrent la voie à l’utilisation potentielle du paquinimod comme traitement, ce qui pourrait réduire la morbidité et la mortalité dues à des événements cardiovasculaires évitables chez les patients en insuffisance rénale. »  Julie Klein, Renal Fibrosis Lab / Institut I2MC (UMR1297 Inserm / Université Toulouse III – Paul Sabatier) & Pr Stanislas Faguer, Département de Néphrologie et Transplantation d’Organes du CHU de Toulouse (dirigé par le Pr Nassim Kamar) / Institut I2MC (UMR1297 Inserm / Université Toulouse III – Paul Sabatier)

 

 

 

Résultats d’une étude internationale sur la prédiction de perte de poids après chirurgie bariatrique

balance© Photo de i yunmai sur Unsplash

Les équipes lilloises des Professeurs François Pattou (Université de Lille, CHU de Lille, Inserm, Institut Pasteur de Lille) et Philippe Preux (Université de Lille, Inria) ont développé un outil capable de prédire, de manière personnalisée, la perte de poids attendue durant 5 ans chez un patient après une chirurgie bariatrique. Basé sur 7 variables ainsi que l’intelligence artificielle, il a été construit à partir d’une cohorte de 1.500 patients opérés et suivis depuis plus de quinze ans au CHU de Lille. Les performances du modèle ont ensuite été validées chez plus de 10.000 patients suivis en France (Montpellier, Lyon, Valenciennes, Boulogne) et à l’étranger (Pays-Bas, Finlande, Suède, Suisse, Singapour, Mexique, Brésil), dans le cadre du projet européen IMI Sophia. L’application est déjà en ligne, à la disposition des équipes de soins et des patients.  La publication de ces résultats dans la prestigieuse revue The Lancet Digital Health vient souligner l’excellence de ce projet interdisciplinaire original initié il y a 3 ans.

 

Personnaliser la prise en charge des patients grâce à l’intelligence artificielle

Face à l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans nos sociétés, la chirurgie bariatrique s’est imposée comme un traitement efficace pour une perte de poids durable et une prolongation de l’espérance de vie en meilleure santé. Il est cependant difficile de prévoir les résultats de celle-ci dans la durée après l’intervention. De nombreux modèles ont été développés pour fournir aux chirurgiens des outils de prédiction de perte de poids postopératoire. Mais pour que ces modèles soient pertinents d’un point de vue clinique, ils doivent permettre de pouvoir la prédire sur une période d’au moins cinq ans.

Le Pr François Pattou, Chef du service de chirurgie générale et endocrinienne au CHU de Lille, et directeur du laboratoire de recherche translationnelle sur le diabète (Inserm, Institut Pasteur de Lille, Université de Lille, CHU de Lille) s’est rapproché de Philippe Preux, professeur à l’Université de Lille et responsable de l’équipe-projet Inria SCOOL (intégrée au laboratoire CRIStAL commun à l’Université de Lille, au CNRS et à Centrale Lille Institut) pour développer son propre outil à partir de données collectées depuis 2006 sur les résultats de ses chirurgies bariatriques. Les chercheurs sollicités ont mis en œuvre des algorithmes capables de prédire la perte de poids attendue après une chirurgie bariatrique à partir de ces données.

« Les données dont nous disposions pour chaque patient étaient vastes mais le nombre de patients, lui, était restreint à quelques milliers » précise Patrick Saux, doctorant Inria et premier auteur de la publication. « Nous avons donc compensé ce faible échantillon en nous appuyant sur l’expertise des médecins et des diététiciens. C’est là tout l’intérêt du travail interdisciplinaire ».

 

Une collaboration remarquable entre chercheurs en intelligence artificielle et professionnels de santé

Le modèle mis au point aboutit à une courbe, propre à chaque individu, décrivant l’évolution attendue du poids jusqu’à cinq ans après la chirurgie. Ce qui présente plusieurs avantages : d’abord, pour le patient, qui peut réellement visualiser sa future perte de poids.

« Certains ont des attentes irréalistes avant une chirurgie bariatrique. Un support graphique permet d’éviter un trop grand décalage avec la réalité et de mieux anticiper la trajectoire de poids attendue après la chirurgie », estime Patrick Saux.

Ensuite, pour le médecin, car un écart important avec l’évolution prévue peut être synonyme de complication, d’un besoin de réopérer ou de changer le traitement postopératoire.

Les algorithmes utilisés pour ce modèle reposent sur des arbres de décision, c’est-à-dire des séries de questions : l’âge du patient, son poids, s’il est fumeur ou non, s’il a du diabète, le type de chirurgie envisagée…. Ils sont très robustes, leurs prédictions sont relativement précises et ils sont en outre facilement interprétables. Les médecins ont ainsi pu vérifier que les algorithmes prenaient en compte suffisamment de critères pertinents pour faire leurs prédictions.

Les experts en santé ont également contribué à affiner les algorithmes de lissage : le modèle n’étant créé qu’à partir de données récoltées ponctuellement (avant la chirurgie, puis après trois mois, un an, deux ans…), il fallait combler les vides entre ces collectes.

« Là encore, le médecin sait à quoi ressemble habituellement la courbe de poids, donc il nous aide à chercher dans la bonne direction », apprécie Patrick Saux.

 

Une publication dans The Lancet Digital Health qui présente les résultats de l’étude

Les objectifs de l’étude étaient les suivants :

  • Concevoir un système pour prédire la trajectoire de perte de poids postopératoire ;
  • En étudier la performance à l’échelle mondiale, d’abord en validant les trajectoires prédites par l’algorithme dans une dizaine de cohortes indépendantes, non seulement en Europe, mais aussi à Singapour, Mexico ou Sao Paulo. Les résultats ont montré la supériorité du nouvel algorithme sur tous les modèles existants. Cette étude a confirmé l’impact du type d’intervention, de la durée du diabète et du tabagisme chez les patients.
  • Intégrer l’algorithme dans un outil facile à utiliser et à interpréter, permettant une prédiction préopératoire individuelle de la trajectoire de poids postopératoire.

 

Aujourd’hui, l’une des raisons d’être de cet outil est de prédire l’utilité des visites postopératoires et d’éclairer la prise de décision clinique. L’outil est accessible en ligne à l’adresse suivante : bariatric-weight-trajectory-prediction.univ-lille.fr

10.231 participants suivis durant 5 ans dans 8 pays et 3 continents

Xénotransplantation : pour la 1re fois, la réponse immunitaire après la greffe de reins de porcs génétiquement modifiés chez l’humain est décryptée

xenogreffe rein porcLa pénurie mondiale d’organes est un problème majeur de santé publique. La xénotransplantation, qui consiste à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur, est une solution prometteuse pour y remédier. © Célestin Ricada.

Dans une étude publiée le 18 août 2023, dans la revue The Lancet, l’équipe de recherche Approches Multidimensionnelles en Transplantation d’Organe d’Université Paris Cité, de l’Inserm et de l’AP-HP, dirigée par le Professeur Alexandre Loupy à l’Institut de transplantation multi-organes et de médecine régénératrice de Paris (PITOR), en collaboration avec l’Institut NYU Langone Health aux États-Unis, a pour la première fois élucidé les mécanismes en jeu dans la réponse immunitaire survenant après la greffe de reins de porcs génétiquement modifiés chez l’humain et identifié des solutions thérapeutiques pour prévenir le rejet de l’organe greffé.

La pénurie mondiale d’organes est un problème majeur de santé publique. La xénotransplantation, qui consiste à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur, est une solution prometteuse pour y remédier. Le porc est considéré comme l’espèce donneuse de choix, du fait de nombreuses similarités physiologiques et morphologiques entre les organes humains et porcins. Néanmoins, l’utilisation de ces derniers a historiquement été limitée par les barrières immunologiques inter-espèces, notamment par la présence naturelle dans la circulation sanguine humaine d’anticorps dirigés contre des xénoantigènes1 présents à la surface des cellules porcines, responsables d’un phénomène de rejet hyper aigu qui aboutit inexorablement à la perte du greffon en quelques minutes.

 

Une révolution médicale

Les nouvelles biotechnologies permettant la modification du génome porcin ont complètement révolutionné la xénotransplantation. En effet, chez les porcs, certains gènes sont à l’origine de la fabrication d’enzymes responsables de la formation de xénoantigènes, qui, une fois présents dans l’organisme humain, induisent une très forte réaction immunitaire du receveur, réaction à l’origine des rejets des greffons de reins porcins. Grâce à ces nouvelles biotechnologies, il est désormais possible de supprimer ces gènes porcins spécifiques, ce qui permet de réduire considérablement le risque de rejet hyperaigu. Cela a permis d’obtenir des taux inédits de survie de greffons et cliniquement acceptables dans les modèles pré-cliniques, mais aucune tentative n’avait encore été réalisée chez l’humain… jusqu’à récemment.

Fin 2021, les premières xénotransplantations de reins de porcs génétiquement modifiés (afin qu’ils n’expriment pas le xénoantigène alpha-1,3-gal) ont été réalisées, aux États-Unis, avec succès chez des receveurs humains. Il s’agissait de patients en état de mort encéphalique, pour lesquels la famille et les comités éthiques avaient donné leur accord pour maintenir artificiellement la circulation sanguine afin de réaliser ces transplantations. L’équipe de recherche Approches Multidimensionnelles en Transplantation d’Organe dirigée par le Pr Alexandre Loupy, collaborant avec l’équipe américaine, a donc eu accès aux biopsies de ces xénogreffes et a ainsi pu conduire et développer les versants histologique, immunologique et transcriptomique2 de cette recherche collaborative.

« Il s’agit d’une véritable révolution en transplantation et dans le milieu médical en général. Ce qui pouvait auparavant s’apparenter à de la science-fiction est désormais devenu une réalité grâce aux biotechnologies qui ont permis de prévenir le rejet hyperaigu. Néanmoins, la réponse immunitaire des patients recevant ce type de greffe n’avait pas encore été caractérisée. Cela est pourtant primordial pour augmenter les chances de succès de la xénogreffe. Nous avons donc conçu une étude et réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts pour décrypter ces phénomènes complexes de rejet de xénogreffe chez l’humain », indique le Pr Alexandre Loupy, PU-PH, néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, expert mondial du rejet, directeur de l’unité 970 Approches Multidimensionnelles en Transplantation d’Organe et directeur de l’Institut de Transplantation multi-organes et de médecine régénératrice, PITOR, à Université Paris Cité.

 

La médecine de précision au service de la xénotransplantation

Afin de mieux caractériser la réponse immunitaire des patients contre ces organes porcins, l’équipe de recherche a décidé d’utiliser une approche innovante, dite multimodale, basée sur des technologies de pointe adaptées pour le diagnostic de précision.

« Nous avons réalisé une étude exhaustive des xénotransplants en utilisant des biotechnologies d’immunologie et de microscopie moléculaire capables de caractériser et localiser précisément les cellules immunitaires dans les greffons », indique le Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et co-premier auteur de l’article. « Le caractère novateur de notre approche réside dans son caractère multimodal, c’est-à-dire combinant une analyse conjointe de données complexes – histologiques, immunologiques et transcriptomiques – avec des logiciels de bio-ingénierie, pathologie digitale et bio-informatique. »

 

Une réponse immunitaire hybride

Les résultats ont rapidement été sans appel : les patients présentaient des signes précoces d’une forme particulière de rejet, dite « médiée par les anticorps », quasi invisibles avec les technologies de microscopie standard. Les chercheurs ont également observé des cellules inflammatoires dans les xénotransplants.

« Nous avons mis en évidence une forme très particulière de rejet, partageant à la fois des caractéristiques moléculaires d’une réponse immune intra-espèce et inter-espèces, » précise le Dr Alessia Giarraputo, chercheuse et co-première auteure de l’étude. « La localisation des cellules inflammatoires était également inhabituelle, car elles étaient principalement concentrées dans les glomérules porcins, c’est-à-dire les filtres sanguins rénaux, alors qu’elles sont classiquement réparties dans toute la circulation des greffons dans le cas de la transplantation humaine. »

Les cellules inflammatoires observées dans les xénotransplants sont recrutées par des anticorps humains dirigés contre la xénogreffe (les xénoanticorps), et qui sont présents dans la circulation sanguine des receveurs. Contrairement à ce qui est habituellement observé dans ce type de rejet en transplantation humaine (organe humain transplanté chez un autre humain), ces cellules inflammatoires étaient des cellules de l’immunité innée, c’est-à-dire de l’immunité « ancestrale » partagée par de nombreuses espèces biologiques. Néanmoins, l’étude a permis de montrer que lorsque ces cellules immunitaires se manifestent chez l’humain contre un xénogreffon, elles ont la même « signature moléculaire » que lorsqu’elles se manifestent contre un greffon humain. Elles exprimaient donc des gènes typiques d’un rejet habituel, qui reproduisaient la signature moléculaire d’un rejet médié par les anticorps contre un organe humain.

 

Un grand pas vers une implémentation en clinique

Lors d’une transplantation humaine, s’il n’est pas traité à temps, ce type de rejet médié par des anticorps, évolue inéluctablement vers la perte du greffon à moyen ou long terme. Les chercheurs estiment qu’ils peuvent donc anticiper la même évolution lors d’une xénotransplantation. Loin d’être un frein pour le développement ultérieur de cette discipline, ces nouvelles données ont permis à l’équipe dirigée par le Pr Alexandre Loupy, d’identifier des cibles moléculaires pour optimiser les modèles de porcs génétiquement modifiés et les traitements immunosuppresseurs à administrer aux patients pour limiter le risque de rejet. Des modèles de porcs surexprimant des gènes qui permettent de limiter l’infiltration des greffons par les cellules de l’immunité innée sont déjà disponibles et seront à étudier plus en détail. De plus, le rejet médié par les anticorps étant bien connu en transplantation humaine, les traitements déjà existant pourront quant à eux être testés en xénotransplantation afin d’augmenter les chances de succès des prochains essais cliniques.

Cette étude ouvre de grandes perspectives pour réussir un jour à transplanter des reins de porcs génétiquement modifiés chez des receveurs humains vivants, avec une survie des greffons acceptable à long terme. Les découvertes de l’équipe du Pr Alexandre Loupy, identifiées comme majeures par le National Institutes of Health (NIH), qui conçoit actuellement les futurs essais cliniques, hissent ainsi la France à la pointe de la xénotransplantation. Ces résultats ont notamment contribué au très récent succès d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié chez un receveur humain jusqu’à 32 jours après la reperfusion de l’organe.

 

[1] Antigène extérieur à l’organisme, provenant d’une espèce différente. xéno-antigène

[2] Etude de la structure des tissus vivants, de l’ensemble des mécanismes de défense de l’organisme contre les antigènes, et de l’ensemble des molécules d’ARN (transcrits) résultant de la transcription du génome

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