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Découverte de deux facteurs qui ouvrent la porte à l’infection par le virus de l’hépatite C : vers une nouvelle classe d’antiviraux

Une collaboration internationale conduite par Thomas Baumert (Unité Inserm 748 « Interactions virus-hôte et maladies hépatiques », Université de Strasbourg) aboutit à identifier deux nouveaux facteurs qui jouent un rôle important dans l’entrée du virus de l’hépatite C (VHC) dans les cellules du foie. En montrant qu’il est possible d’inhiber in vitro et chez un modèle animal ces facteurs qui expriment une enzyme spécifique, les chercheurs ouvrent la voie à la possibilité d’une nouvelle classe de médicaments. Ces travaux, financés par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), l’Union Européenne, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’INCa sont publiés online sur le site de la revue Nature Medicine du 24 avril 2011.

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est une cause majeure d’hépatite chronique dans le monde, touchant plus de 170 millions de personnes. L’infection souvent détectée plusieurs années après la transmission, évolue silencieusement vers la cirrhose ou le cancer du foie. Malgré les progrès, les classes de médicaments dont on dispose ne sont malheureusement pas efficaces chez tous les patients et nombre d’entre eux développent des résistances aux antiviraux. A ce jour il n’y a pas de vaccin. Le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques reste donc un enjeu important.

Foie hépatite C

© Fotolia

L’équipe dirigée par Thomas Baumert (Unité Inserm 748, Université de Strasbourg), en collaboration avec des équipes de l’IGBMC Strasbourg, les Universités de Lyon, Birmingham, Glasgow, Freiburg, Hanovre, Boston et Harvard Boston, ainsi qu’avec les services hospitaliers de Strasbourg, avec le soutien de l’ANRS, de l’Union européenne, de l’ANR, la région Alsace et l’Inca, a réalisé un criblage des cellules du foie, les hépatocytes, exprimant des enzymes particulières, les kinases. Les chercheurs souhaitaient en effet mieux connaître le rôle de ces enzymes dans l’infection par le VHC. Sur 58 kinases identifiées, les chercheurs ont déterminé le rôle important que jouent deux d’entre elles, EGFR et EphA2. Ces deux kinases facilitent l’assemblage des récepteurs du virus(1) qui forment alors un « complexe de récepteurs » à la surface des cellules hépatocytaires. Elles jouent donc un rôle dans les premières étapes de l’infection. Les chercheurs ont ensuite inhibé l’une des deux kinases, l’EGFR, en utilisant un produit déjà utilisé dans le traitement du cancer du poumon, l’erlotinib, ainsi que des anticorps spécifiques : erlotinib et anticorps se révèlent capables de limiter l’entrée du VHC dans les hépatocytes in vitro. Mieux : les chercheurs ont testé dans un modèle de souris l’efficacité de l’erlotinib et ont pu retarder et réduire l’infection par le VHC chez les animaux.

Ces résultats contribuent à élucider la première étape clé du cycle viral du VHC, l’entrée virale, et permettent de mieux comprendre les interactions entre le virus et les cellules du foie. La découverte de ces nouveaux acteurs ouvre la voie également à de nouvelles stratégies antivirales ciblées sur les kinases. Les chercheurs projettent de mettre en place une étude clinique pilote pour évaluer l’efficacité de l’erlotinib chez des patients infectés par le VHC. L’objectif est de disposer d’une nouvelle classe d’antiviraux.

Note :
(1) Il y a quatre récepteurs connus à ce jour : CD81, scavenger receptor class B type I (SR-BI), claudin-1 (CLDN1) et occludin (OCLN)

Greffe de rein : les anticorps dirigés contre le greffon induisent un vieillissement accéléré de l’organe transplanté

Des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes (Unité 970 « Paris Centre de recherche cardiovasculaire ») en collaboration avec l’AP-HP (Hôpital Européen Georges Pompidou, hôpital Saint-Louis et hôpital Necker) viennent de montrer que la présence d’anticorps chez des patients ayant subi une greffe de rein provoquait le rétrécissement accéléré des artères de petit et moyen calibre qui fournissent le sang au nouveau rein. Les résultats à paraître ce jour dans The Journal of the American Society Nephrology démontrent que le rétrécissement progressif des vaisseaux du rein appelé artériosclérose est particulièrement fréquent en cas de rejet lié aux anticorps.

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Deux à trois millions de Français souffrent de maladies rénales chroniques. Organes vitaux, les reins permettent d’épurer le sang de ses différents déchets et leur bon fonctionnement est nécessaire à la vie. En cas de non fonctionnement, un traitement de substitution est nécessaire. La transplantation d’un nouvel organe issu d’un donneur vivant ou décédé s’impose aujourd’hui comme le traitement de choix.

Une des problématiques majeures de la greffe rénale est la nécessité d’une compatibilité immunologique entre le donneur et le receveur. Néanmoins, la greffe peut être compromise lorsque les receveurs développent des anticorps contre leur greffon, provoquant un rejet sévère de l’organe transplanté. Malgré les avancées considérables dans le domaine des traitements immunosuppresseurs, le rejet lié aux anticorps est aujourd’hui une problématique majeure.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm ont analysé les caractéristiques des reins des patients transplantés en fonction de la présence d’anticorps dirigés contre leur donneur. Ils ont également comparé le vieillissement des vaisseaux de l’organe greffé au vieillissement vasculaire rénal physiologique.

Leurs travaux démontrent que la présence d’anticorps dirigés contre le donneur induit un vieillissement prématuré de l’organe transplanté. Ce vieillissement se caractérise par un rétrécissement significatif du calibre des petites et moyennes artères du greffon appelé artériosclérose.

Les chercheurs ont constaté que le rétrécissement des artères progresse significativement entre trois et douze mois après la greffe chez les patients développant des anticorps comparativement à la progression classique de l’artériosclérose lié au vieillissement. Ainsi, en un an, le vieillissement observé en présence d’anticorps correspond au vieillissement normal s’étalant sur 28 ans pour une personne en bonne santé. Cette diminution du calibre de ces vaisseaux a potentiellement un impact délétère sur la fonction du greffon et in fine sur sa durée de vie.

Du rein au cœur

Cette étude à l’échelle humaine est concordante avec les résultats publiés issus de modèles murins qui soulignaient l’importance particulière de mécanismes immuns dans la survenue de l’artériosclérose.

« Nos résultats confortent l’intérêt de dépister ces anticorps précocement après la transplantation rénale et de développer des stratégies thérapeutiques ciblées afin de prévenir cette artériosclérose accélérée » déclarent Gary Hill et Alexandre Loupy, les principaux auteurs de cette étude.

Compte tenu du rôle majeur de l’artériosclérose dans le développement des maladies cardiovasculaires, nos résultats suggèrent par ailleurs que les sujets greffés représentent une population particulièrement à risque de morbidité et mortalité cardiovasculaire.

Artériosclérose ou athérosclérose ?
Le vieillissement normal des artères se nomme artériosclérose. Il se caractérise par une perte d’élasticité des vaisseaux et par une diminution de leur diamètre. Il arrive fréquemment que cette artériosclérose s’accompagne de dépôt de plaques graisseuses sur la paroi interne des vaisseaux. Lorsque ces fameuses plaques d’athérome se forment, elles obstruent encore plus la lumière des vaisseaux. On parle alors d’athérosclérose.

Reproduction et environnement, une expertise collective de l’Inserm

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études indiquent une augmentation de la prévalence des troubles de la reproduction de l’homme adulte dans plusieurs pays occidentaux. L’incidence du cancer du testicule a augmenté régulièrement depuis une cinquantaine d’années ; deux types de malformations relativement fréquentes chez le petit garçon, l’hypospadias et la cryptorchidie, semblent également en augmentation même si d’importantes variations géographiques sont observées ; une détérioration des caractéristiques spermatiques chez l’homme adulte (concentration, mobilité des spermatozoïdes) est constatée avec, là encore, des différences régionales. Par ailleurs, le cancer de la prostate et le cancer du sein, deux cancers hormono-dépendants sont en augmentation.

L’impact de l’environnement sur ces évolutions temporelles suscite de nombreux débats de société. L’exposition aux substances chimiques et en particulier aux « perturbateurs endocriniens » est actuellement au coeur de ces débats.

Des substances chimiques reconnues toxiques pour la reproduction sont aujourd’hui interdites ou réglementées. D’autres sont classées à ce jour substances reprotoxiques de catégorie 3, c’est-à-dire jugées « préoccupantes pour la fertilité de l’espèce humaine » en raison « d’effets toxiques possibles » mais non démontrés sur la reproduction.

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Face aux interrogations de la société sur une possible dangerosité de telles substances chimiques auxquelles le grand public est exposé, le Ministère de la Santé a sollicité l’Inserm pour une analyse des données disponibles sur leurs effets sur la reproduction.

Pour répondre à cette demande, l’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts composé d’épidémiologistes, de toxicologues, de chimistes, d’endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement et de la génétique moléculaire, afin de mener une analyse critique de la littérature scientifique internationale publiée sur 5 grandes familles de substances chimiques : le Bisphénol (1), les phtalates, les composés polybromés (retardateurs de flamme), les composés perfluorés et les parabènes.
A partir de quelque 1200 articles, le groupe a rédigé un rapport dont la synthèse est consultable sur le site de l’Inserm, ainsi qu’un tableau récapitulatif des principales conclusions.

Fruit d’un travail mené depuis l’automne 2009 cette expertise collective rassemble les données épidémiologiques, toxicologiques et mécanistiques qui constituent un faisceau d’indices sur d’éventuelles conséquences pour la reproduction humaine. Le groupe d’experts souligne la nécessité d’amplifier l’effort de recherche au plan national et international pour lever les incertitudes concernant les effets d’expositions combinées et permanentes aux substances chimiques présentes de façon ubiquiste dans l’environnement humain.

Des approches par des disciplines complémentaires et l’interaction entre les épidémiologistes, les physiologistes, toxicologistes, les biologistes de la reproduction devraient conduire à une vision plus intégrée des effets des substances et devraient permettre de répondre aux défis sociétaux de la santé reproductive grâce à un ensemble de méthodologies aujourd’hui disponibles.

Note

(1) Le rapport préliminaire « Bisphénol A : Effets sur la reproduction » publié en juin 2010 s’inscrivait dans le cadre de cette expertise collective.

Groupe d’experts

  • Carlo ADAMO, École nationale supérieure de chimie de Paris (ENSCP), Chimie ParisTech, Paris
  • Jean-Philippe ANTIGNAC, Laboratoire d’étude des résidus et contaminants dans les aliments (Laberca), USC Inra 2013, Ecole Nationale Vétérinaire, Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique (ONIRIS), Nantes
  • Jacques AUGER, Service d’Histologie-Embryologie, Biologie de la Reproduction, Cecos, Hôpital Cochin, Université Paris V, Paris
  • Patrick BALAGUER, Equipe Signalisation hormonale, environnement et cancer, Inserm U 896, Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, Montpellier
  • Deborah BOURC’HIS, Equipe Décisions épigénétiques et reproduction chez les mammifères, Unité de génétique et biologie du développement CNRS UMR 3215-Inserm U 934, Institut Curie, Paris
  • Louis BUJAN, Groupe de recherche en fertilité humaine, Equipe d’accueil 3694, Université Paul Sabatier Toulouse III et Cecos, Hôpital Paule de Viguier, CHU Toulouse,
  • Cécile CHEVRIER, Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères, Inserm U 625, Université Rennes 1
  • Corinne COTINOT, Différenciation gonadique et ses perturbations, Unité de biologie du développement et reproduction INRA/ENVA, UMR 1198, Jouy-en-Josas
  • Jean-Pierre CRAVEDI, UMR1331 Inra/INP/UPS ToxAlim, Inra, Toulouse
  • Vincent LAUDET, Equipe de zoologie moléculaire, Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, UMR 5242 CNRS, Ecole Normale Supérieure de Lyon, Inra, Université Claude Bernard Lyon 1
  • Gabriel LIVERA, Unité mixte de recherche sur cellules souches et radiations, Inserm U 967, CEA, Université Paris VII, Fontenay-aux-Roses
  • Rémy SLAMA, Epidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et la santé respiratoire, Inserm U 823, Institut Albert Bonniot, Université Joseph Fourier, Grenoble

Coordination scientifique de l’expertise Centre d’expertise collective de l’Inserm

Qu’est-ce que l’expertise collective de l’Inserm ?
L’expertise collective est une mission de l’Inserm depuis 1994. Une soixantaine d’expertises collectives ont été réalisées dans de nombreux domaines de la santé. L’Expertise collective Inserm apporte un éclairage scientifique sur un sujet donné dans le domaine de la santé à partir de l’analyse critique et de la synthèse de la littérature scientifique internationale. Elle est réalisée à la demande d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche, utiles à leurs processus décisionnels en matière de politique publique. L’expertise doit être considérée comme une étape initiale nécessaire pour aboutir, à terme, aux prises de décision. Pour répondre à la question posée, l’Inserm réunit un groupe pluridisciplinaire d’experts reconnus composé de scientifiques et de médecins. Ces experts rassemblent, analysent les publications scientifiques et en font une synthèse. Des «lignes forces» sont dégagées et des recommandations parfois élaborées. Les conclusions apportées par les travaux d’expertise collective contribuent au débat des professionnels concernés et au débat de société.

Comment le cerveau cartographie et mémorise notre environnement pour nous permettre de nous orienter

Selon Jérôme Epsztein, chercheur Inserm à Marseille (Unité 901 « Institut de neurobiologie de la méditerranée ») et ses collaborateurs, Michael Brecht de l’Université Humboldt de Berlin et Albert Lee de l’Institut Médical Howard Hugues en Virginie (USA), certains neurones possèdent des propriétés particulières qui permettent d’apprendre rapidement et facilement la cartographie des lieux, quels qu’ils soient. Dès que nous sommes placés dans un nouvel environnement, il suffit simplement que le cerveau active ces neurones particuliers, pour nous orienter très facilement. Les résultats de ce travail sont publiés le 14 avril 2011 dans la revue Neuron.

Connaître sa localisation dans son environnement est une fonction essentielle à la survie de l’individu. Que se passe-t-il réellement dans notre cerveau lorsque nous devons mémoriser les informations essentielles à notre orientation dans l’espace ? L’hippocampe chez l’homme comme chez l’animal joue un rôle central dans plusieurs formes de mémoire et notamment celle des lieux. En effet, on a découvert chez l’animal des neurones dans cette structure qui ne sont activés que lorsque l’animal se trouve dans un lieu donné de son environnement d’où le terme de « cellules de lieu ».

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© Inserm, Ingrid Bureau

Malgré la découverte des cellules de lieu il y a plus de 40 ans, on ne savait toujours pas pourquoi certains neurones de l’hippocampe sont actifs dans un environnement donné alors que la majorité d’entres eux reste silencieux dans ce même environnement. Comment se fait la sélection des cellules qui participent à la cartographie d’un environnement donné (et potentiellement à sa mémorisation) ? C’est ce que Jérôme Epsztein à l’Inserm (Unité 901 « Inmed ») et ses collègues le Pr. Michael Brecht de l’Université Humboldt de Berlin et le Dr. Albert Lee de l’Institut Médical Howard Hugues en Virginie (USA) ont voulu comprendre en développant une nouvelle technique permettant d’enregistrer in vivo l’activité intracellulaire des cellules de lieu chez le rat pendant l’exploration de son espace environnant.

Contrairement aux techniques d’enregistrement classiquement utilisées chez l’animal en exploration qui ne permettent d’enregistrer que les messages envoyés par les cellules, cette technique très sensible permet d’enregistrer également les messages reçus par les neurones ainsi que des propriétés intrinsèques fondamentales des neurones. En utilisant cette technique, les chercheurs ont pu comparer très précisément les propriétés des cellules dites « de lieu » et dites « silencieuses » alors que l’animal explorait un environnement pour la première fois (et donc apprenait à s’y repérer).

Les enregistrements effectués par Jérôme Epsztein et ses collègues ont permis de mettre en évidence que, comme on le supposait, les cellules de lieu reçoivent plus de messages excitateurs que les cellules silencieuses dans un environnement donné. Cependant, ils ont également observé que les cellules de lieu ont des propriétés intrinsèques différentes des cellules silencieuses qui facilitent leur réponse à un stimulus donné.

De façon surprenante, des différences de propriétés intrinsèques ont pu être observées avant même que l’animal ne soit confronté à une nouvelle expérience à mémoriser. « Ainsi, certaines cellules de l’hippocampe seraient prédisposées à cartographier et potentiellement à mémoriser le prochain environnement exploré » déclare Jérome Epsztein principal auteur de cette étude.

Cependant, le cerveau est complexe et plastique, c’est-à-dire qu’il se réorganise à chaque instant en fonction des différentes sollicitations qu’il reçoit. « Nos travaux s’appliquent à l’étude du cerveau de ces animaux à un instant donné, explique Jérôme Epsztein. Il se peut qu’à un autre moment pour appréhender un environnement différent, les cellules silencieuses deviennent cellules de lieu suite à une modification de leurs propriétés intrinsèques ».

Ces travaux renforcent les connaissances du mécanisme complexe de la mise en mémoire de ce type l’information dans le cerveau en montrant un rôle potentiellement déterminant des propriétés intrinsèques dans la sélection des neurones qui participent à la formation des souvenirs.

Une nouvelle biothérapie contre le cancer et la perte de vision

Philippe Le Bouteiller, directeur de recherche au Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (Inserm U1043 / UPS / CNRS UMR 5282), Armand Bensussan, directeur du Centre de recherche sur la peau de l’hôpital Saint-Louis (Inserm U976 / Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité) et leurs collaborateurs viennent de publier des résultats démontrant, chez l’animal, que l’utilisation d’un anticorps dirigé spécifiquement contre une nouvelle cible thérapeutique fait régresser le développement de vaisseaux sanguins, et de ce fait, diminue la croissance tumorale et résorbe certaines pathologies oculaires. Cette nouvelle biothérapie pourrait ainsi être utilisée pour traiter des cancers et des maladies ophtalmiques associés à une forte angiogenèse. Ces travaux sont publiés online sur le site du Journal of Experimental Medicine du 11 avril.

Le développement de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse) joue un rôle essentiel dans le développement de plusieurs maladies de l’œil et dans la croissance des tumeurs dites solides (cancer touchant des organes).

Les chercheurs, qui ont identifié et caractérisé depuis plusieurs années un récepteur appelé CD160, ont découvert que celui-ci était exprimé sur les cellules endothéliales activées qui tapissent les vaisseaux sanguins nouvellement formés, présents dans certaines tumeurs chez l’homme et dans d’autres espèces notamment chez la souris. En revanche, ce récepteur n’est pas présent dans les vaisseaux des tissus sains. Ils ont aussi mis en évidence que ce récepteur lorsqu’il fixait son ligand naturel (les molécules HLA-G solubles), entraînait la mort cellulaire. Ces observations les ont conduits à tester l’utilisation de ce récepteur comme cible thérapeutique pour bloquer la néovascularisation tumorale mais également celles associées à certaines pathologies oculaires entrainant des pertes de vision.

Suite à leurs observations, ils ont développé un anticorps monoclonal agoniste spécifiquement dirigé contre ce récepteur (anticorps monoclonal anti-CD160) comme agent biothérapeutique pour bloquer la formation de néovaisseaux.

Utilisation de l’anticorps anti-CD160 dans deux modèles tumoraux chez la souris

Ils ont démontré, chez des souris ayant reçu des cellules cancéreuses hautement agressives (mélanome, fibroblastes tumoraux), que le traitement par l’anticorps monoclonal, associé à une chimiothérapie, faisait régresser la croissance tumorale de façon significative et prolongeait la survie des animaux. Ces effets bénéfiques sont associés à une diminution du nombre de vaisseaux néoangiogéniques intratumoraux et à une préservation des vaisseaux les plus mâtures, permettant ainsi un meilleur acheminement de la chimiothérapie. Ce type d’action a pour conséquence de diminuer la toxicité liée aux fortes concentrations utilisées lors du traitement conventionnel de chimiothérapie.

Utilisation de l’anticorps anti-CD160 dans deux modèles de pathologies oculaires chez le lapin et la souris

Les chercheurs ont utilisé un modèle de néovascularisation dans la cornée de lapin, reproduisant ainsi des pathologies existantes chez l’homme (rejet de greffe de cornée, brûlures …). En les traitant localement avec l’anticorps anti-CD160, ils ont observé une régression de cette néovascularisation. Ils se sont également intéressés aux pathologies de la rétine associées à un développement vasculaire prolifératif non contrôlé, dont la rétinopathie de l’enfant prématuré. Ils ont utilisé un modèle chez la souris mimant cette rétinopathie et ont démontré que suite à l’unique traitement par l’anticorps, la rétine pathologique retrouvait une vascularisation normale.

« Cette nouvelle thérapie est originale car elle induit directement la mort des cellules endothéliales en prolifération. Elle diffère des traitements anti-angiogéniques actuellement utilisés en clinique et qui ciblent le facteur pro-angiogénique VEGF » précise Philippe Le Bouteiller, directeur de recherche au Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan (Inserm U1043 / UPS / CNRS UMR5282).

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A Gauche, partie de rétine malade (vaisseaux anormaux), à droite, partie de rétine traitée par l’anticorps anti-CD160 © P. Le Bouteiller, Inserm

Cette thérapie par l’anticorps monoclonal anti-CD160 représente une alternative aux traitements anti-angiogéniques actuellement utilisés en clinique, pour les patients résistants. Cette nouvelle biothérapie pourrait être utilisée pour traiter des cancers associés à une forte angiogenèse ainsi que des pathologies ophtalmiques associées à une néoangiogenèse comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui touche de plus en plus de personnes âgées, la rétinopathie diabétique et la rétinopathie du prématuré.

Ces travaux sont soutenus grâce à des dons de la Ligue Régionale contre le cancer de Midi-Pyrénées et des associations de patients Retina-France et Valentin Haoüy

Brevets

1. Le Bouteiller P. & Bensussan A. Angiogenic and immunologic applications of anti-CD160 specific compounds obtainable from mAb CL1-R2. EP 04292015.7. 2004. Licencié au LFB
2. Le Bouteiller P. & Bensussan A. Anti-CD160 specific compounds for the treatment of eye disorders based on neoangiogenesis. 61/349,271. US-NP. May 28th, 2010. Licencié à MATBiopharma

Identification d’un nouveau groupe de mutations génétiques

Pour la première fois, Patrick Edery du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université de Lyon 1), Anne-Louise Leutenegger de l’unité Inserm 946 « Variabilité génétique et maladies humaines » à Paris et leurs collaborateurs ont décrit un nouveau groupe de mutations génétiques grâce au séquençage du génome. Les chercheurs ont montré l’implication d’un petit ARN dans une maladie génétique chez l’Homme (syndrome de Taybi-Linder). Ce petit ARN, appelé ARNsn – pour Small Nuclear ARN – intervient lors d’une étape cruciale qui précède la synthèse des protéines. La découverte de mutations sur l’ARNsn permettrait à terme l’identification rapide de gènes impliqués dans le développement du cerveau, des os et d’autres tissus. Des perspectives thérapeutiques pourraient en découler. Ces résultats sont publiés dans la revue Science datée du 8 avril 2011.

Lors du développement embryonnaire, l’information génétique supportée par l’acide désoxyribonucléique (ADN), organisé en gènes, subit plusieurs opérations qui mènent à la synthèse des protéines qui constituent l’organisme.

Cette information est d’abord transcrite en acide ribonucléique (ARN) messager puis traduite en protéines. Chez les eucaryotes, il existe une étape intermédiaire de maturation de l’ARN pré-messager. Ce processus, connu sous le nom d’ « épissage de l’ARN », est rendu possible par l’action du « spliceosome », un outil particulier constitué de petits ARNsn (1) et de protéines. Ce complexe permet d’enlever les parties non codantes de l’ARN pré-messager que l’on appelle « introns » et de souder celles qui sont codantes, appelées « exons », qui seront utilisées lors de la synthèse des protéines (Figure ci-contre).

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La maturation de l’ARN pré-messager, une étape cruciale en amont de la synthèse des protéines © Inserm / J.Hardy

Les chercheurs révèlent ici une anomalie au sein du « spliceosome » qui est un acteur essentiel en amont de la synthèse des protéines, dès le développement embryonnaire et durant toute la vie pré- et postnatale.

Les scientifiques ont identifié une anomalie au niveau d’un des petits ARNsn du spliceosome chez des patients présentant un décès rapide post-natal et des malformations graves du cerveau, des os et d’autres tissus (nanisme microcéphalique primordial de type 1, MOPD1, ou syndrome de Taybi-Linder, TALS). « Dans un premier temps, l’utilisation d’une nouvelle méthode statistique (2) a permis de localiser le défaut génétique sur une petite région du chromosome 2. Ensuite, les dernières techniques de séquençage haut-débit ont rendu possible l’identification de 4 mutations liées à l’ARNsn dont le nom est U4atac », souligne Anne Louise Leutenegger. Selon les chercheurs, ces mutations sont responsables de la mort précoce quelques mois après la naissance et des malformations sévères du cerveau et des os, observées chez les patients atteints du syndrome de Taybi-Linder (3).

« Grâce à cette découverte, il est maintenant possible de proposer un diagnostic prénatal précoce de cette affection très grave, mais au-delà, l’identification des protéines perturbées par cette anomalie pourrait permettre d’envisager des stratégies thérapeutiques permettant d’éviter le décès », explique Patrick Edery.

Plus important encore, il s’agit de la première implication d’un petit ARNsn du complexe « spliceosome » dans une maladie génétique. Ce travail indique qu’un épissage efficace, c’est-à-dire la maturation de l’ARN pré-messager, est nécessaire pour un développement embryonnaire normal et pour la vie post-natale chez l’homme. En effet, une anomalie observée en amont de la synthèse des protéines a des répercutions importantes sur l’ensemble des étapes du développement embryonnaire et postnatal des individus.

« La découverte de ce nouveau mécanisme responsable d’anomalies du développement devrait permettre, grâce à la technique de séquençage du génome, d’identifier de nombreux gènes impliqués dans de graves malformations génétiques », conclut Patrick Edery.

Notes
(1) ARNsn : Small Nuclear Ribonucleic Acid / Petit Acide RiboNucléique contenu dans le noyau de la cellule
(2) Using genomic inbreeding coefficient estimates for homozygosity mapping of rare recessive traits: application to Taybi-Linder syndrome – Leutenegger AL, Labalme A, Genin E, Toutain A, Steichen E, Clerget-Darpoux F, Edery P. – Am J Hum Genet. 2006; 79(1):62-6
(3) MOPD1 ou syndrome de Taybi-Linder : une maladie génétique grave pouvant induire un décès juste après la naissance ou des malformations graves du cerveau, des os et d’autres tissus. A ce jour, la prévalence de la maladie est inconnue et environ 30 cas ont été décrits dans la littérature

Identification de cinq nouveaux facteurs de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer

Avec l’augmentation de la longévité des populations humaines, le nombre de patients atteints de maladie d’Alzheimer tend à augmenter en France et dans le monde. Première cause de troubles de la mémoire et des fonctions intellectuelles chez la personne âgée, cette affection constitue donc un enjeu majeur de santé publique. Pour lutter plus vite et plus efficacement contre cette maladie, les chercheurs européens unissent leurs forces. Ainsi, un consortium de 108 laboratoires européens animé par une équipe française (UMR 744 Inserm-Lille2-Institut Pasteur de Lille « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement ») et une équipe britannique (centre de neuropsychiatrie génétique et de génomique, Université de Cardiff) viennent d’identifier cinq nouveaux facteurs de prédisposition génétique impliqués dans le développement de la maladie.

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Ces recherches ont été menées par l’Inserm en collaboration étroite avec le CEA (Centre national de génotypage, CEA-IG-CNG), la Fondation Jean Dausset-CEPH, et un consortium européen regroupant 25 équipes. Ces découvertes ont été obtenues grâce au soutien de la Fondation Plan Alzheimer, qui coordonne le volet recherche du Plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, lancé en février 2008.

Les travaux de ces équipes françaises et anglaises avaient permis en septembre 2009 de découvrir trois nouveaux facteurs de susceptibilité génétique à la maladie d’Alzheimer (CLU, CR1, PICALM) en plus de l’allèle ε4 du gène codant pour l’apolipoprotéine E (APOE) connus depuis plus de 15 ans.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé les génomes de 59 176 individus dont 19 870 étaient atteints de la maladie d’Alzheimer et ont ainsi découvert cinq nouveaux gènes de prédisposition : ABCA7, MS4A, EPHA1, CD2AP et CD33. Ils ont également confirmé l’importance du gène BIN1. Ces résultats sont publiés dans la version en ligne de la revue Nature Genetics, du 3 avril 2011.

Ces résultats ont deux intérêts majeurs. Tout d’abord, l’identification de nouveaux gènes associés à la maladie d’Alzheimer va permettre d’élargir le nombre des hypothèses de recherche sur les causes de cette affection. Cette étape est essentielle pour pouvoir identifier de nouvelles pistes de traitements curatifs dans la mesure où les médicaments actuels n’ont que des effets symptomatiques. Par ailleurs, les gènes ainsi identifiés vont aider à mieux cerner le terrain individuel favorisant la survenue de la maladie d’Alzheimer et seront une aide précieuse lorsque des traitements préventifs seront disponibles. La connaissance de ces gènes aidera les chercheurs du monde entier à mieux appréhender les événements conduisant à la destruction des cellules nerveuses et à la perte des fonctions intellectuelles qui caractérisent cette affection.

Dans le même numéro de Nature Genetics, un consortium américain animé par l’Université de Pennsylvanie a également identifié quatre de ces gènes dans une population comparant plus de 11 000 patients et un nombre équivalent de sujets sains. L’ensemble des chercheurs européens et américains ayant contribué à ces découvertes se sont réunis pour la première fois à Paris en Novembre 2010 pour créer le consortium mondial IGAP (International Genomics Alzheimer Project) soutenu par la Fondation Plan Alzheimer en France et l’Alzheimer’s Association aux Etats-Unis. « Cette initiative unique au monde va permettre d’accélérer la lutte contre la maladie, et témoigne de l’importance de ces études collaboratives internationales pour aborder la complexité d’une telle affection », indique Philippe Amouyel, son coordinateur pour la France et le consortium international.

La maladie d’Alzheimer est l’une des principales causes de dépendance de la personne âgée. Elle résulte d’une dégradation des neurones dans différentes régions du cerveau. Elle se manifeste par une altération croissante de la mémoire, des fonctions cognitives ainsi que par des troubles du comportement conduisant à une perte progressive d’autonomie. En France, la maladie d’Alzheimer touche plus de 850 000 personnes et représente un coût social et économique majeur.
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par le développement dans le cerveau de deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l’accumulation extracellulaire d’un peptide, le peptide β amyloïde (Aβ), dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions intraneuronales provenant de l’agrégation anormale, sous forme de filaments, d’une protéine appelée protéine Tau.
L’identification des gènes qui participent à la survenue de la maladie d’Alzheimer et à son évolution permettra d’aborder plus rapidement les mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette affection, d’identifier des protéines et des voies métaboliques cibles de nouveaux traitements et d’offrir des moyens d’identifier les sujets les plus à risque lorsque des traitements préventifs efficaces seront disponibles.

Cellules graisseuses et cancer du sein : un mélange à risque

L’obésité, outre ses conséquences directes sur la santé (maladies cardiovasculaires, diabète), est de plus en plus soupçonnée de jouer un rôle dans le pronostic du cancer du sein en particulier dans sa propension à se répandre. Pour autant, aucune relation de cause à effet n’avait, jusqu’à présent, été démontrée. C’est chose faite grâce aux travaux menés par deux équipes de recherche réunissant des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Paul Sabatier. Les travaux conjoints des scientifiques ont permis de mettre en évidence in vitro et in vivo, à proximité des cancers du sein, des cellules du tissu graisseux, appelées adipocytes, aux caractéristiques biologiques spécifiques. Ces adipocytes associés aux tumeurs sont capables de modifier les caractéristiques de la cellule cancéreuse, la rendant plus agressive. Les résultats de ces travaux sont publiés le 1er avril 2011 dans Cancer Research.

Chez les femmes, de nombreuses études statistiques ont déjà établi un lien, sans pour autant jamais parvenir à en expliquer la raison, entre obésité et « agressivité » du cancer du sein. Afin de trouver une explication à ce phénomène, les chercheurs ont étudié la nature du dialogue entre ces cellules graisseuses et les cellules de la tumeur.

Cancer sein Fournier

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La partie externe du sein est essentiellement constituée de tissu graisseux, lui-même majoritairement composé d’adipocytes. Ces cellules sont capables, outre leur activité de stockage/libération des graisses, de sécréter de nombreuses protéines. Les chercheurs ont donc cherché à savoir si ces protéines jouaient un rôle dans le développement des cancers du sein.

Pour cela, les équipes de Philippe Valet à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (Inserm/Université Paul Sabatier) et de Catherine Muller à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Paul Sabatier) ont utilisé un système de co-culture original entre cellules tumorales mammaires et adipocytes. En présence des cellules tumorales, les adipocytes manifestent une modification de la sécrétion de certaines de leurs protéines, dont des protéines de l’inflammation comme l’interleukine 6. Peu à peu, ils établissent une véritable interaction avec la tumeur, qui conduit à l’augmentation de son « potentiel de colonisation », donc de son agressivité.

En effet, lorsque des injections de cellules tumorales préalablement co-cultivées avec des adipocytes sont réalisées chez des souris, les chercheurs relèvent un accroissement des capacités de la tumeur à former des métastases. Fait majeur, ces modifications spécifiques des adipocytes ont été retrouvées dans des tumeurs humaines, confirmant l’importance de ce phénomène. De plus, les chercheurs observent qu’à proximité des tumeurs humaines de grande taille, avec envahissement ganglionnaire, une plus grande quantité d’interleukine 6 (IL-6) est retrouvée dans les adipocytes. Cette protéine jouerait donc un rôle important dans la propagation du cancer du sein stimulée par les adipocytes.

Ce travail montre que les adipocytes sont sans doute des acteurs inattendus de la dissémination de ces tumeurs.

« Nos résultats démontrent aujourd’hui comment les adipocytes participent activement à la progression du cancer orchestrée par les cellules tumorales. Ils suggèrent qu’en cas d’obésité, les adipocytes associés au cancer du sein seraient plus enclins à amplifier l’effet “agressif” des tumeurs », précisent les chercheurs.

« Cette hypothèse reste à vérifier à la fois chez la souris et chez l’homme » estiment-ils.

En vue : la mise au point de stratégies spécifiques destinées aux patients en surpoids atteints de cancers les plus agressifs. Par exemple, identifier les signaux fournis par les adipocytes pour stimuler les propriétés d’invasion des cellules tumorales pourrait représenter une nouvelle piste pour traiter ces patients.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’Institut National du Cancer

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