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Des volontaires recherchés pour un essai vaccinal innovant contre le VIH

 Particules virales du virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

Cellule infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) examinée en microscopie électronique à balayage (MEB). © Inserm/Roingeard, Philippe 

 

La mise au point d’un vaccin préventif contre l’infection par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) est une priorité pour lutter efficacement contre la transmission du virus. Le Vaccine Research Institute (VRI, ANRS-Inserm et Université Paris-Est Créteil) lance une campagne de recrutement de personnes volontaires pour participer à un essai de phase I[1] d’un vaccin préventif contre le VIH. Celui-ci fait appel à une technologie innovante et pourrait permettre d’obtenir un vaccin efficace qui manque à l’arsenal de lutte contre le VIH. Après avoir franchi toutes les étapes précliniques de développement, l’essai de phase I aura pour objectif d’évaluer la tolérance et la réponse immunitaire à ce vaccin. Pour réaliser cet essai, le VRI fait appel à des volontaires en Île-de-France (pour en savoir plus : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/).

En 2019, 1,7 million de nouvelles contaminations par le VIH, à l’origine du sida, ont été recensées dans le monde selon l’OMS. Même si les traitements offrent aux patients une vie quasiment normale, aucun médicament ne permet à l’heure actuelle de guérir de cette maladie. C’est pourquoi obtenir un vaccin préventif est primordial pour mettre fin à la transmission de ce virus. La mise au point d’un vaccin efficace se heurte à plusieurs obstacles scientifiques qui n’ont pas pu être surmontés par les vaccins « classiques » testés jusqu’à présent. La stratégie développée par le VRI a pour ambition de répondre à ces difficultés en faisant appel à une technologie innovante qui a montré des résultats prometteurs, après plusieurs années de recherche, au laboratoire et sur les modèles précliniques[2].

Le candidat vaccin du VRI, appelé « CD40.HIVRI.Env », repose sur l’injection d’anticorps monoclonaux[3] qui ciblent spécifiquement des cellules clés de la réponse immunitaire, les cellules dendritiques[4]. C’est la première fois qu’un vaccin vise directement ces cellules. Pour le Pr Yves Lévy, directeur du VRI, « il s’agit, avec ce vaccin, de diriger la réponse contre le VIH exactement au niveau des cellules les plus importantes pour l’éducation et l’activation du système immunitaire, c’est-à-dire les cellules dendritiques ». En effet, sur les anticorps monoclonaux du candidat vaccin est fixée une protéine de l’enveloppe du VIH : c’est elle que le système immunitaire doit apprendre à reconnaître pour neutraliser le virus.

L’essai de phase I est mené en double aveugle : une partie des participants recevra le candidat vaccin tandis que l’autre recevra un placebo. Cet essai évaluera la tolérance de différentes doses du vaccin qui sera administré soit seul, soit associé à un autre vaccin actuellement en développement en phase II/III.

Ce dernier, le « DNA-HIV-PT123 », est un vaccin à ADN[5] qui pourrait amplifier la réponse immunitaire et obtenir ainsi une meilleure efficacité. « Cet essai permettra également d’étudier l’effet de la combinaison du vaccin ciblant les cellules dendritiques et d’un vaccin ADN. L’objectif est de potentialiser l’effet des vaccins et de maintenir à long terme la réponse immunitaire, notamment la production d’anticorps, contre le VIH », déclare le Pr Yves Lévy.

Pour démarrer l’essai, le VRI recherche 72 volontaires âgés entre 18 et 65 ans et sans problème de santé (liste des critères d’inclusion disponible ici : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/devenir-volontaire/). La durée de participation à l’essai est de 12 mois, comprenant 8 visites à l’hôpital (chacune sera indemnisée). es participants devront continuer de se protéger contre tout risque de contamination par le VIH.

Afin de trouver ces participants, le VRI lance une grande campagne de recrutement de volontaires le 1er mars 2021 en Île-de-France.

Celle-ci s’appuie, entre autres, sur des affiches dans le métro et le RER, un partenariat avec Sida Info Service et un site dédié : https://volontaires.vaccine-research-institute.fr/. Les personnes qui le souhaitent peuvent manifester leur intérêt via cette plateforme. Elles seront recontactées pour une visite médicale préliminaire visant à vérifier qu’elles remplissent les critères pour participer à l’essai et à fournir toutes les explications nécessaires sur le candidat vaccin et le déroulement de l’essai.

La France est l’un des principaux acteurs internationaux de la recherche d’un vaccin préventif contre le sida. Le VRI, labellisé « laboratoire d’excellence » par l’État Français, a été établi par l’ANRS-Inserm et par l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) afin de conduire des recherches visant à accélérer le développement de vaccins efficaces contre le VIH/sida.

 

[1] Essai de phase I : la première phase d’un essai clinique vise à évaluer la non-toxicité du traitement ou du vaccin testé. La phase II cherche à démontrer son efficacité et la dose optimale, tandis que la phase III compare son efficacité à un placebo ou à un traitement ou vaccin de référence s’il existe.

[2] Modèles précliniques : modèles animaux.

[3]Anticorps monoclonal : les anticorps sont des protéines fabriquées par les cellules du système immunitaire. Les anticorps monoclonaux sont des anticorps fabriqués en laboratoire à partir d’un clone de cellule. Ils ont la capacité de reconnaître et de cibler spécifiquement certaines cellules.

[4] Cellules dendritiques : cellules sentinelles réparties dans tout l’organisme, ayant la capacité de déclencher une réponse immunitaire.

[5] Vaccin à ADN : vaccin qui injecte un morceau d’ADN codant pour des protéines du virus dans des cellules humaines, qui le transcrivent en ARN, puis en protéines. Ces dernières sont reconnues par le système immunitaire et déclenchent une réponse immunitaire spécifique au virus. Cette technologie vaccinale ne modifie pas le matériel génétique des personnes qui la reçoivent.

Maladie de Huntington : L’alliance de la génomique et de l’intelligence artificielle met en avant un rôle central des pertes de résilience neuronale

Huntingto

Modélisation mathématique des réponses moléculaires dans les cellules du cerveau à partir de données génomiques obtenues dans un modèle murin de la maladie de Huntington. © Brain-C Lab

L’équipe de recherche (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), dirigée par Christian Néri, directeur de recherche Inserm à l’Institut de biologie Paris-Seine, en collaboration avec le MIT (USA), vient de montrer que la perte des mécanismes de compensation et de résilience neuronale à la maladie de Huntington serait le moteur principal de l’évolution de cette maladie au niveau moléculaire. Publiés dans eLife le 23 février 2021 et basés sur une méthode originale d’apprentissage automatique pour l’analyse précise de gros volumes de données génomiques obtenues dans des modèles de la maladie, ces travaux suggèrent que rétablir la résilience neuronale est une piste thérapeutique importante pour une intervention précoce afin de lutter contre cette maladie.

Les cellules de notre corps sont naturellement capables de résister aux maladies grâce à l’homéostasie cellulaire, une série de mécanismes adaptatifs qui réparent les dommages cellulaires, impliquant des centaines de gènes qui rendent nos cellules résilientes. Bien que l’homéostasie recèle un grand potentiel de protection des neurones dans le vieillissement et les maladies neurodégénératives, l’importance et la dynamique des mécanismes homéostatiques dans les maladies neurodégénératives sont restées insaisissables en raison des difficultés d’étude de différents types de cellules dans le cerveau des mammifères.

Récemment, des technologies de criblage génomique ont été utilisées pour interroger comment les différentes cellules du cerveau utilisent des centaines de gènes pour moduler les processus neurodégénératifs. La complexité de ces données les rend cependant difficiles à analyser. En collaboration avec l’équipe de Myriam Heiman au MIT qui a obtenu ces données aux USA et le Laboratoire Jacques-Louis Lions (Sorbonne Université/CNRS), l’équipe de recherche a développé une approche mathématique capable d’identifier précisément les groupes de gènes utilisés dans le cerveau de modèles murins pour contrer les effets toxiques de la huntingtine mutante, le gène de la maladie de Huntington (MH), au fil du temps et dans plusieurs types de neurones composant le striatum, une région du cerveau fortement affectée par la maladie de Huntington.

Les scientifiques ont testé si la mort neuronale dans cette maladie serait principalement due au renforcement des réponses pathogènes ou à la perte des réponses homéostatiques. Répondre à cette question pourrait considérablement modifier notre point de vue sur la meilleure façon de contrer la progression de la maladie de Huntington. Cela pourrait fournir des biomarqueurs pour savoir si une intervention thérapeutique protège le cerveau en bloquant la pathogenèse ou en augmentant l’homéostasie, améliorant ainsi la précision des études précliniques. 

Pour ce faire, ils ont mis au point Geomic, une méthode d’apprentissage automatique basée sur la géométrie des données génomiques permettant d’analyser la forme (courbes, surfaces) de l’expression des gènes, et de cartographier la dynamique temporelle des réponses homéostatiques et pathogéniques. De manière inattendue, cette carte montre que la plupart des réponses pathogéniques sont atténuées avec le temps et, qui plus est, que la plupart des réponses homéostatiques diminuent.

Ces résultats suggèrent que la mort neuronale dans la maladie de Huntington serait principalement due à la perte des réponses moléculaires homéostatiques et non au renforcement des réponses moléculaires pathogéniques, soulignant l’importance des processus homéostatiques dans l’évolution de la maladie.

 Ces résultats apportent un cadre conceptuel pour explorer le développement de stratégies thérapeutiques axées sur le rétablissement des capacités de résistance des cellules cérébrales à la maladie de Huntington. Ils fournissent une feuille de route pour sélectionner des cibles thérapeutiques pour rétablir la résilience neuronale et des biomarqueurs pour surveiller si les médicaments émergents peuvent engager des mécanismes homéostatiques pour être efficaces, et pour utiliser ces outils dans des modèles expérimentaux de cette maladie. Les conclusions ouvrent la voie à des applications de Geomic à l’analyse des données ‘omiques’ dans plusieurs autres maladies, notamment d’autres maladies neurodégénératives. 

Journée Internationale des Maladies Rares 2021

L’achondroplasie, forme la plus fréquente de nanisme, touche actuellement environ 8 000 personnes en France.

Radiographie d’un squelette d’une souris atteinte de nanisme. © Inserm/Guénet, François

DU RARE AU FRÉQUENT : DE L’IMPORTANCE DE MENER DES RECHERCHES SUR LES MALADIES GÉNÉTIQUES

Comment l’étude des 7000 à 9000 maladies génétiques rares apporte-t-elle des connaissances essentielles au développement de pistes thérapeutiques pour des maladies bien plus fréquentes ? Trois millions de Français sont concernés par les maladies rares, soit une personne sur 20, certaines d’entre elles ne regroupant que quelques dizaines ou centaines de patients. Cependant, en étudiant les maladies génétiques rares et les gènes impliqués, ces connaissances bénéficient non seulement aux malades atteints, mais, la mise en évidence de la fonction de ces gènes peut permettre de décrypter des mécanismes généraux, souvent non encore décrits. Cela permet donc aussi parfois de porter un regard nouveau sur des maladies bien plus fréquentes. Si l’étude de toutes ces maladies rares reste un travail titanesque, il est essentiel de le conduire, non seulement pour ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients concernés, mais également pour en imaginer d’autres, pour d’autres pathologies.

« Osciller entre le très courant et le très rare, voire le très exceptionnel, c’est le quotidien des travaux de recherche de l’Institut Imagine. Nos équipes s’investissent sur la drépanocytose, la maladie génétique la plus fréquente dans le monde, tout comme sur des pathologies qui ne concernent que quelques enfants, mais qui peuvent ouvrir des voies de compréhension dans  des maladies communes, lorsque les mécanismes sont liés. Ainsi, les découvertes réalisées sur des pathologies rares peuvent apporter des connaissances ou des pistes thérapeutiques sur des maladies communes. C’est tout l’agilité intellectuelle et opérationnelle d’un Institut hospitalo-universitaire (IHU) mêlant les expertises médicales, scientifiques, voire industrielles », souligne le Professeur Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine (Inserm/Université de Paris/AP-HP), situé au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Par exemple, très récemment, les travaux des équipes du chercheur Inserm Laurent Abel et de Jean-Laurent Casanova, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à Imagine, ont montré que la connaissance de déficits immunitaires exceptionnels, révélés par des infections bactériennes ou virales communes, pouvait permettre de comprendre les formes cliniques les plus sévères observées dans la Covid-19. Ils ont ainsi pu mettre en évidence les mécanismes génétiques ou immunologiques liés à des auto-anticorps responsables de 15 % des formes graves d’infection par le Sars-Cov-2.

La Journée internationale des maladies rares, le 28 février 2021, est l’occasion pour Imagine de revenir sur ces travaux et de mettre à l’honneur des recherches qui illustrent ces liens entre maladies génétiques rares et maladies fréquentes.

 

De l’achondroplasie à l’arthrose et l’ostéoporose

L’achondroplasie, forme la plus fréquente de nanisme, touche actuellement environ 8 000 personnes en France. Elle est due à des anomalies de cartilage de croissance et de la formation osseuse. En 1994, Laurence Legeai-Mallet co-découvre le gène responsable de l’achondroplasie, le gène FGFR3. La production excessive de la protéine FGFR3 altère l’ossification, mécanisme qui transforme les tissus cartilagineux en os. La découverte du gène muté et les travaux qui ont été développés ont permis de mieux comprendre les mécanismes régulant l’homéostasie du cartilage et de la formation osseuse. Ces recherches ont permis de mettre en place plusieurs options thérapeutiques, aujourd’hui cinq essais cliniques sont en cours de développement pour l’achondroplasie. Ces atteintes du cartilage et de l’os dans cette pathologie sont à rapprocher dans certains aspects de deux pathologies adultes fréquentes : l’arthrose, dégradation du cartilage articulaire parfois invalidante et très douloureuse, et l’ostéoporose, qui provoque une grande fragilité des os.

« Il n’existe pas de traitement direct pour ces deux pathologies fréquentes. Or, nos recherches visant à identifier des signatures de gènes et des mécanismes cellulaires et moléculaires, et nos développements de modèles cellulaires et animaux pour l’achondroplasie pourraient apporter des solutions thérapeutiques pour l’arthrose et l’ostéoporose », conclut le Dr Laurence Legeai-Mallet (laboratoire des bases moléculaires et physiopathologiques des ostéochondrodysplasies à l’Institut Imagine).

 

Des déficits immunitaires génétiques aux lymphomes ou maladies auto-immunes

L’équipe de Sylvain Latour étudie les mécanismes de la réponse immunitaire impliqués dans le contrôle de l’infection par le virus Epstein Barr (EBV) qui est le principal virus chez l’homme responsable de plusieurs cancers dont le plus fréquent est le lymphome.

« Grâce à l’étude de deux maladies très rares, nous avons pu proposer des pistes thérapeutiques pour des maladies plus fréquentes, tels des lymphomes ou des maladies auto-immunes », explique le Dr Sylvain Latour, Directeur du laboratoire d’activation lymphocytaire et susceptibilité au virus d’Epstein-Barr.

Dans le premier cas, son équipe a récemment montré que la déficience en enzyme CTPS1 chez l’homme entraîne une forte susceptibilité aux infections virales, en particulier à l’infection par le virus de l’EBV, ce qui met en évidence le rôle crucial de la prolifération et de l’expansion des lymphocytes T activés lors des réponses immunitaires. Sur la base de cette découverte, la société Step-Pharma, spin-off d’Imagine, a été créée pour développer des inhibiteurs de CTPS1 qui pourraient représenter un nouveau traitement des maladies causées par une prolifération excessive et inappropriée des lymphocytes T comme le lymphome T, le rejet de la greffe ou les maladies auto-immunes. Dans le second cas, le gène CD70 a été identifié par l’équipe comme responsable d’une susceptibilité à l’infection au virus d’Epstein-Barr et de l’apparition de lymphomes B lorsqu’il est défectueux chez les enfants. Ce défaut se retrouve aussi dans certains lymphomes B de l’adulte. Les travaux de l’équipe ont montré que l’absence d’expression de la protéine CD70 à la surface des cellules de lymphomes a pour résultat une réponse immunitaire inefficace contre ces cellules. Ces travaux ont permis de proposer une nouvelle thérapie génique visant à ré-initier une réponse immunitaire anti-tumorale pour le traitement de certains lymphomes.

 

De l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques même très rares

L’accent est souvent mis sur le faible nombre de patients concernés par les recherches sur les maladies génétiques mais les exemples ne manquent pas pour montrer que ces connaissances profitent à tous. Les recherches sur des familles touchées par des cancers rares ont ainsi permis d’identifier des gènes de susceptibilité de cancers impliqués dans la réparation de l’ADN ou la division des cellules.

La connaissance fine des éléments déclencheurs dans les cancers ont ouvert de nouvelles pistes thérapeutiques, comme les thérapies ciblées.

Autre exemple, une classe thérapeutique mise au point pour traiter la maladie rare de l’hypophosphatasie est utilisée pour lutter contre l’ostéoporose.

Ces exemples illustrent l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques, dans l’intérêt de tous. La journée internationale des maladies rares, le 28 février, est l’occasion de le rappeler.

 

Mieux connaître les maladies génétiques, deux jours de web-conférences à Imagine

A l’occasion de cette journée internationale, l’Institut Imagine organise, les 27 et 28 février 2021, des séries de web-conférences et invite le public à échanger sur différents thèmes tels que la drépanocytose, les épilepsies rares, les déficits immunitaires, les maladies intestinales inflammatoires, les maladies mitochondriales, les cardiopathies congénitales, les troubles du langage, les maladies génétiques de l’œil, la génétique expliquée aux enfants. Le programme détaillé est disponible à l’adresse suivante : https://www.institutimagine.org/fr/27-et-28-fevrier-2021-un-weekend-dedie-aux-maladies-rares-1017

 

L’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP comporte 31 centres de référence des maladies rares affiliés à l’Institut Imagine (hématologie, Immunologie-infectiologie, neurodéveloppement, néphrologie, développement et cardiologie) sur les 386 que compte l’AP-HP. Ils sont les interlocuteurs des associations de patients, et jouent un rôle capital pour le développement des essais cliniques et la constitution des cohortes, sans lesquelles la recherche ne pourrait se conduire. Ces centres sont intégrés dans des « filières nationales de santé maladies rares, il en existe 23 dont 12 coordonnées par l’AP-HP.

À propos des maladies génétiques

3 millions, c’est le nombre de personnes atteintes de maladies génétiques en France. Il s’agit le plus souvent de maladies rares, et presque systématiquement orphelines, car sans traitement.

On admet que 80% des maladies dites rares sont d’origine génétique. Les maladies rares touchent moins d’une personne sur 2 000. Une anomalie génétique ou une malformation congénitale est à déplorer dans près de 3% des naissances et peut entraîner de nombreux handicaps par la suite.

Une avancée majeure dans la compréhension de la prédisposition du nouveau-né aux méningites à streptocoque du groupe B

 

 

 

Chaque année à travers le monde, des milliers de nourrissons sont affectés par les méningites à streptocoques du groupe B. Souvent mortelle, la maladie peut aussi entraîner de lourdes séquelles chez les bébés qui survivent. Les adultes sont néanmoins épargnés par ce type de méningite. Des chercheurs de l’Inserm, du Collège de France, du CNRS, de l’Institut Pasteur, de l’Université de Paris et de l’AP-HP apportent désormais des éléments de réponse expliquant la prédisposition du nouveau-né à faire des méningites à Streptocoque du groupe B. Ils ont identifié et démontré que les récepteurs d’une protéine bactérienne permettant le franchissement de la barrière hémato-encéphalique[1] étaient surexprimés chez le nouveau-né et absents chez l’adulte. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue « Journal of Clinical Investigation ».

Les streptocoques du groupe B sont présents dans le microbiote vaginal de 20 à 30 % des femmes. Pour éviter l’infection du nouveau-né au moment de la naissance, qui pourrait entrainer une septicémie et dans les cas les plus graves, une méningite, de nombreux pays développés, dont la France, ont mis en place un dépistage vaginal quelques semaines avant l’accouchement. Les femmes porteuses de streptocoques du groupe B reçoivent dans ce cas des antibiotiques au moment de l’accouchement.

Cette stratégie a permis de réduire fortement l’incidence des infections à streptocoques du groupe B survenant durant la première semaine de vie mais n’a eu aucun effet sur celles survenant entre 1 semaine et 3 mois de vie.  

Par ailleurs, dans de nombreux pays du monde, aucun dépistage prénatal n’est proposé, et de nombreux bébés décèdent après la naissance d’une méningite à streptocoque du groupe B. Il s’agit donc d’un problème majeur de santé publique.

 

Prédisposition des nourrissons

Pour mieux comprendre la maladie et améliorer la prise en charge des mères et des enfants, la chercheuse Inserm Julie Guignot et son groupe de recherche à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris)[2] ont cherché à comprendre ce qui prédispose les nourrissons à cette maladie, alors que les enfants et les adultes ne sont qu’exceptionnellement concernés par ce type de méningite.

Dans de précédents travaux, les scientifiques avaient montré qu’un variant de streptocoque du groupe B était responsable de plus de 80 % des cas de méningites chez le nouveau-né. Ce variant exprime à sa surface des protéines spécifiques qui jouent un rôle essentiel dans le franchissement de la barrière hémato-encéphalique qui sépare le sang du cerveau.

Par des approches complémentaires, les chercheurs ont démontré qu’une des protéines exclusivement exprimées par ce variant reconnaissait de manière spécifique deux récepteurs présents dans les vaisseaux sanguins cérébraux qui constituent l’élément principal de la barrière hémato-encéphalique. Grâce à des prélèvements humains, ils ont démontré que ces récepteurs sont surexprimés chez les nouveau-nés. Ces récepteurs cérébraux ne sont en revanche pas présents chez l’adulte, ce qui explique que le streptocoque du groupe B n’est que très rarement responsable de méningites au-delà de la première année de vie, les bactéries ne pouvant atteindre le cerveau.

Grâce à des modèles animaux de méningite, les chercheurs ont confirmé leurs résultats, montrant que l’expression de ces récepteurs durant la période post-natale contribuait à la susceptibilité du nouveau-né à la méningite due au variant de streptocoque du groupe B.

Pour les chercheurs, ces résultats ouvrent des pistes thérapeutiques intéressantes. « L’idée serait de développer des traitements qui ciblent ces récepteurs au niveau de la barrière hémato-encéphalique. A plus long terme, nous aimerions étudier les facteurs de susceptibilité individuels conduisant au développement de ces infections. Ceci permettrait de réaliser un suivi personnalisé des nourrissons à risque nés de mère colonisée par ce variant », explique Julie Guignot.

 

[1] Barrière physiologique entre le sang et le cerveau qui protège ce dernier des substances toxiques et des micro-organismes pathogènes

[2] Le laboratoire Biologie moléculaire structurale et processus infectieux (CNRS/Institut Pasteur), le Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Collège de France/INSERM), l’Institut pour l’avancée des biosciences (CNRS/INSERM/UGA), entre autres, ont également participé à ces travaux.

Améliorer les immunothérapies des cancers du sang : une exploration en temps-réel au cœur de la tumeur

 

Image capturée in vivo suite à l’injection de l’anticorps anti-CD20 représentant les cellules cancéreuses (en magenta) et les macrophages (en vert) s’attaquant aux cellules tumorales. © Institut Pasteur – Unité des Dynamiques des réponses immunes © Institut Pasteur – Unité des Dynamiques des réponses immunes

Les anticorps monoclonaux font partie de l’arsenal thérapeutique pour détruire les cellules cancéreuses. Certains font appel au système immunitaire pour agir : ils font donc partie des « immunothérapies ». Mais comment ces anticorps fonctionnent-ils au sein de la tumeur ? Et comment peut-on espérer améliorer leur efficacité ? En utilisant des approches d’imageries innovantes in vivo, les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont visionné, en direct et au cœur de la tumeur, le fonctionnement des anticorps anti-CD20, utilisés pour traiter les lymphomes B. Ces résultats seront publiés dans la revue Science Advances, le 19 février 2021.

Les anticorps anti-CD20 ont été développés dans le but de cibler et d’éliminer les lymphomes B, un type de cancer du sang. Ce traitement, souvent en combinaison avec la chimiothérapie, a largement fait ses preuves pour améliorer le pronostique des patients atteints de ces cancers. Néanmoins, tous les patients ne répondent pas avec la même efficacité à ces traitements. Il est donc essentiel d’identifier et de contourner les faiblesses de ces thérapies. 

Les chercheurs de l’unité des Dynamiques des réponses immunes (Institut Pasteur / Inserm), dirigée par Philippe Bousso, ont entrepris de capturer l’effet du traitement dans les secondes suivant l’injection  des anticorps. Ils ont pour cela développé, chez un modèle murin, un système original où la mort des cellules tumorales se traduit par un changement de couleur. Avec cette stratégie, ils ont pu tout d’abord montrer que les macrophages, en ingérant les cellules tumorales recouvertes d’anticorps, étaient indispensables pour l’efficacité de cette thérapie.

« Ce qui nous a étonnés, c’est d’observer que cette phase d’élimination qui débute immédiatement après l’injection de l’anticorps, perdait en efficacité après quelques heures seulement », déclare Capucine Grandjean, auteure principale de cette étude. De plus, les chercheurs ont montré que la quantité de macrophages présente dans la tumeur était sans doute insuffisante pour détruire la totalité des cellules cancéreuses.

Ainsi en mettant en lumière certaines des défaillances de ces anticorps, les chercheurs ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques. En particulier, augmenter la présence et l’activité des macrophages au sein de la tumeur constitue une stratégie prometteuse pour booster l’efficacité de ces anticorps thérapeutiques.

Ces travaux ont été financés par l’Institut Pasteur, l’Inserm et l’ERC.

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Essais nucléaires et santé. Conséquences en Polynésie française : Une expertise collective de l’Inserm

Tahiti © Kazuo Ota on Unsplash

Les essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France en Polynésie française entre 1966 et 1974 ont entraîné des retombées radioactives dont les conséquences sanitaires sont encore mal connues. À la demande du ministère de la Défense, l’Inserm a réalisé une expertise collective pour évaluer les conséquences sur la santé humaine des essais nucléaires en Polynésie française. Les chercheurs estiment que le lien entre des pathologies et ces essais nucléaires est difficile à mettre en évidence dans la population polynésienne. L’expertise propose plusieurs mesures qui permettraient de mieux appréhender ces risques, et rappelle les dommages sanitaires établis des rayonnements ionisants.

L’expertise collective de l’Inserm a été demandée par le ministère de la Défense, via l’Observatoire de la santé des vétérans en 2013, afin de d’évaluer l’intérêt d’une étude épidémiologique de grande ampleur sur les conséquences sanitaires sur la population générale et les anciens travailleurs civils et militaires, des essais nucléaires atmosphériques menés par la France en Polynésie française entre 1966 et 1974. Pendant cette période, 46 essais de ce type ont eu lieu à Moruroa et Fangataufa. Plus largement, l’expertise s’est intéressée aux conséquences de ces essais sur la santé des populations.

Pour répondre à cette question, un groupe pluridisciplinaire de dix scientifiques réunissant des compétences en sociologie, épidémiologie, dosimétrie, radiobiologie et génétique, a établi un bilan des connaissances actuelles sur l’association entre essais nucléaires et santé humaine. Compte tenu de la rareté des études épidémiologiques spécifiques à la Polynésie française, l’analyse a été élargie aux données disponibles sur les dommages sanitaires des essais nucléaires atmosphériques réalisés par d’autres pays, notamment par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’ex-URSS. Le groupe d’experts a complété ce travail par l’étude des dommages sanitaires causés par d’autres types d’exposition aux rayonnements ionisants : bombardements atomiques, accidents nucléaires, exposition professionnelle des travailleurs de la filière nucléaire, expositions médicales.

Ils se sont intéressés en particulier aux pathologies qui peuvent être radio-induites (cancers, maladies cardio-vasculaires, cataracte), aux effets sur la reproduction et le développement, et aux effets sur la descendance, notamment en cas d’exposition de longue durée et à de faibles doses.

Ils ont analysé au total 1150 documents de nature sociologique, épidémiologique, biologique, ou portant sur les méthodes d’estimation des doses de rayonnements ionisants reçues lors d’expositions anciennes.

Améliorer le recueil des données

Il existe deux études épidémiologiques principales qui analysent le lien entre les retombées radioactives des essais nucléaires et la santé des populations polynésiennes. Une étude cas-témoins menée sur 602 polynésiens (229 cas diagnostiqués d’un cancer de la thyroïde entre 1983 et 2001, et 373 témoins) suggérant une augmentation du risque de cancer de la thyroïde en lien avec l’augmentation de la dose de radioactivité reçue à la thyroïde avant l’âge de 15 ans. Une étude menée sur les vétérans présents sur les sites d’essais nucléaires de la France en Polynésie entre 1966 et 1996 met en évidence une augmentation du risque de mortalité par hémopathies malignes (un type de cancer du sang) chez les individus dont le suivi dosimétrique indiquait une exposition aux rayonnements ionisants.

Bien qu’insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre les retombées des essais nucléaires atmosphériques et la survenue de pathologies radio-induites en Polynésie française, ces résultats ne permettent pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires.

L’expertise émet plusieurs recommandations. Elle préconise d’améliorer le recueil des données de santé en consolidant le registre des cancers de Polynésie française et en en créant d’autres pour les maladies cardiovasculaires et les anomalies congénitales. Elle propose également des pistes pour affiner les estimations de doses reçues par les populations locales et par les personnels civils et militaires ayant participé aux essais.

Enfin, les experts rappellent l’importance de continuer à surveiller la littérature scientifique internationale, notamment sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants, en particulier sur certains cancers non reconnus à ce jour comme pouvant être radio-induits, mais aussi sur les maladies cardiovasculaires et sur la descendance.

 

Pour en savoir plus

Lire la synthèse (115 pages) sur le site de l’Inserm

Lire le rapport complet de l’expertise (620 pages) sur le site internet de l’Inserm à partir du 24/02

Des résultats accessibles à tous

Quatre vidéos présentant les résultats et le contexte de cette expertise seront disponibles sur le site de l’Inserm dès le 19 février 2021.

Une adresse mél pour poser des questions aux experts est ouverte du 19 février au 02 mars 2021 : rf.mresni@etnas.seriaelcun.siasse.

Les experts y répondront sous forme de vidéo courant mars.

 

Groupe d’experts et auteurs

Denis BARD, École des hautes études en santé publique (EHESP), Département d’épidémiologie et de biostatistiques (Epibiostat), Rennes

Yannick BARTHE, CNRS, Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités (LIER-EHESS), Paris

Florent de VATHAIRE, Inserm U1018, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP), Équipe « Épidémiologie des radiations », Gustave Roussy, Villejuif

Hanane DERRADJI, Belgian Nuclear Research Centre (SCK-CEN), Radiobiology Unit, Mol, Belgique

Nicolas FORAY, Inserm, UMR 1052, Groupe de Radiobiologie, Centre Léon Bérard, Lyon

Ausrele KESMINIENE, Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), Section de recherche « Environnement et radiations », Lyon

Agnès ROGEL, Santé publique France, Direction des maladies non transmissibles et traumatismes, Saint-Maurice

Laure SABATIER, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Direction de recherche fondamentale, Direction des Programmes et des Partenariats Publics, Saclay

Isabelle THIERRY-CHEF, ISGlobal – Barcelona Institute for Global Health, Radiation Program, Barcelone, Espagne

François TROMPIER, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), Laboratoire de dosimétrie des rayonnements ionisants, Fontenay-aux-Roses

 

Communiquer pendant nos rêves, c’est possible !

Ces travaux remettent en cause l’idée selon laquelle nous sommes complètement coupés du monde lors du sommeil, incapables de recevoir ou d’envoyer des informations à notre environnement. © Adobe Stock

 

Lorsque nous rêvons, nous sommes à première vue coupés du monde, incapables de recevoir des informations de l’environnement et d’y répondre. Pour la première fois, une collaboration entre des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP, de Sorbonne Université et du CNRS avec plusieurs groupes américains, allemands et néerlandais, montre qu’une communication à double-sens, de l’expérimentateur vers le rêveur et vice-versa est possible au cours du rêve. Ces résultats, publiés dans Current Biology, ouvrent la voie à une meilleure compréhension scientifique du rêve et du sommeil.

Pourquoi rêvons-nous ? De quoi rêvons-nous exactement ? Que se passe-t-il dans notre cerveau au cours de cette expérience si mystérieuse ? Autant de questions qui passionnent les chercheurs en neurosciences et auxquelles il est particulièrement difficile de répondre. En effet, les connaissances scientifiques sur le rêve s’appuient aujourd’hui principalement sur le récit qu’en fait le rêveur à son réveil. Des biais de mémoire, d’autocensure ou encore de fabulation sont donc possibles.

Pour faire avancer la recherche, les scientifiques se sont donc tournés vers les « rêveurs lucides », des individus conscients de rêver lorsqu’ils rêvent et, pour certains, capables d’influer sur le scénario de leur rêve. Des études ont notamment montré que ces rêveurs étaient capables d’informer de leur lucidité et donc du début et de la fin d’une tâche prédéfinie réalisée en rêve (par exemple, retenir sa respiration), grâce à un code oculaire préalablement appris. Cette communication était cependant à sens unique, seul le rêveur étant à même d’envoyer un signal qu’il a conscience qu’il rêve.

« L’idée d’une communication à double-sens pouvait paraître une ambition inatteignable. Comment communiquer avec quelqu’un d’endormi ? Mais si nous montrions qu’elle était possible, de nouvelles pistes fascinantes s’ouvraient pour l’étude du rêve », explique Delphine Oudiette, chercheuse Inserm à l’Institut du cerveau (Inserm/AP-HP/Sorbonne université/CNRS).

L’équipe a d’abord fait appel à un rêveur lucide très expérimenté pour essayer d’établir cette double communication. Les chercheurs ont utilisé différents types de stimulations, comme des questions ouvertes posées à voix haute : « est-ce que tu aimes ci ou ça ? », des stimuli tactiles (tapotements sur la main à compter) ou encore des tâches de discrimination sémantiques (distinguer des mots simples comme « haut », « bas » …). Le sujet endormi devait ensuite répondre à ces questions en contractant les muscles de son visage (par exemple en souriant pour dire ‘oui’ et en fronçant les sourcils pour dire ‘non’).

Les résultats de ces expérimentations suggèrent que le sujet était capable de répondre à un certain nombre de ces stimulations alors qu’il était endormi. Au réveil, il a par ailleurs rapporté que la voix de l’expérimentatrice survenait comme une « voix divine » au beau milieu de son rêve, dans lequel il faisait la fête avec des amis.  

« Nous avions donc une première preuve de concept qu’un dialogue avec un rêveur est possible.  Nous nous sommes alors aperçus que plusieurs autres laboratoires dans le monde conduisaient des expériences similaires. Dans notre équipe, nous menons nos études avec des sujets narcoleptiques[1] car leur accès au sommeil paradoxal, au cours duquel le rêve lucide se produit, est privilégié, mais d’autres réalisent leurs expérimentations sur des sujets sans troubles du sommeil. » poursuit Delphine Oudiette.

Les différents groupes, français, américains, allemands et néerlandais, ont donc décidé de mettre leurs données, obtenues d’études réalisées indépendamment, en commun. Cette collaboration leur a permis de confirmer avec des données supplémentaires qu’il est possible d’avoir une communication bidirectionnelle au cours du rêve.

Dans les différentes études, les sujets étaient par exemple capables de répondre aux questions des expérimentateurs (par exemple à des exercices de calcul mental) par le biais d’un code oculaire ou de la contraction des muscles faciaux.

En combinant ces tâches et des enregistrements électrophysiologiques, les chercheurs ont montré que les rêveurs étaient toujours en sommeil paradoxal lorsqu’ils répondaient aux questions.

S’il s’agit pour le moment d’une preuve de concept que la communication à double-sens est possible (les conditions dans lesquelles elle a été établie étant particulièrement difficiles à mettre en place hors d’un contexte expérimental), les implications pour la recherche portant sur le sommeil, le rêve ou même la conscience sont majeures. Ces travaux remettent en cause l’idée selon laquelle nous sommes complètement coupés du monde lors du sommeil, incapables de recevoir ou d’envoyer des informations à notre environnement.

La possibilité de communiquer avec le rêveur ouvre également des perspectives pour identifier des marqueurs physiologiques de la conscience et du rêve et décoder l’activité de notre cerveau au cours de l’expérience onirique, afin de mieux comprendre le rôle du rêve et du sommeil.

 

[1] Il s’agit d’une maladie chronique rare (1 personne sur 3 à 5 000) et non curable, qui survient le plus souvent entre 10 et 30 ans. Ce trouble du sommeil est caractérisé par un sommeil nocturne de durée normale mais de qualité médiocre, une somnolence diurne excessive et des endormissements irrépressibles qui peuvent survenir à tout moment de la journée, même en pleine activité. De plus, contrairement aux sujets sains, les narcoleptiques atteignent très rapidement le sommeil paradoxal, le stade de sommeil au cours duquel les rêves lucides se produisent. Ils sont également spontanément de grands rêveurs lucides par rapport à la population générale. Pour plus d’infos : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/hypersomnies-et-narcolepsie

Covid-19 : premier cas de réinfection grave par le variant Sud-Africain

En 3d par imagerie en feuillet de lumière, présence du virus dans les neurones du bulbe olfactif. © Nicolas Renier

L’équipe du service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP, dirigé par le Pr Jean-Damien Ricard, d’Université de Paris et de l’Inserm rapporte le premier cas grave d’un patient réinfecté par le variant Sud-Africain 501Y.V2 du SARS-CoV-2, quelques mois après une première infection par le SARS-CoV-2. Ce premier cas de réinfection par le variant Sud-Africain a fait l’objet d’une publication le 10 février 2021 dans la revue Clinical Infectious Diseases.

L’acquisition d’une immunité collective semble aujourd’hui la seule issue possible à l’épidémie de Covid-19. Des doutes persistent toutefois quant à la durée et la robustesse de l’immunité contre ce coronavirus. Des cas de réinfection par le virus à distance d’un épisode initial ont été décrits mais demeurent à ce jour relativement rares, et la plupart du temps bénins. L’émergence récente de nouveaux variants porteurs de mutations qui leur confèrent certains avantages sélectifs (plus grande contagiosité, virulence accrue et capacités d’échapper au système immunitaire) soulève de nouvelles inquiétudes.

Ces nouveaux variants, baptisés « Anglais », « Sud-Africain » ou « Brésilien » selon le pays dans lequel ils ont été décrits pour la première fois, sont actuellement associés à une nouvelle augmentation de l’incidence et de la mortalité liés au Covid-19. La crainte d’une possibilité de réinfection ou d’infections par ces nouveaux variants malgré la vaccination commence à émerger.

L’équipe du Professeur Jean-Damien Ricard, chef du service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP a récemment pris en charge un patient de 58 ans sans antécédent notable ayant présenté en septembre 2020 un premier épisode peu sévère de Covid-19 (fièvre et gêne respiratoire modérées), confirmé par RT-PCR. Ce premier épisode s’était résolu spontanément et la guérison avait été confirmée par deux tests PCR négatifs en décembre 2020. En janvier 2021, le patient est réadmis aux urgences de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP pour une récurrence de la fièvre avec gêne respiratoire. Le test PCR SARS-COV-2 se révèle à nouveau positif, et le séquençage du virus, réalisé au sein du service de virologie dirigé par le Pr Diane Descamps au sein de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard AP-HP montre la présence de mutations caractéristiques du variant Sud-Africain 501Y.V2. Le patient a rapidement développé un syndrome de détresse respiratoire aiguë nécessitant une prise en charge en réanimation par intubation et ventilation mécanique. Il ne présentait aucun stigmate biologique d’immunodépression.

La sérologie SARS-CoV-2 en début d’hospitalisation était positive, suggérant que l’immunité développée à l’issue de la première infection n’a pas permis d’éviter la réinfection par le variant Sud-Africain.

Le virus responsable du premier épisode infectieux n’a pas pu faire l’objet d’un séquençage. Toutefois, la survenue de la première infection un mois avant la première description du variant 501Y-V2 en Afrique du Sud, et trois mois avant son premier signalement en France, écarte la possibilité d’une récurrence de la première infection.

Les Dr Noémie Zucman et Fabrice Uhel rapportent donc dans ce travail, la première description d’une réinfection grave par le nouveau variant Sud-Africain du virus SARS-Cov2. Si les données épidémiologiques et expérimentales suggèrent qu’une première infection est capable d’induire une immunité protectrice satisfaisante pendant au moins 6 mois, des cas avérés de réinfection malgré la présence significative dans le sang d’anticorps neutralisants ont été rapportés. Le variant Sud-Africain 501Y-V2 s’est rapidement répandu dans le monde entier depuis décembre 2020. Il est caractérisé par la présence de mutations dans les régions codant pour la protéine Spike qui lui confèrent une plus grande contagiosité. L’impact de ces mutations sur l’efficacité des vaccins n’est pas encore clairement établi à ce jour.

Dans l’attente de données scientifiques complémentaires permettant de mieux évaluer l’immunité croisée et l’efficacité des vaccins contre les nouveaux variants du SARS-CoV-2, la plus grande prudence reste de mise et le strict respect des règles barrières demeure une règle essentielle, y compris chez les personnes vaccinées ou ayant déjà présenté un premier épisode de Covid-19.

Étude COVIDOCRECHE : circulation et transmission du SARS-CoV-2 chez les nourrissons en crèche

©BBC Creative on Unsplash

Des équipes des services de pédiatrie de l’hôpital Jean-Verdier AP-HP, de l’unité de recherche clinique et du service de microbiologie de l’hôpital Avicenne AP-HP, des universités de Sorbonne Paris Nord et Sorbonne Université ainsi que de l’Inserm, ont analysé dans une étude multicentrique le rôle des très jeunes enfants dans la transmission du SARS-CoV-2 au sein de crèches restées ouvertes pour accueillir les enfants des travailleurs essentiels, principalement des soignants, pendant la période du 1er confinement.

Ces travaux qui ont fait l’objet d’une publication dans la revue The Lancet Child and Adolescent Health le 8 février 2021 montrent que le virus circulait peu en crèche dans les conditions particulières appliquées lors du premier confinement (confinement strict du reste de la population, possibilité de petits groupes d’enfants et de renforcement des mesures barrières), y compris dans un groupe d’enfants considéré comme plus à risque (nourrissons dépendant du personnel, parents à risque d’infection car soignants continuant à se déplacer). Le mode de garde en crèche, dans ces conditions, ne semble pas être responsable d’un sur risque pour les enfants et le personnel qui les a en charge.

La fréquence de la présence des anticorps contre le coronavirus SARS-CoV-2 (la séroprévalence) a pu être étudiée entre le 4 juin et le 3 juillet 2020 chez les enfants qui avaient été accueillis pendant le premier confinement national du 15 mars au 9 mai 2020. Elle a permis d’estimer rétrospectivement le nombre d’infections antérieures. Le résultat de leur test sérologique rapide réalisé sur quelques gouttes de sang a également été communiqué aux parents en moins de 15 mn.

Parmi les 22 crèches étudiées, on trouve 20 crèches franciliennes et 2 crèches situées à Rouen et Annecy, dans des régions à moindre circulation virale. Douze crèches étaient hospitalières (dont 7 à l’AP-HP) et 10 étaient gérées par la Ville de Paris ou le Département de la Seine-Saint-Denis. 327 enfants et 197 personnels des crèches ont participé à cette étude.

La séroprévalence chez les enfants était faible : 4,3% (14 enfants positifs de 13 crèches différentes sur 327 enfants inclus).

La séroprévalence chez le personnel des crèches était également faible : 7,7% (soit 14 membres du personnel de crèche positifs sur 197) et similaire à celle d’un groupe de 164 personnels hospitaliers non exposés professionnellement aux patients et/ou aux enfants.

L’ensemble des PCR SARS-CoV-2 réalisées chez les enfants en juin 2020 se sont révélées négatives (197 prélèvements naso-pharyngés et 261 prélèvements de selles).

L’analyse exploratoire complémentaire réalisée suggérait que les enfants séropositifs étaient plus susceptibles d’avoir été exposés au domicile à un adulte avec une infection confirmée au COVID-19 (43% contre 6%) et d’avoir au moins 1 parent séropositif.

L’hypothèse d’une contamination intra-familiale reste plus plausible qu’une transmission au sein des crèches. Ce mode de garde, dans ces conditions, ne semble en effet pas être responsable d’un sur risque pour les enfants et le personnel qui les a en charge.

L’extrapolation de ces résultats à d’autres situations ou d’autres périodes de circulation virale ne peut être faite sans études complémentaires mais ils sont cohérents avec les connaissances sur la place des très jeunes enfants dans la circulation du SARS-CoV-2.

 

L’étude COVIDOCRECHE, promue et financée par l’AP-HP, a été réalisée avec l’appui méthodologique de l’unité de Recherche Clinique des Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis et de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique de Sorbonne Université, ainsi que le soutien de la Ville de Paris et du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Coronavirus : Diminution rapide des anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 chez les professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19

Nouveau coronavirus SARS-CoV-2Micrographie électronique de transmission des particules du virus SARS-CoV-2. Image capturée et colorisée Integrated Research Facility (IRF) in Fort Detrick, Maryland. ©NIAID

Des chercheurs de Sorbonne Université, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de l’Institut Pasteur ont mené des travaux dans le but d’étudier la persistance des anticorps neutralisants le SARS-CoV-2 chez des professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19. Ces travaux qui seront publiés le 8 février 2021 dans Nature Communications, montrent que la réponse humorale[1] neutralisant le SARS-CoV-2 est associée aux anticorps dirigés contre le récepteur de la protéine S du virus et que ce caractère neutralisant diminue au cours du temps, pouvant même disparaître dès deux mois après l’infection naturelle.

A l’heure de la vaccination, les corrélats de protection[2] contre le SARS-CoV-2 ne sont pas encore clairement définis et posent la question du taux minimal d’anticorps nécessaire afin d’être protégé de l’infection par le SARS-CoV-2 ou des formes sévères de COVID-19. Ces corrélats sont très souvent associés aux anticorps neutralisants, des anticorps particuliers permettant de prévenir l’infection en bloquant l’entrée du virus dans ses cellules cibles.

Il apparaissait donc important aux chercheurs et biologistes du service de virologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’équipe THERAVIR[3] de l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (IPLESP-Sorbonne Université/Inserm), en collaboration avec plusieurs services du groupe hospitalo-universitaire AP-HP-Sorbonne Université  et de l’Institut Pasteur[4], d’étudier au cours du temps l’apparition et la persistance de différents type d’anticorps (IgG, IgA et IgM) ainsi que leur caractère neutralisant chez des professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19.

Les résultats de cette étude montrent que l’ensemble de ces professionnels a développé des anticorps entre 2 et 4 semaines après le début des symptômes ainsi qu’une réponse neutralisante au SARS-CoV-2.

Cette réponse neutralisante était associée aux anticorps de type IgG et IgA dirigés contre la protéine S du virus et plus particulièrement, le receptor binding domain, (RBD) responsable de l’interaction avec l’angiotensin converting enzyme 2 (ACE2), le récepteur cellulaire du virus (qui lui permet de s’arrimer aux cellules pour les infecter).

Les chercheurs ont montré que les anticorps IgA systémiques, essentiels à la protection des muqueuses, étaient les anticorps principalement responsables de la réponse neutralisante précoce. Cependant, cette réponse neutralisante déclinait rapidement dès 2 mois après le début des symptômes et pouvait même disparaître chez 15% des professionnels, associés au déclin et à la disparition des anticorps IgA dans le sérum.

Malgré cette diminution de la réponse neutralisante, le taux des anticorps IgG, habituellement considérés comme protecteurs et à longue durée de vie se maintenait entre 2 et 3 mois après le début des signes.

En conclusion, cette étude met en évidence l’importance de la protection précoce médiée par les anticorps IgA et pose la question de la persistance à long terme des anticorps neutralisants le SARS-CoV-2 et donc de l’immunité protectrice au cours du temps chez les professionnels de santé ayant fait une forme modérée de COVID-19. Les résultats portant exclusivement sur l’immunité humorale, ils ne prennent pas en compte l’immunité cellulaire générée en réponse à l’infection par le SARS-CoV-2. Par la suite, il serait donc intéressant d’évaluer la persistance d’une réponse cellulaire mémoire chez ces professionnels ainsi que la réponse anticorps IgA au niveau des muqueuses respiratoires.

Ces travaux sont en faveur d’un maintien des mesures de protection et des gestes barrières et de l’intérêt de la vaccination des professionnels de santé ayant fait un COVID-19.

 

[1] En opposition à l’immunité cellulaire, la réponse humorale est l’immunité adaptative par production d’anticorps.

[2] Un corrélat de protection est une preuve indirecte, le plus souvent sérologique, de l’existence d’une protection contre une maladie donnée.

[3] Equipe THERAVIR : Stratégies thérapeutiques contre l’infection VIH et les maladies virales associées

[4] Unité virus et immunité

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