Menu

Un meilleur accès à l’éducation réduit les différences de capacités cognitives entre hommes et femmes

 Pour les femmes, l’accès aux études supérieures est associée à une amélioration de certains aspects cognitifs d’une génération à l’autre. © Adobe Stock

Les femmes âgées ont actuellement un risque plus élevé que les hommes de développer une démence, en particulier la maladie d’Alzheimer. Un phénomène qui pourrait s’expliquer en partie par des inégalités d’accès à l’éducation entre les hommes et les femmes pendant la première moitié du XXe siècle. Des chercheurs de l’Inserm et de Université de Paris, en collaboration avec University College London, montrent que certaines capacités cognitives se sont améliorées chez les femmes au cours des dernières générations, en association avec un accès plus important aux études supérieures. A plus long terme, ils estiment que les inégalités hommes/femmes face au risque de démence pourraient diminuer. Leur étude est parue dans The Lancet Public Health.

Les femmes âgées ont actuellement un risque 50% plus élevé que les hommes de développer une maladie d’Alzheimer. Plusieurs facteurs de risque pour cette maladie sont déjà bien connus comme les maladies cardiovasculaires, ou le niveau d’études. C’est à ce dernier que la chercheuse Inserm Séverine Sabia et l’équipe EpiAgeing du Centre de recherche épidémiologique et statistiques à Université de Paris se sont intéressées.

La génération actuelle des personnes très âgées est née dans les années 1920-1940. A cette époque, peu de femmes avaient accès aux études supérieures.

Cependant, à partir des années 60, les portes des universités se sont ouvertes plus largement et de façon plus égalitaire aux femmes, de sorte que le niveau d’études de ces dernières a fini par rattraper quasiment celui des hommes dans les pays développés. Séverine Sabia et ses collègues estiment que cette évolution pourrait réduire les différences hommes/femmes du risque de démence dans les années à venir.

Pour tester cette hypothèse, ils ont comparé les capacités cognitives au cours du vieillissement de femmes et d’hommes en fonction de leurs niveaux d’études sur plusieurs générations. Ces personnes faisaient partie de deux cohortes anglaises appelées ELSA (English Longitudinal Study of Ageing) et Whitehall II. Elles incluaient un total de 15.924 personnes issues de la population générale, nées entre 1930 et 1955. Les chercheurs ont réparti ces personnes en trois sous-groupes selon leur année de naissance (1930–38, 1939–45, et 1946–55). Le niveau d’études des différents participants était par ailleurs connu.

Pour chaque personne, deux composantes des fonctions cognitives ont été évaluées à plusieurs reprises au cours du suivi entre 1997 et 2015. D’abord la mémoire immédiate qui consiste à se souvenir d’une liste de mots tout juste entendus, puis la fluence c’est-à-dire la capacité à trouver ses mots, en nommant en une minute le plus d’animaux possibles. « C’est la première fois à ma connaissance qu’un travail de ce type s’intéresse aux trajectoires cognitives au cours du vieillissement chez les hommes et les femmes en association avec l’évolution du niveau d’études dans les générations successives », explique Séverine Sabia.

Dans les deux cohortes, le niveau d’études global était supérieur dans le groupe de personnes plus jeunes (nées entre 1946 et 1955) par rapport au groupe de personnes plus âgées (nées entre 1930 et 1938). De plus, la proportion de femmes ayant un niveau équivalent au baccalauréat a plus que doublé, passant de 14 à 33% (contre 36% et 54% pour les hommes).

Les données de cette étude suggèrent que les capacités de mémoire des femmes se sont améliorées ces dernières années. Elles étaient plus performantes que les hommes aux tests à tout âge et l’écart s’est encore creusé au sein de la génération la plus « jeune ». En ce qui concerne la fluence, les hommes faisaient mieux que les femmes dans le groupe de naissance 1930-38, mais cet écart s’est estompé chez les participants nés plus récemment et même inversé pour la génération née en 1946-55.

« A niveau d’études équivalent, les femmes ne sont absolument pas désavantagées par rapport aux hommes que ce soit dans le domaine de la mémoire ou de la fluence », clarifie Mikaela Bloomberg, première auteure de l’étude.

« Nous n’avons étudié que deux composantes de la fonction cognitive et il en existe davantage. Toutefois la tendance qui se dégage ici suggère une meilleure réserve cognitive chez les femmes nées plus récemment en partie grâce à un accès plus important aux études supérieures. Ceci pourrait se traduire à terme par une réduction des différences hommes/femmes dans le risque de démence dans les pays où l’accès à l’éducation est similaire quel que soit le sexe.

Ces résultats soulignent donc l’importance de l’accès à l’éducation pour tous afin de favoriser la santé au cours du vieillissement », conclut Séverine Sabia.

Covid-19 : Comprendre la réponse immunitaire précoce

 

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours

Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, les scientifiques font chaque jour des progrès notables pour mieux comprendre la transmission du coronavirus SARS-CoV-2 ainsi que la réponse immunitaire qu’il déclenche lors d’une infection. Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et Université de Paris, en collaboration avec la Rockefeller University à New-York, apportent de nouvelles données concernant les étapes très précoces de la réponse immunitaire. Les résultats sont publiés dans le Journal of Experimental Medicine.

Comprendre la réponse immunitaire anti-SARS-CoV-2 est une étape essentielle dans l’identification des sujets à risque de maladie Covid-19 grave et dans la mise en place de stratégies thérapeutiques efficaces. Si de nombreuses études ont été réalisées chez des patients à des stades avancés de l’infection, lorsqu’ils présentent déjà des signes de gravité, les étapes très précoces de la réponse immunitaire contre le virus demeurent en grande partie inconnues.

Grâce à une collaboration étroite entre les équipes Inserm d’Ali Amara, virologue, et Vassili Soumelis, immunologiste à l’Institut de Recherche Saint-Louis (Université de Paris/Inserm/AP-HP), une étude publiée dans le Journal of Experimental Medicine a pu caractériser la réponse immunitaire innée[1] dans les 24 à 48h suivant un contact avec le virus SARS-CoV-2.

Les chercheurs ont utilisé des cellules immunitaires appelées « plasmocytoïdes pré-dendritiques » comme modèle de cellules immunitaires innées jouant un rôle essentiel dans l’immunité antivirale en produisant de grandes quantités d’interféron-alpha[2].

Ils ont reconstitué la réponse immunitaire précoce au virus en mettant en contact ces cellules modèles avec des souches primaires de SARS-CoV-2 isolées à partir de patients atteints de Covid-19.

L’analyse de cette réponse reconstituée in vitro a permis de montrer que le SARS-CoV-2 induisait une activation efficace et complète des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques. Celles-ci produisaient alors des quantités importantes d’interféron-alpha (première ligne de défense contre les virus) et se différenciaient en cellules dendritiques capables d’activer les lymphocytes T (qui correspondent aux cellules de l’immunité spécifique). Les chercheurs ont par ailleurs pu montrer que cette activation des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques était partiellement inhibée par l’hydroxychloroquine, ce qui inciterait à la prudence dans l’utilisation de cette molécule.

Dans une deuxième partie du travail, les équipes ont collaboré avec l’équipe de Jean-Laurent Casanova de l’Institut Imagine (Inserm/université de Paris/AP-HP) et de la Rockefeller University à New-York, enfin d’étudier la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques issus de patients présentant des déficits génétiques pour certains gènes importants de l’immunité innée. L’objectif était de préciser les mécanismes moléculaires intervenant dans la réponse de ces cellules immunitaires au SARS-CoV-2.

Ces expériences effectuées à partir de prélèvements directement obtenus des patients ont montré que la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques est dépendante des molécules UNC93B et IRAK-4, deux molécules importantes de l’immunité innée antivirale. L’ensemble de ce travail permet de préciser la réponse immunitaire précoce au virus SARS-CoV-2 ainsi que certains de ses déterminants moléculaires.

L’étude suggère que le système immunitaire est naturellement armé pour répondre au SARS-CoV-2 et que des défauts dans la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques, notamment dans la production précoce d’interféron-alpha, pourraient contribuer à l’évolution de l’infection vers une forme grave.

 

[1] L’immunité innée constitue la première barrière de défense de l’organisme. Elle est déclenchée dès que l’organisme est exposé à une bactérie ou un virus (par exemple le SARS-CoV-2). Les cellules de l’immunité innée peuvent contribuer à détruire totalement les microbes détectés ou les présenter aux mécanismes de l’immunité acquise pour faciliter leur destruction par des mécanismes spécifiques (lymphocytes T et B)

[2] Les interférons sont des cytokines (protéines) dont la production est induite suite à une infection virale, une infection bactérienne, une infection parasitaire ou à la présence de cellule tumorales. Leur fonction principale est d’interférer avec la réplication virale, mais ils ont également une action antibactérienne, antiproliférative et d’activation d’autres cellules immunitaires.

Discovery arrête de tester le Remdesivir contre la Covid-19, faute de preuves de son efficacité

© hal-gatewood-AypaEmWVH8I-unsplash

L’essai clinique Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles contre la Covid-19. Son expansion européenne a été rendue possible par le projet EU-RESPONSE[1] financé par la Commission européenne (voir détails dans l’encadré ci-dessous). Le 13 janvier 2021, les comités de surveillance des données et de la sécurité (DSMB) de l’essai ont évalué toutes les données d’un rapport intermédiaire basé sur 776 patients dont 389 avaient reçu du Remdesivir et 387, des soins standard. L’efficacité du traitement a été évaluée après 15 jours et mesurée sur l’échelle de référence de l’OMS. À la suite de cette évaluation, le DSMB a recommandé de suspendre le recrutement des patients dans le bras thérapeutique testant le Remdesivir.

Cette recommandation était basée sur le manque de preuves de l’efficacité du Remdesivir après 15 jours et sur une très faible probabilité de conclure avec l’inclusion de participants supplémentaires. Il n’y avait également aucune preuve de l’efficacité du traitement au jour 29, ni à partir des résultats d’une analyse limitée aux participants à risque modéré au jour 15. Cette recommandation a été approuvée par le comité directeur de Discovery Europe.

Les chercheurs de Discovery consolident désormais les données sur tous les participants inclus dans l’étude clinique afin de publier leurs résultats scientifiques détaillés dans une revue scientifique à comité de lecture.

L’essai de Discovery Europe se poursuivra dans 80 centres de 14 pays européens afin d’évaluer une combinaison de deux anticorps monoclonaux ciblés sur le virus SARS CoV2. Outre le déploiement de vaccins, il reste primordial de trouver de nouveaux médicaments et de fournir des preuves solides de leur efficacité sur les patients touchés par la Covid-19.

L’essai Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles pour la Covid-19. Un accord a été signé avec l’essai Solidarité de l’OMS afin qu’il devienne un essai complémentaire de Solidarité. Discovery fait désormais partie du projet EU-RESPONSE (Discovery Europe), financé par Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’UE. Il s’agit d’un essai multicentrique adaptatif randomisé pour l’évaluation de l’efficacité clinique et virologique, ainsi que de la sécurité, d’un traitement candidat par rapport à la norme de soins chez des patients adultes hospitalisés pour la Covid-19. La première série de traitements testés a comporté le lopinavir/ritonavir, le lopinavir/ritonavir plus IFN–1a, l’hydroxychloroquine et le remdesivir. Le principal critère d’évaluation est l’état clinique des patients au jour 15, mesuré sur l’échelle ordinale à 7 points de l’OMS.

En juin 2020, les DSMB de Solidarité ont recommandé d’arrêter le bras hydroxychloroquine pour cause de futilité et les deux bras contenant du lopinavir/ritonavir pour cause de futilité et de sécurité. En juillet 2020, la poursuite de l’évaluation du remdesivir, médicament approuvé pour une autorisation de mise sur le marché conditionnelle dans l’Union européenne, avait été jugé importante pour disposer de plus de données pour évaluer pleinement son efficacité.

[1] https://cordis.europa.eu/project/id/101015736

À l’Inserm, la lutte contre la pandémie de Covid-19 se poursuit

 

Cellules infectées par le SARS-CoV-2. ©Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, Inserm – Université de Tours

Apparu en décembre 2019 à Wuhan, au centre de la Chine, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 s’est très rapidement propagé à l’ensemble de la planète, entraînant la pandémie la plus grave de notre histoire récente. Dès le début de cette crise sanitaire mondiale, l’Inserm s’est mobilisé en tant qu’acteur de premier plan de la recherche biomédicale en France et à l’étranger, grâce à l’implication de ses nombreux experts sur des sujets liés aussi bien à la recherche fondamentale qu’à la thérapeutique ou à la modélisation de l’épidémie.

Un an après le début de la pandémie, alors que la plupart des pays initient leur campagne de vaccination et que l’émergence de variants ayant une incidence sur la transmission du virus marquent une nouvelle étape dans la lutte contre la Covid-19, les efforts de recherche à l’Inserm permettent chaque jour de nouvelles avancées dans la compréhension de la maladie, des facteurs de risque, de la dynamique de l’épidémie mais aussi une amélioration de la prise en charge et de la prévention.

La majorité des travaux publiés ont reçu un financement du fond d’amorçage du consortium REACTing, désormais intégré au sein de l’ANRS maladies infectieuses émergentes, la nouvelle agence créée au 1er janvier 2021. Ils concernent aussi bien la recherche fondamentale que la recherche thérapeutique et vaccinale, ou encore l’épidémiologie. De grandes cohortes ont par ailleurs été mises en place pour collecter des données de qualité permettant de répondre à des interrogations scientifiques capitales.

Jamais la mission portée par l’Inserm, la science pour la santé, n’a été aussi cruciale. Alors que de nombreuses questions restent en suspens, l’institution et ses chercheurs continuent à travailler, en collaboration avec leurs partenaires nationaux et internationaux, pour faire avancer les connaissances et éclairer les décisions publiques et la société en s’appuyant sur une recherche d’excellence alliant rigueur, transparence et éthique.

 

1. Les cohortes Covid-19, outil indispensable pour consolider les connaissances scientifiques en temps de pandémie

Les cohortes sont des groupes constitués d’un ensemble de personnes suivies individuellement dans le temps. Leur mise en place a pour objectif d’identifier la survenue d’événements de santé d’intérêt pour la recherche clinique ainsi que des facteurs de risque ou de protection. Elles constituent donc un instrument de référence pour la recherche épidémiologique et la santé publique.

En pleine pandémie, la constitution de larges cohortes de patients ou d’individus potentiellement à risque d’être exposés au virus permet aux scientifiques d’avoir accès rapidement à des données cliniques, biologiques et environnementales nombreuses, robustes et variées. Les équipe de recherche peuvent ainsi s’appuyer sur ces cohortes pour répondre à des interrogations scientifiques diverses, concernant aussi bien l’immunité, les facteurs de risque, l’efficacité des traitements, l’évolution et les symptômes de la maladie Covid-19 que l’impact socioéconomique ou encore psychologique de l’épidémie et des mesures de confinement sur les populations.

En France, plusieurs cohortes pilotées par l’Inserm ont été mises en place dès le début de la pandémie de Covid-19. En voici l’avancement sur quelques exemples non exhaustifs.

 

French Covid

Lancée fin janvier 2020, French Covid est une étude de cohorte française promue par l’Inserm. Elle repose sur le suivi d’un large groupe de patients ayant développé une forme clinique de la maladie qui nécessitait une hospitalisation, soit dans un service de médecine soit en réanimation. Au 20 janvier 2021, 4 300 patients avaient été inclus dans cette cohorte, la plus large cohorte française à l’heure actuelle de patients hospitalisés pour une infection par le SARS-CoV-2.

L’objectif est d’accumuler des connaissances sur la maladie Covid-19 et notamment sur les formes les plus graves, afin d’améliorer la prise en charge dans les cas où l’hospitalisation s’impose. La coordination de la cohorte est aujourd’hui confiée au Pr Jade Ghosn, chercheur au sein de l’unité 1137 IAME (Inserm/Université de Paris) et médecin infectiologue à l’hôpital Bichat AP-HP à Paris, en collaboration avec le Pr Catherine Chirouze, également infectiologue, au CHU de Besançon.

En plus des données cliniques et virologiques, des données immunologiques, génétiques, sérologiques, transcriptomiques sont collectées pour chaque participant afin de mieux caractériser la maladie et de définir le devenir des patients à court et à long terme (suivi jusqu’à 6 mois après le diagnostic).

Une étude fondée sur les données des premiers patients inclus avant le 15 mars 2020 a déjà été publiée en octobre 2020 dans The Journal of Medical Virology pour rendre compte de la mortalité dans la cohorte et des facteurs qui y étaient associés. Elle sera prochainement complétée par un article dans le journal PNAS portant sur le lien entre la dynamique de la charge virale et l’évolution de la maladie au cours du temps (mortalité).

Plusieurs groupes de recherche partenaires s’appuient également sur les données issues de French Covid pour mener leurs travaux, portant par exemple sur les facteurs génétiques associés aux formes graves de la maladie. Ainsi en septembre, deux publications dans la revue Science ont décrit les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15 % des formes graves de Covid-19. Elles soulignaient notamment que ces patients présentaient un défaut d’activité des interférons de type I (des protéines impliquées dans la réponse immunitaire).

D’autres travaux sont également menés à partir de la cohorte pour analyser l’impact de certains traitements (corticoïdes et hypertenseurs notamment) sur l’évolution des patients ou la persistance de séquelles. Enfin, les données de sérologie des participants ont aussi été utilisées afin de tester et de mettre au point de nouveaux tests de dépistage. Ainsi, une étude parue en décembre 2020 s’appuyant à la fois sur French Covid et sur la cohorte CoV-Contact (voir ci-après) a montré que l’identification d’un marqueur spécifique du virus dans les échantillons sanguins offrait une alternative intéressante de dépistage du virus.

Enfin, alors que les 1 000 premiers patients inclus dans la cohorte French Covid viennent d’atteindre les six mois de suivi, les chercheurs souhaitent désormais se pencher plus précisément sur la problématique de la persistance de certains symptômes à long terme.

French Covid est intégrée au consortium ISARIC basé à Oxford qui regroupe les données de plus de 100 000 patients à travers le monde et dont le but est de prévenir et de mieux comprendre les maladies infectieuses émergentes. À ce titre, ces données sont analysées dans le cadre de travaux de recherche internationaux publiés par ISARIC. Elle fait aussi partie du projet européen Orchestra (voir ci-après) et a reçu le label « priorité nationale de recherche » du comité CAPNET.

 

CoV-Contact

La cohorte CoV-Contact est une cohorte portant sur 300 à 350 personnes. Elle vise à mieux connaître les facteurs individuels associés au développement de la maladie Covid-19, après une exposition à risque de transmission du virus SARS-CoV-2. Dans ce but, des prélèvements à visée virologique et génétique sont réalisés sur les participants.

En septembre 2020, une étude parue dans Médecine et maladies infectieuses s’appuyant sur la cohorte CoV-Contact a évalué l’évolution clinique, virologique et immunologique à la suite d’un contact à risque non protégé avéré et daté parmi les professionnels de santé.

Elle a montré que la proportion des professionnels de santé infectés à la suite d’un contact professionnel à risque est très élevée et qu’un quart de ces infections sont asymptomatiques.

 

EpiCoV

La cohorte EpiCoV s’appuie sur un échantillon représentatif de 135 000 personnes sélectionnées par l’Insee pour représenter toute la diversité de la population vivant en France.

Porté par l’Inserm et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Solidarités et de la Santé, en lien avec leurs partenaires (Insee, Santé publique France, CNRS, Ined, Université Paris-Saclay), le projet EpiCOV est une large étude épidémiologique, adossée à une grande enquête statistique, proposant de fournir une cartographie globale et scientifiquement fiable du statut immunitaire de la population et de sa dynamique, sur l’ensemble du territoire, via la collecte d’échantillons biologiques (auto-prélèvement d’une goutte de sang sur un papier buvard) couplée à des questionnaires.

L’objectif est de renseigner sur la diffusion du virus dans la population mais aussi sur les conséquences de l’épidémie sur le quotidien, les problématiques socioéconomiques et la santé des individus.

Les résultats de la première campagne d’interrogation, fondée sur 135 000 réponses aux questionnaires rempli en mai 2020 ainsi que sur 12 000 analyses sérologiques réalisées sur les prélèvements envoyés par les participants, témoignent de la situation en France au printemps.

En France métropolitaine, 4,5 % des personnes de 15 ans ou plus avaient été en contact avec le virus en mai 2020. Cette part est plus importante parmi les 30-49 ans, dans les communes les plus densément peuplées et pour les personnes habitant dans des logements surpeuplés.

Une nouvelle campagne de questionnaires a été lancée à l’automne, afin d’assurer un suivi de l’évolution de la situation sanitaire au fil des mois.

 

Sapris

Sapris est une large enquête pilotée par l’Inserm qui s’appuie sur les grandes cohortes épidémiologiques françaises Constances, E3-E4N, NutriNet-Santé et Elfe-Epipage2. Elle vise là aussi à mieux comprendre la diffusion du virus dans la population et les conséquences de la pandémie sur la vie des individus.

Via un questionnaire en ligne, l’enquête coordonnée par Nathalie Bajos, sociologue-démographe et directrice de recherche Inserm, vise à évaluer l’évolution du nombre de personnes atteintes, les modes de transmission de la maladie, sa sévérité, les caractéristiques cliniques et les facteurs de risque d’infection et de complication, les conséquences sociales, économiques et psychologiques du confinement, mais aussi le recours au système de santé et la prise en charge.

Les grandes cohortes nationales sur lesquelles s’appuient les investigateurs de Sapris constituaient déjà une mine d’informations sur la santé, le mode de vie et le contexte social des participants. En s’appuyant sur toutes ces données déjà disponibles et en proposant des questionnaires axés sur la Covid-19 et son impact, ces cohortes françaises permettent de mieux appréhender l’évolution de l’épidémie.

L’étude Sapris comprend également un volet sérologique (le projet Sapris-Sero), s’intéressant aux échantillons biologiques de 14 600 participants interrogés pendant le premier confinement, sous la responsabilité de Fabrice Carrat, spécialiste en épidémiologie des virus, en coresponsabilité avec les responsables des cohortes participant à Sapris.

Les premiers résultats parus à l’automne 2020 suggèrent une proportion de tests positifs nettement plus élevée chez les personnes ayant présenté des symptômes évocateurs de Covid-19, comme les scientifiques en avaient fait l’hypothèse. Toutefois, 20 % des participants testés positifs n’ont présenté aucun symptôme.

 

Lancement de projets européens de grande ampleur s’appuyant sur des cohortes

Orchestra

Ce projet de recherche européen, lancé en décembre 2020 pour une durée de trois ans sous la direction de la chercheuse Evelina Taccinelli à l’université de Vérone, a pour objectif de créer une grande cohorte pan-européenne, regroupant des cohortes déjà existantes dans 15 pays, dont la France. Vingt-six institutions de recherche sont impliquées dont l’Inserm.

Bénéficiant d’un financement de plus 20 millions d’euros dans le cadre du programme de recherche et d’innovation européen Horizon 2020, le projet Orchestra vise à mettre en œuvre un suivi à long terme de milliers de personnes de tout âge, ayant été infectées ou non par le SARS-CoV-2, pour répondre à plusieurs questions de recherche qui persistent et pour guider les politiques publiques mises en place en réponse à la pandémie en Europe.

En s’appuyant sur les données collectées dans les cohortes des pays participants, la communauté scientifique souhaite en effet accroître les connaissances pour mieux protéger les populations les plus vulnérables et réduire les risques pour les soignants, étudier l’impact à long terme de la Covid-19 sur la santé et le bien-être des individus, mieux comprendre comment les populations répondent à la vaccination et enfin analyser l’influence de facteurs socioéconomiques et environnementaux sur la diffusion de l’épidémie.

Côté français, French Covid, Cov-Contact et Epicov sont incluses dans cette grande cohorte internationale : les informations collectées auprès des participants viendront donc alimenter cette grande base de données et soutenir les efforts de recherche à l’international, ainsi que la décision publique au niveau européen.

Respond

Il s’agit de l’un de quatre projets sélectionnés par l’Union européenne pour étudier les effets de la pandémie à long terme sur la santé et sur le comportement des personnes. Quatorze partenaires européens, dont l’Inserm via l’implication de la chercheuse Maria Melchior et de ses équipes, collaboreront avec l’OMS pour investiguer les effets des confinements sur le bien-être et la santé mentale des individus au cours des trois prochaines années.

Les chercheurs s’appuieront pour cela sur les données de grandes cohortes internationales ainsi que sur des registres de santé accessibles en Suède, en Italie et en Espagne. L’objectif est également d’étudier les liens qui existent entre respect des mesures de confinement et certaines caractéristiques spécifiques aux individus (par exemple le lien entre détresse psychologique et respect des mesures de restriction).

Par ailleurs, les équipes s’intéresseront à l’efficacité de programmes mis en place par l’OMS pour réduire les problèmes d’anxiété et de dépression pendant la crise sanitaire, en se penchant tout particulièrement sur certains groupes plus « vulnérables » comme les soignants, les jeunes, les migrants, les personnes ayant perdu leur emploi et/ou en situation précaire.

 

2. Actualités de la rentrée : de nouveaux travaux pour accroître les connaissances scientifiques

 

Alors que la lutte contre la pandémie se poursuit dans les laboratoires de recherche et dans les hôpitaux, de nombreux projets ont connu ces derniers mois des avancées significatives. En ce début d’année, plusieurs équipes Inserm dévoilent de nouveaux résultats, concernant des aspects de recherche fondamentale mais aussi de prise en charge des patients ou encore l’impact de la pandémie sur la société.

Évaluer l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur la santé et la vie sociale des jeunes adultes

Au début de la pandémie de Covid-19, l’attention publique a été portée sur les personnes âgées, considérées comme plus vulnérables car plus à risque de développer des formes graves de la maladie. D’abord absents dans le débat public, les jeunes adultes ont été rapidement stigmatisés en raison de préjugés quant à leur irresponsabilité face à la pandémie durant l’été.

Afin de documenter la manière dont la pandémie de Covid-19 affecte la santé et la vie sociale des jeunes adultes (18-29 ans), un consortium de recherche regroupant des chercheurs français et canadiens s’est alors constitué entre l’Inserm (Marie Jauffret-Roustide, sociologue, PI) et l’université de Colombie-Britannique à Vancouver (Rod Knight, chercheur en santé publique PI ; Pierre-julien Coulaud, coordinateur scientifique ; et Naseeb Bolduc, coordinatrice opérationnelle).

Menée grâce à un premier financement de l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC), cette recherche intitulée Focus (pour France-Canada Observatory on Covid-19, Youth health and Social well-being) a été impulsée afin de documenter l’impact de la pandémie sur la santé mentale, les conduites addictives, la santé sexuelle et la vie sociale et économique des jeunes adultes.

L’enquête Focus s’articule autour de deux volets complémentaires impliquant la mise en place d’une enquête en ligne (volet quantitatif) et la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès des jeunes (volet qualitatif). Le volet quantitatif de la recherche mené entre octobre et décembre 2020 a permis à près de 4 000 jeunes dans chaque pays de partager leurs expériences sur les six mois précédant l’enquête.

 

Cette enquête s’inscrit aussi dans une démarche de recherche participative par la mise en œuvre d’un conseil de jeunes adultes qui aide à mieux orienter et à adapter les travaux de recherche. Crédit : Adobe Stock

Les premières analyses montrent qu’une large majorité des jeunes adultes interrogés rapportent appliquer les gestes barrières (par exemple 86 % respectent le port du masque et 91 % se lavent régulièrement les mains) et viennent ainsi contredire les stéréotypes concernant leur irresponsabilité. Elles démontrent également que la pandémie affecte très fortement la santé des jeunes, et particulièrement leur santé mentale. Près de 3 jeunes sur 4 ont déclaré éprouver un sentiment de solitude, 66 % sont très anxieux et la moitié des jeunes interrogés (48 %) présentent des symptômes dépressifs modérés à sévères.

Ces données seront complétées par la réalisation d’entretiens sociologiques afin de mieux appréhender le vécu des jeunes et d’identifier les mesures urgentes à mettre en place pour améliorer leur bien-être et leur situation sociale et économique.

Cette enquête s’inscrit aussi dans une démarche de recherche participative par la mise en œuvre d’un conseil de jeunes adultes qui aide à mieux orienter et à adapter les travaux de recherche.

Une deuxième vague d’enquête est prévue au printemps 2021 et devrait permettre, grâce à des financements complémentaires, de construite une cohorte de jeunes adultes en France et au Canada afin d’étudier les effets à moyen et long terme de la pandémie de Covid-19 sur leurs trajectoires de vie et leur santé dans deux contextes sociopolitiques et économiques spécifiques. Elle est le reflet d’une collaboration internationale fructueuse entre l’Inserm et l’université de Colombie-Britannique.

 

 

Pour en savoir plus sur la recherche Focus :

https://theconversation.com/irresponsables-ego-stes-negligents-en-finir-avec-les-stereotypes-sur-les-jeunes-et-la-covid-19-150854

https://focus-covid19.med.ubc.ca/

https://cihr-irsc.gc.ca/f/52195.html

Contact chercheur

Marie Jauffret-Roustide

 Sociologue, chargée de recherche Inserm, Cermes3

rf.mresni@editsuor-terffuaj.eiram

 

Mieux comprendre le cycle infectieux du virus

L’équipe de Philippe Roingeard à Tours s’attelle depuis le début de la pandémie à mieux comprendre la biologie fondamentale du SARS-CoV-2. À l’origine de photos du virus en microscopie électronique, les chercheurs se sont intéressés, dans une nouvelle étude parue dans Cellular and Molecular Life Science, aux étapes précoces et tardives du cycle infectieux.

Il s’agit de la première étude à se pencher de manière aussi minutieuse et détaillée sur le comportement du virus dans les cellules au cours du temps, en s’appuyant sur des techniques de microscopie électronique.

 

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. Crédit : Sébastien Eymieux, Philippe Roingeard, Inserm/Université de Tours

L’étude, réalisée en collaboration avec l’institut Pasteur de Lille et le CIRI à Lyon, ouvre des pistes pour mieux comprendre les interactions entre le virus et les cellules. S’il était déjà clair que le SARS-CoV-2 induit des remaniements membranaires qui lui servent à ancrer ses complexes de réplication[1] dans les membranes afin de se protéger de la réponse immunitaire cellulaire, les chercheurs montrent comment ces remaniements s’opèrent. L’équipe rend compte de ces modifications structurales de la cellule qui interviennent à un stade très précoce de l’infection par le virus pour mieux comprendre comment le cycle infectieux se met en place, et à plus long terme pour identifier des stratégies permettant de bloquer ce processus.

L’étude montre aussi, pour la première fois, que lors des étapes tardives du cycle infectieux, des virus s’accumulent dans des grandes vacuoles intracellulaires. Les conséquences de ce phénomène ne sont pas encore bien comprises, mais cette accumulation pourrait être associée à la pathogénicité de la maladie.

Les chercheurs souhaiteraient désormais étudier le cycle infectieux dans d’autres types cellulaires, par exemple des cellules du tractus respiratoire, plus pertinentes pour la physiologie de l’infection, afin de confirmer leurs observations.

[1] Complexes enzymatiques intervenant dans la réplication du virus

Contact chercheur

Philippe Roingeard

U1259 MAVIVH
Université de Tours

rf.sruot-vinu.dem@draegnior

 

Le SARS-CoV-2 à l’assaut des neurones 

L’infection par le virus SARS-CoV-2 est connue pour être caractérisée par des atteintes respiratoires importantes. Toutefois, des symptômes neurologiques ont également très rapidement et régulièrement été rapportés chez les patients. Ces symptômes vont des maux de tête aux pertes de mémoire et à la perte d’odorat en passant par des manifestations cliniques plus sévères comme des pertes de conscience et des AVC.

Dès le printemps 2020, Karen Richie, directrice de recherche émérite à l’Inserm, alertait sur les risques posés par le virus sur le cerveau et la moelle épinière dans une revue de littérature publiée dans Brain Communications. Elle et ses collègues y apportaient des pistes pour mieux appréhender le lien entre cerveau, difficultés psychiatriques et neurologiques, et épidémie de coronavirus.

Néanmoins, si des travaux expérimentaux ont souligné que des traces d’ARN du virus ont été retrouvées dans le cerveau de patients décédés de la Covid-19 et des protéines virales dans certaines cellules de leur bulbe olfactif, la capacité du virus à infecter les cellules du cerveau et les conséquences possibles n’avaient pas été démontrées jusqu’alors.

C’est l’objet d’une nouvelle étude publiée le 12 janvier 2021 dans le Journal of Experimental Medicine. En collaboration avec l’université de Yale aux États-Unis, des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne université et du CNRS à l’Institut du cerveau ainsi que de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP ont utilisé trois approches différentes pour étudier l’infection dans le cerveau : des cultures de cellules cérébrales en 3D, un modèle murin d’infection au SARS-CoV-2 et des tissus cérébraux de patients décédés de la Covid-19.

 

Photo en 3D par imagerie en feuillet de lumière de la présence du virus dans les neurones du bulbe olfactif. Crédit : Inserm/Nicolas Renier

Leurs résultats confirment le tropisme cérébral du SARS-CoV-2 et sa capacité à infecter les neurones. Ils suggèrent également que les symptômes neurologiques observés dans la Covid-19 pourraient être une conséquence de cette atteinte directe du système nerveux central.

Ces recherches doivent à présent se poursuivre pour identifier précisément la voie empruntée par le virus pour entrer dans le cerveau et confirmer le lien entre les changements cellulaires observés au niveau des neurones et les symptômes neurologiques rapportés.

Contact chercheur

Nicolas Renier

Chercheur Inserm à l’ICM

gro.etutitsni-mci@reiner.salocin

 

Un meilleur pronostic vital des patients en réanimation 

Parmi les facteurs associés à un risque plus élevé de décès chez les patients infectés par le SARS-CoV-2 figurent l’âge et un faible nombre de lymphocytes circulants. Une lymphopénie[1] importante causée par l’infection virale est en effet fréquemment observée chez les patients atteints de Covid-19 sévère et des modifications des lymphocytes T antiviraux ont été corrélées avec la sévérité de la Covid-19.

Dans une étude publiée début janvier dans la revue Critical Care, l’équipe des chercheurs Inserm Rémi Cheynier et Stefano Marullo à l’institut Cochin (Paris) en collaboration avec des cliniciens de la clinique Ambroise-Paré (Neuilly-sur-Seine) ont mené une étude chez des patients hospitalisés en réanimation pour forme grave de Covid-19 avec atteinte pulmonaire. Ils se sont intéressés au thymus, l’organe producteur des lymphocytes T (un type de globule blanc), dont le rôle dans ces formes sévères de Covid-19 n’avait pas encore bien été documenté.

 

Une réactivation de la fonction du thymus est observée chez une majorité des patients survivant d’une Covid-19 sévère. Crédits : Rémi Cheynier.

En utilisant des scans pulmonaires sur 88 patients (dont 50 patients Covid et 37 patients témoins), les scientifiques ont systématiquement cherché à caractériser le degré d’hypertrophie du thymus[2]. Ils ont identifié une hypertrophie de cet organe chez de nombreux patients. Celle-ci s’accompagnait d’une production accrue de lymphocytes T, permettant de compenser la lymphopénie engendrée par le virus. Grâce à sa capacité à se réactiver et à produire massivement de nouvelles cellules T lors d’infections systémiques comme l’infection par le SARS-CoV-2, le thymus participe donc à la réponse immune antivirale. Un thymus hypertrophié est associé à un meilleur pronostic chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs pour Covid-19.

Une analyse scanner systématique du thymus permettrait de mieux évaluer les risques de développement d’une forme sévère de la maladie chez les patients hospitalisés pour Covid-19.

[1] Nombre anormalement faible de lymphocytes dans le sang

[2] L’hypertrophie thymique correspond à un développement anormal du thymus qui le fait enfler.

Contact chercheur

 Rémi Cheynier

Chercheur Inserm à l’institut Cochin

 rf.mresni@reinyehc.imer

 

Les engelures, dommages collatéraux d’une immunité performante

Les engelures sont des atteintes cutanées douloureuses qui apparaissent en réaction au froid. Dues à des troubles de la microvascularisation cutanée, elles se manifestent par des doigts rouges ou violacés, avec parfois la présence de petites cloques pouvant prendre un aspect nécrotique. Une fréquence inédite de consultations pour engelures a été rapportée en Italie puis en France dès le début de la pandémie de Covid-19.

Afin d’évaluer leurs liens avec l’infection par le SARS-CoV-2, une équipe de chercheurs menée par Thierry Passeron (unité 1065 Inserm/Université de Nice Sophia Antipolis) a mis en place une étude auprès des personnes reçues par la cellule Covid du CHU de Nice entre le 9 et le 17 avril et qui présentaient ce type de lésions. Au cours de cette période, 40 patients souffrant d’engelures ont été accueillis. Aucun d’entre eux n’avait présenté une forme grave de Covid-19 et la plupart étaient jeunes (âge médian de 22 ans). S’ils avaient tous été cas contacts ou suspectés d’être infectés par le SARS-CoV-2 dans les 3 semaines précédant la consultation, le résultat de la recherche du virus au niveau nasopharyngé (PCR) était négatif pour l’ensemble de ces patients, et une sérologie positive n’a été retrouvée que chez un tiers d’entre eux.

En analysant ces chiffres, si la causalité entre les lésions cutanées et le SARS-CoV-2 n’est pas démontrée, elle est malgré tout fortement suspectée par les scientifiques, notamment parce que le nombre de patients présentant des engelures à cette époque de l’année dans cette région du sud de la France est particulièrement surprenant. 

Se fondant sur les données biologiques et cliniques des patients concernés – leur âge plutôt jeune, la rareté de leurs symptômes associés à la Covid-19 ou encore la négativité des tests PCR et sérologiques –, les chercheurs estiment que les engelures sont la conséquence d’une immunité innée particulièrement efficace. Si les formes graves de Covid-19 semblent liées à un défaut de l’immunité adaptative, qui rend impossible une production suffisante de cellules et d’anticorps spécifiques du SARS-CoV-2, les engelures seraient à l’inverse l’illustration d’une surréaction de l’immunité innée. Cette diversité de réponses reposerait sur des variants génétiques associés à l’activité des médiateurs de l’immunité. Plus d’informations sur cette étude sur le site Inserm.fr.

Contact chercheur

Thierry Passeron

 Unité 1065 – Centre méditerranéen de médecine moléculaire

rf.ecinu@noressap.yrreiht

 

Repositionnement thérapeutique d’un hypertenseur

Dans le cadre du consortium REACTing coordonné par l’Inserm, l’équipe Virpath, codirigée par les chercheurs Inserm Manuel Rosa-Calatrava et Bruno Lina au Centre international de recherche en infectiologie (Inserm/CNRS/Université Claude-Bernard-Lyon 1/ENS Lyon), travaille au repositionnement de médicaments déjà disponibles sur le marché en vue de nouvelles indications thérapeutiques contre les infections virales. Pour tester l’efficacité thérapeutique de ces molécules contre le SARS-CoV-2, l’équipe a développé et caractérisé des modèles précliniques prédictifs d’infections virales.

Pour être au plus proche de la physiologie humaine, elle utilise des épithéliums respiratoires humains d’origine nasale, bronchique ou alvéolaire cultivés en interface air-liquide. Elle a déjà montré dans ces modèles l’intérêt du diltiazem, un antihypertenseur utilisé dans le traitement de l’angine de poitrine. Celui-ci a déjà été caractérisé et repositionné par les chercheurs de VirPath afin de stimuler fortement la réponse immunitaire innée des épithéliums respiratoires, notamment contre les virus influenza, les pneumovirus et le SARS-CoV-2.

Plus récemment, à partir de modèles animaux, les chercheurs en collaboration avec les équipes de l’IDMIT ont pu confirmer le mode d’action de ce traitement sur le SARS-CoV-2 : le diltiazem stimule l’expression des gènes des interférons de type 3, des protéines impliquées dans la réponse immunitaire et qui ne sont pas associées à de hauts niveaux d’inflammation. Fort de ces résultats encourageants, une nouvelle étude préclinique devrait démarrer en février avec l’objectif de confirmer l’intérêt du diltiazem et de caractériser les doses efficaces optimales dans l’optique de mettre en place un éventuel essai chez l’Homme.

Contact chercheur

Manuel Rosa-Calatrava

Chercheur Inserm au CIRI

rf.1noyl-vinu@avartalac-asor.leunam

Un recours aux traitements de l’infertilité de plus en plus tardif

Embryon humain à huit cellules observé 72 heures après fécondation.© Inserm/Lassalle, Bruno

En France, un couple sur quatre ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai. Même en cas d’infertilité d’origine masculine, ce sont les femmes qui suivent des traitements. Mais quelle est la proportion de femmes traitées ? En utilisant les données de l’assurance maladie française qui sont aujourd’hui accessibles à la recherche, Khaoula Ben Messaoud, qui vient de soutenir sa thèse, Elise de La Rochebrochard, chercheure à l’Ined, et Jean Bouyer, épidémiologiste à l’Inserm, ont pu mesurer le recours annuel aux traitements de l’infertilité. Il s’agit de la première estimation au monde réalisée sur une vaste population et prenant en compte tous les traitements de l’infertilité. Entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans étaient traitées pour infertilité chaque année (plus de 150 000 femmes chaque année). Au cours de la dernière décennie, le recours au traitement de l’infertilité est devenu de plus en plus tardif : ce taux ayant augmenté de 24% chez les femmes de 34 ans ou plus.

Plus d’une femme sur cent traitée pour infertilité chaque année dans la population française
Le recours global aux traitements de l’infertilité était jusqu’alors méconnu. Plusieurs traitements médicaux existent pour aider les femmes à concevoir : induction de l’ovulation, procréation médicalement assistée (PMA) incluant l’insémination artificielle, et la fécondation in vitro avec ou sans Injection Intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). On sait maintenant que chaque année, entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans ont été traitées pour infertilité en France, ce qui représente plus de 150 000 femmes traitées pour infertilité chaque année en France. Cette étude unique a été possible car tous les traitements de l’infertilité sont pris en charge en France par l’assurance maladie et sont donc enregistrés dans ses bases de gestion qui s’ouvrent désormais à la recherche. Dans cette étude, tous les traitements de l’infertilité ont été pris en compte, les techniques de procréation médicalement assistées (PMA) mais également les traitements d’induction de l’ovulation qui sont les traitements de première intention et pour lesquels on savait très peu de choses.

Par ailleurs, grâce à la très bonne couverture de l’ensemble de la population par l’assurance maladie française, ces données permettent de mesurer l’évolution du recours aux traitements à grande échelle et sur le long terme.

Les traitements de l’infertilité en augmentation de 24 % chez les femmes de 34 ans ou plus
L’évolution du taux de recours aux traitements de l’infertilité en fonction de l’âge au cours de la dernière décennie en France (Figure 1) permet d’observer deux tendances allant a priori en sens opposé. Chez les femmes jeunes, le recours est assez stable bien que l’on observe une légère baisse (Figure 1 : la courbe de 2017 se situe sous la courbe de 2008) tandis que chez les femmes de 34 ans ou plus, on observe au contraire un bond de 24 % (Figure 1 : la courbe de 2017 se situe très nettement au-dessus de celle de 2008).

Ces deux tendances sont pourtant tout à fait cohérentes et reflètent l’une et l’autre le phénomène de parentalité de plus en plus tardive dans les pays développés, un mouvement qui s’est amorcé au début des années 1970. Ainsi, les femmes jeunes essaient moins souvent d’avoir des enfants, mais l’effet sur le recours aux traitements de l’infertilité est faible car à ces âges, l’infertilité est moins fréquente. Au contraire, les femmes de plus de 34 ans essaient plus souvent d’avoir des enfants, et l’infertilité augmentant fortement à ces âges, cela entraîne la forte augmentation (24%) du recours aux traitements de l’infertilité à ces âges plus élevés.

 

Un enjeu important de santé publique

Cette augmentation des traitements de l’infertilité après 34 ans soulève d’importantes questions car l’efficacité des traitements diminue fortement avec l’âge.

Le corps médical et les pouvoirs publics devraient prendre en compte cette tendance sociétale dans le temps long, afin d’accompagner au mieux ces couples. En développant un système de surveillance du recours aux traitements de l’infertilité, les politiques publiques de santé pourraient mieux orienter les stratégies nationales pour prévenir et prendre en charge l’infertilité, qui apparaît de plus en plus comme un problème de santé majeur à l’âge adulte.

 

MÉTHODOLOGIE
Par décret du Conseil d’État (délibération n°2016-316 du 13 octobre 2016), l’Ined a obtenu un accès permanent aux données de l’assurance maladie dans le cadre de ses missions de recherche. Ce travail a été mené à partir de l’« échantillon généraliste des bénéficiaires » (EGB), qui est un très large échantillon représentatif de la population générale mis en place en 2005 et incluant 1% de l’ensemble des personnes affiliées à l’assurance maladie française. Cette étude a été effectuée sur la période entre 2008 et 2017, sur la population des femmes âgées de 20 à 49 ans. Cela représente plus de 100 000 femmes par an dans l’échantillon. Pour chaque année, une femme a été classée comme ayant été traitée pour infertilité si elle a été remboursée pour au moins un médicament ou une procédure de traitement de l’infertilité durant l’année.

Ce travail s’inscrit au sein de la recherche collaborative « StimHo », pour plus d’informations : stimho.site.ined.fr

Des résultats confirment la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les neurones

En 3d par imagerie en feuillet de lumière, présence du virus dans les neurones du bulbe olfactif. © Nicolas Renier

 

Une étude internationale impliquant plusieurs équipes de l’Université de Yale (USA), de l’Institut du Cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) et de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP confirme la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les neurones et en identifie plusieurs conséquences. Les résultats ont été publiés le 12 janvier 2021 dans la revue Journal of Experimental Medicine.

Au-delà des atteintes respiratoires importantes que peut causer l’infection au SARS-CoV-2, des symptômes neurologiques ont également très vite été rapportés chez les patients, de maux de tête à la perte d’odorat ou plus gravement des pertes de conscience et des AVC. Si des traces d’ARN du virus ont été retrouvées dans le cerveau de patients décédés de la Covid-19 et des protéines virales dans certaines cellules de leur bulbe olfactif, la capacité du virus à infecter les cellules du cerveau et les conséquences possibles n’avaient pas été démontrées jusqu’alors.

Pour répondre à ce défi, des chercheurs de l’Université de Yale (USA), de Sorbonne Université, de l’Inserm et du CNRS à l’Institut du Cerveau ainsi que de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP ont utilisé trois approches différentes pour étudier l’infection dans le cerveau : des cultures de cellules cérébrales en 3D, un modèle murin d’infection au SARS-CoV-2 et des tissus cérébraux de patients décédés de la Covid-19.

Leurs résultats dans les cultures de cellules cérébrales en 3D attestent de la capacité du SARS-CoV-2 à pénétrer dans les neurones et à utiliser leurs composants pour se multiplier, entraînant alors des changements métaboliques dans les cellules infectées, sans pour autant les détruire. En revanche, les cellules voisines des neurones infectées se voient privées d’oxygène et finissent par mourir.

Dans les cerveaux de patients décédés de la Covid-19, le virus a été retrouvé dans les neurones corticaux, de même que des atteintes pathologiques associées à l’infection comme des accidents vasculaires ischémiques.

La façon dont le virus pénètre dans les neurones est une autre question. Des données antérieures ont mis en évidence que dans le reste de l’organisme, le virus utilisait la protéine ACE2, présente à la surface des cellules. Celle-ci est particulièrement exprimée dans les poumons, expliquant pourquoi le virus s’attaque plus spécifiquement à cet organe. Cette voie d’entrée restait cependant à démontrer dans les neurones.

Grâce à un modèle murin de l’infection au SARS-CoV-2, qui exprime de façon différentielle le récepteur ACE2, les chercheurs confirment son importance pour l’infection des cellules cérébrales. Ils révèlent d’autre part un remodelage important du réseau vasculaire cérébral dans les régions infectées du cerveau dans ce modèle. Cette dernière découverte ouvre la voie d’un lien entre la pénétration du virus dans les neurones observés à la fois dans les cultures de cellules cérébrales et les tissus cérébraux post-mortem, et l’hypoxie et les accidents ischémiques observés dans le cerveau des malades.

Dans leur ensemble, ces résultats confirment le tropisme cérébral du SARS-CoV-2 et sa capacité à infecter les neurones. Ils suggèrent également que les symptômes neurologiques observés dans la Covid-19 pourraient être une conséquence de cette atteinte directe du système nerveux central.

De futures études sont maintenant nécessaires pour identifier précisément la voie empruntée par le virus pour entrer dans le cerveau et confirmer le lien entre les changements cellulaires observés au niveau des neurones et les symptômes neurologiques rapportés.

« L’effet cocktail » des perturbateurs endocriniens mieux compris

Le récepteur PXR possède une large cavité constituée de quatre sous-poches (colorées en bleu, orange, violet et rouge) pouvant accueillir simultanément plusieurs perturbateurs endocriniens (leur couleur correspond à celle de la poche dans laquelle ils se lient). © Vanessa Delfosse

Les perturbateurs endocriniens peuvent potentiellement devenir plus nocifs s’ils sont mélangés. Dans le prolongement de travaux de recherche publiés en 2015, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’université de Montpellier et du CNRS au Centre de biologie structurale et à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier poursuivent le décryptage des mécanismes moléculaires qui contribuent à ce phénomène, connu sous le nom d’« effet cocktail ». Leurs recherches permettent de mieux comprendre les interactions complexes entre les perturbateurs endocriniens et l’organisme, mais elles demeurent préliminaires, et doivent encore être poursuivies afin de définir l’impact réel de ces associations sur la santé humaine. Leur nouvelle étude est publiée dans le journal PNAS.

Les scientifiques comprennent de mieux en mieux l’effet sur la santé des polluants environnementaux. Ces substances peuvent être des résidus médicamenteux, des pesticides ou encore des composés chimiques rentrant dans la composition de produits cosmétiques et alimentaires. Certaines sont capables de se fixer sur des récepteurs présents dans ou sur les cellules humaines, à la place de molécules endogènes.

Ces composés sont alors appelés « perturbateurs endocriniens » et peuvent présenter un risque s’ils conduisent au dérèglement de certains mécanismes physiologiques.

La toxicité de plusieurs d’entre eux a déjà été documentée, par exemple pour le bisphénol A, dont l’exposition est associée à un risque accru de certains cancers, de troubles métaboliques ou de baisse de la fertilité, ou encore les phtalates, qui peuvent altérer la fonction de reproduction. 

Les chercheurs étudient également l’« effet cocktail », c’est-à-dire l’effet que peut avoir un mélange de ces différentes substances sur la santé. Il s’agit d’un travail indispensable puisque des centaines de perturbateurs endocriniens sont présents en permanence dans l’environnement. Ces derniers agissent donc rarement isolément sur la santé humaine. Ils s’additionnent et forment des combinaisons qui peuvent dans certains cas être nocives.

Deux équipes montpelliéraines dirigées par les chercheurs Inserm William Bourguet et Patrick Balaguer au Centre de biologie structurale (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) et à l’Institut de recherche en cancérologie (Inserm/Université de Montpellier) avaient déjà découvert que certains perturbateurs endocriniens, a priori inoffensifs individuellement à des doses trouvées dans l’environnement, peuvent dans certains cas avoir un effet plus nocif s’ils sont mélangés.

En effet, les scientifiques avaient montré que deux de ces composés, en l’occurrence le 17α-éthinylestradiol (qui rentre dans la composition de certaines pilules contraceptives) et le TNC (un pesticide organochloré interdit mais persistant dans les sols), peuvent se fixer simultanément sur un même récepteur présent dans le noyau des cellules, appelé PXR. Ce récepteur contrôle l’expression de différents gènes impliqués dans la régulation de diverses fonctions physiologiques.

En se liant à ce récepteur, chacun de ces deux perturbateurs endocriniens y attire l’autre, augmentant la quantité de produit fixé. On parle alors d’« effet synergique ».

Cela signifie que la fonction de PXR est modifiée à des doses largement plus faibles avec cette combinaison de substances qu’avec les substances individuelles, avec un effet potentiellement toxique. 

Nouvelles avancées dans la compréhension du mécanisme moléculaire

Dans la nouvelle étude parue dans PNAS[1], les chercheurs vont plus loin dans la compréhension de ce phénomène grâce à l’utilisation d’une méthode appelée « cristallographie » qui permet d’observer des liaisons chimiques à l’échelle de l’atome, mais aussi grâce à des modèles cellulaires et in vivo dans des modèles amphibiens. Ils ont ainsi étudié les interactions entre le récepteur PXR et 13 perturbateurs endocriniens seuls puis en binômes, sélectionnés pour leur affinité avec le récepteur, leur diversité chimique et leur persistance dans l’environnement. Les chercheurs se sont aussi intéressés à l’impact de ces interactions sur l’activité de PXR et sur l’expression des gènes qu’il contrôle.

Ils ont découvert que le récepteur PXR possède en fait quatre poches présentant des caractéristiques moléculaires et physico-chimiques spécifiques. Cela permet à des substances de structure très différente d’interagir avec lui et de s’y fixer simultanément. En outre, PXR fait preuve d’une grande plasticité, autorisant la fixation de combinaisons variées et inattendues de molécules. En étudiant l’expression des gènes contrôlés par PXR pour chaque binôme de perturbateurs endocriniens pouvant s’y lier, les équipes de recherche ont constaté que seules certaines associations ont un effet synergique fort.

Par ailleurs, ils se sont également intéressés à un autre récepteur, le récepteur RXR, avec lequel PXR s’associe pour se fixer sur l’ADN et réguler l’expression génétique

En utilisant un mélange de trois perturbateurs endocriniens, ils ont constaté que l’activation de RXR par l’un des composés renforçait encore l’effet synergique des deux autres perturbateurs liés à PXR. Ce mécanisme accroît donc encore la toxicité des mélanges.

« Ces travaux nous permettent de mieux appréhender l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens : des molécules de structure très variable peuvent interagir indirectement au sein de l’organisme avec l’obtention de mélanges toxiques pour la santé dans des modèles in vitro et animaux, explique William Bourguet. Et ce n’est qu’un début : nous avons découvert un mécanisme expliquant certaines synergies mais ces interactions demeurent complexes et il en existe probablement d’autres. Ces résultats ne permettent pas, à ce stade, de prévoir l’impact réel de ces associations sur la santé humaine », prévient-il.

Ce travail a porté sur PXR mais d’autres récepteurs dans les cellules lui ressemblent. Ils feront l’objet de prochains travaux menés par les équipes. À terme, les scientifiques espèrent mieux comprendre l’ampleur du phénomène et surtout pouvoir prédire des effets cocktail nocifs entre plusieurs perturbateurs endocriniens. « Nous y travaillons en associant l’intelligence artificielle à nos algorithmes. Cela fonctionne pour certaines substances seules mais il reste du travail pour les effets cocktail qui sont encore très difficiles à prédire », conclut William Bourguet.

 

[1] Le laboratoire Physiologie moléculaire et adaptation (MNHN/CNRS) et l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (CNRS/Université de Strasbourg) ont également participé à ces nouveaux travaux de recherche.

Les maladies cardiovasculaires et les suicides premières causes de décès maternels en France en 2013-2015

© freestocks on Unsplash

 

Chaque année en France, 50 à 100 femmes décèdent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit une tous les 4 jours en moyenne. Santé publique France et l’Inserm publient aujourd’hui les résultats du 6ème rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) pour la période 2013-2015. Cette enquête nationale permet de disposer d’une importante base de données quantitatives et qualitatives. Elle révèle que les maladies cardiovasculaires et les suicides sont respectivement les première et deuxième causes de décès maternels en 2013-2015. Les auteurs du rapport soulignent que la majorité des décès sont évitables et livrent les éléments du parcours de soin à améliorer au travers de 30 messages clés.

De la nécessité de disposer d’un indicateur de mortalité maternelle

Une mort maternelle constitue un décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou jusqu’à 1 an après l’accouchement. En France cet évènement est devenu rare mais est reconnu comme un indicateur de surveillance de la santé maternelle et donne une information non seulement sur le risque attribuable à la grossesse et à l’accouchement, mais aussi sur la performance du système de soins. Cette surveillance est confiée au Comité national d’experts sur la mortalité maternelle (CNEMM), sous la responsabilité scientifique de l’équipe Epopé de l’Inserm. Il est constitué de gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, sages-femmes, spécialiste de médecine interne et épidémiologistes, et a été placé depuis 2014 sous la tutelle de Santé publique France.

La méthode de recueil et d’analyse des données que propose l’ENCMM permet d’évaluer les conditions de survenue de la mort maternelle et d’estimer la proportion de morts évitables sur une période de trois ans. Pour cette édition du rapport le dispositif a évolué. Le périmètre géographique d’analyse de la mortalité maternelle a été élargi avec l’inclusion de Mayotte. Conformément aux recommandations internationales[1] les suicides ont été inclus parmi les décès classés comme morts maternelles.

Plus de la moitié des décès considérés comme potentiellement évitables

262 décès maternels ont été identifiés entre 2013 et 2015 en France, ce qui représente 87 femmes décédées par an d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, 1 tous les 4 jours en moyenne. Le ratio de mortalité maternelle – RMM – 10,8 décès pour 100 000 naissances vivantes est stable par rapport aux deux périodes de surveillance précédente (2010-2012 et 2007-2009) et se situe dans la moyenne Européenne.

 

Les maladies cardiovasculaires et les suicides, sont les deux premières causes de mortalité : les maladies cardiovasculaires sont responsables de 36 décès sur la période, soit 13,7% des morts maternelles et le suicide devient la deuxième cause de mortalité maternelle, avec 35 suicides, environ 1 par mois, soit 13,4% des morts maternelles.

Par ailleurs, pour la première fois depuis la première enquête confidentielle, les hémorragies obstétricales ne sont plus la première cause de mortalité maternelle et la fréquence de cette cause de décès a été diminuée par 2 en 15 ans. Cette amélioration majeure montre que l’alerte donnée par les premiers résultats de l’ENCMM, montrant une contribution élevée des hémorragies à la mortalité maternelle, a permis une mobilisation efficace de l’ensemble de la communauté obstétricale pour en améliorer la prise en charge. L’embolie amniotique est la 3e cause de mortalité sur cette période, responsable de 28 morts maternelles, à un niveau stable par rapport à la dernière période.

Selon l’enquête, dans 66% des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux et 58% des décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables » en améliorant la prévention, l’organisation des soins, et les soins eux-mêmes.

 

Des facteurs de risques marqués par les inégalités

Le risque de mortalité maternelle est plus élevé selon :

  • l’âge des femmes: par rapport aux femmes âgées de 25-29 ans, le risque est multiplié par 1,9 pour les femmes âgées de 30-34 ans, par 3 pour celles âgées de 35-39 ans, et par 4 à partir de 40 ans;
  • la présence d’une obésité : parmi les morts maternelles, 24,2 % sont survenues chez des femmes obèses, soit une proportion deux fois plus grande que dans la population générale des parturientes;

 

Les résultats de l’enquête montrent également qu’il existe de grandes disparités sociales et territoriales:

  • le contexte social : 26,5% des morts maternelles sont survenues chez des femmes présentant au moins un critère de vulnérabilité socio-économique ; cette proportion est d’environ 40% pour les femmes décédées de suicides ou de maladie cardiovasculaire.
  • le pays de naissance : être née hors de France est un facteur de risque reconnu de mortalité maternelle au cours de la période 2013-2015. La mortalité des femmes migrantes est plus élevée que celle des femmes nées en France, surmortalité particulièrement marquée pour les femmes nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 2,5 fois celui des femmes nées en France.
  • le lieu de résidence : deux zones se distinguent par un niveau de mortalité maternelle (RMM) plus élevé, disparité déjà présente lors du précédent rapport : les DOM et l’Île-de-France. Les femmes résidant dans les DOM présentent un risque de mortalité maternelle multiplié par 4,0 par rapport à celles de métropole. En France métropolitaine, l’Île-de-France se distingue avec un RMM supérieur de 55% à celui de l’ensemble des autres régions.

Ces disparités étaient déjà remarquées depuis les deux rapports précédents.

 

Trente messages-clés pour améliorer les soins et éviter les décès

Le Comité d’experts a formulé 30 messages-clés à destination des professionnels de santé, mais aussi des femmes et de leur famille et des décideurs ciblant des éléments à améliorer, identifiés de façon récurrente dans le parcours des femmes décédées, dont on peut citer les plus généraux :

  • l’importance de l’examen médical non strictement obstétrical de la femme enceinte et la recherche d’antécédents psychiatriques et addictologiques, et d’une vulnérabilité sociale ;  
  • l’évaluation des risques de complications avant la conception et en début de grossesse qui doit permettre une planification de la prise en charge de la grossesse individualisée ;

 

De plus, le Comité recommande la réalisation d’examens post-mortem systématiques en cas de mort maternelle sans cause identifiée.

 

[1] The WHO application of ICD-10 to deaths during pregnancy, childbirth and puerperium – 2012

Covid-19 : des leurres biologiques sous forme de vésicules pour stopper l’infection du virus SARS-CoV-2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

 

Des chercheurs de l’Institut Curie et de l’Inserm, en collaboration avec le CNRS et l’Institut Pasteur, ont démontré in vitro le pouvoir anti-infectieux de vésicules extracellulaires[1] portant à leur surface les récepteurs du virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie Covid-19. Ces résultats, qui viennent d’être publiés dans The Journal of Extracellular Vesicles, révèlent une piste thérapeutique de traitement local de la Covid-19 qui reste à explorer et confirmer par des études de faisabilité et d’efficacité.

Le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie Covid-19, infecte les cellules du corps humain. La surface de ce virus est recouverte d’une protéine « S » (pour Spike, pointe en anglais) qui lui donne l’aspect caractéristique de ce type de virus en forme de « couronne ». Pour pénétrer dans les cellules, cette protéine S se lie un récepteur présent à la surface des cellules humaines, en particulier celles du poumon, le récepteur ACE2 (Angiotensin-Converting Enzyme 2). Après cette fixation, un autre récepteur membranaire présent à la surface des cellules hôtes, le récepteur TMPRSS2 (transmembrane protease serine 2) transforme la protéine S, permettant au virus d’entrer dans la cellule.

Au sein de l’unité « Immunité et Cancer » de l’Institut Curie, l’équipe « Vésicules extracellulaires, réponses immunes et cancer » dirigée par Clotilde Théry, directrice de recherche Inserm, est parvenue à isoler – à partir de cellules en culture- des vésicules extracellulaires1 portant à leur surface le récepteur ACE2, avec ou sans le récepteur TMPRSS2. Ces travaux ont été menés en collaboration avec l’équipe « Immunité innée » de Nicolas Manel (Institut Curie/ CNRS/Inserm) et avec des chercheurs de l’unité « Virus et immunité » (Institut Pasteur/CNRS).

Les résultats ont montré que ces vésicules sont reconnues par la protéine S du SARS-CoV-2. Ces vésicules servent donc de « leurre biologique » qui piège le virus en l’empêchant de se fixer aux cellules et en diminuant son pouvoir d’infection.

L’efficacité anti-infectieuse de ces vésicules est directement corrélée à la quantité de récepteurs ACE2 qu’elles portent. Par ailleurs, cette efficacité est meilleure quand TMPRSS2 est aussi présente à la surface des vésicules. De plus, elle est bien supérieure à celle d’une protéine ACE2 non intégrée dans les vésicules.

« Les vésicules que nous avons isolées servent de leurre au virus SARS-CoV-2 et le neutralisent. Elles pourraient donc être facilement utilisées en traitement local contre la Covid-19. Nous devons compléter nos résultats avec des études supplémentaires mais nous comptons poursuivre et approfondir cette piste thérapeutique inédite et unique », a déclaré Clotilde Théry.

Une forme médicamenteuse de ces vésicules ACE2/TMPRSS2 pourrait donc constituer une nouvelle forme de traitement local pour diminuer les risques d’infection ou réduire son ampleur, lors d’une exposition au virus.

Cependant, des études plus précises de faisabilité, d’efficacité dans les conditions de l’infection humaine, et d’effets secondaires potentiels devront être menées avant de développer un tel médicament.

[1] Ces vésicules sont des sortes de « bulles » de petite taille qui sont naturellement produites dans notre corps et dont la surface ressemble à celle des cellules humaines

Une équipe dédiée à l’étude des vésicules extracellulaires et à leurs potentiels thérapeutiques.

Les cellules humaines sécrètent dans leur environnement des vésicules membranaires qui agissent comme des messagers intercellulaires. Depuis de nombreuses années, l’équipe Inserm menée par Clotilde Théry à l’Institut Curie est spécialisée dans l’étude de ces vésicules extracellulaires et de leur implication dans les processus physiopathologiques, et en particulier dans les cancers. Elle cherche notamment à comprendre le rôle de ces vésicules lorsqu’elles sont sécrétées par les cellules immunitaires ou les cellules tumorales. Les chercheurs décryptent leur rôle dans la progression des tumeurs ; plus encore, ils étudient le potentiel thérapeutique de ce type de vésicules dans le cancer.

Un nouveau mécanisme impliqué dans le développement d‘infections bactériennes persistantes

Staphylocoques dorés (bactéries Staphylococcus aureus) en vert adhérant à des kératinocytes, en rouge. © Inserm/Tristan, Anne

Les infections bactériennes dites « persistantes » constituent un problème de santé publique majeur. Elles sont associées à des échecs importants des traitements antibiotiques. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Rennes 1, en collaboration avec une équipe de recherche basée en Suisse, ont mis en évidence un nouveau mécanisme permettant d’expliquer l’entrée en persistance de la bactérie Staphylococcus aureus, ou staphylocoque doré. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Microbiology.

La persistance désigne la capacité de bactéries à survivre à des doses élevées d’antibiotiques, sans pour autant être résistantes. Elles deviennent persistantes en ralentissant leur croissance, un peu comme si elles entraient en « hibernation » pour se protéger des traitements antibiotiques. La présence de telles bactéries tolérantes aux antibiotiques représente un problème majeur de santé publique. En effet, lorsque les antibiotiques sont arrêtés, certaines d’entre elles se « réveillent » et sont susceptibles de se multiplier à nouveau. Le risque de rechute et d’infections bactériennes chroniques est alors très élevé.

La plupart des mécanismes menant à la formation de la persistance demeurent inconnus. Dans leur étude, les chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Rennes 1 au sein du laboratoire « ARN régulateurs bactériens et médecine » se sont intéressés à la bactérie Staphylococcus aureus (le staphylocoque doré).  Celle-ci arrive en tête des pathogènes responsables d’infections nosocomiales (infections contractées à l’hôpital) et est également impliquée dans de nombreuses intoxications alimentaires.  

Lutter contre les infections bactériennes chroniques

Dans leurs travaux, les chercheurs se sont intéressés un ARN non codant des staphylocoques dorés, c’est-à-dire à un ARN non traduit en protéines.

Ils ont montré qu’une fois positionné sur les ribosomes[1] des staphylocoques, cet ARN (désigné sous le nom d’antitoxine SprF1) diminue la synthèse des protéines pendant la croissance de la bactérie (il s’agit du phénomène d’hibernation évoqué plus haut). Ce mécanisme favorise la formation de staphylocoques persistants qui deviennent insensibles aux antibiotiques.

« Nous mettons en évidence un processus moléculaire guidé par l’ARN où l’interaction entre cet ARN SprF1 et le ribosome est impliquée dans la formation de bactéries persistantes aux antibiotiques, elles-mêmes largement impliquées dans les infections staphylococciques chroniques », souligne Brice Felden, le professeur à l’Université de Rennes 1 qui a supervisé ces travaux.  

Ces résultats permettent en outre d’envisager une nouvelle classe d’anti-infectieux ciblant les bactéries persistantes, et donc de nouveaux traitements pour les infections chroniques à staphylocoques dorés. « Forts de ces résultats, nous souhaitons utiliser développer des molécules contre les bactéries persistantes en ciblant l’antitoxine SprF1. Cette stratégie vise ainsi à compléter l’arsenal thérapeutique mis à disposition des cliniciens, qui sont de plus en plus confrontés à des maladies bactériennes chroniques », déclare Marie-Laure Pinel-Marie qui a coordonné ces travaux. 

 

Ces résultats ont fait l’objet d’un dépôt de brevet européen.

 

[1] Des particules présentes dans toutes les cellules qui sont les « usines » à fabrication des protéines.

fermer