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Covid-19 : La vaccination « réactive », un outil efficace en cas de circulation virale élevée ?

vaccin covid

Les scientifiques réfléchissent à de nouvelles stratégies pour continuer à promouvoir la vaccination auprès des populations qui demeurent hésitantes © Mat Napo sur Unsplash

Bien que la majorité de la population française soit entièrement vaccinée, la circulation du virus est toujours active dans le pays. Dans un contexte de levée des restrictions sanitaires, la crainte d’une reprise épidémique et de l’émergence de nouveaux variants plus contagieux conduit les scientifiques à réfléchir à de nouvelles stratégies pour continuer à promouvoir la vaccination auprès des populations qui demeurent hésitantes. Une nouvelle étude de modélisation réalisée par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique  montre qu’une stratégie de vaccination dite « réactive », dans laquelle la vaccination est proposée à tout l’entourage d’une personne infectée, pourrait avoir des effets bénéfiques, réduisant le nombre de cas de Covid-19 dans certaines situations épidémiques. Les résultats de ces travaux sont publiés dans le journal Nature Communications.  Les chercheurs ont été soutenus par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes via le projet Emergen.

 

Les campagnes de vaccination massive contre la Covid-19 dans de nombreux pays ont permis d’atténuer considérablement la pandémie. Toutefois, le taux de personnes vaccinées stagne désormais en Europe et aux Etats-Unis, à cause de contraintes logistiques et de l’hésitation d’une partie de la population à se faire vacciner. 

En mars 2022, 79 % des Français étaient complètement vaccinés avec un schéma vaccinal à deux doses et 53 % avait reçu la troisième dose de rappel. Même si ces nombres sont élevés, les efforts pour contrer l’épidémie doivent être maintenus car dans un contexte de circulation virale toujours élevée et de levée des restrictions sanitaires, la reprise épidémique n’est pas encore exclue, et, avec elle, l’apparition de variants plus contagieux.

Dans ce contexte, de nombreux scientifiques estiment donc qu’il faut tester d’autres stratégies vaccinales favorisant accessibilité et acceptabilité pour une meilleure efficacité.

Les chercheuses et chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université se sont ainsi intéressés à une stratégie de vaccination dite « réactive », qui implique de vacciner l’ensemble de l’entourage des cas dans le foyer et le lieu de travail ou de scolarité. Cette approche est déjà utilisé dans d’autres contextes épidémiques, par exemple face à des vagues de méningites. Dans le contexte de la Covid-19, elle a ponctuellement été utilisée sur le terrain en France, par exemple à Strasbourg au sein de la Haute Ecole des Arts du Rhin (HEAR), à la suite de la découverte d’un cluster du variant delta.

Qu’est-ce que la « vaccination en anneau » (ring vaccination) ?

Dans d’autres contextes épidémiques, par exemple lors de certaines épidémies d’Ebola, d’autres stratégies innovantes ont été déployées pour toucher le plus de monde possible. La plus connue est la stratégie de vaccination en anneau qui consiste à vacciner autour d’un cas avéré les cas contacts directs et les cas contacts de ces derniers.

L’équipe de recherche a voulu évaluer les effets de cette approche réactive sur la circulation virale et le nombre de cas de Covid-19, dans différents scénarios épidémiques. Pour construire leur modèle, les scientifiques se sont appuyés sur des données de l’Insee afin de modéliser une population type, possédant les caractéristiques sociodémographiques, les contacts sociaux et les situations professionnelles d’une population d’une ville française de taille moyenne.

Plusieurs paramètres ont par ailleurs été intégrés au modèle, notamment les caractéristiques de la maladie, la couverture vaccinale, l’efficacité des vaccins, les restrictions des contacts dans les lieux de travail ou dans la communié, leurs déplacements, ou encore la mise en place de stratégies de traçage des cas-contacts.

Les scientifiques ont alors pu étudier l’impact d’une stratégie de vaccination réactive dans le cadre de plusieurs scénarios de dynamique épidémique. Ils montrent ainsi que dans la plupart des scénarios, avec un même nombre de doses de vaccins, une stratégie réactive est plus efficace que d’autres stratégies de vaccination pour réduire le nombre de cas de Covid-19.

Par exemple, dans un contexte où la couverture vaccinale est d’environ 45 % et où la circulation virale est élevée, la réduction du nombre de cas sur une période de deux mois passe de 10 à 16 %, si on compare un programme de vaccination de masse avec un programme où la vaccination réactive est mise en place en parallèle à la vaccination de masse.

Les résultats suggèrent que cette stratégie est surtout efficace lorsque la couverture vaccinale est faible et lorsqu’elle est couplée à des mesures robustes de traçage des cas-contacts.

Lorsque la couverture vaccinale est élevée, une stratégie réactive est moins intéressante, puisque majorité de l’entourage de la personne infectée est déjà vaccinée. Néanmoins, une telle approche aurait quand même le bénéfice d’atteindre les personnes qui ne seraient pas encore vaccinées et de les convaincre plus facilement de l’utilité du vaccin. En effet, le fait d’avoir été exposé au virus augmente la perception des risques et tend à rendre la vaccination plus acceptable.

« Le modèle que nous avons construit permet d’envisager la vaccination réactive comme une stratégie efficace pour augmenter la couverture vaccinale et pour réduire le nombre de cas dans certains scénarios épidémiques, surtout lorsqu’elle est couplée à d’autres mesures comme un traçage efficace des cas contacts. Il s’agit d’un outil qui pourra aussi être réutilisé et adapté en France dans le cas où un autre variant émergerait et où il faudrait tester l’efficacité d’une stratégie réactive pour administrer d’éventuelles doses de rappel. Cette modélisation peut aussi intéresser d’autres pays aux caractéristiques sociodémographiques similaires à la France, dans lesquels la couverture vaccinale est plus faible », explique Chiara Poletto, chercheuse Inserm et dernière auteure de l’étude.

Mieux comprendre le rôle de certains globules blancs dans la réponse immunitaire au SARS-CoV-2

cellule basophile

Image d’une cellule basophile montrant les granules (ronds sombres) caractéristiques des granulocytes. © Inserm/Janine Breton-Gorius

Bien que la réponse immunitaire de diverses cellules de l’immunité à une infection par le SARS-CoV-2 ait été relativement bien étudiée, la réponse des basophiles, une catégorie de globules blancs, n’avait pas encore été caractérisée, du fait notamment de leur faible représentation dans l’organisme (environ 0,5% des globules blancs). Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de Sorbonne Université et d’Université de Paris, du CNRS, de l’Institut Pasteur et de l’Efrei, décrivent la manière dont les basophiles répondent à une infection par le SARS-CoV-2. Ils montrent que le fait d’être exposé au virus les activerait, entraînant la production de certaines cytokines et contribuant à réduire l’inflammation et à promouvoir la sécrétion d’anticorps. Les résultats de cette étude font l’objet d’une publication dans la revue Frontiers in Immunology le 24 février 2022.

Les basophiles sont des globules blancs (ou leucocytes) qui jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire. Ils sont produits dans la moelle osseuse et constituent environ 0,5 % du total des leucocytes. Outre leur rôle dans la protection contre les infections parasitaires, les basophiles sont impliqués dans la réponse à diverses maladies inflammatoires allergiques des voies respiratoires (rhinite allergique, asthme), du tractus gastro-intestinal (allergies alimentaires) et de la peau (dermatite atopique).

De précédentes études ont évalué le rôle des cellules du système immunitaire dites granulocytaires – neutrophiles, éosinophiles et basophiles – dans la réponse immunitaire face à une infection au SARS-CoV-2. Ces résultats avaient révélé une quantité diminuée des cellules basophiles pendant les phases aiguës et sévères de Covid-19, puis une augmentation de leur nombre jusqu’à la phase de récupération de la maladie, quatre mois après la sortie de l’hôpital. Ces mêmes basophiles étaient par ailleurs « activés » : ils produisaient des cytokines, des molécules permettant la communication entre les cellules immunitaire et capables d’adapter la réponse immunitaire en fonction de la nature de l’agent infectieux.

En étudiant in vitro la réaction de basophiles sains mis en contact avec le SARS-CoV-2, une équipe de recherche composée de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de Sorbonne Université et d’Université de Paris au Centre de recherche des Cordeliers, du CNRS et de l’Institut Pasteur au laboratoire Génomique évolutive, modélisation et santé, et de l’Efrei, a souhaité décrire plus précisément la réponse cytokinique des basophiles. Elle a observé que l’activation des basophiles se traduisait par la production de cytokines particulières, les interleukines IL-4 et IL-13.

Ces dernières permettraient aux basophiles d’interagir avec les autres cellules immunitaires, en particulier les lymphocytes T et B, et d’établir un lien entre l’immunité innée et adaptative (voir encadré). Par exemple, l’IL-4 oriente les lymphocytes B vers la production d’anticorps.

Les basophiles, comme les neutrophiles et éosinophiles sont des cellules de l’immunité innée alors que les lymphocytes B et T sont des cellules de l’immunité adaptative.

L’immunité innée est une réponse immédiate qui survient chez tout individu en l’absence d’immunisation préalable. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis de divers agents pathogènes. Elle fait principalement intervenir des anticorps préformés (naturels) et des lymphocytes ne présentant pas de récepteurs spécifiques à l’antigène.

L’immunité adaptative se met en place au bout de quelques jours après le contact avec l’agent pathogène et constitue la deuxième ligne de défense de l’organisme. Contrairement à l’immunité innée, l’immunité adaptative est spécifique d’un antigène donné.

Par ailleurs, les scientifiques ont aussi montré que lorsque les basophiles sont stimulés par l’interleukine IL-3, elle-même produite par les lymphocytes T, ils produisent plus d’IL-4 et d’IL-13.

Ces données soulignent le rôle potentiellement bénéfique de l’IL-3 chez les patients infectés par la Covid-19. D’autres résultats de recherche avaient déjà montré que de faibles taux d’IL-3 dans le plasma de patients infectés par le SARS-Cov-2 étaient associés à une plus grande sévérité de la maladie.

« De façon plus générale, ces résultats permettent d’approfondir les connaissances scientifiques jusqu’alors peu nombreuses sur le rôle clé des basophiles dans la réponse immunitaire et dans le contexte d’infections virales. Le mécanisme par lequel le SARS-CoV-2 induit l’activation des basophiles fait désormais l’objet de nouvelles recherches », explique Camille Chauvin, chercheuse Inserm et co-autrice de l’étude.

« Alors que d’autres études ont mis en évidence le rôle pathologique des cellules innées comme les neutrophiles, les monocytes et les macrophages activées par le SARS-CoV-2, nous avons découvert des effets potentiellement bénéfiques de l’activation des basophiles par le virus. Réussir à moduler l’activation des basophiles, via l’IL-3 par exemple, pourrait potentiellement nous permettre de réguler la réponse anticorps protectrice à une infection virale comme le SARS-CoV-2 », conclut Jagadeesh Bayry, directeur de recherche Inserm et dernier auteur de l’étude.

Covid-19 : « mort cellulaire programmée » dans les formes sévères

Coronavirus SARS-CoV-2

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines. © M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Près de 60 % des patients hospitalisés pour Covid-19 présentent une lymphopénie, c’est-à-dire une diminution du nombre de lymphocytes[1] circulant dans le sang par rapport aux valeurs normales. Les mécanismes expliquant cet état sont longtemps demeurés mal compris. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et d’Université de Paris[2] en collaboration avec des équipes nîmoises (CHU de Nîmes), canadiennes (Université Laval) et portugaises (University of Minho and Hospital of Braga)[3] ont mis en évidence un phénomène de mort cellulaire programmée dénommé « apoptose »[4] qui expliquerait la perte des lymphocytes chez ces patients. Ils ont également montré in vitro que ce processus est réversible grâce à l’utilisation d’inhibiteurs de caspase, des molécules qui bloquent l’action des enzymes responsables de l’apoptose. Ces résultats, publiés le 22 janvier 2022 dans la revue Cell Death & Differentiation, permettent d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients atteints de formes sévères de Covid-19.

La Covid-19 est une maladie caractérisée par une très grande hétérogénéité clinique. Alors que la plupart des personnes infectées sont asymptomatiques ou présentent des symptômes légers, d’autres développent des formes sévères de la maladie.

Les recherches sur les patients hospitalisés se sont jusqu’ici beaucoup intéressées à l’état inflammatoire qui caractérise les formes graves mais moins à d’autres biomarqueurs. Or parmi ces patients, 60 % d’entre eux présentent une lymphopénie, c’est-à-dire que le nombre de lymphocytes T CD4 dans leur sang est inférieur aux valeurs normales.

lymphocytes apoptotiques

Détection de lymphocytes apoptotiques ayant une condensation nucléaire et une fragmentation visualisable par microscopie électronique et pas immunofluorescence. © Jérôme Estaquier

L’équipe du chercheur Inserm Jérôme Estaquier, au sein de l’unité de recherche 1124 (Inserm/université de Paris) et de l’Université Laval à Québec, s’est penchée sur ce phénomène. Les scientifiques ont longtemps travaillé sur le SIDA, pathologie pour laquelle un faible nombre de lymphocyte CD4 dans le sang constitue justement un marqueur de mauvais pronostic. Ils ont donc ici pu mettre en application leurs connaissances de ces processus dans le domaine de la Covid-19.

Dans leurs travaux, les chercheurs ont étudié des échantillons sanguins de patients hospitalisés d’avril à juin 2020 pour Covid-19 (certains d’entre eux en soins intensifs) et les ont comparés à des donneurs sains. Ils ont ainsi mis en évidence que le fait de présenter une lymphopénie était corrélé à la présence de plusieurs biomarqueurs de sévérité.

Mort cellulaire programmée

Ils ont également montré qu’un processus de mort cellulaire programmée, l’apoptose, est à l’origine de la disparition des lymphocytes T chez les patients hospitalisés atteints de la Covid-19.

Pour tenter de bloquer ce processus, les chercheurs se sont ensuite appuyés sur de précédents travaux menés dans le domaine du VIH sur des modèles animaux, dans lesquels ils avaient montré que l’administration de ces molécules appelées inhibiteurs de caspase parvient à stopper l’apoptose, à rétablir les lymphocytes CD4, et à prévenir l’apparition du SIDA. Ils montrent ici qu’avec ces molécules, le processus d’apoptose des lymphocytes T est également réversible dans le cas de la Covid-19.

Ces résultats[5] ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques pour traiter de manière précoce les patients hospitalisés présentant une lymphopénie. « L’idée est désormais de mettre en place des essais cliniques de phase 1 pour tester la sécurité des inhibiteurs de caspase chez l’Homme. Les lymphocytes T sont la clé de voûte du système immunitaire. Ainsi, ces molécules pourraient avoir une utilité à terme pour les patients présentant une lymphopénie lors de leur entrée à l’hôpital », souligne Jérôme Estaquier.

 

[1] Les lymphocytes sont des globules blancs ayant un rôle clé dans le système immunitaire. Ils défendent l’organisme face aux agressions.

[2] Au sein de l’unité 1124 « Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs »

[3] L’étude a aussi été menée en collaboration avec le CHU de Nîmes et le CNRS (IGH).

[4] L’apoptose est une mort cellulaire programmée. Il s’agit d’un processus par lequel des cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal de stress ou un ligand de mort.

[5] Cette étude a été financée par la Fondation Recherche Médicale et AbbVie France and Canada. 

Covid-19 : Nouvelles pistes pour expliquer pourquoi les enfants sont moins à risque de formes graves

Cette image colorisée au microscope électronique montre le SARS-CoV-2 isolé d'un patient aux États-Unis. Des particules virales émergent de la surface des cellules cultivées en laboratoire

Cette image colorisée au microscope électronique montre le SARS-CoV-2 isolé d’un patient aux États-Unis. Des particules virales émergent de la surface des cellules cultivées en laboratoire. © NIAID-RML Creative Commons.

 

Pourquoi les enfants sont-ils moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes ? Cette question est étudiée par de nombreux scientifiques depuis le début de la pandémie. Plusieurs pistes intéressantes se dessinent, suggérant notamment des différences au niveau des réponses immunitaires qui se mettent en place à la suite de l’infection par le SARS-CoV-2. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université d’Angers et du CHU d’Angers, membres ou partenaires du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) ont montré que la réponse interféron, qui fait partie de la réponse immunitaire innée n’est pas la même selon l’âge des patients. Les résultats ont été publiés dans la revue Frontiers in Immunology en novembre 2021.

Les symptômes de la Covid-19 varient grandement d’une personne à l’autre. Si certains individus sont asymptomatiques après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, d’autres développent des formes graves de la maladie, pouvant aller jusqu’au décès. Dès le début de la pandémie, l’âge a été identifié comme facteur de risque majeur de faire une forme sévère de Covid-19. Contrairement aux adultes, et notamment aux personnes âgées qui sont très vulnérables à l’infection, les enfants ne présentent généralement aucun signe clinique de la maladie (ou seulement des symptômes légers).

De nombreuses équipes de recherche cherchent à comprendre quels paramètres de la réponse immunitaire pourraient expliquer cette différence de vulnérabilité au virus entre les personnes âgées et les plus jeunes.

Dans ce travail collaboratif, les chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université d’Angers au sein du Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers ainsi que des laboratoires de Virologie et d’Immunologie du CHU d’Angers, ont émis l’hypothèse que les enfants seraient protégés en raison d’une réponse immunitaire innée locale plus forte, au niveau de la muqueuse nasopharyngée. Jusqu’ici l’immunité innée face à la Covid-19 a été moins étudiée que la réponse immunitaire adaptative[1].

Quelques rappels sur la réponse immunitaire

L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un microorganisme pathogène, chez tout individu, et ce même en l’absence d’un contact antérieur avec ce microorganisme. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. En cas d’infection virale, elle fait principalement intervenir des cellules « Natural Killer » qui tuent les cellules infectées par un virus. Elle induit aussi la production des interférons par les cellules infectées, et ces interférons protègent les cellules voisines de l’infection. 

L’immunité adaptative est une réponse qui mettra 5 à 7 jours avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire). En cas d’infection virale, elle fait intervenir deux types de cellules immunitaires protectrices : des lymphocytes B producteurs d’anticorps qui se fixent au virus et le « neutralisent », c’est-à-dire empêchant son entrée dans les cellules et favorisant son élimination, et des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques qui tuent les cellules infectées. Les lymphocytes B et T reconnaissent des structures protéiques (du virus) appelées antigènes. 

Après une infection virale ou une vaccination, le taux des anticorps et des lymphocytes reconnaissant le virus diminue dans le temps. Néanmoins, des lymphocytes B et T dit « mémoires » demeurent et patrouillent. Ils agiront plus vite et plus efficacement lors d’un contact ultérieur avec le même virus.

Des réponses interférons différentes

Dans leurs travaux, les scientifiques ont analysé les prélèvements nasopharyngés de 226 personnes venues réaliser un test PCR dans un centre de dépistage « drive » au CHU d’Angers de mars 2020 à mars 2021.  Parmi ces individus, 147 étaient infectés par le SARS-CoV-2.  « L’originalité de nos travaux est de ne pas avoir présélectionné les participants, pour ne pas biaiser les résultats, mais aussi de nous intéresser à l’immunité innée, et plus précisément à la réponse interféron », souligne Yves Delneste, chercheur Inserm ayant participé à cette étude.

Lorsque des cellules sont infectées par un virus quel qu’il soit, elles produisent rapidement des interférons (IFN) de type I (IFN-α/β) et de type III (IFN-l), qui sont de puissantes molécules antivirales naturelles. On les appelle interférons car elles « interfèrent » avec la réplication du virus et protègent les cellules voisines de l’infection.

Ces interférons ont tous une activité antivirale, mais leurs modes d’action ne sont pas redondants. En effet, chacun induit une réponse antivirale d’intensité et de durée différente et agit de façon différente mais complémentaire sur la réponse immunitaire[2].

Une réponse interféron insuffisante ou inadaptée ne permettra pas de contenir la réplication du virus ou pourra favoriser une réponse immunitaire pathologique (par exemple un emballement du système immunitaire comme on le voit dans les formes graves de Covid-19).

L’analyse des échantillons étudiés par l’équipe de recherche révèle que, chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d’expression des interférons de type I (IFN- α/β) et de type III (IFN-l) diffèrent avec l’âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans ont une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus localement au niveau de son point d’entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, expriment préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme).

SARS COV2

« Ces résultats contribuent à expliquer pourquoi les enfants seraient moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes. Les interférons de type III, qui agissent principalement en protégeant localement l’épithélium, pourraient contrôler l’infection au point d’entrée, sans induire d’inflammation excessive généralisée, et éviter ainsi un glissement vers la tempête inflammatoire avec une destruction cellulaire massive que l’on voit dans les formes graves », soulignent Pascale Jeannin (professeure des universités et praticien hospitalier) et Dominique Couez (professeure des universités) à Angers, qui ont dirigé ces travaux.

En s’appuyant sur ces résultats, les scientifiques vont désormais mener une étude prospective pour évaluer si, chez les enfants qui présentent des signes cliniques de la maladie, les caractéristiques de la réponse interféron associée aux formes graves chez l’adulte sont présentes et si elles peuvent permettre de prédire l’évolution de l’infection.

 

[1] voir encadré sur l’immunité innée et l’immunité adaptative à la fin du communiqué

[2] voir encadré

Doses de rappel Covid-19 : début des inclusions de l’essai COVIBOOST

Vaccin Anti Covid

Les autorités sanitaires françaises recommandent à tous les adultes de plus de 18 ans de réaliser une injection de rappel avec un vaccin à ARNm afin d’assurer une protection vaccinale maximale et prolongée.© AdobeStock

 

Dans un contexte de circulation hivernale du virus, d’augmentation constante du nombre de cas confirmés et d’apparition de nouveaux variants, les autorités sanitaires françaises recommandent à tous les adultes de plus de 18 ans de réaliser une injection de rappel avec un vaccin à ARNm afin d’assurer une protection vaccinale maximale et prolongée.

L’administration d’une 3ème dose d’un vaccin différent pourrait néanmoins présenter des avantages en termes d’efficacité et de sécurité, mais aussi en termes de coût et d’acceptabilité.

L’essai COVIBOOST vise à étudier la réponse immunitaire suite à l’injection en 3ème dose de deux candidats vaccins à base de protéine recombinante associée avec un adjuvant développé par Sanofi Pasteur et GSK et celle d’une 3ème dose du vaccin Pfizer-BioNTech.

Cet essai randomisé en double aveugle, promu par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, sera mené dans 11 centres hospitaliers du réseau COVIREIVAC coordonné par l’Inserm. Il démarre le 8 décembre.

300 participants ayant préalablement reçu deux doses du vaccin Pfizer-BioNTech (2ème dose reçue dans un délai de 5 à 7 mois) et sans antécédent de Covid-19 seront inclus, dont la moitié âgée de de 65 ans et plus.

Ils recevront aléatoirement en dose de rappel :

–           le vaccin ARNm de Pfizer-BioNTech (Comirnaty®)

–           le vaccin adjuvanté à protéine recombinante de Sanofi-Pasteur / GSK basé sur la souche originale du virus (souche Wuhan)

–           le vaccin adjuvanté à protéine recombinante de Sanofi-Pasteur / GSK basé sur le variant beta (variant sud-africain)

Les données de l’essai permettront de mesurer la réponse immunitaire induite par les trois vaccins étudiés en rappel, et son efficacité sur les différents variants mais aussi sa persistance à 3 et 12 mois, en fonction de l’âge.

Il s’agit de la huitième étude lancée par COVIREIVAC.

Pour plus d’information sur les conditions de l’essai, rendez-vous sur le site: http://www.covireivac.fr ou écrire à  rf.phpa@hcc.cavierivoctcatnoc

La vaccination de rappel dans le cadre de l’essai permettra de valider le pass sanitaire pour la 3ème dose selon les exigences nationales.

« Aujourd’hui la dose de rappel avec un vaccin ARNm est devenue incontournable. Mais on espère élargir le panel des possibilités avec d’autres technologies vaccinales. » explique Marie Lachâtre, médecin infectiologue (Hôpital Cochin et Hôtel Dieu / APHP) et membre de COVIREIVAC. « Les candidats vaccin de Sanofi-Pasteur/GSK font depuis plusieurs mois l’objet d’essais cliniques de phase 3 en primo-vaccination ou en rappel. Nous souhaitons aujourd’hui évaluer la réponse immunitaire qu’ils induisent en rappel comparativement à celle du vaccin Pfizer-BioNTech ».

Cette étude clinique a été labellisée « priorité nationale de recherche » sur le Covid-19, par le ministère de la Santé et des Solidarités.

Lancée en octobre 2020, la plateforme COVIREIVAC coordonnée par l’Inserm et F-CRIN en lien avec 32 centres hospitaliers universitaires et un réseau de 11 laboratoires d’immunologie vise à mener et à promouvoir une recherche clinique vaccinale d’excellence en France. Depuis le 1er octobre 2020, 50 000 volontaires se sont inscrits pour participer aux efforts de recherche et améliorer les connaissances vis-à-vis de ces nouveaux vaccins. Il s’agit d’une initiative sans précédent dans notre pays. La plateforme est pilotée par l’Inserm, et le volet opérationnel clinique fait l’objet d’une coordination par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris des différents CHU. De nouveaux projets de recherche sont régulièrement lancés dans le cadre de COVIREIVAC.

Même si plusieurs vaccins contre la Covid-19 sont disponibles, il est impératif de poursuivre la recherche afin d’approfondir les connaissances scientifiques, notamment la durée de la protection et la qualité de la réponse immunitaire.

Les études cliniques coordonnées par COVIREIVAC ont pour objectif d’apporter des réponses à ces questions de recherche.

Lancement du Groupement d’intérêt scientifique Obépine sur les eaux usées

 

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Le 19 octobre, les représentants de dix établissements  ̶  CNRS, Eau de Paris, EPHE, Ifremer, Inserm, IRBA, Sorbonne Université, Université Clermont Auvergne, Université de Lorraine et Université de Paris  ̶ membres du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) de l’Observatoire épidémiologique dans les eaux usées (Obépine), se sont réunis pour la première fois. Sorbonne Université, qui assure la gestion de ce GIS, en préside le Comité des membres.

Le consortium Obépine, créé au printemps 2020, réunit des chercheurs et des chercheuses en virologie médicale, microbiologie de l’environnement, mathématiques appliquées, hydrologie et infectiologie ayant pour ambition de suivre l’état sanitaire des populations par l’analyse des eaux usées.

Soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ce consortium a démontré qu’il est possible de suivre l’évolution de l’épidémie de Covid-19 en quantifiant le génome du SARS-CoV-2 et ses variants dans les eaux usées des stations d’épuration.

Obépine a en effet produit de nombreux résultats portant sur l’évaluation du risque sanitaire à partir de l’analyse de selles, de boues résiduaires et de coquillages. Le consortium a également construit et validé des modèles mathématiques qui ont mis en évidence une excellente corrélation entre les indicateurs individuels (taux d’incidence) et les niveaux de circulation du virus dans les eaux usées.

Depuis janvier 2021, l’activité de recherche du réseau Obépine a permis de proposer de façon opérationnelle un indicateur des eaux usées reposant sur des prélèvements effectués dans quelque 200 stations de traitement des eaux usées en France métropolitaine et d’outre-mer. Le réseau permet, aujourd’hui, de donner des informations sur la circulation du virus SARS-CoV-2 dans des bassins versants couvrant plus de 33 % de la population. Le consortium assure ainsi, via son réseau, une activité opérationnelle du suivi de circulation du virus. Celle-ci a été aujourd’hui financée jusqu’au 31 octobre 2021 par le ministère des Solidarités et de la Santé qui prépare la mise en place sous sa responsabilité, d’un réseau national opérationnel agrégeant l’ensemble des acteurs.

Dans le cadre du GIS, le consortium Obépine a pour objectif de poursuivre le développement des activités de recherche appliquées dans le domaine des eaux usées sur le SARS-CoV-2 et ses variants.

En tirant parti du réseau opérationnel qu’il a mis en place, comme d’un réseau Sentinelles, il a vocation à traiter des questions sur l’état sanitaire des populations en étendant ses recherches à d’autres pathogènes ou agents chimiques détectés dans les eaux usées.

Pour le premier mandat, la direction sera assurée par Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université et virologue au Centre de recherche Saint-Antoine (Inserm/Sorbonne Université), associé à deux co-directeurs : Christophe Gantzer, professeur de virologie à l’université de Lorraine, directeur du Laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l’environnement (CNRS/Université de Lorraine) et Laurent Moulin, responsable du laboratoire R&D d’Eau de Paris.

Pour plus d’information sur le réseau Obépine : https://www.reseau-obepine.fr

Covid-19 : Le lourd impact de l’épidémie sur la santé mentale des étudiants, notamment pendant les périodes de confinements

 

santé mentale étudiants Covid

Les étudiants sont un groupe particulièrement vulnérable en ce qui concerne la santé mentale suite à la pandémie de Covid-19. © Adobe Stock

 

La pandémie de Covid-19 s’est accompagnée d’une dégradation de l’état de santé mentale d’une grande partie de la population française. Afin de mettre en place des dispositifs de soutien adaptés, il est nécessaire de mesurer l’impact de l’épidémie et d’identifier les populations les plus exposées. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux au Bordeaux Population Health Center montrent que les étudiants sont particulièrement vulnérables. Pendant les deux premiers confinements, les prévalences des troubles anxieux et dépressifs, ainsi que des pensées suicidaires, étaient plus élevées dans cette population en comparaison à des non étudiants. Ces résultats, publiés dans la revue Scientific Reports mettent en lumière la nécessité d’une grande vigilance en ce qui concerne la santé mentale des étudiants en contexte épidémique ainsi que l’importance de mettre en place rapidement des interventions spécifiques pour les aider à surmonter les effets délétères de cette crise sanitaire.

Les épidémies sont connues pour exacerber les problèmes de santé mentale de la population. Ainsi, des travaux antérieurs, réalisés lors de l’épidémie de SRAS au début des années 2000, ont montré que l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique étaient plus fréquents pendant et plusieurs années après la fin de l’épidémie.

Par ailleurs, les données de la littérature scientifique montrent que les étudiants constituent une population particulièrement vulnérable aux problèmes de santé mentale, même hors contexte d’épidémie. En France par exemple, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-25 ans et des résultats portant sur une cohorte nationale, la cohorte i-Share, ont montré un taux élevé d’anxiété et de dépression dans cette population.

Face à ces différents constats, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université de Bordeaux ont étudié de plus près la santé mentale des étudiants durant la pandémie de Covid-19 et lors des différents confinements. Les étudiants sont-ils plus à risque de développer des problèmes psychologiques dans ce contexte que les non-étudiants ?

 

Dépression, anxiété et pensées suicidaires

Les scientifiques ont recruté via les réseaux sociaux 3783 participants entre mars 2020 et janvier 2021, une période couvrant le premier et deuxième confinement, ainsi que la période intermédiaire de relâchement des restrictions à l’été 2020. Cette étude, désignée sous le nom de cohorte CONFINS, a permis de comparer deux groupes lors des analyses : les étudiants d’un côté et les adultes non-étudiants de l’autre. Au-delà de cette différence de statut et d’âge moyen, les deux groupes étaient très proches, avec des pourcentages similaires de femmes, de personnes ayant eu des antécédents de maladie mentale ou encore de personnes travaillant (ou étudiant) dans le domaine de la santé.

Chaque participant a été invité à remplir en ligne des échelles de référence pour l’évaluation de l’anxiété et de la dépression (le GAD-7, une échelle qui évalue les symptômes de l’anxiété et le PHQ-9, qui évalue la sévérité de la dépression) ainsi qu’à répondre à des questions sur la fréquence des pensées suicidaires au cours des 7 derniers jours.

Les analyses montrent que sur toute la période considérée, les étudiants sont plus touchés que les non étudiants par les problèmes de santé mentale. Ils sont ainsi 36,6 % à déclarer des symptômes dépressifs (contre 20,1 % des non étudiants) et 27,5 % des symptômes d’anxiété (contre 16,9 %). De plus, 12,7 % des étudiants ont rapporté des pensées suicidaires (contre 7,9 % des non étudiants).

 

Des inégalités importantes et qui se creusent

Les scientifiques se sont aussi penchés plus précisément sur chaque étape de la période considérée (premier confinement, déconfinement et deuxième confinement). Alors que la prévalence des troubles mentaux reste globalement stable dans le groupe des non-étudiants tout au long de la période, de grandes variations sont observées pour le groupe étudiant.

Ainsi, on observe que les fréquences des troubles de santé mentale sont beaucoup plus élevées en période de confinement que pendant le déconfinement dans ce groupe, et particulièrement lors du deuxième confinement. En effet, plus de la moitié des étudiants rapportaient des symptômes dépressifs lors du deuxième confinement (contre un quart des non étudiants), alors que cette proportion était de 36 % lors du premier confinement. 

« La comparaison entre étudiants et non étudiants a rarement été étudiée jusqu’ici. Nous démontrons dans notre étude qu’il existe d’importantes inégalités de santé mentale entre ces deux groupes, et que l’écart s’est encore plus creusé avec le deuxième confinement. La vulnérabilité des étudiants n’a probablement pas une cause unique mais l’isolement et la solitude ont certainement beaucoup pesé. Les conditions matérielles et la difficulté de suivre les études sont également des facteurs importants. », explique Mélissa Macalli, première autrice de l’étude.

 

De l’observation à l’intervention

Ce travail de comparaison directe montre donc que, même si toute la population française a été affectée par la crise sanitaire et les restrictions associées, les étudiants sont une population particulièrement vulnérable. Ces chiffres devraient permettre d’orienter les stratégies de prévention et de renforcer les dispositifs d’accompagnement psychologique.

 « Il est aussi important de réaliser que ce problème ne sera pas résolu simplement parce que les confinements ont cessé. La détresse d’un grand nombre d’étudiants est toujours très présente et beaucoup plus forte qu’avant l’épidémie. Il faut réaliser que les problèmes de santé mentale des étudiants ne sont pas derrière nous mais devant nous et qu’ils sont très diffus. Tous n’ont pas de maladie mentale sévère mais tous sont affectés, ont du mal à « fonctionner » correctement, et certains risquent de s’aggraver au cours du temps avec les risques de décrochage des études, de dépression, voire des comportements suicidaires dans le pire des cas », souligne le chercheur Christophe Tzourio, dernier auteur de l’étude.

Les scientifiques ont donc décidé d’aller au-delà du constat et du plaidoyer et ils travaillent désormais sur une intervention afin d’aider les étudiants sur ces questions complexes. Dans les mois qui viennent, l’équipe va développer une application mobile qui sera testée dans le cadre de la cohorte CONFINS, afin d’évaluer son impact réel lors d’une intervention contrôlée.

« Le but est que l’application, qui sera co-créée avec étudiants et professionnels de santé, apporte au plus grand nombre des connaissances sur les troubles mentaux et sur les dispositifs de soutien existants (professionnel de santé, numéros d’aide). D’autre part, pour ceux qui le souhaitent, elle leur permettra de mieux évaluer leur propre niveau de stress, d’anxiété et de dépression au cours du temps. Le plus souvent cela permettra de les rassurer et d’aider ceux qui en ont besoin à franchir le pas en sollicitant de l’aide de professionnels de la santé mentale dans une période de détresse », explique Mélissa Macalli.

Covid-19 : Identification d’une signature génique propre aux patients atteints de formes critiques grâce à l’intelligence artificielle

SARS-CoV-2

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Quelles sont les caractéristiques moléculaires et génétiques qui distinguent les patients atteints de formes critiques de Covid-19, et notamment de syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA)? Pour répondre à cette question, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg au sein de l’unité U1109 « Immunologie et Rhumatologie Moléculaire », en collaboration avec les cliniciens‑chercheurs des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, se sont intéressés aux données biologiques et génomiques d’une cohorte ciblée de patients jeunes. Les patients hospitalisés en réanimation avec un SDRA ont été comparés aux patients Covid‑19 hospitalisés en secteur conventionnel.

Dans le cadre d’une collaboration franco-américaine avec des chercheurs de l’entreprise Genuity Science (Boston, États-Unis), et de l’Université de Californie du Sud (Los Angeles, États-Unis) et en s’appuyant sur les techniques les plus avancées de l’intelligence artificielle pour l’interprétation de ces données, les scientifiques sont parvenus à identifier une signature génique différenciant ces patients critiques des non-critiques. Certains des gènes inclus dans cette signature pourraient à terme constituer des cibles thérapeutiques contre les formes graves de Covid-19 ou SDRA. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine.

La Covid-19 est caractérisée par une grande hétérogénéité clinique. Alors que certains patients sont asymptomatiques, d’autres développent des symptômes similaires à ceux de la grippe. D’autres encore évoluent vers des formes graves de la maladie, développant dans certains cas un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) nécessitant d’être placé sous ventilation mécanique en unité de réanimation. Ces patients ne représentent qu’une petite proportion des personnes infectées par le virus, mais le taux de mortalité dans ce groupe est important puisqu’il peut atteindre environ 25 %.

Si l’âge et les comorbidités comme le diabète et les pathologies cardio-vasculaires constituent les facteurs de risque principaux pour développer ces formes graves de Covid-19 et de décès, les scientifiques ne savent pas encore précisément expliquer pourquoi certains patients plus jeunes et antérieurement en bonne santé évoluent dans cette direction. Que distingue ces patients atteints de symptômes respiratoires sévères des autres, sur le plan moléculaire et génétique ?

Des travaux ont été menés sur le sujet depuis le début de la pandémie et quelques pistes ont été soulevées, mais jusqu’à présent chaque étude abordait la question sous un seul angle méthodologique, s’intéressant généralement uniquement à un aspect (facteur génétiques, paramètres de la réponse immunitaire, métabolique, etc.).

 

Patients jeunes et sans comorbidités

Les scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg, en lien avec le CHU de Strasbourg, se sont ici au contraire intéressés à une cohorte de patients avec des critères d’inclusions restrictifs et strictes. Il s’agissait de personnes hospitalisées pendant la première vague de la pandémie, âgées de moins de 50 ans et ne présentant aucune comorbidité majeure. Au total, 72 patients ont été recrutés en deux groupes, l’un constitué de patients en réanimation atteints de SDRA et l’autre de patients hospitalisés en secteur dit conventionnel, atteints d’une forme moins grave de Covid-19 . Un groupe de de 22 individus « contrôles » – des individus en bonne santé – a également été étudié.

« Nous avons fait le choix de nous pencher sur une cohorte de patients restreinte mais très bien définie, en excluant les facteurs confondants comme l’âge ou certaines pathologies, afin de pouvoir vraiment étudier les mécanismes moléculaires et génétiques directement associés aux formes graves, qui soient exclusivement liés à l’infection virale et non à d’autres facteurs de risque préexistants », souligne Seiamak Bahram[1], dernier auteur de l’étude.

Les scientifiques ont collecté différents échantillons afin de mener une analyse « multi‑omique », c’est-à-dire de récupérer et d’analyser l’ensemble des données génomiques, protéomiques, transcriptomiques (investigation de la totalité des ARN messagers) et autres données virologiques, immunologiques et sérologiques de ces patients.

Cela leur a permis de confirmer que le SDRA est associé à un état inflammatoire très important et à un emballement du système immunitaire (la fameuse « tempête cytokinique »).

 

S’appuyer sur l’intelligence artificielle

Toutefois, au vu de la masse considérable de données générées dans le cadre de cette analyse multi-omique, il était impossible d’aller plus loin dans l’interprétation sans l’aide de l’intelligence artificielle (IA). Ainsi, en collaboration avec l’institut d’intelligence artificielle de l’entreprise biotechnologique Genuity Science[2] à Boston (États-Unis), l’équipe a pu identifier un réseau de 600 gènes impliqués dans l’évolution vers les formes critiques de Covid-19, grâce à l’application croisée de plusieurs algorithmes d’intelligence artificielle (y compris un algorithme ayant tourné sur l’ordinateur quantique mis à disposition par l’Université de Californie du Sud à Los Angeles).

Toujours dans le cadre de cette collaboration transatlantique, ces nombreuses données ont pu être modélisées et analysées avec l’aide de l’IA, permettant d’identifier plus précisément cinq gènes surexprimés chez ces patients.

L’un d’entre eux, le gène ADAM9, est un « gène driver » particulièrement intéressant. En effet, de précédentes études ont montré que celui-ci interagit avec des protéines du SARS-CoV-2. Les résultats obtenus ici vont dans ce sens, suggérant qu’une surexpression d’ADAM9 « conduirait » (d’où le terme de « gène driver ») certains patients vers les formes graves de Covid-19 et le SDRA.

Les chercheurs ont ensuite réalisé des expériences in vitro qui ont montré que le fait de bloquer le gène ADAM9 dans des lignées cellulaires est associé à une réduction des quantités de virus SARS-CoV-2 dans ces cellules, ainsi qu’à une diminution de la réplication du virus, confirmant donc son importance dans la maladie critique mais aussi son potentiel en tant que cible thérapeutique.

D’autres études devront bien entendu être menées afin de confirmer ce dernier point, mais les scientifiques estiment que ces résultats ouvrent une piste thérapeutique intéressante, d’autant que des essais cliniques en oncologie pour tester des anticorps monoclonaux qui inhibent justement ADAM9 sont en cours. Des stratégies de repositionnement thérapeutique pourraient donc être envisagées à plus long terme.

 

[1]Le Professeur Seiamak Bahram est PU-PH, directeur de l’Unité 1109 de l’Inserm, responsable de l’Institut Thématique Interdisciplinaire de Médecine de Précision de Strasbourg et chef de service d’immunologie biologique aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.

[2] Devenue depuis la société Hibercell

Covid-19 : un chatbot pour répondre à l’hésitation vaccinale

ordinateurDes chercheurs ont créé un agent conversationnel (chatbot) capable de répondre à 51 questions parmi les plus répandues sur les vaccins contre la  Covid-19 © seth schwiet on Unsplash

 

  • Une part non négligeable de la population est réticente à se faire vacciner contre la Covid-19.
  • Des scientifiques ont conçu un chatbot permettant de répondre de manière personnalisée aux questions des personnes curieuses ou hésitantes, et démontré son efficacité.


Et si interagir quelques minutes avec un chatbot permettait de répondre efficacement aux doutes sur les vaccins ? Dans une étude publiée le 28 octobre 2021 par la revue Journal of Experimental Psychology: Applied, des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et de l’ENS-PSL montrent que ce type d’outil peut inciter les personnes hésitantes à vouloir se faire vacciner.

L’hésitation vaccinale est l’un des défis majeurs pour circonscrire la pandémie de Covid-19. Selon de précédentes études, la communication de masse, par des messages courts diffusés à la télévision ou la radio, est d’une efficacité limitée pour convaincre les hésitants. En revanche, une discussion avec une personne experte et de confiance permet d’aborder les préoccupations propres à chacun, de manière plus ciblée et donc plus convaincante. Il est cependant compliqué de faire en sorte que chaque personne hésitante ait accès à ce type d’échange individuel.

Pour surmonter ce problème, des chercheurs et chercheuses en sciences cognitives de l’Institut Jean- Nicod (CNRS/ENS-PSL) et du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles (Inserm/ ENS-PSL) ont créé un agent conversationnel (chatbot) capable de répondre à 51 questions parmi les plus répandues sur les vaccins contre la  Covid-191.

L’avantage des chatbots est qu’ils permettent un échange de questions-réponses rapide et personnalisé, tout en étant accessibles à un public large.

L’équipe a ensuite testé ce chatbot sur 338 personnes et comparé leurs réponses à celles d’un groupe contrôle de 305 personnes ne lisant qu’un court paragraphe d’information sur les vaccins contre la Covid-19. Le nombre de participants ayant une opinion positive des vaccins a augmenté de 37 % parmi ceux qui ont échangé quelques minutes avec le chatbot. Ils étaient aussi plus enclins à se faire vacciner, le refus vaccinal déclaré ayant diminué de 20 % dans ce groupe. Ces deux effets étaient négligeables chez les participants exposés au paragraphe informatif.

Il resterait à démontrer si l’effet du chatbot est durable, s’il est perçu de la même manière dans toutes les tranches d’âge, ou chez les personnes les plus réfractaires aux vaccins2.

D’ores et déjà, cette étude montre qu’il pourrait bénéficier à un large public puisque la moitié des personnes ayant dialogué avec le chatbot a ensuite essayé de convaincre des proches de se faire vacciner ; et parmi ces participants, les trois-quarts ont déclaré avoir utilisé des informations fournies par le chatbot.

Ces résultats suggèrent donc qu’un chatbot régulièrement mis à jour pour refléter les dernières connaissances scientifiques sur les vaccins pourrait être un outil efficace pour contribuer à réduire l’hésitation vaccinale.

 

Notes

1 Les questions ont été définies à partir de sondages sur les raisons de l’hésitation vaccinale et d’articles de presse traitant de certaines idées reçues ; les réponses ont été rédigées à partir de sources scientifiques et validées par des spécialistes des vaccins contre le Covid-19.

2 L’échantillon de participants est en moyenne plus jeune et plus diplômé que la population générale.

Copie d’écran du chatbot utilisé dans l’étude, en décembre 2020 – janvier 2021.

Covid-19 : quel impact de l’infection au SARS-CoV-2 sur l’irrigation vasculaire du cerveau ?

tissu cérébral humain post-mortem

Image fluorescente d’un tissu cérébral humain post-mortem montrant des noyaux cellulaires (bleu) mettant en évidence un vaisseau sanguin dans lequel les cellules endothéliales vasculaires expriment le matériel génétique du SARS-CoV2 (rouge). © Vincent Prévot/Inserm

 

De nombreux chercheurs et chercheuses sont actuellement mobilisés pour accroître les connaissances relatives au virus du SARS-CoV2, pour une meilleure prise en charge des patients infectés, mais également pour essayer de prévoir les conséquences futures d’une infection sur la santé.  Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs de l’Inserm, de l’Université, du CHU et de l’Institut Pasteur de Lille, au sein du laboratoire « Lille neuroscience & cognition », et des collègues du CNRS[1], identifient pour la première fois un effet direct du SARS-CoV-2 sur les vaisseaux sanguins du cerveau. Certaines cellules, les cellules endothéliales vasculaires cérébrales, composantes essentielles de la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau sont affectées par un phénomène de mort cellulaire. Ces résultats, qui font l’objet d’une publication dans la revue Nature Neuroscience, interrogent notamment sur les conséquences à long terme de la maladie.

Les vaisseaux sanguins sont composés de cellules endothéliales. Parmi elles, les cellules endothéliales vasculaires du cerveau qui composent la barrière hémato-encéphalique (BHE). La fonction principale de la BHE est d’isoler le système nerveux central de la circulation sanguine, empêchant ainsi que des substances étrangères ou molécules potentiellement toxiques ne pénètrent dans le cerveau et la moelle épinière, tout en permettant le transfert de nutriments essentiels à leur activité. Participant à cet effort, les cellules endothéliales vasculaires du cerveau jouent donc un rôle primordial dans la bonne irrigation sanguine du cerveau et leur survie est essentielle à son bon fonctionnement.

Dans le cadre d’une collaboration internationale financée par le Conseil Européen de la Recherche[3], les auteurs de l’étude se sont intéressés aux cellules endothéliales vasculaires du cerveau et aux conséquences d’une infection par le SARS-CoV-2 sur leur fonctionnement.

Grâce à des modèles d’étude précliniques mais également en étudiant le cortex de patients décédés des suites d’une infection au SARS-CoV-2, les chercheurs montrent que l’infection entrainerait la mort des cellules endothéliales du cerveau, ce qui donnerait lieu à l’apparition de « vaisseaux fantômes » dans le cerveau (c’est à dire des tubes vides, sans cellules endothéliales).

En conséquence, ces cellules essentielles ne pourraient plus assurer leur fonction au niveau de la barrière hémato-encéphalique.

Comment cette mort des cellules endothéliales survient-elle ? Quels sont les mécanismes impliqués ? Grâce à des techniques de pointes[2], l’équipe a découvert que le SARS-CoV-2 fait fabriquer, à partir de son propre matériel génétique, des ciseaux moléculaires par les cellules endothéliales qu’il infecte. Ces ciseaux vont couper une protéine appelée NEMO, indispensable à la survie des cellules endothéliales qui vont donc mourir.

 

Les conséquences de la mort des cellules endothéliales sur le fonctionnement du cerveau

Selon les scientifiques, la mort des cellules endothéliales vasculaires du cerveau peut entrainer deux conséquences majeures :

  • Une rupture temporaire de la barrière hémato-encéphalique provoquant des microhémorragies dans des régions où le sang n’est pas censé accéder librement.
  • Une hypoperfusion de certaines régions du cerveau (due à la présence de vaisseaux fantômes non fonctionnels), c’est-à-dire une diminution du débit sanguin pouvant entrainer le décès des patients dans les cas les plus graves.

L’étude révèle toutefois que la situation serait réversible.

Par ailleurs, les scientifiques s’interrogent sur les conséquences à long-terme de cette phase de vulnérabilité au cours de laquelle le cerveau des patients est moins irrigué. Selon eux, même si cette hypothèse reste encore à vérifier, cette fenêtre de temps pourrait prédisposer certaines personnes ayant contracté la maladie à développer des troubles cognitifs, neurodégénératifs, voire des démences.

« Cette prise de conscience de la gravité de l’infection par le SARS-CoV2 et ses conséquences pour le bon fonctionnement de notre cerveau est capitale pour permettre la meilleure prise en charge possible des patients ayant été infectés dans les années à venir », conclut Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm.

 

[1] Au sein du Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CHU de Lille)

[2] Telles que la transgénèse, le séquençage de l’ARN en cellule unique, la spectrométrie de masse et la microscopie à super-résolution.

[3] Programme financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC Synergy) impliquant les Drs. Prévot (Inserm, France), Nogueiras (Université de Saint-Jacques de Compostelle, Espagne) et Schwaninger (Université de Lübeck, Allemagne).

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