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Comment le génome mâle est-t-il préservé jusqu’à l’œuf?

Pour quitter l’organisme mâle et atteindre l’œuf, le génome mâle véhiculé par le spermatozoïde subit de nombreuses transformations. Une équipe dirigée par Saadi Khochbin au sein de l’unité mixte de recherche 823 « Centre de recherche Institut Albert Bonniot » (Inserm/Université Joseph Fourier) à Grenoble vient de décrire les mécanismes moléculaires permettant la transmission du génome mâle à l’œuf. Les chercheurs révèlent le rôle essentiel d’une petite structure qui permet de compacter le génome afin qu’il soit préservé lors de son transport par le spermatozoïde jusqu’à l’œuf. Ces résultats sont publiés dans la revue Genes & Development le 24 juillet.

Spermatozoide-khochbin

Spermatozoide – © Inserm / Denise Escalier

Un des défis de la reproduction est le transport de l’ADN mâle via des cellules germinales hautement spécialisées, les spermatozoïdes. Ceux-ci sont capables de quitter l’organisme et de survivre du mâle jusqu’à l’organisme femelle, un trajet qui nécessite de sécuriser le génome qu’il contient afin de le préserver pour la fécondation. Pour ce faire, le génome change progressivement de configuration spatiale lors de la spermatogénèse. De cette manière, l’ADN est transporté sous une forme très compacte et donc très résistante. Un défaut dans le processus de compactage peut entrainer une infertilité.

Jusqu’alors, bien que les scientifiques aient identifié des molécules participant au compactage de l’ADN – histones, protéines de transition, protamines – les déterminants moléculaires à l’origine de ces changements rapides de configuration restaient obscurs.

L’équipe Inserm « Epigénétique et signalisation cellulaire » dirigée par Saadi Khochbin, directeur de recherche CNRS, décrit pour la première fois comment, dans les cellules germinales mâles, un élément « organisateur » dirige l’empaquetage compact,  très précis et spécifique du génome mâle. Il s’agit d’une histone particulière nommée TH2B, une des premières histones identifiée dès 1975. Cette petite protéine se fixe à l’ADN au cours de la spermatogenèse et lui donne une configuration spéciale requise pour son compactage final. Ainsi, véhiculé par le spermatozoïde, le génome paternel quitte l’organisme mâle et atteint l’œuf. De manière inattendue, les chercheurs ont également montré que cette histone est aussi présente dans l’œuf et participe, après fécondation au ré-empaquetage du génome mâle dès son entrée dans l’œuf.

« Nous avons donc découvert un élément important dans la transmission de l’information génétique paternelle qui participe non seulement à son conditionnement pour une expédition par l’organe reproducteur mâle mais également à sa réception par la cellule femelle »

, explique Saadi Khochbin, principal auteur de l’étude.

Cette recherche a nécessité la mise en place de plusieurs modèles de souris et d’approches impliquant les technologies récentes très sophistiquées afin d’explorer le génome dans sa globalité (techniques génomiques, transcriptomiques) et de comprendre de nouveaux mécanismes à l’échelle moléculaire (approches protéomiques et modélisations structurales).

Sur un plan fondamental, ces travaux améliorent les connaissances de la transmission du génome mâle lors de la reproduction et ont des implications dans la compréhension de l’infertilité et l’optimisation de la procréation médicalement assistée.

Pandoravirus : découverte d’un chaînon manquant entre le monde viral et le monde cellulaire

Des chercheurs du laboratoire  Information génomique et structurale (CNRS/Université Aix-Marseille), associés au laboratoire Biologie à Grande Échelle (CEA/Inserm/Université Grenoble Alpes), viennent de découvrir deux virus géants dont le nombre de gènes rivalise avec celui de certains microorganismes cellulaires eucaryotes (cellules à noyau). Ces deux virus d’un type totalement nouveau ont été baptisés « Pandoravirus », ce qui évoque à la fois leur forme en amphore et leur contenu génétique mystérieux. Ces résultats sont publiés en couverture du numéro du 19 juillet 2013 de la revue Science.

Pandoravirus salinus observé par microscopie électronique © IGS CNRS-AMU

Pandoravirus salinus observé par microscopie électronique © IGS CNRS-AMU

Après Mimivirus, découvert il y a 10 ans, et plus récemment Megavirus chilensis[1], les chercheurs pensaient avoir touché la limite ultime du monde viral en termes de taille et de complexité génétique. Avec un diamètre proche du micron et un génome contenant plus de 1 100 gènes, ces virus géants qui infectent des amibes du genre Acanthamoeba empiétaient déjà largement sur le territoire que l’on pensait être réservé aux bactéries. A titre indicatif, des virus courants, tels que le virus de la grippe ou celui du SIDA, ne renferment qu’une dizaine de gènes.

Dans l’étude publiée dans la revue Science, les chercheurs annoncent la découverte de deux nouveaux virus géants :

  • Pandoravirus salinus, sur les côtes chiliennes ;
  • Pandoravirus dulcis, dans une mare d’eau douce à Melbourne (Australie).


L’analyse détaillée de ces deux premiers Pandoravirus révèle qu’ils n’ont quasiment aucun point commun avec les virus géants précédemment caractérisés. De plus, seul un infime pourcentage (6%) des protéines codées par les 2 500 gènes de Pandoravirus salinus ressemble à des protéines déjà répertoriées dans les autres virus ou les organismes cellulaires. Avec un génome de cette taille, Pandoravirus salinus vient démontrer que la complexité des virus peut dépasser celle de certaines cellules eucaryotes[2]. Autre singularité : les Pandoravirus n’ont aucun gène qui leur permettrait de fabriquer une protéine ressemblant à la protéine de capside, la brique de base des virus traditionnels.

Malgré toutes leurs propriétés originales, les Pandoravirus conservent les caractéristiques essentielles du monde viral : absence de ribosome, de production d’énergie et de division.

Dans ce contexte de nouveauté absolue, l’analyse du protéome de Pandoravirus salinus a permis de montrer que les protéines qui le constituent sont bien celles prédites à partir de la séquence du génome du virus. Les Pandoravirus utilisent donc le code génétique universel, code  commun à tous les organismes vivants sur notre planète.

Ce travail souligne à quel point notre connaissance de la biodiversité microscopique reste étonnamment partielle dès que l’on explore de nouveaux environnements. En effet, les Pandoravirus, jusqu’alors totalement inconnus, ne sont sans doute pas rares comme l’atteste la découverte simultanée de deux spécimens de cette nouvelle famille virale dans des sédiments localisés à 15 000 km de distance.

La découverte qui a été réalisée comble définitivement une discontinuité entre le monde viral et le monde cellulaire, discontinuité qui a été érigée en dogme depuis les fondements de la virologie moderne dans les années 1950. Elle suggère également que l’émergence de la vie cellulaire a pu s’accompagner d’une diversité beaucoup plus foisonnante de formes pré-cellulaires que celles envisagées classiquement, ce nouveau type de virus géant étant quasiment sans homologie avec les trois domaines du vivant reconnus : eucaryotes, eubactéries et archébactéries.


[1] Arslan D, Legendre M, Seltzer V, Abergel C, Claverie JM (2011) “Distant Mimivirus relative with a larger genome highlights the fundamental features of Megaviridae”. Proc Natl Acad Sci USA. 108: 17486-91.

[2] Il s’agit notamment des microsporidies parasites du genre Encephalitozoon.

Booster les capacités respiratoires des muscles

Une nouvelle cible pharmacologique permettant d’améliorer le fonctionnement du muscle vient d’être découverte chez la souris par l’équipe d’Hélène Duez, chargée de recherche à l’Inserm dans l’unité 1011 « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète » (Inserm/Université Lille 2 droit et santé/Institut Pasteur de Lille) dirigée par Bart Staels. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Medicine datée du 14 juillet 2013.

Il existe deux types de muscles : les muscles utilisés lors d’effort de longue durée (de type marathon) et ceux utilisés lors d’efforts intenses de courte durée (de type sprint). Les chercheurs se sont intéressés au premier type, qui utilise de préférence l’oxydation des acides gras pour produire l’énergie dont les muscles ont besoin pour la contraction. Ces derniers ont la particularité d’être très riches en mitochondries, ces petites structures cellulaires qui produisent l’énergie en consommant de l’oxygène.

Dans cette étude, les chercheurs révèlent qu’une protéine, Rev-erb-α, exerce un contrôle sur l’activité des mitochondries au sein du muscle squelettique. D’après les observations des chercheurs, elle est préférentiellement exprimée dans les muscles riches en mitochondries, ceux-là même utilisés pour les efforts de longue durée. « Les souris déficientes pour Rev-erb-α n’arrivent pas à élever leur consommation en oxygène au cours d’un exercice physique et sont incapables de réaliser un exercice prolongé » explique Hélène Duez, chargée de recherche Inserm. Leurs mitochondries sont anormales. Au contraire, les souris chez lesquelles le gène Rev-erb-α est surexprimé voient leurs performances s’améliorer dans les exercices d’endurance.

Mitochondrie

Mitochondrie (coloration manuelle) © Inserm / Claude Le Goascogne

Ces travaux identifient une fonction originale de la protéine Rev-erb-α dans le contrôle de la production d’énergie du muscle via les mitochondries. Rev-erb-α module la quantité de mitochondries au sein du muscle et leur efficacité, c’est-à-dire la quantité d’oxygène consommée pour produire l’énergie nécessaire à la contraction musculaire.

« L’activation de Rev-erb-α provoque des changements similaires à ceux induits par l’entraînement des athlètes. On peut dire que cette molécule entraine une signature moléculaire semblable à celle de l’entraînement »

explique Hélène Duez, chargée de recherche à l’Inserm.

Les résultats de cette étude permettront notamment d’élaborer de nouvelles stratégies pour la conception de molécules plus actives dans le traitement par exemple des myopathies où la fonction musculaire est altérée.

Par ailleurs, Rev-erb-α est connue pour son implication dans la régulation de gènes importants pour le métabolisme des acides gras, du glucose, la formation du tissu adipeux, et enfin le fonctionnement de l’horloge biologique. Les chercheurs indiquent que leur découverte ouvre, dans un avenir plus lointain, des perspectives dans la régulation de maladies métaboliques telles que le diabète. Rev-erb-α, pourrait par exemple aider à resynchroniser l’horloge biologique, souvent perturbée chez les diabètiques de type 2, en promouvant les voies habituellement activées par l’exercice (oxydation des acides gras pour produire de l’énergie).

Découverte d’une nouvelle cible thérapeutique chez E. coli

crédit : ©Inserm

Des chercheurs ont mis en évidence chez la bactérie Escherichia coli des interactions complexes entre les voies de biosynthèse de divers facteurs de virulence : la colibactine, une génotoxine potentiellement cancérigène, et les sidérophores, molécules impliquées dans la captation du fer qui est essentiel à la survie des bactéries. Cette étude, menée par des chercheurs de l’Inra en collaboration avec des équipes du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et du CHU de Toulouse, publiée le 11 juillet 2013 dans PLoS Pathogens, ouvre des perspectives prometteuses quant à l’élaboration de nouveaux traitements antibactériens.


E. coli
est une bactérie commensale de la flore intestinale des mammifères. Elle se développe dans la lumière intestinale de son hôte de manière inoffensive. Cependant, certaines souches pathogènes sont responsables de graves infections intestinales et extra-intestinales, tant chez l’Homme que chez l’animal. Les souches pathogènes de E. coli ont acquis un arsenal de fonctions qui leur permettent de coloniser de nouvelles niches écologiques en contournant les mécanismes de défense de l’hôte et en piratant les voies de communication des cellules eucaryotes.

Des chercheurs de l’Inra, de l’université Toulouse III – Paul Sabatier et du CHU de Toulouse en association avec des équipes du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Munich[1] se sont intéressés à la voie de production de la colibactine chez E. coli, une molécule qui induit des cassures double brin de l’ADN pouvant potentiellement conduire à l’apparition de cellules cancéreuses. La voie de synthèse de cette génotoxine est connue depuis plusieurs années ;

cependant les chercheurs ont mis en évidence des interactions avec une autre voie de synthèse conduisant à la production de sidérophores, facteurs de virulence impliqués dans la captation du fer, un élément indispensable à la survie de la bactérie.

Un des intermédiaires de la synthèse de la colibactine est la phosphopantetheinyl transferase (PPTase). Or, la synthèse de certains sidérophores requiert également des PPTases. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont montré que la PPTase impliquée dans la voie de synthèse de la colibactine peut contribuer à la synthèse de sidérophores. Cela signifie que pour abolir la virulence d’une souche de E. coli pathogène il faut agir aussi bien sur les gènes responsables de la synthèse de la colibactine que sur ceux responsables de la synthèse des sidérophores.

Cette étude menée au Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan (Inra – Inserm – CNRS -Université Toulouse III – Paul Sabatier) démontre pour la première fois un lien entre les multiples voies nécessitant des PPTases et conduisant à la biosynthèse de molécules aux fonctions distinctes dans un microorganisme donné. Dans le cadre de la recherche de nouvelles cibles bactériennes à visée thérapeutique, les PPTases, impliquées dans la synthèse de facteurs de virulence bactériens majeurs, constituent des protéines candidates de premier choix.

Ces travaux sont protégés par une demande de brevet, déposée par Inserm Transfert (réf. EP13305943.6 ; 03 juillet 2013).


[1] Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (Inra, Inserm, CNRS, Université Toulouse III – Paul Sabatier) ; Service de bactériologie-Hygiène du CHU de Toulouse ; Toxalim (Inra, INVT, Université Toulouse III- Paul Sabatier) ; IPBS (CNRS, Université Toulouse III-Paul Sabatier) ; Université de Picardie-Jules Vernes ; Max von Pettenkofer-Institut für Hygiene und Medizinische Mikrobiologie (Allemagne)

Le sur-traitement du cancer de la prostate en France est réel

Un travail mené par Cyrille Delpierre de l’ Unité mixte de recherche 1027 «Epidémiologie et analyses en sante publique : risques, maladies chroniques et handicaps » (Inserm/ Université Toulouse III-Paul Sabatier) en collaboration avec le réseau Français des registres de cancer a évalué la proportion de patients atteints d’un cancer de la prostate potentiellement et réellement sur-diagnostiqués ou sur-traités en France. D’après leur étude menée sur 1840 patients, le sur-traitement réel concerne une partie non négligeable des patients pris en charge pour une tumeur cancéreuse dite de stade T1 (tumeurs précoces), et dans une moindre mesure les patients  atteints de tumeurs au stade T2 (tumeurs plus avancées). Ces chiffres sont à prendre en compte sérieusement puisque le sur-diagnostic ou le sur-traitement peuvent être associés à des effets indésirables comme l’impuissance ou l’incontinence.
Ces travaux ont été publiés dans la revue
Cancer Epidemiology.

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© Ghinea N/Inserm Cancer de la prostate (stade précoce)


L’utilisation généralisée du test PSA[1] dans la prise en charge des cancers de la prostate a conduit à une plus grande précocité des diagnostics. Cette évolution constitue en soi une avancée, les stades précoces étant moins graves donc plus facilement curables. Mais tous les cancers de la prostate n’ont pas la même agressivité et comme beaucoup de tests de dépistage, le dosage du PSA détecte plus facilement les tumeurs qui évoluent le moins vite. Par conséquent, une part non négligeable des tumeurs diagnostiquées suites à un test PSA sont faiblement évolutives ce qui expose des patients aux risques de sur-diagnostic ou de sur-traitement.

En l’absence de marqueurs permettant de repérer les tumeurs agressives, la principale difficulté du dépistage du cancer de la prostate réside dans l’évaluation de son bénéfice pour le sujet en tenant compte des risques de sur-diagnostic et de sur-traitement (qui peuvent varier de 30% à 50% selon la littérature). Il est donc nécessaire de comparer l’espérance de vie avec cancer à l’espérance de vie théorique, et donc de bien les estimer. En pratique, si l’espérance de vie du patient est supérieure à 10 ans, durée considérée comme nécessaire pour qu’un cancer devienne cliniquement significatif, le traitement est justifié.

Le but de l’étude menée par Cyrille Delpierre a été d’estimer l’ampleur du sur-diagnostic et du sur-traitement potentiel et réel pour le cancer de la prostate en France, en tenant compte des comorbidités susceptibles de modifier fortement l’espérance de vie théorique.

L’échantillon était composé de 1840 patients diagnostiqués en 2001. Les proportions de patients sur-diagnostiqués et sur-traités ont été estimées en comparant l’espérance de vie théorique  (prenant en compte les comorbidités), à l’espérance de vie avec le cancer

Il a été possible d’identifier les patients en situation de sur-traitement potentiel, c’est à dire ceux dont l’espérance de vie théorique était inférieure à l’espérance de vie avec cancer, et parmi ces derniers de savoir lesquels avaient effectivement été traités (soit par chirurgie ou par radiothérapie) donc réellement sur traités.

 9,3% à 22.2% des patients atteints de tumeurs au stade T1 étaient sur-traités.

Soit entre 7,7% et 24,4% des patients ayant subi une ablation de la prostate, et entre 30,8% et 62,5% de ceux recevant une radiothérapie.

2% des patients atteints de tumeurs au stade T2 étaient sur-traités soit 2% des patients ayant subi une ablation de la prostate et 4,9% de ceux recevant une radiothérapie.

La présence d’une comorbidité augmentait considérablement ces proportions, les patients au stade T1 avec plus de deux comorbidités étant en situation de sur-traitement potentiel dans la presque totalité des cas et étant réellement sur-traités dans un tiers des cas

« Une des limites importantes de notre étude a été de travailler sur des patients diagnostiqués en 2001. La situation est actuellement différente. Mais des données plus récentes concernant l’année 2008 montrent une inversion des proportions des stades T1 et T2. Les stades T1 sont maintenant plus fréquents que les T2. La proportion des petits stades dans lesquels l’on observe un risque élevé de sur-traitement serait en augmentation. » explique Cyrille Delpierre.

Ce travail met en évidence une proportion importante de sur-traitement réel, majoritairement observés chez des patients ayant des comorbidités.

Pour les chercheurs,  la question essentielle dans le débat autour de l’utilité du PSA, et de façon plus générale autour de tous les dépistages, n’est donc pas le test en lui-même mais plutôt le choix d’une prise en charge appropriée

Le dépistage est un processus qui débute avec la proposition d’un test de dosage du PSA suivi en cas de résultats positifs d’examens diagnostiques puis d’une prise en charge adaptée en cas de maladie avérée. « Au vu du sur-traitement avéré du cancer de la prostate, cette prise en charge pourrait se limiter, notamment pour les patients ayant des comorbidités, à une surveillance permettant de proposer le traitement quand il deviendrait opportun » avance Cyrille Delpierre.

La différence observée entre sur-traitement potentiel et sur-traitement réel est le signe d’une prise en compte du risque de sur-traitement par les urologues qui reste néanmoins à améliorer. Cette situation traduit la difficulté à proposer une surveillance active et la difficulté à justifier une attitude non-interventionniste chez des patients se sachant atteints d’un cancer.

Sur-diagnostic ou sur-traitement ?

Sur-diagnostic : Le temps entre le diagnostic et l’apparition des symptômes cliniques et/ou du décès dus au cancer peut être plus élevé que l’espérance de vie, le cancer ne se manifestant ou du moins ne tuant alors pas cette personne. Cette situation correspond à une situation dite de sur-diagnostic.

Sur-traitement : La décision de traiter de manière invasive peut être à l’origine d’un sur-traitement quand on traite un cancer qui n’aurait pas fait parler de lui au cours de la vie de l’individu. Il n’est donc pas toujours dans l’intérêt du patient d’être dépisté et traité une tumeur à faible risque de progression par des traitements qui ont des effets indésirables.


[1] Le dépistage du cancer de la prostate repose sur le dosage dans le sang d’un marqueur spécifique d’un dysfonctionnement de la prostate (antigène spécifique appelé PSA)

Quand les chercheurs en épidémiologie s’intéressent au Web 2.0

A l’heure du Web 2.0 et du « Quantified Self », les chercheurs travaillent pour renouveler les méthodes de l’épidémiologie traditionnelle (interviews, entretiens téléphoniques ou questionnaires papier), coûteuses et contraignantes pour les participants aux cohortes. Il semble en effet nécessaire d’adapter les outils de recrutement, de suivi et de collecte de données aux habitudes des nouvelles générations. Internet et les smartphones offrent de nombreuses possibilités pour collecter des données sur le mode de vie, l’environnement et la santé des participants, d’une façon peu contraignante et ludique. L’équipe Inserm dirigée par Françoise Clavel-Chapelon (Unité 1018, équipe 9 « Nutrition, hormones et santé des femmes) a organisé en mai dernier  à la Cité Universitaire de Paris le colloque international e-tools and social networks for epidemiology, dont l’objectif était de présenter les recherches académiques et les innovations industrielles reposant sur les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) ayant un intérêt pour la recherche épidémiologique.

De nouveaux outils de recueil de données

Carol Boushey, venue de l’Université d’Hawaï, a présenté ses travaux sur la technologie TADA (Technology Assisted Dietary Assessment). C’est une application prototype pour smartphone qui permet de collecter des données sur l’alimentation. Le principe est simple : il suffit de photographier son assiette avant et après le repas. Les algorithmes du programme font le reste : ils détectent les textures et les volumes, et tentent de reconstituer avec exactitude la composition et les apports nutritionnels photographiés.

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Carol Boushey présentant la technologie TADA (Technology Assisted Dietary Assessment)

De nouveaux outils de collecte de données sur l’activité physique ont aussi été présentés. Stephen Intille (Northeastern University, Boston)

a décrit les travaux de son laboratoire de recherche, le mHealth Research Group, sur l’utilisation de téléphones portables et de capteurs pour mesurer des données de santé et d’activité physique

. Suzanne Garland (Royal Women’s Hospital, Melbourne) a, quant à elle, expliqué comment le SenseWear® Armband est utilisé dans le cadre de l’étude australienne Youg Female Health Initiative. C’est un bracelet électronique qui  permet de recueillir des données physiologiques (température de la peau, rythme cardiaque, …) et fournit à l’utilisateur des informations immédiates sur le nombre de pas effectués, la distance parcourue, les calories brûlées, le cycle de sommeil, etc.

De plus, les récentes techniques de géolocalisation trouvent dorénavant des applications en épidémiologie. En témoignent l’outil Veritas présenté par Yan Kestens (Université de Montréal) qui repose sur des cartes en ligne permettant de recueillir des informations spatiales et les travaux de John Nuckols (Colorado State University) qui allient géolocalisation et données sur les polluants environnementaux.

Internet et la santé 2.0

Plusieurs interventions ont concerné les techniques de recrutement, de mise en réseau, de gestion des données et de fidélisation des participants via Internet.

John Wark (Université de Melbourne) a décrit le processus de recrutement des volontaires dans l’étude Youg Female Health Initiative par le biais de Facebook.

Enfin, plusieurs plateformes web ont été présentées comme la plateforme CleanWEB ePRO®, une solution intégrée de gestion électronique d’essais cliniques, les différents programmes de e-santé déployés « sur-mesure » par la société BePATIENT, ou encore la plateforme multi-capteurs SenseDoc développée par le laboratoire de recherche SPHERE (Centre de recherche du centre hospitalier de l’Université de Montréal), en collaboration avec l’équipe de l’étude RECORD.

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Le SenseWear® Armband de la société BodyMedia®

Les atouts majeurs de ces plateformes web 2.0 sont la mise en réseau des participants, la collecte de données numériques donc exploitables rapidement, la connexion avec des outils électroniques, des capteurs, des applications smartphones qui enregistrent des informations automatiquement et la possibilité d’obtenir un retour personnalisé selon le profil du participant.

« Outre le gain de temps et la fiabilité vraisemblablement accrue des données ainsi collectées, ces moyens présentent un côté ludique et interactif, aspect qu’il ne faut pas négliger pour fidéliser les participants, souvent volontaires, des cohortes de grande envergure », explique Françoise Clavel- Chapelon, directrice de recherche Inserm en charge des cohortes E3N et E4N.

Ce premier colloque a donc permis de faire un état de l’art des nouveaux outils, issus de domaines variés comme les réseaux sociaux, la e-santé ou les technologies spatiales, qui peuvent trouver des applications dans les études épidémiologiques de demain. Toutefois, il est nécessaire, avant de déployer ces méthodes et outils innovants dans le cadre d’études épidémiologiques en population générale, d’en vérifier l’acceptabilité, la fiabilité et la validité. « La cohorte E4N (cf. encadré) offrira des conditions particulièrement propices pour mener cette étape de standardisation et de validation », conclut Guy Fagherazzi, responsable scientifique de la cohorte E4N.

Ce colloque a été orchestré par l’équipe Inserm dirigée par Françoise Clavel-Chapelon (UMRS 1018, équipe 9), qui, dans le cadre de la création de la cohorte E4N, a souhaité réfléchir à de nouvelles façons de recueillir des données épidémiologiques. L’événement était co-organisé avec l’AFCROs (Association française des CROs), en partenariat avec l’Aviesan Santé Publique, l’Inria et les trois pôles de compétitivité franciliens (Cap Digital, Systematic Paris-Région et Medicen) rassemblés sous l’étiquette TIC & Santé. Ce colloque a obtenu un soutien financier de la Mairie de Paris, de l’Université Paris-Sud et de la Ligue contre le cancer.

E4N : une cohorte familiale

L’étude E4N vise à prolonger l’étude E3N en suivant les conjoints, enfants et petits-enfants des femmes de l’étude E3N. L’objectif est de mieux comprendre, dans l’apparition des maladies, ce qui relève de la part génétique, de l’environnement familial et de l’environnement extra-familial. Ce projet de cohorte familiale et prospective a été retenu au titre des « Investissements d’avenir » de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) pour un suivi de 9 ans.

Pour en savoir plus : www.e4n.fr

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Quels progrès médicaux pour les personnes vivant avec le VIH en France ?

La dernière enquête ANRS VESPA2 met en lumière les progrès médicaux obtenus pour les personnes vivant avec le VIH en France et les enjeux à privilégier dans une approche renouvelée des stratégies de prise en charge pour tenir compte de l’augmentation des comorbidités et surtout des besoins sociaux de cette population. Cette enquête, réalisée par des chercheurs de l’Inserm (Unités 912, SESSTIM, Marseille et 1018, CESP Villejuif) avec le soutien financier et scientifique de l’ANRS, est publiée dans le BEH du 2 Juillet.

Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) du 2 Juillet, édité par l’InVS, publie les premiers résultats de l’enquête ANRS VESPA2 (VIH : Enquête sur les personnes atteintes) menée par deux équipes de l’Inserm (Unités 912, Marseille et 1018 Paris) avec le soutien financier et scientifique de l’ANRS et du Ministère de l’Outre-mer. Réalisée une première fois en 2003, l’enquête ANRS VESPA2 a été menée en 2011 en France métropolitaine et dans quatre départements d’Outre-Mer (DOM) (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et à Saint-Martin.

Les enquêtes ANRS VESPA sont réalisées auprès d’échantillons représentatifs des personnes séropositives suivies à l’hôpital. L’enquête ANRS VESPA2 a été menée en métropole dans 68 hôpitaux auprès de 3022 personnes séropositives incluses par 413 médecins ; dans les DOM, dans 7 hôpitaux, 35 médecins et 598 patients ont participé à l’étude. Cette enquête nous plonge dans la réalité sociale, économique, médicale des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en France et nous donne également des indications sur les comportements de prévention. C’est de ce point de vue un observatoire unique qui identifie les pistes d’une amélioration de la prise en charge et des conditions de vie des personnes atteintes.

Principaux résultats

Les recommandations successives en faveur d’un traitement plus précoce se traduisent par

une forte augmentation de la proportion de personnes séropositives sous traitement entre 2003 et 2011 (de 83,2% à 93,3%

) et une amélioration des paramètres biologiques du VIH. Ainsi, en 2011 plus de la moitié des personnes suivies ont un taux de CD4≥500/mm3 et la grande majorité (88,8%) ont une charge virale contrôlée au seuil de 50 copies/ml. Cette tendance positive est également observée dans les DOM, avec toutefois un peu moins de patients ayant une charge virale contrôlée.

En ce qui concerne le diagnostic tardif de l’infection, il est marqué aussi bien dans les DOM qu’en métropole (55,3% des personnes nouvellement diagnostiquées entre 2003 et 2011 le sont à un stade tardif dans les DOM ; 48,6% en métropole). Ces chiffres soulignent la nécessité de continuer à promouvoir le dépistage pour limiter le nombre de personnes séropositives ignorant leur statut et sans prise en charge de leur infection.

Cette amélioration biologique de l’infection à VIH doit être rapportée à l’état de santé général des personnes séropositives : la population séropositive suivie à l’hôpital a vieilli entre 2003 et 2011 (l’âge médian en métropole atteint 49 ans en 2011, contre 41 ans en 2003) et les comorbidités pèsent maintenant fortement sur l’état de santé des personnes (16,4% ont été infectées par le VHC, 17,1% prennent un traitement antihypertenseur, 17,5% un traitement hypolipémiant et 4,2% un traitement hypoglycémiant).

Une situation sociale difficile

La situation sociale des PVVIH n’apparaît pas avoir significativement évolué au cours de la période 2003-2011.

Avec 58,5% de personnes qui travaillent et 13% qui sont en recherche d’emploi, la population séropositive est marquée par un niveau d’activité  très inférieur à celui de la population générale.

Presque un tiers (31,5%) des personnes vivant avec le VIH ne parviennent pas à faire face à leurs besoins sans s’endetter et une personne sur cinq rencontre des difficultés à se nourrir au quotidien par manque d’argent.

Mais la population séropositive n’est pas homogène de ce point de vue et certains groupes, notamment les malades des DOM, les femmes et les migrants d’Afrique sub-saharienne, sont dans des situations sociales et économiques particulièrement fragiles

. Ainsi, les privations alimentaires concernent 16% des PVVIH à La Réunion, 49% en Guyane et jusqu’à 58% à Saint-Martin. En métropole, les privations alimentaires sont plus fréquentes chez les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne (29% des hommes et 34% des femmes) et chez les femmes qui ont utilisé des drogues injectables au cours de leur vie (40%) que dans les autres groupes. Ces inégalités entre les groupes en métropole d’une part, entre la métropole et les DOM d’autre part reflètent pour partie l’environnement économique et social général : contexte économique encore plus défavorable des DOM par rapport à la métropole en termes de marché du travail et de niveau de revenu, situation précaire des étrangers, fragilité accrue d’une fraction de la population qui a de faibles niveaux de qualification.

Il faut y voir aussi l’impact d’une maladie de très longue durée, qui continue d’isoler socialement comme le montre la proportion très élevée de personnes qui vivent seules (40% sur l’ensemble de l’échantillon et jusqu’à 55% chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes) auxquelles s’ajoutent celles qui vivent seules avec des enfants (8,6%). C’est ce qui fait tout l’intérêt des associations de lutte contre le sida qui, à travers leurs activités, engagent toutes les catégories de PVVIH dans la reconstruction de liens sociaux. Au cours des 12 mois précédant l’enquête, 13,5% des personnes ont participé à des activités associatives avec des taux particulièrement élevés parmi les immigrés et les usagers de drogue, catégories les plus démunies.

Vie sexuelle et comportement préventif

Au cours des dernières années, des données scientifiques concordantes ont montré la réduction de la transmissibilité du virus des personnes sous traitement antirétroviral. Les espoirs nés de ce constat n’ont pas encore de traduction dans le comportement préventif des personnes atteintes.

En effet, parmi les 58,3% de PVVIH pouvant être considérées comme à risque faible de transmission du point de vue biomédical (i.e. sous traitement antirétroviral, en charge virale indétectable depuis plus de 1 an et ne déclarant aucune autre IST au cours des 12 derniers mois), 21% déclarent au moins une pénétration non protégée au cours des 12 derniers mois ; et cette proportion n’est pas différente chez les personnes considérées comme à risque élevé de transmission selon ces mêmes critères (20%). Entre 2003 et 2011, l’activité sexuelle dans l’année a baissé (de 78% à 71%). En 2011, il reste difficile de révéler sa séropositivité à ses partenaires : 14% des PVVIH qui étaient déjà séropositives au début de la relation actuellement en cours ne l’ont jamais annoncé à leur partenaire principal (contre 5% chez celles qui ont appris leur séropositivité quand elles étaient déjà en couple), et 69% n’en ont pas informé leur dernier partenaire occasionnel (et jusqu’à respectivement 79% et 74% chez les hommes immigrés d’Afrique sub-saharienne et les hommes ayant des pratiques homosexuelles).

Conclusion

Les avancées thérapeutiques continues de ces dernières années ont profité à tous les patients suivis à l’hôpital, nouveaux ou anciens malades, hommes ou femmes, ultramarins ou métropolitains, français ou immigrés.

 Ils vont beaucoup mieux d’un point de vue médical, mais la longévité, autrefois inespérée, apporte aussi son poids de maladies chroniques. Ces progrès médicaux doivent être mis en regard de la situation sociale des patients : l’enquête ANRS VESPA2 dessine les contours des failles de l’insertion sociale dans le contexte d’une maladie chronique telle que l’infection VIH. Ainsi les observations de l’étude VESPA2 identifient les priorités qui doivent être au cœur d’une stratégie de prise en charge renouvelée et pas seulement médicale.

VIH Sida

Source : BEH, édité par l’InVS, n° 26-27 du 2 juillet 2013 – Vivre avec le VIH : premiers résultats de l’enquête ANRS-VESPA2

Diabète de type 1: autorégénérer ses cellules productrices d’insuline ?

Patrick Collombat, directeur de recherche Inserm et son équipe Avenir de l’Institut de Biologie Valrose à Nice, publient de nouveaux résultats sur le diabète de type 1. Les chercheurs montrent chez la souris que le pancréas contient des cellules capables de se transformer en cellules β productrices d’insuline et ceci à tout âge. Ils révèlent également que toutes les cellules β du pancréas peuvent être régénérées plusieurs fois et que le diabète des souris, induit chimiquement, peut ainsi être « soigné » de façon répétée. L’enjeu pour les chercheurs est désormais de montrer que ces processus sont applicables chez l’Homme.

Ces travaux sont publiés en ligne dans la revue Developmental Cell datée du 27 juin 2013

Le diabète de type 1, caractérisé par la perte sélective des cellules β pancréatiques produisant l’insuline, est une maladie touchant plus de 30 millions de personnes dans le monde. Malgré les thérapies actuelles, les patients diabétiques de type 1 présentent une espérance de vie réduite de 5 à 8 ans. C’est dans ce contexte que l’équipe Avenir « Génétique du diabète » travaille au développement de nouvelles approches visant à régénérer ces cellules.

Les chercheurs de l’Institut de Biologie Valrose (Inserm/Université Nice Sophia Antipolis) étaient parvenus en 2009 à transformer des cellules α productrices de glucagon en cellules β chez de jeunes souris. Aujourd’hui, grâce à l’utilisation de souris transgéniques, ils révèlent les mécanismes aboutissant à ce changement d’identité cellulaire. Ce sont précisément des cellules de canaux pancréatiques qui peuvent être mobilisées et littéralement transformées en cellules α puis β, et ceci à tout âge. Cette reconversion est obtenue par l’activation forcée du gène Pax 4 dans les cellules α du pancréas. La cascade d’événements qui en découle entraine la fabrication de cellules β toutes neuves, permise grâce au réveil de gènes du développement. Tout au long de ce processus, les cellules α sont régénérées et adoptent progressivement le profil des cellules β. Le pancréas dispose donc d’une source quasi inépuisable de cellules pouvant remplacer les cellules β.

La régénération de cellules β dans le pancréas

Pancreas

© Patrick Collombat / Inserm


A gauche : pancréas de souris contrôle (non diabétique)
A droite : pancréas de souris transgéniques démontrant une régénération massive des cellules β produisant de l’insuline (en rose) après induction chimique d’un diabète .

En créant artificiellement un diabète de type 1 chez les souris,

« nous avons également démontré que toutes les cellules β pancréatiques peuvent être régénérées au moins trois fois par ce mécanisme. Le diabète, ainsi induit chez la souris, peut être littéralement « soigné » de multiples fois grâce au nouveau stock de cellules β productrices d’insuline fonctionnelles »

explique Patrick Collombat, directeur de recherche Inserm et principal auteur de l’étude.

Ces résultats prometteurs obtenus chez la souris suggèrent que le pancréas contient des cellules pouvant régénérer plusieurs fois les cellules β perdues chez les diabétiques de type 1.

« Nous travaillons désormais sur la possibilité d’induire cette régénération à l’aide de molécules pharmacologiques. A partir de ces nouvelles données, nous allons nous attacher dans les années à venir, à déterminer si ces processus peuvent aussi être appliqués chez l’homme, un véritable défi pour proposer de meilleurs traitements du diabète de type 1. »  conclut-il.

Stress : il faut y être attentif !

Pressions au travail, tensions familiales, problèmes financiers … les causes de stress sont de plus en plus nombreuses. Dans le passé, plusieurs études ont montré que le stress pouvait avoir des effets négatifs sur la santé (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension …). Des chercheurs de l’Inserm au sein de  l’unité 1018  « Centre de recherche en épidémiologie et Santé des populations » en collaboration avec des chercheurs anglais et finlandais ont montré qu’il fallait être vigilant et accorder de l’importance aux personnes déclarant être stressées, particulièrement celles qui pensent que le stress affecte leur santé. Selon leur étude menée auprès de 7268 participants, ces personnes ont effectivement deux fois plus de risque que les autres de faire une crise cardiaque.

Ces résultats ont été publiés dans la revue European heart Journal.

Le stress est reconnu aujourd’hui comme l’un des principaux problèmes de santé. Face à une situation jugée stressante, plusieurs symptômes physiques, émotionnels, comportementaux peuvent apparaître (angoisse, difficultés de concentration, problème cutanée, migraines…). Des études passées et notamment les dernières études menées  au sein de la cohorte Withehall II[1], composée de plusieurs milliers de fonctionnaires britanniques, ont déjà montré que les modifications physiologiques associées au stress peuvent avoir un effet néfaste sur la santé.

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crédit : ©Fotolia

L’équipe d’Herman Nabi, chercheur Inserm au sein de l’Unité 1018  « Centre de recherche en épidémiologie et Santé des populations » est allée plus loin et s’est intéressée aux personnes déclarant être stressées pour voir plus précisément s’il existait une association entre leur  ressenti et la survenue quelques années plus tard d’une maladie coronarienne.

A partir d’un questionnaire établi dans le cadre de la cohorte Withehall II, les participants étaient invités à répondre à la question suivante : « dans quelle mesure estimez-vous  que le stress ou la pression que vous avez vécu dans votre  vie a  une incidence sur votre santé », les participants avaient quatre choix de réponses : pas du tout », « peu », « moyennement », « beaucoup » ou « extrêmement ».

Les participants ont également été interrogés sur leur perception de leur niveau de stress, ainsi que sur d’autres facteurs pouvant influer sur leur état de santé, comme le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation et les niveaux d’activité physique. La  pression artérielle, le diabète, l’indice de masse corporelle et les données socio-démographiques, tels que l’état civil, l’âge, le sexe, l’origine ethnique et le statut socio-économique, ont également été pris en compte.

D’après les résultats, les participants ayant rapporté, au début de l’étude, que leur santé était  « beaucoup ou extrêmement » affectée par le stress avaient plus du double du risque (2,12 plus élevé) d’avoir ou de mourir d’une crise cardiaque comparés à ceux qui n’avaient signalé aucun effet du stress sur leur santé.

D’un point de vue clinique, ces résultats suggèrent que la perception qu’ont les  patients de l’impact du stress sur leur santé peut être très précise, dans la mesure où elle prédit un événement de santé aussi grave et fréquent que la maladie coronarienne.

De plus, cette étude révèle également que cette association n’est pas influencée par des différences liées aux facteurs  biologiques, comportementaux ou psychologiques entre les individus. En revanche, les capacités à faire face au stress différent grandement entre les individus en fonction des ressources à leur disposition, comme le soutien de l’entourage.

Selon Hermann Nabi,  « le message principal est que les plaintes  des patients concernant l’impact du stress sur leur santé ne devraient pas être ignorées en milieu clinique, car elles peuvent indiquer un risque accru de développer une maladie coronarienne ou d’en mourir. Les futures études de stress devraient inclure les perceptions des patients sur l’impact du stress sur leur santé ».

A l’avenir, comme le souligne Hermann Nabi, « des essais seront nécessaires pour déterminer si le risque de  maladie peut être réduit en augmentant l’attention clinique portée à celles et ceux qui se plaignent d’un effet  du stress sur leur santé ».


[1] Créée en 1985, la cohorte Withehall II constituée de fonctionnaires britanniques, contribue de façon majeure à la recherche en épidémiologie sociale et est internationalement considérée comme l’une des principales sources de connaissance scientifique sur les déterminants sociaux de la santé.

Les polluants alimentaires aggravent les problèmes métaboliques chez des souris obèses

Certains polluants alimentaires sont soupçonnés d’être impliqués dans la survenue de troubles métaboliques ou de les aggraver notamment lorsqu’ils sont ingérés dans une alimentation riche en gras. Pour mieux comprendre leurs effets, des chercheurs de l’Inserm (U1060 « Laboratoire de recherche en cardiovasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition » Inserm/Inra/Université Lyon 1) ont  introduit un cocktail de polluants mélangeant de très faibles doses de dioxine, PCB, Bisphénol A et phtalates dans l’alimentation de souris rendues obèses par une alimentation riche en gras. Les résultats montrent que des perturbations métaboliques surviennent chez ces souris et qu’elles diffèrent selon le sexe de l’animal. Les femelles semblent plus touchées et présentent une aggravation de l’intolérance au glucose associée à l’obésité ainsi qu’une altération de la voie œstrogénique.

Ces travaux sont publiés dans Faseb Journal.

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©Fotolia

L’obésité est un problème majeur de santé publique parce qu’elle est un facteur de risque pour le développement de complications métaboliques (diabète, maladies cardiovasculaires). C’est une maladie multifactorielle. En plus des prédispositions génétiques et du mode de vie alliant excès alimentaire et sédentarité, un faisceau de preuves suggèrent l’implication des polluants, notamment alimentaires dans l’épidémie d’obésité et ses complications métaboliques.

Les chercheurs ont formulé l’hypothèse selon laquelle les polluants alimentaires pouvaient aggraver certaines complications métaboliques déjà causées par un régime trop riche ou trop gras.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm ont nourri des souris avec un régime riche en gras, (donc déjà à risque pour la santé) couplé à un mélange de polluants à très faibles doses.  Ce régime leur a été administré tout au long de leur vie ainsi qu’à leur mère avant leur naissance et pendant les périodes de gestation et d’allaitement. Il s’agit donc d’une exposition chronique.

Deux polluants persistants[1] (dioxine et PCB) dans l’environnement et deux polluants non-persistants[2] (Phtalate et Bisphénol A) ont été ajoutés à très faible doses (normalement sans effets sur la santé) à l’alimentation riche en gras (obésogène) des souris. Ils ont été choisis pour leur présence dans l’alimentation humaine et leur activité reconnue de perturbation endocrinienne. En parallèle, des souris « contrôles » ont reçu le régime obésogène sans ajout de polluants.

Puis, les chercheurs ont réalisé des tests de tolérance au glucose et de sensibilité à l’insuline et mesuré au niveau du foie, l’accumulation des lipides et l’expression de certains gènes clés du métabolisme énergétique dans les souris adultes.

Les résultats mettent en évidence des effets très fortement dépendants du sexe de l’animal.

Mâle et femelle : des effets différents

Chez les femelles nourries avec le régime gras, l’ajout de polluants entraine une aggravation de l’intolérance au glucose ainsi qu’une altération de la voie des oestrogènes. Chez les mâles, une altération du métabolisme des lipides et du cholestérol est observée. Ces résultats sont observés en absence de modifications du poids entre les souris exposées et non exposées aux polluants.

Chez les femelles exposées, les chercheurs  poursuivent l’hypothèse d’un lien entre l’intolérance au glucose observée et l’altération de la signalisation œstrogénique. Il est, en effet, connu que les estrogènes protègent contre les maladies métaboliques. En d’autres termes, leurs travaux suggèrent que chez les femelles obèses, l’exposition aux contaminants alimentaires pourrait se traduire par une baisse de la protection exercée par les estrogènes sur les maladies métaboliques.

« Nous apportons, grâce à cette étude, une preuve de concept que de faibles doses de polluants de l’ordre des doses considérées sans effet pour l’homme ont en réalité un effet lorsque l’exposition est chronique et que les polluants sont administrés en mélange dans une alimentation enrichie en calories » souligne Brigitte Le Magueresse Battistoni.

Cette étude a été menée dans le cadre de programmes de recherche soutenus par l’institut Benjamin Delessert (2010), l’ANSES (EST-2010/2/2007) et l’EFSD (programme 2011), par Brigitte Le Magueresse-Battistoni et Danielle Naville, 2 chercheurs qui travaillent dans l’équipe 1 de l’unité CarMeN animée par Hubert Vidal


[1] Ces produits s’accumulent au fil de la chaine alimentaire dans un processus appelé bioaccumulation et se retrouvent dans nos assiettes

[2] Ces produits se dégradent plus rapidement que les précédents mais, de par leur production intensive notamment dans l’industrie du plastique, ils sont omniprésents dans notre quotidien.

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