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Maturation et persistance de la réponse lymphocytaire B mémoire anti-SARS-CoV-2

SARS-CoV-2 (en jaune) émergeant de la surface des cellules (bleu/rose) cultivées en laboratoire. Image capturée et colorisée, Rocky Mountain Laboratories (RML) Hamilton, Montana. © NIAID

Des équipes du Pr Matthieu Mahévas (hôpital Henri-Mondor APHP/Inserm/CNRS/Université Paris-Est Créteil), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud au sein de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris) et au sein des unités de recherche de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (UPEC/Inserm) ont étudié la mémoire immunitaire contre le SARS-Cov-2. Les résultats de cette étude qui a fait l’objet d’une publication dans la revue Cell le 2 février 2021 montrent la maturation et la persistance de la mémoire immunitaire B contre le virus au cours du temps.

La mémoire immunitaire est un mécanisme qui protège les individus contre la réinfection. Cette stratégie de défense de l’organisme qui est à la base du succès des vaccins comprend la production d’anticorps protecteurs dans le sang (détectés par sérologie) ainsi que la formation de cellules à mémoire, capables de se réactiver en cellules productrices d’anticorps lors d’une nouvelle infection.

Les équipes du Pr Matthieu Mahévas du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, de l’unité de recherche « Transfusion et maladies du globule rouge » de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (U955 UPEC-Inserm), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris), ont étudié le devenir des cellules B mémoires dans deux cohortes de patients présentant une forme modérée ou sévère de COVID-19 jusqu’à 6 mois après l’infection.  

Cette étude, menée en collaboration avec l’équipe du Pr Félix Rey à l’Institut Pasteur, a permis de mettre en évidence l’accumulation des cellules mémoire spécifiques de la spicule (Spike) du SARS-Cov2 au cours du temps et de montrer que les anticorps produits par ces cellules mémoires neutralisaient le virus in vitro.

La maturation de la mémoire immunitaire B contre le virus au cours du temps est un résultat très encourageant pour la vaccination et la question de la protection contre les variants, car les cellules mémoires peuvent s’adapter aux pathogènes et réinitier une réponse immune efficace et intense lors d’une nouvelle exposition.

Ces travaux ont bénéficié d’un financement de la Fondation pour la Recherche Médicale dans le cadre de l’appel de l’ANR-Flash Covid (Projet Memo-Cov-2).

Rendre le cerveau résilient aux maladies neurodégénératives : une nouvelle piste identifiée dans la maladie de Huntington

Image de microscopie à balayage de la couche épendymaire d’une souris modèle de la maladie de Huntington. ©Inserm/Saudou, Frédéric

L’équipe de recherche (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP) dirigée par Christian Néri, directeur de recherche Inserm à l’Institut de biologie Paris-Seine1 en collaboration avec le Buck Institute for Research on Aging (USA), vient de mettre en évidence que les neurones du cerveau peuvent devenir sénescents très tôt dans la maladie de Huntington et que l’inhibition des gènes pro-sénescence possèdent des effets neuro-protecteurs. Publiés dans Aging Cell le 6 novembre 2020 et basés sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites humaines, ces travaux suggèrent que les neurones sont victimes d’un vieillissement cellulaire accéléré dans la maladie de Huntington et fournissent de nouvelles pistes thérapeutiques pour une intervention précoce contre cette maladie.

Protéger les neurones du cerveau contre les maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington demeure un objectif difficile à atteindre.

Les chercheurs savaient déjà que face à ces maladies, le cerveau mobilise des mécanismes de défense qui permettent aux neurones et aux autres cellules du cerveau de compenser les dommages cellulaires qu’elles provoquent. Ils savaient également que l’efficacité de ces mécanismes dits de « compensation cellulaire » finit par s’épuiser. Ils peuvent en outre s’accompagner d’un effet délétère majeur : la sénescence cellulaire chronique, une forme de vieillissement accéléré des cellules qui favorise leur dysfonctionnement et peut conduire à leur dégénérescence.
En revanche, deux questions restaient en suspens : quels sont les mécanismes susceptibles de s’opposer à la sénescence cellulaire chronique dans les maladies neurodégénératives et à quel moment cette sénescence cellulaire peut-elle se mettre en place au cours de la vie des neurones ?

Cette nouvelle étude2 parue dans Aging Cell montre que la sénescence cellulaire peut s’installer dès les phases de différenciation neuronale pour s’aggraver ensuite dans les neurones matures. Les chercheurs ont aussi démontré que l’inhibition de gènes notoirement connus pour favoriser la sénescence cellulaire au cours du vieillissement possède des effets protecteurs, comme l’inhibition du gène p16INK4a, par exemple. Naturellement déclenchée par la cellule, elle reste cependant insuffisante pour empêcher la sénescence neuronale face à l’importance du stress cellulaire induit par la maladie de Huntington, d’où le besoin de développer des thérapies qui inhibent les gènes inducteurs de la sénescence cellulaire chronique.

Pour parvenir à ces résultats, l’équipe de recherche a utilisé des techniques de génomique permettant d’étudier la reprogrammation des mécanismes de réponse au stress cellulaire.

Ils ont ainsi pu l’observer dans un modèle cellulaire du noyau caudé – une structure cérébrale fortement affectée par la maladie de Huntington –  pendant la différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en cellules neurales et en neurones.  Cette approche leur a permis de détecter que les principaux facteurs de défense et de réparation cellulaire, comme les protéines FOXOet les gènes qu’elles régulent, peuvent s’opposer au risque précoce de sénescence neuronale dans la maladie de Huntington en réduisant les niveaux d’expression des inducteurs de sénescence cellulaire.

 

Modèle de développement précoce de la sénescence neuronale (en haut et en rouge) et des réponses de compensation anti-sénescence (en bas et en vert) dans la maladie de Huntington. © Christian Neri, Institut de Biologie Paris-Seine, Paris, France.

En révélant la dynamique des effets de sénescence neuronale au cours du temps dans les neurones qui composent le noyau caudé, et en identifiant un nouveau mécanisme de régulation de ces effets, les chercheurs ouvrent une nouvelle piste thérapeutique pour rendre le cerveau biologiquement résilient aux effets précoces de la maladie de Huntington.

 

[1] Sorbonne Université, CNRS.
[2] Ces travaux de recherche ont mobilisé d’importants moyens de subventions en provenance de l’ANR, du NIH, de fondations, et d’associations de patients comme l’association Huntington France.
[3]Facteurs de contrôle de l’expression des gènes qui au travers de leurs gènes cibles, régulent plusieurs mécanismes d’homéostasie cellulaire.

Les émulsifiants alimentaires augmentent le pouvoir pathogène de certaines bactéries et le risque d’inflammation intestinale

Certaines bactéries du microbiote intestinal, marquées en rouge, sont capables de pénétrer la couche de mucus normalement stérile et marquée en vert. © Benoit Chassaing

L’alimentation jouerait un rôle dans le déclenchement d’inflammations intestinales pouvant aboutir au développement de certaines pathologies, comme la maladie de Crohn. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Université de Paris ont montré que les émulsifiants alimentaires présents dans de nombreux plats transformés pouvaient avoir un impact délétère sur certaines bactéries spécifiques du microbiote intestinal, conduisant à une inflammation chronique. Leurs résultats sont publiés dans Cell Reports.

La prévalence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ne cesse d’augmenter dans tous les pays du monde. Près de 20 millions de personnes seraient concernées. Caractérisées par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, ces pathologies regroupent notamment la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques.

Plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux, ont été mis en cause pour expliquer l’inflammation de l’intestin associée à ces maladies. Depuis plusieurs années, le chercheur Inserm Benoît Chassaing et son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) s’intéressent au rôle de l’alimentation et notamment à l’impact de certains additifs alimentaires comme les émulsifiants.

Largement utilisés par l’industrie agroalimentaire dans de nombreux produits transformés, les émulsifiants[1] ont pour fonction d’en améliorer la texture et d’en prolonger la durée de conservation. Par exemple, des émulsifiants comme la lécithine et les polysorbates permettent de garantir la texture onctueuse des crèmes glacées industrielles et d’éviter qu’elles ne fondent trop rapidement une fois servies.

Dans différents travaux s’appuyant sur des modèles animaux, les scientifiques ont déjà montré que la consommation d’émulsifiants alimentaires altérait négativement le microbiote de manière à favoriser l’inflammation.

Par ailleurs, dans des modèles de souris dont le microbiote était composé d’une faible diversité de bactéries, les chercheurs ont observé que les animaux étaient protégés contre les effets négatifs de certains émulsifiants.

Ils ont donc émis l’hypothèse que les émulsifiants impacteraient seulement certaines bactéries spécifiques, inoffensives dans des conditions « normales », mais ayant un potentiel pathogène. C’est seulement en présence d’agents émulsifiants que ces dernières seraient capables de favoriser le développement d’une inflammation intestinale chronique et de maladies associées.

E. coli comme un modèle

Dans le cadre de leur étude publiée dans Cell Reports, les chercheurs ont cette fois ci travaillé à partir de deux modèles de souris : l’un sans microbiote et l’autre avec un microbiote simple comportant seulement 8 espèces de bactérie. Ils les ont colonisés avec une souche de la bactérie Escherichia coli (les « bactéries AIEC ») associée à la maladie de Crohn.

Les chercheurs se sont intéressés aux effets de deux émulsifiants administrés suite à la colonisation des souris par les bactéries AIEC. Alors que la seule consommation d’agents émulsifiants était inoffensive chez ces animaux en l’absence de ces bactéries, ils ont constaté le développement d’une inflammation intestinale chronique et de dérégulations métaboliques lorsque ces dernières étaient présentes. Ainsi, le « couple » bactéries AIEC / agent émulsifiant était nécessaire et suffisant pour induire une inflammation intestinale chronique.

Des analyses supplémentaires ont révélé que lorsque ces bactéries étaient en contact avec les émulsifiants, elles sur-exprimaient des groupes de gènes qui augmentaient leur virulence et leur propension à induire l’inflammation. « Nous avons ainsi pu identifier un mécanisme par lequel les émulsifiants alimentaires peuvent favoriser l’inflammation intestinale chronique chez les personnes abritant certaines bactéries, telles que les bactéries AIEC, dans leur tractus digestif », souligne Benoît Chassaing qui a coordonné l’étude.

La prochaine étape consiste à lister l’ensemble des bactéries ayant les mêmes effets au contact de ces additifs alimentaires.

A plus long terme, des études pour identifier et stratifier les patients en fonction de la composition de leur microbiote et de leur risque d’inflammation pourraient être mises en place dans le but de faire de la prévention et de mettre en place des recommandations nutritionnelles personnalisées. Les personnes porteuses de microbiotes spécifiques, sensibles aux émulsifiants, pourraient en effet bénéficier de recommandations alimentaires ciblées.

« Et s’il est illusoire de penser que l’on pourra bannir les émulsifiants de notre alimentation, les modèles et les méthodologies que nous avons développés ici vont aussi nous permettre de tester l’action de plusieurs types d’agents émulsifiants sur le microbiote afin identifier ceux qui n’auraient pas d’effets délétères, et ainsi encourager leur usage », conclut Benoît Chassaing.

 

[1] Un émulsifiant est un composé qui a une affinité à la fois avec l’eau et avec l’huile et qui permet aux différentes phases d’un composé de rester mélangées

Le placenta conserverait la mémoire de l’exposition au tabac avant la grossesse

© fotografierende on Unsplash

L’arrêt du tabagisme avant une grossesse est reconnu pour diminuer considérablement les risques pour la santé de la mère et l’enfant. Des travaux d’une équipe de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences, publiés dans BMC Medicine vont plus loin, et montrent pour la première fois que la consommation de tabac, même lorsqu’elle est stoppée avant la grossesse, peut avoir des conséquences sur le placenta. À travers l’étude de l’ADN placentaire de 568 femmes, les chercheurs montrent que fumer pendant mais aussi avant la grossesse entraîne des modifications épigénétiques (méthylation de l’ADN) qui pourraient avoir des conséquences sur son déroulement.

Bien qu’il ait été montré que la consommation de tabac pendant la grossesse a de nombreuses conséquences néfastes sur la santé de la mère et de l’enfant, les mécanismes en jeu sont encore mal connus. De précédentes études ont associé la consommation de tabac durant la grossesse à des altérations de la méthylation de l’ADN – une forme de modification épigénétique (voir encadré) impliquée dans l’expression des gènes – dans le sang du cordon ombilical et dans les cellules du placenta. En effet, ce dernier joue un rôle crucial dans le développement du fœtus, tout en restant vulnérable à de nombreux composés chimiques.
En revanche, l’impact de l’exposition au tabac avant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire n’avait jusqu’à présent jamais été étudié.

Une équipe de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences, a mesuré et comparé l’impact chez la femme enceinte de la consommation de tabac dans les 3 mois précédant la grossesse et/ou pendant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire.

Les chercheurs ont étudié l’ADN d’échantillons de placenta, prélevés au moment de l’accouchement chez 568 femmes de la cohorte EDEN [1] réparties en trois catégories : non-fumeuses (n’ayant pas fumé depuis les trois mois précédant la grossesse ni pendant la grossesse), anciennes fumeuses (arrêt de la consommation dans les trois mois précédant la grossesse) et fumeuses (consommation dans les trois mois précédant la grossesse et pendant toute la durée de la grossesse).

Les scientifiques ont observé que, chez les fumeuses, 178 régions du génome placentaire présentaient des altérations de la méthylation de l’ADN. Chez les anciennes fumeuses, les chercheurs ont identifié 26 de ces 178 régions dont la méthylation de l’ADN était encore altérée. La méthylation des 152 autres régions n’était altérée que chez les femmes ayant fumé pendant leur grossesse.

Les régions altérées correspondaient le plus souvent à des zones dites enhancers, qui contrôlent à distance l’activation ou la répression de gènes. De plus, une partie d’entre elles étaient situées sur des gènes connus pour avoir un rôle important dans le développement du fœtus.

« Si un grand nombre de régions semblent avoir un profil de méthylation normal chez les femmes après arrêt du tabac, la présence de certaines modifications de méthylation de l’ADN dans le placenta de femmes ayant arrêté de fumer avant la grossesse suggère l’existence d’une mémoire épigénétique de l’exposition au tabac », précise la chercheuse Inserm Johanna Lepeule qui a dirigé ces travaux. Selon elle, des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire au niveau des gènes liés au développement du fœtus et des régions enhancers pourraient en partie expliquer les effets du tabagisme observés sur le fœtus et la santé ultérieure de l’enfant.

Les prochaines étapes de ces travaux viseront à déterminer si ces altérations impactent des mécanismes impliqués dans le développement du fœtus et si elles peuvent avoir des conséquences sur la santé de l’enfant.

[1] Les femmes enceintes ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les centres hospitalo-universitaires de Nancy et de Poitiers.

 

En savoir plus sur les modifications épigénétiques et la méthylation de l’ADN

Les modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN. Réversibles, elles n’entraînent pas de modification de la séquence d’ADN mais induisent toutefois des changements dans l’expression des gènes. Elles sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement, et se spécialise en conséquence, ou ajuste son activité. Les marques épigénétiques les mieux caractérisées sont les méthylations de l’ADN, impliquées dans le contrôle de l’expression des gènes.

Les cellules souches sanguines ont une mémoire immunitaire et ouvrent des pistes dans la recherche sur le Covid-19

Cellules immunitaires vues par microscopie à fluorescence. Les cellules immunitaires sanguines gardent en mémoire l’information d’infections passées pour ensuite produire davantage de cellules immunitaires comme les macrophages capturés dans cette image. © Sieweke lab/CIML.

 

Les cellules souches du sang auraient une propriété surprenante. En plus d’assurer le renouvellement continu des cellules sanguines, ces cellules gardent une trace des infections passées pour déclencher une réponse immunitaire plus rapide et plus efficace par la suite, d’après une nouvelle étude co-dirigée par la chercheuse Inserm Sandrine Sarrazin et par le chercheur CNRS Michael Sieweke du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CNRS/Inserm/Aix-Marseille Université) et du Centre des thérapies régénératives de l’Université technique de Dresde (Allemagne). Cette découverte pourrait avoir un impact significatif sur les futures stratégies de vaccination, notamment celles explorées dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Elle permettrait aussi de faire progresser la recherche sur de nouveaux traitements visant à moduler le système immunitaire. Ces résultats ont été publiés dans la revue Cell Stem Cell.

C’est un fait connu de longue date : le système immunitaire adaptatif a une mémoire. Ainsi, les lymphocytes deviennent spécifiques d’un agent pathogène particulier à éliminer après y avoir été exposés lors d’une infection et certains d’entre eux subsistent durablement dans l’organisme. Les principes de la vaccination reposent sur la connaissance de ces mécanismes immunitaires.

Plus récemment, des travaux ont suggéré que le système immunitaire inné, qui permet la défense de l’organisme de façon immédiate suite à une infection, a lui aussi une forme de mémoire. Des chercheurs ont par exemple montré que le système immunitaire inné continue d’être plus efficace en cas de réinfection malgré la durée de vie très courte des cellules immunitaire, comme les monocytes ou les granulocytes. Ils ont alors soupçonné que cette mémoire du système immunitaire inné était en fait inscrite dans les cellules souches sanguines, dont la durée de vie est très longue, et qui sont à l’origine de différentes cellules immunitaires matures.

Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CNRS/Inserm/Aix-Marseille Université) et du Centre des thérapies régénératives de l’Université technique de Dresde (Allemagne) ont effectué des travaux dont les résultats sont publiés dans Cell Stem Cell. L’équipe a exposé des souris à une molécule de surface de la bactérie E. coli (lipopolysaccharide ou LPS), un agent pathogène largement utilisé pour mimer des infections en laboratoire.

Ensuite, les chercheurs ont transféré des cellules souches sanguines prélevées chez ces animaux à d’autres souris non infectées et dont le système immunitaire avait préalablement été détruit. Le but était de reconstituer entièrement leur système immunitaire à partir de ces cellules souches.

Les chercheurs ont ensuite infecté des souris de ce groupe avec une bactérie vivante de l’espèce P. aeruginosa et ont constaté que le taux de mortalité n’était que de 25 %. Il atteignait en revanche 75 % chez des souris contrôles, dont les cellules souches n’avaient jamais été exposées à un agent pathogène. 

« Ce travail démontre de façon forte que les cellules souches sanguines ont une fonction de mémoire qu’on ne soupçonnait pas. Une première exposition à un pathogène les arme pour mieux affronter une prochaine infection», explique Sandrine Sarrazin.

Ce mécanisme n’est pas spécifique d’un agent pathogène puisque, dans une autre expérience, une première exposition des cellules souches sanguines à un antigène viral a protégé les souris contre une exposition secondaire à P. aeruginosa. De manière surprenante, les scientifiques ont donc découvert que la protection apportée par cette mémoire du système immunitaire s’étend au-delà du seul agent infectieux utilisé pour la première infection.

Les chercheurs se sont ensuite intéressés à la manière dont cette mémoire était codée. En étudiant le génome des cellules souches sanguines des souris infectées, ils ont constaté des modifications durables dans son organisation spatiale. Ces changements étaient susceptibles de modifier l’expression de certains gènes impliqués dans la réponse immunitaire innée. « Lors du premier contact avec l’agent pathogène, des gènes requis pour la réponse immunitaire sont en fait durablement mis en avant pour activer rapidement le système immunitaire lors d’une deuxième infection», explique Bérengère de Laval, première auteure de l’étude. Enfin, l’équipe a recherché des molécules impliquées dans ce changement de structure du génome et a découvert qu’une protéine appelée C/EBP bêta jouait un rôle majeur.

Des recherches pertinentes dans la lutte contre le Covid-19 ?

Ces résultats résonnent tout particulièrement en cette période de pandémie du coronavirus SARS-Cov-2.

Des observations récentes suggèrent que le vaccin BCG, connu pour induire lui aussi une mémoire immunitaire innée, agirait également au niveau des cellules souches sanguines et offrirait un certain degré de protection contre les infections respiratoires. Des études sont en cours pour tester son utilité contre le Covid-19.

Les découvertes de l’équipe pourraient éclairer les mécanismes en jeu dans cette protection au niveau moléculaire et ouvrir de nouvelles pistes vaccinales, y compris contre le Covid-19.

« Nos découvertes représentent une contribution majeure à la compréhension de la mémoire du système immunitaire et des fonctions des cellules souches du sang. Elles orientent en outre vers de nouvelles stratégies pour stimuler ou limiter la réponse immunitaire dans divers états pathologiques, et pourraient permettre d’affiner les stratégies de vaccination actuelles pour une meilleure protection face à divers agents pathogènes, y compris contre le SARS-CoV-2 », espère Michael Sieweke.

Un nouveau composant du sang révélé

Mitochondries extracellulaires fonctionnelles retrouvées dans le sang. ©Alain R. Thierry/Inserm

Le sang que l’on pensait si bien connaître contiendrait-il en fait des éléments jusque-là indétectables ? C’est ce que montrent les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Montpellier et de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM) au sein de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, qui pour la première fois ont mis en évidence la présence dans la circulation sanguine de mitochondries complètes et fonctionnelles. Ces organites responsables de la respiration des cellules n’étaient jusqu’à présent retrouvés hors de ces dernières que dans des cas très particuliers. Ces résultats parus dans The FASEB Journal apportent des connaissances inédites en physiologie et ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Les mitochondries sont des organites situés dans les cellules eucaryotes. Lieu de la respiration cellulaire, elles sont les “batteries” des cellules et jouent un rôle majeur dans le métabolisme énergétique et la communication intercellulaire. Elles ont la particularité de posséder leur propre génome, transmis uniquement par la mère et distinct de l’ADN contenu dans le noyau. Les mitochondries peuvent parfois être observées hors des cellules sous forme de fragments encapsulés dans des microvésicules. Dans certaines conditions très spécifiques les plaquettes sont également capables de libérer des mitochondries intactes dans l’espace extracellulaire.

Les travaux d’une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm Alain R. Thierry à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Inserm/Université de Montpellier/Institut du Cancer de Montpellier) viennent aujourd’hui bouleverser les connaissances sur cet organite, en révélant que des mitochondries extracellulaires, complètes et fonctionnelles, se trouvent en fait en circulation… dans le sang !

Les chercheurs se sont appuyés sur des résultats antérieurs ayant montré que le plasma sanguin d’un individu en bonne santé contenait jusqu’à 50 000 fois plus d’ADN mitochondrial que d’ADN nucléaire. Ils ont posé l’hypothèse que, pour qu’il soit ainsi détectable et quantifiable dans le sang, l’ADN mitochondrial devait y être protégé par une structure suffisamment stable. Afin d’identifier cette dernière, une centaine d’échantillons de plasma sanguin ont été analysés.

Ces analyses ont révélé la présence dans la circulation sanguine de structures hautement stables contenant des génomes mitochondriaux entiers. Après examen de leur taille, de leur densité ainsi que de l’intégrité de l’ADN mitochondrial qu’elles contenaient, ces structures observées en microscopie électronique (jusqu’à 3,7 millions par ml de plasma sanguin) se sont révélées être des mitochondries intactes et fonctionnelles.

Tout au long de ces travaux qui ont nécessité 7 ans de recherche, un maximum de possibilités techniques et méthodologiques ont été utilisées pour valider cette présence dans le sang de mitochondries extracellulaires circulantes.

« Lorsque l’on considère le nombre élevé de mitochondries extracellulaires que nous avons trouvées dans le sang, on peut se demander pourquoi cela n’a pas été découvert auparavant, note Alain R. Thierry. Notre équipe a accumulé une expertise dans la détection spécifique et sensible d’ADN dans le sang en travaillant notamment sur la fragmentation de l’ADN extracellulaire dérivé des mitochondries », ajoute-t-il.

Mais quel rôle tiennent ces mitochondries extracellulaires ? La réponse pourrait être liée à la structure de l’ADN mitochondrial, similaire à celle de l’ADN bactérien, ce qui lui confère la capacité d’induire des réponses immunitaires et inflammatoires. Partant de ce constat, les chercheurs avancent l’hypothèse que ces mitochondries circulantes pourraient être impliquées dans de nombreux processus physiologiques et/ou pathologiques nécessitant une communication entre les cellules (comme les mécanismes d’inflammation par exemple). En effet, des études récentes ont démontré la capacité de certaines cellules à échanger des mitochondries entre elles, comme par exemple les cellules souches avec des cellules endommagées. « Les mitochondries extracellulaires pourraient effectuer plusieurs tâches en tant que messager pour l’ensemble de l’organisme », précise Alain R. Thierry.

En plus de son importance pour les connaissances en physiologie, cette découverte pourrait conduire à une amélioration du diagnostic, du suivi ou du traitement de certaines maladies. En effet, l’équipe de recherche se penche à présent sur l’évaluation des mitochondries extracellulaires en tant que biomarqueurs dans le diagnostic prénatal non invasif et le cancer.

Ces travaux bénéficient du soutien du SIRIC Montpellier Cancer (Inserm/CNRS/Université de Montpellier/Institut du Cancer de Montpellier/CHU de Montpellier/Université Paul Valéry) financé par l’Inserm, l’INCa et la DGOS.

Greffe de peau : une nouvelle cible moléculaire pour activer les cellules souches

Reconstitution d’un épiderme pluristratifié en utilisant des kératinocytes provenant de cellules souches embryonnaires humaines, hESC. IStem, Génopole d’Evry. Inserm/Baldeschi, Christine

Une équipe de chercheur du CEA-Jacob et de l’Inserm vient de publier une étude dans laquelle elle démontre le rôle central du facteur de transcription KLF4 dans le contrôle de la prolifération des cellules souches de l’épiderme et de leur capacité à régénérer ce tissu. Cette étude ouvre des perspectives pour la médecine régénérative de la peau. Elle est publiée le 21 octobre dans Nature Biomedical Engineering.

L’épiderme humain se renouvelle entièrement tous les mois grâce à la présence de cellules souches dans sa couche la plus profonde, qui donnent naissance à l’ensemble des couches plus superficielles de ce tissu. Le décryptage des gènes assurant le contrôle du caractère souche, ou « stemness », reste à ce jour une énigme imparfaitement résolue, en particulier pour la peau humaine.

Les découvertes d’une équipe de recherche française du CEA, de l’Inserm et de l’Université de Paris, générées en collaboration avec I-Stem, le laboratoire de l’AFM-Télethon, et l’Université d’Évry, ouvrent des perspectives pour la médecine régénérative cutanée, en particulier pour la bio-ingénierie des greffons de peau destinés à la reconstruction tissulaire. En effet, l’amplification massive en culture de cellules de l’épiderme (appelées kératinocytes) est nécessaire à la production de greffons. Elle est effectuée à partir d’un échantillon de peau issu du patient qui contient des kératinocytes matures et une population minoritaire de cellules souches kératinocytaires. Cette phase d’amplification comporte un risque : elle peut s’accompagner d’une perte quantitative ou d’une altération des cellules souches, conduisant à une perte de potentiel régénératif.

Les résultats de l’étude publiée dans Nature Biomedical Engineering montrent que diminuer l’expression du gène KLF4 pendant la préparation du greffon favorise une amplification rapide de cellules souches fonctionnelles1, sans altérer leur stabilité génomique. Les kératinocytes amplifiés dans ces conditions présentent un potentiel régénératif à long terme accru dans des modèles de reconstruction épidermique in vitro et de greffes in vivo 2. KLF4 constitue donc une nouvelle cible moléculaire pour préserver la fonctionnalité des cellules souches et faire progresser la bio-ingénierie des greffons cutanés. Ces résultats constituent une démonstration de principe, qui nécessite des développements complémentaires pour envisager des applications cliniques.Parmi celles-ci, citons le soin des grands brûlés, des ulcères chroniques et la reconstruction mammaire.

Ces travaux ont été étendus à d’autres types cellulaires d’intérêt pour la thérapie cellulaire cutanée. A l’avenir, les kératinocytes produits à partir de cellules pluripotentes pourraient constituer une alternative aux cellules souches adultes dans certaines applications de bio-ingénierie de tissus reconstruits.

Une des difficultés rencontrées dans cette voie est le fait que les kératinocytes obtenus ne possèdent pas toutes les fonctionnalités des cellules souches adultes. Ils sont notamment déficients au niveau de leur potentiel de prolifération. L’étude a permis de montrer que la manipulation de l’expression de KLF4 est également adaptée à ces cellules, car la diminution de son expression dans les kératinocytes dérivés d’ESC améliore leur capacité de prolifération ainsi que leur capacité à reconstruire de la peau.

Cellules souches en culture                     Greffon de peau obtenu par bioingéniérie

Des cellules souches de peau humaine multipliées en culture peuvent être utilisées pour régénérer l’épiderme© LGRK, IRCM, CEA-Jacob

1 Une cellules souche fonctionnelle est capable de régénérer l’épiderme pendant toute la vie de l’individu. Ceci grâce à une capacité de prolifération à très long terme, un caractère immature et une capacité d’organisation en trois dimensions.
2 Xénogreffe de peau reconstruite humaine sur un modèle animal

Assistance médicale à la procréation : la congélation embryonnaire associée à une augmentation du poids de naissance

Embryon humain© Inserm/Lassalle, Bruno

Des équipes du CHU de Montpellier et de l’Inserm publient dans la revue Scientific Reports une étude portant sur une différence de poids de plus de 250 grammes entre les enfants nés à la suite d’une congélation embryonnaire et ceux issus d’embryons « frais ». Cette étude internationale à l’initiative du Pr. Hamamah, coordonnateur du département Biologie de la reproduction au CHU de Montpellier et directeur de l’unité 1203 « Développement embryonnaire précoce humain et pluripotence » (Inserm/Université de Montpellier), a été possible grâce au travail conjoint du CHU de Montpellier, de l’Inserm, du CHU de Grenoble et de la clinique OVO de Montréal.

Lors du recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), la cryoconservation embryonnaire et la nouvelle politique visant à n’utiliser qu’un seul embryon permettent de limiter la survenue de grossesses multiples. Le taux de succès de la congélation embryonnaire en fait une alternative encourageante dans l’utilisation a posteriori des embryons surnuméraires.

Le 16 septembre 2019, le journal Scientific Reports a publié des travaux comparant le poids de naissance des enfants issus de transfert d’un seul embryon congelé à celui de leurs aînés issus de transfert d’un seul embryon « frais ». Cette étude internationale (CHU de Montpellier, CHU de Grenoble et la clinique OVO de Montréal) est dirigée par Samir Hamamah, coordonnateur du département Biologie de la reproduction au CHU de Montpellier et directeur de l’unité 1203 « développement embryonnaire précoce humain et pluripotence » (Inserm/Université de Montpellier).

Il s’agit de la première étude observationnelle à comparer des données néonatales de grossesses simples (par opposition à multiples, comme les grossesses gémellaires) réalisées par transfert d’embryons uniques, frais pour la première grossesse, et congelés pour la seconde, issus d’un même prélèvement d’ovocytes (même cohorte ovocytaire). Elle montre que pour un même couple de parents, le poids de naissance du second enfant né par replacement d’embryon réchauffé est significativement plus élevé (environ 3,5 kg) que celui du premier enfant né après replacement d’embryon frais (environ 3,25 kg). Cette différence de plus de 250 grammes apparaît indépendante de la parité (nombre total d’accouchements antérieurs) des patientes.

Cette étude est également la seule étude, comparant des enfants issus de la même cohorte ovocytaire, à s’affranchir totalement des facteurs maternels (âge maternel à l’accouchement, rang de parité, sexe de l’enfant). En ajustant ces facteurs, l’étude met ainsi en évidence une différence de 271 g entre l’enfant né du transfert d’un embryon congelé et son aîné né du transfert d’un embryon frais.

Selon Samir Hamamah, « Une hypothèse que l’on peut avancer est celle de l’environnement intra-utérin : lors d’un transfert d’embryon congelé, l’environnement intra-utérin serait potentiellement plus favorable car non altéré par le protocole de stimulation ovarienne réalisé dans le cas du transfert d’embryon frais ».

L’étude relève cependant que le poids de naissance est aussi plus élevé après transfert d’embryon congelé que le poids de naissance moyen en France après grossesse spontanée. « D’autres facteurs restent donc à explorer pour comprendre comment la congélation impacte le poids de naissance », conclut Samir Hamamah

Ces travaux montrent que la congélation embryonnaire a un impact significatif sur le poids de naissance des enfants issus de l’AMP. « Cette découverte est particulièrement importante car il est aujourd’hui admis que le poids de naissance influence la santé du nouveau-né jusqu’à l’âge adulte », conclut Samir Hamamah.

Une étude confirme l’intérêt du test sanguin de dépistage des infections virales VirScan dans le suivi des patients greffés du rein

Tubes de prélèvement sanguin.© Inserm/Depardieu, Michel

L’équipe du Dr Guillaume Canaud, praticien hospitalo-universitaire à l’hôpital Necker-Enfants malades – AP-HP et à l’Université de Paris, et chercheur à l’Inserm (INEM l’Institut Necker Enfants Malades – Centre de médecine moléculaire), a étudié, en collaboration avec celle du Pr Steve Elledge du Brigham and Women’s hospital – Harvard Medical School (Boston, USA), l’efficacité du test VirScan dans le suivi de patients greffés du rein. En effet, ce test sanguin permet de détecter les infections virales, responsables de complications tumorales et infectieuses, fréquentes après une greffe et susceptibles d’avoir un impact sur le fonctionnement du greffon. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 13 mai 2019 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)

La transplantation rénale est l’option thérapeutique privilégiée lors d’une insuffisance rénale terminale. Toutefois, l’utilisation de traitements immunosuppresseurs afin d’éviter le rejet de greffe, est associée à un risque accru de développement d’infections opportunistes. Parmi ces dernières, on retrouve les infections virales qui peuvent significativement réduire la durée de vie du greffon et du patient greffé. 

Jusqu’à présent, une analyse sérologique permettait de dépister et de surveiller certaines infections virales des donneurs et receveurs d’organes. Après la greffe d’organe, des outils de biologie moléculaire comme la PCR étaient utilisés pour assurer le suivi des patients greffés. Toutefois ces approches ne permettent pas de détecter les virus émergents. Le test sanguin VirScan, développé par l’équipe du Pr Steve Elledge du Brigham and Women’s hospital – Harvard Medical School, permet aujourd’hui, à partir d’une très petite quantité de sérum (1ul) et pour un coût modéré, d’avoir une vision d’ensemble des virus auxquels le patient a été confronté durant sa vie.

Le VirScan propose une approche originale de dépistage des virus que n’importe quel individu a pu rencontrer au cours de sa vie. Techniquement, il s’agit d’une immunoprécipitation suivie d’un séquençage haut débit d’une banque de bactériophages contenant des peptides de l’ensemble des virus à tropisme humain (206 espèces virales avec 1000 souches différentes).

L’équipe du Dr Guillaume Canaud a intégré ce test dans la prise en charge de patients greffés du rein. Le test a en effet été réalisé sur des échantillons sanguins le jour de la greffe et un an après chez 45 patients transplantés et suivis à l’hôpital Necker Enfants Malades AP-HP.

Les équipes ont ainsi montré que la réalisation de deux tests VirScan sur 12 mois chez des patients greffés permettait d’avoir une vision simple et dynamique des virus rencontrés au cours de la greffe, afin de potentiellement adapter la stratégie thérapeutique. En effet, ce genre d’approche sans biais pourrait à terme changer les traitements prophylactiques donnés chez les patients greffés pour prévenir certaines infections. Il permettrait également de moduler l’immunosuppression. Enfin, ce test pourrait servir rétrospectivement à expliquer un syndrome infectieux pour lequel aucun virus classique n’aurait été identifié.

Ces travaux ont aussi montré que l’immunosuppression ne modifiait que très peu les titres d’anticorps dirigés contre les virus.

Ces premiers résultats, qui confirment l’intérêt d’utiliser le test VirScan dans le suivi des patients greffés du rein, vont faire l’objet de nouvelles études à plus large échelle.

Fertilité, endométriose : l’Inserm fait le point sur les recherches

©2019 Flore Avram/Inserm

Aujourd’hui, environ un couple sur 8 consulte pour des difficultés à procréer. Les raisons sont probablement liées au fait que les projets parentaux ont lieu plus tardivement qu’autrefois, ou encore que les couples consultent plus facilement en mettant de côté les tabous liés à l’infertilité. Ainsi, l’infertilité est devenue un problème de santé publique et la communauté scientifique se mobilise.

Où en sont les recherches sur ces questions au cœur des problématiques sociétales actuelles ? Quel est leur transfert possible vers la clinique ? Les axes de recherche sur les troubles de la fertilité sont nombreux. L’objet de ce point presse n’est pas de les aborder de manière exhaustive mais d’évoquer les secteurs sur lesquels la recherche avance.

Quand la recherche avance, c’est la santé de tous qui progresse.

  1. Recherche contre l’infertilité

On parle d’infertilité au sein d’un couple lorsque celui-ci n’a pas réussi à avoir un enfant de manière naturelle après 12 mois de tentative. Cette définition englobe des situations de stérilité totale, sans espoir de conception naturelle, et une majorité de cas d’hypofertilité, c’est-à-dire de couples ayant des chances réduites  –  mais non nulles  –  d’obtenir une grossesse.

On classe ces infertilités en 4 catégories selon leur origine :

–  30 % sont d’origine féminine ;

– 30 % sont d’origine masculine. Chez l’homme, l’azoospermie, et l’oligospermie sont les deux principales causes d’infertilité identifiées à ce jour ;

– 30 % sont d’origine féminine et masculine, c’est-à-dire qu’elles sont liées à un déficit de fécondité qui touche les deux partenaires ;

– 10 % de cas sont inexpliqués.

Chez la femme, à l’exception des causes mécaniques tubaires – lorsque les trompes sont altérées ou bouchées (le plus souvent suite à une infection) –  ou utérines, l’endométriose et les anomalies de l’ovulation sont les causes d’infertilité les plus fréquentes.

Parmi les anomalies de l’ovulation, on retrouve, entre autres, le syndrome des ovaires polykystiques (ce syndrome touche environ 10 % des femmes dans le monde), l’hyperprolactinémie et l’insuffisance ovarienne primaire (qui peut être aussi secondaire aux effets de la chimiothérapie).

La recherche actuelle vise, d’une part, à mieux comprendre les causes des infertilités et,  d’autre part, à rechercher de nouveaux traitements ou prises en charge ayant pour objectif d’augmenter les chances de procréer.

1.1. Mieux comprendre les causes

Approche génétique

La recherche des causes génétiques de l’insuffisance ovarienne est un axe sur lequel de nombreux chercheurs travaillent. Certains gènes ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal dans plusieurs troubles de la fertilité. L’un des domaines de recherche en pleine expansion, notamment du fait de l’amélioration des méthodes de criblage à haut débit, est la recherche de variants génétiques.

Le laboratoire Inserm de Nadine Binart travaille, par exemple, sur l’insuffisance ovarienne primaire (IOP) caractérisée par une incapacité de maturation des follicules ovariens ou une perte du pool des follicules de réserve. À partir de l’analyse de l’ADN de femmes atteintes d’IOP, les chercheurs travaillent à isoler dans leur patrimoine génétique les gènes impliqués/altérés. Cette approche aide à mieux comprendre les pathologies mais ne peut pas permettre de traiter spécifiquement ces femmes car, lorsque l’ovaire ne contient plus d’ovocytes, la stérilité est définitive. En revanche, une prise en charge préventive peut être déclenchée si l’anomalie génétique est retrouvée avant que le stock de follicules soit totalement épuisé – lors d’une enquête familiale par exemple. C’est le rôle de la recherche clinique qui permet de pallier ces maladies lorsque des mutations sont identifiées dans des familles atteintes, d’informer les jeunes patientes sur le risque de voir leur ovaire s’appauvrir en ovocytes au fil du temps et éventuellement de mettre en place des techniques de préservation de la fertilité.

Approche hormonale : exemple de la kisspeptine et de la prolactine

Il est bien établi que l’allaitement entraîne à la fois une augmentation de la sécrétion de prolactine (PRL) par l’hypophyse et inhibe les capacités d’une femme à ovuler. Ceci empêche la survenue d’une nouvelle grossesse. Il existe des situations pathologiques où la PRL augmente : c’est le cas des tumeurs situées sur l’hypophyse sécrétant cette hormone. Ces hyperprolactinémies, responsables de troubles des règles et d’infertilité, sont une cause majeure d’anovulation. L’équipe Inserm de Jacques Young et de Nadine Binart a permis, en 2011, de décortiquer le mécanisme sous-jacent du blocage du fonctionnement ovarien. Les chercheurs ont démontré, en utilisant un modèle de souris de la maladie,  que la PRL inhibe la  sécrétion d’une neuro-hormone appelée kisspeptine. Or, cette kisspeptine est le point de départ de toute la cascade hormonale responsable de la cyclicité ovarienne. Dans un modèle de souris, l’administration de kisspeptine a permis de rétablir le fonctionnement cyclique des ovaires malgré l’hyperprolactinémie.

Cette découverte physiopathologique explique pour la première fois le lien entre l’infertilité et l’hyperprolactinémie et permet une ouverture thérapeutique originale. La validation de ce concept chez la femme vient d’être réalisée[1] ce qui permettra de proposer une alternative thérapeutique en cas de résistance aux médicaments actuels.

1.2. Préserver la fertilité : axes de recherche et derniers résultats

Depuis plusieurs années, des consultations spécialisées dites d’oncofertilité se sont largement développées et doivent maintenant faire partie intégrante du parcours de soin des patientes jeunes atteintes de cancer. Plusieurs techniques dites de préservation de la fertilité visant à cryoconserver des gamètes ou à préserver les capacités reproductives sont aujourd’hui disponibles et d’autres sont en cours de développement. En France, ces démarches s’inscrivent, depuis 1994, dans les différentes lois de bioéthique. L’article L.2141 11, modifié par la loi 2011-814 du 7 juillet 2011 prévoit que « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité ». Par ailleurs, le plan Cancer 2014-2019 a intégré des mesures de préservation de la fertilité stipulant que « l’accès aux traitements du cancer et en particulier aux traitements innovants, doit être garanti à tous les malades ».

Améliorer la conservation des gamètes

Plusieurs techniques permettant de cryoconserver des gamètes des femmes sont aujourd’hui disponibles. La congélation d’ovocytes matures ou d’embryons obtenus à partir de ces ovocytes représente la méthode de référence. Cependant, elle ne peut être réalisée chez les jeunes filles prépubères, lorsque le traitement doit être débuté en urgence. Elle peut également être problématique dans le cadre de pathologies hormono-sensibles. Aussi, d’autres techniques, bien qu’encore considérées comme expérimentales, peuvent être proposées dans ces situations.

Actuellement l’amélioration des méthodes disponibles et le développement de nouvelles stratégies sont un enjeu majeur en oncofertilité. C’est l’objet d’un des axes de recherche de l’équipe Inserm de Nadine Binard et Charlotte Sonigo en collaboration avec le Pr Michael Grynberg.

Utiliser l’hormone anti-müllérienne

La chimiothérapie fait baisser la fertilité en exerçant une toxicité directe sur les ovaires. Couramment utilisé dans le traitement du cancer, le cyclophosphamide provoque une destruction massive des cellules germinales contenues dans les follicules ovariens. Les chercheurs viennent de montrer, dans un modèle de souris, qu’un traitement par l’hormone anti-müllérienne, normalement secrétée par les ovaires, permettait de limiter la réduction du stock de follicules lors d’une chimiothérapie. L’hormone anti-müllérienne constitue ainsi une nouvelle promesse pour préserver la fertilité.

1.3. L’apport des nouvelles technologies : L’intelligence artificielle au service de la recherche en reproduction

Le stock des cellules germinales, contenues dans les follicules, constitue la réserve ovarienne. L’évaluation de la quantité de ces cellules germinales est couramment utilisée pour comprendre la physiologie ovarienne ou mesurer l’impact de l’environnement sur les ovaires. La méthode de référence utilisée chez la souris est longue et fastidieuse. Les chercheurs de l’Inserm viennent de développer, avec une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle, une méthode d’intelligence artificielle automatisée de comptage folliculaire par  deep learning[2]. Ce nouvel outil sera disponible pour la communauté scientifique s’intéressant à la fertilité permettant un grand gain de temps et une meilleure reproductibilité des données.

 

  1. Recherche contre l’endométriose

L’endométriose est un syndrome complexe caractérisé par un processus inflammatoire chronique dû à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Cet « utérus ectopique » continue à fonctionner sous l’influence des hormones ovariennes provoquant chez certaines femmes de fortes douleurs et parfois une infertilité. En parallèle d’une médiatisation importante, notamment sous l’impulsion des associations de malades, la ministre de la Santé a annoncé un plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose. Au niveau de la recherche, il existe une explosion des études sur le sujet depuis les 5 dernières années. Environ 1200 articles par an sont produits par les chercheurs du monde entier pour faire avancer les connaissances sur cette pathologie.

Qu’est ce que l’endométriose ?

©2019 Flore Avram/Inserm 

  • 1 femme sur 10 serait concernée par une forme d’endométriose
  • les localisations des lésions d’endométriose sont hétérogènes
  • le reflux de cellules de l’endomètre au moment des règles existe chez 90 % des femmes mais seules 10 % développent une pathologie
  • 4 stades sont classiquement décrits pour la maladie en fonction de l’étendue des lésions et de leur profondeur ; cependant, il n’y a pas de corrélation entre les symptômes et la sévérité de la maladie
  • on distingue 3 formes d’endométriose : l’endométriose superficielle ou péritonéale, l’endométriose ovarienne (ou kyste endométriosique, ou endométriome) et l’endométriose profonde.

2.1. Mieux comprendre les causes

L’approche épidémiologique

Aujourd’hui peu de choses sont connues sur les causes de l’endométriose, son évolution naturelle et les facteurs qui influencent sa progression. L’apport de la recherche en épidémiologie est primordial pour faire avancer ces connaissances. Seules quelques grandes cohortes épidémiologiques permettant d’explorer ces aspects existent à travers le monde. En termes d’exploration des facteurs de risque d’endométriose, la plus grande à ce jour est une cohorte de 116 430 infirmières américaines âgées de 25 à 42 ans en 1989. Parmi les facteurs de risques identifiés dans la littérature et confirmés dans cette cohorte : un faible poids de naissance, des menstruations précoces, un faible indice de masse corporel et des cycles menstruels courts (moins de 24 jours)[3]. Néanmoins, au-delà de ces facteurs, peu de connaissances sont disponibles sur les causes de la maladie, et son histoire naturelle est largement inconnue. Une revue de la littérature parue en août 2018 a permis de dresser le tableau suivant :

* L’association positive entre le tabagisme et la diminution du risque d’endométriose pourrait trouver une explication dans l’effet anti-oestrogénique du tabac. Cette observation viendrait confirmer l’intérêt thérapeutique des antiestrogènes pour  lesquels il existe des médicaments beaucoup plus recommandables que la cigarette dont les effets nocifs sont largement documentés.

Afin de mieux comprendre cette maladie, plusieurs projets épidémiologiques voient le jour en France sous l’impulsion de l’équipe de Marina Kvaskoff, épidémiologiste et chercheuse à l’Inserm. Parmi ceux-ci, une cohorte de patientes dédiée à l’étude de l’endométriose vient d’être mise en place : la cohorte ComPaRe-Endométriose. L’objectif de l’équipe scientifique est d’atteindre un nombre suffisamment important de femmes incluses dans cette cohorte pour obtenir des résultats robustes aux nombreuses questions encore en suspens sur cette pathologie. En moins de 6 mois, déjà plus de 8000 femmes participent à l’étude. L’équipe vise à recruter 15 à 20 000 participantes ; un large appel à participation est lancé aux femmes atteintes d’endométriose ou d’adénomyose (endométriose restreinte au muscle de l’utérus) pour accélérer les recherches sur ces pathologies, en répondant simplement à des questionnaires en ligne sur leur vécu de la maladie (https://compare.aphp.fr/). Les premiers axes de recherche sont d’explorer l’histoire naturelle de la maladie (évolution des symptômes et des caractéristiques de la maladie au cours du temps), et d’identifier les facteurs déterminant sa progression et ceux menant à une meilleure réponse au traitement. L’étude permettra également de décrire les circonstances du diagnostic et les parcours de soin des patientes, et d’examiner l’impact de la maladie sur leur quotidien.

L’étude de l’endométriose fait également l’objet de projets au sein d’autres grandes cohortes françaises, comme la cohorte CONSTANCES, une étude prospective de 200 000 hommes et femmes (105 000 femmes) représentative de la population française. L’équipe de Marina Kvaskoff a développé un projet de recherche épidémiologique qui permettra de déterminer la prévalence et l’incidence de la maladie en France ainsi que d’explorer ses facteurs de risque dans cette cohorte. D’autres travaux sont en développement et seront menés à terme dans d’autres cohortes.

La piste de l’environnement

Plusieurs études épidémiologiques ont exploré les associations entre les produits chimiques organochlorés (solvants, pesticides, insecticides, fongicides…) et l’endométriose, mais les résultats ne sont pas uniformes. Une méta analyse française de 17 études[4] a été publiée en février 2019 pour essayer de tirer des résultats plus robustes. Le risque de développer une endométriose était de 1,65 plus élevé chez les femmes exposées aux dioxines ; 1,70 pour celles exposées aux polychlorobiphényles (PCB) et 1,23 pour les pesticides organochlorés. Bien qu’elles soient statistiquement significatives, ces estimations doivent être considérées avec prudence en raison de leur hétérogénéité notable entre les études et de la faible ampleur de l’effet estimé. Le niveau de preuve a été jugé  » modéré  » avec un risque  sérieux  de biais ce qui justifie la nécessité de mener d’autres recherches épidémiologiques bien conçues pour combler les lacunes persistantes des données.

L’approche génétique et épigénétique pour un dépistage précoce

Le dépistage de l’endométriose à des stades précoces et en l’absence de symptômes permettrait une meilleure prise en charge des patientes. Si l’héritabilité de l’endométriose a été évaluée à 50 %, elle est très complexe et manifestement très polygénique. De nombreux gènes candidats ont été étudiés de ce point de vue dans des analyses de prédisposition à la maladie. Les premiers résultats ont montré qu’il n’existe pas un gène de l’endométriose mais que l’existence de variants génétiques caractéristiques de la pathologie pourraient permettre de diagnostiquer celle-ci et d’améliorer la prise en charge des patientes En 2017, les efforts de la communauté internationale ont permis d’identifier au total 14 variants (situés dans les gènes WNT4, GREB1, ETAA1, IL1A, KDR, ID4, CDKN2B-AS1, VEZT, FN1, CCDC170, SYNE1, FSHB et dans les régions chromosomiques 7p15.2 et 7p12.3). Ces 14 gènes sont impliqués dans la prolifération et le cycle cellulaire, l’adhésion et la matrice extracellulaire et l’inflammation, ce qui fait sens en matière d’endométriose. Néanmoins, chacun des variants identifiés n’explique qu’une part limitée de la variation génétique dans l’endométriose. La combinaison d’allèles à risque chez une patiente pourrait dans l’avenir donner une probabilité d’être atteinte utilisable pour diagnostiquer les patientes et les classer en fonction du type d’endométriose et de sa gravité.

Par ailleurs, l’existence de marques épigénétiques spécifiques de l’endométriose pourrait aussi permettre en théorie le dépistage précoce. Les cellules endométriosiques présentent effectivement des anomalies épigénétiques spécifiques qui modifient l’expression des principaux facteurs de transcription. Toutefois, on ne sait pas comment les interactions entre les cellules épigénomiques défectueuses et les gènes mutés des cellules épithéliales contribuent à la pathogenèse de l’endométriose.

La piste des microARN

La génétique est cependant insuffisante pour rendre compte de l’endométriose dans sa complexité. Les gènes n’interviennent dans le phénotype qu’en tant qu’ils sont exprimés. La régulation de cette expression passe par des mécanismes moléculaires épigénétiques. De ce point de vue, la plupart des études porte sur la recherche de microARN qui « marqueraient » la maladie. Pour l’instant, plusieurs ont été identifiés dans le plasma des patientes, avec cependant une reproductibilité très mauvaise d’une équipe à l’autre. Par exemple, une étude publiée en 2013[5] identifie quatre miARN seulement (miR-199a, miR-122, miR145* et miR-542-3p) comme suffisant pour classer, avec très peu d’erreurs, les patientes. Néanmoins, la confirmation sur des cohortes indépendantes des résultats de cet article tarde à venir. Une explication possible est le fait que l’extraction des ARN circulants demeure très hétérogène d’une étude à l’autre, peut-être en relation avec les outils techniques utilisés lors de l’extraction. Dans l’avenir, de nouvelles approches plus exhaustives pourraient apporter des résultats plus homogènes.

L’approche cellulaire : le stress oxydatif

Plusieurs études ont montré une augmentation du stress oxydatif dans le sérum des femmes atteintes d’endométriose. Le stress oxydatif est un mécanisme très général induisant et causé par l’inflammation. Face une maladie douloureuse, comme l’endométriose, trouver des altérations liées au stress oxydatif n’est pas surprenant. Dans des modèles murins, un traitement par des antioxydants ( N acetyl cystéine) a permis la réduction des lésions endométriosiques.

Par ailleurs, par une approche menée par les chercheurs de l’Institut Cochin, parmi les cascades de gènes dérégulées dans la lésion d’endométriose, ils ont trouvé de nombreux gènes liés au métabolisme du glutathion. Ce tripeptide joue un rôle clef dans la détoxification du peroxyde d’hydrogène, molécule majeure du stress oxydatif. La dérégulation négative en particulier des gènes GCLM et GCLC cruciaux pour la synthèse du glutathion, pourrait expliquer un accroissement du stress oxydatif dans les lésions d’endométriose.

La piste de la défaillance immunitaire ?

La survie des cellules endométriosiques à l’extérieur de l’utérus pourrait être liée à un mauvais fonctionnement du système immunitaire duquel résulterait une inflammation chronique locale, et un échec de ll’élimination de ces cellules ectopiques. Les mécanismes immunitaires en jeu restent mal compris, mais plusieurs éléments pointent à une dérégulation des cellules du système immunitaire, tels que les macrophages et les lymphocytes B. Les macrophages sont des cellules de l’immunité innée participant à l’inflammation et à l’élimination des débris cellulaires. Il a été montré que les macrophages de patientes souffrant d’endométriose favorisaient la croissance des cellules endométriosiques in vitro. Les lymphocytes B sont des cellules de l’immunité adaptative, et sont responsables de la fabrication d’anticorps. Leur dérèglement dans l’endométriose est illustré par une activation importante et la présence d’auto-anticorps contre des antigènes de l’endomètre. D’autres cellules immunitaires sont également impliquées et une recherche active pour mieux comprendre leur implication est en cours.

2.2. Les traitements : axes de recherche et derniers résultats

Changer les modalités du diagnostic : vers la fin de la chirurgie

Avant d’envisager un traitement, la première étape est de réduire le temps de diagnostic de l’endométriose aujourd’hui estimé entre 7 et 10 ans après l’apparition des premiers symptômes. Pour cela, médecins et chercheurs travaillent à l’élaboration d’un score diagnostique, basé sur une dizaine de questions à partir desquelles le médecin pourra poser un diagnostic  fiable à 85-90 %. Ce score pourra être complété si nécessaire par des examens d’imagerie qui, si ils sont réalisés et interprétés par des personnels médicaux formés, peuvent tout à fait renseigner le diagnostic d’endométriose.

Médecins et chercheurs s’accordent à dire qu’il contre-indiqué de pratiquer des chirurgies à visée diagnostiques pour l’endométriose.

Les 3 piliers du traitement

Le traitement médicamenteux, la chirurgie et  l’assistance médicale à procréation (AMP) sont les 3 seules approches existantes pour traiter les symptômes de l’endométriose et ses éventuelles conséquences sur la fertilité. L’enjeu majeur  – en l’absence de nouveaux traitements – est de bien comprendre quel rôle joue chacune des composantes de cet arsenal thérapeutique afin de l’utiliser à bon escient.

Le traitement médicamenteux repose sur le blocage des fonctions ovariennes pour créer une ménopause artificielle via des contraceptifs pris en continu. Ces traitements doivent être personnalisés et adaptés à chaque patiente (estroprogestatifs, progestatifs, analogues de la GnRH. Ils doivent être prescrits en première intention chez la femme sans désir de grossesse et ce afin de réduire les douleurs liées à cette pathologie.

Lors d’un projet de grossesse, l’AMP et la chirurgie peuvent être envisagées. Avant tout geste chirurgical, le recours à l’AMP doit être systématique afin de maximiser les chances de concevoir un enfant pour les couples qui le souhaitent. La chirurgie ne doit  pas être utilisée chez des femmes sans projet d’enfant pour lesquelles le traitement médicamenteux fonctionne. La chirurgie de l’endométriose peut être très invasive et invalidante (résection de certaines parties du côlon, risque élevé d’abîmer la réserve ovarienne en cas de retrait de kyste ovarien etc.,) et, en ne traitant pas la cause,  n’empêche pas la maladie de revenir. Là encore, médecins et chercheurs s’accordent sur le fait qu’une femme opérée jeune présente un risque important que les lésions endométriosiques reviennent et soient à nouveau problématiques au moment d’un éventuel souhait de grossesse.

Tout doit donc être fait pour que la chirurgie ne soit plus le traitement de référence de l’endométriose comme cela a été trop le cas dans le passé.

Aujourd’hui, certaines formes d’endométriose – notamment celles qui touchent les ovaires – sont une indication permettant aux femmes d’avoir accès aux différentes techniques de préservation de la fertilité.

L’apport des nouvelles technologies : l’exemple des ultrasons haute-fréquence

A Lyon, des équipes de cliniciens chercheurs sous l’impulsion du Pr Gil Dubernard (Hospices Civils de Lyon et unité Inserm 1032 LabTAU) ont mis au point un traitement de l’endométriose rectale à base d’ultrasons. Lorsque l’endométriose infiltre la paroi rectale, elle est responsable de douleurs rectales invalidantes qui peuvent altérer la qualité de vie. Après échec du traitement médical, une chirurgie est souvent proposée qui consiste à retirer une partie ou la totalité du rectum et nécessite parfois une dérivation digestive (anus artificiel) transitoire.

Une étude clinique de phase I menée sur 11 patientes a démontré en 2017 que les ultrasons de haute intensité peuvent être une alternative intéressante à la chirurgie. En effet, en quelques minutes, grâce à une sonde à ultrasons introduite par voie rectale, la lésion est « désensibilisée ». Afin de confirmer ces premiers résultats, un nouvel essai incluant 12 patientes s’est terminé le 1er avril 2019. L’analyse des données est en cours et sera bientôt disponible.

En parallèle et en collaboration avec la société EDAP-TMS (promotrice des essais cliniques), le laboratoire Inserm dédié aux ultrasons thérapeutiques dirigé par Cyril Lafon, le LabTAU (Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm), travaille sur l’optimisation des conditions de délivrance des ultrasons (insonification) et l’amélioration de l’ergonomie de la sonde pour augmenter le nombre de patientes éligibles à ce nouveau traitement.

Cette thérapeutique innovante permettra très probablement de remplacer une bonne partie des chirurgies rectales réalisées pour cette maladie fonctionnelle qui guérit à la ménopause.

 

[1] Hypothalamic-Pituitary-Ovarian Axis Reactivation by Kisspeptin-10 in Hyperprolactinemic Women With Chronic Amenorrhea.

Millar RP, Sonigo C, Anderson RA, George J, Maione L, Brailly-Tabard S, Chanson P, Binart N, Young J.

[2] Sonigo C, Jankowski S, Yoo O, Trassard O, Bousquet N, Grynberg M, Beau I, Binart N. High-throughput ovarian follicle counting by an innovative deep learning approach. Sci Rep. 2018 Sep 10;8(1):13499. doi: 10.1038/s41598-018-31883-8.

[3] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30017581

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30530163

[5] (Wang et al, JCEM , 2013)

 

Pour en savoir plus :

Lire les dossiers d’information sur inserm.fr :

Endométriose

Technique de préservation de la fertilité

Le magazine de l’Inserm numéro 36 : Fertilité : nos générations futures en danger ?

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