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La persistance de cellules mémoires B résistantes au rituximab contribue aux rechutes des patients adultes atteints de thrombopénie immunologique

lymphocytes B

Image d’un centre germinatif persistant (rate de souris, 4 mois après immunisation), comportant des lymphocytes B ou cellules B à mémoire (vert), en forte interaction avec des cellules folliculaires dendritiques (CD35, rouge), et des cellules T helper folliculaires (CD4, bleu). ©Inserm/Reynaud, Claude-Agnès

Des équipes du Pr Matthieu Mahévas du centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’adulte et de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (hôpital Henri-Mondor AP-HP/Inserm/Université Paris-Est Créteil), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud au sein de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris) ont étudié la présence de lymphocytes B mémoires auto réactifs avant et après traitement par rituximab de patients adultes atteints de thrombopénie immunologique (PTI), une maladie auto-immune rare.

Les résultats de cette étude, qui fait l’objet d’une publication dans la revue Science Translational Medicine le 14 avril 2021, montrent notamment qu’une fraction des lymphocytes B mémoires auto-réactifs envers les antigènes plaquettaires résiste au traitement par rituximab, persiste dans la rate pendant plusieurs mois et participe aux rechutes. La découverte de ces cellules pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.    

Les patients atteints de maladies auto-immunes médiées par les cellules B, telles que la thrombopénie immunologique (PTI), peuvent bénéficier d’un traitement par l’anticorps anti-CD20, ciblant les cellules B, le rituximab. Une proportion importante de patients rechute cependant après ce traitement.

Les équipes du Pr Matthieu Mahévas du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP (Pr Godeau et Pr Michel), de l’unité de recherche « Transfusion et maladies du globule rouge » de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (UPEC/Inserm), du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud de l’Institut Necker-Enfants Malades (Inserm/CNRS/Université de Paris), en collaboration avec de nombreux cliniciens du Centre National des cytopénies auto-immunes de l’adulte (CERECAI), ont cherché à comprendre pourquoi en étudiant la présence de lymphocytes B mémoires réactifs envers les plaquettes dans la rate de patients splénectomisés pour une rechute de thrombopénie immunologique après un traitement par rituximab.

Plusieurs approches expérimentales innovantes ont été menées par les Dr Crickx et Chappert afin de déterminer le phénotype, le programme transcriptionnel et la spécificité de ces cellules B capables de secréter des anticorps anti-plaquettes dans la rate des patients lors des rechutes. Ces travaux ont permis de mettre en évidence que des cellules nouvellement générées après reconstitution lymphocytaire B et des cellules mémoires ayant résisté au traitement participaient aux rechutes.

Il apparait ainsi que ces cellules pathogéniques, résistantes au rituximab, ont perdu l’expression du CD20 à leur surface mais conservées l’expression du CD19, spécifiquement exprimée par les lymphocytes B, qui pourrait donc constituer une nouvelle cible thérapeutique potentielle dans cette maladie.

La persistance de la mémoire immunitaire est généralement étudiée pour le bénéfice qu’elle apporte en termes de protection anti-infectieuse. Ce travail démontre que des cellules mémoires peuvent également persister durant des périodes de rémission d’une maladie auto-immune et contribuer aux rechutes ultérieures, suggérant de nouvelles voies à explorer pour favoriser des rémissions prolongées au cours des maladies auto-immunes.

Ces travaux ont bénéficié d’un financement ANR (Auto-Immuni-B – ANR-18-CE15-0001).

L’apesanteur, un challenge pour le corps… Mais aussi pour le cerveau !

Etude des mouvements

Capture en 3D des mouvements. ©Inserm/Guénet, François

 

Deux semaines avant le décollage de l’astronaute Thomas Pesquet dans l’espace pour la mission Alpha, les connaissances progressent concernant l’adaptation de l’Homme à la gravité. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bourgogne au sein du laboratoire CAPS «Cognition, action et plasticité sensori-motrice » s’intéressent à la façon dont sont réalisés les mouvements dépendants de cette force omniprésente.

Depuis 30 ans, on pensait que le cerveau – à l’origine de la commande motrice – compensait en permanence les effets de la gravité. Dans une première étude en 2016, les chercheurs avaient suggéré que notre cerveau se sert de la gravité pour minimiser les efforts que nos muscles doivent déployer. Des résultats confirmés récemment grâce à de nouvelles expérimentations menées en collaboration avec l’université de New-York à la fois sur des modèles de primates non humains et sur l’Homme. Ces résultats sont parus dans la revue Science Advances .

 

A quoi cette anticipation peut-elle bien servir ?

Initialement, les chercheurs pensaient que le cerveau compensait à chaque instant les effets de la gravité pour réaliser des mouvements qui ne soient pas perturbés par les effets de la gravité. Des études récentes menées par les chercheurs de l’université de Bourgogne et de l’Inserm au laboratoire CAPS en collaboration avec une équipe de l’université de New York (Dora E. Angelaki, professeure de neuroscience à la Tandon School of Engineering – New York) challengent cette idée. Les chercheurs ont fait l’hypothèse que l’anticipation des effets de la gravité permette de planifier des mouvements utilisant les effets de la gravité sur notre corps pour minimiser nos efforts musculaires. 

Pour confirmer cette théorie, l’équipe de recherche a enregistré les activations musculaires envoyées par le cerveau aux muscles. Ces mesures ont été réalisées chez des primates non humains et chez des humains effectuant des mouvements de bras horizontaux et verticaux.

Les résultats obtenus montrent que le cerveau envoie des commandes électriques activant et désactivant les muscles de manière très précise – phénomènes durant quelques millisecondes – afin d’exploiter les effets de la gravité pour accélérer nos mouvements descendants et décélérer nos mouvements ascendants. Ces résultats ont été observés chez le primate non-humain comme chez l’humain.

Cette observation corrobore l’hypothèse d’une adaptation profonde du système nerveux à son environnement.

A terme, cette avancée pourrait éclairer des domaines variés tels que l’aide au mouvement pour les personnes handicapées ou la programmation des mouvements de robots humanoïdes.

Un nouveau traitement en essai clinique chez un premier enfant achondroplase en France

Nanisme

Radiographie d’un squelette d’une souris atteinte de nanisme. © Inserm/Guénet, François

 

Le 30 mars 2021, un premier enfant français atteint d’achondroplasie a reçu un inhibiteur de tyrosine kinase, l’infigratinib, traitement expérimental en développement par QED Therapeutics, à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, dans le cadre d’un essai clinique international. L’identification du gène responsable de cette maladie, il y a 25 ans, à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, a permis à la directrice de recherche Inserm Laurence Legeai-Mallet et son équipe d’élaborer des modèles d’étude pertinents, de caractériser les voies physiopathologiques, et de breveter l’utilisation de l’Infigratinib pour l’achondroplasie, sur la base des effets prometteurs de la molécule dans les études précliniques. Intéressé par ces résultats, l’investisseur BridgeBio a alors acquis les droits sur le brevet et crée la société QED Therapeutics, dédiée à ce développement, qui, quatre ans plus tard, a débuté le premier essai clinique, en Australie et en France notamment. L’histoire de cette nouvelle indication thérapeutique, bel exemple de recherche translationnelle, démontre la force d’accélération de l’Institut Imagine (AP-HP/Inserm/Université de Paris) dans l’identification et le développement de nouvelles thérapies pour les personnes atteintes de maladies génétiques rares.

 

Étendre l’indication de l’Infigratinib pour traiter les patients atteints d’achondroplasie

L’achondroplasie, forme de nanisme la plus courante, concerne environ une naissance sur 20 000. L’histoire a démarré en 1994, avec la découverte du responsable de cette maladie à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Lorsqu’il est muté, le gène FGFR3 provoque une production excessive de la protéine FGFR3 active, présente dans les chondrocytes (cellules du cartilage) et les ostéoblastes (cellules osseuses). Sa surexpression affecte la croissance osseuse et l’ossification, mécanisme qui transforme les tissus cartilagineux en os.

Depuis cette découverte, le laboratoire de bases moléculaires et physiopathologiques des ostéochondrodyslasies à l’Institut Imagine, labellisé Carnot, n’a cessé d’explorer les mécanismes dérégulés par l’altération de ce gène et de mettre au point des modèles cellulaires et animaux pour tester des molécules et développer de nouvelles options thérapeutiques.

La protéine FGFR3 est l’un des quatre récepteurs de tyrosine kinase de signalisation, qui interagissent avec les protéines qui contrôlent la signalisation des facteurs de croissance des fibroblastes (FGF). Des défauts de cette voie sont impliqués dans des troubles du développement comme le nanisme, les craniosténoses, et dans un large éventail de cancers. L’équipe a donc cherché des molécules inhibitrices de tyrosine kinase capables de contrecarrer l’hyperactivité de la protéine déjà utilisées en cancérologie.

Sur ces bases, en 2016, le Dr Laurence Legeai-Mallet, directrice de recherche à l’Inserm, a publié les résultats de travaux menés depuis 2014 et qui montrent l’action de la molécule NVP-BGJ398 (Infigratinib), alors en développement par Novartis et en essai clinique pour des patients souffrant de cancer de la vessie.

« Cette molécule réduit la phosphorylation de FGFR3, responsable de son hyperactivité, et corrige la croissance anormale dans nos modèles animaux. Nous avons montré qu’une faible dose, injectée par voie sous-cutanée, est capable de pénétrer dans la plaque de croissance de ces modèles et d’en modifier l’organisation », explique Laurence Legeai-Mallet.

La chercheuse brevette alors l’utilisation de cette molécule pour traiter l’achondroplasie.

 

De la recherche au lit du patient

En 2018, inspiré par les découvertes de l’équipe, et convaincu de pouvoir développer rapidement un médicament efficace, l’investisseur américain spécialisé dans les maladies rares BridgeBio achète le brevet de l’Infigratinib à Novartis et le brevet d’utilisation pour l’achondroplasie à Laurence Legeai-Mallet (INSERM). BridgeBio crée la start-up QED Therapeutics, dédiée aux maladies ciblant les récepteurs des facteurs de croissance des fibroblastes (FGFR) et au développement de ce médicament. Laurence Legeai-Mallet, membre de son conseil scientifique, a mené des travaux pour soutenir l’étude d’une faible dose de l’Infigratinib pour l’achondroplasie, et poursuit des travaux de recherche translationnelle sur d’autres modèles.

QED Therapeutics a lancé un essai clinique international en 2020. La première administration de l’Infigratinib à une enfant achondroplase a été effectuée en juillet 2020 à Melbourne en Australie.

Aujourd’hui, l’essai démarre en France avec un premier enfant qui reçoit le traitement expérimental à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, essai coordonné par des équipes de l’Hôpital et de l’Institut Imagine, et notamment le Dr Kim-Hanh Le Quan Sang, le Dr Geneviève Baujat et le Pr Valérie Cormier-Daire.

« Le développement de ce médicament est un formidable exemple de recherche translationnelle telle que peut la conduire un Institut Hospitalo-Universitaire comme Imagine. Il illustre l’efficacité de notre modèle en boucle, partant du patient, passant par la recherche fondamentale et pré-clinique, l’élaboration de modèles de la maladie (lignées de cellules et modèles animaux), pour, enfin, revenir au patient. Le tout dans à un écosystème qui intègre les partenaires industriels, l’innovation et la valorisation, en vue d’une recherche appliquée, permettant l’accélération de la mise sur le marché d’une découverte scientifique, au bénéfice des enfants et des familles qui lui ont donné naissance », se réjouit le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine.

Mise à jour des estimations de la proportion de la population ayant été infectée par le SARS-CoV-2

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine.

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

 

Tout au long de la pandémie, les chercheurs et modélisateurs ont développé des méthodes pour estimer la proportion de la population ayant été infectée par le SARS-CoV-2. Ce travail d’estimation est important car il permet d’apprécier la proportion de la population qui pourrait avoir acquis une immunité (au moins partielle et de court terme) contre le SARS-CoV-2 suite à une infection naturelle. Ce travail d’estimation peut cependant être difficile à faire car les données de surveillance sur les cas, les hospitalisations et les décès ne captent qu’une petite proportion des infections. Les enquêtes sérologiques sont alors un outil précieux. Ces enquêtes permettent de mesurer la séroprévalence, c’est-à-dire la proportion de la population ayant développé des anticorps anti-SARS-CoV-2, ce qui signale une infection passée. Cependant, les enquêtes sérologiques restent difficiles à mettre en œuvre de façon régulière. Enfin, le phénomène de décroissance des anticorps (une personne peut perdre ses anticorps avec le temps) fait que la séroprévalence risque à terme de sous-estimer la proportion de la population ayant été infectée. Au fur et à mesure que de nouvelles données devenaient disponibles, les scientifiques de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm, Sorbonne Université et Santé Publique France ont développé de nouvelles approches pour tenter de suivre la proportion d’infectés à partir de ces données. Le 8 avril 2021, ils publient dans The Lancet Public Health une mise à jour de la proportion de la population ayant été infectée par SARS-CoV-2 au niveau national, par région et par groupe d’âge (dernière mise à jour le 23/03/21).

 

Pendant le premier confinement, en l’absence de sérologie, par un travail d’intégration de données, publié dans la revue Science, Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, et son équipe ont produit l’une des premières estimations de la proportion de la population française infectée par SARS-CoV-2 à la sortie du premier confinement le 11 mai 2020. Ils avaient estimé à l’époque que cette proportion devait se situer aux environs de 5% au niveau national, avec des variations importantes entre régions (de l’ordre de 10% en Ile de France et dans le Grand Est).

Lorsque des données sérologiques sont devenues disponibles à l’international, les scientifiques ont cherché à déterminer si elles donnaient une image similaire à ce qu’indiquaient leurs premiers résultats. L’équipe de Simon Cauchemez a donc collecté les données de mortalité par âge pour 42 pays représentant 3.2 milliards de personnes et pour lesquels 22 enquêtes sérologiques ont été identifiées, permettant de calibrer les modèles. En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge, ils ont mis en évidence que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans ; et en ont déduit une approche pour estimer la proportion d’infectés dans un pays en utilisant uniquement le nombre de décès par groupe d’âge. L’analyse a été publiée dans la revue Nature.

Plus récemment, les chercheurs ont développé une méthode pour monitorer la proportion d’infectés par âge et par région en France, aujourd’hui publiée dans The Lancet Public Health. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm et Santé Publique France, ont développé une nouvelle méthode pour estimer la proportion d’infectés par âge et par région en analysant conjointement les données françaises d’hospitalisation et de séroprévalence. Pour chaque groupe d’âge, les scientifiques comparent le nombre d’hospitalisations qu’il y a eu durant la première vague avec le nombre d’infections estimées par la grande enquête de séroprévalence SAPRIS durant cette vague. Ils en déduisent une estimation des probabilités d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté, pour chaque groupe d’âge.

Connaissant les nombres de personnes hospitalisées chaque jour par groupes d’âge, il est possible ensuite d’utiliser les probabilités d’hospitalisation pour estimer le nombre d’infections survenues dans chaque groupe au cours du temps.

Les dernières estimations de la proportion de personnes infectées par SARS-CoV-2 sont présentées ci-dessous au niveau national, par région et par groupe d’âge (datées du 23 mars 2021).

France métropolitaine

Cette figure représente les estimations les plus récentes de la proportion de la population adulte (au-dessus de 20 ans) ayant été infectée par SARS-CoV-2 dans les différentes régions de France métropolitaine.

Carte France infectés

Proportion infectés

Graph infecté au 22/03

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur l’espace Modélisation :

https://modelisation-covid19.pasteur.fr/realtime-analysis/infected-population/

La santé des français suivie pendant le confinement de mars 2020 grâce à l’analyse par IA des appels au 15

SAMU

La santé des français suivie pendant le confinement de mars 2020 grâce à l’analyse par IA des appels au 15 © camilo jimenez on Unsplash

Le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux et le centre de recherche Inserm Bordeaux Population Health à Bordeaux publient les résultats de leur étude sur les appels au SAMU centre 15 de la Gironde sur l’année 2020. Les appels pour symptômes grippaux ont précédé de deux semaines les admissions aux urgences. Les appels pour des douleurs thoraciques, du stress et de l’anxiété, ont atteint un pic 12 jours plus tard. On note par contre une chute importante des accidents et des malaises, des violences et des intoxications aiguës à l’alcool. Ces travaux sont parus le 31 mars 2021 dans la revue Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine.

Les SAMU de France reçoivent environ 31 millions d’appels chaque année, 85 000 chaque jour. Et ce chiffre a presque doublé aux pires moments de la crise de la Covid-19. Le contenu de chaque appel fait l’objet d’un compte-rendu dans lequel les observations sont rédigées au fur et à mesure des informations collectées par les différents intervenants.

Se donner les moyens de suivre les évolutions des motifs de tous ces appels, c’est se doter d’un outil puissant et réactif d’observation de la santé de la population.

Pour classer ces appels, les chercheurs ont fait appel à une technologie issue d’une avancée très récente dans le domaine de l’intelligence artificielle qui porte le nom de « Transformer ».

Ce « Transformer » a été construit en deux phases, la première consistant à lui montrer un nombre aussi grand que possible d’exemples de comptes rendus pour lui apprendre à écrire « à la manière » de ces comptes rendus. Cette première phase va grandement améliorer les performances de la deuxième étape qui consiste à entraîner ce Transformer à réaliser la tâche de classification en lui « montrant » des exemples de comptes rendus avec la bonne classification, réalisée pour cette phase d’apprentissage par un humain. Plus on lui montre d’exemples, meilleur sera le Transformer lorsqu’il aura à faire la classification lui-même.

Le CHU, l’université de Bordeaux et l’Inserm se sont associés pour mettre en place un outil de surveillance de santé des populations pendant la période de la pandémie Covid-19.

Les chercheurs ont appliqué ce Transformer aux données issues du centre 15 du SAMU de la Gironde, avant, pendant et après la période de confinement pour observer les tendances dans le motif des appels.

Cette approche leur a permis de montrer que les appels pour symptômes grippaux ont commencé à augmenter à partir du 21 février 2020 et ont atteint un niveau sans précédent le 28 février 2020 pour culminer le 14 mars 2020, 3 jours avant le confinement. Ils étaient fortement corrélés avec les admissions quotidiennes aux urgences, avec un retard de 14 jours. Les appels pour des douleurs thoraciques, du stress et de l’anxiété, ont atteint un pic 12 jours plus tard. Les appels pour des malaises avec perte de conscience, des blessures non volontaires et des intoxications alcooliques ont fortement diminué, à partir d’un mois avant le confinement.

L’utilisation d’un système de classification automatique se servant de l’intelligence artificielle permet de s’affranchir du contexte qui pourrait influencer un codeur humain, notamment en situation de crise. Cette application, réalisée en Gironde, montre que la construction d’un outil similaire à l’échelle nationale pourrait utilement compléter le système de surveillance de la santé des français.

Anorexie mentale : « dépenser plus » pourrait être encore plus important que « manger moins » pour expliquer le cercle vicieux de la maladie

Anorexie

La recherche d’un effet récompense par l’effort physique constituerait un aspect important de la maladie qui serait génétiquement influencée. © Bruno Nascimento sur Unsplash.

 

Chez les patientes souffrant d’anorexie mentale, la perte de poids par carence alimentaire s’accompagne de fatigue et de diminution des capacités physiques. Pourtant, elles continuent souvent à pratiquer intensément une activité sportive qui participe à l’amaigrissement. Des chercheurs de l’Inserm et de Université de Paris à l’Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris et au GHU Paris psychiatrie & neurosciences montrent que l’effort physique génère des émotions positives chez les patientes (ce qui était attendu) mais aussi de manière plus étonnante, chez leurs apparentés non malades. Ce n’est toutefois pas le cas chez les sujets contrôles.

La recherche d’un effet récompense par l’effort physique constituerait donc un aspect important de la maladie qui serait génétiquement influencée. Ces travaux publiés dans l’International Journal of Eating Disorders pourraient permettre d’axer la prise en charge des patientes souffrant d’anorexie mentale vers les dépenses caloriques (le sport) plutôt qu’exclusivement vers les carences d’apport (l’alimentation).

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire qui affecte majoritairement les jeunes filles entre 15 et 25 ans. La prévalence de l’anorexie au cours de la vie serait d’un peu plus de 1 % chez les femmes. Philip Gorwood et Laura Di Lodovico à l’Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris (Inserm/université de Paris) et au GHU Paris psychiatrie & neurosciences tentent depuis des années de mieux comprendre la maladie et d’améliorer la prise en charge.

Leurs travaux se sont notamment intéressés à l’effet récompense associé au fait de ne pas s’alimenter et de perdre du de poids. « Nous savons que l’anorexie mentale s’organise sur un cercle vicieux, où ce qui me fait maigrir est tellement gratifiant dans ce que j’en ressens, que je peux passer outre les dangers que j’arrive pourtant à comprendre. Cette anomalie du processus décisionnel est clairement en lien avec l’effet récompense (le cerveau renvoie des messages valorisant le maintien du trouble). Mais il est compliqué de comprendre comment un manque (la carence alimentaire) peut être en soi un ‘renforçateur’. C’est pourquoi nous nous sommes plutôt penchés sur l’autre versant de la perte de poids, l’activité physique. », explique Philip Gorwood.

En partant de ces interrogations, les scientifiques ont montré dans une précédente étude que l’anorexie mentale est plus associée au plaisir de maigrir qu’à la peur de grossir, et que cet aspect serait génétiquement influencé.

Dans leurs nouveaux travaux, ils poursuivent leurs réflexions sur les critères cliniques de la maladie et sur son héritabilité[1] en s’intéressant à la notion d’exercice physique. « Il s’agit d’une approche atypique car l’effort physique n’est pas considéré comme une manifestation clinique de l’anorexie, alors même que de nombreuses patientes font énormément de sport, notamment pour gérer leur faim et perdre des calories », précise Philip Gorwood.

L’équipe estimait qu’il s’agissait là d’un aspect d’autant plus intéressant à étudier qu’il y a là encore une contradiction : les patientes anorexiques persistent à faire de l’exercice alors même que le fait d’être en sous-poids occasionne une diminution progressive de leurs capacités physiques.

 

Les patientes, leurs proches, et les autres

Le protocole de cette étude est original car il permet aux chercheurs de se pencher non seulement sur les émotions et les perceptions des patientes à la suite d’un exercice physique standardisé, mais aussi sur celles de membres de leur famille (mères et sœurs notamment). Ainsi, 88 patientes souffrant d’anorexie mentale, 30 de leurs proches non malades et 89 individus « contrôles » sains ont été recrutés dans cette étude. Tous ont été invités à pratiquer un exercice physique standardisé puis à répondre à des questionnaires portant notamment sur leurs émotions après l’effort et sur la perception de leur image corporelle.

Les scientifiques montrent qu’à effort équivalent, les patientes anorexiques rapportent plus d’émotions positives que les contrôles. « Le fait de faire du sport leur envoie un message de renforcement positif qui fait que les patientes poursuivent cette activité en dépit de leur fatigue ou de leur faiblesse. La dépense calorique associée à cette activité physique est un facteur déterminant qui conduit à poursuivre cet effort », explique Philip Gorwood.

Cet aspect ne se retrouvait pas chez les contrôles, mais il était présent chez les proches des patientes. L’étude suggère donc que ce trait est partagé au sein de la famille des personnes atteintes d’anorexie.

L’activité physique est associée à un effet récompense, et celui-ci serait impliqué dans l’héritabilité de la maladie. 

Ces résultats ont des conséquences en matière de prise en charge. Ils insistent en effet sur l’importance d’axer une partie des soins sur l’effort physique. L’idée est de travailler avec les patientes pour leur réapprendre à découvrir l’effort physique plaisir (donc modéré) et donc de désapprendre l’effort physique addictif, probablement associé à une finalité de perte de poids. Cet aspect de la prise en charge était déjà considéré comme important par des équipes spécialisées, mais l’étude permet d’apporter des arguments scientifiques concrets pour poursuivre dans cette voie, légitimer cette pratique de soin et en généraliser l’utilisation.

 

[1] L’héritabilité désigne la part des gènes dans les différences entre individus, c’est-à-dire dans la variance d’un caractère exprimé par un échantillon de sujets (ici l’anorexie).

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