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Les cyclistes du Tour de France vivent 6 ans de plus que la population française

De Tom Simpson à Marco Pantani et Laurent Fignon, de nombreux cyclistes professionnels ont perdu la vie prématurément. Ces décès dramatiques ont amené à s’interroger sur les risques à long terme liés à la pratique du haut niveau, et du cyclisme sur route en particulier, et constituent l’une des demandes fortes de la récente commission sénatoriale de lutte contre le dopage. Pour autant, depuis plus de 20 ans et dans de nombreuses disciplines, plusieurs études ont montré que les sportifs présentaient une durée de vie supérieure à la moyenne.

cyclistes 

©Fotolia

Pour mieux comprendre ce paradoxe, l’IRMES (Institut de Recherche bioMédicale et d’Épidémiologie du Sport, INSEP, Université Paris Descartes, AP-HP, Inserm), le Centre d’Expertise de la mort subite (Inserm, AP-HP, Université Paris Descartes), l’Institut Imagine (Hôpital Necker, AP-HP, Université Paris Descartes, Inserm), le labex GrEX (Université Paris Descartes, Inserm, CNRS, Hôpital Necker, AP-HP) et le Centre d’Épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDC, INSERM) ont étudié la longévité des cyclistes français ayant terminé au moins une fois le Tour de France depuis 1947.

Menées par Eloi Marijon, ces équipes ont en effet mesuré la durée de vie de tous les cyclistes français (786) engagés sur le Tour de France depuis la fin de la seconde guerre mondiale (ils représentent 30% de tous les engagés). Elles ont analysé les causes de mortalité sur cette période (la totalité des causes est accessible depuis 1968) : 208 cyclistes (26% du total) étaient décédés au 1er septembre 2012, dont près des deux tiers de cause cancéreuse ou cardiovasculaire.

La mortalité de ces sportifs est 41% plus faible que celle de la population générale.

 Dans l’analyse des causes spécifiques, ce résultat reste valable tant pour la mortalité par cancer (inférieure de 44%) que pour la mortalité respiratoire (inférieure de 72%) ou cardio-vasculaire (inférieure de 33%). Ces réductions de mortalité sont associées à une augmentation de leur durée de vie, calculée à 6,3 ans de plus que celle de la population générale.

Les décès traumatiques (accidents de la route liés à la pratique du cyclisme) ne diffèrent pas de la population générale masculine. Ces causes externes prédominent chez les coureurs décédés jeunes, expliquant la tendance observée (mais non significative) à une mortalité plus importante chez les cyclistes de moins de 30 ans.

Pour expliquer les résultats épidémiologiques très importants de ces sportifs de haut niveau, il faudra maintenant chercher du côté des prédispositions (en particulier génétiques), des relations désormais bien établies entre performance physique et durée de vie, des avantages sociétaux qu’ils ont pu retirer par la suite ainsi que des modes de vie sains qu’ils maintiennent après leur carrière. Nombre d’entre eux poursuivent en effet une pratique sportive longtemps après leur activité professionnelle et très peu fument. Par ailleurs, les effets potentiels du dopage ont été analysés par la mesure des taux de mortalité sur trois périodes. Des années 1950-1960 (époque des amphétamines) aux années 1970-1980 (stéroïdes anabolisants), le taux de mortalité n’a pas changé. Et malgré les circonstances singulières des vingt dernières années (recours fréquent à l’EPO et aux hormones de croissance, de 1991 à nos jours), la longévité des athlètes français ne s’est pas non plus réduite récemment. Il n’est toutefois pas encore possible d’estimer la longévité à long terme des athlètes de cette dernière période, les résultats présentés ici ne constituant qu’une analyse préliminaire à suivre avec attention.

Il sera également intéressant de réaliser une comparaison à terme avec les équipiers d’autres nations et d’évaluer les modes de prise en charge spécifiques et le suivi longitudinal organisés par les fédérations et institutions françaises ainsi que leur effet sur la performance.

La circoncision est efficace pour réduire « dans la vraie vie » le risque d’être infecté par le VIH

crédit photo : ©Inserm

Réalisée dans le bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud, l’étude Anrs 12126 confirme l’efficacité d’un programme de circoncision volontaire à large échelle. Le suivi de plus de 3300 hommes montre une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections chez les hommes circoncis par rapport à ceux qui ne le sont pas. Cette étude menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS-1018 Inserm) et ses collègues  prouve également qu’un programme de circoncision peut être efficacement et rapidement implanté dans les communautés africaines où cette pratique ne constitue par une norme sociale. Ces résultats, publiés dans PLOS Medicine, incitent à accélérer la mise en œuvre de programmes de circoncision volontaire sur le continent africain afin d’améliorer la prévention de la transmission du VIH.


L’effet protecteur de la circoncision sur le risque d’être infecté par le VIH chez l’homme a été démontré dans trois essais randomisés. La première publication date de 2005 (étude Anrs 1265 menée en Afrique du Sud), et ses résultats ont été confirmés ensuite au Kenya (en 2007) et en Ouganda (2007). Ces études ont établi que le risque d’être infecté par le VIH des hommes circoncis était réduit de 50% à 60%. Ces résultats ont conduit l’OMS et l’ONUSIDA à recommander en 2007 la circoncision de l’adulte comme stratégie de prévention additionnelle contre le VIH dans les communautés ayant une forte prévalence du VIH et une faible prévalence de la circoncision.

Il restait toutefois à prouver que l’implantation de la circoncision « dans la vraie vie »  permet de réduire à la fois l’incidence (taux de nouvelles contaminations) et la prévalence (proportion de personnes infectées) de l’infection par le VIH chez les hommes. Des résultats préliminaires avaient été apportés en ce sens lors de la conférence de l’IAS de 2011 par Bertran Auvert et ses collègues dans l’étude Anrs 12126  (Bophelo Pele). Les chercheurs confirment ces résultats dans la revue PLOS Medicine (1).

Il s’agit de la première publication scientifique démontrant « dans la vraie vie » l’efficacité de la circoncision masculine pour réduire le risque d’être infecté. 

Conduite entre 2007 et 2011, l’étude Anrs 12126 Bophelo Pele a été menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS 1018 Inserm, Hôpital Ambroise Paré et Université de Versailles Saint-Quentin) et ses collègues du National Institute for Communicable Diseases, de la faculté des sciences Sociales, et de la société Progressus (Johannesburg, Afrique du Sud), de l’Université Johns Hopkins (USA) et de l’hôpital Bichat (Paris). Elle a consisté à proposer une circoncision gratuite et médicalisée à tous les hommes volontaires âgés de 15 à 49 ans au sein d’une population de 110 000 adultes du bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud. Plus de 20 000 circoncisions ont ainsi été réalisées, accompagnées d’un large programme d’information et de prévention.

Parmi la population du bidonville, un échantillon de 3338 hommes a été recruté. Ils ont été interrogés par questionnaire anonyme sur leurs pratiques sexuelles et ont été invités à réaliser un dépistage du VIH. Le dépistage incluait un test permettant de déterminer, en cas de séropositivité, si la contamination était récente.

La proportion d’hommes circoncis est passée, dans cet échantillon, de 12% au départ de l’étude à 53% ; elle atteint 58% chez ceux âgés de 15 à 29 ans. Fait important, les comportements sexuels, en particulier l’usage du préservatif, ne sont pas différents selon que les hommes ont été circoncis ou pas. En revanche, il ressort une diminution importante à la fois de la prévalence et de l’incidence de l’infection par le VIH chez les hommes circoncis.

Les chercheurs estiment qu’en l’absence du programme de circoncision volontaire, la prévalence du VIH aurait été 19% plus élevée au sein de la population étudiée.

Cet effet est davantage marqué chez les hommes les plus jeunes avec une prévalence qui aurait été 28% plus élevée parmi ceux âgés de 15 à 29 ans. Parallèlement, il est observé une diminution du nombre de contaminations récentes parmi les hommes circoncis. La circoncision est ainsi associée à une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections.

Pour le Pr Bertran Auvert, « ces résultats sont importants à deux titres. D’une part, ils confirment l’efficacité de la circoncision pratiquée à l’échelle d’une population pour diminuer sensiblement la transmission du VIH parmi les hommes au sein de celle-ci. D’autre part, ils démontrent qu’il est possible d’obtenir ce résultat en seulement quelques années, y compris dans des populations où la circoncision n’est pas une pratique usuelle ».

L’étude Anrs 12126 plaide ainsi en faveur d’une accélération de l’implantation de programmes de circoncisions volontaires, notamment en Afrique sub-saharienne où vivent la grande majorité des 2,2 millions de personnes contaminées chaque année par le VIH dans le monde. Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Anrs, estime que « compte tenu de l’impact observé dans cette étude pour la limitation du risque d’acquisition du VIH chez les hommes circoncis, la généralisation de la circoncision doit plus que jamais être une priorité de santé publique en Afrique australe et de l’Est ».

L’étude se poursuit pour connaître l’effet de la circoncision sur la réduction du risque d’infection dans la population générale, et en particulier dans la population féminine.

Pauvre ou riche (en bactéries intestinales) : pas tous égaux face aux maladies liées à l’obésité

Deux études publiées simultanément dans Nature le 29 août 2013 ouvrent des perspectives importantes dans le domaine de la médecine préventive et personnalisée. Conduites par l’Inra conjointement avec l’Inserm, l’UPMC et l’AP-HP ainsi qu’avec le CNRS, l’IRD, l’université d’Evry et des partenaires internationaux, ces études ont permis de distinguer pour la première fois, au sein d’une population, deux groupes d’individus différant par la faible ou forte richesse de leur flore intestinale (encore appelé microbiote intestinal) et par leur susceptibilité face aux maladies métaboliques liées à l’obésité. Les chercheurs ont ainsi observé que les individus ayant un déficit en bactéries intestinales (appauvrissement de la diversité) ont un risque accru de développer des complications liées à l’obésité. Parallèlement, ils ont réussi à améliorer la composition du microbiote grâce à un régime alimentaire spécifique. Il serait ainsi possible de développer un test simple d’identification de ces personnes à risque et de proposer une solution préventive adaptée.

Centre Biomédical recherche et de valorisation

© Inserm

L’épidémie d’obésité touchait environ 400 millions d’individus adultes en 2005, elle concernera plus de 700 millions de personnes en 2015 et continuera d’augmenter. Les causes sont en partie environnementales (vie sédentaire, nourriture riche en énergie et facile à se procurer,…) et en partie génétiques. Mais l’obésité liée à des mutations génétiques humaines semble représenter une minorité de cas. De plus en plus de données indiquent que des variations dans notre « autre génome », le microbiome, c’est-à-dire le génome global de tous les microorganismes de notre corps, peuvent avoir plus de conséquences sur le développement de l’obésité que des variations dans le génome humain.

Deux types d’individus selon la composition bactérienne du tractus digestif

Une première étude menée par le consortium international MetaHIT* a porté sur une cohorte de 292 adultes danois comprenant 123 personnes non-obèses et 169 obèses. Les chercheurs ont analysé le génome bactérien intestinal de ces individus grâce à une nouvelle technique appelée métagénomique quantitative. D’après les résultats, il ressort que deux groupes d’individus se distinguent selon le nombre de gènes microbiens différents de leur microbiote, ce qui correspond à la richesse des bactéries qu’ils portent et l’abondance de certaines espèces bactériennes intestinales. Un quart des individus de la cohorte sont « pauvres » en espèces bactériennes, tandis que les trois-quarts possèdent une flore intestinale « riche » en bactéries (c’est-à-dire plus diversifiée). C’est la première fois qu’une telle distinction est mise en évidence dans la population. Par ailleurs, cette distinction n’est pas dépendante de la corpulence des individus car on retrouve des maigres et des obèses dans les deux groupes, même si le groupe déficitaire en bactéries comprend plus d’obèses (80%).

Un risque accru de complications associées à l’obésité

En comparant ces deux groupes, les chercheurs ont découvert que les personnes pauvres en bactéries intestinales ont un risque plus important que les personnes riches en bactéries de développer des complications liées à l’obésité :

 diabète de type 2, problèmes lipidiques, hépatiques, cardiovasculaires  et peut-être certains cancers… Ces individus ont notamment tendance à développer une inflammation chronique.

Des espèces bactériennes limitant la prise de poids

Les chercheurs ont également observé que les personnes obèses du groupe déficitaire en espèces bactériennes prennent plus de poids dans le temps que les individus non obèses. Chez ces individus pauvres en bactéries, 8 espèces bactériennes spécifiques étaient en faible abondance, voire manquantes. Ces espèces pourraient avoir un rôle protecteur contre la prise de poids. Cette découverte pourrait, à terme, conduire au développement de nouveaux probiotiques permettant de lutter contre la prise de poids.

6 espèces bactériennes suffisent à différencier les « pauvres » des « riches »

La seconde étude menée par le consortium français MicroObes*, portant sur une cohorte de 49 adultes français obèses ou en surpoids, confirme les résultats de la première étude. Les communautés bactériennes pauvres et riches dans les deux populations françaises et danoises sont similaires. De plus, en se basant sur seulement 6 espèces bactériennes particulièrement représentatives de ces communautés, il est possible de distinguer les communautés riches des communautés pauvres en bactéries avec une précision de 95%. Ces résultats pourraient conduire à l’élaboration d’une méthode simple pour déterminer quel type de communauté microbienne intestinale un individu porte.

Un régime alimentaire permet d’enrichir le microbiote

L’étude des patients français a de plus porté sur l’impact d’un régime riche en protéine et en fibres, et pauvre en calories, sur la diversité génétique du microbiote intestinal. Ce régime a conduit, après 6 semaines, non seulement à l’amélioration attendue des caractéristiques cliniques des individus étudiés (perte de poids et modifications des paramètres métaboliques), mais aussi à une augmentation de la richesse des communautés bactériennes intestinales initialement pauvres. Les chercheurs ont ainsi pu corréler l’augmentation de la richesse bactérienne avec la réduction du poids, du tissu graisseux, et avec une amélioration de paramètres métaboliques (taux de triglycéride ou cholestérol) ou inflammatoires. La voie est ouverte non seulement au diagnostic des individus à risque mais également à l’intervention par des recommandations nutritionnelles.

Cependant, l’inflammation chronique n’a pu être corrigée par le régime chez les individus pauvres en espèces bactériennes aussi efficacement que chez les individus riches. Ce problème ne pourra être résolu qu’en mettant en œuvre d’autres interventions, peut-être de type médicamenteuses, facilitées par la distinction des individus en fonction de la composition de leur microbiote intestinal.

L’ensemble des signes cliniques liés à l’obésité pourraient être corrigés, ou encore mieux prévenus, par la détection précoce de l’altération du microbiote et grâce à des recommandations nutritionnelles adaptées. Une telle voie, esquissée par ces deux études, pourrait conduire à une médecine préventive des maladies chroniques,  alternative à la médecine curative dont le poids sur les sociétés industrialisées devient financièrement difficile à soutenir. C’est dans cette perspectives que travaillent actuellement les chercheurs du programme européen Metacardis (Metagenomics in Cardiometabolic Diseases), débuté en 2012 et soutenu par l’Europe pour une durée de 5 ans (cf. encadré ci-dessous).

* Trois consortia de recherche sur le microbiote intestinal humain

MetaHIT (METAgenomics of the Human Intestinal Tract) est un programme de recherche européen, coordonné par l’Inra, qui s’est terminé en juin 2012. Il rassemblait 14 organismes de recherche et industriels européens (France, Allemagne, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) et la Chine. http://www.metahit.eu/

MicroObes (Microbiome intestinal humain dans l’obésité et la transition nutritionnelle) est un programme de recherche de l’ANR, coordonné par l’Inra, qui s’est terminé en janvier 2011 et regroupait 5 unités de recherche appartenant à l’Inra, l’Inserm, l’APHP, le CEA. http://www7.inra.fr/micro_obes/le_projet

Metacardis est un programme de recherche européen actuellement en cours, dans la continuité des projets précédents. Coordonné par l’Inserm, il a débuté en novembre 2012 et vise à étendre l’étude du rôle de la flore Intestinale dans les complications cardiométaboliques de l’obésité et à développer des applications cliniques. Il implique 14 partenaires issus de 6 pays européens. http://www.metacardis.eu

Cancer : le rôle insoupçonné des neutrophiles dans le traitement par immunothérapie

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont identifié le groupe de cellules du système immunitaire sur lequel repose l’efficacité d’un traitement par immunothérapie (anticorps thérapeutique) fréquemment utilisé dans le cancer du sein. Ils ont démontré chez l’animal que l’action des neutrophiles, globules blancs les plus communs, est nécessaire et suffisante pour éliminer les cellules tumorales. Les chercheurs ont également reproduit ces résultats sur un modèle de cancer de la peau. Si elles sont confirmées chez l’homme, ces découvertes devraient permettre l’optimisation des traitements actuels pour plusieurs cancers. Ces travaux sont publiés le 26 août sur le site de la revue Blood.

Avec plusieurs millions de victimes par an, le cancer reste une des causes les plus importantes de décès au niveau mondial. Chez la femme, le cancer du sein est le plus courant. Près d’une femme sur neuf développera un cancer du sein dans sa vie. En France, plus de 50 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

Entre 20 et 30% des cancers du sein présentent un terrain favorable à un traitement immunothérapeutique par injection d’anticorps. Jusqu’à présent, l’efficacité de ce type de traitement était attribuée à plusieurs acteurs du système immunitaire tels que les cellules Natural Killer et les macrophages. Les travaux de l’équipe de Pierre Bruhns,  responsable du Laboratoire Anticorps en Thérapie et Pathologie (Institut Pasteur / Inserm unité 760), en collaboration avec le Pr Clifford A. Lowell du Department of Laboratory Medicine de l’Université de Californie et deux équipes de l’Institut Pasteur, mettent sérieusement en doute cette hypothèse.

Etude de la moelle osseuse et de l'hématopoièse

Polynucléaire neutrophile, cellule terminale de la lignée neutrophile. observé au microscope optique (au centre en violet). Les neutrophiles représentent 50 à 70% des cellules du système immunitaire. ©Inserm/E.Cramer

Les chercheurs ont démontré, dans un modèle animal, que l’action des neutrophiles seule est suffisante pour induire l’effet thérapeutique observé lors d’une immunothérapie fréquemment employée pour traiter les cancers du sein. Les neutrophiles sont attirés vers la tumeur après l’injection d’anticorps thérapeutiques, sont activés au contact de ces anticorps, et sont ensuite en mesure de détruire les cellules tumorales. Cette découverte constitue une avancée importante pour l’optimisation et la mise au point des traitements d’immunothérapie contre ces cancers.

Les chercheurs ont fait les observations suivantes : ils ont constaté que la réduction de la masse tumorale n’intervenait pas chez des souris en neutropénie (déficit important ou absence de neutrophiles). Le constat est le même avec des souris dont les neutrophiles ne peuvent plus être activés au contact des anticorps thérapeutiques. Enfin, ils ont aussi démontré que l’effet anti-tumoral du traitement par immunothérapie pouvait être restauré chez des souris déficientes après administration de neutrophiles provenant de souris normales. Toutes ces observations ont été reproduites dans un modèle de cancer de la peau, ce qui laisse supposer que les neutrophiles ont un rôle important dans le traitement par immunothérapie de plusieurs cancers.

En conclusion, les chercheurs attirent l’attention sur les traitements par immunothérapie actuels utilisés contre le cancer. Ces derniers sont souvent couplés à d’autres traitements. En conséquence, une stratégie intéressante pourrait être de privilégier les associations qui dopent le nombre et l’activité des neutrophiles.

Une nouvelle piste thérapeutique pour les maladies à prions et la maladie d’Alzheimer

Les travaux réalisés par les équipes de Benoit Schneider et  Odile Kellermann (Unité Inserm 747 « Cellules Souches, Signalisation et Prions », Université Paris Descartes) ainsi que de Jean-Marie Launay (Unité Inserm 942 Hôpital Lariboisière et fondation FondaMental), publiés cette semaine dans Nature Medicine, mettent au jour une enzyme, la kinase PDK1, impliquée dans l’accumulation, dans les neurones, des protéines pathologiques caractéristiques des maladies à prions et de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs démontrent que le blocage pharmacologique de cette enzyme exerce un effet bénéfique contre ces pathologies.

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Nature Medicine

Les maladies à prions (maladie de Creutzfeld-Jakob chez l’homme) et la maladie d’Alzheimer sont associées à l’accumulation dans le cerveau de protéines anormales : la protéine prion scrapie (PrPSc) dans le cas des maladies à prions et les peptides amyloïdes Ab dans la maladie d’Alzheimer. La PrPSc et les peptides Ab exercent un effet toxique dans le cerveau en provoquant la mort des neurones, à l’origine des principaux signes cliniques caractéristiques de ces maladies.

Depuis quelques années, il est connu que la production des protéines pathologiques PrPSc et Ab40/42  a pour origine un défaut du clivage physiologique de la protéine prion  entière non pathologique (PrPC) ou de la protéine précurseur des peptides amyloïdes (APP). Cependant, on ne savait pas, jusqu’alors, expliquer pourquoi ce clivage, qui normalement protège les neurones, est altéré dans les maladies à prions et la maladie d’Alzheimer.

Aujourd’hui, les travaux menés par Benoit Schneider, chercheur CNRS de l’Unité Inserm 747 « Cellules Souches, Signalisation et Prions », Université Paris Descartes et Jean-Marie Launay (Unité Inserm 942, Hôpital Lariboisière) en collaboration avec d’autres équipes françaises travaillant sur les prions viennent d’identifier une chaîne de réactions qui bloque le clivage bénéfique de la PrPC et APP par l’alpha-sécrétase TACE (acronyme pour TNFa Converting Enzyme). Les chercheurs dévoilent comment la dérégulation de TACE contribue à la neurodégénérescence en provoquant l’accumulation des protéines pathologiques PrPSc et Ab40/42 et en exacerbant la sensibilité des neurones à l’inflammation.

Dans des conditions physiologiques normales, TACE est présente à la surface des neurones, où elle exerce son activité de clivage à la fois vis-à-vis de la PrPC, de APP et des récepteurs au facteur inflammatoire TNFa (TNFR), ce qui limite considérablement la production des protéines pathologiques PrPSc et Ab et protège les neurones des effets délétères induits par TNFa.

Différenciation cellulaire

Neurones d’Hippocampes de souris à 7 jours – © Inserm/L.Peris

Dans les neurones infectés par les prions pathogènes comme dans les neurones « Alzheimer », la protéase TACE n’est plus localisée à la surface cellulaire, mais est séquestrée à l’intérieur des neurones. Cette internalisation empêche TACE de cliver ses substrats et d’exercer son activité neuroprotectrice. Les chercheurs dévoilent pour la première fois que la kinase PDK1 joue un rôle clé dans le contrôle de la localisation de TACE. La suractivation de PDK1 est responsable de la séquestration de TACE dans les neurones malades (infectés par les prions et Alzheimer) comme dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Le blocage pharmacologique de PDK1 renvoie TACE à la surface des neurones et restaure son rôle neuroprotecteur. L’inhibition de PDK1 parvient à protéger les neurones de la neurodégénérescence en restaurant les clivages physiologiques de la PrPC, APP et TNFR par TACE.

schéma prions alzheimer

© Benoit Schneider & Mathéa Pietri, Août 2013.

« Grâce à nos travaux sur l’infection par les prions, nous avons pu identifier PDK1 comme une nouvelle cible thérapeutique non seulement pour la maladie de Creutzfeld-Jakob mais aussi pour la maladie d’Alzheimer »

 expliquent les chercheurs.

L’action de PDK1 sur TACE a été mise en évidence in vitro sur une lignée neuronale et des cultures de neurones provenant du cerveau de souris après infection par les prions, puis in vivo sur des modèles animaux. Un traitement par un inhibiteur pharmacologique de PDK1 permet d’atténuer les déficits moteurs et de prolonger la durée de vie des souris infectées par les prions pathogènes. Ensuite, en exploitant trois modèles de souris « Alzheimer », les chercheurs ont montré que ce traitement améliore aussi les troubles cognitifs des animaux et identifient PDK1 comme cible thérapeutique pour la maladie d’Alzheimer.

« Etant donné la rareté et l’efficacité réduite des traitements disponibles pour lutter contre les maladies à prions et la maladie d’Alzheimer, ces résultats offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de ces maladies neurodégénératives », concluent les chercheurs.

Ces travaux apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de neurodégénérescence induits par l’accumulation de protéines anormales. L’enjeu est maintenant de comprendre comment ces protéines toxiques conduisent à la dérégulation de PDK1, ce qui permettra d’identifier d’autres acteurs, c’est-à-dire de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles, qui contribuent à la dégénérescence neuronale.

La testostérone à l’origine d’une aggravation de la surcharge en fer dans les maladies chroniques du foie

Une équipe de recherche Inserm de Toulouse vient de décrypter les mécanismes à l’origine des différences d’absorption du fer entre les hommes et les femmes et montre chez la souris, comment, avec un médicament déjà utilisé dans le traitement de certains cancers bronchiques, on peut « contrer » cette action de l’hormone mâle.

Les résultats sont publiés dans la revue Hepatology du mois d’août 2013.

Le métabolisme du fer n’est pas régulé de façon équivalente chez les hommes et chez les femmes. En conséquence, les maladies chroniques du foie associées à une capacité réduite à produire de l’hepcidine – une hormone qui inhibe l’absorption du fer par le duodénum-, sont souvent plus sévères chez les hommes que chez les femmes. C’est le cas de l’hépatite C, de la maladie alcoolique du foie et de l’hémochromatose héréditaire.

Foie

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Dans le but de mieux comprendre les mécanismes sous-tendant ce dimorphisme sexuel, Marie-Paule Roth et ses collaborateurs du centre de physiopathologie de Purpan (Unité mixte Inserm, CNRS, Université Paul Sabatier, Toulouse) ont tiré parti des grandes différences d’expression de l’hepcidine et de la surcharge en fer observées entre des souris mâles et femelles présentant un trouble du métabolisme du fer.

Les chercheurs ont montré que la testostérone était un répresseur puissant de l’hepcidine chez ces souris car, dans le foie, elle active les récepteurs d’un facteur de croissance, l’EGF. Or, lorsque ces récepteurs de l’EGF sont inhibés par un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers bronchiques chez les souris mâles, la répression exercée par la testostérone est levée. La production d’hepcidine est augmentée significativement.

La castration des souris mâles s’accompagne non seulement d’une augmentation de l’hepcidine mais également d’une très forte réduction de la surcharge en fer cardiaque et pancréatique de ces souris.

En conclusion, Marie-Paule Roth et son équipe soulignent : « ces résultats indiquent que la répression de l’hepcidine par la testostérone peut avoir des répercussions cliniques chez les patients qui, pour différentes raisons, ne sont capables de produire de l’hepcidine qu’en quantité limitée ». Inhiber l’activation des récepteurs de l’EGF chez ces patients pourrait les aider à produire davantage d’hepcidine et limiterait ainsi la surcharge en fer qui aggrave le pronostic des maladies chroniques du foie, expliquent-ils.

Identification d’un gène impliqué dans plusieurs formes d’épilepsies avec troubles du langage

crédit : ©Inserm

Une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Pierre Szepetowski (INMED, « Institut de Neurobiologie de la Méditerranée » Unité mixte Inserm/ Université d’Aix-Marseille) vient d’identifier un gène dont les mutations sont responsables d’un spectre large d’épilepsies et encéphalopathies épileptiques de l’enfant avec troubles du langage.

Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Genetics.

Une crise d’épilepsie est liée à une activité excessive, soudaine et passagère d’un groupe de neurones. Elle se traduit par des manifestations cliniques paroxystiques (par exemple, les convulsions). Normalement, l’épilepsie n’altère pas les capacités cognitives. Toutefois, dans certaines formes appelées encéphalopathies épileptiques, la composante épileptique peut entraîner ou aggraver des troubles cognitifs et comportementaux sévères (déficience intellectuelle, trouble du langage, régression autistique, etc.). Elles se distinguent en cela des épilepsies « classiques ».

L’équipe et le réseau de chercheurs dirigés par Pierre Szepetowski tentent de mieux cerner ces relations entre les épilepsies et les nombreux autres troubles auxquels elles peuvent être liées : troubles autistiques, problèmes cognitifs, troubles du langage et de la parole, dyslexie, troubles du mouvement volontaire, migraines…

Jusqu’à présent, l’origine, débattue depuis plus de cinquante ans dans le monde médical et scientifique, de trois formes rares d’épilepsies et encéphalopathies épileptiques (épilepsie/aphasie « acquise », syndrome des pointes ondes continues du sommeil, et épilepsie Rolandique avec troubles de production du langage articulé), restait inconnue.

Grâce à une large analyse génétique, les chercheurs, dans le cadre d’un réseau étendu d’épileptologues et scientifiques associant différents centres hospitaliers et de recherche[1] viennent de montrer que 20 % de ces épilepsies souvent associées à des troubles du langage, ont une origine génétique commune.

Dans toutes ces formes, le gène GRIN2A codant pour un récepteur du glumatate, un neurotransmetteur crucial du cerveau, est muté.

Pour Pierre Szepetowski, ce nouvel éclairage montre que « ces trois syndromes peuvent être vus comme des expressions cliniques différentes d’une seule et même pathologie à la croisée des chemins entre l’épilepsie, les troubles du langage et les désordres cognitif et comportemental. »

L’identification de GRIN2A comme étant un gène majeur responsable de ces encéphalopathies épileptiques fournit des premières indications cruciales pour comprendre dans le futur les mécanismes sous-jacents.

« Ces encéphalopathies débutent généralement autour de 4-5 ans, après une période de développement normal. L’évolution en est très variable et imprévisible. L’identification d’une première cause majeure, va permettre de mieux expliquer la survenue de la maladie aux parents, notamment dans le cadre du conseil génétique ; on peut aussi espérer voir se mettre en place dans l’avenir, une fois les mécanismes mieux compris, des stratégies thérapeutiques précoces, qui seront cruciales pour améliorer un pronostic lié aux déficits neuropsychologiques associés. », conclut Pierre Szepetowski.

Prévenir in utero l’apparition de futures épilepsies ?

Dès la grossesse, des défauts dans le développement du cortex cérébral du futur bébé peuvent être à l’origine de l’apparition ultérieure de crises d’épilepsie. L’équipe de Pierre Szepetowski vient de montrer que l’absence d’une protéine, Srpx2, perturbe la migration neuronale dans le cerveau de rat en développement. Mieux, ils ont réussi à contrecarrer ces défauts et leurs conséquences épileptiques post-natales chez le rat grâce à l’administration maternelle de Tubacine, un produit capable de modifier le fonctionnement des tubulines – des molécules essentielles pour l’architecture des neurones et pour leur migration.

Ces travaux publiés début juillet dans Brain semblent constituer un premier pas montrant qu’il serait théoriquement envisageable d’empêcher in utero l’apparition future de certaines épilepsies.


[1] Lyon, Strasbourg, Reims et Marseille notamment

Consommation de caféine pendant la grossesse et effets sur le cerveau en développement

crédit : ©Fotolia

La caféine est la substance psychoactive la plus consommée au monde, y compris pendant la grossesse. Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm et son équipe au sein de l’unité 1106 Institut de Neurosciences des Systèmes » (Inserm/Université Aix Marseille), viennent de décrire pour la première fois certains effets néfastes de la consommation de café par les souris femelles pendant la grossesse sur le cerveau de leur descendance. Les chercheurs révèlent que cette substance affecte le cerveau en développement, entraînant chez la progéniture une plus grande sensibilité aux crises d’épilepsie et des problèmes de mémoire. Cette étude, bien qu’ayant recours à un modèle animal, pose la question des conséquences de la consommation de caféine par la femme enceinte.

Ces résultats sont publiés dans la revue Science Translational Medicine, datée du 7 août 2013.

De nombreuses substances agissent directement sur le fonctionnement du cerveau, en modifiant l’activité des neurones. C’est le cas des antidépresseurs, des anxiolytiques, de la nicotine, de l’alcool et des drogues récréatives comme le cannabis, l’héroïne, la cocaïne etc. Ces substances, appelées psychoactives, se fixent sur des molécules situées dans les cellules cérébrales et modifient leur activité. Lorsqu’elles sont consommées pendant la grossesse, ces substances psychoactives risquent d’affecter la construction du cerveau du fœtus car les molécules sur lesquelles elles se fixent jouent un rôle clé dans le développement cérébral. C’est pour cette raison que la consommation de certaines de ces substances est fortement déconseillée pendant la grossesse.

Les chercheurs de l’unité 1106 Institut de Neurosciences des Systèmes » (Inserm/Université Aix Marseille) ont reproduit chez des souris femelles une consommation de café régulière (équivalent de 2-3 cafés par jour chez l’Homme), tout au long de la période de gestation (19-20 jours) jusqu’au sevrage de la progéniture, en ajoutant de la caféine dans l’eau de boisson.

« Les bébés souris étaient beaucoup plus sensibles aux crises d’épilepsie et, une fois devenues adultes, nous avons observé qu’elles présentaient d’importants problèmes de mémoire spatiale, c’est-à-dire des difficultés à se repérer dans leur environnement » explique Christophe Bernard, directeur de recherche à l’Inserm et principal auteur de l’étude.

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Neurones en migration ©Inserm / Christine Métin – Christophe Bernard

L’équipe de recherche est parvenue à identifier le mécanisme par lequel la caféine affecte le cerveau en construction. Pendant son développement, certaines cellules naissent dans des régions cérébrales particulières, puis elles migrent vers les régions dans lesquelles elles sont destinées à fonctionner. C’est le cas des neurones qui libèrent le GABA – un des principaux médiateurs chimiques du cerveau- et qui vont migrer, notamment, vers l’hippocampe, une région cérébrale impliquée dans les processus de mémorisation.

La caféine va directement influencer la migration de ces neurones qui contiennent un récepteur particulier (A2AR). En s’y fixant, la caféine ralentit leur vitesse de déplacement. Ces cellules arrivent alors plus tard que prévu à l’endroit où elles étaient destinées à s’établir. Ce retard de migration va se répercuter tout au long du développement et entrainer des effets néfastes sur le cerveau des souris à la naissance (excitabilité cellulaire et sensibilité aux crises d’épilepsie) et à l’âge adulte (perte de neurones et problèmes de mémoire).

Vidéo de la migration des neurones :

©Inserm / Christine Métin – Christophe Bernard

Etant données leurs observations chez la souris et la fréquence de la consommation de café chez les femmes enceintes, les auteurs suggèrent de développer des études longitudinales pour évaluer, à court et surtout à long terme, les conséquences chez les nouveau-nés. Ces derniers ont pu être exposés à la caféine soit pendant la grossesse et/ou pendant l’allaitement, soit dans le cas d’un traitement de l’apnée du nourrisson à base de citrate de caféine. « L’ensemble de ces données permettraient aux cliniciens d’affiner les recommandations élaborées à l’intention des femmes enceintes »  explique Christophe Bernard, directeur de recherche à l’Inserm.

« Cette étude est la première démonstration des effets néfastes de l’exposition à la caféine sur le cerveau en développement. Bien qu’elle pose la question de la consommation de café chez la femme enceinte, il est nécessaire de rappeler la difficulté, liée à l’utilisation de modèles animaux, d’extrapoler ces résultats à la population humaine sans prendre en compte les différences de développement et de maturation entre les espèces »

, conclut Christophe Bernard.

L’évolution continue du virus complique le développement d’un vaccin contre le VIH

Une équipe de chercheurs de l’Unité mixte de recherche Inserm 966 «  Morphogenèse et antigenicité du VIH et des virus des Hépatites » dirigée par Martine Braibant et Francis Barin à Tours, confirme, avec le soutien de l’Anrs, que le virus du SIDA s’est adapté progressivement à la réponse immunitaire de la population humaine au cours de l’épidémie. Depuis son isolement dans les années 80 jusqu’à ce jour, le virus est devenu de moins en moins sensible aux anticorps neutralisants, compliquant  la mise au point d’un vaccin préventif efficace. Les chercheurs montrent par ailleurs que,  l’association de deux puissants anticorps neutralisants reste capable de neutraliser in vitro les variants du VIH les plus récents. Le détail de ces travaux est publié dans la revue PLoS Pathogens.

Le développement d’un vaccin efficace contre le VIH demeure un des défis majeurs de la lutte contre le SIDA. Des progrès considérables ont été obtenus ces dernières années avec l’identification d’anticorps neutralisants humains capables de bloquer in vitro l’infection de très nombreux variants du VIH-1. La communauté scientifique envisage de réaliser des essais cliniques chez l’homme à l’aide de certains de ces anticorps. Une des questions qui reste posée est celle du choix de l’anticorps ou de la meilleure association d’anticorps à utiliser en vue d’une protection la plus large possible face à la grande variabilité des formes du VIH-1 circulant actuellement dans le monde.

VIH cellule

Cellule infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) examinée en microscopie électronique à balayage (MEB). © Inserm /  Philippe Roingeard



Des travaux, dirigés par Martine Braibant et Francis Barin (Unité mixte Inserm-Université de Tours) avec le soutien de l’Anrs, confirment qu’au cours de l’épidémie, le VIH-1 s’est adapté progressivement à la réponse immunitaire de la population humaine en devenant de moins en moins sensible à certains anticorps neutralisants. Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs ont pu analyser les virus issus de prélèvements de patients infectés de la fin des années 1980 aux années 2010[1].

« S’il était connu qu’à l’échelle individuelle, le virus savait s’adapter et contourner les propres moyens de défense de l’individu, nos travaux confirment que la pression de sélection exercée sur le virus se répercute à l’échelle de la population » explique Martine Braibant.

Malgré cette perspective sombre, les chercheurs ont identifié dans la même publication une association de deux puissants anticorps monoclonaux neutralisants développés par le par le Caltech et le Scripps Research Institute (NIH45-46G54W et PGT128) qui reste encore capable de bien neutraliser in vitro les variants les plus récents, et ce, à une concentration compatible avec leur utilisation chez l’homme.

Cette étude  souligne la nécessité d’une surveillance de l’évolution de la sensibilité des variants du VIH-1 aux différents anticorps neutralisants. Les travaux des chercheurs ouvrent des perspectives intéressantes pour les équipes qui sont engagées dans la recherche d’un vaccin préventif contre le VIH.

Les anticorps neutralisants : une des pistes de recherche pour le  développement d’un vaccin préventif anti-VIH

Les concepts actuels de vaccination antivirale reposent en grande partie sur le fait que certains anticorps dits neutralisants, en se fixant sur les protéines virales, inhibent les étapes précoces de l’infection par le VIH. Ainsi bloqué, le virus ne peut pas se répliquer et sera éliminé.

Aujourd’hui les scientifiques ont bien identifié la réponse immunitaire à induire via l’identification et la caractérisation d’anticorps à large spectre de neutralisation. Toutefois, ils n’ont pas encore réussi à ce que ce type d’anticorps soit produit par l’organisme par le biais d’une vaccination classique. Une des pistes de recherche poursuivie est d’introduire les gènes codant pour ces anticorps dans des vecteurs d’expression viraux afin de les faire secréter directement dans la circulation. Cette approche des anticorps est testée en France dans le cadre du programme de recherches sur le vaccin ANRS/VRI (Vaccine Research Institute)


[1] Cohortes PRIMO et SEROCO de l’ANRS, collaboration avec Laurence Meyer et Cécile Goujard, Université Paris-Sud – Inserm U1018.

De nouvelles molécules aux propriétés inédites ciblant le cytosquelette

crédit: © Inserm

Le dysfonctionnement du cytosquelette, élément constituant de la cellule, est souvent synonyme de pathologies comme l’apparition de métastases. Pour cette raison, c’est une cible d’intérêt pour de nombreuses thérapies. Des équipes du CNRS, de l’Université de Strasbourg et de l’Inserm emmenées par Daniel Riveline[1], Jean-Marie Lehn[2] et Marie-France Carlier[3], ont synthétisé des molécules capables de provoquer une croissance rapide des réseaux d’actine, l’un des composants du cytosquelette. C’est une première car seules des molécules stabilisant ou détruisant le cytosquelette d’actine étaient disponibles à ce jour. Ces composés aux propriétés inédites, dont l’action a été décryptée in vitro et in vivo, offrent un tout nouvel outil en pharmacologie. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications le 29 juillet 2013.

Le cytosquelette est composé notamment de filaments d’actine et de microtubules. Constitué de polymères en assemblage dynamique, il se construit et se déconstruit toutes les minutes et conditionne de nombreux processus cellulaires comme le mouvement, la division ou le transport intracellulaire. Il participe aux étapes clés de l’embryogénèse et à d’autres processus cruciaux du vivant. Son dysfonctionnement peut ainsi conduire à des pathologies graves. Certaines métastases par exemple se manifestent notamment par une activité amplifiée du cytosquelette. Identifier de nouvelles molécules ciblant le cytosquelette représente donc un enjeu majeur.

Jusqu’à présent, les molécules connues et utilisées en pharmacologie avaient pour effet de stabiliser ou de détruire le cytosquelette d’actine. L’actine permet d’assurer des actions vitales en s’assemblant et se désassemblant spontanément, continuellement et rapidement sous la forme de filaments qui s’organisent et forment des réseaux de faisceaux parallèles ou de mailles entrecroisées (appelés réseaux lamellaires). Issus de la chimie supramoléculaire[4], les nouveaux composés mis au point par les chercheurs ont des propriétés inédites : ils provoquent en quelques minutes la croissance des réseaux lamellaires de filaments d’actine.

C’est donc la première fois qu’un outil pharmacologique induit ce processus de croissance du réseau d’actine alors que le vivant l’effectue en permanence.

Les chercheurs ont ainsi montré que l’action de ces composés est spécifique in vivo (sur des cellules). Ils ont de plus identifié le mécanisme de croissance du réseau d’actine par des études comparées in vivo et in vitro, afin d’en assurer la validité.

Pour la biologie cellulaire ou moléculaire, cet outil propose un nouveau mode d’action possible sur le cytosquelette : il ouvre ainsi de nouvelles perspectives d’étude dans le décryptage du vivant. Ce résultat est probablement le point de départ pour la conception de nouveaux composés, issus de la même chimie, et potentiellement candidats à de nouvelles thérapies ciblant le cytosquelette.

cytosquelette

crédit : ©ISIS/IGBMC


Des réseaux lamellaires de filaments d’actine croissent après l’ajout des nouveaux composés (comparer les contours cellulaires à gauche et à droite).


[1] Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg) et Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm)

[2] Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg)

[3] Laboratoire d’enzymologie et biochimie structurales du CNRS

[4] La chimie supramoléculaire, ou science de l’auto-assemblage et de l’auto-organisation à l’échelle moléculaire, s’intéresse aux entités chimiques résultant de la mise en œuvre des interactions entre objets moléculaires.

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