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Recherche sur les cancers : tout s’accélère

À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, l’Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC) l’Inserm et l’Institut national de cancer (INCa) présentent un web documentaire intitulé « Recherche sur les cancers : tout s’accélère ». Il sera disponible sur leurs trois sites internet et sur www.recherche-tout-saccelere.fr dès le 4 février 2012. Cet outil multimédia interactif met en lumière les axes de recherche actuels les plus prometteurs, avec pour fil rouge les avancées concourant au développement d’une approche individualisée du traitement des cancers. Outil grand public à vocation pédagogique, il présente l’originalité de mettre en lien le travail des chercheurs et la réalité du cancer telle qu’elle est vécue par les malades.

L’interface du web documentaire est construite à partir de témoignages d’anciens malades, points d’entrée des chapitres, vers des interviews de chercheurs et de médecins, illustrées de reportages sur leurs lieux de travail. L’ensemble est organisé en quatre parties correspondant aux champs d’application majeurs de la recherche : comprendre, soigner, accompagner et enfin, prévenir et détecter. L’objectif : incarner de façon tangible, pour un public non spécialiste, les progrès à l’oeuvre aujourd’hui et envisageables demain, et contribuer ainsi à modifier l’image de la maladie.

Le cancer, enjeu majeur de santé publique, fait en effet partie de nos vies. On estime à 365 500 le nombre de nouvelles personnes touchées en France en 2011. Mais aujourd’hui aussi, plus d’une personne sur deux guérit de sa maladie. Et plus de 3 300 chercheurs et techniciens travaillent quotidiennement sur les différents aspects de la recherche au service d’avancées se traduisant notamment par un accès de plus en plus rapide à des traitements de plus en plus individualisés.

Une accélération dans la compréhension de la maladie

Il y a 40 ans, on découvrait que les cellules cancéreuses présentent des anomalies de leurs gènes, le plus souvent survenues au cours de la vie de l’individu. Restaient à décrypter ces anomalies. Si le séquençage du génome humain dans les années 2000 a nécessité une dizaine d’années, aujourd’hui, grâce aux progrès techniques, il ne faut pas plus de quelques jours pour séquencer le génome d’une tumeur. Les chercheurs sont unanimes : la recherche en cancérologie a fait des bonds de géant ces dernières années et continue de s’accélérer.

Un progrès majeur : les thérapies ciblées

Des anomalies génétiques identiques peuvent être retrouvées dans les cellules cancéreuses de patients dont les cancers touchent des organes différents. À l’opposé, les altérations peuvent être très différentes chez des patients atteints d’un même cancer. Ces anomalies qui peuvent souvent être détectées par des tests biologiques deviennent des cibles potentielles pour les traitements médicamenteux : on parle alors de thérapies ciblées.

Aujourd’hui en France, 28 laboratoires régionaux proposent pour l’ensemble des patients qui le nécessitent des tests permettant d’adapter leurs traitements aux caractéristiques des tumeurs. Les thérapies ciblées sont utilisées dans plusieurs types de cancers principalement dans le cancer du sein, le cancer du poumon et le cancer colorectal, et dans certaines leucémies et cancers rares. Véritables illustrations des bénéfices de la recherche, les thérapies ciblées constituent ainsi des traitements « sur mesure » adaptés aux caractéristiques de la tumeur des patients.

L’accompagnement des personnes

Une personne malade est une personne qu’il faut accompagner, dans son parcours de soin, à l’hôpital, lors de son retour à la maison et tout au long de sa réinsertion professionnelle. Les chercheurs en sciences sociales s’intéressent ainsi à la qualité de vie sociale et psychique des personnes touchées par la maladie et de leurs proches. Surmonter la détresse, apprivoiser la maladie et ensuite reprendre le cours de la vie sont des étapes importantes du parcours de la personne malade. La recherche s’intéresse à ces différentes étapes ainsi qu’à la place du malade et à l’image de la maladie dans notre société pour apporter aux professionnels des éléments de compréhension et favoriser un meilleur accompagnement.

Des progrès dans la prévention et la détection

En amont de la maladie, la recherche s’intéresse aussi à la façon de mieux cerner et comprendre les facteurs de risque de cancer, de mieux informer la population pour inviter à des changements de comportements individuels plus favorables à la santé (arrêt du tabac, baisse de la consommation d’alcool, pratique de l’activité physique et équilibre de l’alimentation, limitation des expositions solaires…) Elle s’intéresse aussi aux modes de détection des cancers permettant un diagnostic précoce et donc une prise en charge plus efficace.

Une mutualisation des efforts

Si la recherche progresse, c’est également parce que les équipes mutualisent leurs moyens pour parvenir à des résultats rapides et probants. Depuis plusieurs années, une meilleure coordination et structuration de la recherche entre les différents acteurs, publics et privés, institutionnels et associatifs, concourt à une performance nouvelle. De nombreux partenariats rendent ainsi possible l’accès des innovations thérapeutiques de très haut niveau technique au plus grand nombre. Cette priorité des chercheurs est fortement soutenue par la volonté des pouvoirs publics exprimée dans le Plan cancer 2009-2013.

Le web documentaire ARC-Inserm-INCa « Recherche sur les cancers : tout s’accélère » 
« On compte environ 365 000 nouveaux cas de cancers chaque année en France.
Aujourd’hui, plus d’un sur deux est guéri, en grande partie grâce aux efforts des chercheurs et des médecins. Quelle que soit leur discipline d’origine, ces scientifiques poursuivent un même but : proposer une médecine de plus en plus personnalisée et efficace contre la maladie.
Alors qu’une nouvelle ère dans la lutte contre les cancers débute, nous avons poussé la porte des laboratoires où s’élaborent les traitements de demain. »
www.recherche-tout-saccelere.fr
Réalisation et production exécutive : CAPA Entreprises
Direction artistique et coordination : agence La Chose
Développement : Lumini 
En partenariat avec : Dailymotion

Le gardien de l’horloge biologique en cause dans le diabète

Depuis quelques années, on sait que les troubles du sommeil augmentent le risque de devenir diabétique. Une équipe franco-britannique coordonnée par Philippe Froguel du laboratoire Génomique et maladies métaboliques (CNRS /Université Lille 2/Institut Pasteur de Lille, Fédération de recherche EGID) (1) en collaboration avec l’équipe de Ralf Jockers (Institut Cochin, CNRS/Inserm/Université Paris Descartes, Paris),) vient d’établir la responsabilité d’un gène clé de la synchronisation du rythme biologique dans le diabète de type 2. Les chercheurs lillois et Parisiens ont montré que des mutations du gène du récepteur de la mélatonine, l’hormone de la nuit qui induit le sommeil, augmentent près de 7 fois le risque de développer un diabète. Publiés le 29 janvier 2012 dans Nature Genetics, ces travaux pourraient déboucher sur de nouveaux médicaments pour soigner ou prévenir cette maladie métabolique.

Le diabète le plus fréquent est celui de type 2. Caractérisé par un excès de glucose dans le sang et une résistance croissante à l’insuline, il touche 300 millions de personnes dans le monde, dont 3 millions en France. Ce chiffre devrait doubler dans les prochaines années du fait de l’épidémie d’obésité et la disparition des modes de vie ancestraux. Lié à une alimentation riche en graisses et glucides, ainsi qu’au manque d’activité physique, on sait aussi que certains facteurs génétiques peuvent favoriser son apparition. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que des troubles de la durée et la qualité du sommeil sont aussi des facteurs à risque importants. Par exemple, les travailleurs faisant les « trois huit » ont plus de risques de développer la maladie. Jusqu’à présent, aucun mécanisme reliant le rythme biologique et le diabète n’avait été décrit.

Les chercheurs se sont intéressés au récepteur d’une hormone appelée mélatonine, produite par la glande épiphyse (2) lorsque l’intensité lumineuse décroit. Cette hormone, aussi connue sous le nom d’hormone de la nuit, est en quelque sorte le « gardien » de l’horloge biologique : c’est elle qui la synchronise avec la tombée de la nuit. Les chercheurs ont séquencé le gène MT2 qui code pour son récepteur chez 7600 diabétiques et sujets présentant une glycémie normale. Ils ont trouvé 40 mutations rares qui modifient la structure protéique du récepteur de la mélatonine. Parmi ces mutations, 14 rendaient non fonctionnel ce récepteur. Les chercheurs ont alors montré que chez les porteurs de ces mutations, qui les rendent insensibles à cette hormone, le risque de développer le diabète est près de sept fois plus élevé.

On sait que la production d’insuline, l’hormone qui contrôle le taux de glucose dans le sang, décroit durant la nuit afin d’éviter que l’individu ne souffre d’une hypoglycémie. En revanche, durant le jour, la production d’insuline reprend car c’est le moment où l’individu s’alimente et doit éviter l’excès de glucose dans le sang. Le métabolisme et le rythme biologique sont intrinsèquement liés. Mais ces résultats sont les premiers à démontrer l’implication directe d’un mécanisme de contrôle des rythmes biologiques dans le diabète de type 2.

Ces travaux pourraient déboucher sur de nouveaux traitements du diabète à visées préventive ou curatrice. En effet, en jouant sur l’activité du récepteur MT2, les chercheurs pourraient contrôler les voies métaboliques qui lui sont associées (3). Par ailleurs, ces travaux démontrent l’importance du séquençage du génome des patients diabétiques afin de personnaliser leur traitement. En effet, les causes génétiques du diabète sont nombreuses et l’approche thérapeutique devrait être adaptée aux voies métaboliques touchées par une dysfonction chez chaque patient.

Notes :
(1) Travaux réalisés en collaboration avec l’Imperial College London, le Sanger centre de Cambridge.
(2) Petite glande endocrine de l’épithalamus du cerveau des vertébrés.
(3) À noter qu’il existe déjà des médicaments qui miment l’action de la mélatonine et sont utilisés pour traiter le décalage horaire et la dépression saisonnière, liée au raccourcissement des jours en hiver.

GrippeNet.fr : un nouveau système de surveillance de la grippe sur Internet (www.grippenet.fr)

Le 25 janvier 2012, un nouveau système de surveillance de la grippe, GrippeNet.fr, a été lancé par l’équipe du réseau Sentinelles (unité mixte de recherche 707, Inserm – Université Pierre et Marie Curie) et l’Institut de Veille Sanitaire. Ce système de surveillance a pour objectif de recueillir directement auprès de la population française des données épidémiologiques sur la grippe, grâce à Internet.

Il s’agit d’une expérimentation pour laquelle la participation de la population sera déterminante. Jusqu’à cette année, la surveillance de la grippe en France était réalisée à l’aide d’informations collectées par des médecins libéraux volontaires et un réseau de laboratoires et hôpitaux. Les données recueillies par GrippeNet.fr n’auront pas vocation à remplacer les informations validées par des professionnels de santé. En revanche, elles pourront apporter des informations complémentaires, notamment sur les personnes qui ne consultent pas leur médecin généraliste.

Le principe est le suivant : le site Internet dédié www.grippenet.fr permet à toute personne majeure qui le souhaite, malade ou non malade, et résidant en France métropolitaine, de participer à la surveillance de la grippe, de façon anonyme et volontaire. Pour cela, quelques minutes suffisent. Lors de l’inscription sur le site, seule une adresse email est demandée. Après avoir rempli un questionnaire précisant son profil, le participant est invité chaque semaine à remplir un bref questionnaire récapitulant les symptômes qu’il a eus ou non depuis sa dernière connexion (fièvre, toux…). Ces données anonymes sont immédiatement analysées et contribuent en temps réel à la surveillance de la grippe en France. La participation à ce programme ne se substitue évidemment pas à une visite chez son médecin généraliste.

GrippeNet.fr est un projet financé par les pouvoirs publics. Ce projet s’intègre dans une vaste démarche européenne de surveillance des épidémies, et à ce titre, s’insère dans le projet européen Epiwork, financé par la commission européenne, visant à mettre en place des infrastructures de surveillance et de modélisation des épidémies en Europe. Le projet a obtenu un vif intérêt aux Pays-Bas où plus de 25 000 personnes se sont inscrites dès la première saison, et où plus de 50 000 personnes ont participé au suivi durant au moins une saison, soit 0,30 % de la population du pays. Les informations sont disponibles sur le site Internet général du projet européen (Epiwork), ou sur celui consacré plus spécifiquement à la surveillance de la grippe (Influenzanet). L’Allemagne, l’Autriche, la Suède et la Suisse rejoignent comme la France le projet Influenzanet cette année. En décembre 2011, dans les six pays, dont l’Angleterre et l’Italie, déjà dotés d’un système comparable à GrippeNet.fr, plus de 35 000 européens participaient à la surveillance.

Identification d’une anomalie chromosomique récurrente dans des cellules neurales dérivées de cellules souches pluripotentes humaines, ES et iPS

A l’heure où débutent les premiers essais cliniques de médecine régénératrice à partir de cellules souches pluripotentes, les équipes de l’Institut I-Stem dirigé par Marc Peschanski (Directeur de Recherche Inserm) continuent d’explorer les critères de qualité qui doivent s’imposer pour préserver au mieux la sécurité des patients. Il y a trois ans, une équipe d’I-Stem avait ainsi identifié une anomalie génomique qui apparaissait très fréquemment dans les lignées de cellules indifférenciées lorsque celles-ci étaient poussées à réaliser de trop nombreux cycles de prolifération (1). Cette même équipe dirigée par Nathalie Lefort (Ingénieur de Recherche Inserm) démontre aujourd’hui l’apparition systématique d’une anomalie génomique dans les cellules souches neurales différenciées à partir de ces lignées, après quelques dizaines de cycles de réplication. Le détail de ce travail paraît dans The Journal of Clinical Investigation daté du 24 janvier. Ces travaux ont été soutenus par l’Inserm et l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

Les cellules souches pluripotentes ont la capacité de se différencier en n’importe quelle cellule de l’organisme lorsqu’elles sont soumises à un environnement adéquat. A ce titre, elles représentent un espoir majeur pour soigner de nombreuses maladies dégénératives, puisque l’on peut envisager de les utiliser pour remplacer les cellules malades ou perdues. L’agence réglementaire américaine (FDA) a autorisé l’an dernier le lancement des premiers essais cliniques de thérapie cellulaire fondés sur des cellules différenciées à partir de cellules souches pluripotentes. Dans tous ces essais en cours, il s’agit de cellules progénitrices du système nerveux (central ou rétinien).

L’équipe de Nathalie Lefort s’est intéressée à des progéniteurs neuraux de même nature, issus de la différenciation de cellules souches pluripotentes d’origine embryonnaire ou de lignées « iPS », induites à la pluripotence par reprogrammation génique de cellules adultes. Les chercheurs ont eu la surprise d’observer qu’elles pouvaient être cultivées pendant de très longues périodes – bien au-delà d’une centaine de cycles de réplication – sans jamais entrer en sénescence. Il s’agissait d’une surprise car toutes les cellules de l’organisme sont programmées pour accomplir un nombre limité de divisions avant d’entrer en sénescence, en général de l’ordre de quelques dizaines.

La survenue de certaines anomalies chromosomiques peut conférer aux cellules mutées la capacité de se diviser à l’infini. Nathalie Lefort et ses collaborateurs ont donc recherché ces anomalies. Ils les ont trouvées dans les progéniteurs neuraux qu’ils avaient cultivés. De façon très intéressante, il ne s’agissait pas de désordres aléatoires. Un seul type de remaniement chromosomique a été observé : la duplication du bras long du chromosome 1 (bras 1q) accompagnée d’une translocation de ce bras surnuméraire sur un autre chromosome (aléatoire). Ce type d’anomalie chromosomique a déjà été décrit dans des hémopathies malignes sous le nom de « translocation sauteuse », ainsi que parfois dans des tumeurs solides (cancers du sein, hépatocarcinomes, rétinoblastomes, tumeurs cérébrales pédiatriques). La présence de ce remaniement chromosomique est toujours associée à un mauvais pronostic chez les patients. Ces nouvelles données montrent donc que, lors de la culture à long terme de progéniteurs neuraux dérivés de cellules souches pluripotentes, la duplication du bras 1q fournit un avantage prolifératif qui aboutit à la sélection des cellules anormales. Autre résultat complémentaire très intéressant de cette étude : il ne s’agit pas de l’une des anomalies chromosomiques identifiées dans les cellules souches pluripotentes indifférenciées, ce qui signifie qu’elle ne préexistait pas à la différenciation des progéniteurs neuraux, elle est apparue ensuite.

Cette découverte donne la possibilité aux chercheurs et cliniciens de repérer cette anomalie récurrente à toutes les étapes de la thérapie cellulaire et d’éliminer ainsi systématiquement les préparations qui seraient susceptibles de présenter un risque pour le patient.

Note 
(1) Lefort N et al., Human embryonic stem cells reveal recurrent genomic instability at 20q11.21. Nature Biotechnology 2008 ; 26 : 1364-6

Obésité : notre second cerveau serait-il trop efficace ?

Des scientifiques de l’Inserm viennent de mettre en évidence qu’un régime riche en graisse et en sucre empêche la destruction des neurones du système nerveux entérique chez la souris. En ralentissant le vieillissement naturel de ce second cerveau, ce régime particulier contribuerait au développement de l’obésité. C’est la conclusion surprenante d’un projet de recherche franco-allemand coordonné par Michel Neunlist, directeur de recherche à l’Inserm et Raphaël Moriez de l’Unité Inserm 913 « Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives : implication des cellules gliales entériques » à Nantes. Trop nombreux, ces neurones seraient alors trop efficaces et accélèreraient la vidange gastrique. Cet effet pourrait contribuer au développement de l’obésité en diminuant les signaux de satiété et en augmentant ainsi la prise alimentaire. Ces travaux sont publiés dans The Journal of Physiology.


© Inserm

Le mini cerveau de la faim

En plus de notre cerveau qui contrôle l’ensemble des fonctions physiologiques, notre organisme dispose d’un second cerveau chargé de réguler les fonctions digestives. Cet autre cerveau, ou système nerveux entérique (SNE), est situé tout le long du tube digestif ; il est composé de plus de 100 millions de neurones faisant ainsi du tube digestif le second organe neurologique de notre corps. Le SNE joue un rôle central dans le contrôle de nombreuses fonctions allant de la régulation de la motricité digestive (vidange gastrique, transit colique), à l’absorption des nutriments en passant par le contrôle des fonctions de la barrière intestinale, barrière qui protège des agents pathogènes extérieurs.

Depuis quelques années les chercheurs découvrent le rôle clef du SNE, véritable acteur dans de nombreuses pathologies non seulement digestives (maladies fonctionnelles digestives, maladies inflammatoires chroniques intestinales) mais aussi extra-digestives (maladie de Parkinson). De manière surprenante, alors que l’obésité est une pathologie en très nette augmentation et représente un véritable défi en santé publique, très peu de données sur l’implication du rôle du SNE dans cette pathologie existent. Ceci est d’autant plus surprenant que le SNE joue aussi un rôle central dans le contrôle des fonctions clés nécessaires à l‘absorption des aliments et aussi à la régulation de la prise alimentaire.

Afin de disposer d’éléments plus précis sur le sujet, les chercheurs (1) ont étudié l’impact d’un régime riche en sucre et graisse sur le SNE et ses répercussions sur la vidange gastrique et le transit intestinal.

En empêchant la maturation du second cerveau un régime riche en graisse et en sucre contribuerait au développement de l’obésité.

Ces travaux ont mis en évidence, de manière inattendue, que ce régime administré à des souris jeunes, prévenait la perte de neurones observée normalement chez les animaux contrôles au cours du temps.

« Nous pensons qu’en empêchant l’évolution naturelle du système nerveux entérique au cours du temps, le régime riche en graisse et sucre empêcherait le tube digestif de s’adapter à un régime correspondant à l’âge adulte et maintiendrait son phénotype jeune correspondant à une période de la vie où la prise alimentaire est maximale » déclare Raphaël Moriez.

D’un point de vue fonctionnel, cette neuroprotection induite par le régime hypercalorique conduit à une modification des fonctions gastriques. Ainsi, chez les animaux recevant le régime riche en graisse et sucre, la vidange gastrique est trop rapide par rapport aux animaux contrôles et pourrait directement contribuer au développement de l’obésité en diminuant les signaux de satiété et en augmentant ainsi la prise alimentaire. Ce même phénomène d’accélération de la vidange gastrique est observé chez les patients obèses.

D’un point de vue physiologique, cet effet ‘neuroprotecteur’ du régime hypercalorique est associé à une augmentation de la production gastrique d’un facteur neuroprotecteur, le GDNF, lui-même induit par la leptine, une hormone désormais bien connue pour réguler la satiété chez l’homme.

Ces travaux mettent en exergue la capacité des nutriments à moduler le fonctionnement du second cerveau et le rôle de ce cerveau dans le développement de l’obésité, en particulier juvénile. A terme, la prévention de pathologies neurodégénératives digestives voire du système nerveux central pourrait être modifiée par des approches nutritionnelles.

Note
(1) De l’Unité Inserm U913 de l’Université de Nantes en collaboration avec des chercheurs allemands (Université de Munich) et de l’UMR Inserm U773

Jamais deux sans trois : Une réaction en chaine nécessaire pour éviter la formation des tumeurs

La protéine p53, connue pour contrôler la vie ou la mort des cellules, est un des acteurs clés de la recherche contre le cancer. Son inactivation est constatée chez 50 % des personnes atteintes de cancers. Si les chercheurs réussissaient à rétablir la présence de p53 chez les malades, ils tiendraient peut-être une piste thérapeutique prometteuse. Toutefois, p53 n’agit pas seule. Son expression est liée à celle de Mdm2. Dans un article qui parait cette semaine dans la revue Cancer Cell, Robin Fahraeus et ses collaborateurs de l’Unité Inserm 940 « Cibles Thérapeutiques du Cancer » démontrent que la réponse cellulaire à un dommage de l’ADN nécessite l’intervention de la protéine kinase ATM pour permettre à Mdm2 de réguler positivement ou négativement la protéine p53.

La protéine p53 est très étudiée dans la recherche contre le cancer. Découverte en 1979, elle régule finement la prolifération des cellules et déclenche selon les besoins la réparation de la cellule ou sa mort naturelle programmée (apoptose).

Contrairement aux cellules « normales », le cycle cellulaire des cellules tumorales s’emballe provoquant la prolifération de cellules de manière anarchique, à l’origine du cancer. Les cellules deviennent immortelles et provoquent alors des dérégulations importantes dans l’organisme. Il y a déjà quelques années, les chercheurs ont prouvé que le gène de la protéine p53 est inactivé dans la moitié des cancers chez l’Homme. Le gène codant pour p53 a été classé comme gène suppresseur de tumeur. Les scientifiques ont émis l’hypothèse qu’en réactivant ce gène, ils pourraient empêcher cet emballement cellulaire responsable de la formation des tumeurs cancéreuses. Mais, ils découvrent plus tard, que p53 est elle-même régulée par un autre acteur : la protéine Mdm2. Ils pensaient alors avoir trouvé un moyen de réactiver p53.

Robin Farhaeus et ses collaborateurs apportent aujourd’hui un nouvel élément de compréhension des mécanismes de cancérisation : l’implication de la protéine kinase ATM dans la régulation de p53 par Mdm2. « Après un dommage sur l’ADN, Mdm2 est nécessaire pour activer p53 et cela peut se faire grâce à l’intervention de la protéine ATM kinase » explique Robin Farhaeus, directeur de recherche à l’Inserm.

Pour réaliser cette démonstration les chercheurs ont remonté la cascade d’évènements qui déclenchent l’activation de p53. L’activation de Mdm2 est due à sa phosphorylation par la protéine kinase ATM, elle-même activée en cas de stress cellulaire. Cette phosphorylation de Mdm2 est cruciale pour passer d’un état de régulateur négatif à régulateur positif de p53 et favoriser ainsi son interaction avec l’ARNm de p53 pour induire sa traduction. Ceci conduit à une augmentation de la quantité de p53 dans la cellule.

Cette étude aide à mieux comprendre comment les régulations respectives des protéines p53 et Mdm2 s’organisent en réponse à un dommage à l’ADN. Mieux connaitre les mécanismes moléculaires spécifiques mis en place lors de stress cellulaire pourrait aider à établir de nouvelles approches thérapeutiques anti-cancéreuses.

Une nouvelle voie pour stimuler le système immunitaire et lutter contre les infections

Une étude menée par Eric Vivier et Sophie Ugolini du Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (Inserm/CNRS/Université Aix Marseille) vient de mettre en évidence chez la souris un gène qui, muté, permet de stimuler les défenses immunitaires pour mieux lutter contre les tumeurs et les infections virales. Alors que ce gène était connu pour activer une des premières lignes de défense de l’organisme (les cellules Natural Killer ou NK), son inactivation rend paradoxalement ces cellules NK hypersensibles aux signaux d’alerte envoyés par les cellules malades. Ces nouvelles données, essentielles pour comprendre le fonctionnement de ces cellules-clés de l’immunité, pourraient ouvrir une nouvelle voie thérapeutique contre les infections. Elles suggèrent aussi que la fonction des cellules NK doit être finement régulée pour garantir une réaction immunitaire optimale. Le détail de ces travaux est publié dans la revue Science datée du 20 janvier 2012.

Notre organisme subit les attaques d’une multitude de particules infectieuses (microbes, virus…) qui gravitent dans notre environnement quotidien. Pour lutter contre ces attaques, différentes cellules immunitaires sont activées : en premier lieu les cellules de l’immunité innée (1), qui progressivement, laissent la place aux lymphocytes mémoires B et T de l’immunité dite adaptative. Les cellules Natural Killer (NK) font partie de cette première ligne de défense de l’organisme. Elles sont capables de tuer sélectivement les cellules tumorales ou infectées par des microbes tout en sécrétant des messagers chimiques, appelées cytokines, qui stimulent et orientent la réponse des lymphocytes B et T.

Alors que les souris normales meurent toutes en moins de 8 jours suite à l’infection par un virus (le cytomegalovirus), toutes les souris mutantes sont résistantes à la même infection.

© Avec l’aimable autorisation de la revue Science
Alors que les souris normales meurent toutes en moins de 8 jours suite à l’infection par un virus (le cytomegalovirus), toutes les souris mutantes sont résistantes à la même infection.

Suite à un vaste programme de génétique lancé il y a quelques années, les chercheurs sont parvenus à mettre en évidence un gène dont l’inactivation induit une augmentation de la fonction des cellules NK (voir figure).

Ce gène, appellé Ncr1, contribue à la fabrication du récepteur NKp46 présent à la surface des cellules NK. De façon surprenante, il est connu depuis plusieurs années comme activant les NK.

« Les cellules NK franchissent différentes étapes de développement avant de faire face à des microorganismes ou des cellules tumorales », explique Sophie Ugolini, co-responsable de cette publication. « sans ce récepteur, les cellules NK sont plus réactives et donc plus efficaces lorsqu’elles rencontrent des agresseurs de l’organisme. »

Pour tester le potentiel thérapeutique de leur découverte, les chercheurs ont bloqué le récepteur NKp46 à l’aide d’un médicament (en l’occurrence un anticorps monoclonal). Comme dans leurs expériences de génétique, ce traitement qui bloque NKp46 rend les cellules NK beaucoup plus efficaces.

« Désormais notre objectif est d’explorer plus avant les mécanismes biologiques sous jacents et de travailler en collaboration avec l’industrie biopharmaceutique et l’hôpital pour évaluer le potentiel médical de ce nouveau type de traitement notamment pour les patients dont le système immunitaire est déjà très affaibli comme les malades atteints d’un déficit immunitaire et les patients ayant subi une greffe de moelle ou une chimiothérapie anticancéreuse », conclut Eric Vivier.

Note

(1) L’immunité innée est un mécanisme de défense antitumoral et antimicrobien de première ligne. Il s’oppose immédiatement à des agents microbiens entrés en contact avec un organisme. L’immunité innée est présente chez tous les organismes vivants et joue un rôle indispensable dans l’activation de la réponse adaptative chez les vertébrés. Récemment, ce compartiment de l’immunité a été sous le feu des projecteurs puisque le Français Jules Hoffman, le canadien Ralph Steinman et l’américain Bruce Beutler (par ailleurs co-signataire de cette publication) ont reçu le prix Nobel pour leurs travaux sur l’immunité innée et ses liens étroits avec le système immunitaire adaptatif.

Les « seniors » ne cessent de repousser leurs limites sur le marathon

Des chercheurs de l’Unité Inserm 1093 « Cognition, Action, et Plasticité Sensorimotrice » de l’Université de Bourgogne, Romuald Lepers et Thomas Cattagni, ont analysé l’évolution de la participation et des performances des coureurs âgés de 20 à 80 ans au marathon de New York, au cours de ces 30 dernières années. Les résultats sont assez inattendus : les meilleurs marathoniens de plus de 65 ans et marathoniennes de plus de 45 ans ne cessent d’améliorer leur performance depuis 30 ans. Ces chercheurs ont aussi observé parallèlement une forte augmentation de la participation des athlètes de plus de 40 ans au marathon de New York, qui est passé de 36% de l’effectif masculin total entre 1980–1989, à 53% pour la décennie 2000–2009 et de 24 à 40% sur ces mêmes périodes chez les femmes. Le détail de ces analyses descriptives a été publié dans la revue AGE, The Official Journal of the American Aging Association.

Les chercheurs de l’Inserm ont analysé les performances chronométriques des concurrents du marathon de New York selon l’âge et le sexe sur la période 1980-2009. Ils ont classé les coureurs ayant franchi la ligne du marathon en 10 catégories d’âge distinctes (20-29 ans ; 30-39 ans ; puis de 5 ans en 5 ans de 40 ans à 79 ans).

Alors que la moyenne des temps réalisés par les 10 meilleurs athlètes hommes et femmes des catégories d’âge inférieures à 60-64 ans n’a pas changé au cours des 30 dernières années, les temps ont nettement diminué pour les catégories d’âge supérieures : Sur un temps moyen réalisé sur marathon de 3h50min, les hommes de la catégorie 65-69 ans ont par exemple gagné 8 minutes entre les décennies 1980–1989 et 1990–1999, et 7 min entre les décennies 1990–1999 et 2000–2009. De même, pour les femmes, la moyenne des temps a diminué significativement dans les catégories d’âge supérieures à 45–49 ans. Par exemple, la performance moyenne des 55–59 ans s’est améliorée de 33 min entre les décennies 1980–1989 et 1990–1999 (sur un temps de course moyen de 4h20min), et de 8 min supplémentaire entre les décennies 1990–1999 et 2000–2009.

Il apparaît qu’au cours des deux dernières décennies, les performances des meilleurs marathoniens de plus de 65 ans et marathoniennes de plus de 45 ans se sont donc particulièrement améliorées, alors que celles de leurs homologues plus jeunes sont restées stables, concluent les chercheurs.

« L’amélioration des performances peut s’expliquer par l’augmentation du nombre de participants observé dans ces catégories d’âge, mais aussi par l’intérêt croissant que porte cette population aux bénéfices de l’activité physique pour sa santé et son bien être », estime Romuald Lepers, dont le travail sur la plasticité de la fonction motrice au cours du vieillissement s’insère dans la thématique de recherche plus globale de l’unité Inserm 1093 « Cognition, Action, et Plasticité Sensorimotrice » dirigée par Thierry Pozzo.

Ces dernières années, l’écart de performance entre les hommes et les femmes s’est stabilisé quel que soit l’âge, ce qui suggère que le déclin des fonctions physiologiques avec l’âge est similaire quelque soit le sexe. Les mécanismes par lesquels l’activité physique agit de façon bénéfique sur le ralentissement des processus liés au vieillissement restent à explorer. Pour les chercheurs, ces premières données sur les athlètes de plus de 40 ans contribueront, ajoutées à celles recueillies en physiologie et sociologie notamment, à mieux comprendre la place de l’exercice physique dans la contribution au « bien vieillir ».

Récepteur de la vitamine D : première observation 3D en intégralité

Pour la première fois, une équipe de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, Université de Strasbourg/CNRS/Inserm) a réussi à photographier en entier, en 3D et à haute résolution (1), une petite molécule vitale, enfermée au cœur de nos cellules : le récepteur de la vitamine D (VDR). Publiée le 18 janvier 2012 dans la revue The EMBO Journal, cette étude apporte des informations clefs sur la structure 3D et le mécanisme d’action du récepteur au niveau moléculaire. Ces données sont cruciales pour la recherche pharmaceutique, le VDR étant impliqué dans de nombreuses maladies, comme les cancers, le rachitisme et le diabète de type 1.

© IGBMC (CNRS / Inserm / Université de Strasbourg)

Appartenant à ce que les biologistes appellent « la grande famille des récepteurs nucléaires », des protéines actives dans le noyau des cellules, dont font aussi partie les récepteurs « stéroïdiens » (récepteurs aux hormones sexuelles, etc.), le récepteur de la vitamine D (VDR pour vitamine D receptor) joue un rôle primordial. Il régule l’expression de gènes impliqués dans diverses fonctions biologiques vitales (croissance des cellules, minéralisation des os,…).

Jusqu’ici, les chercheurs n’avaient pu étudier de près que deux parties de ce récepteur : la région en interaction avec l’ADN et le domaine liant la vitamine D. Ces deux morceaux avaient été produits en laboratoire et leur structure étudiée individuellement avec la technique de cristallographie. Cette méthode n’avait pas permis de visualiser le VDR en entier car il s’est avéré difficile à cristalliser.

Pour relever ce défi – qui mobilise plusieurs équipes dans le monde depuis plus de 15 ans -, les groupes de Bruno Klaholz et de Dino Moras, tous deux directeurs de recherche CNRS à l’IGBMC, ont utilisé une technique innovante : la cryo-microscopie électronique (cryo-ME), qui nécessite un microscope électronique de dernière génération, dit « à haute résolution ». Ce bijou de technologie permet de visualiser des objets biologiques à l’échelle moléculaire, voire atomique. En France, le premier a été installé en 2008 à l’IGBMC (2). Avant ces travaux, beaucoup pensaient impossible l’étude du VDR avec la cryo-ME. En effet, jusqu’ici, les plus petites molécules visualisées avec cette technique pesaient plus de 300 kilodaltons (3) (kDa), voire quelques milliers de kDa, soit beaucoup plus que le VDR, qui pèse 100 kDa et mesure tout juste 10 nm (10 x 10-9 m).

Concrètement, Bruno Klaholz et ses collègues ont produit en laboratoire de grandes quantités du récepteur VDR humain dans des bactéries Escherichia coli (l’un des modèles les plus utilisés en biologie pour produire des protéines). Puis ils ont isolé le récepteur dans une solution physiologique contenant de l’eau et un peu de sel. L’échantillon contenant le VDR a ensuite été congelé en le plongeant dans de l’éthane liquéfié, ce qui permet un refroidissement extrêmement rapide (en une fraction de seconde, l’échantillon passe de 25°C à environ -184°C). Il a fallu, enfin, prendre 20 000 photos de particules du VDR dans différentes orientations à l’aide du microscope. Ce sont ces images qui, alignées et combinées grâce à un programme informatique, ont fourni, au final, une reconstruction en 3 D du VDR.

Cette image apporte des informations inédites sur le fonctionnement du récepteur. Elle révèle que le VDR et son partenaire RXR (récepteur du rétinoïde X, un dérivé de la vitamine A) forment une architecture ouverte, avec le domaine de liaison de la vitamine D orienté presque perpendiculairement au domaine de liaison à l’ADN (voir figure ci-dessous). Cette structure suggère une coopération entre les deux domaines, qui agiraient ensemble pour induire une régulation très fine de l’expression des gènes cibles.

Pionnier, ce travail ouvre la voie à l’étude de plusieurs autres récepteurs nucléaires vitaux encore mal étudiés. Notamment, les biologistes pensent désormais à utiliser la cryo-ME pour révéler la structure des récepteurs stéroïdiens.

Aperçu de l’architecture 3D de deux récepteurs, le VDR (récepteur de la vitamine D) et son partenaire RXR (récepteur du rétinoïde X, un dérivé de la vitamine A), après reconstruction 3D à partir des images des particules individuelles. Le filet mauve représente la carte 3D expérimentale obtenue par cryo-ME. Les sites de liaison spécifiques sur le fragment d’ADN (ou DNA en anglais) sont indiqués en vert et rouge, les domaines de liaison de l’ADN (DBD) et de liaison du ligand (LBD) sont indiqués.

Notes
(1) 12 angströms : 12 x10-¹º mètres (Un angström correspond au diamètre moyen d’un atome).
(2) Le second a été inauguré en février 2011 à l’Institut de biologie structurale (CEA / CNRS / UJF) de Grenoble.
(3) Un Dalton : c’est, avec une assez bonne précision, la masse d’un atome d’hydrogène. Un acide aminé de protéine représente environ 110 Da, un assemblage de 100 kDa contient environ 900 acides aminés.

Le déclin cognitif apparait dès 45 ans

Il est clairement établi qu’il existe une association inverse entre l’âge et les performances cognitives, mais l’âge auquel le déclin cognitif commence est controversé. Jusqu’à présent, il était généralement admis qu’il n’y avait pas de déclin avant 60 ans. Dans une étude publiée dans le British Medical Journal, une équipe de recherche de l’Inserm dirigée par Archana Singh-Manoux, montre que notre mémoire, notre capacité à raisonner et à comprendre commencent à décliner dès l’âge de 45 ans. Cette étude issue de la cohorte Whitehall II a été menée sur plus de 7000 personnes pendant 10 ans.

L’augmentation de l’espérance de vie implique des changements fondamentaux dans la composition des populations avec une augmentation importante du nombre de personnes âgées. Ces changements auront probablement une influence profonde sur la vie des individus et la société en général. Il est clairement établi qu’il existe une association inverse entre l’âge et les performances cognitives, mais l’âge auquel le déclin cognitif commence est controversé. Des études récentes avaient conclu qu’il y avait peu d’arguments en faveur du déclin cognitif avant l’âge de 60 ans.

Toutefois, des études cliniques montrent une corrélation entre la présence de plaques amyloïdes dans le cerveau et la sévérité du déclin cognitif. Or, ces plaques amyloïdes semblent exister dans le cerveau de jeunes adultes.

L’évaluation de l’effet de l’âge sur le déclin cognitif grâce à des données recouvrant plusieurs années sont rares. C’est précisément l’objet de l’étude menée par les chercheurs de l’Inserm et d’University College London.

Dans le cadre de l’étude de cohorte Whitehall II, les données médicales de 5 198 hommes et 2 192 femmes âgés de 45 à 70 ans au début de l’étude et suivis pendant 10 ans ont été extraites. Les fonctions cognitives des participants ont été évaluées 3 fois au cours de ces 10 années. Des tests individuels ont permis d’évaluer la mémoire, le vocabulaire, le raisonnement et la fluence verbale.

Les résultats montrent que les performances cognitives (sauf pour les tests de vocabulaire) déclinent avec l’âge et ce d’autant plus rapidement que les gens sont âgés. Le déclin est significatif dans chaque tranche d’âge.

Par exemple, au cours de la période de l’étude, le déclin des scores du raisonnement était de 3,6 % pour les hommes âgés de 45 et 49 ans et de 9,6 % chez ceux âgés de 65 à 70 ans. Les chiffres correspondants pour les femmes étaient respectivement de 3,6 % et 7,4 %.

Les auteurs soulignent que la preuve de ce déclin cognitif avant l’âge de 60 ans a des conséquences importantes.

« Déterminer l’âge auquel le déclin cognitif commence est important parce que des interventions comportementales ou pharmacologiques conçues pour changer les trajectoires de vieillissement cognitifs sont probablement plus efficaces s’ils elles sont appliquées dès le début du déclin. » souligne Archana Singh-Manoux.

« Alors que l’espérance de vie continue à augmenter, comprendre le déclin cognitif lié à l’âge est l’un des défis du 21e siècle » ajoute-t-elle.

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