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Comment le parasite responsable des formes graves de paludisme résiste à un antipaludique majeur

Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et du CHU de Toulouse viennent de démontrer comment le parasite Plasmodium falciparum, responsable des formes graves de paludisme, est capable de contourner l’action de l’artémisinine et de ses dérivés, qui figurent aujourd’hui parmi les médicaments phares pour traiter cette maladie. Cette étude fournit des informations majeures pour mieux appréhender les mécanismes de résistance aux antipaludiques et pour tester de nouvelles stratégies thérapeutiques, alors que la résistance des parasites aux médicaments devient de plus en plus préoccupante. Publié dans la revue Antimicrobial Agents and Chemotherapy de mai 2010, ce travail a été réalisé en collaboration avec le National Institute of Health (USA).



Le paludisme, pour lequel il n’existe aucun vaccin, tue encore aujourd’hui près d’un million de personnes par an. Cette maladie infectieuse est causée par un parasite du genre Plasmodium, et propagée par la piqûre de certains moustiques. Plasmodium falciparum est l’espèce la plus pathogène, responsable des cas mortels. Représentant 80 % des cas de paludisme humain, elle est présente dans les zones tropicales d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.

Depuis une dizaine d’années, l’artémisinine (ART), une substance extraite d’une plante chinoise, est devenue le médicament phare contre le paludisme, d’autant plus que les autres molécules ont perdu de leur efficacité. Son action contre toutes les souches de Plasmodium falciparum, y compris celles résistantes aux autres antipaludiques, constitue le principal atout de l’ART. De plus, son activité antipaludique est très rapide et elle possède peu d’effets secondaires. Combiner l’artémisinine avec un autre antipaludique réduit considérablement le risque d’apparition de résistance. C’est pourquoi l’OMS préconise depuis plusieurs années d’utiliser systématiquement ce composé et ses dérivés en association avec d’autres agents antipaludiques. Les « associations médicamenteuses comportant de l’artémisinine » (ACT ou Artemisinin based Combination Therapies) constituent aujourd’hui le traitement le plus efficace contre le paludisme(1), avec un taux de guérison de 95 %.

Cependant, en juillet 2009, les premiers cas de résistance à l’artésunate, le dérivé de l’ART le plus utilisé en ACT, ont été observés chez des patients en Asie du Sud-Est. Il s’avère donc primordial de cerner comment Plasmodium falciparum agit pour contourner l’action de l’ART et de ses dérivés.
Plasmodium Falciparum globules rouges

© LCC Différents stades de Plasmodium falciparum à l’intérieur de globules rouges

Plasmodium Falciparum globules rouges stade 2

© LCC Stade « ring » de Plasmodium falciparum impliqué dans l’état de dormance


C’est pourquoi l’équipe de Françoise Benoit-Vical, chargée de recherche Inserm au sein du Laboratoire de chimie de coordination du CNRS(2), a cherché à isoler de manière expérimentale des souches résistantes à l’ART. Cette prouesse a été accomplie fin 2009 lorsque les scientifiques sont parvenus à sélectionner une souche de Plasmodium falciparum résistante à ce composé et à certains de ses dérivés, la première qui soit adaptée à la culture in vitro. Poussant plus loin leurs investigations, les scientifiques ont démontré que cette souche ART-résistante est capable de survivre en présence d’ART à une dose 7 000 fois plus élevée que la dose moyenne efficace sur les souches sensibles. De plus, cette souche obtenue expérimentalement partage des caractéristiques avec les souches résistantes sur le terrain.

Les chercheurs ont également identifié et caractérisé un nouveau mode de résistance du parasite. Pour déjouer l’action de l’ART, Plasmodium falciparum se met en « pause », dans un état dit de « dormance »(3). Il tourne alors au ralenti jusqu’à l’élimination du médicament. Cette capacité d’« hibernation » ne s’observe que pour les parasites au stade « ring »(4). En parallèle, une analyse menée avec une équipe du National Institute of Health suggère que l’expression de certaines protéines impliquées dans le cycle de Plasmodium falciparum serait modifiée au sein des souches résistantes. Des études complémentaires vont être menées pour identifier les gènes responsables de l’acquisition de résistance à l’ART.

Les scientifiques ont ainsi pu démontrer un mécanisme de résistance original et disposent désormais d’un outil majeur pour mieux comprendre les mécanismes de résistance aux antipaludiques mais également pour tester différentes solutions thérapeutiques (nouvelles molécules, nouvelles associations thérapeutiques, nouvelles cibles…).

(1) 160 millions de doses d’ACT ont été administrées pour traiter le paludisme en 2009.
(2) Rattachée à cette unité propre de recherche du CNRS, l’équipe est localisée dans le service parasitologie-mycologie du CHU de Toulouse.
(3) On parle également d’un état de quiescence.
(4) Premier stade du cycle parasitaire dans les globules rouges

Modélisation de la pandémie 1889, la « grippe russe »

L’équipe AP-HP – UPMC – Inserm d’Alain-Jacques Valleron, à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP) (Unité « Epidémiologie, systèmes d’information, modélisation ») vient de publier dans les Proceedings of the National Academy of Sciences américains (PNAS) la première analyse de la pandémie de 1889, connue sous le nom de grippe russe.



Elle a pu retrouver les données de mortalité hebdomadaires de 96 villes européennes et américaines, ainsi que de nombreuses enquêtes épidémiologiques – en particulier en Allemagne et en Suisse et les données qui avaient été recueillies sur des centaines de milliers de soldats français, anglais et allemands. Il en ressort que la transmissibilité du virus était très comparable à celle observée durant les épidémies du 20ème siècle, et maintenant à celle de la grippe A (H1N1). La pandémie de 1889 a touché près de 50 % des populations européenne et américaine, mais sa mortalité fut faible, comparable à celles de 1957 et de 1968.

Cette nouvelle analyse renforce l‘aspect singulier, peut-être exceptionnel, de la pandémie de 1918. Ce travail montre aussi qu’il est possible de retrouver des données de grande richesse sur les pandémies passées. Une fois analysées avec les outils modernes de la modélisation épidémiologique, ces données devraient permettre de mieux apprécier ce qu’est une pandémie « typique », et donc d’améliorer la préparation à la prochaine.

Les pandémies du 20ème siècle (1918, 1957 et 1968) ont été étudiées en détail, principalement celle de 1918 réputée pour avoir causé entre 50 et 100 millions de morts. En revanche, aucune des 8 pandémies de grippe survenues au 18ème et 19ème siècles n’avait jusqu’ici été modélisée.

Comment sont sélectionnés les spermatozoïdes lors de la fécondation?

Chez la souris, pendant la fécondation, un mécanisme physiologique permet le ciblage et l’élimination d’une sous-population anormale de spermatozoïdes. Ce mécanisme, mis en place par les spermatozoïdes eux-mêmes, augmente les chances de fécondation et diminue le risque de fécondation avec un spermatozoïde défectueux. Ces résultats sont publiés le 26 avril 2010 dans la revue Journal of Clinical Investigation par des chercheurs du CNRS et de l’Inserm, appartenant à l’Institut des neurosciences de Grenoble, en collaboration avec des chercheurs japonais. Transposés à l’homme, ils permettraient de mieux sélectionner les spermatozoïdes pour les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) et d’augmenter ainsi les chances d’avoir un enfant pour les couples infertiles.



Environ 15 % des couples présentent des problèmes d’infertilité, dont la moitié est due à des déficiences de l’homme. Au cours des trente dernières années, différentes techniques ont été mises au point pour répondre aux besoins des couples infertiles et aujourd’hui, dans les pays industrialisés, près de 2% des enfants naissent grâce à la procréation médicalement assistée (PMA). Malgré ces progrès indéniables, de nombreux couples infertiles ne parviennent pas à avoir d’enfant. De plus, le risque de mettre au monde un enfant ayant une maladie génétique rare, quoique très faible, est sensiblement supérieur chez les enfants nés grâce aux techniques de PMA(1) . Plusieurs causes ont été évoquées dont un risque plus élevé de sélection défectueuse du spermatozoïde dans les techniques de PMA par rapport aux processus de sélection naturels. Dans ce contexte, le choix des gamètes utilisés revêt une importance toute particulière : sur quels critères doivent-ils être sélectionnés ?

Les équipes de Christophe Arnoult, chercheur CNRS au sein de l’institut des neurosciences de Grenoble (Unité Inserm 836, Université Joseph Fourier, Grenoble), Gérard Lambeau, chercheur CNRS à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Nice) et l’équipe de Makoto Murakami (The Tokyo Metropolitan Institute of Medical Science, Japon) viennent de montrer, chez la souris, l’existence d’un mécanisme physiologique qui permet de cibler et d’éliminer une sous-population de spermatozoïdes présentant des anomalies sur les lipides composant leur membrane plasmique.

En effet, après leur entrée dans les voies génitales femelles, certains spermatozoïdes vont relâcher au cours de leur maturation une enzyme, appelée phospholipase A2 sécrétée de groupe X. Cette dernière détruit l’acrosome(2) des spermatozoïdes défectueux, ce qui les rend incapables de fusionner avec l’ovocyte. Ils sont ainsi rendus infertiles et écartés de la « course à la fécondation ».

Les chercheurs ont réalisé des expériences qui montrent que l’absence de phospholipase A2 sécrétée de groupe X (animaux modifiés génétiquement ou inhibition par des antagonistes spécifiques) diminue le taux de fécondation et altère le développement embryonnaire. Inversement, si l’on ajoute une forte concentration d’enzyme synthétique à une population de spermatozoïdes, on observe une augmentation du taux de fécondation de 30% dans un modèle animal très fertile (des souris normales), et de 100% dans un modèle animal peu fertile (des souris consanguines chez lesquelles le taux de reproduction est très faible). L’enzyme permet donc bien d’éliminer une grande partie des spermatozoïdes défectueux.

Ces travaux révèlent le « travail coopératif » des spermatozoïdes qui se trient mutuellement pour diminuer les spermatozoïdes défectueux lors de la fécondation. Ils mettent également en évidence l’importance des lipides membranaires du spermatozoïde dans les mécanismes de maturation des spermatozoïdes et de fécondation.

Les chercheurs vont désormais étudier l’efficacité et l’innocuité d’un traitement des spermatozoïdes par la phospholipase A2 sécrétée de groupe X dans un modèle primate. Les applications concernant l’utilisation de ce type de molécules (phospholipase A2) dans le cadre des techniques de procréation assistée et de la contraception ont été brevetées.

Si leurs travaux sont validés, cette découverte pourrait ensuite permettre, chez l’Homme, d’améliorer les techniques de procréation médicalement assistée (PMA). La qualité des lipides membranaires des spermatozoïdes pourrait en effet être un nouveau critère retenu par les praticiens qui sélectionnent les spermatozoïdes pour ces techniques. Ils pourraient ainsi augmenter leur efficacité, et donc les chances de succès, et permettre de diminuer les risques d’anomalies chez les enfants nés grâce à la PMA.

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© Christophe Arnoult

Figure A : spermatozoïdes murins traités avec la phospholipase A2 sécrétée de groupe X en microscopie optique. Flèche blanche : acrosome intact, flèche noire : les spermatozoïdes ont perdu leur acrosome et sont devenus infertiles.
Figure B : partie apicale de la tête d’un spermatozoïde, contrôle en microscopie électronique. L’acrosome (ar) est intact.
Figure C : Partie apicale de la tête d’un spermatozoïde traité avec la phospholipase A2 sécrétée de groupe X. L’acrosome a disparu.



(1) Palermo et al, 2008, Genetic and epigenetic characteristics of ICSI children, Reproductive BioMedicine Online, 17,820-833; Alukal J and Lamb D, 2008, Intracytoplasmic Sperm Injection (ICSI) – What are the risks?, 35(2): 277–288)
(2) L’acrosome est le capuchon qui entoure la tête du spermatozoïde. Au cours de la fécondation, la fusion de la membrane de l’acrosome et de la membrane plasmique du spermatozoïde entraîne la libération d’enzymes qui permettent la fusion avec la membrane de l’ovocyte.

Un nouveau biomarqueur post-infarctus, un espoir pour des coeurs en peine

A la suite d’un infarctus, il est courant que les malades développent des anomalies au niveau du coeur, tel qu’un remodelage du ventricule gauche. A l’Institut Pasteur de Lille, des chercheurs de l’unité Inserm 744, et leurs collaborateurs, ont mis en évidence un nouveau marqueur biologique de ce phénomène. Cette découverte pourrait aider à identifier les patients susceptibles de développer un remodelage ventriculaire gauche important post-infarctus et ainsi améliorer leur diagnostic et leur suivi. Les résultats de cette étude paraissent online dans le journal European Heart Journal du 26 avril 2010.



Chaque année en France, en plus des 150 000 personnes qui décèdent d’une maladie cardiovasculaire, 120 000 personnes déclarent un infarctus du myocarde et 500 000 autres sont atteints d’insuffisance cardiaque. Nul doute que ces chiffres conséquents reflètent un grand problème de santé publique. Malgré des progrès significatifs dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, il reste encore beaucoup à découvrir pour améliorer sa prise en charge.

fig1_pinet Coeur insuffisance cardiaqueL’infarctus du myocarde est une des principales causes d’insuffisance cardiaque. En effet, après un infarctus du myocarde suffisamment étendu, il se produit des modifications géométriques et fonctionnelles du ventricule gauche regroupées sous le terme de remodelage ventriculaire gauche. Ce phénomène est asymptomatique pendant une période plus ou moins longue, mais entraine bien souvent une insuffisance cardiaque et parfois la mort. Bien que plusieurs facteurs de risques aient été identifiés, l’évolution du remodelage ventriculaire gauche reste difficile à prédire. Or, en apprenant à mieux le cerner, le suivi et le traitement des malades seraient plus ciblés et efficaces.

Comment appréhender le développement du remodelage ventriculaire gauche ?

De récents résultats ont déjà permis d’ouvrir de nouvelles possibilités pour l’identification de protéines impliquées dans les pathologies cardiovasculaires. Grâce à ces avancées, Florence Pinet et son équipe de l’unité Inserm 744 « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement » à l’Institut Pasteur de Lille, en collaboration avec le CHRU de Lille et l’unité Inserm U644 à Rouen, viennent de découvrir un marqueur biologique du remodelage ventriculaire gauche post-infarctus : la phosphorylation de la troponine T. En développant des outils, des anticorps, ils ont démontré que des changements fonctionnels importants dans ce processus peuvent survenir dans le myocarde de modèles animaux souffrant d’insuffisance cardiaque, en comparaison avec un coeur sain. Ils ont mis en évidence la diminution de la phosphorylation de la troponine T au niveau du ventricule gauche des animaux en insuffisance cardiaque et observé la même diminution au niveau du plasma. La phosphorylation devient alors un bon indicateur des modifications survenues suite à un infarctus du myocarde.

De l’animal à l’homme
fig2_pinet Tropopine T remodelage ventriculaire

© Inserm, F. Pinet Mise en évidence de la tropopine T phosphorylée en fonction du degré de remodelage ventriculaire gauche, chez l’animal et chez l’homme.


Les résultats obtenus chez l’animal ont été confirmés chez l’homme sur 91 patients ayant eu un infarctus et faisant alors partie d’une cohorte nommée REVE (REmodelage VEntriculaire). Les anticorps développés reconnaissent également la forme phosphorylée de la troponine T d’origine humaine. Une association entre le niveau de cette phosphorylation et le degré de remodelage ventriculaire gauche a également été démontrée. En effet, plus le patient présente un fort remodelage ventriculaire gauche, plus la phosphorylation observée est faible

Par cette approche, les chercheurs ont fait l’hypothèse que le niveau de troponine T phosphorylée circulante pourrait être un nouveau biomarqueur et aider à augurer un remodelage ventriculaire gauche important post-infarctus chez les patients. Un brevet a été déposé avec Inserm-Transfert et, en raison du grand intérêt de cette découverte pour améliorer le diagnostic, une extension internationale a été demandée.

Aujourd’hui, il est important de confirmer ces résultats dans une autre cohorte de patients et de déterminer si ce marqueur peut également permettre le pronostic de sévérité chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque. L’objectif des chercheurs et cliniciens est de pouvoir évaluer l’échelle de risque chez les patients en post-infarctus ou en insuffisance cardiaque en utilisant une méthode non invasive, largement disponible et peu onéreuse.

Découverte d’une stratégie insoupçonnée utilisée par la bactérie Listeria lors de l’infection

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, associés à l’Inserm et l’INRA, viennent de mettre en évidence une nouvelle stratégie utilisée par la bactérie Listeria monocytogenes pour permettre une infection efficace. Ces chercheurs, leaders dans la recherche sur Listeria, ont montré que cette bactérie détruit une catégorie de protéines de l’hôte afin de faciliter l’infection. Ce mécanisme, qui permet à la bactérie de se multiplier et de se propager efficacement, pourrait s’appliquer à d’autres types de bactéries pathogènes. Ces travaux seront publiés dans la revue Nature du 22 avril 2010.



Listeria monocytogenes est une bactérie pathogène responsable de la listériose chez l’homme. Son étude a contribué ces dernières années à la mise en évidence de phénomènes fondamentaux utilisés par les bactéries lors de l’infection. Elle est particulièrement connue pour sa capacité à entrer dans les cellules et manipuler différentes fonctions cellulaires à son profit pour échapper aux défenses de l’hôte. Ces stratégies lui permettent ainsi de traverser la barrière intestinale et d’autres barrières de l’organisme au cours de l’infection chez l’homme.

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© Inserm, P. Gounon Morphologie de listeria monocytogènes, bactérie responsable de méningite cérébrospinale.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur appartenant à l’Unité des Interactions Bactéries-Cellules (Unité Inserm U604, INRA USC2020) dirigée par Pascale Cossart, en collaboration avec l’équipe d’Anne Dejean, Unité de Recherche Organisation Nucléaire et Oncogenèse à l’Institut Pasteur (Unité Inserm U579) et une équipe de l’Université de Ghent, en Belgique, viennent de découvrir que Listeria produit une toxine qui détruit une machinerie cellulaire très importante, la SUMOylation. Cette machinerie permet normalement à la cellule d’additionner sur certaines protéines un petit module, appelé SUMO, qui change les propriétés des protéines ciblées. Listeria bloque l’addition de ces modules. Les chercheurs ont montré que ce blocage est essentiel à une infection efficace.

Ces travaux sont les premiers à faire un lien entre une infection par une bactérie pathogène et ces modules SUMO. Ils ouvrent de nouvelles voies de recherche sur de nombreuses autres bactéries pathogènes. Ces études apporteront de précieuses informations permettant de mieux comprendre et, à terme, de mieux lutter contre ces bactéries responsables de problèmes majeurs en termes de santé publique.

Listeria monocytogenes est une bactérie très répandue dans la nature (eau, sol, végétaux, animaux) et peut contaminer de nombreux aliments consommés par l’homme. Elle est à l’origine de la listériose, maladie qui touche, principalement dans les pays industrialisés, les populations à risque comme les femmes enceintes et leurs nouveau-nés, les personnes âgées et les personnes dont les défenses immunitaires sont perturbées, à la suite d’un traitement ou d’une maladie. Chez l’adulte, elle se manifeste principalement par une septicémie ou une infection du système nerveux central (méningite ou méningo-encéphalite). Chez la femme enceinte, elle peut provoquer un avortement, un accouchement prématuré ou une infection néonatale. En France, si la maladie reste rare – moins de 5 cas par million d’habitants en 2007-, elle est néanmoins mortelle dans 20 à 30% des cas.

Tuberculose : une enzyme clé dans la résistance du germe aux antibiotiques

A la veille de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose, des chercheurs de l’Inserm au Centre de Recherche des Cordeliers (1) ont identifié une nouvelle cible pour le traitement des infections dues à des souches multirésistantes aux antibiotiques. Des résultats de recherches dont les applications sont d’ores et déjà à l’étude pour le développement de nouveaux médicaments antituberculeux. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Medicine.



La tuberculose est une maladie contagieuse provoquée par une bactérie touchant essentiellement les poumons et se propageant par voie aérienne. En 2009, selon l’OMS le nombre de décès attribuable à la résistance aux antibiotiques de la bactérie est en constante augmentation, de même que les décès dus aux co-infections VIH/Sida et tuberculose, en particulier en Afrique et en Asie.

La principale cause de la résistance est liée à la non-observance des traitements antibiotiques qui sont longs et contraignants. Alors que plus de 99 % des bactéries sont éliminés durant les 15 premiers jours de la thérapie, six mois de traitement sont nécessaires pour complètement éradiquer quelques bactéries survivantes qualifiées de « persistantes ». « S’il y a un mauvais suivi du traitement, ces bactéries persistantes peuvent muter et devenir résistantes » explique Michel Arthur, directeur de recherche à l’Inserm et co-auteur de cette étude.

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© CDC/Dr. Ray Butler, Janice Carr Mycobacterium tuberculosis grossi 15 549 fois

Face à la résurgence de la maladie et l’émergence de souches extensivement résistantes à l’ensemble des antituberculeux disponibles, le besoin de nouveaux antibiotiques est de plus en plus urgent.

La paroi de Mycobacterium tuberculosis : cible des chercheurs

La paroi de la bactérie responsable de la tuberculose est au centre des recherches actuelles. Véritable « cotte de maille », elle protège la bactérie de la pression osmotique l’empêchant ainsi d’éclater. De nombreuses infections bactériennes sont traitées par les antibiotiques de la famille des β-lactamines (pénicilline) qui inhibent la formation de la paroi. En empêchant la formation de cette « cotte de maille » ces antibiotiques entraînent la mort de la bactérie qui éclate. Cependant, contrairement aux autres bactéries, Mycobacterium tuberculosis possède la particularité de produire naturellement une enzyme (la β-lactamase) qui détruit les β-lactamines.

Dans cette nouvelle étude publiée dans Nature Medicine, les chercheurs de l’Inserm ont identifié une enzyme nouvelle : la L,D- transpeptisase qui joue un rôle clé dans la synthèse de la paroi de Mycobacterium tuberculosis et pourrait être une cible pour le développement de nouveaux antibiotiques. Sous ce nom un peu barbare se cache une enzyme qui forme les liaisons peptidiques et qui n’a pas de rôle essentiel dans la synthèse de la paroi des autres bactéries. Cette L,D-transpeptidase est inhibée par une famille très particulière de β-lactamines, les carbapénèmes.

Ces résultats viennent éclairer les travaux récents de Jean-Emmanuel Hugonnet, chercheur à l’Inserm (Science 2009), qui démontrent l’efficacité thérapeutique de l’association d’un carbapénème (le méropénème) et d’un inhibiteur de β-lactamase (l’acide clavulanique). En effet, l’étude publiée dans Nature Medicine montre que cette association d’antibiotiques inhibe la synthèse de la paroi en agissant sur la L,D-transpeptidase. « Nos travaux expliquent pourquoi le traitement fonctionne. Le méropénème est le seul antibiotique à cibler spécifiquement la L,D transpeptidase », précise Michel Arthur.

Même si ces deux molécules, l’acide clavulanique et le méropénème, ont d’ores et déjà des autorisations de mise sur le marché, la limite de cette alternative thérapeutique reste son mode d’administration par voie intraveineuse. Tout le travail futur consistera à identifier d’autres antibiotiques dont le mode et la durée d’administration seraient plus compatibles avec le traitement de la tuberculose. Un défi qui semble à portée de main maintenant que l’enzyme cible est connue !

(1) Unité mixte Inserm, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Descartes

Grippe A : pourquoi les Français n’ont-ils pas mieux adhéré à la campagne de vaccination ?

Fin 2009, des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Unité 912 « Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, société » ont mené, avec le soutien de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), et dans le cadre du programme de recherches coordonné par l’Institut de Microbiologie et Maladies Infectieuses (IMMI), une vaste enquête sur Internet pour mieux comprendre les attitudes et les comportements des Français vis-à-vis de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Les résultats publiés ce jour dans la revue Plos One, montrent que les messages sanitaires n’ont pas suffi à mobiliser les Français. Une majorité des quelque 2000 personnes interrogées ont jugé la gravité de la maladie insuffisante au regard des risques supposés des vaccins.



Suivant les recommandations de l’OMS, la France a lancé en juillet 2009 une large campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Pour mieux comprendre les comportements de protection contre la grippe A(H1N1), un échantillon de 2 253 individus représentatifs des adultes âgés de 18 à 64 ans a été interrogé par Internet du 17 au 25 novembre 2009 (soit une semaine avant le pic pandémique). Les résultats de l’enquête de l’Inserm, montrent qu’en novembre seuls 17% d’entre eux étaient déjà vaccinés ou avaient l’intention de le faire. Ces résultats corroborent la faible couverture vaccinale constatée chez les Français (5,7 millions d’individus).

transmission virus grippe A

© Inserm, Rosa-Calatrava, Manuel & Rivoire, Annie  Observation en microscopie électronique à transmission de virus pandémiques de la grippe A/H1N1. Plateforme de microscopie électronique CTµ EZUS UCBL1).

Caractéristiques individuelles
D’après les résultats des chercheurs de l’Inserm, les groupes qui acceptaient le mieux le principe de la vaccination au moment de l’enquête étaient les hommes et les personnes ayant été vaccinées au moins une fois contre la grippe saisonnière dans les 3 dernières années. La présence d’un seul enfant au sein du foyer familial était associée à un plus fort taux d’acceptabilité.

L’âge est également un paramètre important puisque les adultes de moins de 35 ans étaient les plus réticents face au vaccin alors que les intentions d’y recourir augmentaient au delà de 35 ans.

Si l’on s’attache à regarder les attitudes selon le niveau d’éducation, ce sont à la fois les personnes avec un haut niveau d’étude et les moins diplômées qui étaient les plus disposées à se faire vacciner.

Enfin, de façon rassurante en terme de santé publique, les femmes enceintes et les autres groupes à risque de complications liées au virus H1N1 (1) exprimaient une acceptabilité beaucoup plus forte de la vaccination : près de 40% de ces personnes étaient déjà vaccinées ou avaient l’intention de le faire.

Perception du risque
La majorité de la population française n’a pas associé la grippe A à un risque majeur pour leur santé. Effectivement, d’après les données de l’enquête, seuls 35 % des Français ont jugé la grippe A(H1N1) comme une maladie sévère ou très sévère.

Les doutes sur la « sécurité » du vaccin (71%) ou plus précisément la crainte de ses potentiels effets secondaires (68%) sont les raisons les plus évoquées par les personnes qui ont refusé la vaccination. A l’inverse, se protéger et protéger ses proches sont les principales causes qui ont poussé à la vaccination. Le fait qu’elle soit recommandée par les pouvoirs publics n’arrive qu’au cinquième rang des raisons évoquées.

« Nos résultats montrent que les messages sanitaires sur le risque pandémique ont été contrebalancés par le vécu rassurant de la grippe au quotidien alors que la crainte de risques éventuels du vaccin était la principale préoccupation. » déclare Jean-Paul Moatti, directeur de l’Unité 912.



Vaccination Grippe H1N1

* Les items de réponse étaient proposés dans un ordre aléatoire et tous pouvaient être sélectionnés, aussi les pourcentages ne s’additionnent pas à 100%.

Les médecins de ville: des relais incontournables ?
Une part importante du travail des chercheurs a constitué à étudier quel était le rôle d’information des médecins généralistes lors d’une campagne de vaccination telle que celle menée contre la grippe A(H1N1). « Notre étude montre que l’acceptabilité de la vaccination pandémique est fortement liée à sa recommandation par le médecin » déclare Jean-Paul Moatti. Près de 60% des personnes ayant reçu une recommandation médicale en faveur de la vaccination se déclaraient prêtes à se faire vacciner. En l’absence de recommandation de leur médecin, ce chiffre s’effondre à 11%.

« Lorsqu’on sait qu’au moment de l’enquête, 75% des Français déclarent avoir consulté leur médecin généraliste au cours des 6 derniers mois, explique Jean-Paul Moatti, il apparaît que l’on peut rapidement comprendre le rôle d’information important que les médecins généralistes peuvent jouer dans ce type de pandémie ». Jean Paul-Moatti poursuit « je pense que les médecins généralistes étaient initialement largement favorables à la vaccination H1N1, comme le montre une autre enquête réalisée durant l’été 2009 et précédemment publiée (2), et ils jouent habituellement un rôle pivot dans l’administration du vaccin pour la grippe saisonnière ».

De nouvelles enquêtes en population, si possible coordonnées à l’échelle européenne comme vient de le suggérer un colloque de l’European Science Foundation (3), sont indispensables pour mesurer en quoi l’épisode H1N1 a pu affecter à long terme l’acceptabilité de la vaccination anti-grippale en général et comment mieux se préparer à l’avenir aux risques pandémiques.

Notes :
(1) Personnes asthmatiques, diabétiques, atteintes de bronchite chronique ou de pathologies cardiaques.

(2) M. Schwarzinger, P. Verger, M. Guerville, C. Aubry, S. Rolland, Y. Obadia, J. Moatti. Positive attitudes of French general practitioners towards A/H1N1 influenza-pandemic vaccination: A missed opportunity to increase vaccination uptakes in the general public? Vaccine, 2010, Volume 28, Issue 15, Pages 2743-2748.

(3) European Science Foundation. Managing medical risk in the European Union : the H1N1 case. Barcelona, April 12-13 2010.

Première initiative conjointe paneuropéenne dans le domaine des maladies neurodégénératives

La première initiative paneuropéenne de programmation conjointe des activités de recherche s’attaque aux maladies neurodégénératives et en particulier à la maladie d’Alzheimer. Des chercheurs imminents de toute l’Europe sont attendus aujourd’hui à Stockholm pour mettre au point une stratégie de recherche européenne destinée à lutter contre les maladies neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.


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© Marie Chupin, Olivier Colliot, Groupe NEMESIS, Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière, CRICM, CNRS UMR 7225, Inserm UMR_S 975
L’hippocampe est l’une des régions du cerveau les plus précocement atteintes par la maladie d’Alzheimer. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser et de délimiter cette structure in vivo.


Il s’agit de la première des initiatives de programmation conjointe de l’Union européenne, dont le but est de relever les « grands défis sociétaux » auxquels l’Union européenne devra faire face dans les années à venir. Pour résoudre ces problèmes, les compétences et les ressources d’un seul pays ne suffisent pas. C’est pourquoi, l’Union européenne espère maximiser son potentiel de lutte contre ces défis communs en réunissant les chercheurs et les données de recherche existantes, et en mettant en commun les outils, techniques et autres ressources entre les Etats membres de manière plus efficace.

Récemment nommée commissaire européenne en charge de la recherche, de l’innovation et de la science, Máire Geoghegan-Quinn déclare : « C’est le premier exemple de programmation conjointe adoptée par l’Union européenne pour relever les ‘grands défis’ sanitaires, sociaux, technologiques et environnementaux communs à toute l’Europe. Grâce à cette initiative de programmation conjointe, les meilleurs chercheurs européens dans le domaine médical travailleront ensemble et mettront en commun leurs ressources pour aider les millions de personnes qui souffrent de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. En améliorant l’efficacité de la recherche et en évitant les efforts redondants, cette initiative de programmation conjointe améliorera les perspectives de progrès véritables dans la prévention et le traitement de ces maladies. Les leçons tirées de cette initiative serviront ensuite de modèle aux efforts de recherche dans d’autres domaines ».

Les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer, sont le premier domaine à bénéficier de cette nouvelle approche. Les maladies neurodégénératives sont fortement liées à l’âge et l’Europe connaît un vieillissement rapide de sa population. A l’heure actuelle, les plus de 65 ans représentent 16 % de la population, chiffre qui devrait passer à 25 % en 2030. En 2006, le traitement des maladies neurodégénératives aura coûté environ 72 milliards d’euros aux services de santé européens. Les traitements qui existent actuellement pour les maladies neurodégénératives sont limités et ciblent principalement les symptômes et non la cause. La prise en charge de la maladie d’Alzheimer est particulièrement lourde en raison de son apparition insidieuse, du handicap croissant qu’elle occasionne et de sa durée d’évolution. La maladie dure en moyenne 2 à 10 ans pendant lesquels les patients nécessitent une surveillance et une prise en charge spéciales qui pèsent de manière importante sur les soignants et sur la société en général.

L’ultime objectif de cette initiative de programmation conjointe consacrée à la lutte contre les maladies neurodégénératives est d’accélérer les progrès dans la compréhension des causes de ces maladies invalidantes, afin d’aboutir non seulement à un diagnostic précoce et au développement de nouveaux traitements et moyens de prévention, mais également à la mise en place de structures médicosociales efficaces pour améliorer la qualité de vie des patients et des soignants.



Pour atteindre cet objectif, 24 pays européens volontaires* partageant une vision commune ont décidé de travailler ensemble dans le cadre d’un programme collaboratif de recherche sans précédent visant à aligner leurs compétences scientifiques, leurs points forts dans le domaine médical et leurs approches sociales afin de relever ce défi.

Le professeur Philippe Amouyel, Président du Conseil de la Programmation conjointe sur les maladies neurodégénératives, commente : « Nous partageons tous l’opinion que c’est en regroupant les connaissances, les infrastructures et les financements, ainsi qu’en créant une masse critique avec des approches cohérentes et multidisciplinaires, que nous obtiendrons les meilleurs objectifs et réponses scientifiques. C’est ainsi que nous réussirons. Cette approche permettra d’optimiser l’investissement de la recherche dans les maladies neurodégénératives à travers toute l’Europe. »

L’initiative de programmation conjointe sur les maladies neurodégénératives commencera par :

  • le développement d’un programme de recherche stratégique pour les maladies neurodégénératives englobant la recherche fondamentale, médicale et en sciences humaines et sociales ;
  • la mise en oeuvre du programme en proposant des méthodes novatrices pour regrouper les expertises et les ressources afin de résoudre le problème de la fragmentation et de la duplication des efforts de recherche actuels.

Un conseil scientifique composé de 15 éminents chercheurs d’Europe et d’ailleurs** dans le domaine des maladies neurodégénératives a été formé pour guider l’élaboration du Programme de recherche stratégique et sa mise en oeuvre. Ce conseil scientifique va commencer sa mission dès aujourd’hui.

Le professeur Amouyel ajoute : « C’est une occasion formidable pour l’Europe de prendre l’initiative en s’attaquant à l’un des plus grands défis socioéconomiques auxquels nous devrons faire face à l’avenir. Par rapport à d’autres domaines comme le cancer ou les maladies cardiovasculaires, les maladies neurodégénératives ont toujours reçu un soutien financier moindre malgré leur impact négatif majeur sur la santé. Ce programme va nous permettre de changer cela et d’agir de manière opportune et stratégique pour lutter contre cette maladie. Lors de la réunion prévue aujourd’hui à Stockholm, quinze des plus grands chercheurs d’Europe et d’ailleurs vont réfléchir à une stratégie pour mettre en oeuvre cette approche de recherche coordonnée de façon optimale. »

Pour André Syrota, Président d’Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), « cette programmation va permettre pour la première fois à tous les pays d’Europe qui le souhaitent de financer, avec leurs crédits nationaux, les recherches sur les maladies neurodégénératives sur la base de l’expertise d’un conseil scientifique unique ».

* Albanie, Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie.

** Le conseil scientifique comprend les professeurs Jesus Avila de Grado (Espagne), Henry Brodaty (Australie), Stefano Cappa (Italie), Jesús de Pedro Cuesta (Espagne), Bruno Dubois (France), Laura Fratiglioni (Suède), Thomas Gasser (Allemagne), John Hardy (Royaume-Uni), Leszek Kaczmarek (Pologne), Martin Knapp (Royaume-Uni), Martin Rossor (Royaume-Uni), Philip Scheltens (Pays-Bas), Bart de Strooper (Belgique), Bengt Winblad (Suède). Un chercheur est encore en cours de sélection dans le domaine des SHS.

L’Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé (Aviesan) a été créée en avril 2009. Elle regroupe aujourd’hui 9 acteurs de la recherche française : le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), le CNRS (Centre national de recherche scientifique), l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique), l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’Institut Pasteur, l’IRD (Institut de recherche pour le développement), la CPU (Conférence des Présidents d’Université) et la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires. Aviesan a pour but de développer, au plus haut niveau dans tous les domaines de la recherche en sciences de la vie et de la santé, un continuum allant des recherches fondamentales à leurs applications. Aviesan est organisée en 10 Instituts Thématiques Multi-Organismes, organes fonctionnels de la coordination des recherches, qui ont notamment pour rôle la réalisation d’un état des lieux de la recherche française par grandes thématiques.

Eclairage sur le mode d’action du plus ancien traitement utilisé contre l’hypertension artérielle

Massivemement utilisés pour traiter l’hypertension artérielle, les thiazidiques agissent selon un mode d’action simple : ils favorisent l’élimination urinaire d’eau corporelle, ce qui réduit la pression artérielle et, par voie de conséquence, limite l’hypertension artérielle. Jusqu’à maintenant, une unique cible était connue pour cette classe de médicaments. Dans un travail à paraître dans l’édition en ligne du Journal of Clinical Investigation, une équipe de chercheurs dirigée par Dominique Eladari (Unité Inserm 872 « Centre de recherche des Cordeliers » – Inserm, CNRS, UPMC, Université Paris Descartes), en collaboration avec des scientifiques allemands, suisses et américains, a pu caractériser une nouvelle cible des thiazidiques.



L’hypertension artérielle est une maladie fréquente, qui augmente avec l’âge. Ses origines sont multiples mais elle peut, entre autres, être causée par une rétention anormale de sel (ou chlorure de sodium).
Lorsque nous ne présentons pas d’hypertension, la quantité de sel dans notre organisme reste constante grâce à un équilibre entre nos apports alimentaires et notre élimination urinaire. Ce sont les transporteurs de sodium qui se chargent de maintenir cet équilibre, qualifié de balance « sodée ».

Les thiazidiques sont les médicaments les plus largement utilisés contre l’hypertension artérielle. Ils correspondent d’ailleurs au plus ancien traitement employé pour contrer l’hypertension. En inhibant un transporteur de sodium spécifique ils favorisent l’élimination urinaire de cet ion. Cela a pour conséquence de diminuer le volume sanguin et le débit cardiaque et fait chuter la pression artérielle. Tout comme l’ensemble des médicaments qui augmentent l’élimination urinaire d’eau et de sodium, ils sont qualifiés de diurétiques.
Le mode d’action des diurétiques est bien connu, ils bloquent sélectivement les protéines en charge de la réabsorption du sodium qui sont présentes à la surface des cellules de l’épithélium rénal. Cette action a pour conséquence un accroissement de l’excrétion de sodium dans les urines.

La cible des diurétiques thiazidiques est déjà connue, il s’agit d’une protéine spécialisée, le transporteur de sodium NCC. Ce transporteur est retrouvé au niveau des cellules épithéliales rénales dans le tube contourné distal (cf. schéma ci-dessous). Pourtant, bien que la cible des thiazidiques s’exprime exclusivement dans le rein, certains effets engendrés par cette classe de médicament se produisent hors du rein : altération de la tolérance au glucose, augmentation de la masse minérale osseuse, etc. Aucune explication ne permettait jusqu’alors de comprendre ces observations, si ce n’est l’existence d’une éventuelle autre cible pour ces molécules.

Cette hypothèse avait déjà été émise il y a quelques années. Des études montraient alors que les thiazidiques peuvent bloquer la moitié de la réabsorption du sodium dans la partie terminale du néphron(1) où le seul transporteur de sodium identifié – le canal à sodium épithélial ENaC – est insensible au médicament.
L’ensemble de ces constatations a conduit l’équipe de Dominique Eladari à rechercher une nouvelle cible qui soit à la fois sensible aux diurétiques thiazidiques et présente dans la partie terminale du néphron.

Localisation des différents transporteurs d’ions le long du néphron et médicaments qui leur sont associés

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© D. Eladari, Inserm 872 Localisation des différents transporteurs d’ions le long du néphron et médicaments qui leurs sont associés

CC = canal collecteur
TCN = Tube connecteur
TCD = Tube contourné distal
TCP = Tube contourné proximal
BLAH = Branche large ascendante de l’Anse de Henlé

Le transporteur de sodium NCC figurant ci-contre est la cible spécifique connue jusqu’alors des thiazidiques.
Chacun des autres traitements mentionnés cible au moins un autre transporteur d’ions.

Les chercheurs ont d’abord totalement inactivé le canal à sodium épithélial ENaC. De façon étonnante cette inactivation n’a pas bloqué le transport de sodium. Cette première observation laisse supposer l’existence d’un second transporteur de sodium présent dans la partie terminale du néphron qui serait sensible aux thiazidiques.

Les chercheurs se sont ensuite de nouveau intéressés au transporteur de sodium NCC, qui est la cible classique des thiazidiques. Ils ont vérifié leur activité chez des souris pour lesquelles le transporteur de sodium NCC était inactif. Le traitement thiazidique restait tout de même efficace sur ces souris, puisqu’elles voyaient leur sécrétion urinaire de sodium augmenter. Cette seconde observation vient confirmer l’hypothèse selon laquelle les thiazidiques ont une autre cible moléculaire.

Par des études physiologiques sur des tubules rénaux microdisséqués et perfusés in vitro, les chercheurs ont déterminé que le nouveau système cible repose sur le fonctionnement en parallèle de deux protéines différentes de NCC. Le rôle de ces deux protéines dans la réabsorption de sodium était insoupçonné jusqu’alors. Elles ne sont par ailleurs pas exclusivement présentes dans le rein mais sont largement disséminées dans l’organisme.

Ce travail a permis d’identifier une nouvelle cible des thiazidiques qui pourrait avoir des effets non rénaux. Cela laisse suggérer qu’un certain nombre d’effets indésirables observés avec les thiazidiques ne sont pas dus à leur effet diurétique mais résultent d’un effet extra-rénal. Selon Dominique Eladari, maître de conférences à l’Université Paris Descartes : « il devient plus facile d’expliquer l’efficacité thérapeutique des thiazidiques si ces molécules ont une action plus étendue que celle initialement identifiée. »

(1) Le néphron est l’unité structurale et fonctionnelle du rein, responsable de la purification et de la filtration du sang

L’ADN et ses complexes

Tout au long de la vie, des mécanismes de réparation de l’ADN sont mis en œuvre lors d’agression (irradiation UV, etc.) pour protéger notre patrimoine génétique. Ce rôle est assuré par le complexe NER. Une équipe de chercheurs dirigée par Jean-Marc Egly, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS / Inserm / Université de Strasbourg) vient de démontrer que le rôle de NER va bien au-delà de la réparation de l’ADN : il assure la régulation de la transcription, première étape de tous les processus nécessaires à la vie. Ces travaux sont publiés le 9 avril 2010 dans la revue Molecular Cell.


Réparer l’ADN endommagé…

Notre organisme développe de nombreuses stratégies pour protéger et maintenir l’intégrité de son patrimoine génétique. L’action délétère d’agents physiques ou chimiques crée des lésions dans l’ADN et perturbe l’expression des gènes. Si ces lésions ne sont pas prises en charge par des systèmes de réparation performants elles seront à l’origine de mutations conduisant à des cancers et au vieillissement de l’individu. Les travaux menés il y a quelques années par Jean-Marc Egly, avaient permis de découvrir (au travers de l’identification du facteur TFIIH) la relation entre le mécanisme de lecture des gènes et celui de la réparation de l’ADN baptisé NER (Nucléotide excision repair) garant du maintien de la stabilité génétique (cf schéma ci dessous).

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© © Inserm, M. Belkacem L’ADN endommagé à la suite d’une attaque par des agents chimiques ou physiques (irradiation UV, etc.) acquiert une forme particulière reconnue par le complexe NER. Lorsque ce dernier se met en marche, il permet d’éliminer et de remplacer le fragment endommagé d’ADN par un fragment sain.

Grâce à cette découverte, les maladies pour lesquelles l’altération des mécanismes de réparation de l’ADN avait été mise en évidence sont dorénavant mieux connues. C’est le cas de la « maladie des enfants de la lune » ou Xeroderma pigmentosum, maladie génétique rare, qui entraîne une hypersensibilité au soleil et un risque très élevé de cancer de la peau. Des mutations sur onze des gènes impliqués dans les mécanismes de réparation ont été associées à cette maladie. Cependant, leurs défaillances ne permettent pas à elles seules d’expliquer les symptômes neurologiques et les troubles du développement présents chez plus d’un tiers des personnes atteintes. D’où l’hypothèse émise par les chercheurs : les différents facteurs impliqués dans la réparation de l’ADN possèderaient d’autres fonctions au-delà du rôle déjà décrit.

… et réguler la transcription

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés au fonctionnement de NER dans des conditions où l’ADN n’est pas soumis à des attaques génotoxiques.

Dans ce contexte, les données recueillies par l’équipe de l’IGBMC révèlent que les différents acteurs du complexe NER régulent la transcription des gènes en ARN. Chacun de ces acteurs seraient impliqués dans les mécanismes de modification de la chromatine pour rendre le site de départ de la synthèse de l’ARN propice à la transcription. En l’absence de ces facteurs, la transcription sera très peu opérationnelle.

Selon l’endroit précis où se trouve le NER, les fonctions de réparation ou de transcription seront activées.

Pour Jean Marc Egly, directeur de recherche à l’Inserm « Cette découverte explique la variété des symptômes observés au niveau du Xeroderma pigmentosum. Elle représente également un grand pas dans la compréhension des mécanismes dits « épigénétiques », qui régulent l’expression des gènes et font en sorte que ces derniers ne s’expriment qu’au bon endroit et au bon moment. »

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