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Pourquoi l’organisme réagit-il différemment, selon les individus, à un régime riche en graisse ?

Une alimentation riche en graisse déséquilibre notre flore intestinale. La composition de cette flore conditionnerait la façon dont l’organisme développe certaines pathologies métaboliques comme le diabète, en dehors de toute modification génétique, du sexe, de l’âge et d’un régime alimentaire particulier. C’est ce que viennent de montrer Rémy Burcelin et Matteo Serino, chercheurs dans l’unité Inserm 1048 « Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) », Université Toulouse III – Paul Sabatier. Des additifs nutritionnels (les gluco-oligosaccharides, fibres alimentaires) visant le microbiote intestinal pourraient empêcher le développement de troubles du métabolisme. Ces résultats sont publiés dans la revue Gut d’Avril 2012.

La flore intestinale ou microbiote intestinal constitue l’ensemble des bactéries vivant dans notre tube digestif. Elle regroupe environ mille espèces bactériennes différentes se nourrissant en partie de ce que nous ingérons. Chaque individu est doté d’une flore intestinale spécifique et d’un métabolisme qui diffère suivant le régime alimentaire suivi. Des études précédentes ont montré, chez la souris, qu’une alimentation riche en graisse est capable de déséquilibrer la flore intestinale, entrainant ainsi des maladies métaboliques telles que le diabète ou l’obésité.

L’équipe de Rémy Burcelin (Unité Inserm 1048, Université Toulouse III – Paul Sabatier) a étudié l’action d’une alimentation grasse (Alimentation diabétogène et non obésitogène), sur la flore intestinale, pendant trois mois, chez des souris mâles du même âge ayant toutes le même fond génétique. La plupart d’entre-elles sont devenues diabétiques en restant maigres mais quelques-unes, toujours maigres, sont restées non-diabétiques. Pour confirmer l’hypothèse selon laquelle la flore intestinale est impliquée dans la façon dont l’organisme réagit face à un régime alimentaire riche en gras, l’équipe de recherche s’est penchée sur le profil microbien de différents types de souris (maigre-diabétique et maigre non diabétique, indiquant deux phénotypes). Ils ont montré que les bactéries de la flore intestinale n’étaient pas présentes en même quantité chez les souris, selon qu’elles étaient diabétiques ou non. Les souris maigres diabétiques sont caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Bacteroidetes » à la différence des souris maigres non diabétiques, caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Firmicutes ».

La flore intestinale est-elle la cause ou la conséquence
des maladies métaboliques ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Rémy Burcelin a modifié directement la flore intestinale d’un groupe de souris en ajoutant des fibres alimentaires, des gluco-oligosaccharides, à leur régime en haute teneur en graisse. « La plupart des caractéristiques physiologiques ont été modulées par l’ajout de ces fibres. Le métabolisme des souris traitées avec ces fibres est proche de celui des souris maigres et non diabétiques. Cependant, la flore intestinale des souris traitées par les fibres est devenue très différente par rapport à celle des autres phénotypes observés » précise Matteo Serino.

L’équipe de Rémy Burcelin conclut que « la flore intestinale pourrait orienter le métabolisme vers un état diabétique ou non suivant son profil. Si on ne peut pas comparer la flore bactérienne d’une souris à celle d’un homme (2% seulement de superposition), certains mécanismes inflammatoires liés à certaines bactéries, comme le Faecalibacterium prausnitzii, semblent être les mêmes. » Selon les chercheursles bactéries présentent dans la flore intestinale pourraient prédire la survenue du diabète. « Il est possible qu’une supplémentation en fibre, ciblant la flore intestinale, empêche l’apparition de maladies métaboliques (comme le diabète) même en cas de régime riche en graisse », ajoute Matteo Serino.

Ce projet a été subventionné en partie par le programme de recherche « Florinflam » financé par l’ANR ainsi que par le programme de recherche FLORINASH financé par le 7ème programme de la Commission européenne.
FLORINASH (Prevention and treatment of non-alcoholic fatty liver disease) est un projet coordonné par l’Inserm sous la direction de Rémy Burcelin, directeur de recherche Inserm et qui regroupe 6 partenaires dans 4 pays d’Europe.

Les dernières données sur l’espérance de vie en bonne santé dans les 27 pays de l’UE rendues publiques à Paris cette semaine

L’espérance de vie sans incapacité (EVSI) indique combien de temps on peut espérer vivre sans incapacité. Elle est calculée annuellement pour tous les pays de l’Union européenne depuis 2005. Ces chiffres sont rendus publics dans le cadre de la première réunion annuelle de l’Action conjointe européenne sur les espérances de vie en bonne santé (EHLEIS pour European Joint Action on Healthy Life Years), organisée à Paris ce jeudi 19 avril 2012 (ASIEM, 6 rue Albert de Lapparent – 75007 PARIS à partir de 13h30) à l’invitation du ministère français de la Santé. Cette action conjointe européenne est dirigée par la France, sa coordination a été confiée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

En 2009 l’espérance de vie sans incapacité s’établit à 61,3 ans pour les hommes de l’Union européenne (EU27) ; ce qui représente près de 80% de leur espérance de vie à la naissance (76,7 ans). L’EVSI a atteint 62 ans pour les femmes ; ce qui représente les trois quarts de leur espérance de vie à la naissance (82,6 ans).

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LES VALEURS DE 2010 POUR LES HOMMES

En 2010, c’est la Suède qui a l’espérance de vie la plus longue (79,6 ans) pour les hommes de l’Union européenne et la Lituanie la plus courte (68 ans) ; ce qui représente un écart de près de 12 années d’espérance de vie (EV) à la naissance entre ces deux pays. C’est toujours la Suède qui a, cette année-là, l’EVSI la plus longue (71,7 ans) et la République slovaque l’EVSI la plus courte (52,3 ans) ; l’écart de EVSI atteignant près de 20 années entre ces deux pays. Et c’est encore en Suède que la proportion des années vécues sans incapacité (EVSI/EV) atteint son maximum en 2010 : 90% de l’espérance de vie est vécue sans limitations dans les activités usuelles. A l’opposé, c’est en République slovaque que cette proportion atteint son minimum (73%) soit un écart de 17points. Ce premier résultat, observé chez les hommes, suggère que plus l’espérance de vie est longue plus la proportion vécue sans incapacité est grande.

Toutefois sur la très courte période 2008-2010, c’est la Lituanie qui voit son EVSI augmenter le plus, près de 3 années, alors que ce sont les Pays-Bas qui, à l’inverse, affichent la plus forte baisse (-1,3 années). Il y a donc aussi des tendances à la convergence des espérances de santé en Europe puisque l’écart entre la Lituanie et les Pays-Bas s’est réduit de plus de 4 années en à peine 3 ans.

DE MEILLEURS RÉSULTATS POUR LES FEMMES

En 2010, la France et l’Espagne ont l’espérance de vie la plus longue (85,3 ans) pour les femmes de l’Union européenne et la Bulgarie la plus courte (77,4 ans) ; ce qui représente un écart de près de 8 années d’espérance de vie (EV) à la naissance entre ces pays. Malte a l’EVSI la plus longue (71,6 ans) pour les femmes et la République slovaque l’EVSI la plus courte (52,1 ans) ; l’écart d’EVSI atteint, comme pour les hommes, près de 20 années entre ces deux pays. Cependant c’est en Bulgarie que la proportion des années vécues sans incapacité (EVSI/EV) atteint son maximum pour les femmes en 2010 : 87% de l’espérance de vie est vécue sans limitations dans les activités usuelles. A l’opposé, c’est en République slovaque, comme pour les hommes, que cette proportion atteint son minimum (66%) soit un écart de 21 points. Les résultats pour la Bulgarie illustrent un autre cas de figure, où une courte espérance de vie, combinée à une faible déclaration de limitations dans les activités usuelles, conduit à une grande proportion de l’espérance de vie apparemment libre de toute incapacité.

Sur la très courte période 2008-2010, c’est toujours la Lituanie qui voit son espérance de vie sans incapacité (EVSI) augmenter le plus (2,4 années), confirmant l’observation faite chez les hommes, alors que c’est la Finlande qui cette fois affiche la plus forte baisse (-1,7 années). Il y a donc aussi chez les femmes européennes des tendances à la convergence des espérances de santé.

ECARTS ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Alors que l’écart d’espérance de vie (EV) entre les hommes et les femmes atteint près de 6 années (5,9 ans) dans l’Union européenne en 2009, l’écart d’espérance de vie sans incapacité (EVSI) atteint à peine une demie année (0,7 an). Si bien que la proportion des années vécues sans incapacité est inférieure de 5 points (-4.9) chez les femmes en comparaison avec les hommes (75% versus 80%).

En 2010, c’est en Lituanie que l’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes est le plus important (10,9 années) et en Suède qu’il est le plus faible (4 années). C’est aussi en Lituanie que l’écart d’EVSI est le plus important (4,6 années) mais c’est en République slovaque, cette fois, qu’il est le plus faible (0,2 année). C’est au Portugal que l’écart dans la proportion des années libre d’incapacité (EVSI/EV) est le plus grand (près de 9 points) et en Bulgarie que cet écart est le plus faible (environ 3 points). Mais dans tous les cas de figure observés, les femmes européennes vivent plus longtemps que les hommes et passent une plus grande proportion de leur vie avec des incapacités. Par contre, les écarts d’espérance de vie sans incapacité (EVSI) sont beaucoup plus réduits et dans 7 cas sur 27 (chiffres de 2009), les hommes ont une espérance de vie sans incapacité (EVSI) légèrement supérieure à celles des femmes. C’est le cas en 2009 de la Belgique, du Danemark, de l’Italie, des Pays bas, du Portugal, de l’Espagne et de la Suède, soit un nombre significatif des pays de l’Europe de l’ouest.

LE CAS DE LA FRANCE

La France, qui affiche l’espérance de vie la plus longue pour les femmes en 2010 comme en 2009 occupe la 10ème place en terme d’EVSI, illustrant ainsi un cas de figure où longue vie ne coïncide pas avec une faible déclaration de limitations dans les activités usuelles. Les hommes français occupent respectivement la 8ème et 11ème place, sur 27, en termes de longévité et d’espérance de vie sans incapacité avec les valeurs de 2009.

L’espérance de vie sans incapacité (EVSI) est un indicateur important des politiques européennes. L’EVSI a été choisi dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (2000-2010) pour apprécier la qualité de la vie et l’état de santé fonctionnel des européens. Elle fait partie des indicateurs de santé de la Communauté européenne (ECHI) et a, en outre, été sélectionnée pour fixer l’objectif fondamental du premier partenariat de l’Union de l’innovation (composante recherche et développement de la nouvelle stratégie Europe 2020) : partenariat Vieillissement actif et en bonne santé ; à savoir augmenter de 2 années le nombre des années vécues sans incapacité (HLY) dans l’Union européenne d’ici à 2020. L’EVSI est obtenue en décomposant l’espérance de vie en deux espérances de santé, avec et sans incapacité, grâce à l’introduction de la prévalence de l’incapacité observée en population générale dans le calcul de l’espérance de vie. Dans le cas de l’indicateur européen, la prévalence de l’incapacité provient de l’enquête annuelle EU-SILC dont la réalisation est coordonnée par EUROSTAT. La prévalence de l’incapacité est mesurée au travers des réponses à une question générale sur les limitations d’activité connue sous le nom de GALI : Dans quelle mesure avez-vous été limité(e) depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? EUROSTAT calcule et diffuse l’EVSI comme il le fait pour tous les indicateurs des politiques européennes. L’objectif est de fournir l’année t (i.e., 2012) l’EVSI de l’année t-2 (i.e., 2010). EHLEIS effectue des calculs en parallèle et confronte ses résultats avec ceux d’EUROSTAT. L’Action conjointe européenne, soutenue et supervisée par la Commission européenne, diffuse largement les résultats obtenus (country reports, sites web dédiés, Wikipédia, etc.), encourage une bonne interprétation des EVSI (training material and interpretation guide), promeut leur utilisation dans les politiques socio-économiques et surtout produit des analyses scientifiques sur les tendances et les écarts observés : déterminants, causes et mécanismes.

Un nouvel espoir dans la lutte contre la tuberculose : une souche atténuée de Mycobacterium tuberculosis offre une meilleure protection que le BCG chez la souris

Des équipes de chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, en collaboration avec une équipe de l’Université de Pise, viennent de déterminer le rôle essentiel de certaines protéines dans la virulence de la mycobactérie responsable de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis. Ils ont réussi à créer une souche atténuée de cette mycobactérie, qui offre une protection plus importante contre la tuberculose que le BCG chez la souris. Cette découverte représente une avancée majeure pour les recherches visant à développer un vaccin plus efficace contre cette maladie. Cette étude est publiée aujourd’hui dans la revue Cell Host & Microbe.

© Institut Pasteur – Photo de tissus pumoniares infectés par  Mycobacterium tuberculosis (en rose)

La tuberculose est l’une des maladies les plus répandues au monde. Elle est due à une infection par la mycobactérie Mycobacterium tuberculosis, touchant un tiers de la population mondiale. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2010, 8,8 millions de personnes ont développé la tuberculose et 1,4 million de personnes en sont mortes. Ainsi, M. tuberculosis reste à ce jour l’un des pathogènes les plus virulents et les plus dangereux pour l’homme. Malgré son efficacité chez l’enfant, le BCG ne protège pas suffisamment l’adulte contre la tuberculose pulmonaire. Cette forme de tuberculose est particulièrement contagieuse, d’où la nécessité de mettre au point un vaccin plus efficace pour combattre cette maladie.

Une étude réalisée par des équipes de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, coordonnées par le Dr Laleh Majlessi(1) et le Pr Claude Leclerc (2) (Institut Pasteur/Inserm), en collaboration avec le Dr Roland Brosch (Institut Pasteur) et le Dr Daria Bottai (Université de Pise), révèle qu’une partie du génome de M. tuberculosis peut être modifiée afin d’obtenir une souche non virulente de cette bactérie chez la souris. La mycobactérie ainsi atténuée procure une protection significative contre le développement d’une tuberculose.

Les chercheurs ont réussi, dans la souche mutée, à bloquer la production et le transport de certaines protéines, appelées PE/PPE (3), associées à une région particulière du génome de la mycobactérie, l’appareil de sécrétion ESX-5 qui est présent dans toutes les souches virulentes de mycobactéries. Ils ont constaté que les souris infectées par cette souche atténuée ne développent pas la tuberculose. De ce fait, ils ont démontré que les protéines PE/PPE produites par l’appareil ESX-5 jouent un rôle essentiel dans la virulence de M. tuberculosis.

Par ailleurs, les chercheurs ont établi que les souris immunisées par la souche atténuée sont protégées très efficacement contre l’infection par M. tuberculosis. Cette protection est corrélée à la réponse immunitaire spécifique d’autres protéines PE/PPE encore présentes dans cette souche. Ainsi, les chercheurs ont prouvé que la souche mutée de M. tuberculosis est un candidat vaccin sérieux contre la tuberculose, qui provoque une réaction immunitaire plus forte que le BCG chez la souris.

Cette découverte majeure ouvre de nouvelles perspectives pour la mise au point d’un vaccin plus efficace contre les différentes pathologies provoquées par M. tuberculosis, notamment contre la tuberculose pulmonaire de l’adulte. De nombreuses études seront nécessaires avant qu’une application soit envisageable chez l’homme. La prochaine étape, pour les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, sera la création d’une souche dans laquelle une mutation supplémentaire pourrait être introduite afin de lui assurer une totale innocuité, en vue de pratiquer des essais chez l’homme.

Notes

(1) Dr Laleh Majlessi, unité de Régulation immunitaire et Vaccinologie (Institut Pasteur / Inserm U1041)
(2) Pr Claude Leclerc, chef de l’unité de l’unité de Régulation immunitaire et Vaccinologie (Institut Pasteur / Inserm U1041)
(3) Les gènes codant les protéines PE/PPE appartiennent à deux grandes familles uniques aux mycobactéries, et représentent presque 10% du génome de M. tuberculosis

Vieillissement du cerveau : des modifications génétiques identifiées

L’hippocampe est une structure cérébrale dont la réduction du volume avec l’âge est associée aux troubles de mémoire. L’accélération de ce phénomène est une des manifestations de la maladie d’Alzheimer. Grâce à une collaboration internationale impliquant des équipes de recherche françaises (1), des mutations génétiques associées à la réduction du volume de l’hippocampe ont été mises en évidence. Ces résultats ont été obtenus grâce à des études épidémiologiques analysant les génomes et les IRM cérébrales de 9232 participants âgés de 56 à 84 ans. En France, environ 2000 IRM ont été réalisées à travers l’étude des 3 Cités (2). Les résultats de ce travail sont publiés le 15 avril 2012 dans la revue Nature Genetics.

Des réductions du volume de l’hippocampe apparaissent avec l’âge sous l’effet cumulatif de divers facteurs. L’atrophie hippocampique étant un marqueur biologique reconnu de la maladie d’Alzheimer, il était important pour les chercheurs de déterminer l’origine de ce processus.

Une étude internationale pilotée en France par Christophe Tzourio a cherché les variabilités génétiques associées à la réduction du volume de l’hippocampe. Pour cela, les génomes et les données IRM de plus de 9000 personnes âgées de 56 à 84 ans, ont été analysés afin de détecter une association éventuelle entre certaines mutations et la diminution du volume de l’hippocampe. Les données des participants (avec et sans démence) ont été extraites de huit grandes cohortes européennes et nord-américaines.

Les chercheurs ont tout d’abord pu repérer 46 différences dans la séquence de l’ADN des participants a priori associées à une réduction du volume de l’hippocampe. Dix-huit mutations situées sur des régions différentes du chromosome 12 sont de manière significative associées à une réduction du volume de l’hippocampe. Les associations restantes ont inclus une mutation sur le chromosome 2. Enfin, une dernière mutation sur le chromosome 9 a été, quant à elle, associée à une réduction de l’hippocampe dans un troisième échantillon plus jeune. Ces résultats signifient que des facteurs « encore non identifiés » déclenchent des mutations dans des endroits bien précis du génome qui entrainent la réduction du volume de l’hippocampe.

© UMR5296 CNRS CEA Université de Bordeaux

L’hippocampe (en rouge) est une structure profondément enfouie dans le cerveau qui joue un rôle primordial dans les processus de mémoire. Son volume diminue avec l’âge, et cette diminution est accélérée dans la maladie d’Alzheimer. Pour cette étude, une analyse automatique des images IRM et du calcul du volume de l’hippocampe de chaque sujet a dû être mise au point.

Une fois les mutations mises en évidence, les scientifiques ont cherché ce qu’elles modifiaient. Ils ont découvert qu’elles changeaient la structure de gènes importants aux fonctions multiples impliqués entre autres dans la mort cellulaire (HRK) ou le développement embryonnaire (WIF1), le diabète (DPP) ou encore la migration neuronale (ASTN2).

« Cette étude marque un tournant majeur car elle confirme que des facteurs génétiques sont associés à une structure cérébrale, l’hippocampe, impliquée dans les démences et d’une façon beaucoup plus générale dans le vieillissement cérébral. » explique Christophe Tzourio. Cette nouvelle approche, dans laquelle on étudie non pas une maladie mais une région cérébrale cible va permettre de décrypter de manière plus précise les mécanismes de la maladie d’Alzheimer.

Les prochaines étapes viseront à mieux comprendre comment ces mutations génétiques s’inscrivent dans le schéma général de la maladie d’Alzheimer. Même si les retombées cliniques ne sont pas à attendre immédiatement, ces découvertes sont un pas vers une meilleure compréhension de cette maladie et du vieillissement cérébral en général.

« Cette découverte confirme l’importance de réaliser des examens sophistiqués comme l’IRM cérébrale et l’étude du génome au sein des études de cohorte. Cela ne peut se faire que dans une forte collaboration entre ces disciplines. » conclut Christophe Tzourio.

Notes

(1) en neuroépidémiologie (Inserm U708 – Université de Bordeaux, C Tzourio), en imagerie cérébrale Groupe d’imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université Bordeaux Segalen, B Mazoyer), et en génétique (UMR 744 Inserm Université de Lille, P Amouyel)

(2) L’étude 3C dite des 3 Cités pour Bordeaux, Dijon et Montpellier est une grande cohorte de plus de 9000 personnes âgées de 65 ans lancée en 1999. http://www.three-city-study.com/

Découverte d’une nouvelle règle d’organisation spatiale des chromosomes qui reflète leur fonctionnement

Découverts en 1882 par Walther Flemming, les chromosomes, supports de l’information génétique, continuent à livrer leurs secrets 130 ans plus tard ! Pour preuve, l’équipe d’Edith Heard du laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut Curie/CNRS/Inserm) en collaboration avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, USA) vient de mettre au jour une nouvelle organisation de ces bâtonnets d’ADN qui se trouvent dans le noyau de nos cellules. Les chromosomes forment une succession de « pelotes » dans lesquelles se regroupent plusieurs gènes qui peuvent ainsi être régulés de manière coordonnée au cours du développement. En clair ces « pelotes » isolent des groupes de gènes intervenant de façon concertée lors d’étapes cruciales du développement de l’embryon, mais aussi à l’âge adulte. Nature présente ces travaux innovants en ligne le 11 avril 2012.

Le support du matériel génétique, les chromosomes, confinés dans un espace de quelques micromètres, peuvent mesurer une fois dépliés jusqu’à la longueur d’un bras. Si l’on comparait le noyau d’une cellule à une balle de tennis, un chromosome mesurerait 5 kilomètres. Et il n’y en a pas qu’un seul ! Chez les humains, par exemple on compte 23 paires de chromosomes dans chaque noyau cellulaire. Les chromosomes se compactent, se replient, s’enchevêtrent et s’entremêlent au cœur du noyau.

Alors les chromosomes, un plat de spaghettis dans le noyau des cellules ? « Pas tout à fait » explique Elphège Nora, post-doctorant à l’Institut Curie qui a réalisé ce travail. « Les chromosomes possèdent une réelle organisation spatiale et celle-ci est essentielle à leur fonctionnement. »

 

Un chromosome, ça ressemble…. à une série de pelotes !

L’équipe d’Edith Heard, directrice CNRS du laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut Curie/CNRS/Inserm) en collaboration avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, USA) vient en effet de découvrir une nouvelle règle d’organisation spatiale. « Les chromosomes forment une succession de « globules », des sortes de « pelotes » d’une taille de 100 000 paires de bases à 1 million de paires de bases » explique la chercheuse. Pour mémoire, la paire de base (abrégée par les fameux A, C, G, T) est l’unité du génome et un chromosome peut, chez les humains, mesurer plus d’une centaine de millions de paires de bases.

« Mais la grande nouveauté, c’est que cette organisation spatiale reflète l’organisation fonctionnelle du chromosome » ajoute Edith Heard. Cette organisation permet de regrouper dans une même « pelote » jusqu’à une dizaine de gènes (1), voire plus. On trouve également dans ces « pelotes » des séquences dites régulatrices, qui peuvent contrôler – tels des interrupteurs – l’activité des gènes qu’elles contactent physiquement. Ainsi compactés ensemble au sein de la même pelote chromosomique, un groupe de gènes – bien que s’étalant sur plusieurs centaines de milliers de paires de bases – peuvent donc partager les mêmes séquences régulatrices, et leur activité peut ainsi s’en trouver coordonnée.

« Nous savons depuis des décennies que l’ADN est enroulé autour des nucléosomes pour former la structure « classique » dite du collier de perles. Notre nouvelle étude indique que cette structure se replie pour former une nouvelle organisation dans laquelle plusieurs gènes sont regroupés en pelote » explique Job Dekker, co-directeur du programme de Biologie des Systèmes à l’université du Massachussetts (University of Massachusetts Medical School). « Cette organisation des chromosomes constitue un degré de repliement jusqu’à présent inconnu, et nous pensons qu’elle représente un principe d’organisation fondamental des génomes. »

Cette découverte lève le voile sur une grande inconnue de la génétique, à savoir comment une altération à un endroit du génome peut perturber l’expression de gènes situés à plusieurs dizaines, voire milliers de paires de bases.

Un dommage au sein d’une « pelote » peut en effet avoir des conséquences sur tous les gènes qu’elle contient. Alors cet agencement ne sensibilise-t-il pas plus la cellule qu’il ne la protège ? « Cette organisation permet de rapprocher plusieurs éléments distants pour les soumettre aux mêmes influences. Ainsi à certains moments du développement il devient possible d’orchestrer finement l’activité de gènes très éloignés sur le chromosome linéaire mais qui sont en réalité très proches dans le noyau de la cellule. » explique Elphège Nora. « Une seule mutation peut donc avoir des effets sur tout un groupe de gènes si elle affecte l’organisation d’une de ces « pelotes» chromosomique« .

« Le noyau d’une cellule est rempli de gènes et la cellule doit impérativement savoir à quel moment allumer ou éteindre ceux-ci, complète Job Dekker. En regroupant les gènes dans des pelotes qui les isolent, la cellule a trouvé une solution pour réguler de manière coordonnée des groupes de gènes sans interférer avec les autres. »

Le point de vue d’Edith Heard

L’organisation spatiale, un coupe-file à travers le chromosome

Copyright Noak/Le Bar Floreal/Institut Curie ; Edith Heard

© Noak/Le Bar Floreal/Institut Curie

« Ces principes ont été découverts en étudiant une portion essentielle du chromosome X, le centre d’inactivation (dont l’équipe d’Edith Heard est spécialiste). Grâce à la publication en parallèle de l’équipe de Bing Ren à l’Université de San Diego (Californie, Etats-Unis), nous pouvons extrapoler la nouvelle organisation que nous avons découverte sur le chromosome X à l’ensemble des chromosomes, non seulement chez la souris mais aussi chez l’humain.

Ainsi, au-delà de l’avancée fondamentale, ces études ouvrent de nombreuses perspectives pour la compréhension de certaines pathologies, comme les maladies génétiques. En effet, celles-ci sont dues à des mutations de la séquence d’ADN qui entraînent le dérèglement de l’activité de certains gènes. Or, il arrive que ces mutations ne se trouvent pas directement dans le gène déréglé, mais dans son voisinage chromosomique. Jusqu’alors, trouver cette mutation dans le chromosome relevait du problème de l’aiguille dans la botte de foin. Grâce à cette découverte, les recherches pourront maintenant être canalisées vers la portion du chromosome la plus susceptible d’interagir avec le gène déréglé, c’est-à-dire à la pelote chromosomique à laquelle il appartient. »

Note

(1) Les gènes sont les régions du génome qui dictent la composition des protéines

Sport/Activité physique et santé : quelles nouvelles données ?

Les Jeux Olympiques de Londres démarrent le 27 juillet prochain. A près de 100 jours de l’évènement l’Inserm vous propose de faire le point sur les recherches menées dans le domaine du sport et de la santé. 

Différentes recherches montrent depuis quelques années les bienfaits de l’activité physique pour la santé, dans le cas de la prévention de l’obésité ou chez des patients atteints de maladies chroniques, cardiovasculaires ou respiratoires notamment.

Qu’en est-il du sport de haut-niveau ? Il semble qu’il soit également associé à une bonne santé. Le sport de haut niveau et l’activité physique sont-ils deux déterminants influents vis-à-vis de la santé ?

Plusieurs équipes de recherche en France, spécialisées en épidémiologie, médecine du sport, cardiologie, physiologie, ou physique, explorent ces interactions entre sport, activité physique et santé.

Vous trouverez ci-après les contacts et projets détaillés de quelques-unes des équipes de l’Inserm impliquées, entre autres, dans les domaines suivants :

  • Influences de la performance sur la longévité et la mortalité
  • Rôle de l’athlète de haut-niveau en endurance comme modèle d’étude des malades respiratoires
  • Règles de l’entraînement au sport de compétition transposées à l’activité physique (notions de progression, développement des différentes filières énergétiques, régularité, variations des exercices, motricité, évaluation, etc.)
  • Sport et vieillissement
  • Spécificités cardiaques de l’athlète de haut-niveau

Nouveau gène impliqué dans les formes précoces de maladie d’Alzheimer

Un nouveau gène impliqué dans les formes précoces de maladie d’Alzheimer a été découvert par l’équipe de recherche de Dominique Campion de l’Unité Inserm 1079 « Génétique du cancer et des maladies neuropsychiatriques » à Rouen. Les chercheurs ont montré que dans 5 familles sur 14 de patients atteints, des mutations apparaissaient sur le gène SORL1. Ce gène régule la production d’un peptide impliqué dans la maladie d’Alzheimer. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Molecular Psychiatry datée du 3 Avril.

Des mutations génétiques précises ont été identifiées comme jouant un rôle dans les formes précoces d’Alzheimer. Toutefois, il existe une sous-population de malades qui ne possède aucune mutation sur ces gènes. Comment des patients, ne possédant pas ces mutations préétablies, peuvent-ils être atteints précocement de la maladie d’Alzheimer ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Dominique Campion et de Didier Hannequin  (Unité Inserm 1079 et Centre national de référence malades Alzheimer jeunes, CHU Rouen), a étudié les gènes de 130 familles atteintes de la forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Ces familles ont été identifiées par 23 équipes hospitalières françaises dans le cadre du plan « Alzheimer ». Parmi ces familles, 116 portaient des mutations sur les gènes déjà connus. En revanche pour les 14 familles restantes, aucune mutation sur ces gènes n’avait été observée.

L’étude du génome des patients des 14 familles, grâce aux nouvelles techniques de séquençage complet de leur ADN, a permis de mettre en évidence des mutations sur un nouveau gène SORL1. Le gène SORL1 code pour une protéine impliquée dans la production du peptide β-amyloïde. Cette protéine est reconnue pour affecter le fonctionnement des cellules du cerveau (cf encadré).

Deux des mutations identifiées sont responsables d’une sous-expression de SORL1,  laquelle a pour conséquence une augmentation de la production du peptide β-amyloïde.  « Les mutations observées sur SORL1 semblent contribuer au développement de la maladie précoce d’Alzheimer. Toutefois, il reste à mieux préciser la manière dont sont transmises ces mutations sur le gène SORL1 au sein des familles » précise Dominique Campion.

La maladie d’Alzheimer est l’une des principales causes de dépendance de la personne âgée. Elle résulte d’une dégradation des neurones dans différentes régions du cerveau. Elle se manifeste par une altération croissante de la mémoire, des fonctions cognitives ainsi que par des troubles du comportement conduisant à une perte progressive d’autonomie.

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par le développement dans le cerveau de deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l’accumulation extracellulaire d’un peptide, le peptide β amyloïde (Aβ), dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions intraneuronales provenant de l’agrégation anormale, sous forme de filaments, d’une protéine appelée protéine Tau.

Asthme : un vaccin efficace par injection intramusculaire

L’asthme est une maladie chronique inflammatoire et respiratoire causée par une réactivité anormale contre des allergènes de l’environnement. Parmi les nouvelles pistes actuellement en développement, la vaccination est l’une des approches prometteuses. Dans une publication à paraitre dans la revue Human Gene Therapy, les chercheurs de l’Inserm et du CNRS (« Institut du thorax » CNRS/Inserm/Université de Nantes) décrivent un vaccin novateur contre un des allergènes les plus rencontrés chez les patients asthmatiques. L’administration directe du vaccin dans le muscle d’une souris asthmatique grâce à un nanovecteur réduit significativement l’hypersensibilité à l’allergène et la réponse inflammatoire associée.

L’asthme allergique est une maladie respiratoire chronique affectant 300 millions de personnes dans le monde. Le nombre d’individus asthmatiques a doublé ces dix dernières années et près de 250 000 personnes meurent prématurément chaque année en raison de cette affection. Dans la majorité des cas, l’asthme est causé par une réactivité anormale à des substances de l’environnement appelées allergènes. D’un point de vue physiologique, cette hypersensibilité se traduit par une inflammation importante au niveau des bronches et des bronchioles des individus. Leur capacité à respirer correctement est alors altérée.

Le traitement actuel consiste à administrer des corticoïdes qui traitent les symptômes et suspendent temporairement la maladie sans toutefois la guérir. Un traitement alternatif et pérenne de l’asthme allergique est basé sur un protocole d’immunothérapie spécifique communément appelé « désensibilisation ». L’administration répétée de doses croissantes d’allergène vise à diminuer l’hypersensibilité et réduire les symptômes lors d’une exposition ultérieure. Néanmoins, l’efficacité de ce protocole reste limitée et très variable selon les patients.

Les chercheurs ont donc imaginé une technique de vaccination basée sur l’ADN de la substance allergisante. « Plutôt que d’administrer des extraits d’allergènes de manière répétée afin de diminuer la sensibilité, nous avons travaillé à partir de séquences d’ADN spécifiques (de l’allergène) responsables de l’allergieQuelques études ont montré le potentiel thérapeutique de cette stratégie mais il fallait trouver des techniques s’assurant de la faisabilité chez l’homme », explique Bruno Pitard, Directeur de l’équipe Innovations en Biothérapie de l’Institut du thorax (CNRS/Inserm/Université de Nantes). Le passage à l’homme exige effectivement que le traitement soit efficace à partir d’une faible dose d’ADN injectée.

Les chercheurs ont d’abord cherché à prouver l’efficacité de cette vaccination à base d’ADN contre l’allergène spécifique, Derf1, dans un modèle animal pertinent mis au point par l’Equipe Pathologies Bronchiques et Allergies dirigée par Antoine Magnan. En Europe, Dermatophagoides farinae 1 (Derf1) est en effet un allergène très commun véhiculé par l’acarien Dermatophagoides farinae. Plus de la moitié des patients allergiques aux acariens produisent des anticorps de type IgE spécifiques (Derf1) contre cette substance et caractéristiques de la maladie.

En pratique, les chercheurs ont associé les séquences génétiques d’intérêt de l’allergène Derf1 avec un nanovecteur constitué d’un polymère synthétique. Cette séquence d’ADN, transportée par une sorte de « taxi moléculaire » dans les cellules musculaires, assurant la synthèse protéique de l’allergène, a permis de moduler la réponse allergique aux acariens chez les animaux asthmatiques (1).

Le vaccin mis au point dans un modèle de souris saines a ensuite été optimisé dans un modèle de souris asthmatiques. Chez ces dernières il déclenche une fabrication d’anticorps spécifiques anti Derf1 et une réponse cellulaire spécifique de Derf1, orientant ainsi le système immunitaire vers une réponse non allergisante, protectrice lorsque l’allergène est rencontré. Les deux injections nécessaires et administrées à 3 semaines d’intervalle ont réduit de manière significative l’hypersensibilité des voies aériennes et les niveaux de cytokines inflammatoires qui étaient en revanche présentes dans les poumons de souris asthmatiques non vaccinées.

Ces nouveaux résultats valident tout le potentiel de ce nouveau nanovecteur pour la vaccination à ADN, et est en cours de développement préclinique réglementaire pour les futurs essais cliniques chez l’Homme.

Note
(1) Récemment, cette nouvelle classe de vecteur a aussi été utilisée pour traiter le carcinome hépatocellulaire (cf communiqué de presse du 9 septembre 2010) « Une bonne cible et un bon vecteur pour une stratégie d’immunothérapie efficace contre le cancer ! »

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