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Maturation et persistance de la réponse lymphocytaire B mémoire anti-SARS-CoV-2

SARS-CoV-2 (en jaune) émergeant de la surface des cellules (bleu/rose) cultivées en laboratoire. Image capturée et colorisée, Rocky Mountain Laboratories (RML) Hamilton, Montana. © NIAID

Des équipes du Pr Matthieu Mahévas (hôpital Henri-Mondor APHP/Inserm/CNRS/Université Paris-Est Créteil), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud au sein de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris) et au sein des unités de recherche de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (UPEC/Inserm) ont étudié la mémoire immunitaire contre le SARS-Cov-2. Les résultats de cette étude qui a fait l’objet d’une publication dans la revue Cell le 2 février 2021 montrent la maturation et la persistance de la mémoire immunitaire B contre le virus au cours du temps.

La mémoire immunitaire est un mécanisme qui protège les individus contre la réinfection. Cette stratégie de défense de l’organisme qui est à la base du succès des vaccins comprend la production d’anticorps protecteurs dans le sang (détectés par sérologie) ainsi que la formation de cellules à mémoire, capables de se réactiver en cellules productrices d’anticorps lors d’une nouvelle infection.

Les équipes du Pr Matthieu Mahévas du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, de l’unité de recherche « Transfusion et maladies du globule rouge » de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (U955 UPEC-Inserm), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris), ont étudié le devenir des cellules B mémoires dans deux cohortes de patients présentant une forme modérée ou sévère de COVID-19 jusqu’à 6 mois après l’infection.  

Cette étude, menée en collaboration avec l’équipe du Pr Félix Rey à l’Institut Pasteur, a permis de mettre en évidence l’accumulation des cellules mémoire spécifiques de la spicule (Spike) du SARS-Cov2 au cours du temps et de montrer que les anticorps produits par ces cellules mémoires neutralisaient le virus in vitro.

La maturation de la mémoire immunitaire B contre le virus au cours du temps est un résultat très encourageant pour la vaccination et la question de la protection contre les variants, car les cellules mémoires peuvent s’adapter aux pathogènes et réinitier une réponse immune efficace et intense lors d’une nouvelle exposition.

Ces travaux ont bénéficié d’un financement de la Fondation pour la Recherche Médicale dans le cadre de l’appel de l’ANR-Flash Covid (Projet Memo-Cov-2).

S’intéresser à la charge virale pour comprendre l’évolution vers des formes graves de Covid-19

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours

Quels sont les facteurs prédictifs de l’évolution de la Covid-19 vers une forme grave ? Un an après le début de la pandémie, cette interrogation demeure au cœur des efforts de recherche. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Paris se sont intéressés à la question en se penchant sur le lien entre la cinétique virale et l’évolution de la maladie. Ces travaux s’appuient sur les données de la cohorte French Covid promue par l’Inserm et sont publiés dans le journal PNAS.

Alors que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent que des symptômes légers de la Covid-19, une minorité évolue vers des formes graves de la maladie. Mieux comprendre les facteurs qui déterminent cette évolution est primordial pour améliorer leur prise en charge et diminuer la mortalité. 

Une équipe menée par le chercheur Inserm Jérémie Guedj au sein du laboratoire IAME (Inserm/université de Paris) a analysé les données biologiques de 655 patients hospitalisés pour une infection par le SARS-CoV-2, inclus dans la cohorte French Covid.

L’objectif était de mieux comprendre le lien entre la cinétique virale (la quantité de virus présente dans le compartiment nasopharyngé au cours du temps) et l’évolution de la maladie.

Leur étude permet de mettre en évidence deux points essentiels : plus la personne est âgée, plus elle met du temps à éliminer la charge virale dans le compartiment nasopharyngé. De plus cette dynamique virale est associée à la mortalité.

La charge virale n’est certes pas le seul déterminant de l’évolution de la maladie vers une forme grave et le décès, mais elle joue un rôle important. Si la Covid-19 est souvent décrite comme une pathologie inflammatoire, il est donc nécessaire de prendre aussi en compte ces aspects virologiques dans la prise en charge et l’accompagnement des patients hospitalisés.

 De ce fait, ces travaux soulignent aussi la nécessité de poursuivre les recherches sur la mise au point de traitements antiviraux.

Les chercheurs montrent notamment par modélisation qu’une réduction de la durée du portage viral grâce à l’administration d’un traitement dès l’admission à l’hôpital pourrait améliorer sensiblement le pronostic des patients, en particulier les plus âgés.

Essais vaccinaux contre la Covid-19: le candidat vaccin développé par le laboratoire Janssen va être testé par Covireivac

 

Injection d’un vaccin avec une seringue pré-remplie. © Inserm/Depardieu, Michel

Un essai clinique vaccinal de phase 3 contre la Covid-19 va démarrer à travers la plateforme Covireivac, mise en place sous l’égide de l’Inserm et des CHU, pour centraliser les essais cliniques vaccinaux contre la Covid-19 en France. Janssen, la division pharmaceutique du groupe Johnson & Johnson, a reçu les autorisations[1] nécessaires au démarrage de l’essai clinique baptisé “ENSEMBLE 2” qui évaluera l’efficacité et la sécurité du candidat vaccin Ad26.COV2.S pour la prévention de la Covid-19 chez l’adulte. En France, 1175 volontaires, parmi ceux ayant répondu à l’appel de la plateforme Covireivac, seront inclus dans cet essai qui sera mené sur 30 000 personnes dans le monde.

Pour mener cette étude, huit centres[2] ont été sélectionnés en France, pour inclure près de 1200 volontaires soit environ 150 participants par centre. Il s’agit de comparer la fréquence de la maladie entre la population ayant reçu le vaccin et celle qui aura reçu le placebo. Le but étant de déterminer si l’administration de deux doses du vaccin à l’étude contre la COVID-19 est efficace et si le vaccin protège contre l’infection et la maladie causées par le SARS-CoV-2.

Le candidat vaccin développé par Janssen est basé sur une version atténuée d’un virus responsable de rhinopharyngite chez l’homme (adénovirus) afin de :

–           Produire seulement une partie du virus de la COVID-19, la protéine spike « S », qui sera reconnue par le système immunitaire et induira ainsi une réponse immunitaire

–           Bloquer la multiplication du SARS-CoV-2 dans l’organisme humain

 

Ce vaccin dit à « vecteur viral non réplicatif » repose sur une technologie qui a été utilisée pour l’un des vaccins contre Ebola, approuvé par l’Agence Européenne du Médicament. Il sera administré par voie intramusculaire aux volontaires en deux injections ; la seconde injection étant administrée 57 jours (8 semaines) après la première. Le détail du protocole de l’essai est publié sur la plateforme ClinicalTrials qui recense tous les protocoles cliniques à travers le monde.

Les premiers résultats disponibles montrent que le candidat vaccin est bien toléré et induit la production d’anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2 chez plus de 90 % des participants 29 jours après la vaccination et chez près de 100% d’entre eux après 57 jours.

Des données préliminaires montrent que ce vaccin était efficace à 66% contre le covid-19. Ils montrent aussi que le schéma vaccinal en deux doses (vs une seule injection) multiplie par 2 à 3 la quantité d’anticorps produits contre le SARS-CoV-2.

 

Les volontaires inscrits sur la plateforme Covireivac qui ont été sélectionnés pour participer à cette étude ont été contactés ou vont l’être très prochainement. Les participants pouvant être inclus doivent (critères non exhaustifs) :

  • Être âgés d’au moins 18 ans, en bonne santé ou atteints d’affections médicales préexistantes dont l’état est stable au moment de l’inclusion.
  • Être affiliés à un système de sécurité sociale
  • Être capables d’accepter et de se conformer aux procédures d’étude, et en mesure de fournir un consentement libre et éclairé.
  • Si la personne est une femme en âge d’avoir des enfants, un test de grossesse négatif avant les injectons de vaccins est requis.

Ne peuvent pas être inclus (critères non exhaustifs)

  • Les volontaires ayant des affections médicales instables
  • Les personnes présentant une pathologie aiguë ou température ≥38°C dans les 24h précédents la première injection
  • Les volontaires ayant déjà été vaccinés contre la COVID-19.
  • Les volontaires ayant reçu un vaccin vivant atténué dans les 28 jours précédant la visite de vaccination ou un autre type de vaccin dans les 14 jours précédant la visite de vaccination
  • Les volontaires ayant reçu une thérapie au cours d’un autre essai clinique dans les 30 jours à 6 mois précédant l’inclusion selon le type de thérapie.

 

« A partir du moment où un vaccin est disponible en France, les volontaires peuvent légitimement se demander s’ils souhaitent participer à un essai dans lequel une partie d’entre eux recevrait un placebo. Pour des raisons éthiques évidentes, pour ceux qui vont avoir prochainement accès à la campagne de vaccination la réponse est que ces éventualités vont être prises en compte dans les prochains amendements au protocole et qu’il sera envisageable pour un participant de se faire vacciner dans le cadre de la campagne de vaccination nationale s’il le souhaite même s’il a été inclus dans l’essai. » déclare Odile Launay, responsable scientifique de la plateforme Covireivac dont l’équipe de coordination  est accueillie à l’Hôtel-Dieu – AP-HP.

Même si des vaccins sont d’ores et déjà autorisés en France il est impératif de poursuivre les essais afin d’approfondir les connaissances scientifiques notamment sur la durée de la protection et la qualité de la réponse immunitaire.

De plus, afin de répondre au besoin mondial et aux différentes populations, il est impératif de développer et de disposer de plusieurs vaccins. La poursuite des travaux de recherches permet aussi d’élaborer des produits avec des efficacités complémentaires, plus faciles à administrer et/ou moins chers à produire.

Covireivac

A la demande du Ministère de la Santé et des Solidarités (MSS) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), l’Inserm a été chargé en coordination avec les hôpitaux et les médecins généralistes de mettre en place une infrastructure permettant de conduire des études cliniques sur les vaccins Covid-19 en France. Pilotée par l’Inserm, COVIREIVAC fédère 24 centres d’investigation clinique au sein de CHU partout en France, en lien étroit avec le Collège national des généralistes enseignants. Le volet opérationnel clinique des différents CHU fait l’objet d’une coordination prise en charge par l’AP-HP.

Cette plateforme baptisée Covireivac s’appuie sur le réseau I-REIVAC, réseau national d’investigation clinique en vaccinologie, préexistant, renforcé et étendu pour l’occasion. Ce réseau est labellisé réseau d’excellence par F-Crin (Infrastructure d’envergure nationale en recherche clinique en France). L’infrastructure de la plateforme est financée par le MSS et le MESRI.

 

[1] De l’ANSM et du CPP Île de France

[2] 2 centres en Île de France (Hôpital Cochin- AP-HP et Hôpital Saint Antoine AP-HP) ; 3 centres en Occitanie, 1 centre en Nouvelle Aquitaine, 1 centre en Auvergne Rhône Alpes, 1 centre dans le Grand Est.

Un meilleur accès à l’éducation réduit les différences de capacités cognitives entre hommes et femmes

 Pour les femmes, l’accès aux études supérieures est associée à une amélioration de certains aspects cognitifs d’une génération à l’autre. © Adobe Stock

Les femmes âgées ont actuellement un risque plus élevé que les hommes de développer une démence, en particulier la maladie d’Alzheimer. Un phénomène qui pourrait s’expliquer en partie par des inégalités d’accès à l’éducation entre les hommes et les femmes pendant la première moitié du XXe siècle. Des chercheurs de l’Inserm et de Université de Paris, en collaboration avec University College London, montrent que certaines capacités cognitives se sont améliorées chez les femmes au cours des dernières générations, en association avec un accès plus important aux études supérieures. A plus long terme, ils estiment que les inégalités hommes/femmes face au risque de démence pourraient diminuer. Leur étude est parue dans The Lancet Public Health.

Les femmes âgées ont actuellement un risque 50% plus élevé que les hommes de développer une maladie d’Alzheimer. Plusieurs facteurs de risque pour cette maladie sont déjà bien connus comme les maladies cardiovasculaires, ou le niveau d’études. C’est à ce dernier que la chercheuse Inserm Séverine Sabia et l’équipe EpiAgeing du Centre de recherche épidémiologique et statistiques à Université de Paris se sont intéressées.

La génération actuelle des personnes très âgées est née dans les années 1920-1940. A cette époque, peu de femmes avaient accès aux études supérieures.

Cependant, à partir des années 60, les portes des universités se sont ouvertes plus largement et de façon plus égalitaire aux femmes, de sorte que le niveau d’études de ces dernières a fini par rattraper quasiment celui des hommes dans les pays développés. Séverine Sabia et ses collègues estiment que cette évolution pourrait réduire les différences hommes/femmes du risque de démence dans les années à venir.

Pour tester cette hypothèse, ils ont comparé les capacités cognitives au cours du vieillissement de femmes et d’hommes en fonction de leurs niveaux d’études sur plusieurs générations. Ces personnes faisaient partie de deux cohortes anglaises appelées ELSA (English Longitudinal Study of Ageing) et Whitehall II. Elles incluaient un total de 15.924 personnes issues de la population générale, nées entre 1930 et 1955. Les chercheurs ont réparti ces personnes en trois sous-groupes selon leur année de naissance (1930–38, 1939–45, et 1946–55). Le niveau d’études des différents participants était par ailleurs connu.

Pour chaque personne, deux composantes des fonctions cognitives ont été évaluées à plusieurs reprises au cours du suivi entre 1997 et 2015. D’abord la mémoire immédiate qui consiste à se souvenir d’une liste de mots tout juste entendus, puis la fluence c’est-à-dire la capacité à trouver ses mots, en nommant en une minute le plus d’animaux possibles. « C’est la première fois à ma connaissance qu’un travail de ce type s’intéresse aux trajectoires cognitives au cours du vieillissement chez les hommes et les femmes en association avec l’évolution du niveau d’études dans les générations successives », explique Séverine Sabia.

Dans les deux cohortes, le niveau d’études global était supérieur dans le groupe de personnes plus jeunes (nées entre 1946 et 1955) par rapport au groupe de personnes plus âgées (nées entre 1930 et 1938). De plus, la proportion de femmes ayant un niveau équivalent au baccalauréat a plus que doublé, passant de 14 à 33% (contre 36% et 54% pour les hommes).

Les données de cette étude suggèrent que les capacités de mémoire des femmes se sont améliorées ces dernières années. Elles étaient plus performantes que les hommes aux tests à tout âge et l’écart s’est encore creusé au sein de la génération la plus « jeune ». En ce qui concerne la fluence, les hommes faisaient mieux que les femmes dans le groupe de naissance 1930-38, mais cet écart s’est estompé chez les participants nés plus récemment et même inversé pour la génération née en 1946-55.

« A niveau d’études équivalent, les femmes ne sont absolument pas désavantagées par rapport aux hommes que ce soit dans le domaine de la mémoire ou de la fluence », clarifie Mikaela Bloomberg, première auteure de l’étude.

« Nous n’avons étudié que deux composantes de la fonction cognitive et il en existe davantage. Toutefois la tendance qui se dégage ici suggère une meilleure réserve cognitive chez les femmes nées plus récemment en partie grâce à un accès plus important aux études supérieures. Ceci pourrait se traduire à terme par une réduction des différences hommes/femmes dans le risque de démence dans les pays où l’accès à l’éducation est similaire quel que soit le sexe.

Ces résultats soulignent donc l’importance de l’accès à l’éducation pour tous afin de favoriser la santé au cours du vieillissement », conclut Séverine Sabia.

Covid-19 : Comprendre la réponse immunitaire précoce

 

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours

Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, les scientifiques font chaque jour des progrès notables pour mieux comprendre la transmission du coronavirus SARS-CoV-2 ainsi que la réponse immunitaire qu’il déclenche lors d’une infection. Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et Université de Paris, en collaboration avec la Rockefeller University à New-York, apportent de nouvelles données concernant les étapes très précoces de la réponse immunitaire. Les résultats sont publiés dans le Journal of Experimental Medicine.

Comprendre la réponse immunitaire anti-SARS-CoV-2 est une étape essentielle dans l’identification des sujets à risque de maladie Covid-19 grave et dans la mise en place de stratégies thérapeutiques efficaces. Si de nombreuses études ont été réalisées chez des patients à des stades avancés de l’infection, lorsqu’ils présentent déjà des signes de gravité, les étapes très précoces de la réponse immunitaire contre le virus demeurent en grande partie inconnues.

Grâce à une collaboration étroite entre les équipes Inserm d’Ali Amara, virologue, et Vassili Soumelis, immunologiste à l’Institut de Recherche Saint-Louis (Université de Paris/Inserm/AP-HP), une étude publiée dans le Journal of Experimental Medicine a pu caractériser la réponse immunitaire innée[1] dans les 24 à 48h suivant un contact avec le virus SARS-CoV-2.

Les chercheurs ont utilisé des cellules immunitaires appelées « plasmocytoïdes pré-dendritiques » comme modèle de cellules immunitaires innées jouant un rôle essentiel dans l’immunité antivirale en produisant de grandes quantités d’interféron-alpha[2].

Ils ont reconstitué la réponse immunitaire précoce au virus en mettant en contact ces cellules modèles avec des souches primaires de SARS-CoV-2 isolées à partir de patients atteints de Covid-19.

L’analyse de cette réponse reconstituée in vitro a permis de montrer que le SARS-CoV-2 induisait une activation efficace et complète des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques. Celles-ci produisaient alors des quantités importantes d’interféron-alpha (première ligne de défense contre les virus) et se différenciaient en cellules dendritiques capables d’activer les lymphocytes T (qui correspondent aux cellules de l’immunité spécifique). Les chercheurs ont par ailleurs pu montrer que cette activation des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques était partiellement inhibée par l’hydroxychloroquine, ce qui inciterait à la prudence dans l’utilisation de cette molécule.

Dans une deuxième partie du travail, les équipes ont collaboré avec l’équipe de Jean-Laurent Casanova de l’Institut Imagine (Inserm/université de Paris/AP-HP) et de la Rockefeller University à New-York, enfin d’étudier la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques issus de patients présentant des déficits génétiques pour certains gènes importants de l’immunité innée. L’objectif était de préciser les mécanismes moléculaires intervenant dans la réponse de ces cellules immunitaires au SARS-CoV-2.

Ces expériences effectuées à partir de prélèvements directement obtenus des patients ont montré que la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques est dépendante des molécules UNC93B et IRAK-4, deux molécules importantes de l’immunité innée antivirale. L’ensemble de ce travail permet de préciser la réponse immunitaire précoce au virus SARS-CoV-2 ainsi que certains de ses déterminants moléculaires.

L’étude suggère que le système immunitaire est naturellement armé pour répondre au SARS-CoV-2 et que des défauts dans la réponse des cellules plasmocytoïdes pré-dendritiques, notamment dans la production précoce d’interféron-alpha, pourraient contribuer à l’évolution de l’infection vers une forme grave.

 

[1] L’immunité innée constitue la première barrière de défense de l’organisme. Elle est déclenchée dès que l’organisme est exposé à une bactérie ou un virus (par exemple le SARS-CoV-2). Les cellules de l’immunité innée peuvent contribuer à détruire totalement les microbes détectés ou les présenter aux mécanismes de l’immunité acquise pour faciliter leur destruction par des mécanismes spécifiques (lymphocytes T et B)

[2] Les interférons sont des cytokines (protéines) dont la production est induite suite à une infection virale, une infection bactérienne, une infection parasitaire ou à la présence de cellule tumorales. Leur fonction principale est d’interférer avec la réplication virale, mais ils ont également une action antibactérienne, antiproliférative et d’activation d’autres cellules immunitaires.

Discovery arrête de tester le Remdesivir contre la Covid-19, faute de preuves de son efficacité

© hal-gatewood-AypaEmWVH8I-unsplash

L’essai clinique Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles contre la Covid-19. Son expansion européenne a été rendue possible par le projet EU-RESPONSE[1] financé par la Commission européenne (voir détails dans l’encadré ci-dessous). Le 13 janvier 2021, les comités de surveillance des données et de la sécurité (DSMB) de l’essai ont évalué toutes les données d’un rapport intermédiaire basé sur 776 patients dont 389 avaient reçu du Remdesivir et 387, des soins standard. L’efficacité du traitement a été évaluée après 15 jours et mesurée sur l’échelle de référence de l’OMS. À la suite de cette évaluation, le DSMB a recommandé de suspendre le recrutement des patients dans le bras thérapeutique testant le Remdesivir.

Cette recommandation était basée sur le manque de preuves de l’efficacité du Remdesivir après 15 jours et sur une très faible probabilité de conclure avec l’inclusion de participants supplémentaires. Il n’y avait également aucune preuve de l’efficacité du traitement au jour 29, ni à partir des résultats d’une analyse limitée aux participants à risque modéré au jour 15. Cette recommandation a été approuvée par le comité directeur de Discovery Europe.

Les chercheurs de Discovery consolident désormais les données sur tous les participants inclus dans l’étude clinique afin de publier leurs résultats scientifiques détaillés dans une revue scientifique à comité de lecture.

L’essai de Discovery Europe se poursuivra dans 80 centres de 14 pays européens afin d’évaluer une combinaison de deux anticorps monoclonaux ciblés sur le virus SARS CoV2. Outre le déploiement de vaccins, il reste primordial de trouver de nouveaux médicaments et de fournir des preuves solides de leur efficacité sur les patients touchés par la Covid-19.

L’essai Discovery a été initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm pour évaluer les traitements possibles pour la Covid-19. Un accord a été signé avec l’essai Solidarité de l’OMS afin qu’il devienne un essai complémentaire de Solidarité. Discovery fait désormais partie du projet EU-RESPONSE (Discovery Europe), financé par Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’UE. Il s’agit d’un essai multicentrique adaptatif randomisé pour l’évaluation de l’efficacité clinique et virologique, ainsi que de la sécurité, d’un traitement candidat par rapport à la norme de soins chez des patients adultes hospitalisés pour la Covid-19. La première série de traitements testés a comporté le lopinavir/ritonavir, le lopinavir/ritonavir plus IFN–1a, l’hydroxychloroquine et le remdesivir. Le principal critère d’évaluation est l’état clinique des patients au jour 15, mesuré sur l’échelle ordinale à 7 points de l’OMS.

En juin 2020, les DSMB de Solidarité ont recommandé d’arrêter le bras hydroxychloroquine pour cause de futilité et les deux bras contenant du lopinavir/ritonavir pour cause de futilité et de sécurité. En juillet 2020, la poursuite de l’évaluation du remdesivir, médicament approuvé pour une autorisation de mise sur le marché conditionnelle dans l’Union européenne, avait été jugé importante pour disposer de plus de données pour évaluer pleinement son efficacité.

[1] https://cordis.europa.eu/project/id/101015736

Un recours aux traitements de l’infertilité de plus en plus tardif

Embryon humain à huit cellules observé 72 heures après fécondation.© Inserm/Lassalle, Bruno

En France, un couple sur quatre ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai. Même en cas d’infertilité d’origine masculine, ce sont les femmes qui suivent des traitements. Mais quelle est la proportion de femmes traitées ? En utilisant les données de l’assurance maladie française qui sont aujourd’hui accessibles à la recherche, Khaoula Ben Messaoud, qui vient de soutenir sa thèse, Elise de La Rochebrochard, chercheure à l’Ined, et Jean Bouyer, épidémiologiste à l’Inserm, ont pu mesurer le recours annuel aux traitements de l’infertilité. Il s’agit de la première estimation au monde réalisée sur une vaste population et prenant en compte tous les traitements de l’infertilité. Entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans étaient traitées pour infertilité chaque année (plus de 150 000 femmes chaque année). Au cours de la dernière décennie, le recours au traitement de l’infertilité est devenu de plus en plus tardif : ce taux ayant augmenté de 24% chez les femmes de 34 ans ou plus.

Plus d’une femme sur cent traitée pour infertilité chaque année dans la population française
Le recours global aux traitements de l’infertilité était jusqu’alors méconnu. Plusieurs traitements médicaux existent pour aider les femmes à concevoir : induction de l’ovulation, procréation médicalement assistée (PMA) incluant l’insémination artificielle, et la fécondation in vitro avec ou sans Injection Intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). On sait maintenant que chaque année, entre 2008 et 2017, 1,25% des femmes de 20-49 ans ont été traitées pour infertilité en France, ce qui représente plus de 150 000 femmes traitées pour infertilité chaque année en France. Cette étude unique a été possible car tous les traitements de l’infertilité sont pris en charge en France par l’assurance maladie et sont donc enregistrés dans ses bases de gestion qui s’ouvrent désormais à la recherche. Dans cette étude, tous les traitements de l’infertilité ont été pris en compte, les techniques de procréation médicalement assistées (PMA) mais également les traitements d’induction de l’ovulation qui sont les traitements de première intention et pour lesquels on savait très peu de choses.

Par ailleurs, grâce à la très bonne couverture de l’ensemble de la population par l’assurance maladie française, ces données permettent de mesurer l’évolution du recours aux traitements à grande échelle et sur le long terme.

Les traitements de l’infertilité en augmentation de 24 % chez les femmes de 34 ans ou plus
L’évolution du taux de recours aux traitements de l’infertilité en fonction de l’âge au cours de la dernière décennie en France (Figure 1) permet d’observer deux tendances allant a priori en sens opposé. Chez les femmes jeunes, le recours est assez stable bien que l’on observe une légère baisse (Figure 1 : la courbe de 2017 se situe sous la courbe de 2008) tandis que chez les femmes de 34 ans ou plus, on observe au contraire un bond de 24 % (Figure 1 : la courbe de 2017 se situe très nettement au-dessus de celle de 2008).

Ces deux tendances sont pourtant tout à fait cohérentes et reflètent l’une et l’autre le phénomène de parentalité de plus en plus tardive dans les pays développés, un mouvement qui s’est amorcé au début des années 1970. Ainsi, les femmes jeunes essaient moins souvent d’avoir des enfants, mais l’effet sur le recours aux traitements de l’infertilité est faible car à ces âges, l’infertilité est moins fréquente. Au contraire, les femmes de plus de 34 ans essaient plus souvent d’avoir des enfants, et l’infertilité augmentant fortement à ces âges, cela entraîne la forte augmentation (24%) du recours aux traitements de l’infertilité à ces âges plus élevés.

 

Un enjeu important de santé publique

Cette augmentation des traitements de l’infertilité après 34 ans soulève d’importantes questions car l’efficacité des traitements diminue fortement avec l’âge.

Le corps médical et les pouvoirs publics devraient prendre en compte cette tendance sociétale dans le temps long, afin d’accompagner au mieux ces couples. En développant un système de surveillance du recours aux traitements de l’infertilité, les politiques publiques de santé pourraient mieux orienter les stratégies nationales pour prévenir et prendre en charge l’infertilité, qui apparaît de plus en plus comme un problème de santé majeur à l’âge adulte.

 

MÉTHODOLOGIE
Par décret du Conseil d’État (délibération n°2016-316 du 13 octobre 2016), l’Ined a obtenu un accès permanent aux données de l’assurance maladie dans le cadre de ses missions de recherche. Ce travail a été mené à partir de l’« échantillon généraliste des bénéficiaires » (EGB), qui est un très large échantillon représentatif de la population générale mis en place en 2005 et incluant 1% de l’ensemble des personnes affiliées à l’assurance maladie française. Cette étude a été effectuée sur la période entre 2008 et 2017, sur la population des femmes âgées de 20 à 49 ans. Cela représente plus de 100 000 femmes par an dans l’échantillon. Pour chaque année, une femme a été classée comme ayant été traitée pour infertilité si elle a été remboursée pour au moins un médicament ou une procédure de traitement de l’infertilité durant l’année.

Ce travail s’inscrit au sein de la recherche collaborative « StimHo », pour plus d’informations : stimho.site.ined.fr

Des résultats confirment la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les neurones

En 3d par imagerie en feuillet de lumière, présence du virus dans les neurones du bulbe olfactif. © Nicolas Renier

 

Une étude internationale impliquant plusieurs équipes de l’Université de Yale (USA), de l’Institut du Cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) et de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP confirme la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les neurones et en identifie plusieurs conséquences. Les résultats ont été publiés le 12 janvier 2021 dans la revue Journal of Experimental Medicine.

Au-delà des atteintes respiratoires importantes que peut causer l’infection au SARS-CoV-2, des symptômes neurologiques ont également très vite été rapportés chez les patients, de maux de tête à la perte d’odorat ou plus gravement des pertes de conscience et des AVC. Si des traces d’ARN du virus ont été retrouvées dans le cerveau de patients décédés de la Covid-19 et des protéines virales dans certaines cellules de leur bulbe olfactif, la capacité du virus à infecter les cellules du cerveau et les conséquences possibles n’avaient pas été démontrées jusqu’alors.

Pour répondre à ce défi, des chercheurs de l’Université de Yale (USA), de Sorbonne Université, de l’Inserm et du CNRS à l’Institut du Cerveau ainsi que de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP ont utilisé trois approches différentes pour étudier l’infection dans le cerveau : des cultures de cellules cérébrales en 3D, un modèle murin d’infection au SARS-CoV-2 et des tissus cérébraux de patients décédés de la Covid-19.

Leurs résultats dans les cultures de cellules cérébrales en 3D attestent de la capacité du SARS-CoV-2 à pénétrer dans les neurones et à utiliser leurs composants pour se multiplier, entraînant alors des changements métaboliques dans les cellules infectées, sans pour autant les détruire. En revanche, les cellules voisines des neurones infectées se voient privées d’oxygène et finissent par mourir.

Dans les cerveaux de patients décédés de la Covid-19, le virus a été retrouvé dans les neurones corticaux, de même que des atteintes pathologiques associées à l’infection comme des accidents vasculaires ischémiques.

La façon dont le virus pénètre dans les neurones est une autre question. Des données antérieures ont mis en évidence que dans le reste de l’organisme, le virus utilisait la protéine ACE2, présente à la surface des cellules. Celle-ci est particulièrement exprimée dans les poumons, expliquant pourquoi le virus s’attaque plus spécifiquement à cet organe. Cette voie d’entrée restait cependant à démontrer dans les neurones.

Grâce à un modèle murin de l’infection au SARS-CoV-2, qui exprime de façon différentielle le récepteur ACE2, les chercheurs confirment son importance pour l’infection des cellules cérébrales. Ils révèlent d’autre part un remodelage important du réseau vasculaire cérébral dans les régions infectées du cerveau dans ce modèle. Cette dernière découverte ouvre la voie d’un lien entre la pénétration du virus dans les neurones observés à la fois dans les cultures de cellules cérébrales et les tissus cérébraux post-mortem, et l’hypoxie et les accidents ischémiques observés dans le cerveau des malades.

Dans leur ensemble, ces résultats confirment le tropisme cérébral du SARS-CoV-2 et sa capacité à infecter les neurones. Ils suggèrent également que les symptômes neurologiques observés dans la Covid-19 pourraient être une conséquence de cette atteinte directe du système nerveux central.

De futures études sont maintenant nécessaires pour identifier précisément la voie empruntée par le virus pour entrer dans le cerveau et confirmer le lien entre les changements cellulaires observés au niveau des neurones et les symptômes neurologiques rapportés.

« L’effet cocktail » des perturbateurs endocriniens mieux compris

Le récepteur PXR possède une large cavité constituée de quatre sous-poches (colorées en bleu, orange, violet et rouge) pouvant accueillir simultanément plusieurs perturbateurs endocriniens (leur couleur correspond à celle de la poche dans laquelle ils se lient). © Vanessa Delfosse

Les perturbateurs endocriniens peuvent potentiellement devenir plus nocifs s’ils sont mélangés. Dans le prolongement de travaux de recherche publiés en 2015, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’université de Montpellier et du CNRS au Centre de biologie structurale et à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier poursuivent le décryptage des mécanismes moléculaires qui contribuent à ce phénomène, connu sous le nom d’« effet cocktail ». Leurs recherches permettent de mieux comprendre les interactions complexes entre les perturbateurs endocriniens et l’organisme, mais elles demeurent préliminaires, et doivent encore être poursuivies afin de définir l’impact réel de ces associations sur la santé humaine. Leur nouvelle étude est publiée dans le journal PNAS.

Les scientifiques comprennent de mieux en mieux l’effet sur la santé des polluants environnementaux. Ces substances peuvent être des résidus médicamenteux, des pesticides ou encore des composés chimiques rentrant dans la composition de produits cosmétiques et alimentaires. Certaines sont capables de se fixer sur des récepteurs présents dans ou sur les cellules humaines, à la place de molécules endogènes.

Ces composés sont alors appelés « perturbateurs endocriniens » et peuvent présenter un risque s’ils conduisent au dérèglement de certains mécanismes physiologiques.

La toxicité de plusieurs d’entre eux a déjà été documentée, par exemple pour le bisphénol A, dont l’exposition est associée à un risque accru de certains cancers, de troubles métaboliques ou de baisse de la fertilité, ou encore les phtalates, qui peuvent altérer la fonction de reproduction. 

Les chercheurs étudient également l’« effet cocktail », c’est-à-dire l’effet que peut avoir un mélange de ces différentes substances sur la santé. Il s’agit d’un travail indispensable puisque des centaines de perturbateurs endocriniens sont présents en permanence dans l’environnement. Ces derniers agissent donc rarement isolément sur la santé humaine. Ils s’additionnent et forment des combinaisons qui peuvent dans certains cas être nocives.

Deux équipes montpelliéraines dirigées par les chercheurs Inserm William Bourguet et Patrick Balaguer au Centre de biologie structurale (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) et à l’Institut de recherche en cancérologie (Inserm/Université de Montpellier) avaient déjà découvert que certains perturbateurs endocriniens, a priori inoffensifs individuellement à des doses trouvées dans l’environnement, peuvent dans certains cas avoir un effet plus nocif s’ils sont mélangés.

En effet, les scientifiques avaient montré que deux de ces composés, en l’occurrence le 17α-éthinylestradiol (qui rentre dans la composition de certaines pilules contraceptives) et le TNC (un pesticide organochloré interdit mais persistant dans les sols), peuvent se fixer simultanément sur un même récepteur présent dans le noyau des cellules, appelé PXR. Ce récepteur contrôle l’expression de différents gènes impliqués dans la régulation de diverses fonctions physiologiques.

En se liant à ce récepteur, chacun de ces deux perturbateurs endocriniens y attire l’autre, augmentant la quantité de produit fixé. On parle alors d’« effet synergique ».

Cela signifie que la fonction de PXR est modifiée à des doses largement plus faibles avec cette combinaison de substances qu’avec les substances individuelles, avec un effet potentiellement toxique. 

Nouvelles avancées dans la compréhension du mécanisme moléculaire

Dans la nouvelle étude parue dans PNAS[1], les chercheurs vont plus loin dans la compréhension de ce phénomène grâce à l’utilisation d’une méthode appelée « cristallographie » qui permet d’observer des liaisons chimiques à l’échelle de l’atome, mais aussi grâce à des modèles cellulaires et in vivo dans des modèles amphibiens. Ils ont ainsi étudié les interactions entre le récepteur PXR et 13 perturbateurs endocriniens seuls puis en binômes, sélectionnés pour leur affinité avec le récepteur, leur diversité chimique et leur persistance dans l’environnement. Les chercheurs se sont aussi intéressés à l’impact de ces interactions sur l’activité de PXR et sur l’expression des gènes qu’il contrôle.

Ils ont découvert que le récepteur PXR possède en fait quatre poches présentant des caractéristiques moléculaires et physico-chimiques spécifiques. Cela permet à des substances de structure très différente d’interagir avec lui et de s’y fixer simultanément. En outre, PXR fait preuve d’une grande plasticité, autorisant la fixation de combinaisons variées et inattendues de molécules. En étudiant l’expression des gènes contrôlés par PXR pour chaque binôme de perturbateurs endocriniens pouvant s’y lier, les équipes de recherche ont constaté que seules certaines associations ont un effet synergique fort.

Par ailleurs, ils se sont également intéressés à un autre récepteur, le récepteur RXR, avec lequel PXR s’associe pour se fixer sur l’ADN et réguler l’expression génétique

En utilisant un mélange de trois perturbateurs endocriniens, ils ont constaté que l’activation de RXR par l’un des composés renforçait encore l’effet synergique des deux autres perturbateurs liés à PXR. Ce mécanisme accroît donc encore la toxicité des mélanges.

« Ces travaux nous permettent de mieux appréhender l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens : des molécules de structure très variable peuvent interagir indirectement au sein de l’organisme avec l’obtention de mélanges toxiques pour la santé dans des modèles in vitro et animaux, explique William Bourguet. Et ce n’est qu’un début : nous avons découvert un mécanisme expliquant certaines synergies mais ces interactions demeurent complexes et il en existe probablement d’autres. Ces résultats ne permettent pas, à ce stade, de prévoir l’impact réel de ces associations sur la santé humaine », prévient-il.

Ce travail a porté sur PXR mais d’autres récepteurs dans les cellules lui ressemblent. Ils feront l’objet de prochains travaux menés par les équipes. À terme, les scientifiques espèrent mieux comprendre l’ampleur du phénomène et surtout pouvoir prédire des effets cocktail nocifs entre plusieurs perturbateurs endocriniens. « Nous y travaillons en associant l’intelligence artificielle à nos algorithmes. Cela fonctionne pour certaines substances seules mais il reste du travail pour les effets cocktail qui sont encore très difficiles à prédire », conclut William Bourguet.

 

[1] Le laboratoire Physiologie moléculaire et adaptation (MNHN/CNRS) et l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (CNRS/Université de Strasbourg) ont également participé à ces nouveaux travaux de recherche.

Les maladies cardiovasculaires et les suicides premières causes de décès maternels en France en 2013-2015

© freestocks on Unsplash

 

Chaque année en France, 50 à 100 femmes décèdent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit une tous les 4 jours en moyenne. Santé publique France et l’Inserm publient aujourd’hui les résultats du 6ème rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) pour la période 2013-2015. Cette enquête nationale permet de disposer d’une importante base de données quantitatives et qualitatives. Elle révèle que les maladies cardiovasculaires et les suicides sont respectivement les première et deuxième causes de décès maternels en 2013-2015. Les auteurs du rapport soulignent que la majorité des décès sont évitables et livrent les éléments du parcours de soin à améliorer au travers de 30 messages clés.

De la nécessité de disposer d’un indicateur de mortalité maternelle

Une mort maternelle constitue un décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou jusqu’à 1 an après l’accouchement. En France cet évènement est devenu rare mais est reconnu comme un indicateur de surveillance de la santé maternelle et donne une information non seulement sur le risque attribuable à la grossesse et à l’accouchement, mais aussi sur la performance du système de soins. Cette surveillance est confiée au Comité national d’experts sur la mortalité maternelle (CNEMM), sous la responsabilité scientifique de l’équipe Epopé de l’Inserm. Il est constitué de gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, sages-femmes, spécialiste de médecine interne et épidémiologistes, et a été placé depuis 2014 sous la tutelle de Santé publique France.

La méthode de recueil et d’analyse des données que propose l’ENCMM permet d’évaluer les conditions de survenue de la mort maternelle et d’estimer la proportion de morts évitables sur une période de trois ans. Pour cette édition du rapport le dispositif a évolué. Le périmètre géographique d’analyse de la mortalité maternelle a été élargi avec l’inclusion de Mayotte. Conformément aux recommandations internationales[1] les suicides ont été inclus parmi les décès classés comme morts maternelles.

Plus de la moitié des décès considérés comme potentiellement évitables

262 décès maternels ont été identifiés entre 2013 et 2015 en France, ce qui représente 87 femmes décédées par an d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, 1 tous les 4 jours en moyenne. Le ratio de mortalité maternelle – RMM – 10,8 décès pour 100 000 naissances vivantes est stable par rapport aux deux périodes de surveillance précédente (2010-2012 et 2007-2009) et se situe dans la moyenne Européenne.

 

Les maladies cardiovasculaires et les suicides, sont les deux premières causes de mortalité : les maladies cardiovasculaires sont responsables de 36 décès sur la période, soit 13,7% des morts maternelles et le suicide devient la deuxième cause de mortalité maternelle, avec 35 suicides, environ 1 par mois, soit 13,4% des morts maternelles.

Par ailleurs, pour la première fois depuis la première enquête confidentielle, les hémorragies obstétricales ne sont plus la première cause de mortalité maternelle et la fréquence de cette cause de décès a été diminuée par 2 en 15 ans. Cette amélioration majeure montre que l’alerte donnée par les premiers résultats de l’ENCMM, montrant une contribution élevée des hémorragies à la mortalité maternelle, a permis une mobilisation efficace de l’ensemble de la communauté obstétricale pour en améliorer la prise en charge. L’embolie amniotique est la 3e cause de mortalité sur cette période, responsable de 28 morts maternelles, à un niveau stable par rapport à la dernière période.

Selon l’enquête, dans 66% des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux et 58% des décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables » en améliorant la prévention, l’organisation des soins, et les soins eux-mêmes.

 

Des facteurs de risques marqués par les inégalités

Le risque de mortalité maternelle est plus élevé selon :

  • l’âge des femmes: par rapport aux femmes âgées de 25-29 ans, le risque est multiplié par 1,9 pour les femmes âgées de 30-34 ans, par 3 pour celles âgées de 35-39 ans, et par 4 à partir de 40 ans;
  • la présence d’une obésité : parmi les morts maternelles, 24,2 % sont survenues chez des femmes obèses, soit une proportion deux fois plus grande que dans la population générale des parturientes;

 

Les résultats de l’enquête montrent également qu’il existe de grandes disparités sociales et territoriales:

  • le contexte social : 26,5% des morts maternelles sont survenues chez des femmes présentant au moins un critère de vulnérabilité socio-économique ; cette proportion est d’environ 40% pour les femmes décédées de suicides ou de maladie cardiovasculaire.
  • le pays de naissance : être née hors de France est un facteur de risque reconnu de mortalité maternelle au cours de la période 2013-2015. La mortalité des femmes migrantes est plus élevée que celle des femmes nées en France, surmortalité particulièrement marquée pour les femmes nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 2,5 fois celui des femmes nées en France.
  • le lieu de résidence : deux zones se distinguent par un niveau de mortalité maternelle (RMM) plus élevé, disparité déjà présente lors du précédent rapport : les DOM et l’Île-de-France. Les femmes résidant dans les DOM présentent un risque de mortalité maternelle multiplié par 4,0 par rapport à celles de métropole. En France métropolitaine, l’Île-de-France se distingue avec un RMM supérieur de 55% à celui de l’ensemble des autres régions.

Ces disparités étaient déjà remarquées depuis les deux rapports précédents.

 

Trente messages-clés pour améliorer les soins et éviter les décès

Le Comité d’experts a formulé 30 messages-clés à destination des professionnels de santé, mais aussi des femmes et de leur famille et des décideurs ciblant des éléments à améliorer, identifiés de façon récurrente dans le parcours des femmes décédées, dont on peut citer les plus généraux :

  • l’importance de l’examen médical non strictement obstétrical de la femme enceinte et la recherche d’antécédents psychiatriques et addictologiques, et d’une vulnérabilité sociale ;  
  • l’évaluation des risques de complications avant la conception et en début de grossesse qui doit permettre une planification de la prise en charge de la grossesse individualisée ;

 

De plus, le Comité recommande la réalisation d’examens post-mortem systématiques en cas de mort maternelle sans cause identifiée.

 

[1] The WHO application of ICD-10 to deaths during pregnancy, childbirth and puerperium – 2012

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