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L’étonnante capacité des cellules souches sanguines à répondre aux situations d’urgences

Une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CNRS et du MDC, dirigée par Michael Sieweke du Centre d’Immunologie de Marseille Luminy (CNRS, Inserm, Aix Marseille Université) et du Centre de Médecine Moléculaire Max Delbrück de Berlin-Buch, révéle aujourd’hui un rôle inattendu des cellules souches hématopoïétiques : outre leur capacité à assurer le renouvellement continu de nos cellules sanguines ces dernières sont aussi capables de produire, « à la demande » et en urgence, les globules blancs qui permettent à l’organisme de faire face à une inflammation ou une infection. Cette propriété insoupçonnée pourrait être utilisée pour protéger des infections les patients ayant bénéficié d’une greffe de moelle osseuse, le temps que leur système immunitaire se reconstitue. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature datée du 10 avril 2013.

Macrophages © M Sieweke /Inserm

Les cellules de notre sang nourrissent, nettoient et défendent nos tissus mais leur durée de vie est limitée. Ainsi, l’espérance de vie d’un globule rouge ne dépasse guère trois mois, nos plaquettes meurent après une dizaine de jours et la grande majorité de nos globules blancs ne survivent que quelques jours.

Le corps doit donc produire en temps voulu des cellules de remplacement. C’est le rôle des cellules souches hématopoïétiques, plus communément appelées cellules souches sanguines.  Nichées au cœur de la moelle osseuse (le tissu mou situé au centre des os longs comme ceux du thorax, du rachis, du bassin et de l’épaule), ces dernières déversent chaque jour des milliards de nouvelles cellules dans le flux sanguin. Pour accomplir cette mission stratégique, elles doivent non seulement se multiplier mais aussi se différencier, c’est à dire se spécialiser pour produire des globules blancs, des globules rouges ou des plaquettes.

Depuis de nombreuses années, les chercheurs s’intéressent à la façon dont les cellules souches déclenchent ce processus de spécialisation. Michael Sieweke et son équipe ont ainsi précédemment découvert que ces dernières ne s’engageaient pas de façon aléatoire dans telle ou telle voie de différenciation mais « décidaient » de leur destin sous l’influence de facteurs internes et de signaux venus de l’environnement.

Restait une question d’importance : comment la cellule souche parvient-elle à répondre avec discernement aux situations d’urgences en fabriquant, par exemple, des globules blancs mangeurs de microbes comme les macrophages pour lutter contre une infection ?

Jusqu’à présent la réponse était entendue : la cellule souche ne savait pas  décoder ce genre de messages et se contentait de se différencier de façon aléatoire. L’équipe de Michael Sieweke vient de démontrer que loin d’être insensible à ces signaux, la cellule souche les perçoit et fabrique en retour les cellules les plus aptes à faire face au danger.

« Nous avons découvert qu’une molécule biologique produite en grande quantité par l’organisme lors d’une infection ou d’une inflammation indique le chemin à prendre aux cellules souches » déclare le Dr. Sandrine Sarrazin, chercheuse Inserm, co-signataire de la publication.

« Sous l’effet de cette molécule dénommée M-CSF (Macrophage Colony-Stimulating Factor), l’interrupteur de la lignée myéloide s’active (le gène PU.1) et la cellule souche produit rapidement les cellules les plus adaptées à la situation, au premier rang desquelles, les macrophages. »

« Maintenant que nous avons identifié ce signal, il serait possible de l’utiliser pour accélérer artificiellement la fabrication de ces cellules chez les malades confrontés à un risque aiguë d’infections » souligne le Dr Michael Sieweke, Directeur de recherche CNRS.

« C’est le cas des 50 000 patients dans le monde qui sont totalement démunis face aux infections juste après une greffe de moelle osseuse*.

Le M-CSF pourrait stimuler la production des globules blancs utiles tout en évitant de fabriquer des cellules susceptibles d’attaquer l’organisme de ces patients. Ainsi, ils seraient protégés des infections le temps que leur système immunitaire se reconstitue »

A propos de la découverte

Cette découverte apparemment toute simple est pourtant très originale tant par son approche que par les technologies de pointe qu’elle a nécessité. Ainsi, pour parvenir à leurs conclusions, l’équipe a dû mesurer le changement d’état au niveau de chaque cellule ce qui a constitué un double défi : les cellules souches sont en effet non seulement très rares (on en compte à peine une pour 10 000 cellules dans la moelle osseuse d’une souris) mais aussi parfaitement indistinguables de leurs descendantes.

« Pour distinguer les protagonistes, nous avons utilisé un marqueur fluorescent pour signaler l’état (on ou off) de l’interrupteur des cellules myéloides : la protéine PU.1. D’abord chez l’animal, puis en filmant les cellules en accéléré sous un microscope, nous avons ainsi montré que les cellules souches « s’allument » presque instantément en réponse au M-CSF » rappelle Noushine Mossadegh-Keller, assistante ingénieure CNRS, co-signataire de cette publication. « Pour en avoir le cœur net, nous avons alors récupéré une à une chaque cellule et confirmé que dans toutes les cellules où l’interrupteur était passé au vert, les gènes de la lignée myéloide étaient bien activés : une fois perçu le message d’alerte elles avaient bien changé d’identité. »

Un diagnostic prénatal des maladies génétiques sur simple prise de sang

Première application à l’Amyotrophie Spinale et à la Mucoviscidose

L’équipe de Patrizia Paterlini-Bréchot, Professeur en biologie cellulaire et oncologie à l’Université Paris Descartes, et chercheuse au sein de l’unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes « Diagnostic des maladies génétiques par l’analyse de la signalisation calcique et des cellules fœtales circulantes » hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) publie des résultats dans le diagnostic prénatal non invasif des maladies génétiques, avec comme exemple son application à l’amyotrophie spinale et à la mucoviscidose. Ce test sensible et spécifique à 100% sur un échantillon de 63 femmes est le premier à proposer une alternative à des méthodes dites invasives telles que l’amniocentèse et la biopsie de villosités choriales (BVC). Il s’agit donc d’une évolution majeure dans le diagnostic prénatal. De plus, l’étude, parue dans la revue Reproductive Biomedicine Online, montre que ce test est réalisable à partir de la 5ème semaine d’aménorrhée (SA), c’est-à-dire, avant toute autre méthode de diagnostic prénatal.

© P Latron/Inserm

Seuls procédés existant réputés fiables à 100%, l’amniocentèse et la biopsie de villosités choriales (BVC) restent aujourd’hui massivement pratiquées dans l’hexagone. En France, sur 800 000 naissances par an, on estime que plus de 80 000 femmes enceintes « à risque » ont recourt à ces tests qui donnent lieu à plus de 800 fausses couches de fœtus sains. Face à ce constat, de nombreux chercheurs travaillent depuis des années sur des méthodes non-invasives de diagnostic des maladies génétiques.

Dans une première étude parue en 2006 dans la revue Prenatal Diagnosis, l’équipe du Professeur Paterlini-Bréchot dévoilait la méthode ISET qui permet de réaliser un diagnostic prénatal de la mucoviscidose à partir de quelques cellules fœtales issues du sang maternel. Ces premiers résultats encourageants, ont permis de diagnostiquer cette maladie de façon certaine par un test non-invasif et donc sans aucun risque pour la mère et le fœtus. Suite à ces travaux, la méthode ISET a fait l’objet d’une étude de validation clinique pour son application au diagnostic prénatal sur simple prise de sang de l’amyotrophie spinale et de la mucoviscidose.

La méthode a été testée sur une cohorte de 63 femmes enceintes suivies à l’Hôpital Necker Enfants malades et présentant un risque élevé de mettre au monde un enfant atteint de maladie génétique (amyotrophie spinale ou mucoviscidose). Pour chacune d’entre elle, un test de diagnostic ISET a été effectué, suivi d’un prélèvement pour BVC. Une fois les examens accomplis, les résultats obtenus par les deux méthodes, invasive et non-invasive, ont été comparés : sur les 63 femmes, la méthode ISET a donné le même résultat que la BVC. Ainsi, pour la première fois, un diagnostic non-invasif et totalement fiable de maladies génétiques telles que la mucoviscidose et l’amyotrophie spinale a été mis au point et validé cliniquement. Il permet d’avoir accès aux cellules fœtales trophoblastiques qui circulent dans le sang maternel et de développer des tests diagnostiques non invasifs aussi fiables que l’amniocentèse et la BVC, pour tout type de maladie génétique actuellement diagnostiquée de façon invasive, y compris la Trisomie 21.

Pour Patricia Paterlini Bréchot : « Ces résultats de première importance ouvrent le débat sur la possibilité d’offrir un diagnostic prénatal non invasif à l’ensemble des femmes enceintes ».

Ce test devrait être commercialisé l’année prochaine.

Nouveau gène impliqué dans les formes précoces de maladie d’Alzheimer

Un nouveau gène impliqué dans les formes précoces de maladie d’Alzheimer a été découvert par l’équipe de recherche de Dominique Campion de l’Unité Inserm 1079 « Génétique du cancer et des maladies neuropsychiatriques » à Rouen. Les chercheurs ont montré que dans 5 familles sur 14 de patients atteints, des mutations apparaissaient sur le gène SORL1. Ce gène régule la production d’un peptide impliqué dans la maladie d’Alzheimer. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Molecular Psychiatry datée du 3 Avril.

Des mutations génétiques précises ont été identifiées comme jouant un rôle dans les formes précoces d’Alzheimer. Toutefois, il existe une sous-population de malades qui ne possède aucune mutation sur ces gènes. Comment des patients, ne possédant pas ces mutations préétablies, peuvent-ils être atteints précocement de la maladie d’Alzheimer ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Dominique Campion et de Didier Hannequin  (Unité Inserm 1079 et Centre national de référence malades Alzheimer jeunes, CHU Rouen), a étudié les gènes de 130 familles atteintes de la forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Ces familles ont été identifiées par 23 équipes hospitalières françaises dans le cadre du plan « Alzheimer ». Parmi ces familles, 116 portaient des mutations sur les gènes déjà connus. En revanche pour les 14 familles restantes, aucune mutation sur ces gènes n’avait été observée.

L’étude du génome des patients des 14 familles, grâce aux nouvelles techniques de séquençage complet de leur ADN, a permis de mettre en évidence des mutations sur un nouveau gène SORL1. Le gène SORL1 code pour une protéine impliquée dans la production du peptide β-amyloïde. Cette protéine est reconnue pour affecter le fonctionnement des cellules du cerveau (cf encadré).

Deux des mutations identifiées sont responsables d’une sous-expression de SORL1,  laquelle a pour conséquence une augmentation de la production du peptide β-amyloïde.  « Les mutations observées sur SORL1 semblent contribuer au développement de la maladie précoce d’Alzheimer. Toutefois, il reste à mieux préciser la manière dont sont transmises ces mutations sur le gène SORL1 au sein des familles » précise Dominique Campion.

La maladie d’Alzheimer est l’une des principales causes de dépendance de la personne âgée. Elle résulte d’une dégradation des neurones dans différentes régions du cerveau. Elle se manifeste par une altération croissante de la mémoire, des fonctions cognitives ainsi que par des troubles du comportement conduisant à une perte progressive d’autonomie.

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par le développement dans le cerveau de deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l’accumulation extracellulaire d’un peptide, le peptide β amyloïde (Aβ), dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions intraneuronales provenant de l’agrégation anormale, sous forme de filaments, d’une protéine appelée protéine Tau.

Une stratégie de prévention pour éviter la mort subite chez les patients atteints de la maladie de Steinert

Le Dr Karim Wahbi, Denis Duboc et son équipe (AP-HP, Inserm, Université Paris Diderot, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Descartes) ont démontré qu’après une sélection rigoureuse et précoce, la pose d’un pacemaker chez des patients atteints de la maladie de Steinert et ayant un électrocardiogramme anormal diminue le nombre de mort subite. L’équipe de recherche préconise donc cette stratégie invasive chez ces malades particuliers et souhaite la voir s’étendre aux recommandations internationales pour qu’elle s’applique aux autre pays. La maladie de Steinert est une maladie génétique rare qui touche une personne sur 20 000. Elle se caractérise par de multiples symptômes, dont des problèmes cardiaques. Les résultats de cette étude sont publiés dans le Journal of the American Medical Association du 28 mars 2012. Des travaux soutenus par l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

La maladie de Steinert ou dystrophie myotonique est la plus fréquente des dystrophies musculaires de l’adulte Son incidence est estimée à 1 cas sur 8000. Il s’agit d’une maladie génétique due à la multiplication d’un triplet de bases ADN (« CTG ») au niveau d’un seul gène (« DMPK »). Le nombre de répétitions de ce triplet est associé à la sévérité de la maladie. Les symptômes peuvent être absents ou se révéler sous forme de troubles du rythme cardiaque, d’une diminution de la force musculaire, d’une cataracte précoce, d’anomalies endocriniennes, de troubles cognitifs…

Denis Duboc et son équipe ont étudié l’effet de la pose d’un pacemaker chez des patients asymptomatique au plan cardiaque atteints de la maladie de Steinert, mais présentant un électrocardiogramme anormal. Cette étude a été réalisée sur 914 patients pendant 10 ans. Les résultats montrent une diminution des cas de mort subite et de la mortalité globale de ces patients. Il s’agit d’une stratégie médicale inhabituelle puisque les cardiologues ont choisi une méthode invasive et préventive, plutôt que d’adopter une attitude classique et curative.

« Normalement, nous ne prenons en charge que les malades présentant des symptômes, afin d’éviter une surmortalité due à la chirurgie. Ici, nous avons choisi de traiter ces patients de manière préventive. Les résultats que nous avons obtenus nous permettent de recommander la pose systématique de pacemaker chez ces malades », explique Denis Duboc, professeur des universités à l’université Paris Descartes et praticien hospitalier à l’hôpital Cochin, AP-HP. « Nous souhaiterions que cette stratégie invasive soit adoptée par l’ensemble de la communauté internationale, afin d’en faire bénéficier toutes les personnes atteintes de la maladie de Steinert et dont l’électrocardiogramme présente des anomalies du rythme cardiaque ».

Les résultats positifs de la chirurgie invasive s’expliquent soit par la suppléance du pacemaker, c’est-à-dire son rôle de relais lorsque le cœur s’emballe ou s’arrête, soit par la meilleure adaptation du traitement contre les arythmies, permise par l’analyse des événements cardiaques enregistrés par la mémoire du pacemaker.

L’étude de cette maladie génétique rare a permis de découvrir une nouvelle stratégie thérapeutique pour certains patients. Mais, « nous pouvons imaginer que dans le futur, des marqueurs fiables soient découverts et révèlent une prédisposition génétique pour la mort subite chez certains membres de la population générale. Peut-être, alors, que la stratégie que nous avons mise en place pour les patients atteints de la maladie de Steinert pourrait s’appliquer à cette sous-population exposée au risque de mort subite », indique Denis Duboc.

Le gène sauteur de la Ravine

L’anorexie du nourrisson accompagnée de vomissements est un symptôme observé dans certaines régions reculées de La Réunion entourées de ravines, d’où le nom de la maladie neurologique associée. L’équipe d’Alexandra Henrion Caude, chargée de recherche Inserm à l’unité « Génétique et épigénétique des maladies métaboliques, neurosensorielles et du développement » (Inserm/Université Paris Descartes) a étudié l’origine génétique du syndrome « Ravine ». Son étude montre pour la première fois, l’association entre une maladie héréditaire humaine et la mutation ponctuelle d’un gène « sauteur » non codant, c’est-à-dire composé d’éléments répétés dans le génome, longtemps considérés comme inutiles. Les résultats, publiés dans la revue PNAS, montrent qu’une seule modification du gène entraîne cette maladie létale et que ce type de gène pourrait jouer un rôle important lors du développement cérébral.

Dans le Sud de La Réunion, les ravines, ces larges brèches qui découpent la montagne, ont isolé par le passé une partie de la population de cette île océanique. Cette région influencée par des contraintes géographiques et socio-économiques, a connu dans son histoire des taux importants de consanguinité. En conséquence, des anomalies génétiques se sont transmises au fil des générations. L’équipe d’Alexandra Henrion Caude s’est penchée sur les origines génétiques d’une maladie grave, baptisée « Ravine », puisqu’elle se manifeste essentiellement dans les populations en bordure de ravines. Elle touche certains enfants de La Réunion avant leur premier anniversaire. Ils présentent une anorexie infantile accompagnée de vomissements incontrôlables, ainsi qu’une disparition progressive de la matière blanche du cerveau, qui rend la maladie létale. « Depuis Darwin, les îles sont surtout reconnues pour la richesse de leur faune et de leur flore, mais elles sont aussi, du fait de leur isolement, un creuset remarquable pour l’étude des maladies génétiques » indique Alexandra Henrion Caude, chargée de recherche Inserm et coordinatrice de cette étude.

© Serge Gelabert

Ravine de La Réunion où l’isolement géographique a pu contribuer à un effet fondateur

Les gènes, dans leur définition classique, ne représentent qu’une infime partie du génome humain. La moitié de celui-ci est composée de séquences d’ADN répétitives dont des gènes dits « sauteurs ». Les répercussions de leurs variations ont été peu explorées par le passé. Dans cette étude, Alexandra Henrion Caude et François Cartault, généticien du CHU de La Réunion et leurs collaborateurs, ont analysé le profil génétique de 9 familles dont certaines présentent plusieurs enfants atteints. Ils ont identifié une mutation ponctuelle commune aux enfants atteints du syndrome Ravine sur un de ces gènes « sauteurs ». Si l’enfant hérite de chacun de ses parents de la mutation, il contracte la maladie. En observant cette unique variation, les chercheurs ont révélé l’existence d’un long ARN non-codant mutant qui entraine cette maladie neurologique.

Les chercheurs ont mimé la diminution de production de l’ARN non-codant observée dans le cerveau malade et ont constaté l’induction de la mort neuronale. La mutation identifiée est localisée dans une structure d’ARN en forme d' »épingle à cheveu ». S’appuyant sur la structure de cet ARN, l’équipe de recherche propose différentes hypothèses sur l’implication de ce gène « sauteur » dans le maintien de l’équilibre neuronal : édition de l’ARN, maturation en petit ARN (microARN), et/ou fonctionnement passant par des protéines spécifiques (PIWI, SRP).

« Il s’agit de la première démonstration associant une maladie héréditaire humaine à une mutation ponctuelle dans ce type de gène « sauteur »

, transcrit comme long ARN non-codant », explique Alexandra Henrion Caude.

Ses travaux récents suggèrent une dynamique intracellulaire de ces ARN non codants, via la démonstration d’une localisation de certains petits ARNs dans les mitochondries, ainsi que l’importance du dosage de ces ARNs au cours du développement humain.

« L’histoire du peuplement de l’île océanique de La Réunion explique en partie l’histoire du syndrome Ravine. Avec notre étude, ses origines génétiques sont précisées et nous suggérons que les gènes « sauteurs » modifient des réseaux complexes du fonctionnement cérébral humain. », conclut la chercheuse.

Cancers de l’enfant – Découverte de facteurs de susceptibilité génétique dans les tumeurs d’Ewing

La tumeur d’Ewing est un cancer osseux pédiatrique rare. Toutefois cette pathologie est plus fréquente dans les populations d’origine européenne. Olivier Delattre (1) et son équipe, David Cox (2) et Gilles Thomas (3) ont cherché à comprendre pourquoi. La réponse peut se trouver dans deux petites régions du génome : deux variants génétiques observés plus fréquemment dans les populations européennes. Les enfants porteurs d’une de ces deux variations génétiques ont un risque multiplié par deux de développer une tumeur d’Ewing. Cette découverte est publiée online dans Nature Genetics du 12 février 2012 (4).

La tumeur d’Ewing est une tumeur osseuse rare qui survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte. Spécialiste de cette tumeur, le Dr Olivier Delattre, directeur de recherche Inserm, et son équipe à l’Institut Curie s’interrogeaient depuis de nombreuses années sur les différences d’incidence de cette tumeur selon l’origine géographique. Ils ont ainsi collaboré avec Gilles Thomas de la plate-forme Synergie Lyon Cancer et David Cox, deux chercheurs situés au Centre Léon Bérard (Lyon) pour répondre à cette question.

La plupart des tumeurs d’Ewing surviennent chez des enfants d’origine européenne et très rarement dans les populations africaines ou asiatiques. Par ailleurs, le nombre de cas dans ces deux populations reste faible même lorsqu’elles émigrent aux Etats-Unis (0,017 pour 105 individus afro-américains). « Par conséquent les facteurs environnementaux ne pouvaient pas être incriminés et il fallait chercher les raisons de cette différence dans le génome » explique Olivier Delattre.

Une telle étude génétique, sur une tumeur rare, a été possible grâce au développement de nouveaux outils, et notamment les GWAS(Genome Wide Association Study) qui permettent de dresser une cartographie des variations génétiques individuelles. L’analyse a été effectuée dans 401 prélèvements de tumeur d’Ewing, 684 prélèvements contrôles dans la population française et 3 668 dans la population américaine d’origine européenne. Sur plus de 700 000 variations génétiques observées, deux d’entre-elles (rs9430161 et rs224278) sont associées au développement de la tumeur d’Ewing« Les enfants porteurs de ces variants génétiques ont ainsi deux fois plus de risque de développer une tumeur d’Ewing que les autres » explique David Cox. Cette augmentation du risque relatif est importante pour mieux comprendre la maladie, mais reste sans conséquence pour les porteurs de ces variants car le risque absolu reste très faible, de l’ordre de 3 cas par millions de porteurs. Or ces deux variants génétiques sont beaucoup plus rares dans les populations d’origine africaine et asiatique, expliquant en partie la faible incidence de cette pathologie dans ces populations.

Améliorer la compréhension du développement tumoral

Au-delà de l’identification des deux variants de susceptibilité, cette découverte améliore la compréhension des mécanismes cellulaires conduisant au développement des tumeurs d’Ewing. Les deux régions mises en évidence se trouvent à proximité des gènes TARDBP et EGR2. Le premier possède des similitudes avec le gène dont l’altération est à l’origine des tumeurs d’Ewing ; quant au second, il fait partie d’un groupe de gènes régulés par le gène de fusion EWS-FLI-1, responsable de cette tumeur. « Désormais, nous allons pouvoir chercher à comprendre comment ces deux gènes renforcent l’effet de l’anomalie chromosomique EWS-FLI-1 responsable de la tumeur d’Ewing » ajoute Olivier Delattre.

Le point de vue d’Olivier Delattre

Olivier Delattre

© Noak/Le Bar Floreal/institut Curie

Olivier Delattre

La génétique des populations pour mieux comprendre la cancérogenèse

« Le matériel génétique, contenu dans le noyau de chacune de nos cellules, est une sorte de livre de 3 milliards de caractères écrit avec seulement un alphabet à 4 lettres : A, C, G, T. Même si l’enchaînement de ces caractères est quasi identique d’un individu à l’autre, il existe tout de même en moyenne 0,1 % (soit plusieurs millions) de différence entre deux individus. La diversité de la population humaine réside ainsi dans cette légère variabilité de notre séquence d’ADN. Une variation fréquente dans la population est appelée un variant. Certains variants sont associés à une pathologie : seuls ils ne présentent pas de risque, mais ils créent un terrain favorable à son développement. Il existe plusieurs moyens de rechercher de telles susceptibilités. Dans notre étude sur la tumeur d’Ewing, en raison de la forte variabilité d’une population à l’autre, la génétique des populations était la plus adaptée. Les variants ont la capacité de « moduler » l’activité de certains gènes et à ce titre, participent à la cancérogenèse. Leur connaissance améliore donc la compréhension des mécanismes tumoraux. »

Le commentaire de David Cox

David Cox

© Photo Centre Léon Bérard

David Cox

Application de la génomique en cancérologie

« Depuis le séquençage complet du génome humain au début des années 2000, notre capacité à explorer notre patrimoine génétique a explosé. Aujourd’hui, nous pourrions interroger plus de 5 millions de variants, des « polymorphismes », qui diffèrent d’une personne à l’autre. Ces variants sont une sorte d’enregistrement de l’histoire de l’ADN qui les entoure. Si une mutation qui augmente le risque d’une maladie survient dans une population, les variants qui l’entourent seront transmis avec la mutation pendant des générations. Comme nous ne savons pas où se trouveront ces mutations, nous utilisons ces variants pour les trouver, en comparant les fréquences des variants du génome chez des patients atteints d’une maladie, en comparaison avec des individus issus de la même population mais sains ».

Les tumeurs d’Ewing

  • Avec près de 100 nouveaux cas par an en France, la tumeur d’Ewing est la deuxième tumeur maligne primitive de l’os, en termes de fréquence.
  • Elle survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte (jusqu’à 30 ans), avec un pic de fréquence à la puberté. Appelée aussi sarcome d’Ewing, elle se développe essentiellement dans les os du bassin, les côtes, les fémurs, lespéronés et les tibias.
  • En 30 ans, le traitement, à l’origine essentiellement basé sur la radiothérapie, a profondément évolué. Aujourd’hui, les formes localisées sont traitées majoritairement par une combinaison initiale de chimiothérapie et de chirurgie. Une chimiothérapie postopératoire, et parfois une radiothérapie, complètent le traitement. Le pronostic de la tumeur d’Ewing a bénéficié de l’apport de nouvelles chimiothérapies.
  • C’est à l’Institut Curie qu’a été découverte en 1984, et caractérisée, en 1992, dans l’unité d’Olivier Delattre, l’anomalie chromosomique responsable de cette tumeur. Il s’agit d’une translocation qui se produit, dans 90 % des cas, entre les chromosomes 11 et 22 et aboutit à la synthèse d’une protéine anormale EWS-FLI-1, et dans 10 % des cas, entre les chromosomes 22 et 21 et donne lieu à la synthèse d’une protéine anormale EWS-ERG. Il existe d’autres altérations, mais elles sont rares. La découverte de ces altérations génétiques a permis la mise au point, à l’Institut Curie en 1994, d’un test diagnostic de la tumeur d’Ewing.

Ces recherches ont été menées dans le cadre d’une large collaboration européenne. Outre l’Inserm et l’Institut Curie, elles ont été financées par la Ligue Nationale Contre le Cancer dans le cadredu « Projet de recherche épidémiologique 2099 » et par l’INCa dans le cadre des appels à projets libres 2008 et 2009.
Par ailleurs, l’équipe du Dr Olivier Delattre reçoit également l’aide financière de l’Association des Parents et des Amis des Enfants Soignés à l’Institut Curie (APAESIC), des associations Les Bagouz à Manon, Pas du Géant, Olivier Chape, Les Amis de Claire et Courir pour Mathieu, ainsi que de la Fédération Enfants et Santé.

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L’Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité publique associant le plus grand centre de recherche français en cancérologie et deux établissements hospitaliers de pointe. Pionnier dans de nombreux traitements, il est référent pour les cancers du sein, les tumeurs pédiatriques et les tumeurs de l’œil. Il assure la diffusion d’innovations médicales et scientifiques aux niveaux national et international. Fondé en 1909 sur un modèle conçu par Marie Curie et toujours d’avant-garde, « de la recherche fondamentale aux soins innovants », l’Institut Curie rassemble 3 000 chercheurs, médecins, soignants, techniciens et administratifs. Pour en savoir plus : www.curie.fr

Le Centre Léon Bérard est l’un des vingt Centres de lutte contre le cancer français. Basé à Lyon et reconnu comme pôle de référence de cancérologie en Rhône-Alpes, il a trois missions : les soins, la recherche et l’enseignement. Plus de 23 000 patients, venus de toute la France, sont suivis chaque année dans ses services et plateaux techniques qui proposent des traitements innovants. 1400 médecins, chercheurs, soignants, techniciens et administratifs travaillent au Centre Léon Bérard. Pour en savoir plus : www.centreleonberard.fr

Le Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL)

Le Centre de recherche en cancérologie de Lyon est une nouvelle structure de recherche créée en janvier 2011 et labellisée par l’Inserm, le CNRS, l’université Claude Bernard Lyon 1, le Centre Léon Bérard et avec pour partenaire hospitalier les Hospices Civils de Lyon. Cette structure rassemble 17 équipes de recherche, pour 370 membres dont 110 chercheurs et enseignants-chercheurs. L’activité du CRCL est tournée vers la recherche fondamentale en cancérologie, tout en ayant pour ambition de soutenir le développement d’une recherche translationnelle forte, au service des personnes malades.

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. L’Inserm, seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, s’est vu confier, en 2008, la responsabilité d’assurer la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Ce rôle central de coordinateur lui revient naturellement par la qualité scientifique de ses équipes mais également par sa capacité à assurer une recherche translationnelle, du laboratoire au lit du patient. Pour en savoir plus : www.inserm.fr/

Notes :

(1) Olivier Delattre, directeur de l’unité Génétique et biologie des cancers – Institut Curie/Inserm U830
(2) David Cox, chargé de recherche Inserm, chercheur dans l’équipe Génétique du cancer du sein du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon UMR Inserm 1052 CNRS 5286 / Centre Léon Bérard / Université Lyon 1
(3) Gilles Thomas, Professeur des Universités Lyon 1 – Praticien hospitalier Hospices Civils de Lyon, directeur de la plate-forme de bioinformatique Synergie Lyon Cancer Centre Léon Bérard / Université Lyon 1 et chercheur dans l’équipe Génétique du cancer du sein du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon UMR Inserm 1052 CNRS 5286 / Centre Léon Bérard / Université Lyon 1
(4) “Variants at TARDBP and EGR2/ADO loci associated with Ewing sarcoma susceptibility” Nature Genetics, 12 février 2012, online

Quand la sérotonine tombe sur un os

La sérotonine, un neurotransmetteur cérébral bien connu, est produite localement dans un site inattendu : le tissu osseux. C’est ce que viennent de montrer les chercheurs de l’Unité mixte de recherche 606 « Os et Articulation » (Inserm/Université Paris Diderot) associés au laboratoire de biochimie de l’hôpital Lariboisière et au laboratoire « Cytokines, hématopoïèse et réponse immune » (CNRS/Université Paris Descartes)à l’hôpital Necker à Paris. Cette sérotonine locale favoriserait la dégradation du tissu osseux. Ces résultats publiés cette semaine dans les PNAS suggèrent que des médicaments modulant les effets de la sérotonine, comme les antidépresseurs ou les antimigraineux, pourraient modifier dans un sens ou dans l’autre l’équilibre délicat entre formation et dégradation des os dans l’organisme.

© Inserm, J.-P. Roux

Zone de croissance et de résorption de l’os. Les ostéoclastes, cellules qui résorbent l’os, sont colorés en rouge

La sérotonine régule une vaste gamme de fonctions comme l’humeur, le comportement, le sommeil, la tension et la thermorégulation. Elle a également des fonctions importantes dans plusieurs tissus périphériques et assure la régulation des fonctions vasculaires, du cœur et dans la mobilité gastro-intestinale. Toutefois, la sérotonine circule dans l’organisme à des taux extrêmement faibles. Elle est majoritairement stockée dans les plaquettes et n’est disponible pour les organes périphériques que si elle est relarguée lors de l’activation de ces plaquettes.

Certains chercheurs se sont intéressés au rôle de la sérotonine sur le tissu osseux qui a récemment fait débat. Alors que certains chercheurs ont décrit une action négative de la sérotonine circulante sur le tissu osseux (elle empêcherait la régénération osseuse en agissant sur les ostéoclastes pour diminuer leur prolifération), d’autres ne retrouvent pas de modification osseuse en l’absence de sérotonine chez la souris.

Ostéoclaste ou ostéoblaste ?
Le remodelage osseux est un processus fortement intégré. Il est assuré par un équilibre fin entre la formation d’os assurée par les ostéoblastes et leur dégradation par les ostéoclastes. Ce renouvellement permanent assure une croissance harmonieuse, le maintien et la réparation des os tout au long de la vie.
Si cet équilibre est rompu, une trop forte activité des ostéoclastes aboutit à une augmentation marquée de la densité osseuse. Au contraire, une résorption osseuse accrue est associée à la perte osseuse et déclenche des maladies comme l’ostéoporose, l’arthrite et des lésions osseuses métastatiques.
Une bonne communication moléculaire entre ostéoblastes et ostéoclastes est donc nécessaire pour réguler l’engagement, la prolifération et la différenciation de précurseurs cellulaires osseux.

Face à ces résultats contradictoires, Marie Christine De Vernejoul et ses collègues ont souhaité aller plus loin. Grâce à leurs travaux menés chez la souris, ils ont découvert que cet effet sur le tissu osseux n’était pas dû à la sérotonine « circulante » mais à une production de sérotonine nouvelle. « Nos travaux montrent que la sérotonine est produite localement dans un site inattendu : le tissu osseux. Elle est synthétisée par les ostéoclastes, ces cellules osseuses en charge de résorber l’os. » explique la chercheuse Inserm Marie-Christine De Vernejoul.

Une fois synthétisée, la sérotonine agit directement sur les cellules qui la produisent, les ostéoclastes, en augmentant leur différenciation. Cette production de sérotonine locale fait partie d’un processus normal et contribue elle aussi à maintenir l’équilibre entre dégradation et formation osseuse.

« Cette sérotonine locale produite par les ostéoclastes est bien plus importante pour le tissu osseux que la sérotonine circulante, ce qui expliquerait les conclusions différentes observées jusqu’à présent par les scientifiques qui avaient étudié des modèles trop particuliers » ajoutent les auteurs.

D’un point de vue fonctionnel, les chercheurs ont découvert que les ostéoclastes expriment à leur surface le transporteur de la sérotonine et certains récepteurs à la sérotonine. Les drogues affectant le transporteur de la sérotonine, comme les antidépresseurs, et les récepteurs de la sérotonine, comme les antimigraineux, pourraient donc modifier la dégradation du tissu osseux et avoir des conséquences sur cet équilibre précieux entre dégradation et formation d’os.

A ce stade, les perspectives des chercheurs sont nombreuses. Ils vont maintenant étudier si la production de sérotonine par les ostéoclastes est augmentée par la carence en œstrogènes. Dans ce cas, cela pourrait signifier que la sérotonine joue rôle dans l’ostéoporose de la femme ménopausée.

Effacer les marques de vieillissement des cellules : c’est possible

L’équipe AVENIR Inserm « Plasticité génomique et vieillissement » dirigée par Jean Marc Lemaitre, chargé de recherche Inserm à l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier 1 et 2), vient de parvenir à rajeunir des cellules de donneurs âgés, vieilles de plus de 100 ans. Ces cellules âgées, reprogrammées in vitro en cellules souches pluripotentes (iPSC pour « Induced pluripotent stem cells ») ont retrouvé leur jeunesse et les caractéristiques des cellules souches embryonnaires (hESC): elles peuvent se différencier à nouveau en cellules de tous types après une véritable cure de « jouvence ». Ces résultats constituent une avancée significative pour la recherche sur les cellules iPSC et une nouvelle étape vers la médecine régénérative. Les résultats sont publiés dans la revue Genes & Development datée du 1er novembre 2011.


© Inserm/Disc/ F.Koulikoff/F.Launay – Figure 1: Differenciation cellulaire

Les cellules souches embryonnaires humaines (hESC) sont des cellules « à tout faire » qui sont indifférenciées. Par leurs divisions, elles assurent la mise en place de toutes les cellules adultes différenciées de l’organisme (neurones, cellules cardiaques, cellules de peau, cellules du foie…cf. figure 1).

Depuis 2007, quelques équipes de recherche dans le monde sont capables de reprogrammer des cellules adultes humaines en cellules souches pluripotentes (iPSC), qui présentent des caractéristiques et un potentiel similaires aux cellules souches embryonnaires humaines (hESC). Cette reprogrammation (cf. figure 1 ci-contre en rouge), offre la possibilité de reformer tous les types cellulaires de l’organisme en dehors des contraintes éthiques liées à l’utilisation de cellules souches de type embryonnaires. Jusqu’alors, les résultats de recherches publiés montraient que la sénescence, point ultime du vieillissement cellulaire, restait une limite à l’utilisation de cette technique pour des applications thérapeutiques chez des patients âgés.

Aujourd’hui, Jean Marc Lemaitre, chargé de recherche à l’Inserm et son équipe, viennent de franchir cette limite. Les chercheurs sont parvenus à rajeunir des cellules de donneurs âgés, jusqu’à plus de 100 ans, et ont ainsi démontré la réversibilité du processus du vieillissement cellulaire.
Pour ce faire, ils ont utilisé une stratégie adaptée qui consiste à reprogrammer des cellules, grâce à un « cocktail » spécifique de 6 facteurs génétiques tout en effaçant les marques du vieillissement. Les chercheurs ont montré que les cellules souches iPSC obtenues ont alors la capacité de reformer tous les types cellulaires de l’organisme. Elles possèdent des caractéristiques physiologiques de cellules « jeunes », tant du point de vue de leur capacité proliférative que de leur métabolisme cellulaire.

Un cocktail de 6 facteurs génétiques…


© Inserm/Disc/F.Koulikoff/F.Launay – Figure 2 : reprogrammation de cellules sénescentes âgées

Les chercheurs ont d’abord multiplié des cellules de la peau (fibroblastes) d’un donneur de 74 ans pour atteindre la sénescence caractérisée par l’arrêt de la prolifération des cellules. Ils ont ensuite procédé à la reprogrammation in vitro de ces cellules. Dans cette étude, Jean Marc Lemaitre et son équipe ont d’abord confirmé que cela n’était pas possible avec le lot de 4 facteurs génétiques classiquement utilisé (OCT4, SOX2, C MYC et KLF4) et ont ajouté 2 facteurs supplémentaires (NANOG et LIN28) qui ont permis de franchir cette barrière (cf. figure 2).

Grâce à ce nouveau « cocktail » de 6 facteurs, les cellules sénescentes, reprogrammées en cellules souches pluripotentes iPSC fonctionnelles, réacquièrent les caractéristiques de cellules souches pluripotentes de type embryonnaires. En détail, elles ont retrouvé leur capacité d’autorenouvellement et leur potentiel de différentiation d’antan, ne conservant aucune trace de leur vieillissement antérieur.

Pour vérifier les caractéristiques « rajeunies » de ces cellules, les chercheurs ont testé le processus inverse. Les cellules iPSC rajeunies ont été à nouveau différenciées en cellules adultes (cf. figure 1) et comparées aux cellules âgées d’origine ainsi qu’à celles obtenues à partir de cellules souches pluripotentes de type embryonnaires (hESC). « Les marqueurs de l’âge des cellules ont été effacés et les iPSC, que nous avons obtenues peuvent produire des cellules fonctionnelles, de tous types avec une capacité de prolifération et une longévité accrues », explique Jean Marc Lemaitre qui dirige l’équipe AVENIR de l’Inserm.

…testé sur des cellules âgées de plus de 100 ans


© Inserm – Cure de jouvence pour cellules par Jean Marc Lemaitre

Les résultats obtenus ont conduit l’équipe de recherche à tester le cocktail sur des cellules plus âgées de 92, 94, 96 jusqu’à 101 ans. « Notre stratégie a fonctionné sur les cellules de centenaires. L’âge des cellules n’est définitivement pas une barrière à la reprogrammation », conclut-il. « Ces travaux ouvrent la voie à l’utilisation thérapeutique des iPS à terme, en tant que source idéale de cellules adultes tolérées par le système immunitaire, pour réparer des organes ou des tissus chez des patients âgés », ajoute le chercheur.
Ce travail a fait l’objet d’une demande de brevet auprès d’Inserm Transfert.

Les dendrimères : un remède aux maladies inflammatoires chroniques ?

Vous avez dit dendrimères ? Derrière ce nom se cachent des molécules de synthèse à la forme d’un arbre dont les multiples propriétés sont étudiées par les chercheurs du monde entier. Les chercheurs de l’Inserm, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et du CNRS au sein du Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan et du Laboratoire de Chimie de Coordination ont démontré les effets d’une nouvelle famille de dendrimères sur le système immunitaire. L’injection intraveineuse de dendrimères supprime l’inflammation au niveau de l’articulation et empêche les phénomènes de destruction du cartilage et d’érosion osseuse dans deux modèles animaux qui miment la polyarthrite rhumatoïde humaine. Ce travail publié dans Science Translational Medicine est une première démonstration de l’efficacité de ce type de molécules et ouvre des perspectives dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

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Schéma d’un dendrimère – © Anne-Marie Caminade, Laboratoire de Chimie de Coordination

Les dendrimères sont des molécules de synthèse dont la forme ressemble à celle d’un arbre. Grâce à leurs multiples terminaisons, ces arbres moléculaires peuvent prétendre à de multiples applications. Les chercheurs les synthétisent et les étudient depuis quelques années pour leur usage potentiel en imagerie médicale, en ingénierie tissulaire, ou encore en nanomédecine.

Des premières études in vitro

Les chercheurs ont récemment montré in vitro que certains dendrimères peuvent interférer avec les cellules du système immunitaire au bénéfice d’une action anti-inflammatoire. En bref, ces molécules interagissent avec des cellules impliquées dans les phénomènes d’inflammation : les monocytes-macrophages, qui ont la particularité de se différencier en ostéoclastes, cellules géantes qui dégradent l’os.

Sur la base de ces premières recherches, les scientifiques ont exploré le potentiel thérapeutique de cette nouvelle famille de dendrimères dans le traitement de maladies inflammatoires chroniques telle que la polyarthrite rhumatoïde. Cette maladie auto-immune qui affecte environ 1% de la population se caractérise par l’inflammation de l’ensemble des tissus articulaires (cartilage mais aussi os et membrane synoviale) et conduit à des déformations articulaires invalidantes.

Puis chez l’animal

Dans ce travail, les chercheurs ont utilisé deux modèles animaux qui miment les effets de la polyarthrite rhumatoïde humaine.

Dans un de ces deux modèles de souris, la maladie se développe spontanément après 4 semaines de vie. Dans l’autre, l’arthrite est induite par injection d’autoanticorps. Les symptômes sont présents chez 100% des animaux. Pour essayer de contrecarrer les effets de la maladie, les chercheurs ont injecté une fois par semaine, ces fameux dendrimères par voie intraveineuse. « Alors que chez les animaux non traités, le cartilage est complètement détruit, chez les souris traitées, le cartilage est préservé et les articulations sont intactes et parfaitement fonctionnelles. » déclare Rémy Poupot, l’un des chercheurs auteur de ce travail. « Il est important également de souligner que les doses administrées (de 1 à 10 mg/kg) sont compatibles avec les doses thérapeutiques chez l’homme. »

Pour élucider le(s) mécanisme(s) mis en jeu, les scientifiques ont quantifié le niveau de cytokine dans le sérum de tous les animaux. Les cytokines sont les substances secrétées par l’organisme. Certaines d’entre elles, les cytokines pro-inflammatoires, ont pour fonction de fortement stimuler la croissance et la prolifération des cellules du système immunitaire. Chez les animaux traités, le taux de cytokine redevient similaire à celui des animaux sains contrairement aux animaux malades non traités chez lesquels ce taux est beaucoup plus élevé.

Selon Rémy Poupot : les dendrimères moduleraient ainsi les effets néfastes d’une activité inflammatoire trop importante qui est à l’origine des maladies inflammatoires chroniques.

Et chez l’homme

A l’heure actuelle, le traitement des maladies inflammatoires chroniques fait souvent appel aux anticorps monoclonaux thérapeutiques, notamment dans la polyarthrite rhumatoïde. Malheureusement, un tiers des patients ne répond pas à ces traitements qui, de plus, sont extrêmement coûteux (environ 15000 € / patient / an). En parallèle des recherches menées chez l’animal, les chercheurs ont d’ores et déjà testé, in vitro, l’efficacité thérapeutique des dendrimères sur des monocytes humains et des membranes synoviales de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Dans ces dernières expériences, l’activité anti-ostéoclastique (qui bloque la formation des cellules de dégradation de l’os) est également démontrée. Les dendrimères constituent donc une piste prometteuse pour le développement de nouvelles thérapeutiques dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques.

Identification d’un nouveau groupe de mutations génétiques

Pour la première fois, Patrick Edery du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université de Lyon 1), Anne-Louise Leutenegger de l’unité Inserm 946 « Variabilité génétique et maladies humaines » à Paris et leurs collaborateurs ont décrit un nouveau groupe de mutations génétiques grâce au séquençage du génome. Les chercheurs ont montré l’implication d’un petit ARN dans une maladie génétique chez l’Homme (syndrome de Taybi-Linder). Ce petit ARN, appelé ARNsn – pour Small Nuclear ARN – intervient lors d’une étape cruciale qui précède la synthèse des protéines. La découverte de mutations sur l’ARNsn permettrait à terme l’identification rapide de gènes impliqués dans le développement du cerveau, des os et d’autres tissus. Des perspectives thérapeutiques pourraient en découler. Ces résultats sont publiés dans la revue Science datée du 8 avril 2011.

Lors du développement embryonnaire, l’information génétique supportée par l’acide désoxyribonucléique (ADN), organisé en gènes, subit plusieurs opérations qui mènent à la synthèse des protéines qui constituent l’organisme.

Cette information est d’abord transcrite en acide ribonucléique (ARN) messager puis traduite en protéines. Chez les eucaryotes, il existe une étape intermédiaire de maturation de l’ARN pré-messager. Ce processus, connu sous le nom d’ « épissage de l’ARN », est rendu possible par l’action du « spliceosome », un outil particulier constitué de petits ARNsn (1) et de protéines. Ce complexe permet d’enlever les parties non codantes de l’ARN pré-messager que l’on appelle « introns » et de souder celles qui sont codantes, appelées « exons », qui seront utilisées lors de la synthèse des protéines (Figure ci-contre).

spliceosome

La maturation de l’ARN pré-messager, une étape cruciale en amont de la synthèse des protéines © Inserm / J.Hardy

Les chercheurs révèlent ici une anomalie au sein du « spliceosome » qui est un acteur essentiel en amont de la synthèse des protéines, dès le développement embryonnaire et durant toute la vie pré- et postnatale.

Les scientifiques ont identifié une anomalie au niveau d’un des petits ARNsn du spliceosome chez des patients présentant un décès rapide post-natal et des malformations graves du cerveau, des os et d’autres tissus (nanisme microcéphalique primordial de type 1, MOPD1, ou syndrome de Taybi-Linder, TALS). « Dans un premier temps, l’utilisation d’une nouvelle méthode statistique (2) a permis de localiser le défaut génétique sur une petite région du chromosome 2. Ensuite, les dernières techniques de séquençage haut-débit ont rendu possible l’identification de 4 mutations liées à l’ARNsn dont le nom est U4atac », souligne Anne Louise Leutenegger. Selon les chercheurs, ces mutations sont responsables de la mort précoce quelques mois après la naissance et des malformations sévères du cerveau et des os, observées chez les patients atteints du syndrome de Taybi-Linder (3).

« Grâce à cette découverte, il est maintenant possible de proposer un diagnostic prénatal précoce de cette affection très grave, mais au-delà, l’identification des protéines perturbées par cette anomalie pourrait permettre d’envisager des stratégies thérapeutiques permettant d’éviter le décès », explique Patrick Edery.

Plus important encore, il s’agit de la première implication d’un petit ARNsn du complexe « spliceosome » dans une maladie génétique. Ce travail indique qu’un épissage efficace, c’est-à-dire la maturation de l’ARN pré-messager, est nécessaire pour un développement embryonnaire normal et pour la vie post-natale chez l’homme. En effet, une anomalie observée en amont de la synthèse des protéines a des répercutions importantes sur l’ensemble des étapes du développement embryonnaire et postnatal des individus.

« La découverte de ce nouveau mécanisme responsable d’anomalies du développement devrait permettre, grâce à la technique de séquençage du génome, d’identifier de nombreux gènes impliqués dans de graves malformations génétiques », conclut Patrick Edery.

Notes
(1) ARNsn : Small Nuclear Ribonucleic Acid / Petit Acide RiboNucléique contenu dans le noyau de la cellule
(2) Using genomic inbreeding coefficient estimates for homozygosity mapping of rare recessive traits: application to Taybi-Linder syndrome – Leutenegger AL, Labalme A, Genin E, Toutain A, Steichen E, Clerget-Darpoux F, Edery P. – Am J Hum Genet. 2006; 79(1):62-6
(3) MOPD1 ou syndrome de Taybi-Linder : une maladie génétique grave pouvant induire un décès juste après la naissance ou des malformations graves du cerveau, des os et d’autres tissus. A ce jour, la prévalence de la maladie est inconnue et environ 30 cas ont été décrits dans la littérature

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