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Les cellules cibles du SARS-CoV-2 produisent des molécules antivirales trop tardivement pour empêcher la réplication du virus

Cellules infectées par le SARS-CoV-2

Cellules infectées par le SARS-CoV-2 (marqué en vert). L’échelle de taille correspond à 10µm. © Joe McKellar

 

Les cellules cibles du SARS-CoV-2 dans les voies respiratoires produisent des molécules antivirales suite à l’infection, mais trop tardivement pour empêcher la réplication du virus. C’est le constat que dressent les chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpellier à l’Institut de recherche en Infectiologie de Montpellier. Leurs résultats sont publiés dans la revue Journal of Virology.

Avec son équipe, la chercheuse Inserm Caroline Goujon travaille de longue date sur les virus à l’Institut de Recherche en infectiologie de Montpellier (CNRS/université de Montpellier). Au début de l’épidémie de Covid-19, elle et son collègue Olivier Moncorgé décident de réorienter leurs recherches sur le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 et lancent plusieurs projets dont l’un fondamental, destiné à comprendre la réponse des cellules cibles au moment de l’infection.

Alors que la communauté scientifique continue encore à se poser des questions sur le SARS-CoV-2, bâtir des connaissances sur les phases précoces de l’infection pour comprendre comment le virus pénètre dans l’organisme et comment il peut être bloqué est en effet essentiel.

 

A la recherche des interférons

Dans leur récente étude, les scientifiques décrivent cette réponse des cellules cibles dans l’épithélium respiratoire. Ils ont d’abord mis des cellules d’épithéliums respiratoires au contact du virus et analysé la multiplication de ce dernier dans les heures qui ont suivies. En parallèle, ils ont recherché la présence d’interférons, des molécules antivirales naturellement produites par les cellules en cas d’infection.

Ils ont constaté une augmentation rapide de la charge virale après 48 heures et une production importante de deux types d’interférons (les interférons de type I et de type III) entre 48 et 72 heures après l’infection. La production de ces molécules est classiquement déclenchée par certaines protéines des cellules hôtes – dites protéines sentinelles – car chargées de détecter la présence des virus.

Les chercheurs ont ensuite supprimé les gènes codants les principales protéines sentinelles avec la technique CRISPR-Cas9. Ils ont constaté que l’absence de l’un de ces gènes, MDA-5, empêchait la production des interférons. Cependant, ce phénomène n’avait pas d’impact sur la réplication virale. « Avec ou sans la production de ces interférons, qui ont pourtant pour but de contrecarrer le virus, la réplication virale avait lieu de la même manière dans notre modèle de cellules d’épithélium », clarifie Caroline Goujon.

Pourtant, les travaux de l’équipe et de nombreux autres groupes montrent que la mise en contact des cellules cibles avec ces mêmes interférons dans les heures précédant l’infection réduit énormément la capacité du virus à se répliquer : le taux de réplication est divisé par dix au minimum.

« L’activité antivirale des interférons n’est donc pas à remettre en cause contre le SARS-CoV-2. Leur inefficacité dans notre modèle est due à un problème de « timing ». Leur libération survient trop tard pour bloquer la réplication virale », explique-t-elle. Pour avoir un rôle protecteur et éviter la réplication virale, il semble important que leur production intervienne plus précocement.

 

Ouvrir des pistes de recherche thérapeutique

Ces travaux dessinent par ailleurs de nouvelles perspectives contre les formes sévères de Covid. « Nous savons grâce à des études précédentes que les niveaux d’interférons naturels sont bas chez les patients souffrant de forme grave de Covid-19 par rapport à ceux présentant une pathologie moins sévère. Stimuler précocement la production d’interférons par l’organisme en activant la voie MDA-5 pourrait permettre de limiter le risque de développement de formes sévères chez certains patients », ajoute la chercheuse.

Certaines équipes de recherche ont d’ores et déjà commencé à étudier l’administration précoce d’interférons dans le cadre de plusieurs essais cliniques. Caroline Goujon et ses collègues ont de leur côté entamé la suite du projet : identifier les gènes des cellules cibles dont l’expression est stimulée par l’infection et qui contribuent à freiner la réplication virale avec peut-être à la clé de nouvelles pistes thérapeutiques.

Survivants d’Ebola : des séquelles encore présentes quatre ans après avoir été déclarés guéris

Virus Ebola _NIH

Virus Ebola dans un échantillon de sang du Mali © NIH

Pour la première fois depuis l’apparition du virus Ebola, des survivants ont été suivis pendant 48 mois au sein d’une cohorte, appelée « PostEboGui ». Dans une étude menée par des chercheurs de l’IRD, de l’Inserm, de l’université de Montpellier, du Cerfig et de l’université de Conakry, coordonnée par Eric Delaporte et Abdoulaye Touré, l’équipe de recherche a pu confirmer que, même si les symptômes diminuent significativement dans le temps, de nombreux patients présentent encore des séquelles quatre ans après avoir été déclarés guéris. Ceci démontre qu’après la phase aiguë, la maladie à virus Ebola peut présenter une phase chronique longue, soulignant l’importance d’un suivi régulier et prolongé des survivants. L’analyse met également en lumière une corrélation entre l’âge, les types de symptômes développés pendant la phase aiguë de la maladie et les séquelles à long terme.

Ces travaux ont été publiés dans la revue Clinical Infectious Diseases le 23 février 2021. La cohorte PostEboGui a été financée par la Task Force Ebola France, l’Inserm, REACTing (devenu ANRS | Maladies infectieuses émergentes au 1er janvier 2021) et l’IRD.

Peu après le début de l’épidémie d’Ebola en 2014, l’Inserm a organisé, en partenariat avec l’IRD et le département des maladies infectieuses du CHU de Donka à Conakry, en Guinée, un suivi médical des personnes ayant survécu à l’infection par le virus. La mise en place de cette cohorte nommée « PostEboGui » a permis de suivre un total de 802 survivants d’Ebola. Les résultats de précédents travaux avaient mis en évidence l’existence d’un « syndrome post-Ebola » et l’importance des séquelles de ce virus sur le moyen terme chez 3 survivants sur 4, ainsi que la persistance possible du virus sur le long terme dans le sperme.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé l’évolution de ces séquelles jusqu’à quatre ans après la sortie des patients du Centre de Traitement Ebola (CTE). Ils ont pour cela suivi 722 personnes (enfants et adultes) de la cohorte PostEboGui pendant une durée médiane de 35,7 mois. L’âge médian des patients était de 28,7 ans et 44 % étaient des hommes.

Les résultats révèlent que parmi ces patients, différents symptômes étaient présents chez près d’une personne sur 3, quatre ans après avoir été déclarés guéris (c’est-à-dire que le virus n’était plus détecté dans leur sang) :

– 27,68 % présentaient des symptômes neurologiques (maux de tête, vertiges…),

– 25,35 % présentaient des symptômes généraux (fièvre, fatigue, anorexie),

– 17,08 % présentaient des symptômes abdominaux (douleurs ou gastrites),

– 16,82 % présentaient des symptômes musculo-squelettiques (douleurs au cou, au dos, aux articulations…),

– 6,07 % présentaient des symptômes oculaires (conjonctivites, cataracte…).

En comparaison, deux ans après la sortie du CTE, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 46,30 %, 50,70 %, 26,77 %, 35,34 % et 9,17 %. « La prévalence des symptômes diminuent au fil des années, mais reste étonnamment élevée, traduisant l’existence de formes que l’on pourrait appeler “Ebola long”, voire “très long”, par analogie avec la dénomination utilisée pour la Covid-19 », précise Éric Delaporte.

L’étude de l’incidence des séquelles montre des différences en fonction du sexe ou de l’âge : les enfants sont moins susceptibles que les adultes de déclarer la survenue de problèmes musculo-squelettiques, mais risquent davantage d’avoir des séquelles abdominales. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler l’apparition de symptômes abdominaux et de troubles neurologiques.

« Nous nous sommes aussi intéressés à la durée des épisodes symptomatiques des survivants pendant le suivi, indique Abdoulaye Touré, directeur du Cerfig (lire ci-dessous). Si certains survivants rapportent des épisodes brefs mais récurrents, d’autres décrivent des symptômes qui durent longtemps. » La durée médiane des symptômes ressentis entre 2 et 4 ans après la guérison s’étend de 121 jours pour les séquelles abdominales à 204 jours pour celles neurologiques.

L’équipe de recherche a également mis en évidence une corrélation entre certains symptômes apparus pendant la phase aiguë de la maladie, l’âge et des séquelles à long terme : par exemple, l’âge et les symptômes hémorragiques, neurologiques et généraux ressentis pendant l’infection sont associés de façon significative à l’apparition ultérieure de séquelles oculaires, tandis que les symptômes hémorragiques et abdominaux s’associent à des séquelles musculo-squelettiques.

En améliorant les connaissances sur les conséquences au long cours de l’infection par le virus Ebola, cette étude apporte de nouvelles informations sur la maladie et contribue à l’optimisation de la prise en charge des patients en prenant en compte leurs antécédents et les risques associés à l’apparition de séquelles.

« Les séquelles à long terme peuvent avoir un impact négatif majeur sur la santé, la qualité de vie des survivants et leur aptitude au travail. Nos résultats montrent qu’il est important de continuer à suivre les survivants sur le long terme non seulement pour améliorer leur prise en charge mais aussi pour prévenir d’éventuelles résurgences de virus comme l’illustre actuellement le redémarrage de l’épidémie à partir d’un survivant en République Démocratique du Congo », conclut Eric Delaporte.

 

Le suivi de la cohorte PostEboGui est réalisé au sein du Cerfig (Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée), structure intégrée de recherche et de prise en charge médicale dans le domaine des maladies infectieuses située à Conakry. Ce centre a été financé par la Task Force Ebola France, l’IRD, l’Université de Montpellier et l’Inserm / REACTing (devenu depuis le 1er janvier 2021 ANRS | Maladies infectieuses émergentes), dans une démarche de renforcement des capacités nationales et de préparation au risque d’une nouvelle épidémie.

Inauguré en 2019, le Cerfig est aujourd’hui pleinement opérationnel. La réapparition récente du virus Ebola en Guinée a pu être confirmée rapidement par l’équipe du laboratoire du Dr Alpha Keita, avant d’être déclarée par l’OMS comme une nouvelle épidémie le 14 février 2021.

Une toxine à l’origine de dommages à l’ADN retrouvée chez des patients souffrant d’infections urinaires

 

Bactérie E Coli

« Lors d’une infection urinaire, les bactéries Escherichia coli uropathogènes (leur ADN est marqué en rouge) forment des communautés bactériennes au sein des cellules superficielles de la vessie (le noyau des cellules est marqué en bleu, leur contenu cellulaire en sucre est marqué en vert), ici 6 heures après une infection reproduite chez la souris ». © Inserm/Motta, Jean-Paul/Chagneau, Camille

Les infections urinaires touchent plus de 50 % des femmes, dans certains cas de manière récurrente. La bactérie E. coli est très souvent impliquée dans le développement de ces infections. Pour la première fois, des scientifiques de l’Inserm, du CHU de Toulouse, d’INRAE, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse ont identifié la présence d’une toxine produite par ces bactéries dans les urines de patientes, qui aurait pour effet d’endommager l’ADN des cellules de la vessie. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour affiner la prise en charge des patientes sujettes à infections urinaires récurrentes. L’étude est publiée dans le journal Plos Pathogens le 25 février 2021.

Tous les ans, 150 millions de personnes sont touchées par les infections urinaires. Celles-ci sont plus fréquentes chez les femmes : plus d’une sur deux en connaîtra une au cours de sa vie. Ces infections constituent donc un problème de santé publique majeur, d’autant que la prise d’un traitement antibiotique est souvent nécessaire, favorisant l’émergence d’antibiorésistances.

Les infections urinaires surviennent lorsque la région urogénitale est contaminée par des bactéries issues du microbiote intestinal. Les bactéries Escherichia coli (E. coli) sont ainsi impliquées dans 80 % de ces infections[1] et font l’objet de travaux de recherche menés depuis plusieurs années par Eric Oswald et son équipe à l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRAE/Université de Toulouse III Paul Sabatier/École nationale vétérinaire de Toulouse) dans le cadre d’une collaboration avec plusieurs équipes de recherche de Toulouse.[2]

Les scientifiques s’intéressent notamment aux facteurs de virulence de ces bactéries, c’est-à-dire à leur capacité à infecter ou endommager les tissus de l’hôte. Ils avaient déjà montré que dans certaines conditions, les E. coli présentes dans le tractus intestinal peuvent produire une toxine, la colibactine, qui est associée à un risque accru de cancer colorectal. Dans cette nouvelle étude, l’équipe a analysé les prélèvements urinaires de 223 adultes avec une infection urinaire liée à la présence d’E. coli et prise en charge aux urgences du CHU de Toulouse.

Ils ont ainsi identifié un biomarqueur témoignant de la présence de colibactine produite par les bactéries E. coli dans au moins 25 % des urines collectées. C’est la première fois que cette toxine est identifiée dans le contexte d’une infection urinaire et que des chercheurs apportent une preuve directe de sa production lors d’une infection chez l’Homme.

 

ADN endommagé chez la souris

Pour essayer de mieux comprendre et de caractériser les effets de la colibactine dans le contexte des infections urinaires, les chercheurs se sont tournés vers des modèles animaux. Ils montrent que chez la souris, la toxine est produite lors d’une infection urinaire par E. coli et qu’elle induit des dommages à l’ADN dans les cellules de la muqueuse de la vessie.

« Ces expérimentations nous permettent de sortir d’un cadre très théorique et de montrer que lors d’une infection urinaire, la colibactine peut avoir un effet génotoxique : les dommages causés à l’ADN ne se réparent pas complètement et des mutations génétiques peuvent survenir. Si on ne peut pour le moment que spéculer sur l’impact de ces mutations, il est probable qu’elles soient associées à un risque accru de cancer de la vessie », précise Eric Oswald.

Si ces résultats portant sur des modèles animaux ne peuvent en l’état être appliqués aux humains, le chercheur et son équipe estiment qu’ils pourraient néanmoins inciter à une surveillance plus importante et plus ciblée des personnes sujettes à infections urinaires récurrentes.

Par ailleurs, mieux comprendre les liens entre microbiote intestinal et infections urinaires à répétition est considéré comme une priorité. « On pourrait imaginer mettre en place une prise en charge plus spécifique des patientes souffrant régulièrement d’infections urinaires, avec une recherche systématique des marqueurs de la colibactine dans leurs urines. Et de manière plus proactive, proposer des approches thérapeutiques visant à moduler la composition de leur microbiote intestinal, qui représente le réservoir principal des bactéries E. coli mises en cause dans ces infections urinaires », souligne Eric Oswald.

L’équipe travaille notamment sur plusieurs projets de recherche autour des probiotiques et du réservoir intestinal pour limiter les populations nocives d’E. coli dans le microbiote et favoriser l’émergence de « bonnes bactéries ». Ils ont ainsi breveté avec Inserm-Transfert une souche d’E. coli non pathogène, capable de mener une « guerre biologique » aux souches uropathogènes.

 

[1] On parle alors d’Escherichia coli uropathogènes (UPEC).

[2] En particulier la coordination d’un projet ANR avec comme partenaires la société VibioSphen et une équipe de l’institut travaillant sur le métabolisme du fer.

Des volontaires recherchés pour un essai vaccinal innovant contre le VIH

 Particules virales du virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

Cellule infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) examinée en microscopie électronique à balayage (MEB). © Inserm/Roingeard, Philippe 

 

La mise au point d’un vaccin préventif contre l’infection par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) est une priorité pour lutter efficacement contre la transmission du virus. Le Vaccine Research Institute (VRI, ANRS-Inserm et Université Paris-Est Créteil) lance une campagne de recrutement de personnes volontaires pour participer à un essai de phase I[1] d’un vaccin préventif contre le VIH. Celui-ci fait appel à une technologie innovante et pourrait permettre d’obtenir un vaccin efficace qui manque à l’arsenal de lutte contre le VIH. Après avoir franchi toutes les étapes précliniques de développement, l’essai de phase I aura pour objectif d’évaluer la tolérance et la réponse immunitaire à ce vaccin. Pour réaliser cet essai, le VRI fait appel à des volontaires en Île-de-France (pour en savoir plus : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/).

En 2019, 1,7 million de nouvelles contaminations par le VIH, à l’origine du sida, ont été recensées dans le monde selon l’OMS. Même si les traitements offrent aux patients une vie quasiment normale, aucun médicament ne permet à l’heure actuelle de guérir de cette maladie. C’est pourquoi obtenir un vaccin préventif est primordial pour mettre fin à la transmission de ce virus. La mise au point d’un vaccin efficace se heurte à plusieurs obstacles scientifiques qui n’ont pas pu être surmontés par les vaccins « classiques » testés jusqu’à présent. La stratégie développée par le VRI a pour ambition de répondre à ces difficultés en faisant appel à une technologie innovante qui a montré des résultats prometteurs, après plusieurs années de recherche, au laboratoire et sur les modèles précliniques[2].

Le candidat vaccin du VRI, appelé « CD40.HIVRI.Env », repose sur l’injection d’anticorps monoclonaux[3] qui ciblent spécifiquement des cellules clés de la réponse immunitaire, les cellules dendritiques[4]. C’est la première fois qu’un vaccin vise directement ces cellules. Pour le Pr Yves Lévy, directeur du VRI, « il s’agit, avec ce vaccin, de diriger la réponse contre le VIH exactement au niveau des cellules les plus importantes pour l’éducation et l’activation du système immunitaire, c’est-à-dire les cellules dendritiques ». En effet, sur les anticorps monoclonaux du candidat vaccin est fixée une protéine de l’enveloppe du VIH : c’est elle que le système immunitaire doit apprendre à reconnaître pour neutraliser le virus.

L’essai de phase I est mené en double aveugle : une partie des participants recevra le candidat vaccin tandis que l’autre recevra un placebo. Cet essai évaluera la tolérance de différentes doses du vaccin qui sera administré soit seul, soit associé à un autre vaccin actuellement en développement en phase II/III.

Ce dernier, le « DNA-HIV-PT123 », est un vaccin à ADN[5] qui pourrait amplifier la réponse immunitaire et obtenir ainsi une meilleure efficacité. « Cet essai permettra également d’étudier l’effet de la combinaison du vaccin ciblant les cellules dendritiques et d’un vaccin ADN. L’objectif est de potentialiser l’effet des vaccins et de maintenir à long terme la réponse immunitaire, notamment la production d’anticorps, contre le VIH », déclare le Pr Yves Lévy.

Pour démarrer l’essai, le VRI recherche 72 volontaires âgés entre 18 et 65 ans et sans problème de santé (liste des critères d’inclusion disponible ici : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/devenir-volontaire/). La durée de participation à l’essai est de 12 mois, comprenant 8 visites à l’hôpital (chacune sera indemnisée). es participants devront continuer de se protéger contre tout risque de contamination par le VIH.

Afin de trouver ces participants, le VRI lance une grande campagne de recrutement de volontaires le 1er mars 2021 en Île-de-France.

Celle-ci s’appuie, entre autres, sur des affiches dans le métro et le RER, un partenariat avec Sida Info Service et un site dédié : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/. Les personnes qui le souhaitent peuvent manifester leur intérêt via cette plateforme. Elles seront recontactées pour une visite médicale préliminaire visant à vérifier qu’elles remplissent les critères pour participer à l’essai et à fournir toutes les explications nécessaires sur le candidat vaccin et le déroulement de l’essai.

La France est l’un des principaux acteurs internationaux de la recherche d’un vaccin préventif contre le sida. Le VRI, labellisé « laboratoire d’excellence » par l’État Français, a été établi par l’ANRS-Inserm et par l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) afin de conduire des recherches visant à accélérer le développement de vaccins efficaces contre le VIH/sida.

 

[1] Essai de phase I : la première phase d’un essai clinique vise à évaluer la non-toxicité du traitement ou du vaccin testé. La phase II cherche à démontrer son efficacité et la dose optimale, tandis que la phase III compare son efficacité à un placebo ou à un traitement ou vaccin de référence s’il existe.

[2] Modèles précliniques : modèles animaux.

[3]Anticorps monoclonal : les anticorps sont des protéines fabriquées par les cellules du système immunitaire. Les anticorps monoclonaux sont des anticorps fabriqués en laboratoire à partir d’un clone de cellule. Ils ont la capacité de reconnaître et de cibler spécifiquement certaines cellules.

[4] Cellules dendritiques : cellules sentinelles réparties dans tout l’organisme, ayant la capacité de déclencher une réponse immunitaire.

[5] Vaccin à ADN : vaccin qui injecte un morceau d’ADN codant pour des protéines du virus dans des cellules humaines, qui le transcrivent en ARN, puis en protéines. Ces dernières sont reconnues par le système immunitaire et déclenchent une réponse immunitaire spécifique au virus. Cette technologie vaccinale ne modifie pas le matériel génétique des personnes qui la reçoivent.

Une avancée majeure dans la compréhension de la prédisposition du nouveau-né aux méningites à streptocoque du groupe B

 

 

 

Chaque année à travers le monde, des milliers de nourrissons sont affectés par les méningites à streptocoques du groupe B. Souvent mortelle, la maladie peut aussi entraîner de lourdes séquelles chez les bébés qui survivent. Les adultes sont néanmoins épargnés par ce type de méningite. Des chercheurs de l’Inserm, du Collège de France, du CNRS, de l’Institut Pasteur, de l’Université de Paris et de l’AP-HP apportent désormais des éléments de réponse expliquant la prédisposition du nouveau-né à faire des méningites à Streptocoque du groupe B. Ils ont identifié et démontré que les récepteurs d’une protéine bactérienne permettant le franchissement de la barrière hémato-encéphalique[1] étaient surexprimés chez le nouveau-né et absents chez l’adulte. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue « Journal of Clinical Investigation ».

Les streptocoques du groupe B sont présents dans le microbiote vaginal de 20 à 30 % des femmes. Pour éviter l’infection du nouveau-né au moment de la naissance, qui pourrait entrainer une septicémie et dans les cas les plus graves, une méningite, de nombreux pays développés, dont la France, ont mis en place un dépistage vaginal quelques semaines avant l’accouchement. Les femmes porteuses de streptocoques du groupe B reçoivent dans ce cas des antibiotiques au moment de l’accouchement.

Cette stratégie a permis de réduire fortement l’incidence des infections à streptocoques du groupe B survenant durant la première semaine de vie mais n’a eu aucun effet sur celles survenant entre 1 semaine et 3 mois de vie.  

Par ailleurs, dans de nombreux pays du monde, aucun dépistage prénatal n’est proposé, et de nombreux bébés décèdent après la naissance d’une méningite à streptocoque du groupe B. Il s’agit donc d’un problème majeur de santé publique.

 

Prédisposition des nourrissons

Pour mieux comprendre la maladie et améliorer la prise en charge des mères et des enfants, la chercheuse Inserm Julie Guignot et son groupe de recherche à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris)[2] ont cherché à comprendre ce qui prédispose les nourrissons à cette maladie, alors que les enfants et les adultes ne sont qu’exceptionnellement concernés par ce type de méningite.

Dans de précédents travaux, les scientifiques avaient montré qu’un variant de streptocoque du groupe B était responsable de plus de 80 % des cas de méningites chez le nouveau-né. Ce variant exprime à sa surface des protéines spécifiques qui jouent un rôle essentiel dans le franchissement de la barrière hémato-encéphalique qui sépare le sang du cerveau.

Par des approches complémentaires, les chercheurs ont démontré qu’une des protéines exclusivement exprimées par ce variant reconnaissait de manière spécifique deux récepteurs présents dans les vaisseaux sanguins cérébraux qui constituent l’élément principal de la barrière hémato-encéphalique. Grâce à des prélèvements humains, ils ont démontré que ces récepteurs sont surexprimés chez les nouveau-nés. Ces récepteurs cérébraux ne sont en revanche pas présents chez l’adulte, ce qui explique que le streptocoque du groupe B n’est que très rarement responsable de méningites au-delà de la première année de vie, les bactéries ne pouvant atteindre le cerveau.

Grâce à des modèles animaux de méningite, les chercheurs ont confirmé leurs résultats, montrant que l’expression de ces récepteurs durant la période post-natale contribuait à la susceptibilité du nouveau-né à la méningite due au variant de streptocoque du groupe B.

Pour les chercheurs, ces résultats ouvrent des pistes thérapeutiques intéressantes. « L’idée serait de développer des traitements qui ciblent ces récepteurs au niveau de la barrière hémato-encéphalique. A plus long terme, nous aimerions étudier les facteurs de susceptibilité individuels conduisant au développement de ces infections. Ceci permettrait de réaliser un suivi personnalisé des nourrissons à risque nés de mère colonisée par ce variant », explique Julie Guignot.

 

[1] Barrière physiologique entre le sang et le cerveau qui protège ce dernier des substances toxiques et des micro-organismes pathogènes

[2] Le laboratoire Biologie moléculaire structurale et processus infectieux (CNRS/Institut Pasteur), le Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Collège de France/INSERM), l’Institut pour l’avancée des biosciences (CNRS/INSERM/UGA), entre autres, ont également participé à ces travaux.

Covid-19 : premier cas de réinfection grave par le variant Sud-Africain

En 3d par imagerie en feuillet de lumière, présence du virus dans les neurones du bulbe olfactif. © Nicolas Renier

L’équipe du service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP, dirigé par le Pr Jean-Damien Ricard, d’Université de Paris et de l’Inserm rapporte le premier cas grave d’un patient réinfecté par le variant Sud-Africain 501Y.V2 du SARS-CoV-2, quelques mois après une première infection par le SARS-CoV-2. Ce premier cas de réinfection par le variant Sud-Africain a fait l’objet d’une publication le 10 février 2021 dans la revue Clinical Infectious Diseases.

L’acquisition d’une immunité collective semble aujourd’hui la seule issue possible à l’épidémie de Covid-19. Des doutes persistent toutefois quant à la durée et la robustesse de l’immunité contre ce coronavirus. Des cas de réinfection par le virus à distance d’un épisode initial ont été décrits mais demeurent à ce jour relativement rares, et la plupart du temps bénins. L’émergence récente de nouveaux variants porteurs de mutations qui leur confèrent certains avantages sélectifs (plus grande contagiosité, virulence accrue et capacités d’échapper au système immunitaire) soulève de nouvelles inquiétudes.

Ces nouveaux variants, baptisés « Anglais », « Sud-Africain » ou « Brésilien » selon le pays dans lequel ils ont été décrits pour la première fois, sont actuellement associés à une nouvelle augmentation de l’incidence et de la mortalité liés au Covid-19. La crainte d’une possibilité de réinfection ou d’infections par ces nouveaux variants malgré la vaccination commence à émerger.

L’équipe du Professeur Jean-Damien Ricard, chef du service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP a récemment pris en charge un patient de 58 ans sans antécédent notable ayant présenté en septembre 2020 un premier épisode peu sévère de Covid-19 (fièvre et gêne respiratoire modérées), confirmé par RT-PCR. Ce premier épisode s’était résolu spontanément et la guérison avait été confirmée par deux tests PCR négatifs en décembre 2020. En janvier 2021, le patient est réadmis aux urgences de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP pour une récurrence de la fièvre avec gêne respiratoire. Le test PCR SARS-COV-2 se révèle à nouveau positif, et le séquençage du virus, réalisé au sein du service de virologie dirigé par le Pr Diane Descamps au sein de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard AP-HP montre la présence de mutations caractéristiques du variant Sud-Africain 501Y.V2. Le patient a rapidement développé un syndrome de détresse respiratoire aiguë nécessitant une prise en charge en réanimation par intubation et ventilation mécanique. Il ne présentait aucun stigmate biologique d’immunodépression.

La sérologie SARS-CoV-2 en début d’hospitalisation était positive, suggérant que l’immunité développée à l’issue de la première infection n’a pas permis d’éviter la réinfection par le variant Sud-Africain.

Le virus responsable du premier épisode infectieux n’a pas pu faire l’objet d’un séquençage. Toutefois, la survenue de la première infection un mois avant la première description du variant 501Y-V2 en Afrique du Sud, et trois mois avant son premier signalement en France, écarte la possibilité d’une récurrence de la première infection.

Les Dr Noémie Zucman et Fabrice Uhel rapportent donc dans ce travail, la première description d’une réinfection grave par le nouveau variant Sud-Africain du virus SARS-Cov2. Si les données épidémiologiques et expérimentales suggèrent qu’une première infection est capable d’induire une immunité protectrice satisfaisante pendant au moins 6 mois, des cas avérés de réinfection malgré la présence significative dans le sang d’anticorps neutralisants ont été rapportés. Le variant Sud-Africain 501Y-V2 s’est rapidement répandu dans le monde entier depuis décembre 2020. Il est caractérisé par la présence de mutations dans les régions codant pour la protéine Spike qui lui confèrent une plus grande contagiosité. L’impact de ces mutations sur l’efficacité des vaccins n’est pas encore clairement établi à ce jour.

Dans l’attente de données scientifiques complémentaires permettant de mieux évaluer l’immunité croisée et l’efficacité des vaccins contre les nouveaux variants du SARS-CoV-2, la plus grande prudence reste de mise et le strict respect des règles barrières demeure une règle essentielle, y compris chez les personnes vaccinées ou ayant déjà présenté un premier épisode de Covid-19.

Coronavirus : Diminution rapide des anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 chez les professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19

Nouveau coronavirus SARS-CoV-2Micrographie électronique de transmission des particules du virus SARS-CoV-2. Image capturée et colorisée Integrated Research Facility (IRF) in Fort Detrick, Maryland. ©NIAID

Des chercheurs de Sorbonne Université, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de l’Institut Pasteur ont mené des travaux dans le but d’étudier la persistance des anticorps neutralisants le SARS-CoV-2 chez des professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19. Ces travaux qui seront publiés le 8 février 2021 dans Nature Communications, montrent que la réponse humorale[1] neutralisant le SARS-CoV-2 est associée aux anticorps dirigés contre le récepteur de la protéine S du virus et que ce caractère neutralisant diminue au cours du temps, pouvant même disparaître dès deux mois après l’infection naturelle.

A l’heure de la vaccination, les corrélats de protection[2] contre le SARS-CoV-2 ne sont pas encore clairement définis et posent la question du taux minimal d’anticorps nécessaire afin d’être protégé de l’infection par le SARS-CoV-2 ou des formes sévères de COVID-19. Ces corrélats sont très souvent associés aux anticorps neutralisants, des anticorps particuliers permettant de prévenir l’infection en bloquant l’entrée du virus dans ses cellules cibles.

Il apparaissait donc important aux chercheurs et biologistes du service de virologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’équipe THERAVIR[3] de l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (IPLESP-Sorbonne Université/Inserm), en collaboration avec plusieurs services du groupe hospitalo-universitaire AP-HP-Sorbonne Université  et de l’Institut Pasteur[4], d’étudier au cours du temps l’apparition et la persistance de différents type d’anticorps (IgG, IgA et IgM) ainsi que leur caractère neutralisant chez des professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19.

Les résultats de cette étude montrent que l’ensemble de ces professionnels a développé des anticorps entre 2 et 4 semaines après le début des symptômes ainsi qu’une réponse neutralisante au SARS-CoV-2.

Cette réponse neutralisante était associée aux anticorps de type IgG et IgA dirigés contre la protéine S du virus et plus particulièrement, le receptor binding domain, (RBD) responsable de l’interaction avec l’angiotensin converting enzyme 2 (ACE2), le récepteur cellulaire du virus (qui lui permet de s’arrimer aux cellules pour les infecter).

Les chercheurs ont montré que les anticorps IgA systémiques, essentiels à la protection des muqueuses, étaient les anticorps principalement responsables de la réponse neutralisante précoce. Cependant, cette réponse neutralisante déclinait rapidement dès 2 mois après le début des symptômes et pouvait même disparaître chez 15% des professionnels, associés au déclin et à la disparition des anticorps IgA dans le sérum.

Malgré cette diminution de la réponse neutralisante, le taux des anticorps IgG, habituellement considérés comme protecteurs et à longue durée de vie se maintenait entre 2 et 3 mois après le début des signes.

En conclusion, cette étude met en évidence l’importance de la protection précoce médiée par les anticorps IgA et pose la question de la persistance à long terme des anticorps neutralisants le SARS-CoV-2 et donc de l’immunité protectrice au cours du temps chez les professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19. Les résultats portant exclusivement sur l’immunité humorale, ils ne prennent pas en compte l’immunité cellulaire générée en réponse à l’infection par le SARS-CoV-2. Par la suite, il serait donc intéressant d’évaluer la persistance d’une réponse cellulaire mémoire chez ces professionnels ainsi que la réponse anticorps IgA au niveau des muqueuses respiratoires.

Ces travaux sont en faveur d’un maintien des mesures de protection et des gestes barrières et de l’intérêt de la vaccination des professionnels de santé ayant fait un COVID-19.

 

[1] En opposition à l’immunité cellulaire, la réponse humorale est l’immunité adaptative par production d’anticorps.

[2] Un corrélat de protection est une preuve indirecte, le plus souvent sérologique, de l’existence d’une protection contre une maladie donnée.

[3] Equipe THERAVIR : Stratégies thérapeutiques contre l’infection VIH et les maladies virales associées

[4] Unité virus et immunité

S’intéresser à la charge virale pour comprendre l’évolution vers des formes graves de Covid-19

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours

Quels sont les facteurs prédictifs de l’évolution de la Covid-19 vers une forme grave ? Un an après le début de la pandémie, cette interrogation demeure au cœur des efforts de recherche. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Paris se sont intéressés à la question en se penchant sur le lien entre la cinétique virale et l’évolution de la maladie. Ces travaux s’appuient sur les données de la cohorte French Covid promue par l’Inserm et sont publiés dans le journal PNAS.

Alors que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent que des symptômes légers de la Covid-19, une minorité évolue vers des formes graves de la maladie. Mieux comprendre les facteurs qui déterminent cette évolution est primordial pour améliorer leur prise en charge et diminuer la mortalité. 

Une équipe menée par le chercheur Inserm Jérémie Guedj au sein du laboratoire IAME (Inserm/université de Paris) a analysé les données biologiques de 655 patients hospitalisés pour une infection par le SARS-CoV-2, inclus dans la cohorte French Covid.

L’objectif était de mieux comprendre le lien entre la cinétique virale (la quantité de virus présente dans le compartiment nasopharyngé au cours du temps) et l’évolution de la maladie.

Leur étude permet de mettre en évidence deux points essentiels : plus la personne est âgée, plus elle met du temps à éliminer la charge virale dans le compartiment nasopharyngé. De plus cette dynamique virale est associée à la mortalité.

La charge virale n’est certes pas le seul déterminant de l’évolution de la maladie vers une forme grave et le décès, mais elle joue un rôle important. Si la Covid-19 est souvent décrite comme une pathologie inflammatoire, il est donc nécessaire de prendre aussi en compte ces aspects virologiques dans la prise en charge et l’accompagnement des patients hospitalisés.

 De ce fait, ces travaux soulignent aussi la nécessité de poursuivre les recherches sur la mise au point de traitements antiviraux.

Les chercheurs montrent notamment par modélisation qu’une réduction de la durée du portage viral grâce à l’administration d’un traitement dès l’admission à l’hôpital pourrait améliorer sensiblement le pronostic des patients, en particulier les plus âgés.

Covid-19 : Comprendre la réponse immunitaire précoce

 

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours

Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, les scientifiques font chaque jour des progrès notables pour mieux comprendre la transmission du coronavirus SARS-CoV-2 ainsi que la réponse immunitaire qu’il déclenche lors d’une infection. Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et Université de Paris, en collaboration avec la Rockefeller University à New-York, apportent de nouvelles données concernant les étapes très précoces de la réponse immunitaire. Les résultats sont publiés dans le Journal of Experimental Medicine.

Comprendre la réponse immunitaire anti-SARS-CoV-2 est une étape essentielle dans l’identification des sujets à risque de maladie Covid-19 grave et dans la mise en place de stratégies thérapeutiques efficaces. Si de nombreuses études ont été réalisées chez des patients à des stades avancés de l’infection, lorsqu’ils présentent déjà des signes de gravité, les étapes très précoces de la réponse immunitaire contre le virus demeurent en grande partie inconnues.

Grâce à une collaboration étroite entre les équipes Inserm d’Ali Amara, virologue, et Vassili Soumelis, immunologiste à l’Institut de Recherche Saint-Louis (Université de Paris/Inserm/AP-HP), une étude publiée dans le Journal of Experimental Medicine a pu caractériser la réponse immunitaire innée[1] dans les 24 à 48h suivant un contact avec le virus SARS-CoV-2.

Les chercheurs ont utilisé des cellules immunitaires appelées « plasmocytoïdes pré-dendritiques » comme modèle de cellules immunitaires innées jouant un rôle essentiel dans l’immunité antivirale en produisant de grandes quantités d’interféron-alpha[2].

Ils ont reconstitué la réponse immunitaire précoce au virus en mettant en contact ces cellules modèles avec des souches primaires de SARS-CoV-2 isolées à partir de patients atteints de Covid-19.

L’analyse de cette réponse reconstituée in vitro a permis de montrer que le SARS-CoV-2 induisait une activation efficace et complète des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques. Celles-ci produisaient alors des quantités importantes d’interféron-alpha (première ligne de défense contre les virus) et se différenciaient en cellules dendritiques capables d’activer les lymphocytes T (qui correspondent aux cellules de l’immunité spécifique). Les chercheurs ont par ailleurs pu montrer que cette activation des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques était partiellement inhibée par l’hydroxychloroquine, ce qui inciterait à la prudence dans l’utilisation de cette molécule.

Dans une deuxième partie du travail, les équipes ont collaboré avec l’équipe de Jean-Laurent Casanova de l’Institut Imagine (Inserm/université de Paris/AP-HP) et de la Rockefeller University à New-York, enfin d’étudier la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques issus de patients présentant des déficits génétiques pour certains gènes importants de l’immunité innée. L’objectif était de préciser les mécanismes moléculaires intervenant dans la réponse de ces cellules immunitaires au SARS-CoV-2.

Ces expériences effectuées à partir de prélèvements directement obtenus des patients ont montré que la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques est dépendante des molécules UNC93B et IRAK-4, deux molécules importantes de l’immunité innée antivirale. L’ensemble de ce travail permet de préciser la réponse immunitaire précoce au virus SARS-CoV-2 ainsi que certains de ses déterminants moléculaires.

L’étude suggère que le système immunitaire est naturellement armé pour répondre au SARS-CoV-2 et que des défauts dans la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques, notamment dans la production précoce d’interféron-alpha, pourraient contribuer à l’évolution de l’infection vers une forme grave.

 

[1] L’immunité innée constitue la première barrière de défense de l’organisme. Elle est déclenchée dès que l’organisme est exposé à une bactérie ou un virus (par exemple le SARS-CoV-2). Les cellules de l’immunité innée peuvent contribuer à détruire totalement les microbes détectés ou les présenter aux mécanismes de l’immunité acquise pour faciliter leur destruction par des mécanismes spécifiques (lymphocytes T et B)

[2] Les interférons sont des cytokines (protéines) dont la production est induite suite à une infection virale, une infection bactérienne, une infection parasitaire ou à la présence de cellule tumorales. Leur fonction principale est d’interférer avec la réplication virale, mais ils ont également une action antibactérienne, antiproliférative et d’activation d’autres cellules immunitaires.

Discovery arrête de tester le Remdesivir contre la Covid-19, faute de preuves de son efficacité

© hal-gatewood-AypaEmWVH8I-unsplash

L’essai clinique Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles contre la Covid-19. Son expansion européenne a été rendue possible par le projet EU-RESPONSE[1] financé par la Commission européenne (voir détails dans l’encadré ci-dessous). Le 13 janvier 2021, les comités de surveillance des données et de la sécurité (DSMB) de l’essai ont évalué toutes les données d’un rapport intermédiaire basé sur 776 patients dont 389 avaient reçu du Remdesivir et 387, des soins standard. L’efficacité du traitement a été évaluée après 15 jours et mesurée sur l’échelle de référence de l’OMS. À la suite de cette évaluation, le DSMB a recommandé de suspendre le recrutement des patients dans le bras thérapeutique testant le Remdesivir.

Cette recommandation était basée sur le manque de preuves de l’efficacité du Remdesivir après 15 jours et sur une très faible probabilité de conclure avec l’inclusion de participants supplémentaires. Il n’y avait également aucune preuve de l’efficacité du traitement au jour 29, ni à partir des résultats d’une analyse limitée aux participants à risque modéré au jour 15. Cette recommandation a été approuvée par le comité directeur de Discovery Europe.

Les chercheurs de Discovery consolident désormais les données sur tous les participants inclus dans l’étude clinique afin de publier leurs résultats scientifiques détaillés dans une revue scientifique à comité de lecture.

L’essai de Discovery Europe se poursuivra dans 80 centres de 14 pays européens afin d’évaluer une combinaison de deux anticorps monoclonaux ciblés sur le virus SARS CoV2. Outre le déploiement de vaccins, il reste primordial de trouver de nouveaux médicaments et de fournir des preuves solides de leur efficacité sur les patients touchés par la Covid-19.

L’essai Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles pour la Covid-19. Un accord a été signé avec l’essai Solidarité de l’OMS afin qu’il devienne un essai complémentaire de Solidarité. Discovery fait désormais partie du projet EU-RESPONSE (Discovery Europe), financé par Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’UE. Il s’agit d’un essai multicentrique adaptatif randomisé pour l’évaluation de l’efficacité clinique et virologique, ainsi que de la sécurité, d’un traitement candidat par rapport à la norme de soins chez des patients adultes hospitalisés pour la Covid-19. La première série de traitements testés a comporté le lopinavir/ritonavir, le lopinavir/ritonavir plus IFN–1a, l’hydroxychloroquine et le remdesivir. Le principal critère d’évaluation est l’état clinique des patients au jour 15, mesuré sur l’échelle ordinale à 7 points de l’OMS.

En juin 2020, les DSMB de Solidarité ont recommandé d’arrêter le bras hydroxychloroquine pour cause de futilité et les deux bras contenant du lopinavir/ritonavir pour cause de futilité et de sécurité. En juillet 2020, la poursuite de l’évaluation du remdesivir, médicament approuvé pour une autorisation de mise sur le marché conditionnelle dans l’Union européenne, avait été jugé importante pour disposer de plus de données pour évaluer pleinement son efficacité.

[1] https://cordis.europa.eu/project/id/101015736

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