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Résultats de l’étude translationnelle Explore Covid-19

Coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine.©M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Innate Pharma SA (Euronext Paris : IPH – ISIN : FR0010331421 ; Nasdaq : IPHA) (« Innate » ou la « Société ») a annoncé la publication d’un article dans la revue scientifique Nature, écrit par les chercheurs d’Innate en collaboration avec le Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (Inserm, CNRS, AMU), les Hôpitaux Universitaires de Marseille – AP-HM (Hôpital de la Timone et Hôpital Nord), l’Hôpital Laveran, l’Université Aix-Marseille (AMU), ainsi que le laboratoire d’immunoprofiling de Marseille Immunopôle / AP-HM à l’Hôpital de la Timone. Les données présentées suggèrent que le ciblage de la voie C5a-C5aR1 pourrait limiter la réponse inflammatoire sévère.

Cette task-force de recherche exploratoire marseillaise, baptisée EXPLORE COVID-19, a analysé les cellules immunitaires des patients présentant un Covid-19 à différents stades de la maladie. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre la réponse immunitaire chez les patients et d’identifier de nouveaux moyens potentiels de combattre l’infection virale.

L’étude a montré que chez les patients qui progressent vers une forme sévère de Covid-19, dont ceux présentant une pneumonie sévère ou un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), on observe une activation de la voie C5a/C5aR1 (C5a est un peptide hautement inflammatoire et C5aR1 son récepteur).

Plus particulièrement, les chercheurs ont observé des niveaux élevés de C5a et une suractivation des cellules myéloïdes dépendantes de C5a, qui contribueraient à l’inflammation des poumons.

Cette étude se concentrait sur les effets d’une molécule nommée avdoralimab (IPH5401), un anticorps au stade clinique, qui bloque C5aR1 (CD88). Avdoralimab empêche le recrutement et l’activation des cellules myéloïdes induits par C5a. Actuellement, Innate évalue avdoralimab en oncologie, fournissant des données de pharmacocinétiques et de tolérance en amont de son exploration dans la Covid-19.

Les résultats publiés dans Nature suggèrent que le blocage de la voie C5a-C5aR1 pourrait être considéré comme une stratégie thérapeutique potentielle pour les maladies respiratoires graves associées au SARS-Cov-2. L’analyse a montré que le blocage de la voie C5a-C5aR1 pourrait limiter l’infiltration des cellules myéloïdes aux sites inflammatoires et prévenir l’inflammation pulmonaire associée à un SDRA chez les patients atteints de Covid-19.

« Il est urgent de mieux comprendre l’évolution du Covid-19 et la cascade du complément associée pour aider à améliorer le pronostic des patients Covid-19 qui présentent des symptômes sévères, » commente Pr Eric Vivier, PhD, Directeur Scientifique d’Innate Pharma et Professeur au Centre d’Immunologie de Marseille Luminy (Inserm/CNRS/AMU) et à l’AP-HM « Cette étude exploratoire nous encourage, car nous commençons à comprendre l’impact de la réponse immunitaire sur la progression du Covid-19 et les voies susceptibles de moduler cette réponse. »

Sur la base des résultats de cette étude, la Société a précédemment annoncé le début d’un essai clinique indépendant, nommé FORCE[2]. Cet essai de Phase II randomisé est en cours, évaluant en double aveugle avdoralimab chez des patients atteints d’un Covid-19 entrainant une pneumonie sévère.

Pour lire le papier, accédez à la publication en ligne de Nature.

[1] Association de l’inflammation Covid-19 avec l’activation de la voie C5a-C5aR1

[2] FOR Covid-19 Elimination (POUR l’Elimination de Covid-19)

 

À propos de l’étude EXPLORE COVID-19 :

Les chercheurs ont analysé la réponse immunitaire de patients Covid-19 ne présentant aucun ou peu de symptômes, de patients nécessitant de l’oxygène et d’un groupe de patients dans un état grave nécessitant une ventilation mécanique prolongée. L’étude a porté sur 82 personnes : 10 témoins sains et 72 patients COovid-19, dont 10 patients présentant peu de symptômes, 34 patients présentant une pneumonie et 28 patients présentant un SDRA.

Avdoralimab dans le cancer :

Avdoralimab est un anticorps thérapeutique qui se lie spécifiquement et bloque les récepteurs C5aR1 sur les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) et les neutrophiles. Avdoralimab est actuellement évalué dans un essai de Phase I chez des patients présentant des tumeurs solides, dont un cancer du poumon non à petites cellules ou un carcinome hépatocellulaire.

Avdoralimab dans la Covid-19 :

Le C5a serait impliqué dans la pathogenèse du syndrome de détresse respiratoire aiguë en favorisant un environnement pro-inflammatoire, par l’attraction des cellules myéloïdes (neutrophiles, monocytes, macrophages) et en stimulant leur production de cytokines. Avdoralimab bloque les récepteurs C5aR1 et a le potentiel de réduire la réponse inflammatoire dans les poumons.

Punaises de lit : plus de 70 000 consultations en un an en France métropolitaine

© Priscilla Du Preez on Unsplash

Plus de 70 000 consultations en médecine générale en un an en France métropolitaine, selon l’étude PULI menée par le réseau Sentinelles (Inserm – Sorbonne Université).

En recrudescence dans le monde entier, les punaises de lit sévissent également en France. Afin d’objectiver leur retentissement sur la santé, la Direction générale de la santé a financé une étude du réseau Sentinelles, dont les premiers résultats viennent d’être publiés. Une série de recommandations, axées notamment sur la prévention seront étudiées.

D’après les résultats de l’étude du réseau sentinelles de l’Inserm, d’avril 2019 à mars 2020, environ 72 000 consultations auprès d’un médecin généraliste en France métropolitaine ont eu un motif lié aux punaises de lit, soit un taux d’incidence de 109 consultations pour 100 000 habitants. Les régions métropolitaines sont différemment touchées : l’incidence est la plus élevée en Auvergne-Rhône-Alpes et PACA (respectivement 216 et 145 consultations pour 100 000 habitants) et la plus basse en Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté (19 et 33 consultations pour 100 000 habitants).

Ces résultats, extrapolés suite à la collecte de données auprès de 214 médecins généralistes du réseau Sentinelles, permettent d’objectiver pour la première fois l’impact des punaises de lit sur la santé des Français. Parmi les motifs les plus fréquents de consultation, figurait la présence de lésions cutanées (98%), mais aussi la
dégradation de l’état de santé psychologique. Ainsi, 39% des patients ayant consulté souffraient d’insomnie et 39% estimaient que l’infestation avait eu un retentissement sur leur vie professionnelle, familiale ou sociale.

Cette étude confirme que les punaises de lit posent des questions de santé et qu’il convient de lutter contre elles et contre leurs conséquences sanitaires. En premier lieu, la DGS et la DGPR vont saisir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin que celle -ci actualise les recommandations quant aux méthodes efficaces et durables de lutte contre les punaises de lit.

Enfin, il convient de rappeler que parmi les actions déjà mises en œuvre par le Gouvernement, le site stop punaises répond au numéro d’appel 0806 706 806.

 

En savoir plus sur les punaises de lit

Très répandues avant la Seconde guerre mondiale, les punaises de lit avaient presque disparu. Depuis quelques années, elles sont en recrudescence presque partout dans le monde, une extension favorisée par l’essor des voyages et du tourisme.
Les punaises de lit se nourrissent du sang humain, via une morsure, qui survient essentiellement la nuit. La morsure peut provoquer une réaction cutanée (rougeur, enflure) et, souvent, des démangeaisons. Le plus souvent, ces traces de piqûres sont alignées, une caractéristique qui doit faire penser aux punaises de lit. Le diagnostic se fait le plus souvent par visualisation d’une ou plusieurs punaises, de leurs déjections, notamment sur les rebords des matelas ou encore de traces de sang sur les draps, suite aux morsures.
A ce jour, rien ne laisse penser que les punaises de lit soient des vecteurs de maladies infectieuses. Une infestation peut cependant avoir des conséquences sur la santé. Outre les manifestations cutanées, un sommeil de moins bonne qualité, mais aussi du stress, lié notamment à la difficulté, financière et pratique, de s’en débarrasser sont observées.

Quelques conseils pour prévenir l’invasion

Il existe des gestes et des précautions simples pour limiter le risque de ramener des punaises de lit chez soi.

>> En voyage
– Lorsque vous séjournez dans un hôtel, une cabine de train ou de bateau, une maison d’hôtes… Inspectez la chambre : les placards et le lit (matelas, oreillers, sommiers…) pour détecter la présence éventuelle de punaises de lit
– Déposez votre valise sur le porte valise après l’avoir inspecté et non sur le lit qui peut être infesté
– Si vous détectez la présence de punaises, avertissez la réception et changez de chambre voire d’hôtel
– Si vous avez détecté la présence de punaises de lit sur vous ou vos vêtements, mettez tous vos effets personnels (brosses à cheveux, trousses de maquillage, vêtements…) dans un sac plastique et fermez-le hermétiquement jusqu’à ce que vous les traitiez
– Au retour de tout voyage, prenez le temps d’inspecter vos vêtements et bagages et si vous soupçonnez la présence de punaises de lit, traitez votre valise et son contenu

>> Chez vous
– Evitez d’accumuler des objets dans votre lieu de vie. Ainsi, vous diminuez le nombre d’endroits où les punaises peuvent se cacher
– Si vous achetez des meubles d’occasion (sommier, fauteuils…) examinez-les et nettoyez-les minutieusement avant de les installer chez vous et, si possible, traitez-les à la vapeur chaude. Évitez d’acheter un matelas d’occasion
– Si vous achetez des vêtements d’occasion, inspectez-les et transportez-les dans un sac fermé hermétiquement et lavez-les à au moins 60° C
– Si vous emménagez dans un nouvel appartement, contrôlez les pièces (recoins, zones de papier décollé, etc.) avant d’y placer vos meubles
– Vous pouvez équiper vos matelas, sommier et oreillers de housses étanches aux punaises de lit pour faire une barrière supplémentaire de protection contre les punaises.

Retrouver l’ensemble des conseils sur le site Ameli.fr

En savoir plus
« Etude PULI : consultations liées aux punaises de lit en médecine générale », réseau Sentinelles, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (IPLESP, UMR-S1136 Inserm Sorbonne Université), Ministère des solidarités et de la santé.

Lire : https://www.sentiweb.fr/document/5008

Covid-19 : l’association prometteuse du remdesivir et du diltiazem ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques

Epithélium respiratoire humain infecté par le SARS-CoV-2. Des grappes de virus au niveau des cils des cellules épithéliales ainsi que de très nombreuses vésicules cytoplasmiques très caractéristiques contenant de larges accumulations de matériel viral (dense aux électrons) et de nombreux virus en assemblage sont observés. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm; Olivier Terrier CNRS; Andrés Pizzorno Signia Therapeutics; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 INSERM – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

 

Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, trouver un traitement permettant de lutter efficacement contre la maladie reste un enjeu majeur de la recherche. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’ENS Lyon au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) ont mis au point une stratégie unique de sélection, d’évaluation et de repositionnement de médicaments déjà sur le marché pour évaluer leur effet contre le SARS-CoV-2. Ils ont également développé plusieurs modèles précliniques d’infections très pertinents, à partir d’épithéliums respiratoires humains d’origine nasale et bronchique reconstitués in vitro. Grâce à leur savoir-faire, les chercheurs montrent que l’association entre la molécule remdesivir, utilisée dans le traitement d’Ebola, et l’antihypertenseur diltiazem pourrait apporter un bénéfice significatif chez les patients atteints de Covid-19. Leurs résultats sont publiés dans Cell Reports Medicine.

Dans le cadre du programme REACTing coordonné par l’Inserm, l’équipe Virpath dirigée par le chercheur Inserm Manuel Rosa-Calatrava au Centre international de recherche en infectiologie (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS Lyon) travaille au repositionnement pour de nouvelles indications thérapeutiques contre les infections virales de médicaments déjà disponibles sur le marché.

Pour tester l’efficacité thérapeutique de ces molécules contre le Covid-19, l’équipe a développé et caractérisé dès le mois de février des modèles expérimentaux d’infections virales. Pour cela elle a reconstitué in vitro, au plus proche de la physiologie humaine, des épithéliums respiratoires humains d’origine nasale et bronchique.  « Nous utilisons depuis plusieurs années ces modèles précliniques d’infection, qui sont très prédictifs de l’infection in vivo », précise Manuel Rosa Calatrava.

Les chercheurs ont aussi développé plusieurs protocoles de quantification de génome viral et de particules infectieuses. Leurs observations et analyses ont confirmé et complété les connaissances actuelles sur les mécanismes de l’infection par le SARS-CoV-2 et les interactions entre le virus et son hôte. « Nous observons notamment dans nos modèles infectés par le virus l’induction de la production d’interleukines Il6 qui est un des marqueurs de sévérité de la maladie », précise Manuel Rosa-Calatrava.

Un grand nombre de médicaments candidats a été évalué sur ces modèles, dont deux molécules d’intérêt : le remdesivir et le diltiazem, seules et en combinaison. Le remdesivir présente une activité antivirale contre les virus à ARN dont fait partie le SARS-CoV-2. Des modèles in vitro cellulaires, des modèles animaux, ainsi que plusieurs essais cliniques en cours montrent des premiers résultats positifs contre ce virus.

Le diltiazem, lui, est un antihypertenseur utilisé dans le traitement de l’angine de poitrine. Il a déjà été caractérisé et repositionné par les chercheurs de VirPath afin de stimuler fortement la réponse immunitaire innée antivirale endogène, notamment contre les virus influenza et les pneumovirus. La toxicité chez l’humain de ces deux molécules repositionnées a aussi déjà été évaluée, ce qui permet de réduire considérablement les délais de leur développement clinique pour leur nouvelle indication thérapeutique contre le SARS-CoV-2.

Les résultats de cette étude montrent une réduction significative de la charge virale dans les épithéliums infectés par le SARS-CoV-2 lorsqu’ils sont traités par le remdesivir. Cet effet est accru lorsque le diltiazem est ajouté en combinaison. « En stimulant la réponse immunitaire innée des épithéliums, le diltiazem potentialise l’effet du remdesivir et offre l’opportunité d’en réduire les doses. Le remdesivir présente en effet une certaine toxicité in vivo en plus d’être un médicament très couteux », souligne Manuel Rosa-Calatrava.

L’équipe poursuit ses essais précliniques avec cette bithérapie dans des modèles animaux et espère lancer un essai clinique dès l’hiver prochain si les résultats positifs se confirment.

Les survivants d’Ebola présentent des anomalies sévères du système immunitaire deux ans après leur maladie

Cette étude est le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes de l’Inserm, de l’IRD, de l’INSP, de l’Université Paris-Est Créteil et du CERFIG de Guinée. © Aurélie Wiedemann.

Quatre ans après la fin de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, et alors que la maladie continue de faire des ravages en RDC, la communauté scientifique s’interroge sur les séquelles qui peuvent subsister chez les survivants. Pour en apprendre plus, des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Paris-Est Créteil à l’Institut de Recherche vaccinale se sont intéressés à l’évolution du profil immunitaire de ces personnes. Ils se sont pour cela appuyés sur une cohorte de survivants développée par l’Inserm,  l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de Formation et de Recherche en infectiologie de Guinée (CERFIG), la cohorte PostEboGui. Ils montrent ainsi la présence de marqueurs immunitaires et inflammatoires à des niveaux anormaux dans le sang, deux ans après la survenue de la maladie. Leurs résultats sont publiés dans Nature Communications.

Au cours de l’épidémie d’Ebola de 2013-2016 en Afrique de l’Ouest, plus de 28 000 personnes ont été infectées. Plus de 11,000 d’entre elles sont décédées. Si les conséquences à long terme sur la santé des survivants sont encore mal connues, un nombre croissant d’études décrit des séquelles cliniques persistantes chez ces patients, par exemple une fatigue généralisée, des douleurs musculo-squelettiques ou encore des troubles oculaires.

Pour identifier ces problèmes de santé, les équipes de recherche se sont appuyées sur des données issues du suivi de cohortes de survivants, comme la cohorte PostEboGui de l’Inserm, développée avec l’IRD et le CERFIG. Composée de 802 anciens malades d’Ebola recrutés sur plusieurs centres à travers toute la Guinée, cette cohorte visait à décrire et à analyser les conséquences clinique, immunologiques, psychologiques et socio-anthropologiques de la maladie à virus Ebola sur une période de 2 ans.

L’étude publiée dans Nature Communications, menée par le Pr Yves Lévy avec Aurélie Wiedemann à l’Institut de Recherche Vaccinale (VRI, Inserm/Université Paris-Est Créteil), est l’une des premières à s’intéresser au profil immuno-inflammatoire à long terme des survivants d’Ebola.

Les chercheurs se sont fondés sur l’analyse de prélèvements sanguins de 35 individus issus de la cohorte PostEboGui et recrutés pour participer à cette étude en moyenne deux ans après la survenue de leur maladie. Un groupe contrôle a également été mis en place afin de comparer leurs profils immunitaires. Chaque patient a été vu à trois reprises pour réaliser ces prises de sang. En outre, des échantillons de salive, d’urine et de sperme ont été analysés pour écarter la présence du virus.

De tels travaux de recherche n’ont été possibles que grâce à l’implication des équipes locales, spécifiquement formées pour manipuler les prélèvements biologiques. Elle est donc le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes de l’Inserm et de l’IRD avec les techniciens de laboratoire et les scientifiques guinéens à l’Institut National de Santé Publique (INSP) et au CERFIG.

Inflammation et marqueurs immunitaires

L’analyse des échantillons sanguins indique que, même lorsque les survivants sont guéris physiquement et n’ont plus de virus détectable, ils présentent encore un profil immunitaire particulier, différent de celui des personnes n’ayant jamais contracté la maladie.

Les chercheurs ont notamment identifié la présence de cellules immunitaires, appelées lymphocytes T mémoires CD4+ et CD8+, spécifiques du virus, qui subsistent deux ans après la maladie dans le sang des 35 survivants. De plus, on retrouve également un nombre plus élevé de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques impliquées dans la destruction des cellules infectées ainsi que la présence d’anticorps IgG spécifiques du virus Ebola chez ces survivants.

Par ailleurs, l’équipe a montré la présence d’une quantité importante de marqueurs inflammatoires dans les échantillons sanguins (cytokines pro-inflammatoires, marqueurs d’activation immunitaire), qui témoignent de la persistance d’une inflammation chez les survivants d’Ebola.  Enfin, cette étude a mis en évidence que certains marqueurs immunitaires spécifiques étaient associés à la persistance des symptômes chez ces patients.

Ces résultats soulignent donc l’existence à long terme d’une persistance de l’activité immunitaire spécifique à Ebola et d’une inflammation intense et chronique chez ces anciens malades, deux ans après avoir été infectés par le virus.  « Nos travaux soulignent l’importance de réaliser un suivi à long terme des survivants d’Ebola, ce qui avait déjà été mis en avant dans les études portant sur les séquelles cliniques. Il est important de voir comment l’état et le profil immunitaire de ces personnes évolue et si l’on ne s’oriente pas vers une maladie chronique », précise Aurélie Wiedemann.

Alors qu’une épidémie d’Ebola se poursuit en RDC, une nouvelle cohorte comportant un volet sur l’immunité est en cours de développement dans ce pays, suivant une stratégie similaire à celle employée pour mettre en place PostEboGui. Elle sera l’occasion pour les chercheurs de confirmer leurs résultats sur le profil immunitaire des survivants, auprès d’un plus grand nombre de patients. 

Une étude préclinique montre que l’hydroxychloroquine n’a pas d’effet antiviral contre le SARS-CoV-2 in vivo

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Les résultats d’une étude sur les effets de l’hydroxychloroquine, associée ou non à l’azithromycine, dans un modèle d’infection expérimentale chez le macaque par le virus SARS-CoV-2, l’agent infectieux responsable de la pandémie de la COVID-19, font l’objet d’une publication dans la revue Nature le 22 juillet 2020. Réunissant des scientifiques du CEA, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Université de Paris-Saclay, de l’AP-HM, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et Aix-Marseille université, l’étude a été réalisée sous l’égide du consortium multidisciplinaire REACTing1.

Cette étude, lancée en février 2020, visait à évaluer le potentiel effet antiviral in vivo de l’hydroxychloroquine (HCQ), en traitement prophylactique contre le virus SARS-CoV-2 (avant l’infection pour réduire la charge virale) et lors des premiers jours après infection. Les effets antiinflammatoires potentiels de l’HCQ n’ont pas été analysés.

La première étape avait pour objectif de démontrer la pertinence du modèle animal retenu. Elle a permis de montrer que la maladie observée chez les primates non humains est très similaire à celle observée chez la majorité des patients atteints de la COVID-19 n’ayant pas besoin d’une hospitalisation.

La deuxième étape concernait la caractérisation de la pharmacocinétique de l’HCQ, c’est-à-dire l’analyse de sa concentration dans le sang et les tissus pour s’assurer qu’elle atteignait bien un niveau comparable à celui observé chez les patients humains traités avec le médicament.

Enfin, différentes stratégies de traitements ont été testées en prévention (avant l’infection des animaux), immédiatement après l’infection, et enfin à distance de l’infection (J+5 après l’infection – au moment de l’apparition des symptômes), avec ou sans azithromycine, un antibiotique également utilisé dans le traitement du COVID-19. Des doses de traitement différentes ont également été testées chez certains groupes d’animaux.

Les résultats indiquent que l’HCQ n’a pas protégé les animaux lorsqu’elle était utilisée en prévention de l’infection. Aucune des stratégies n’a par ailleurs démontré d’effet significatif sur les quantités de virus SARS-CoV-2 circulant dans l’organisme par rapport à celles détectées chez des animaux traités par un placebo.

L’étude montre donc que l’HCQ, qui possède des propriétés antivirales dans certains tests in vitro (à l’aide de cellules en culture), n’a pas d’efficacité antivirale in vivo chez le macaque dans les conditions spécifiques de ces travaux, et ce malgré une exposition pulmonaire importante.

Cette étude préclinique est complémentaire des études cliniques sur l’HCQ. En effet, elle a permis de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques du virus SARS-CoV-2 et d’obtenir des informations précises sur la biodistribution de la molécule HCQ dans l’organisme d’un animal modèle.

 

1 REACTing est un consortium multidisciplinaire réunissant les partenaires de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé Aviesan (CEA, CNRS, INRAE, Inria, Inserm, Institut Pasteur, IRD, CPU et Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires) et coordonné par l’Inserm.

Une nouvelle méthode pour percer les mystères du vivant

Pour mieux caractériser les interactions moléculaires, les chercheurs doivent également s’intéresser à un autre aspect : la chiralité des molécules. ©Valérie Gabelica

Comprendre la structure en trois dimensions de l’ADN et de l’ARN et la manière dont ils interagissent avec d’autres molécules est nécessaire à l’avancement de la recherche biomédicale et au développement de médicaments. Une équipe menée par la chercheuse Inserm Valérie Gabelica au sein du laboratoire Acides nucléiques : régulations naturelle et artificielle (ARNA, Inserm/CNRS/Université de Bordeaux) a développé une méthode innovante couplant spectrométrie de masse et lumière polarisée circulairement, permettant de mieux caractériser ces différentes interactions moléculaires. Cette nouvelle technique est décrite dans une étude publiée dans la revue Science.

Technique largement utilisée dans les laboratoires de physique et de biologie, mais aussi dans la police scientifique pour l’analyse d’échantillons chimiques ou biologiques, la spectrométrie de masse permet de mesurer les masses de chaque molécule d’un échantillon et ainsi d’obtenir des informations sur la manière dont elles interagissent et s’associent les unes aux autres.

La chercheuse Inserm Valérie Gabelica et son équipe au sein du laboratoire « ARNA » (Inserm/CNRS/Université de Bordeaux)[1] étudient comment de courtes séquences d’ADN ou d’ARN se replient en trois dimensions et interagissent avec d’autres molécules. Ils ont pour cela recours à la spectrométrie de masse, qui leur donne de précieuses indications sur la manière dont l’ADN et l’ARN s’associent structurellement avec des protéines ou des molécules pharmaceutiques par exemple.

Toutefois, pour mieux caractériser ces interactions moléculaires, les scientifiques doivent également s’intéresser à un autre aspect : la chiralité des molécules. Une molécule est dite « chirale » lorsque sa structure en 3D ne peut pas être superposée à son image dans un miroir. Du fait de sa forme en hélice, l’ADN est donc une molécule chirale. Déterminer la chiralité d’une molécule est important pour comprendre ses interactions biologiques avec les molécules du vivant que sont l’ADN et les protéines.

La mesure de la masse moléculaire n’apportant pas d’informations sur la chiralité, l’usage d’une autre technique, utilisant de la lumière polarisée circulairement[2], est nécessaire pour étudier la structure 3D des molécules.

Dans une étude publiée dans Science, la chercheuse et son équipe décrivent un nouvel outil qui permet d’étudier à la fois la manière dont l’ADN et les molécules s’assemblent et la chiralité : une méthode « 2 en 1 » couplant un spectromètre de masse et un laser produisant de la lumière polarisée circulairement.

Des perspectives thérapeutiques

L’usage d’une telle technique pourrait ouvrir de nouvelles pistes de recherche dans le domaine biomédical et notamment dans l’étude des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.

En effet, plusieurs études ont montré qu’en amont du processus d’agrégation des protéines pour former les plaques séniles dans le cerveau, les protéines forment de petits complexes, des « oligomères », qui pourraient être encore plus toxiques. L’application de la méthode développée par les chercheurs permettrait de mieux comprendre à partir de quel moment ces oligomères changent de structure 3D, afin d’explorer le rôle qu’ils jouent dans l’emballement de la pathologie et dans le processus de formation des plaques.

Autre application pratique : le développement de médicaments. Par exemple, si la cible des médicaments est une protéine chirale, il est important de caractériser également la chiralité du médicament afin de mieux comprendre leurs interactions potentielles.

« Dans les années 60, la thalidomide, un médicament pris par beaucoup de femmes enceintes pour diminuer leurs nausées, a entraîné de graves malformations chez leurs bébés. En fait, l’une des images de cette molécule dans le miroir était antinauséeuse, l’autre était toxique. Une étude plus approfondie de la structure moléculaire et de la chiralité aurait permis d’éviter cela », souligne Valérie Gabelica.

Repoussent considérablement les frontières de la spectrométrie de masse et facilitant l’étude de la chiralité des molécules, ces travaux sont donc particulière innovants et ouvrent des perspectives très étendues dans le champ de la recherche biomédicale.

 

[1] L’Unité de soutien à la recherche IECB (CNRS/Université de Bordeaux/Inserm) a également participé à ces travaux.

[2] La lumière est une onde. Elle est décrite par des signaux qui oscillent dans l’espace et le temps : les champs électrique et magnétique. Ces deux champs ont une direction, le champ magnétique est perpendiculaire au champ électrique. Lorsque la lumière est polarisée circulairement, le champ électrique change d’orientation le long du faisceau et décrit une spirale. Le champ magnétique est toujours perpendiculaire au champ électrique.

L’Inserm lance une plateforme d’évaluation des candidats vaccins contre le Covid-19 pour la réalisation d’essais de qualité à grande échelle

Pour évaluer la sécurité et l’efficacité des vaccins potentiels contre le Covid-19, la mise en place d’essais cliniques rigoureux est plus que jamais nécessaire.© Adobe Stock

La recherche d’un vaccin contre le Covid-19 est en plein essor, et de nombreux candidats vaccins ont déjà atteint le stade des évaluations cliniques. La participation de la France aux essais cliniques est un impératif scientifique et stratégique pour garantir un accès à un vaccin sûr et efficace à sa population. C’est pourquoi l’Inserm, avec l’appui du réseau REACTing, de Santé publique France, des CHU et du collège national des généralistes enseignants, lance une plateforme d’évaluation clinique des candidats vaccins contre le Covid-19, baptisée COVIREIVAC. Elle permettra de les tester de manière rigoureuse et d’obtenir de solides données sur leur capacité à induire une réaction immunitaire (immunogénicité) ainsi que sur leur sécurité.

D’une ampleur inédite, la pandémie de Covid-19 a déjà causé plus de 500 000 décès à travers le monde. Alors que le nombre de nouveaux cas ralentit dans certaines régions, le virus continue sa progression, notamment aux États-Unis et en Amérique latine. Afin de le stopper, les espoirs de la communauté scientifique portent principalement sur le développement d’un vaccin. Plusieurs mois après l’identification du SARS-CoV-2 et son séquençage génétique, plus de 140 candidats vaccins ont été recensés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dix-sept d’entre eux sont déjà en développement clinique.

Pour évaluer la sécurité et l’efficacité de ces vaccins potentiels, la mise en place d’essais cliniques rigoureux est plus que jamais nécessaire.

Fondé par l’Inserm en 2007 et labellisé réseau d’excellence par son infrastructure nationale F-CRIN[1] en 2013, le réseau national d’investigation clinique en vaccinologie I-REIVAC bénéficie d’une grande expérience en recherche clinique vaccinale et d’une visibilité auprès des industriels, ce qui en fait un acteur incontournable pour l’organisation de tels essais.

Constitué de 24 centres cliniques hospitaliers répartis sur tout le territoire français, il permet en outre une participation étendue de la population française aux essais vaccinaux. Fort de cette légitimité, ce réseau sera la structure d’appui au projet baptisé COVIREIVAC, qui devrait permettre une évaluation clinique de qualité des différents candidats vaccins contre le Covid-19.

Un « guichet unique » pour la France

Ce projet part du constat que l’accès de la France aux candidats les plus prometteurs ne sera possible qu’en mettant en place un « guichet unique » au service des industriels et des académiques permettant d’évaluer ces produits, de garantir la faisabilité des essais cliniques auprès des industriels concernés et de négocier les conditions de production et de marchés. Cette approche implique à la fois l’instauration d’un « comité scientifique » chargé de réaliser une évaluation scientifique et stratégique des différents candidats vaccins, et le développement d’une plateforme nationale d’évaluation clinique des candidats vaccins Covid-19.

Présidé par la directrice de recherche Inserm et membre du comité CARE, Marie-Paule Kieny, le comité scientifique s’intéresse notamment aux caractéristiques des vaccins candidats qui pourraient donner des indications sur leur efficacité, leur sécurité et la capacité de production pour identifier les produits les plus intéressants. Il travaille en lien étroit avec la nouvelle plateforme vaccinale, sous la direction de la coordinatrice d’I-REIVAC Odile Launay, professeur en maladies infectieuses et tropicales à l’Université de Paris et coordinatrice du CIC Cochin Pasteur à l’hôpital Cochin (AP-HP), pour tester les vaccins lors d’essais cliniques rigoureux, pouvant inclure plusieurs centaines de participants.

Avec le soutien du réseau REACTing, de Santé publique France, des CHU et du collège national des généralistes enseignants et afin d’accroître les capacités de participation du réseau aux essais vaccinaux Covid-19, la plateforme vaccinale aura pour objectif de constituer un pool de participants potentiels et d’augmenter le nombre de centres pouvant les accueillir.

Un suivi des potentiels effets secondaires, grâce à une collaboration étroite avec des réseaux de médecins généralistes et l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), sera également proposé.

« Faire face à la gravité de la pandémie de Covid-19 suppose d’assurer un accès aussi large que possible à la population française et européenne aux futurs vaccins. Grâce à un réseau vaccinal déjà existant, le projet COVIREIVAC peut conférer à la France l’attractivité nécessaire pour garantir une participation active aux grands essais vaccinaux et un accès précoce aux meilleurs candidats vaccins », précise Gilles Bloch, PDG de l’Inserm.

À plus long terme, l’initiative permettra aussi d’apporter des informations indispensables sur la sécurité de ces vaccins et sur la persistance de leur efficacité. Une collaboration avec d’autres pays européens, pour étendre le dispositif et permettre des essais cliniques de plus grande ampleur, est également envisagée.

Ce projet bénéficie d’un soutien financier du Ministère des solidarités et de la santé et du Ministère de la recherche et de l’innovation.

[1] French Clinical Research Infrastructure Network

 

Maladie de Huntington : des anomalies cérébrales détectables dès le stade embryonnaire

Coupe de cerveau humain (cortex). Les cellules progénitrices en magenta sont moins engagées dans la différenciation neuronale que celles en vert © Monia Barnat/Grenoble Institut des Neurosciences/Inserm, Université Grenoble Alpes

La maladie de Huntington est une maladie neurologique génétique qui apparaît généralement à l’âge adulte. Des équipes de chercheurs et de cliniciens de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes, de Sorbonne Université, du CNRS et de l’AP-HP, au Grenoble Institut des neurosciences et à l’Institut du cerveau, ont découvert des anomalies cérébrales dans des cerveaux d’embryons humains porteurs de la mutation responsable de la maladie de Huntington. Ces travaux à paraître dans Science interrogent sur les mécanismes de progression silencieuse de la maladie et sur le moment et la façon de traiter les patients dans le futur.

La maladie de Huntington est une maladie génétique du système nerveux central, rare et héréditaire. Elle se manifeste habituellement entre les âges de 30 et 50 ans par des troubles psychiatriques, cognitifs et moteurs qui s’aggravent progressivement. Elle est due à la mutation du gène codant pour une protéine nommée huntingtine et se transmet sur un mode dit « autosomique dominant » : hériter d’une seule copie pathologique est suffisant pour développer la maladie. Environ 18 000 personnes sont concernées en France : 6 000 présentent déjà des symptômes et près de 12 000 présentent le gène porteur de la mutation mais sont asymptomatiques.

Les équipes de Sandrine Humbert, directrice de recherche Inserm au Grenoble Institut des neurosciences (Inserm/Université Grenoble Alpes), et Alexandra Durr, professeur des universités-praticien hospitalier à Sorbonne Université, à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière – AP-HP et à l’Institut du cerveau (Inserm/Sorbonne Université/CNRS/AP-HP), s’intéressent aux stades précoces de la maladie de Huntington et à la longue période qui précède l’apparition des symptômes. Dans de nouveaux travaux publiés dans Science, elles se sont penchées sur le moment auquel pourraient survenir les anomalies cérébrales.

Les équipes de recherche ont étudié des cerveaux d’embryons humains de 13 semaines, issus de dons des parents suite à une interruption médicale de grossesse. Elles ont observé plusieurs différences entre des embryons porteurs de la mutation du gène codant pour la huntingtine et d’autres non porteurs.

Chez les premiers, la protéine huntingtine pathologique est anormalement localisée dans les cellules progénitrices à l’origine des neurones du cortex. Cette localisation anormale est associée, entre autres, à des problèmes de localisation de protéines de jonction dans ces cellules et à des altérations de taille, de densité et d’orientation du cil, un organite essentiel au fonctionnement de ces cellules. Ces anomalies perturbent l’équilibre « division-différenciation » des cellules progénitrices. Celles-ci sont en effet issues d’un réservoir de cellules en division dont une partie se différencie en neurones tandis que l’autre continue de se diviser pour fournir de nouvelles cellules progénitrices. Chez les embryons porteurs de la mutation, ces cellules progénitrices entrent plus vite en différenciation au dépend du réservoir de cellules en division.  

Les chercheurs ont renouvelé l’expérience avec un modèle de souris de la maladie de Huntington à un stade équivalent de développement embryonnaire et ont retrouvé les mêmes anomalies. Ce travail leur a ainsi permis de valider ce modèle animal pour poursuivre l’exploration des mécanismes précoces de la maladie à d’autres stades du développement embryonnaire ou après la naissance.

« C’est la première fois que des anomalies du développement cérébral sont mises en évidence dans cette maladie. De plus, celles-ci sont relativement importantes et étendues bien que nous ne soyons pas encore capables de déterminer leurs conséquences directes », clarifient Sandrine Humbert et Alexandra Durr qui ont dirigé ces travaux.

Mais pourquoi les porteurs de la mutation ne manifestent-ils alors aucun symptôme avant un âge avancé ? « À ce stade, nous posons l’hypothèse que le cerveau met très tôt en place des mécanismes de compensation qui permettent un fonctionnement normal. Il se pourrait d’ailleurs qu’il en soit de même chez les personnes porteuses de mutations associées à d’autres types de dégénérescence comme la maladie d’Alzheimer ou la sclérose latérale amyotrophique », précisent les chercheuses.

Celles-ci vont maintenant poursuivre la description du développement cérébral chez des souris modèles de la maladie de Huntington, tenter de comprendre comment ces défauts précoces contribuent à la pathologie adulte, et comment la compensation de ces derniers pourrait être régulée pendant toute la période silencieuse sans symptômes. « Cette découverte a en outre des conséquences importantes sur la façon et le stade auxquels les traitements qui modifient le cours de la maladie doivent désormais être envisagés », concluent-elles.

Coupe de cerveau humain (cortex)

Coupe de cerveau humain (cortex). À gauche, les noyaux sont marqués en bleu; à droite, les cellules progénitrices en magenta sont moins engagées dans la différenciation neuronale que celles en vert.

©Monia Barnat/Grenoble Institut des Neurosciences/Inserm, Université Grenoble Alpes

Identification d’une signature sanguine prédictive de formes sévères de Covid-19

Image de microscopie du Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines©M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Quel patient va développer une forme grave de Covid-19 ? C’est une question essentielle à laquelle il faut répondre pour améliorer la prise en charge individuelle et le pronostic de ces patients. Dans une publication parue dans Science le 13 juillet, des équipes de l’Inserm et d’Université de Paris à l’Institut Imagine et des chercheurs de l’APHP et de l’Institut Pasteur décrivent un phénotype immunologique unique et inattendu chez les patients graves et critiques, consistant en une réponse fortement altérée des interférons (IFN) de type I, associée à une charge virale sanguine persistante et à une réponse inflammatoire excessive. Ces données suggèrent que la déficience en IFN de type I dans le sang pourrait être la marque des formes graves de Covid-19 et soulignent l’intérêt d’approches thérapeutiques associant l’administration précoce d’IFN avec une thérapie anti-inflammatoire adaptée ciblant l’IL-6 ou le TNF-α chez les patients en prévention d’une forme sévère.

Environ 5 % des personnes atteintes de Covid-19 évoluent vers une forme grave ou critique et développent notamment une pneumonie sévère se transformant en syndrome de détresse respiratoire aiguë. Si ces formes surviennent parfois au début de la maladie, les observations cliniques décrivent généralement une progression de celle-ci en deux étapes, commençant par une forme légère à modérée, suivie d’une aggravation respiratoire 9 à 12 jours après l’apparition des premiers symptômes. Cette évolution soudaine suggère une dérégulation de la réponse inflammatoire de l’hôte. Un nombre croissant d’indications suggère que cette aggravation est provoquée par une forte augmentation des cytokines. Cet emballement de la réponse inflammatoire est corrélé à une infiltration massive dans les poumons de cellules immunitaires innées, à savoir des neutrophiles et des monocytes, créant des lésions pulmonaires et un syndrome de détresse respiratoire aigu.

Par analogie avec une maladie génétique conduisant à une pathologie pulmonaire semblable et identifiée à l’institut Imagine par l’équipe du chercheur Inserm Frédéric Rieux-Laucat, l’hypothèse initiale supposait une production excessive des interférons (IFN) de type 1, un marqueur de la réponse aux infections. Or chez les patients gravement malades, les équipes de Darragh Duffy (Unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques, Institut Pasteur/Inserm), de Frédéric Rieux-Laucat (Laboratoire d’immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques de l’Institut Imagine – Inserm/Université de Paris), de Solen Kernéis (Equipe Mobile d’Infectiologie, AP-HP.Centre – Université de Paris) et de Benjamin Terrier (Département de Médecine Interne, AP-HP. Centre – Université de Paris) montrent que la production et l’activité des IFN de type I sont fortement diminuées dans les formes les plus sévères de la Covid-19.

A cela s’ajoute une charge virale sanguine persistante, témoignant du mauvais contrôle de la réplication virale par le système immunitaire des patients et conduisant à l’emballement d’une réponse inflammatoire inefficace et pathologique.

L’inflammation, provoquée par le facteur de transcription NF-kB, entraîne par ailleurs une augmentation de la production et de la signalisation du facteur de nécrose tumorale (TNF)-alpha et de l’interleukine IL-6, une cytokine pro-inflammatoire. 

Un taux d’IFN de type 1 caractéristique de chaque stade de la maladie

Cette faible signature des IFN de type I diffère de la réponse induite par d’autres virus respiratoires tels que le virus respiratoire syncitial humain ou le virus de la grippe A, tous deux caractérisés par une forte production de l’IFN de type I.

L’étude révèle par ailleurs que de faibles taux d’IFN de type 1 dans le plasma précèdent l’aggravation clinique des patients et leur transfert en soins intensifs. Les taux d’IFN de type 1 circulant caractériseraient même chaque stade de maladie, les taux les plus bas étant observés chez les patients les plus graves. Ces résultats suggèrent que dans l’infection à SARS-CoV-2 la production de l’IFN de type I est freinée chez l’hôte infecté, ce qui pourrait expliquer les formes sévères plus fréquentes chez des individus faiblement producteurs de cette cytokine, comme les personnes âgées ou ceux ayant des comorbidités.

Par conséquent, la déficience en IFN de type I pourrait être une signature des formes graves de la Covid-19 et pourrait permettre d’identifier une population à haut risque.

Ces résultats suggèrent en outre que l’administration d’IFN-alpha combinée avec une thérapie anti-inflammatoire ciblant l’IL-6 ou le TNF-α, ou des corticoïdes comme la dexamethasone, chez les patients les plus sévères pourrait être une piste thérapeutique à évaluer pour enrayer les formes sévères de Covid-19.

 

Une autre étude menée par le chercheur David Smadja au sein du laboratoire Innovations thérapeutiques en hémostase (Inserm/Université de Paris) a permis d’identifier deux autres biomarqueurs pour repérer les patients hospitalisés les plus à risque. Il s’agit de marqueurs de sévérité différents et complémentaires de ceux mis en avant dans cette nouvelle publication dans la revue Science.

En effet, les marqueurs mis en évidence par David Smadja et ses collègues sont des témoins d’une souffrance vasculaire qui corrèle avec la sévérité de la maladie de Covid-19. Ceux identifiés par Frédéric Rieux-Laucat et ses collègues mettent plutôt en évidence une mauvaise réponse du système immunitaire  « inné », avec une faible production des interférons de type I chez les patients les plus sévères.

Il est possible que cette mauvaise réponse immunitaire, qui est associée à une réplication virale plus importante, permette un effet pathogène plus important du virus sur le tissu endothélial, libérant alors les marqueurs identifiés par l’équipe de David Smadja.

Des cellules cérébrales en forme d’étoile éclairent le lien entre consommation de cannabis et sociabilité

Dans une culture de neurones cohabitent des cellules nourricières, les astrocytes (cellule étoilée au centre en rouge). Marquage de la tubuline en vert, de l’actine en rouge, des noyaux en bleu. Les chercheurs se sont intéressés à ces cellules pour comprendre l’impact de la consommation de cannabis sur la sociabilité. ©Inserm/Saoudi, Yasmina/Ballet, Sandrine

La consommation de cannabis peut mener à des changements comportementaux et notamment à une réduction des interactions sociales chez certains individus. Pour mieux comprendre le phénomène, le chercheur Inserm Giovanni Marsicano et son équipe du NeuroCentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux), en collaboration avec l’équipe de Juan Bolaños de l’université de Salamanque, ont identifié pour la première fois chez la souris les mécanismes cérébraux qui sous-tendent la relation entre cannabis et diminution de la sociabilité. Leurs résultats sont publiés dans la revue Nature.

Une exposition régulière au cannabis pourrait avoir un impact délétère sur la sociabilité. Chez certains consommateurs, des études montrent qu’elle entraînerait un repli sur soi et une diminution des interactions sociales. Toutefois, le réseau cérébral et les mécanismes impliqués dans cette relation n’étaient pas bien connus jusqu’ici.

Afin d’en apprendre plus sur le sujet, une équipe de recherche menée par le chercheur Inserm Giovanni Marsicano au NeuroCentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux)[1] s’est alliée avec une équipe espagnole de l’université de Salamanque menée par Juan Bolaños[2].

Plus largement, leurs travaux visent à améliorer les connaissances sur le fonctionnement des récepteurs cannabinoïdes (les récepteurs cérébraux qui interagissent avec les composés chimiques du cannabis).

Dans leur étude publiée dans le journal Nature, les chercheurs montrent qu’après une exposition au cannabis, les changements comportementaux liés à la sociabilité interviennent suite à l’activation de récepteurs cannabinoïdes spécifiques, localisés dans des cellules du système nerveux central appelées astrocytes dont la forme rappelle celle d’une étoile.

Récepteurs cannabinoïdes et mitochondries

Ces résultats sont le fruit de travaux remontant à près d’une décennie. En 2012, Giovanni Marsicano et son équipe avaient en effet fait une découverte surprenante : les récepteurs cannabinoïdes ne sont pas seulement présents sur la membrane des cellules, comme on le croyait jusque-là. Certains de ces récepteurs sont également localisés sur la membrane des mitochondries, les organelles intracellulaires dont le rôle est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin.

Cette nouvelle étude intervient après l’identification par l’équipe de récepteurs cannabinoïdes localisés sur la membrane des mitochondries présentes dans les astrocytes. Entre autres fonctions, ces cellules jouent un rôle très important dans le métabolisme énergétique du cerveau. Elles captent en effet le glucose dans le sang et le métabolisent en lactate, qui agit comme une « nourriture » pour les neurones. « Etant donné l’importance des astrocytes et de l’utilisation de l’énergie pour le fonctionnement cérébral, nous avons voulu comprendre le rôle de ces récepteurs cannabinoïdes bien particuliers, et les conséquences sur le cerveau et sur le comportement lorsqu’ils sont exposés au cannabis », explique Giovanni Marsicano.

Les chercheurs ont alors exposé des souris au cannabinoïde THC, le principal composé psychoactif du cannabis. Ils ont observé que l’activation persistante des récepteurs cannabinoïdes mitochondriaux situés dans les astrocytes entraînait une cascade de processus moléculaires menant à un dysfonctionnement du métabolisme du glucose dans les astrocytes.

En conséquence, la capacité des astrocytes à transformer le glucose en « nourriture » pour les neurones était réduite. En l’absence d’apports énergétiques nécessaires, le fonctionnement des neurones était compromis chez les animaux, avec un impact délétère sur le comportement. Les interactions sociales étaient notamment diminuées et ce jusqu’à 24h après l’exposition au THC.

« Notre étude est la première à montrer que la baisse de sociabilité parfois associée à la consommation de cannabis est la conséquence d’une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau. Elle ouvre aussi de nouvelles pistes de recherche pour trouver des solutions thérapeutiques afin de pallier certains des problèmes comportementaux résultant d’une exposition au cannabis. En plus, elle révèle l’impact direct du métabolisme énergétique des astrocytes sur le comportement », précise Giovanni Marsicano.

A l’heure où le débat autour du cannabis thérapeutique revient sur le devant de la scène, les chercheurs estiment aussi que ce type de recherche est nécessaire pour mieux comprendre la manière dont les différents récepteurs cannabinoïdes de l’organisme interagissent avec la drogue, et si certains d’entre eux sont particulièrement associés à des effets délétères. De tels travaux permettraient en effet d’assurer une prise en charge optimale pour les patients qui pourraient avoir recours à ce type de thérapie.

 

[1] Avec Arnau Busquets-Garcia (maintenant à Barcelone, Espagne) et Etienne Hebert-Chatelain (maintenant à Moncton, Canada)

[2] Avec Daniel Jimenez-Blasco

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