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Progéria – Découverte du mécanisme moléculaire qui préserve les cellules neurales du vieillissement accéléré

L’équipe de Xavier Nissan à l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (ISTEM- UEVE U861/Inserm/ AFM) dirigé par le Dr Marc Peschanski, est parvenue à identifier un mécanisme moléculaire qui, dans la progéria, protège les cellules neurales d’un vieillissement accéléré. Ce travail, mené en collaboration avec l’équipe de Nicolas Lévy (Unité Inserm/UMRS910, Faculté de Médecine La Timone – Université de la Méditerranée), a été réalisé grâce aux cellules souches iPS (1). Il permet de comprendre pourquoi les fonctions cognitives des patients atteints de cette maladie sont préservées. L’article est publié en ligne le 21 juin 2012 dans la revue Cell Reports et a été financé notamment par l’AFM-Téléthon.

Le syndrome de Hutchinson-Gilford, connu sous le nom de progéria, est une maladie génétique très rare (une centaine de cas dans le monde) qui induit un vieillissement prématuré et accéléré des patients. La mutation à l’origine de ce syndrome affecte le gène LMNA qui code pour les protéines dites « lamines » A et C. Les lamines interviennent dans le maintien de la structure de la membrane des noyaux cellulaires. Elles donnent au noyau sa forme, la rend rigide et permet les communications à l’intérieur des cellules. Dans le cas de la progéria, c’est la lamine A qui est défaillante. Sous sa forme mutée, elle devient toxique et détériore les membranes du noyau, perturbe le message et cause le vieillissement accéléré des cellules (Figure 1). C’est en 2003 que l’origine de cette maladie a été mise en évidence par l’équipe du Dr Nicolas Lévy, à partir de travaux déjà financés à l’époque par le Téléthon.

Marquage de la lamine A/C (en rouge) dans des noyaux de cellules contrôles et progéria.

L’évolution de ce syndrome est fulgurante : on estime que, chaque année, les enfants atteints vieillissent de plus de dix ans, conduisant à leur décès prématuré entre 13 et 16 ans. Ce vieillissement accéléré touche la plupart des tissus : la peau, les vaisseaux sanguins, le cœur, les os ou encore les muscles. Très rapidement, les patients souffrent de troubles musculaires et squelettiques, d’un retard de croissance (la taille des malades ne dépassant pas 110 cm pour un poids de 15 kg). En revanche, les enfants atteints ne perdent aucune de leurs capacités cognitives, ce qui a depuis toujours été considéré comme un phénomène surprenant, au vu de l’atteinte générale dont ils sont victimes par ailleurs.

Une stratégie efficace

Les équipes d’I-Stem multiplient les succès dans la maitrise du potentiel thérapeutique des cellules souches (embryonnaires ou iPS) comme dans l’identification des mécanismes moléculaires impliqués dans des pathologies rares (2). Cette fois, les chercheurs se sont penchés sur les mécanismes moléculaires impliqués dans la progéria. Partant du constat que dans ce syndrome, seules les cellules neurales étaient préservées du vieillissement accéléré, les chercheurs ont formulé l’hypothèse selon laquelle un mécanisme moléculaire physiologique présent de façon spécifique dans le système nerveux pouvait expliquer le phénomène. Ils ont identifié ce mécanisme sous la forme d’un contrôle épigénétique inhibiteur de l’expression du gène LMNA, assuré par un microARN qui est naturellement exprimé massivement et uniquement dans les neurones.

Mir9 préserve les cellules neurales

Pour comprendre les mécanismes moléculaires de la progéria, les équipes d’Evry et de Marseille ont prélevé des échantillons de peau chez des malades et en ont dérivé des cellules souches iPS. Ces cellules iPS ont ensuite été différenciées en plusieurs types cellulaires (cellules de peau, d’os, du muscle et du cerveau), ce qui a permis d’observer que toutes ces cellules exprimaient la protéine responsable de ce syndrome (la lamine A) à l’exception d’une, les cellules nerveuses, qui en étaient dépourvus (Figure 2). La préservation des cellules neurales chez les patients atteints de progeria tenait donc à l’absence d’expression du gène LMNA. L’origine de cette absence d’expression restait toutefois inconnue.

Neurones dérivés de cellules souches induites à la pluripotence à partir de prélèvements réalisés chez des patients atteints de progeria. L’ADN est marqué en bleu, les neurones en vert (marquage de la protéine Tuj1). Le marquage de la lamine A devrait être en rouge, mais il est totalement absent dans cette population cellulaire. 

Xavier Nissan, I-Stem

Neurones dérivés de cellules iPS progeria

Neurones dérivés de cellules souches induites à la pluripotence à partir de prélèvements réalisés chez des patients atteints de progeria. L’ADN est marqué en bleu, les neurones en vert (marquage de la protéine Tuj1). Le marquage de la lamine A devrait être en rouge, mais il est totalement absent dans cette population cellulaire.

« Nous avions démontré que les neurones présentaient une particularité qui les protégeait du vieillissement accéléré observé dans la progeria. Il restait ensuite à comprendre les mécanismes qui conduisaient à cette absence d’expression de la lamine A au niveau neural. » explique Xavier Nissan. « Pour répondre à cette question, nous sommes partis à la recherche des facteurs qui pouvaient bloquer spécifiquement l’expression de ce gène au niveau du système nerveux central et c’est là que nous avons identifié miR-9 ». Les chercheurs ont en effet mis en évidence le rôle de ce petit ARN, miR-9, membre d’une vaste famille de modulateurs épigénétiques.

« Plusieurs informations nous ont laissé penser que miR-9 était un suspect idéal. D’abord parce que, des travaux précédents avaient montré qu’il était un des microARNs les plus abondants dans les neurones, et ensuite parce qu’il présente la particularité de n’être présent à cette concentration dans aucune autre cellule de l’organisme ». Ainsi, grâce à des manipulations diverses de son expression – en augmentant ou en abaissant sa concentration dans divers types cellulaires – les chercheurs ont non seulement confirmé qu’il contrôlait bien la production de lamine A au niveau de neurones mais également qu’il pouvait corriger les désordres moléculaires associés à la maladie, en restaurant une morphologie normale des noyaux.

L’objectif du Dr Xavier Nissan et de son équipe est désormais de trouver un moyen pour utiliser ou imiter le microARN 9 à des fins thérapeutiques. Plusieurs travaux dans ce sens ont été lancés cette année dans les laboratoires d’I-Stem.

Notes :

(1) Les cellules souches pluripotentes induites (iPS: Induced Pluripotent Stem cells) sont des cellules adultes reprogrammées génétiquement de façon à leur conférer des propriétés similaires à celles de cellules souches embryonnaires. Elles permettent aux chercheurs de disposer d’une source de cellules reproductibles à l’infini en laboratoire, à partir desquelles on peut à volonté créer des populations cellulaires matures en appliquant des protocoles de différenciation.
(2) Novembre 2009 – Première reconstitution d’un épiderme à partir de cellules souches embryonnaires humaines
Août 2011 – Une peau pigmentée grâce aux cellules souches
Mars 2011 – Identification des mécanismes jusqu’alors inconnus impliqués dans la dystrophie myotonique de Steinert.

ADN tumoral circulant dans le sang : un nouveau biomarqueur du cancer

Repérer le plus tôt possible l’apparition de cancers ou leur rechute est l’un des enjeux de la cancérologie. Malgré les progrès de l’imagerie, la récidive de la tumeur doit avoir atteint une taille suffisante pour être visible. A l’Institut Curie, un travail co-dirigé par deux médecins chercheurs, Marc-Henri Stern et Olivier Lantz (U830 et U9323 Inserm/Institut Curie), montrent pour la première fois qu’il est possible de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang de patients atteints de mélanome de l’oeil métastatique. Sa présence révèle l’existence d’une tumeur et sa quantité reflète sa taille : ceci en fait un nouveau biomarqueur susceptible de repérer très tôt la présence d’une tumeur ou d’une récidive.

Bien que réalisée sur un nombre limité de patients atteints d’une maladie rare, cette étude mise en ligne dans Clinical Cancer Research est une preuve de concept de la faisabilité et de l’intérêt clinique de la détection et de la quantification de l’ADN tumoral dans le sang. Cette technique pourrait être appliquée à n’importe quel type tumoral à partir du moment où une altération génétique spécifique a été identifiée.

Malgré les progrès dans la prise en charge initiale des mélanomes de l’oeil, ce cancer est, une fois disséminé, très difficile à traiter. L’un des espoirs est de pouvoir proposer le plus tôt possible un traitement aux patients présentant une dissémination tumorale. Mais à ce jour, les techniques d’imagerie et de biologie ne peuvent révéler que des métastases ayant déjà une taille importante. D’où l’idée des chercheurs de l’Institut Curie de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang des patients.

A partir d’une prise de sang, les chercheurs détectent de l’ADN tumoral dans le sang : sa présence est la preuve de l’existence d’un foyer tumoral. © Phovoir

Détecter l’ADN circulant dans le sang : une nouvelle méthode « simple » applicable à tous les cancers

Il existe en effet un phénomène naturel de dégradation des cellules normales ou tumorales dans l’organisme et ce, afin d’assurer le renouvellement des tissus. Les cellules sont dégradées et une partie de leur matériel génétique se retrouve dans le sang. Donc, comme l’explique Marc-Henri Stern (1), « si de l’ADN tumoral est détecté, cela signifie que des cellules tumorales sont présentes dans l’organisme. »

Un travail co-dirigé par Olivier Lantz (2) et Marc-Henri Stern 1 s’est attelée à mettre au point une technique utilisable en clinique pour détecter l’ADN tumoral dans le sang sachant que celui-ci est en très faible quantité par rapport à l’ADN normal issu des autres cellules. Dans un premier temps, il a fallu déterminer comment distinguer l’ADN tumoral. « L’ADN tumoral possède les mêmes altérations que la tumeur primitive. La présence de ces mutations génétiques, en l’occurrence une altération dans les gènes GNAQ ou GNA11 très fréquentes dans ce type de cancer, est la marque de l’origine de l’ADN. » explique Olivier Lantz 2.

Les chercheurs ont ensuite eu recours à la méthode appelée « polymérisation activée par pyrophosphorolyse » (PAP), basée sur la réaction en chaîne par polymérase, pour détecter la présence de 3 mutations ponctuelles dans ces deux gènes. Cette technique allie sensibilité et spécificité puisqu’elle permet d’identifier une mutation ponctuelle dans un gène au milieu d’une quantité d’ADN équivalente à plus de 10 000 génomes entiers de cellule. Cette technique est simple, peu coûteuse et peut être mise en oeuvre dans n’importe quel laboratoire de biologie moléculaire clinique.

D’un point de vue clinique, de l’ADN tumoral a été détecté dans les prélèvements sanguins de 20 des 21 patients ayant un mélanome de l’oeil métastatique. « Par ailleurs la quantité de cet ADN était proportionnelle à la masse tumorale évaluée par imagerie par résonance magnétique (IRM) » ajoute Marc-Henri Stern. « Nous avons ainsi établi la preuve de concept que cette méthode de détection est parfaitement adaptée pour repérer la présence d’un foyer tumoral chez les patients à partir d’une simple prise de sang » complète Olivier Lantz.

Des études complémentaires sont dores et déjà prévues pour évaluer la valeur pronostique de ce nouveau biomarqueur en fonction du stade d’évolution des mélanomes de l’oeil.

Des thérapies ciblées étant en cours de développement pour cette tumeur, la recherche de l’ADN tumoral pourrait permettre de repérer très tôt une rechute – de petite taille – et donc les patients susceptibles d’en bénéficier de manière optimale, avec en prime la possibilité d’évaluer son efficacité en observant une éventuelle diminution du taux d’ADN tumoral circulant dans le sang.

Mais l’avenir de cette technique va bien au-delà du mélanome de l’oeil, puisqu’elle pourrait s’appliquer à tous les cancers chez lesquels une mutation spécifique a été identifiée.

Mélanomes de l’oeil : l’expertise de l’Institut Curie

Le mélanome de l’oeil est le cancer de l’oeil le plus fréquent chez l’adulte, avec 500 à 600 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. L’Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge de cette pathologie avec plus de la moitié des patients français traités chaque année.

L’une des préoccupations majeures est la préservation de la vue. Les traitements conservateurs, qui permettent de détruire ou d’enlever la tumeur en conservant le globe oculaire, sont essentiellement basés sur la chirurgie, la protonthérapie et la curiethérapie. Si la tumeur est trop volumineuse, le traitement conservateur n’est pas toujours réalisable et une ablation chirurgicale de l’oeil (énucléation) est parfois nécessaire.

Lors du diagnostic d’un mélanome de l’oeil, il est assez rare de déceler la présence de métastases. Toutefois, 10 ans – et parfois jusqu’à 20 ans – après le diagnostic, des métastases sont décelées chez 30 à 50 % des patients.

L’uvée ne possédant pas de système lymphatique, les cellules tumorales ne se propagent que par le système sanguin. Dans plus de 80 % des cas, seul le foie est atteint. Plus rarement et plus tardivement, des métastases se développent au niveau des os, de la peau ou des poumons.

1 MH Stern est directeur de recherche Inserm, médecin expert en génétique et chef de l’équipe Génomique et biologie des cancers du sein héréditaires dans l’unité U830 Inserm/Institut Curie.

2 O. Lantz est médecin spécialiste en immunologie à l’hôpital de l’Institut Curie et chef de l’équipe Lymphocyte T CD4+ et réponse anti-tumorale dans l’unité U932 inserm/Institut Curie

Les bases neurobiologiques de l’anxiété

Une journée scientifique intitulée « Neurobiological basis of Anxiety disorders » réunit lundi 18 juin à Paris les scientifiques des 6 organismes partenaires de DEVANX [1], projet européen coordonné par l’Inserm, démarré en 2008. L’occasion de faire un point sur l’état des connaissances acquises sur les bases neurobiologiques de l’anxiété.

La connaissance des circuits cérébraux et les molécules-clés impliqués dans les manifestations de l’anxiété a fait de grand progrès depuis quelques années. L’utilisation de modèles animaux a beaucoup contribué à cette compréhension. Chez la souris, il est ainsi possible d’observer les changements comportementaux  qui interviennent dans les situations de conflit émotionnel, par exemple comment l’animal va choisir entre l’exploration d’un espace neuf (curiosité) et le repli sur soi (peur). L’étude de l’animal dans une situation de peur apprise a aussi été bien décrite : comment l’animal va apprendre à associer un environnement neutre avec un danger potentiel.

La sérotonine et le GABA sont les 2 principales molécules « messagères » entre les neurones (« neurotransmetteurs »)  qui sont impliquées dans les états anxieux. Ce sont de fait les cibles communes des médicaments « anxiolytiques ».

Mais le rôle exact de ces molécules, leurs interactions avec l’environnement sont encore à préciser. L’apport de la génétique et les nouvelles données concernant la plasticité du cerveau doivent s’intégrer à la compréhension chaque jour plus fine des mécanismes en jeu. Patricia Gaspar et Laurence Lanfumey, directrices de recherche Inserm – coordinatrices du projet DEVANX – et leurs collègues, ont cherché à aborder l’étude des bases neurobiologique de l’anxiété sous divers angles.

1.   LES ASPECTS PHARMACOLOGIQUES

Les récepteurs GABAb, présents sur les neurones, sont des cibles de nouvelles molécules dont le mode d’action est complètement différent des anxiolytiques classiques (benzodiazépines) qui, quant à eux, agissent sur les récepteurs GABAa. La connaissance de la structure et de la fonction des récepteurs GABAb, ainsi que leurs interactions avec le système sérotoninergique permet de proposer des nouvelles cibles thérapeutiques.

En particulier l’équipe de Benny Bettler, membre du consortium DEVANX localisé en Suisse, a montré que les récepteurs GABAb sont des hétérodimères (assemblage de 2 sous unités différentes de récepteurs) qui possèdent des protéines partenaires pouvant modifier leurs propriétés de couplage. Les propriétés pharmacologiques des récepteurs GABAb varient en fonction de l’organisation des protéines partenaires. D’un point de vue thérapeutique, la modulation positive de ces récepteurs représente une possible stratégie pour le développement de nouveaux anxiolytiques. John Cryan, partenaire du consortium DEVANX en Irlande, a montré que le blocage des récepteurs GABAb induit en effet la diminution d’un comportement dépressif. Dans ce cadre, l’équipe de Laurence Lanfumey à Paris a étudié le lien entre les récepteurs GABAb et le système sérotoninergique.

Sous unités du récepteur GABAB : GABAB1a, GABAB1b et GABAB2.

© Gassmann et Bettler, 2012

Ces sous unités sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplées aux protéines G via la sous unité GABAB2 .Les sous unités GABAB1a et GABAB1b diffèrent entre elles par la présence de deux domaines terminaux (sushi-domain) sur la sous unitéGABAB1a.

2.   LE RÔLE DE LA SÉROTONINE

Chez les personnes souffrant de dépression, d’attaques de panique, d’anxiété, ou de phobies, un traitement permettant d’augmenter le niveau de sérotonine réduit ces pathologies.

Cependant, peu de données étaient disponibles sur la cause initiale de ce manque de sérotonine, déclencheur de ces troubles. C’est pourquoi différents modèles animaux sont nécessaires aux chercheurs pour découvrir et analyser les différentes situations d’un cerveau « pauvre » en sérotonine.

La sérotonine est impliquée dans de nombreux rôles physiologiques : rythmes veille-sommeil, impulsivité, appétit, douleur, comportement sexuel, et anxiété. Son action est médiée par près d’une quinzaine de  sous-types de récepteurs différents.

Le système sérotoninergique est en fait multiple : il est présent dans le système nerveux central (dans les  noyaux du raphé dans le cerveau) et périphérique (dans les cellules entérochromaffines du tube digestif).

La « spécialisation » de neurones en « neurones à sérotonine » est contrôlée par différents facteurs moléculaires, selon leur localisation, et ne se fait pas aux mêmes moments du développement.

Une des études réalisées par les spécialistes de la génétique au sein du projet DEVANX a consisté à cibler de manière conditionnelle la production de sérotonine à un temps donné, dans une localisation choisie. L’équipe de Dusan Bartsch, partenaire DEVANX localisé à Mannheim, a par exemple produit des modèles de souris génétiquement modifiées qui permettent de diminuer la sérotonine à différents temps de la vie, en créant des modèles dits inductibles (l’extinction d’un gène peut être induite par l’administration d’une drogue). L’équipe de Patricia Gaspar à Paris a caractérisé des mutations dans lesquelles seule une partie des neurones sérotoninergiques est atteinte (mutation d’un facteur de transcription pet1). Chez ces souris, l’équipe a observé que l’anxiété spontanée était diminuée, mais leur conditionnement à la peur accru. Ainsi, le défaut de sérotonine centrale pourrait contribuer à associer plus facilement une réaction de panique avec des situations neutres.

3.   LES AUTRES CIRCUITS EN JEU : CIRCUITS DE LA PEUR

Les connexions avec des travaux sur la peur et les derniers enseignements d’un point de vue neurocomportemental permettent de croiser les approches.

Il apparaît de plus en plus que ce sont des circuits neuronaux normaux de réaction à l’environnement qui sont détournés ou amplifiés de manière pathologique dans l’anxiété. Dès lors, il est très important de comprendre et d’analyser le fonctionnement de ces circuits chez les animaux « en situation ». A terme, l’objectif consiste à trouver les moyens de « déconditionner » certains circuits cérébraux anormalement ou excessivement activés.

Les nouvelles approches de la physiologie sur l’animal vigile et de pharmacogénétique ont permis des avancées dans ce domaine. Par exemple le laboratoire d’Agnés Gruart à Séville, une des équipes partenaires de DEVANX, a enregistré différents neurones des circuits hippocampiques dans des situations d’apprentissage de la peur et ont observé l’effet de la modification du message médié par le GABAb et la sérotonine. Le laboratoire de Cornelius Gross à l’EMBL de Rome, a montré que l’on pouvait utiliser des récepteurs sérotoninergiques (5-HT1A) exprimés dans différentes régions cérébrales pour abolir transitoirement l’activité des circuits neuronaux très spécifiques. Ceci lui a permis de préciser les circuits hippocampiques et amygdaliens impliqués dans le phénomène de généralisation de la peur.

 

 

La recherche dans le domaine de l’anxiété, comme dans de nombreux domaines des Neurosciences, met à profit des approches intégrées, qui nécessitent des expertises multiples. Les études moléculaires doivent à présent impérativement s’intégrer dans le contexte de l’animal entier qui exprime des comportements les plus proches possibles de situations physiologiques, tout en étant rigoureusement contrôlées sur le plan expérimental. Les outils génétiques donnent une puissance inégalée pour rechercher la fonction d’une molécule déterminée ou d’un assemblage moléculaire dans un circuit donné et dans une fenêtre temporelle précise. Ce type d’approche est appelé à se développer dans les années à venir avec des outils qui permettront d’activer ou de rendre silencieux certains circuits neuronaux sélectionnés.

La résolution, pas à pas, de ces processus élémentaires imbriqués, devrait permettre d‘expliquer les mécanismes sous-tendant l’anxiété pathologique.


[1] DEVANX: “Serotonin and GABA-B receptors in anxiety : From developmental risk factors to treatment”, projet soutenu par la Commission Européenne, démarré en 2008, dont les partenaires sont l’Inserm (coordinateur), University College Cork, Irlande, European Molecular Biology Laboratory, Italie/Allemagne, Central Institute of Mental Health, Mannheim, Allemagne, Universitaet Basel, Suisse, Universidad Pablo de Olavide, Espagne

Le travail de nuit, un risque pour les femmes ?

Les résultats d’une étude menée par des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1018 « centre de recherche en épidémiologie et santé des populations ») et publiés dans l’International Journal of Cancer, montrent que le risque de cancer du sein est augmenté chez les femmes ayant travaillé de nuit. L’étude réalisée en France et baptisée CECILE a comparé le parcours professionnel de 1200 femmes ayant développé un cancer du sein entre 2005 et 2008 à celui de 1300 autres femmes.

Première cause de mortalité par cancer chez les femmes, le cancer du sein touche 100 femmes sur 100 000 par an dans les pays développés. Chaque année, plus de 1,3 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués dont 53 000 en France.

Les facteurs de risque de cancer du sein sont variés. Ils incluent des mutations génétiques, un âge tardif à la première grossesse, une faible parité ou encore les traitements hormonaux mais les facteurs liés au style de vie, les causes environnementales ou professionnelles du cancer du sein ne sont pas complètement identifiés.

En 2010, sur la base de travaux expérimentaux et épidémiologiques, le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) a classé le travail entraînant des perturbations du rythme circadien comme « probablement cancérigène ». Le rythme circadien (contrôlant l’alternance veille-sommeil) régule en effet de très nombreuses fonctions biologiques et est altéré chez les personnes travaillant la nuit ou avec des horaires décalés. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les associations observées entre le travail de nuit et le cancer du sein : l’exposition à la lumière durant la nuit qui supprime le pic nocturne de mélatonine et ses effets anti-cancérigènes; la perturbation du fonctionnement des gènes de l’horloge biologique qui contrôlent la prolifération cellulaire ; ou encore les troubles du sommeil pouvant affaiblir le système immunitaire.

Les chercheurs de l’Inserm ont donc examiné l’impact du travail de nuit sur la santé des femmes dans une grande étude de population effectuée en France entre 2005 et 2008. Le parcours professionnel (incluant chaque période de travail de nuit) de 3000 femmes a été passé à la loupe. Au total, plus de 11% des femmes avaient travaillé de nuit à un moment quelconque de leur carrière.

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Le risque de cancer du sein était augmenté d’environ 30% chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres femmes. Cette augmentation du risque était particulièrement marquée chez les femmes ayant travaillé de nuit pendant plus de 4 ans, ou chez celles dont le rythme de travail était de moins de 3 nuits par semaine, impliquant des décalages de phase plus fréquents entre le rythme de jour et le rythme de nuit.

Enfin, cette association entre travail de nuit et cancer du sein semblait plus marquée lorsque l’on s’intéressait au travail de nuit effectué avant la première grossesse. Ce résultat pourrait être expliqué par une plus grande vulnérabilité des cellules mammaires incomplètement différenciées chez la femme avant le premier accouchement.

« Nos travaux confortent les résultats d’études antérieures et posent le problème de la prise en compte du travail de nuit dans une optique de santé publique, d’autant que le nombre de femmes travaillant avec des horaires atypiques est en augmentation« , rappelle Pascal Guénel, principal auteur de ce travail.

Œstrogènes et risques cardiovasculaires chez les femmes ménopausées

Les femmes sont moins sujettes que les hommes aux maladies cardiovasculaires et cette différence hommes/femmes s’estompe après la ménopause. Cette observation est à l’origine de nombreuses idées reçues laissant supposer un effet bénéfique des œstrogènes sur le cœur et les vaisseaux. Aujourd’hui, de nouvelles données semblent remettre en question ces présupposés. Les résultats d’une étude menée sur 6 000 femmes âgées de plus de 65 ans par une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Pierre-Yves Scarabin (Unité Inserm 1018 « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations ») montrent pour la première fois que des taux élevés d’œstradiol sanguin exposent à un risque plus important d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. Ces résultats sont publiés dans The Journal of American Heart Association.

Les œstrogènes sont des hormones jouant un rôle clé dans le développement sexuel et la reproduction chez les femmes. L’œstradiol est l’hormone la plus active. Ses taux sanguins sont particulièrement élevés pendant les années de la vie reproductive. Après la ménopause, l’arrêt du fonctionnement des ovaires entraîne une chute importante des taux sanguins d’œstrogènes dont la principale source devient alors le tissu adipeux. Ces hormones continuent néanmoins de circuler à de faibles concentrations et peuvent encore avoir une action biologique.

Tout au long de la vie, les femmes restent moins exposées que les hommes au risque de maladies cardiovasculaires. Cette relative immunité des femmes a été longtemps attribuée à un rôle protecteur des œstrogènes vis-à-vis de l’athérosclérose et de ses complications. Cette hypothèse n’a cependant pas été confirmée par les travaux récents concernant le traitement hormonal de la ménopause. L’administration d’œstrogènes ne permet pas de prévenir les maladies artérielles ischémiques chez les femmes ménopausées et pourrait même avoir un effet délétère chez les femmes plus âgées.

Aucune étude n’avait pu jusqu’à présent rattacher clairement les hormones sexuelles circulantes endogènes au risque cardiovasculaire chez les femmes ménopausées.

Cette lacune est aujourd’hui comblée par les résultats d’une étude de cohorte française [1] réalisée dans la population générale (Etude des Trois Cités-3C) sur environ 6 000 femmes âgées de plus de 65 ans. Les taux sanguins d’œstradiol ont été mesurés à l’entrée dans la cohorte et, après un suivi de 4 ans, 150 nouveaux cas de maladies cardiovasculaires sont apparus.

Les résultats montrent pour la première fois que des taux élevés d’œstradiol sanguin exposent à un risque augmenté d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral sans que le lien de cause à effet ne soit démontré. Cette relation n’est pas influencée par les autres principaux facteurs de risque cardiovasculaire connus, notamment le diabète et l’obésité.

D’autres résultats montrent que les œstrogènes semblent affecter certains mécanismes impliqués dans l’obstruction des artères à l’origine des maladies cardiovasculaires. Si l’effet coagulant des œstrogènes est bien établi, leur rôle dans le processus inflammatoire est aujourd’hui une voie de recherche importante en particulier chez les femmes obèses où l’accumulation de tissus adipeux est associée à des taux élevés d’œstrogènes.

Ces nouvelles données remettent de nouveau en cause le rôle bénéfique des œstrogènes sur le cœur et les vaisseaux. « Les études à venir devront confirmer cet effet délétère et établir si ces résultats sont généralisables aux femmes ménopausées plus jeunes » déclare Pierre-Yves Scarabin.

Note 

(1) http://www.three-city-study.com/l-etude-des-trois-cites-3c-historique.php

BCG et cancer de la vessie : vers un nouveau protocole pour les patients ?

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’université Paris Descartes et de Mines ParisTech ont montré comment renforcer les effets du BCG qui constitue, depuis 35 ans, le traitement standard des tumeurs à haut risque de récidive dans le cancer de la vessie. La validation de ce nouveau protocole thérapeutique permettrait de limiter les rechutes de ce cancer parmi les plus fréquents des pays industrialisés. Cette étude est publiée ce jour sur le site de Science Translational Medicine.

A ce jour, malgré les progrès de l’immunologie, peu d’immunothérapies, ces traitements qui consistent à stimuler le système immunitaire, ont démontré leur efficacité clinique. L’une des exceptions notables est le traitement du cancer de la vessie par le BCG, le bacille de Calmette et Guérin connu du grand public comme le vaccin contre la tuberculose. Le succès de cette « BCG thérapie » repose sur de simples injections répétées de BCG, localement dans la vessie. Le taux de survie des patients varie alors entre 50 et 70%.

En utilisant un modèle murin pour caractériser la dynamique de la réponse immune au BCG dans la vessie, une étude réalisée par Claire Biot dans l’équipe de Matthew Albert*, responsable de l’unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques (Institut Pasteur/Inserm/Université Paris Descartes), a montré qu’une simple injection sous-cutanée du BCG préalablement au protocole standard de la « BCG thérapie » améliore la réponse anti-tumorale. Les cellules immunitaires sont ainsi opérationnelles en grand nombre dès la première instillation de BCG dans la vessie.

A la lumière de ces résultats obtenus chez la souris, les chercheurs se sont demandé si les patients vaccinés dans leur enfance par le BCG répondaient mieux au traitement standard. A l’aide d’une étude réalisée par l’université de Berne, ils ont comparé les réponses au traitement de deux types de patients : ceux qui sont vaccinés et répondent toujours positivement au test anti-tuberculinique, preuve que la vaccination est toujours effective. Et ceux dont la vaccination n’est plus active. Ils ont ainsi pu constater que sur une période de cinq ans, 80% des patients positifs survivaient sans récidive contre seulement 45% des patients qui avaient été testés négativement au BCG. Un résultat qui corrobore les données obtenues expérimentalement sur le modèle murin.

Ces données encourageantes suggèrent qu’une simple injection intradermique de BCG préalablement au protocole standard pourrait améliorer la réponse au traitement. Cette nouvelle stratégie thérapeutique devrait très prochainement faire l’objet d’une étude clinique afin d’être validée et de proposer une meilleure prise en charge des patients.

Ces travaux ont pu être réalisés grâce au soutien financier de La Ligue contre le cancer et de l’Institut national du cancer, et grâce à la générosité de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et de la Swiss National Foundation.

* Matthew Albert est directeur de recherche Inserm et professeur à l’Institut Pasteur. Il dirige le département d’Immunologie à l’Institut Pasteur ainsi que l’unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques (unité mixte 818 Institut Pasteur/Inserm) et rattaché à l’université Paris Descartes.
Dans son équipe, Claire Biot est chercheur à Mines ParisTech, détachée dans l’unité de Matthew Albert.

Améliorer sa vision grâce à la stimulation magnétique transcrânienne

Une équipe internationale menée par des chercheurs du Centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moelle épinière (CNRS / Inserm / UPMC), a réussi à augmenter les capacités visuelles d’un groupe de sujets sains grâce à la stimulation magnétique transcranienne (TMS). Après stimulation d’une zone cérébrale de l’hémisphère droit liée à l’orientation de l’attention spatiale et à la conscience perceptive, les sujets ont montré une plus grande aptitude à percevoir une cible apparaissant sur un écran. Ces travaux, qui viennent d’être publiés dans la revue PLoS ONE, pourraient servir à développer de nouvelles techniques de rééducation pour certains troubles de la vision. De plus, ils pourraient permettre d’améliorer les capacités de personnes exerçant des tâches qui nécessitent une très grande précision.

La TMS est une technique non invasive qui consiste à délivrer une impulsion magnétique sur une zone donnée du cerveau. En résulte une activation des neurones corticaux situés dans le rayon d’action du champ magnétique, qui modifie leur activité de façon indolore et temporaire. Depuis quelques années, les scientifiques s’intéressent à la possibilité d’améliorer certaines fonctions cérébrales chez les sujets sains à l’aide de cette technique.

C’est dans ce cadre que se situent les derniers travaux de l’équipe d’Antoni Valero-Cabré sur la stimulation d’une région de l’hémisphère cérébral droit appelée champ oculogyre frontal. Celle-ci n’est pas une aire visuelle primaire à proprement parler, mais elle participe à la planification des mouvements oculaires, ainsi qu’à l’orientation de l’attention de chaque individu dans l’espace visuel. Dans une première expérience, un groupe de sujets sains devait tenter d’apercevoir une cible de très bas contraste apparaissant sur un écran durant 30 ms. Pour certains essais, avant l’apparition de la cible, les sujets recevaient sur cette région frontale une impulsion magnétique d’une durée comprise entre 80 et 140 ms. Résultat, la réussite était plus fréquente après l’utilisation de la TMS. La sensibilité visuelle des sujets sains a été transitoirement augmentée de l’ordre de 12 %. Dans une deuxième expérience, les sujets recevaient un bref indice visuel leur indiquant, l’endroit où la cible pourrait apparaître. Dans cette configuration, l’augmentation de la sensibilité visuelle, qui est restée du même ordre, n’était présente que quand l’indice signalait la vraie localisation de la cible.

Bien que les fonctions cérébrales telles que la vision consciente soient très optimisées chez les adultes en bonne santé, ces résultats montrent qu’il existe une marge d’amélioration importante, et que celle-ci peut être « augmentée » par la TMS. Cette technique pourrait être testée pour la rééducation de patients ayant des lésions au niveau du cortex, dues par exemple à un AVC, ainsi que chez des patients souffrant de problèmes rétiniens.

La seconde expérience suggère qu’une rééducation basée à la fois sur la TMS et sur des indices visuels pourrait être plus sélective que la seule utilisation de la stimulation. Les chercheurs veulent explorer cette voie grâce à la TMS répétitive qui, cette fois-ci, permettrait d’obtenir une modification durable de l’activité cérébrale.

Par ailleurs, selon les chercheurs, dans un futur proche, la TMS pourrait aussi servir à améliorer les capacités attentionnelles d’individus exerçant des tâches qui réclament d’importantes compétences visuelles.

Ces expériences ont bénéficié du soutien de l’initiative européenne ERANET NEURON BEYONDVIS, financée en partie par l’ANR.

La lecture : un vrai travail d’équipe dans le cerveau

Combien de neurones devons-nous solliciter pour lire une phrase ? Cette tâche, simple en apparence, mobilise de nombreux neurones dans des parties du cerveau éloignées les unes des autres. Comment alors mettre en commun l’activité de ces différents neurones pour déchiffrer les mots, leur donner un sens et comprendre une phrase ? A Lyon, l’équipe Inserm dirigée par Jean-Philippe Lachaux au sein de l’Unité Inserm 1028 « Centre de recherche en Neurosciences » a mis en évidence la façon dont ces différentes parties du cerveau dialoguent à distance.
Ces travaux sont publiés dans la revue The Journal of Neuroscience

Pour lire et comprendre une phrase comme celle-ci, plusieurs régions de notre cerveau doivent intervenir pour reconnaitre le sens de chaque mot, leur associer une forme sonore et construire progressivement le sens du texte. Chaque région a plus spécifiquement en charge un aspect de la lecture, mais aucune ne travaille seule dans son coin. Le travail se fait à plusieurs grâce à des interactions intenses permettant à chaque aire cérébrale d’échanger avec les autres à longue distance. Comme souvent dans le cerveau, le tout est plus que la somme des parties. Il restait toutefois une zone d’ombre importante dans la compréhension de ces mécanismes : la forme prise par ces interactions neuronales à longue distance. Sans cette donnée essentielle, il n’était pas possible de savoir, dans le cerveau, qui travaille avec qui et à quel moment, ni pendant la lecture ni d’ailleurs pendant aucune autre activité cognitive.

Des chercheurs de l’Inserm au sein Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, du Collège de France et du C.H.U de Grenoble viennent d’observer pour la première fois ces interactions neuronales. Pour y parvenir, les groupes dirigés par Jean-Philippe Lachaux, Alain Berthoz et Philippe Kahane ont mesuré directement l’activité électrique produite par les neurones dans le cerveau de personnes occupées à lire. Les résultats montrent que les composantes rapides de l’activité neuronale mesurée dans les aires de la lecture varient de façon corrélée lorsque ces dernières doivent interagir, notamment lors de l’accès au sens du texte.

Ces composantes rapides, qualifiées d’activité gamma avaient déjà été signalées par cette même équipe comme étant d’excellents ‘biomarqueurs’ du traitement de l’information dans le cortex : elles n’apparaissent effectivement au sein d’une population neuronale que lorsque celle-ci participe à l’activité cognitive du moment. Cette découverte laissait présager que lorsque deux régions cérébrales communiquent pour traiter conjointement une information, l’activité gamma que l’on peut y mesurer varie de la même façon dans le temps. C’est précisément ce qu’a montré cette étude. Bien que ces conclusions ne concernent que la lecture pour l’instant, la même signature devrait permettre de suivre le dialogue entre les différentes parties du cerveau lors d’états cognitifs très divers, car les communications neuronales à distance semblent jouer un rôle central dans toute la cognition humaine, pour former une perception cohérente et intelligible du monde qui nous entoure.

Ces recherches devraient également fournir de nouvelles clefs pour comprendre, entre autres, les déficits cognitifs associés à de nombreuses pathologies neurologiques, comme l’épilepsie.

Dans le cerveau d’une personne occupée à lire, plusieurs régions cérébrales interagissent pour accéder au sens du texte. Ces interactions viennent d’être observées pour la première fois sous la forme de corrélations fortes entre les fluctuations de l’activité électrique haute fréquence produite par les neurones pendant l’analyse de chaque phrase (ici entre l’activité des régions frontales et temporales de l’hémisphère gauche).

Cancer du foie : premiers résultats de séquençage à haut débit obtenus en France

Depuis 2009, la France mène un grand essai pilote sur le cancer du foie dans le cadre du projet International Cancer Genome Consortium (ICGC). Ce projet vise à séquencer le génome des tumeurs de plusieurs milliers de patients afin de mieux comprendre, pour une cinquantaine de cancers différents, le rôle des altérations génétiques dans leur développement. Les travaux menés par l’équipe de Jessica Zucman-Rossi (Unité Inserm 674 « Génomique fonctionnelle des tumeurs solides » mixte avec l’Université Paris Descartes) ont révélé 4 gènes n’ayant jamais été décrits dans les tumeurs du foie et qui présentent pourtant des altérations fréquentes. Ces gènes, nommés ARID1A, RPS6KA3, IRF2 et NFE2L2 sont impliqués dans des processus importants qui conduisent à la naissance de tumeurs au niveau du foie.
Ces travaux sont publiés le 6 mai 2012 dans la revue Nature Genetics.

Coordonnée par l’INCa et l’Inserm, la participation française à l’ICGC porte sur 4 programmes concernant un type particulier de cancer du sein, les cancers agressifs de la prostate, le sarcome d’Ewing et le cancer du foie.

Cellules Hep3B : Marquage fluorescent de la N-cadhérine en rouge et Phalloidine en vert de cellules de lignée d'hépatome Hep3B inactivées pour le gène HNF1A. Les noyaux sont marqués en bleu par le Dapi.

© Inserm, Zucman-Rossi, Jessica

Cellules Hep3B : Marquage fluorescent de la N-cadhérine en rouge et Phalloidine en vert de cellules de lignée d’hépatome Hep3B inactivées pour le gène HNF1A. Les noyaux sont marqués en bleu par le Dapi.

Le cancer du foie est la 3ième cause de mortalité dans le monde. Il apparait souvent chez des personnes dont le foie est déjà touché par des pathologies telles qu’une hépatite B ou C, la consommation excessive d’alcool, des surcharges en fer ou l’obésité ; ces pathologies pouvant conduire au développement d’une cirrhose du foie.

En France, une étude pilote incluant une première série de 24 carcinomes hépatocellulaires dans le cadre du consortium ICGC de séquençage de l’ensemble du génome a démarré en 2009. Le but de cette étude menée par Jessica Zucman-Rossi était de mettre en évidence de nouveaux gènes responsables de la formation de ces tumeurs du foie (suppresseurs de tumeur et/ou à l’inverse oncogènes).

Grâce à de nouvelles techniques de séquençage du génome, les chercheurs ont pu établir que le code génétique des personnes atteintes d’un cancer du foie présentait souvent des modifications : les bases G étant remplacées par des bases T. Ces mutations semblent spécifiques et significativement associées aux cancers du foie. Ceci suggère fortement, en dehors d’une cirrhose du foie préexistante, l’implication d’un agent toxique qui entrainerait des mutations dans l’ADN de ces patients.
Dans les zones tropicales, des composés comme l’aflatoxine B1 sont déjà bien connus pour de tels effets cancérigènes. De nouvelles données épidémiologiques et toxicologiques restent à établir pour déterminer précisément quels pourraient être ces agents génotoxiques chez ces patients vivant en France.

Identification de 4 nouveaux gènes impliqués dans les tumeurs du foie

L’analyse de l’ensemble des mutations observées a révélé 4 nouveaux gènes n’ayant jamais été décrits dans les tumeurs hépatiques et qui présentent pourtant des altérations génétiques récurrentes ; ARID1A, RPS6KA3, IRF2 et NFE2L2. Afin de comprendre leur rôle, ces 4 gènes, ainsi que 10 autres, ont été testés sur des échantillons de 125 tumeurs hépatiques.

D’un point de vue physiologique, certaines de ces mutations génétiques altéreraient deux voies de signalisation connues des scientifiques : la voie WNT/β-Caténine et celle de la P53.

D’autres, par ailleurs, sont impliquées dans l’activation de la voie du stress oxydatif, de l’interferon ou de la signalisation RAS qui entrainent des bouleversements de l’état cellulaire.

Enfin, chez les patients avec une intoxication alcoolique chronique, les gènes de remodelage des chromosomes (qui stabilisent l’ADN) sont fréquemment altérés ce qui en fait des contributeurs majeurs de la tumorigenèse hépatique.

Pour Jessica Zucman-Rossi, « cette étude révèle de nouveaux gènes suppresseurs de tumeurs et oncogène impliqués dans la carcinogenèse hépatique. De nouvelles pistes sont à explorer pour utiliser dans le futur de nouveaux médicaments ciblant ces altérations génétiques et ainsi améliorer et adapter le traitement des patients en fonction des anomalies génomiques identifiées dans leur tumeur. »

Ce travail a été coordonné et financé par l’INCa dans le cadre du Plan cancer 2009-2013 en collaboration étroite avec la Ligue nationale contre le cancer et l’Inserm.

Notes

(1) qui est basé sur quatre bases ATCG
(2) L’aflatoxine est une toxine secrétée par un champignon (Ascomycète aspergillus flavus) fréquente sur diverses graines en condition chaude et humide. C’est un agent oncogène puissant, en particulier sur le foie, et un inhibiteur de la synthèse des ARNm.

L’Institut national du cancer partenaire français du consortium international ICGC
L’International Cancer Genome Consortium (ICGC) constitue un des programmes globaux de recherche biomédicale les plus ambitieux depuis le projet Génome Humain (http://www.icgc.org/). Initié en 2008, le programme ICGC, qui regroupe actuellement 14 pays, a pour objectif d’établir une description complète des altérations génomiques, transcriptomiques et épigénomiques de 50 types et/ou sous-types de cancers considérés comme les plus préoccupants aux plans clinique et sociétal.
25 000 génomes de cancers doivent ainsi être séquencés et analysés, et les résultats implémentent progressivement une base de données accessible aux chercheurs du monde entier. Le catalogue des altérations génomiques spécifiques de chaque type de cancer permettra le développement d’investigations fonctionnelles sur les mécanismes de la cancérogénèse conduisant à de nouvelles stratégies de prévention, de diagnostic et de traitement.
Les organisations membres et les centres qui prennent part à l’ICGC se sont engagés sur des normes relatives au respect du consentement éclairé et des règles éthiques communes afin de garantir que l’identité des participants aux études soit protégée.
L’Institut national du cancer (INCa) coordonne la contribution française à ce programme, avec des financements INCa-Inserm à hauteur de 5 M € par an.
Le programme ICGC est une opportunité pour consolider l’effort structurant engagé par l’INCa dans le domaine de la génomique à grande échelle.
En 2012 l’INCa et l’Inserm sont engagés sur 4 projets portant sur les cancers du foie, du sein HER2+, de la prostate et sur le sarcome de Ewing. Un cinquième programme sera engagé en 2012-2013.

CK2 : un rôle important dans la progression des tumeurs mammaires

Des chercheurs du CEA (1), de l’Inserm, du CNRS (2) et des universités Joseph-Fourier, d’Aix-Marseille et Claude Bernard Lyon 1, ont mis en évidence le rôle déterminant de la protéine CK2 dans la plasticité cellulaire épithéliale, notamment dans le cas de pathologies cancéreuses. En effet, une altération de l’activité de cette protéine implique des variations importantes dans la transformation des cellules épithéliales en cellules cancéreuses plus mobiles, à l’origine des métastases. Ces travaux, publiés en ligne le 7 mai par la revue Oncogene, révèlent donc un nouveau rôle pour cette protéine-kinase multi-fonctionnelle au niveau de la progression de tumeurs mammaires chez la femme.

Dans leur majorité, les tissus qui composent les organes du corps humain sont constitués d’un ensemble de cellules épithéliales (i) cohésives et polarisées reposant sur une membrane. Au cours du développement du cancer, certaines cellules épithéliales présentes dans la tumeur peuvent réactiver un mécanisme cellulaire appelé « Epithelial-to-Mesenchymal Transition » (EMT). Ce processus est responsable de l’évolution des cellules d’un état épithélial vers un état mésenchymateux caractérisé par une mobilité cellulaire accrue et une résistance à certains anticancéreux. Dans le cas d’une tumeur primaire, cette évolution peut conduire à la dispersion des cellules cancéreuses dans le corps et à l’apparition de métastases. Cette plasticité cellulaire (ii) est régulée par des voies de signalisation et des facteurs de transcription (iii) tels que le facteur Snail1.

Depuis quelques années, l’équipe dirigée par Claude Cochet (3) étudie l’implication de la protéine-kinase (iv) CK2 dans les pathologies cancéreuses. Cette enzyme est un complexe formé de l’association d’une sous-unité catalytique (CK2α) et d’une sous-unité régulatrice (CK2β). Cette équipe, en collaboration avec des chercheurs du CEA, de l’Inserm, du CNRS et des universités d’Aix-Marseille, Joseph-Fourier et Claude Bernard Lyon 1, a récemment mis en évidence qu’une dérégulation de l’activité de cette protéine, observée dans certains cancers du sein, est associée à l’expression de marqueurs de l’EMT. Plus précisément, les chercheurs ont montré qu’une diminution, dans des cellules épithéliales mammaires en culture, de l’expression de la sous-unité régulatrice CK2β, conduit à des changements caractéristiques de l’EMT : en perdant leur cohésion, certaines de ces cellules cancéreuses deviennent mobiles et migrent dans l’organisme. Des analyses cellulaires, biochimiques et transcriptomiques ont permis d’identifier Snail1 comme étant une cible de cette protéine-kinase. Par conséquent, en induisant la phosphorylation (v) de Snail1, l’activité de la protéine-kinase CK2 est nécessaire pour empêcher l’activation de l’EMT, et ainsi diminuer le risque de développement de métastases. Cette kinase est donc essentielle au maintien de l’état épithélial des cellules.

« Ces résultats illustrent l’importance de CK2β dans le contrôle de la plasticité cellulaire, précise Odile Filhol (4). Ils révèlent un mécanisme qui supprime l’EMT et maintient l’intégrité des cellules épithéliales ».

Au total, cette étude révèle que la protéine-kinase CK2 est un régulateur clé de l’homéostasie des cellules épithéliales. Grâce à ses propriétés de marqueur dans plusieurs types de cancers et à ses qualités en tant que cible thérapeutique, CK2 a acquis le statut d’un biomarqueur théranostique (vi) pertinent.

© A. Deshiere, O. Filhol-Cochet

Dans une cellule épithéliale, le facteur Snail1 sous sa forme phosphorylée est continuellement dégradé. En l’absence de la partie CK2b, et donc de phosphorylation, les cellules épithéliales passent alors d’un état épithélial à un état mésenchymateux, plus mobile.


Notes
(1) Institut de recherches en technologies et sciences pour le vivant, Laboratoire de biologie du cancer et de l’infection – Équipe Kinases essentielles dans les carcinomes rénaux BCI (Inserm/CEA), EDyP service (CEA).
(2) Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Centre anticancéreux Léon Bérard).
(3) Equipe labellisée par la Ligue Nationale contre le Cancer.
(4) Chargée de recherche Inserm au sein de l’Unité mixte Inserm/CEA/UJF Biologie du Cancer et de l’Infection.

(i) Cellules qui forment le tissu de recouvrement de la surface du corps (peau et cavités).
(ii) Propriété des cellules à changer d’identité.
(iii) Protéines nécessaires à la transcription dans l’ensemble du règne vivant.
(iv) Protéine qui réalise des mécanismes cellulaires tels que la phosphorylation (ajout d’un groupement phosphate).
(v) Cf. note (iii)
(vi) Néologisme dérivant de la contraction de thérapeutique et de diagnostic. C’est l’utilisation du diagnostic in vitro pour orienter le traitement du patient. Devant une pathologie donnée, les cliniciens recherchent certains biomarqueurs qui informent sur les mécanismes physiopathologiques sous-jacents et permettent donc de choisir la ou les molécules les plus efficaces dans ce contexte.

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