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La flore intestinale livre ses secrets pour développer de nouveaux traitements contre le diabète

Les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas sont celles qui produisent l’insuline. Ici, les noyaux sont colorés en bleu et l’insuline contenue dans les cellules ß est visualisée en rouge. © Inserm/U845/UMRS975/EndoCells SARL

Un composé organique produit par la flore intestinale, le métabolite 4-Cresol, aurait des effets protecteurs contre le diabète de type 1 et de type 2, notamment en stimulant la croissance des cellules bêta du pancréas qui produisent l’insuline. C’est ce que montre une nouvelle étude, dirigée par le chercheur Inserm Dominique Gauguier au sein du laboratoire « Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs » (Inserm/Université de Paris) et publiée dans le journal Cell Reports. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques qui pourraient améliorer la situation de millions de patients.

Plus de trois millions de Français sont atteints de diabète, tous types confondus. Cette maladie, dont la prévalence ne cesse d’augmenter, est associée à un risque accru de développer des pathologies cardiovasculaires, ce qui en fait un problème de santé publique majeur. Développer et améliorer les traitements destinés à ces patients est donc essentiel.

Des études récentes ont montré que les formes fréquentes de diabète sont causées par la mutation de plusieurs gènes et par des facteurs liés à l’environnement et à certaines compositions de la flore intestinale.

Des travaux menés par le chercheur Inserm Dominique Gauguier au sein du laboratoire « Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs » (Inserm/Université de Paris), en collaboration avec des collègues de l’Université de Kyoto (Japon) et de l’Université de McGill (Canada), viennent renforcer ces résultats. Ces travaux mettent en effet à jour une association entre le diabète et un composé organique produit par la flore intestinale et également présent dans certains aliments, le métabolite 4-cresol.

Les chercheurs ont d’abord réalisé une étude de profilage métabolique, pour identifier tous les types de métabolites présents dans l’organisme, à partir d’échantillons sanguins de 148 adultes, certains d’entre eux diabétiques. L’idée : identifier des marqueurs pouvant être associés au développement de la maladie. « Nous nous sommes aperçus que le 4-Cresol présentait un réel intérêt. Produit du métabolisme de la flore intestinale, ce composé semble être un marqueur de résistance au diabète. On retrouve notamment des quantités plus faibles de 4-Cresol dans le sérum des patients diabétiques que chez des individus non diabétiques », explique François Brial, chercheur Inserm et premier auteur de l’étude.

Travaillant à partir de modèles de diabète et d’obésité chez le rat et la souris, les chercheurs ont ensuite testé les effets du 4-Cresol sur les signes cliniques du diabète et sur le fonctionnement des cellules bêta du pancréas, qui sécrètent l’hormone insuline, dont le rôle est de maintenir l’équilibre du taux de glucose contenu dans le sang. Ces cellules bêta s’épuisent au cours de la maladie.

Pistes de traitement

L’équipe a ainsi montré qu’un traitement chronique de 4-Cresol à faible concentration conduit à une amélioration du diabète. Les chercheurs observent notamment une réduction de l’obésité et de l’accumulation de graisse dans le foie, ainsi qu’une augmentation de la masse pancréatique, une stimulation de la sécrétion d’insuline et une prolifération des cellules bêta pancréatiques.

« Alors que nous manquons aujourd’hui de thérapies pour stimuler la prolifération des cellules bêta du pancréas et améliorer leur fonction, ces résultats sont donc particulièrement encourageants. Par ailleurs, ils confirment l’impact de la flore intestinale sur la santé humaine, démontrant le rôle bénéfique d’un métabolite produit par des bactéries intestinales, et ouvrant de nouvelles pistes thérapeutiques dans le diabète, l’obésité et la stéatose hépatique », souligne Dominique Gauguier.

Désormais, l’objectif immédiat des chercheurs est d’étudier les possibilités de moduler la flore intestinale pour rétablir la production du 4-cresol chez les patients diabétiques. Pour cela, ils vont d’abord tenter d’identifier les bactéries qui produisent naturellement ce métabolite, puis définir lesquelles pourraient s’avérer être des traitements potentiels, sûrs et efficaces dans des syndromes de déficit en insuline. 

Sur la base d’études récentes, les patients diabétiques peuvent déjà se voir proposer de nouvelles options thérapeutiques. Des transferts de flore intestinale peuvent notamment être envisagés, même si les mécanismes d’action de ces traitements ne sont pas encore bien compris, ou encore des opérations de chirurgie bariatrique, qui restent lourdes et invasives. « Notre but est de parvenir à des pistes thérapeutiques qui permettent une modulation fine de la flore intestinale, en favorisant la prolifération de « bonnes » bactéries dont on comprend mieux le fonctionnement, et la production de 4-Cresol à des doses thérapeutiques », conclut Dominique Gauguier.

Coronavirus : Des chercheurs de l’Inserm proposent un modèle pour estimer le risque d’importation de l’épidémie en Europe

 

 ©chuttersnap

L’épidémie de coronavirus qui frappe la Chine peut-elle parvenir jusqu’en Europe ? La question se pose, alors que les autorités chinoises ne cessent d’annoncer de nouveaux cas sur leur sol, et que huit cas ont déjà été exportés dans d’autres pays. Une équipe Inserm menée par la chercheuse Vittoria Colizza au sein de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) a modélisé la diffusion possible de l’épidémie afin de guider les politiques de prévention et de surveillance du virus 2019-nCov. Les chercheurs précisent cependant que ce modèle issu de la recherche reste un outil théorique d’aide à la décision publique et n’a par conséquent pas un but prédictif.

Mise à jour au 31 janvier 2020 :

Attention : la situation évoluant très rapidement, les chiffres ci-dessous sont susceptibles de bouger au cours des prochaines semaines, en fonction du nombre de cas confirmés. 

Le modèle de Vittoria Colizza et son équipe, avec les chiffres les plus récents au 30 janvier 2020, est désormais publié sur Eurosurveillance

Pour suivre en direct l’évolution du nombre de cas, vous pouvez vous rendre sur le site GISAID.

Deux semaines seulement après avoir annoncé la découverte d’un nouveau virus de la famille des coronavirus responsable de pneumonies sévères, la Chine comptabilisait 571 cas sur son territoire. Afin de contenir l’épidémie, déjà à l’origine de 18 décès, plusieurs mesures drastiques ont déjà été mises en place par les autorités chinoises, notamment des restrictions de voyage au départ de la province de Hubei, où se trouve la ville de Wuhan.

A l’heure actuelle, de nombreuses questions se posent encore sur l’origine de ce nouveau virus, baptisé 2019-nCov, mais aussi sur la capacité de l’épidémie à s’étendre à d’autres régions du monde, notamment à l’Europe. En deux semaines, huit cas ont déjà été exportés depuis la Chine vers le Japon, la Corée du Sud, les Etats-Unis, la Thaïlande et Taiwan.

Dès le début de l’épidémie, des chercheurs Inserm sous l’égide du groupe de recherche REACTing ont travaillé pour développer des modèles de diffusion possibles de l’épidémie.

Sous la direction de la chercheuse Inserm Vittoria Colizza au sein de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université), une équipe est désormais en mesure de proposer un modèle permettant d’anticiper une potentielle arrivée de l’épidémie en Europe afin d’orienter les mesures de surveillance et de prévention. Il est néanmoins important de noter que ce modèle ne constitue en aucun cas une prédiction du nombre de cas à venir sur le territoire français et européen, mais bien un outil théorique d’aide à la décision publique. 

Flux aériens en provenance de la Chine

Pour développer leur modèle, les chercheurs se sont intéressées à toutes les provinces chinoises déclarant plus de dix cas. Leurs estimations des risques d’exportation de ces cas s’appuient sur les données des flux aériens en provenance de ces régions vers l’Europe datant de janvier 2019 et issues de l’OAG, une organisation mondiale leader dans la collecte de données sur les vols aériens.

Quel est le risque qu’au moins un cas soit importé en Europe dans les deux prochaines semaines ? C’est la question à laquelle l’équipe a cherché à répondre en élaborant deux scénarios, celui d’un faible risque de diffusion de l’épidémie et celui d’un risque élevé de diffusion.

Le scénario à faible risque de diffusion se base sur l’état de la situation (7 cas exportés hors de Chine) avant la quarantaine aérienne décidée par le gouvernement chinois. Il estime ainsi le risque de l’exportation d’au moins un cas en Europe si sept cas étaient exportés depuis les provinces chinoises affectées par l’épidémie dans les deux prochaines semaines.

 

Le scénario à haut risque de diffusion de l’épidémie propose une estimation de ce même risque si trois fois plus de cas étaient exportés hors de Chine. « Il s’agit là d’un choix arbitraire, mais qui reflète le fait que le nombre de cas chinois ne cesse d’augmenter et qui permet d’anticiper le cas d’une exportation plus massive du nombre de personnes infectées », souligne Vittoria Colizza.

 

D’après les chercheurs, le risque qu’au moins un cas soit importé en Europe dans le premier scénario est de 33 % et de 70 % dans le deuxième scénario. Étant donné les flux aériens, les pays les plus exposés seraient l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le risque qu’un passager infecté arrive en France est lui de 5% dans le scénario 1 et de 13% dans le scénario 2, et se concentrerait surtout sur les aéroports de la région parisienne. « Nos résultats ne sont pas des prédictions, ils permettent simplement d’identifier là où se situe le risque et là où il faut déployer des moyens de surveillance et de prévention accrus », insiste Vittoria Colizza.  

La pollution de l’air pourrait influencer le déroulement du cycle menstruel

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Les polluants atmosphériques pourraient-ils avoir un impact sur le bon déroulement du cycle menstruel ? C’est la question sur laquelle s’est penchée une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm Rémy Slama au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS1/Université Grenoble Alpes). Les dosages hormonaux réalisés dans les urines de 184 femmes durant un cycle menstruel complet ont été mis en relation avec les niveaux de pollution auxquels ces femmes étaient exposées durant les 30 jours précédant ce cycle. Les chercheurs ont observé une association entre la concentration de particules fines dans l’air et la durée de la phase folliculaire du cycle (la phase précédant l’ovulation), cette dernière tendant à augmenter avec les niveaux de pollution.

Ces résultats originaux publiés dans Environmental Pollution incitent à mettre en place des études à plus grande échelle afin de confirmer ces résultats.

La pollution atmosphérique contient des milliers de composants gazeux, liquides et solides. De nombreuses études ont déjà démontré les effets toxiques de plusieurs de ces composants et en particulier des particules fines. Une fraction de ces polluants inhalés peut en effet atteindre, au-delà des poumons, la circulation sanguine, le cœur, le cerveau et les organes reproducteurs. Si les effets sur la mortalité et la fonction cardiovasculaire sont bien caractérisés, concernant la fonction de reproduction, c’est principalement un effet sur la croissance du fœtus et le risque de prééclampsie qui sont probables. Jusqu’à présent cependant, très peu d’études ont examiné l’impact de la pollution sur l’activité ovarienne et les différentes phases du cycle menstruel.

Le cycle menstruel est divisé en deux phases principales séparées par l’ovulation : la phase folliculaire, qui correspond à la croissance d’un ovocyte jusqu’à l’ovulation, et la phase lutéale, qui se situe après l’ovulation. La bonne régulation de ces phases est assurée par l’axe hypothalamo-hypophysaire-ovarien, chaîne de transmission d’informations hormonales entre l’hypothalamus dans le cerveau, l’hypophyse (la glande située sous l’hypothalamus) et les ovaires, lui-même influencé par d’autres chaînes de régulation hormonales. Or certains travaux suggèrent que cet axe peut être altéré par l’exposition aux particules fines.

Une équipe de recherche dirigée par Rémy Slama, chercheur Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes) s’est intéressée aux potentiels effets à court terme d’une exposition récente aux polluants atmosphériques sur la durée du cycle menstruel et de ses deux phases.

Dans le cadre de l’Observatoire de la fertilité en France (Obseff)2, les chercheurs ont recruté et suivi 184 femmes n’utilisant pas de contraception hormonale. Ces dernières ont accepté de recueillir de l’urine tous les un ou deux jours durant un cycle complet. Des dosages hormonaux ont ensuite permis d’évaluer le jour correspondant à l’ovulation et de quantifier la durée de la phase folliculaire et de la phase lutéale.

Les niveaux de pollution (particules fines ou PM10 et dioxyde d’azote) à l’adresse du domicile de ces femmes ont été estimés et moyennés durant les 30 jours précédant le cycle3, via les informations fournies par le réseau des stations de mesure permanentes et un modèle national.

Les chercheurs ont observé que chaque augmentation de 10 µg/m3 de la concentration en particules fines (PM10) dans l’air sur la période de 30 jours avant le cycle considéré était associée à une augmentation de durée de la phase folliculaire d’environ 0,7 jour. En revanche, aucune variation nette de la durée de la phase lutéale ou de la durée totale du cycle n’a été constatée.

Selon Rémy Slama « Ces résultats sont cohérents avec les données plus fondamentales suggérant que la pollution atmosphérique peut perturber l’axe qui contrôle le cycle menstruel, et les hormones de stress comme le cortisol, qui peuvent l’influencer. »

 Il conclut « Il s’agit de travaux originaux qui génèrent une hypothèse nouvelle. Il faudra probablement un certain temps pour l’infirmer ou la confirmer sur de plus grands échantillons de population, étant donné le coût et l’effort que représentent de telles études. »

1 Autre laboratoire impliqué : Mathématiques appliquées à Paris 5 (CNRS/Université de Paris)

2 L’Observatoire épidémiologique de la fertilité en France est une vaste étude représentative réalisée par l’Inserm en 2007-2009 avec le soutien de Santé Publique France, de l’ANR et de l’ANSES, qui avait permis de fournir une description de la fréquence de l’hypofertilité sur le territoire. Environ 50 000 foyers avaient été contactés pour permettre l’identification d’environ un millier de femmes en âge de se reproduire et n’utilisant aucune méthode contraceptive ; un sous-groupe d’entre elles ont accepté de participer à cette étude.

3 Pour des raisons liées aux biais de confusion pouvant survenir quand on s’intéresse aux effets à long terme de l’exposition et à l’existence d’une étude expérimentale chez l’animal suggérant un effet à court terme, les chercheurs se sont restreints à une fenêtre correspondant au cycle menstruel précédant celui durant lequel ils ont mesuré les paramètres hormonaux.

Troubles développementaux de la coordination ou dyspraxie, une expertise collective de l’Inserm

©Frédérique Koulikoff/Inserm

L’Inserm publie une nouvelle expertise collective sur le trouble développemental de la coordination (TDC), ou dyspraxie. Commandée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), elle repose sur l’étude, par un groupe d’experts, de plus de 1400 articles scientifiques pour explorer ce trouble encore méconnu mais qui touche environ 5 % des enfants. Parmi les recommandations de cette expertise figurent celle de garantir l’accès pour tous à des professionnels formés au diagnostic et à la prise en charge des TDC, ainsi que celle de permettre à chaque enfant de mener à bien sa scolarité.

Chez l’enfant, le trouble développemental de la coordination (TDC), aussi appelé dyspraxie, est un trouble fréquent (5% en moyenne). Pour les activités nécessitant une certaine coordination motrice, les enfants atteints de TDC ont des performances inférieures à celles attendues d’un enfant du même âge dans sa vie quotidienne (habillage, toilette, repas, etc.) et à l’école (difficultés d’écriture).

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a commandé à l’Inserm une expertise collective pour faire le point sur les connaissances scientifiques autour des TDC. Pendant deux ans, le pôle Expertise collective de l’Inserm a coordonné une douzaine de chercheurs et auditionné une dizaine de spécialistes pour passer en revue un corpus scientifique de plus de 1400 articles internationaux et proposer des recommandations pour un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge des jeunes présentant un TDC.

On observe une grande hétérogénéité dans l’intensité et la manifestation des TDC. Par ailleurs, l’expertise pointe leur association fréquente avec d’autres troubles neurodéveloppementaux (troubles du langage, de l’attention et des apprentissages) ainsi qu’avec un risque élevé d’apparition de troubles anxieux, émotionnels ou comportementaux. Ces troubles ont un impact sur la qualité de vie de l’enfant et sur sa participation aux activités, en particulier scolaires. Une des difficultés centrales pour l’insertion scolaire de ces enfants concerne l’écriture manuscrite.

Pour limiter ces répercussions du TDC sur la vie de l’enfant, l’expertise précise que le repérage des signes d’appel est un enjeu majeur pour la mise en place d’un suivi rapide de l’enfant et d’une prise en charge personnalisée en fonction de son âge, de la sévérité de son trouble, des troubles associés ou encore de ses compétences verbales.

 

Recommandations de l’expertise collective de l’Inserm

Les recommandations avancées par cette expertise collective peuvent être résumées selon trois grands axes.

Le premier axe de recommandations consiste à garantir l’accès pour tous à un diagnostic, et ce dans les meilleurs délais après le repérage des premiers signes. L’expertise pointe ainsi la nécessité de former des professionnels. Elle met l’accent sur l’importance d’approfondir les critères et de standardiser les outils nécessaires à l’établissement d’un diagnostic selon des normes internationales.

La pose d’un tel diagnostic implique au minimum la contribution d’un médecin formé aux troubles du développement ainsi que celle d’un psychomotricien ou d’un ergothérapeute.

Le deuxième axe de recommandations s’intéresse aux interventions post-diagnostic. Il n’existe pas d’intervention-type dont l’efficacité serait unanimement reconnue. Une fois le diagnostic posé, l’enjeu est donc de mettre en place une intervention adaptée prenant en compte le profil de l’enfant, sa qualité de vie ainsi que celle de sa famille. Les experts conseillent de prescrire des séances de groupe pour les enfants les moins touchés et des séances individuelles pour les autres. Par ailleurs, ils recommandent également de privilégier les interventions centrées sur l’apprentissage des compétences nécessaires à la scolarité et à la vie quotidienne. Enfin, ces interventions doivent impliquer davantage les familles, les enseignants et les encadrants extérieurs qui gravitent autour de l’enfant.

Le troisième et dernier axe a pour objectif de permettre à chaque enfant de mener à bien sa scolarité. Cela nécessite la mise en place par les enseignants et l’institution scolaire des aménagements nécessaires à l’enfant lors des examens, en application de la loi de 2005 sur le handicap. En outre, cela passe également par la sensibilisation et la formation des acteurs menés à encadrer et à interagir avec l’enfant dans la vie quotidienne, que ce soit à la maison, à l’école ou dans les loisirs.

Une analyse rapide du génome aide au diagnostic d’enfants hospitalisés en réanimation néonatale

 

Adobe/Stock

Des équipes du CHU de Dijon-Bourgogne, de l’Inserm et du CEA viennent d’établir des résultats d’analyse génomique sur des nouveaux nés, sévèrement malades et hospitalisés en service de réanimation néonatale, dont le délai a été raccourci jusqu’à 38 jours contre 18 mois en moyenne actuellement. Grâce à cette analyse rapide du génome entier, le diagnostic apporté chez deux tiers des enfants inclus dans ce projet a permis une prise en charge plus rapide et mieux adaptée chez un tiers d’entre eux. Le déploiement de ce processus au cours des prochaines années permettra d’optimiser la prise en charge de ces enfants malades.

Alors que le séquençage du génome entier se déploie actuellement en diagnostic dans différents pays et que la France vient de lancer le Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG2025)¹, son utilisation en urgence en période néonatale reste encore peu répandue. Pourtant, la rapidité de réalisation de l’examen génétique est un facteur crucial lorsqu’un diagnostic est requis en urgence, situation fréquente en ce qui concerne les maladies rares à révélation pédiatrique précoce ou à progression rapide. Les équipes de CHU de Dijon-Bourgogne, de l’Inserm et du CEA ont mené une étude pilote de faisabilité du séquençage haut débit de génome en urgence avant d’envisager un tel processus à l’avenir dans le cadre du PFMG2025.

Dans le cadre de cette étude pilote, Fastgenomics², une trentaine d’enfants hospitalisés en réanimation néonatale dans huit CHU de la filière AnDDI-rares³ a bénéficié, au cours des neuf derniers mois, d’une analyse génomique en urgence. Le séquençage haut débit du génome des enfants et de leurs parents et une analyse bioinformatique primaire ont été effectués sur la plateforme de production de séquences du Centre national de recherche en génomique humaine (CEA-CNRGH), en collaboration avec le Très Grand Centre de Calcul (TGCC) du CEA et au centre de calcul de l’Université de Bourgogne (CCuB). L’interprétation des données génomiques a été réalisée par la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) TRANSLAD, en collaboration étroite avec l’équipe de recherche Inserm U1231 GAD.

La mobilisation des équipes a permis de rendre les résultats d’analyse dans un délai de 49 jours, allant au plus vite à 38 jours. Ce délai est particulièrement court pour un diagnostic génétique. En effet, malgré des évolutions importantes, le délai moyen d’obtention d’un diagnostic génétique en France reste actuellement encore long : de 1,5 ans en moyenne, et jusqu’à 5 ans pour 25 % des patients. L’analyse rapide des génomes de ces nouveau-nés a permis de poser un diagnostic pour deux tiers d’entre eux, un tiers ayant pu bénéficier d’une prise en charge plus rapide et mieux adaptée.

Ces analyses rapides du génome ont été rendues possibles grâce aux avancées majeures dans le séquençage haut débit de l’ensemble des gènes. Les technologies de nouvelle génération de séquençage haut débit de l’ADN, qui permettent l’étude de l’ensemble du génome d’un individu, sont apparues ces dernières années comme un outil de choix pour l’étude des maladies rares. Ces technologies de pointe sont déployées au CNRGH et ont déjà permis d’impliquer de nombreux gènes dans de nombreuses maladies. L’équipe de la FHU TRANSLAD du CHU DijonBourgogne a été l’une des premières en France à démontrer l’intérêt du séquençage de l’exome (représentant 1% de la taille totale du génome) dans le diagnostic de pathologies sévères à révélation pédiatrique précoce, des anomalies du développement et de la déficience intellectuelle.

Le diagnostic des maladies rares en période néonatale

Les maladies rares (touchant moins d’une personne sur 2 000) constituent un enjeu majeur de santé publique car elles représentent environ 8 000 maladies et touchent plus de 3 millions de personnes en France. Majoritairement de révélation pédiatrique, elles sont responsables de 10 % des décès avant l’âge de 5 ans. Jusqu’à 80 % de ces maladies seraient d’origine génétique. L’établissement d’un diagnostic apporte de nombreux bénéfices aux patients et à leurs familles : clarifier la cause, proposer un pronostic plus précis, accéder à un traitement ou à des protocoles d’essais thérapeutiques, établir les risques de récurrence, éviter la redondance de nombreux autres tests diagnostiques, prévenir des futures complications connues, faciliter l’obtention d’aides spécifiques aux familles, et parfois de se mettre en lien avec d’autres familles affectées par la même pathologie.

L’obtention d’un diagnostic est un défi de taille pour des pathologies à révélation pédiatrique précoce et à évolution rapide, dont les causes génétiques sont très hétérogènes, telles que les épilepsies, les maladies du métabolisme, les cardiopathies, les pathologies musculo-squelettiques ou autres syndromes polymalformatifs. Le Plan National Maladies Rares 3 (PNMR3) prévoit de réduire l’errance diagnostique à une année, car elle est responsable d’ « une aggravation possible de l’état des malades, un retard sur les possibilités de conseil génétique et un gaspillage de ressources médicales (multiplicité des consultations diagnostiques) ».

Dans le contexte de maladies graves néonatales, l’obtention d’un diagnostic rapide est d’autant plus importante. En effet, le diagnostic, posé précisément, permettrait de modifier la prise en charge de l’enfant, qu’il s’agisse d’une adaptation thérapeutique (par exemple dans le cas de maladies métaboliques ou d’épilepsies), de l’adressage à un spécialiste de la pathologie, d’une adaptation diététique, de la réalisation d’examens complémentaires, et/ou de la réévaluation d’indication chirurgicale, voire de la prise en compte de ce résultat dans une discussion de poursuite des soins.

 

1 En 2016, la France a lancé le Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG2025). Son ambition est de déployer le séquençage de génome pour le diagnostic des maladies rares, par la mise en place de plateformes de séquençage à très haut débit pour réaliser massivement le séquençage du génome entier et d’études pilotes permettant de définir les modalités de prescription de ces examens.

2 Fastgenomics : Etude pilote nationale élaborée par la filière de santé nationale AnDDI-rares, la Fédération Hospitalo-Universitaire TRANSLAD et le CEA-CNRGH et soutenu par un don financier du laboratoire SANOFIGENZYME.

3 Filière AnDDI-rares : Filière de santé nationale maladies rares dédiées aux maladies avec anomalie du développement somatique et cognitif. http://anddi-rares.org

Toute activité physique est-elle bonne pour le cœur ?

Les recommandations internationales insistent sur la nécessité de bouger pour lutter contre la mortalité cardiovasculaire. Crédits : Adobe Stock

Contre les maladies cardiovasculaires, l’activité physique serait notre meilleure alliée. Mais entre la pratique régulière d’un sport, le port de charges lourdes sur notre lieu de travail ou la marche entre amis, ces effets protecteurs pourraient bien varier. C’est ce que montre une nouvelle étude coordonnée par le chercheur Inserm Jean-Philippe Empana (U970 PARCC, Inserm/Université de Paris), en collaboration avec une équipe australienne. Les résultats sont publiés dans la revue Hypertension.

Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans le monde, et la tendance n’est pas près de s’inverser. Néanmoins, de nombreux décès prématurés pourraient être évités grâce à des mesures de prévention adaptées. Parmi celles-ci, l’activité physique est souvent présentée comme particulièrement bénéfique, et les recommandations internationales insistent sur la nécessité de bouger pour lutter contre la mortalité cardiovasculaire[1].

Cependant, le concept d’activité physique est large, et peu de travaux scientifiques se sont penchés sur les effets de différents types d’exercices physiques sur la santé. Ceux-ci pourraient pourtant être variables. C’est l’objet de la nouvelle étude publiée dans Hypertension, et menée par les équipes de Jean-Philippe Empana et Xavier Jouven, Pierre Boutouyrie (Inserm/Université de Paris), en collaboration avec Rachel Climie du Baker Heart and Diabetes Institute, Melbourne, Australie.

« Notre idée était de regarder si toute activité physique est bénéfique, ou si dans certains cas, elle peut être délétère. Nous voulions notamment explorer les conséquences de l’activité physique réalisée dans le cadre du travail, en particulier les activités physiques pénibles comme le port répété de charges lourdes, qui pourraient avoir un impact négatif », explique Jean-Philippe Empana.

Sport, travail ou loisirs

Jean-Philippe Empana et ses collègues se sont appuyés sur les données des participants de l’Enquête Prospective Parisienne III.  Cette grande étude française suit depuis dix ans l’état de santé de plus de 10 000 volontaires, âgés de 50 à 75 ans et recrutés au cours d’un bilan de santé au Centre d’examen de santé de Paris (Investigations Précliniques de Paris, IPC).

Les participants ont été invités à remplir un questionnaire portant sur la fréquence, la durée et l’intensité de leur activité physique réalisée dans 3 contextes différents : l’activité physique sportive, l’activité physique au travail (par exemple le port de charges lourdes), et l’activité physique de loisirs (par exemple le jardinage).

La santé cardiovasculaire des participants a par ailleurs été évaluée par la santé de leurs artères grâce à une échographie ultra sophistiquée de l’artère carotide (artère superficielle du cou). Cet examen, l’« echo-tracking », permet notamment de quantifier la sensibilité du baroréflexe, mécanisme d’adaptation automatique aux variations brutales de pression artérielle. Une altération de ce système peut engendrer d’importants problèmes de santé, et est associée à un risque élevé d’arrêt cardiaque.

Étudier la pénibilité au travail

Dans leurs analyses, les chercheurs ont distingué deux composantes du baroréflexe : le baroréflexe mécanique qui correspond à une mesure de la rigidité de l’artère, et le baroréflexe neural, qui correspond à une mesure des signaux nerveux envoyés par les récepteurs présents sur les parois de l’artère, en réponse à une distension de celle-ci. Une anomalie de la composante mécanique est plutôt associée à des pathologies cardiovasculaires du vieillissement, alors qu’une anomalie de la composante neurale est plutôt liée à des pathologies rythmiques pouvant aboutir à un arrêt cardiaque.

L’étude montre que l’activité physique sportive de haute intensité est associée à un meilleur baroréflexe neural. A l’inverse, l’activité physique au travail (de type port répété de charges lourdes) serait plutôt associée à un baroréflexe neural anormal et à une plus grande rigidité artérielle. Elle pourrait donc être délétère pour la santé cardiovasculaire, et notamment être associée à des maladies rythmiques. 

« Nos résultats constituent une piste de recherche intéressante pour mieux comprendre les associations entre activité physique et maladies cardiovasculaires. Bien sûr, toute activité physique au travail n’est pas mauvaise pour la santé, mais certaines activités physiques répétées comme le port de charges lourdes peuvent l’être », souligne Jean-Philippe Empana.

Les chercheurs tenteront de répliquer ces résultats dans d’autres populations, et d’explorer plus en détails les interactions entre activité physique, santé et pénibilité. « Concernant l’activité physique au travail, il y a des implications en santé publique importantes. Nous souhaiterions maintenant aller plus loin dans notre analyse des interactions entre activité physique et état de santé des personnes au travail », conclut Jean-Philippe Empana.

[1] Voir l’expertise collective de l’Inserm : « Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques » https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/activite-physique-prevention-et-traitement-maladies-chroniques

Étude sur les implications médico-économiques du niveau de précarité des patients hospitalisés en pédiatrie

 

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Des équipes de l’unité de recherche clinique en économie de la santé « ECO Île-de-France »* à l’Hôtel-Dieu AP-HP, de l’unité d’épidémiologie clinique et du service d’endocrinologie-diabétologie pédiatrique à l’hôpital Robert-Debré AP-HP, et de l’unité mixte de recherche Inserm/Université de Paris U1123 « Epidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables (ECEVE) ont mené une étude sur l’association entre précarité, durée de séjour à l’hôpital et coûts hospitaliers en pédiatrie. Plus de quatre millions de séjours pédiatriques ont été analysés et la précarité a été mesurée en s’appuyant sur le niveau de vie du lieu de résidence. Il existe une association entre précarité et durée de séjour, en particulier quand le groupe homogène de malades permettant de coder et de tarifer le séjour n’est pas spécifiquement pédiatrique. La précarité est associée aux coûts de la prise en charge et à l’équilibre financier, impactant particulièrement les établissements recevant de nombreux patients précaires. L’étude suggère qu’un mode de financement hospitalier prenant en compte le statut socio-économique des patients et leur âge rectifierait utilement la tarification à l’activité actuelle. Ces travaux qui ont fait l’objet d’un éditorial ont été publiés le 18 octobre 2019 dans la revue JAMA Network Open.

La précarité touche entre 20 et 25% de la population française. Elle est partiellement compensée pour les hôpitaux par une dotation allouée au titre d’une mission d’intérêt général (MIG). Les établissements éligibles sont ceux qui accueillent au moins 13% de patients précaires (ou > 7000 séjours de patients précaires), définis comme étant bénéficiaires des prestations suivantes : Aide médicale d’état (AME), Couverture maladie universelle complémentaire (CMU et CMUC), Soins urgents et Aide au paiement d’une complémentaire santé. En 2018, 282 établissements ont été financés pour un montant par structure médian de 267 488€. Les indicateurs utilisés ont toutefois des limites : ils sous-évaluent le nombre de patients précaires, les prestations sociales étant parfois méconnues des usagers, et créent un effet seuil du fait de leur caractère binaire, ne permettant ainsi pas d’apprécier l’impact de tout le gradient de la précarité.

Plusieurs études menées précédemment chez l’adulte ont montré que les patients précaires avaient une durée moyenne de séjour plus longue et généraient donc des coûts hospitaliers plus élevés que les patients non précaires, mais il existe peu de données chez l’enfant. Les auteurs ont donc mené une étude nationale à partir des bases de données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) sur les années 2012 à 2014 et utilisé un indicateur écologique de précarité, mesuré au niveau du lieu de vie des enfants à travers le revenu médian dans la commune, le pourcentage de bacheliers, le taux de chômage et le pourcentage d’ouvriers. 4 121 187 séjours pédiatriques ont été inclus et répartis par quintile de précarité à partir de références nationales.

Les résultats de cette étude ont montré que :

> Les patients pédiatriques précaires ont des durées de séjour significativement plus longues que les patients moins précaires, même au sein d’un même groupe homogène de malades.

> Les recettes associées aux séjours des patients précaires ne compensent donc pas les coûts hospitaliers.

> Le pourcentage de patients précaires dans la patientèle d’un établissement est associé de façon significative à son équilibre financier.

> Le pourcentage de groupes homogènes de malades non spécifiques à la pédiatrie dans le case-mix d’un établissement est associé au déficit de l’établissement.

Ces résultats ont des implications majeures pour la tarification hospitalière et appellent à une réforme du mode de financement de la précarité dans les établissements de santé. Une modulation des tarifs des groupes homogènes de malades au niveau individuel en fonction de la précarité du patient permettrait de mieux prendre en compte l’impact de la précarité sur le budget des hôpitaux.

Par ailleurs, des groupes homogènes de malades spécifiques à la pédiatrie devraient être encouragés autant que possible afin que leurs tarifs reflètent mieux les ressources consommées par ces patients et que les hôpitaux accueillant des enfants ne soient pas désavantagés. De telles mesures permettraient d’améliorer l’efficience allocative du système de santé et l’équité de financement entre établissements.

* L’unité de recherche clinique en économie de la santé d’Île-de-France est une structure transversale de la Délégation de la Recherche Clinique et de l’Innovation (DRCI) de l’AP-HP qui est chargée de piloter les projets de recherche développés par l’AP-HP et de suivre l’ensemble des activités de recherche se déroulant au sein de l’institution :
> près de 3 000 projets de recherche en cours, tous promoteurs confondus ;
> près de 917 projets de recherche dont l’AP-HP assure la promotion et la gestion ;
> plus de 24 604 patients inclus dans des essais cliniques à promotion AP-HP.

Maladies rares : plus de 300 millions de patients dans le monde

300 millions de personnes vivent avec une maladie rare dans le monde. Adobe Stock

Les maladies rares constituent un fléau qui touche toutes les populations, dans toutes les régions du monde. Jusqu’à présent, estimer leur prévalence s’était néanmoins avéré difficile, faute de données. Créée et coordonnée par l’Inserm, la base de connaissances Orphanet, qui contient le plus grand nombre de données épidémiologiques sur ces pathologies provenant des publications scientifiques, a permis d’obtenir une estimation au niveau mondial. Sous la coordination d’Ana Rath, directrice de l’US14 de l’Inserm, ces données ont montré que plus de 300 millions de personnes vivent aujourd’hui avec une maladie rare dans le monde. L’étude, publiée dans le European Journal of Human Genetics, est la première à analyser de manière aussi précise les chiffres disponibles sur les maladies rares.

Sclérodermie systémique, polyglobulie de Vaquez ou encore syndrome de Marfan… Toutes ces pathologies aux noms obscurs, encore peu connues du grand public, et très différentes dans leurs manifestations cliniques, ont un point commun : ce sont des maladies rares. Selon la définition européenne, elles ne touchent pas plus de 5 personnes sur 10 000.

Peu étudiées par la communauté scientifique, mal prises en charges par les personnels de santé, bénéficiant rarement de traitements adaptés, les milliers de maladies rares qui ont été identifiées au fil des années sont source de grandes souffrances pour de nombreux patients et leurs familles, partout dans le monde. Un nombre restreint d’études épidémiologiques ayant été publiées à ce jour sur le sujet, et ne comptant que rarement sur des registres en population générale, il était toutefois difficile d’établir leur prévalence exacte.

De tels chiffres seraient pourtant nécessaires pour définir les priorités en matière de politiques de santé et de recherche, connaître le poids sociétal de ces maladies, adapter la prise en charge des patients, et de manière plus générale, promouvoir une vraie politique de santé publique sur les maladies rares. « Les maladies rares étant méconnues, on pourrait penser que les malades sont rares. Or ils constituent, dans leur ensemble, une grande proportion de la population. Même si les maladies sont individuelles et particulières, elles partagent toutes la rareté, et les conséquences qui en découlent », souligne Ana Rath, de l’unité Inserm US14 (Plateforme d’Information et de services pour les maladies Rares et les médicaments orphelins).

Sous sa direction, Stéphanie Nguengang (Inserm US14), la première auteur de l’étude, et ses collègues, se sont appuyés sur la base de données Orphanet pour apporter un éclairage sur la question.

4 % de la population mondiale

Créé en 1997 par l’Inserm, Orphanet s’est progressivement transformé en un Consortium de 40 pays, principalement situés en Europe. Tous ces partenaires travaillent de concert afin de mettre en commun, au sein d’Orphanet, les données issues de la littérature scientifique dont ils disposent sur les maladies rares. Orphanet s’est ainsi imposée comme la ressource la plus complète sur le sujet, comportant de nombreuses informations qui permettent une meilleure compréhension de ces pathologies.

Dans leur étude, l’équipe d’Ana Rath a étudié les données disponibles sur la prévalence ponctuelle de 3.585 maladies rares (c’est-à-dire le nombre de personnes qui en sont atteintes à un moment donné). Les cancers rares, ainsi que les pathologies rares causées par des infections, ou par des empoisonnements, ont été exclus de leur analyse. 

Après avoir harmonisé les données provenant de la littérature selon une méthodologie prédéfinie, pour ensuite additionner toutes les prévalences ponctuelles des différentes maladies référencées dans la base de données, ils sont parvenus à estimer qu’à tout moment, 3,5 à 5,9 % de la population mondiale souffre de ces pathologies. Ceci correspond à environ 300 millions de personnes, soit 4 % de la population mondiale.

Prises collectivement, les maladies « rares » ne sont donc pas si rares. La mise en place de véritables politiques de santé publique à l’échelle mondiale et au niveau des pays serait donc justifiée, d’après les auteurs. Cette politique est une réalité en France, où le 3ème Plan National Maladies Rares a débuté il y a un an. « Nos données constituent vraisemblablement une estimation basse de la réalité. La plupart des maladies rares ne sont pas traçables dans les systèmes de santé et il n’y a pas de registres nationaux dans la plupart des pays. Rendre visibles les malades dans le système de santé en y implémentant le moyen de noter leurs diagnostics précis permettra à l’avenir non seulement de réviser nos estimations, mais plus fondamentalement de mieux adapter les politiques d’accompagnement et de prise en charge », précise Ana Rath.

Origines génétiques 

D’autres constats ont pu être établis au cours de ces travaux. Les chercheurs ont notamment montré que sur les plus de 6000 maladies définies dans Orphanet, 72 % d’entre elles sont d’origine génétique, et 70 % débutent dès l’enfance. Par ailleurs, parmi les pathologies analysées dans l’étude, 149 sont responsables à elles seules de 80 % des cas de maladies rares répertoriées dans le monde.

Les recherches devraient désormais s’orienter sur la collecte et l’analyse des données disponibles sur les maladies rares qui avaient été exclues de cette étude. Cancers et autres pathologies rares causées par des agents infectieux, ou encore associées à des facteurs environnementaux, feront ainsi l’objet de nouvelles analyses. Avec toujours la même priorité pour les chercheurs : étendre le champ de la connaissance sur les maladies rares pour mieux prendre en charge les patients, et s’assurer que plus personne ne soit laissé pour compte.

Un « Google Maps » du système immunitaire pour prédire la réponse aux traitements contre le cancer

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Comment prédire la réponse d’un patient à tel ou tel traitement ? Grâce à un travail colossal de mise en commun de données scientifiques, mené par une chercheuse de l’Institut Curie avec ses collègues de l’Inserm, un outil innovant et collaboratif pourrait aider à affiner les stratégies thérapeutiques pour lutter contre le cancer.  Ses résultats sont publiés dans Nature Communications du 22 octobre 2019.

« L’action du système immunitaire inné est à double tranchant dans le cancer. S’il doit normalement lutter contre son expansion, il peut aussi jouer un rôle qui favorise le développement d’une tumeur », explique Inna Kuperstein, chercheuse en bio-informatique (U900 Inserm – Institut Curie)[1].

Pour y voir plus clair dans ce double jeu, la chercheuse a coordonné l’élaboration d’une représentation cartographiée et interactive de ce système. Ce travail, mené en collaboration étroite avec les immunologistes de l’Institut Curie, autour de Sebastian Amigorena et Vassili Soumelis, est publié dans Nature Communications, une revue prestigieuse en open access. Ainsi ce nouvel outil est mis à la disposition de tous les membres de la communauté scientifique et médicale mondiale, qui peuvent l’utiliser pour mieux comprendre son action, mais aussi l’enrichir, l’améliorer, le personnaliser selon leurs besoins.

Le système immunitaire inné est un ensemble complexe, qui fait intervenir plusieurs types de cellules comme les macrophages, les cellules dendritiques, les lymphocytes NK (natural killers). La présence et le comportement de ces cellules sont sous le contrôle d’une multitude de facteurs biologiques. Et les tumeurs cancéreuses baignent dans ce micro-environnement qui peut avoir un impact critique sur la progression de la maladie et la réponse aux traitements. C’est pourquoi « le manque de ressources intégrées décrivant la complexité de la réponse du système immunitaire inné dans le cancer représente un goulot d’étranglement pour l’interprétation des données à haut débit », commente Sebastian Amigorena, directeur de l’unité Immunité et Cancer (U932 Inserm – Institut Curie)[2] .

Cette cartographie qui relie tous les éléments du système immunitaire inné offre donc aux chercheurs comme aux médecins une vision complète et intuitive des phénomènes en jeu. « Nous pouvons entrer dans la carte les données d’un patient ou d’un modèle d’étude et avoir immédiatement une idée du rôle que jouera le système immunitaire inné dans cette situation, note le Dr Vassili Soumelis, médecin-chercheur à l’Inserm. Nous pouvons alors tirer profit de la carte pour nous aider à prédire quelle sera la réponse du patient à tel ou tel traitement, et choisir la meilleure combinaison de médicaments et la meilleure stratégie thérapeutique ».

« L’élaboration de cette carte a demandé un travail colossal, à commencer par la lecture exhaustive de toute la littérature scientifique disponible sur le sujet », ajoute Inna Kuperstein. Soit 837 articles lus par Maria Kondratova, chercheuse à l’Institut Curie et premier auteure de cette publication.

Elle en a extrait les informations concernant plus de 1 000 réactions biochimiques, concernant 582 protéines et les a présentées sous forme d’une carte qui contient au final 1 466 « nœuds » reliés par plusieurs milliers de routes, les processus moléculaires impliqués dans chaque grande famille de phénomènes biologiques ayant été regroupés par « régions » : croissance tumorale, reconnaissance tumorale, recrutement des cellules immunitaires…

« La carte sera sans aucun doute utile pour introduire la connaissance biologique sur le système immunitaire dans l’analyse de « big data » en cancer, en utilisant les méthodes d’intelligence artificielle », commente Andrei Zinovyev, coordinateur scientifique de l’équipe « Biologie des systèmes du cancer » (U900 Inserm – Institut Curie).

Dans l’article, un exemple concret de cette approche est décrit dans le cas des données de séquençage de cellule unique de mélanome. Cette analyse réalisée par Urszula Czerwinska et Nicolas Sompairac, chercheurs à l’Institut Curie, a permis de distinguer plusieurs sous-types de cellules immunitaires à l’intérieur d’une tumeur, avec des fonctions distinctes.

Il est notable que toutes ces cartes et les données qui ont servi à leur élaboration sont mises à disposition sur plusieurs plateformes en ligne. « Cet outil n’est pas fait pour être figé. Les chercheurs peuvent en faire des analyses plus sophistiquées, couper ou étendre la carte selon leurs besoins… », indique Emmanuel Barillot, directeur de l’Unité « Cancer et génome : bioinformatique, biostatistiques et épidémiologie » (U900 Inserm – Institut Curie), qui attend avec impatience les retours de la communauté internationale sur cet outil innovant.

[1] Unité U900 Inserm – Institut Curie « Cancer et génome : bioinformatique, biostatistiques et épidémiologie » dirigée par Emmanuel Barillot.

[2] Sebastian Amigorena est directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre d’immunothérapie des cancers de l’Institut Curie.

Greffe de peau : une nouvelle cible moléculaire pour activer les cellules souches

Reconstitution d’un épiderme pluristratifié en utilisant des kératinocytes provenant de cellules souches embryonnaires humaines, hESC. IStem, Génopole d’Evry. Inserm/Baldeschi, Christine

Une équipe de chercheur du CEA-Jacob et de l’Inserm vient de publier une étude dans laquelle elle démontre le rôle central du facteur de transcription KLF4 dans le contrôle de la prolifération des cellules souches de l’épiderme et de leur capacité à régénérer ce tissu. Cette étude ouvre des perspectives pour la médecine régénérative de la peau. Elle est publiée le 21 octobre dans Nature Biomedical Engineering.

L’épiderme humain se renouvelle entièrement tous les mois grâce à la présence de cellules souches dans sa couche la plus profonde, qui donnent naissance à l’ensemble des couches plus superficielles de ce tissu. Le décryptage des gènes assurant le contrôle du caractère souche, ou « stemness », reste à ce jour une énigme imparfaitement résolue, en particulier pour la peau humaine.

Les découvertes d’une équipe de recherche française du CEA, de l’Inserm et de l’Université de Paris, générées en collaboration avec I-Stem, le laboratoire de l’AFM-Télethon, et l’Université d’Évry, ouvrent des perspectives pour la médecine régénérative cutanée, en particulier pour la bio-ingénierie des greffons de peau destinés à la reconstruction tissulaire. En effet, l’amplification massive en culture de cellules de l’épiderme (appelées kératinocytes) est nécessaire à la production de greffons. Elle est effectuée à partir d’un échantillon de peau issu du patient qui contient des kératinocytes matures et une population minoritaire de cellules souches kératinocytaires. Cette phase d’amplification comporte un risque : elle peut s’accompagner d’une perte quantitative ou d’une altération des cellules souches, conduisant à une perte de potentiel régénératif.

Les résultats de l’étude publiée dans Nature Biomedical Engineering montrent que diminuer l’expression du gène KLF4 pendant la préparation du greffon favorise une amplification rapide de cellules souches fonctionnelles1, sans altérer leur stabilité génomique. Les kératinocytes amplifiés dans ces conditions présentent un potentiel régénératif à long terme accru dans des modèles de reconstruction épidermique in vitro et de greffes in vivo 2. KLF4 constitue donc une nouvelle cible moléculaire pour préserver la fonctionnalité des cellules souches et faire progresser la bio-ingénierie des greffons cutanés. Ces résultats constituent une démonstration de principe, qui nécessite des développements complémentaires pour envisager des applications cliniques.Parmi celles-ci, citons le soin des grands brûlés, des ulcères chroniques et la reconstruction mammaire.

Ces travaux ont été étendus à d’autres types cellulaires d’intérêt pour la thérapie cellulaire cutanée. A l’avenir, les kératinocytes produits à partir de cellules pluripotentes pourraient constituer une alternative aux cellules souches adultes dans certaines applications de bio-ingénierie de tissus reconstruits.

Une des difficultés rencontrées dans cette voie est le fait que les kératinocytes obtenus ne possèdent pas toutes les fonctionnalités des cellules souches adultes. Ils sont notamment déficients au niveau de leur potentiel de prolifération. L’étude a permis de montrer que la manipulation de l’expression de KLF4 est également adaptée à ces cellules, car la diminution de son expression dans les kératinocytes dérivés d’ESC améliore leur capacité de prolifération ainsi que leur capacité à reconstruire de la peau.

Cellules souches en culture                     Greffon de peau obtenu par bioingéniérie

Des cellules souches de peau humaine multipliées en culture peuvent être utilisées pour régénérer l’épiderme© LGRK, IRCM, CEA-Jacob

1 Une cellules souche fonctionnelle est capable de régénérer l’épiderme pendant toute la vie de l’individu. Ceci grâce à une capacité de prolifération à très long terme, un caractère immature et une capacité d’organisation en trois dimensions.
2 Xénogreffe de peau reconstruite humaine sur un modèle animal
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