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Un nouveau test sérologique pour étudier la progression de la pandémie de Covid-19

Cellules infectées par le SARS-CoV-2

Cellules infectées par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, Inserm – Université de Tours

Un nouveau test de détection des anticorps anti-Sars-CoV-2, fiable, bon marché et ne requérant aucun matériel spécialisé; c’est ce que propose une équipe scientifique internationale dont un chercheur de l’Inserm à l’Institut de pharmacologie et biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier). Ce test sérologique développé en collaboration avec l’université d’Oxford, repose sur un réactif unique qui provoque l’agglutination des globules rouges en présence d’anticorps spécifiques du virus Sars-CoV-2. Dans un premier temps, il pourrait être utilisé dans le cadre de la recherche clinique et épidémiologique. Ce travail est paru dans Nature Communications le 29 mars 2021.

Détecter les anticorps dirigés contre le virus Sars-CoV-2 est essentiel sur le plan épidémiologique pour suivre la progression de l’épidémie. C’est également nécessaire pour les scientifiques qui étudient les liens entre le fait d’avoir été en contact avec le virus et le fait d’être protégé contre une nouvelle infection.

Plusieurs tests sont déjà disponibles et présentent une bonne efficacité mais ils nécessitent des équipements élaborés et couteux, ce qui freine une utilisation à grande échelle, notamment dans les pays disposant de ressources plus limitées.

C’est pourquoi Etienne Joly, chercheur Inserm à l’Institut de pharmacologie et biologie structurale (CNRS/université Toulouse III – Paul Sabatier) a imaginé un nouveau test facile à réaliser et bon marché. En collaboration avec Alain Townsend à l’université d’Oxford au Royaume-Uni, il a développé un test s’appuyant sur l’hémagglutination, une méthode connue depuis plus de 50 ans et couramment utilisée pour la détermination des groupes sanguins.

Le procédé repose sur l’agglomération, détectable à l’œil nu, de globules rouges en présence d’anticorps spécifiques, ici dirigés contre le Sars-CoV-2. Le secret de la simplicité de ce test repose sur l’utilisation d’un seul réactif qui se compose d’une protéine recombinante associant un anticorps reconnaissant une molécule de surface des globules rouges (la glycophorine) au peptide RBD de la protéine Spike du Sars-CoV-2 (le domaine reconnu par les anticorps neutralisants contre le virus). Mis en contact avec du sang, ce réactif se fixe sur les globules rouges.

test sérologique Covid-19

Le test nécessite deux puits à fonds coniques, dans chacun desquels on dilue 2 microlitres du sang à tester. Les puits de gauche, qui sont les contrôles négatifs, ne contiennent que le milieu de dilution, et les puits de droite contiennent en plus le réactif IH4-RBD. Après une heure d’incubation les globules rouges ont sédimenté et forment un bouton rouge au fond de tous les puits. La plaque est alors penchée à 80° pendant 30 secondes, et les globules rouges non hémagglutinés forment une larme, comme on peut le voir dans tous les puits de gauche. La présence d’anticorps dans l’échantillon testé sur la deuxième ligne est révélée par les globules rouges agglutinés par le réactif qui restent « en bouton » au fond du puit. © Etienne Joly

 

Si dans ce même échantillon de sang, les anticorps anti-Sars-CoV-2 sont présents, ils reconnaissent alors le fragment RBD du réactif présent à la surface des globules rouges. Ces anticorps se fixent simultanément sur des fragments RBD pouvant être sur deux globules rouges différents, ce qui relie ces derniers entre eux, aboutissant à la formation d’un amas. Cette agglomération révèle donc une infection récente ou passée. 

Ces procédures ne demandent aucun geste technique. Le sang peut être prélevé par une simple piqûre au bout du doigt comme le font les personnes diabétiques qui mesurent quotidiennement leur glycémie.

Par ailleurs, l’approvisionnement en réactif se fait sous forme lyophilisée ne nécessitant aucune réfrigération et la lecture du résultat se fait à l’œil nu. Autre avantage : ce réactif est facile à produire à peu de frais. Avec un coût estimé à 0,3 centimes d’euros par test, il serait donc abordable pour les pays ayant moins de ressources.

90 % de sensibilité

Le test a été évalué sur plus de 400 sérums de patients pris en charge dans différents hôpitaux au Royaume-Uni et a présenté une sensibilité de 90 %. Cela signifie que sur 100 personnes ayant des anticorps, le test n’en détectera que chez 90 d’entre elles. Etienne Joly travaille actuellement à améliorer cette sensibilité car elle est un peu inférieure à celle des tests ELISA couramment utilisés par les laboratoires de diagnostic, néanmoins elle est déjà meilleure que celle des TROD COVID (test rapide d’orientation diagnostique) disponibles en pharmacie pour une dizaine d’euros. La spécificité de ce test est quant à elle très bonne : elle atteint 99 %. Sur 100 personnes n’ayant pas d’anticorps, le test sera faussement positif pour une seule d’entre elles.

Les scientifiques mettent à présent ce test à la disposition des laboratoires de recherche qui seraient intéressés afin de les aider dans leurs travaux pour mieux comprendre la dynamique de l’épidémie de Covid-19. Autre avantage : ce test devrait aussi être aisément adaptable à d’autres maladies.

« En modifiant la protéine du réactif, il sera possible de s’attaquer au dépistage d’anticorps dirigés contre les formes variantes du virus, ou d’autres pathogènes, tels que le VIH ou le bacille tuberculeux. Il suffira de choisir la protéine virale ou bactérienne ciblée majoritairement par les anticorps », conclut Etienne Joly.

Pollution de l’air : le carbone suie associé à un risque accru de cancer

Pollution de l'airLa pollution de l’air est associée en France à des milliers de décès tous les ans. © Adobe Stock

La pollution de l’air est responsable de milliers de décès chaque année en France. Mieux comprendre comment les différents composés de cette pollution affectent la santé est donc une priorité. Des scientifiques de l’Inserm, de l’université de Rennes 1, de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) à l’Irset et de l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) à l’UMS 11 se sont intéressés à un constituant des particules fines issu de combustions incomplètes notamment liées au trafic automobile, le carbone suie. Alors que ce composé a déjà été lié à de nombreux problèmes de santé, leurs travaux suggèrent pour la première fois qu’une exposition à long terme au carbone suie est aussi associée à un risque accru de cancer, notamment du poumon. Les résultats sont publiés dans la revue EHP le 24 mars 2021.

La pollution de l’air par les particules fines[1] est un enjeu majeur de santé publique. Depuis plusieurs années, la littérature scientifique a mis à jour un lien entre cette pollution et le risque de cancer. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a d’ailleurs classé l’ensemble des particules fines comme des cancérigènes certains pour l’Homme.

Toutefois, le terme de particules fines constitue une « boîte noire » : tous les composés de ces particules n’ont probablement pas le même impact sur le risque de cancer. Plusieurs candidats sont à l’étude pour expliquer leurs effets néfastes sur la santé. C’est le cas notamment du carbone suie (ou « black carbon » en anglais), un constituant des particules fines issu de combustions incomplètes (produisant de la suie ; ce composé est également appelé noir de carbone de par sa composition et sa couleur). Ce dernier avait déjà été pointé du doigt par l’OMS comme ayant un impact général délétère sur la santé.

Dans leurs travaux menés à l’Irset (Inserm/université de Rennes 1/EHESP) et à l’UMS 11 (Inserm/UVSQ), les chercheuses Inserm Emeline Lequy et Bénédicte Jacquemin ont évalué spécifiquement l’association entre exposition au carbone suie à long terme et cancer du poumon, pour mieux comprendre le rôle de ce composé dans les effets sanitaires délétères de la pollution de l’air.

 

Historique résidentiel et exposition à la pollution

Les scientifiques se sont appuyées sur les données de santé des participants de la cohorte Gazel mise en place par l’Inserm au sein de l’UMS 11 en 1989, qui regroupe environ 20 000 participants suivis tous les ans.[2] Point fort de cette cohorte : l’historique du lieu de résidence de tous les participants sur les trente dernières années est disponible. Les chercheuses avaient aussi accès à des estimations très précises des niveaux de pollution, issues du projet européen ELAPSE, au niveau de chacun des domiciles de chacun des participants sur cette longue période.

Par ailleurs, il s’agit d’une cohorte très bien décrite du point de vue de facteurs de risque de cancer, comme par exemple le tabagisme, la consommation d’alcool, et les expositions professionnelles des participants.

Sur la base de ces données, les chercheuses et leurs collègues ont déterminé le degré d’association entre niveau de pollution au domicile des participants depuis 1989 et risque de développer un cancer en général ou un cancer du poumon en particulier.

Grâce à des modèles statistiques ajustés pour prendre en compte les autres facteurs de risque et s’affranchir de l’effet concomitant des particules fines dont le carbone suie fait partie, elles ont pu montrer spécifiquement l’association entre carbone suie et risque de cancer.

Leur étude suggère ainsi que plus les niveaux d’exposition au carbone suie au domicile des participants étaient élevés, plus le risque de cancer du poumon était accru – et ce, indépendamment du niveau d’exposition aux particules fines. Les personnes les plus exposées au carbone suie depuis 1989 présentaient ainsi un sur-risque de cancer en général d’environ 20% par rapport aux personnes les moins exposées. Ce sur-risque était de 30 % en ce qui concerne le cancer du poumon. Ce composé pourrait donc en partie expliquer les effets carcinogènes de la pollution de l’air.

Ces résultats, inédits sur l’incidence de cancer et qui viennent renforcer une littérature scientifique déjà existante sur d’autres problèmes de santé, sont importants pour guider la décision publique en ce qui concerne la régulation de la pollution de l’air et les politiques sanitaires.

« Au niveau individuel, il est difficile de recommander des mesures qui peuvent être prises pour limiter l’exposition au carbone suie des particules de l’air ambiant. Néanmoins, il est possible d’ajuster les politiques publiques si l’on arrive à montrer quels sont les polluants les plus nocifs dans la pollution de l’air. Nous espérons donc que nos résultats participeront à étendre les connaissances pour orienter et affiner ces politiques, par exemple en prenant des mesures spécifiques contre le carbone suie qui vient principalement du trafic automobile », souligne Bénédicte Jacquemin, dernière auteure de l’étude.

L’équipe souhaite désormais continuer ses analyses pour étudier l’effet sur la santé d’autres polluants spécifiques, notamment les métaux. L’objectif est également de continuer à étudier l’impact du carbone suie dans d’autres cohortes plus larges telles que Constances, avec des participants recrutés plus récemment, pour déterminer si la pollution atmosphérique, même à des niveaux bas, peut avoir des effets au niveau sanitaire.

 

[1] Particules d’un diamètre inférieur à 2,5µg, ou PM 2,5. Le terme regroupe à la fois des particules d’origines naturelles et d’origines humaines.

[2] La cohorte Gazel a été mise en place en 1989 par l’Inserm, en coopération avec plusieurs services d’EDF-GDF. Depuis 2018, la collecte d’information auprès des volontaires de Gazel a été harmonisée avec celle de la cohorte Constances. https://www.gazel.inserm.fr/

Traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine, dans la Myopathie de Duchenne

Myopathie de Duchenne

Myopathie de Duchenne. Les myofibres en rouge sont en cours de régénération et sont indicatrices des lésions multiples présentes dans tout le muscle des patients. Le pourtour des myofibres est marqué en vert. ©Mélanie Magnan/Bénédicte Chazaud/Inserm

Des équipes des hôpitaux Cochin, Hôtel-Dieu et Necker-Enfants malades de l’AP-HP, d’Université de Paris et de l’Inserm, en collaboration avec le Centre de Référence des maladies neuromusculaires Nord/Est/Ile-de-France avec le soutien de l’association monégasque contre les myopathies, ont mené des travaux sur l’impact d’un traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion (IEC) de l’Angiotensine, dans la Myopathie de Duchenne. Les résultats de ces travaux montrent que ce traitement préventif précoce pour les patients de 8 ans ou plus atteints de Myopathie de Duchenne est associé à une survie globale significativement plus élevée et à un taux d’hospitalisation plus faible pour les patients pris en charge. Les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une publication, le 22 mars 2021, dans l’European Heart Journal.

La Myopathie de Duchenne est une affection génétique grave dûe à l’absence d’une protéine de soutien essentielle à la contraction musculaire, la Dystrophine. Elle entraîne une atteinte musculaire et myocardique et ne dispose pas de traitement curatif spécifique actuel. L’approche développée dans les travaux publiés dans l’European Heart Journal est la première à démontrer une diminution non-discutable de la mortalité, notamment de la mortalité cardiovasculaire très significative, grâce à ce traitement précoce.

Les patients inclus dans cette étude rétrospective ont été identifiés parmi les 668 patients inscrits dans le « DMD-Heart-Registry ». Ce registre, coordonné par le Pr Wahbi, comprend des patients admis entre janvier 1986 et octobre 2018 dans huit centres médicaux français de prise en charge de la Myopathie de Duchenne.

Plus de 600 enfants ont pu être inclus dans ce travail rétrospectif et l’équipe en charge de ces travaux a pu constater une diminution de la mortalité estimée à 12 ans de suivi de plus de 50 %.

Une première étude pilote menée en 2007 sur 60 enfants coordonnée au sein du service de cardiologie de l’hôpital Cochin AP-HP (Pr Duboc, Pr Meune, Dr Bécane, Pr Wahbi) indiquait déjà l’intérêt potentiel d’un tel traitement. Aujourd’hui, il s’agit d’une plus large étude, multicentrique nationale, portant sur plusieurs centaines de patients touchés par cette maladie orpheline, qui confirme les résultats initiaux.

Trois principales structures au sein d’AP-HP ont largement contribué à l’aboutissement de ce travail : le centre de référence constitutif maladies rares sur l’atteinte cardiaque des myopathies (Pr  Wahbi , Pr D. Duboc) au sein du service de cardiologie de l’hôpital Cochin AP-HP qui a coordonné ce travail, aidé par le service de neuro-pédiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP (Pr Desguerre) qui a permis l’analyse bio-statistique des résultats qui a été réalisée par le centre d’épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu AP-HP (Pr Porcher, Pr Ravaud).

La conclusion pratique de cette étude montre que ce traitement préventif précoce par Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion (IEC) de l’Angiotensine pour les patients de 8 ans ou plus atteints de Myopathie de Duchenne est associé à une survie globale significativement plus élevée et à un taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque plus faible pour les patients pris en charge.

Dégradation de la santé mentale pendant le confinement : résultat d’une étude réalisée dans la cohorte MAVIE

Dépression Confinement

Les niveaux d’anxiété, de dépression et la santé mentale perçue se sont fortement dégradés durant le confinement. © Erik Mclean on Unsplash

Calyxis à Niort et le centre de recherche Inserm Bordeaux Population Health publient les résultats de leur étude sur les conséquences du confinement sur la santé mentale dans la revue Globalization and Health. Les niveaux d’anxiété, de dépression et la santé mentale perçue se sont fortement dégradés dans la population des volontaires de la cohorte MAVIE, en particulier chez les femmes, les plus jeunes et les plus âgés, et ceux disposant d’un logement de moins de 30 m2.

En 2014, l’Inserm et l’université de Bordeaux se sont associés au centre d’expertise dédié à la prévention des risques Calyxis pour mettre en place l’Observatoire MAVIE destiné à étudier les accidents de la vie courante en France auprès de 10 000 volontaires. Lors de leur recrutement, il leur était proposé de remplir plusieurs questionnaires en ligne destinés à connaître leur état de santé et leur mode de vie. La survenue éventuelle d’accidents de la vie courante a ensuite été recensée pendant 6 ans. Au moment du premier confinement lié à la pandémie de SARS-CoV-2, partant du constat que l’état de santé mentale des volontaires de l’observatoire MAVIE avait fait l’objet d’une mesure lors du recrutement, une deuxième estimation de cet état de santé mentale a été réalisée, de façon à la comparer à la première.

Deux échelles validées ont été utilisées : la première appelée Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) est destinée à mesurer les symptômes de dépression. La deuxième est le Generalized Anxiety Disorder 7-item Scale (GAD-7) qui donne une mesure des symptômes liés à l’anxiété. Un troisième indicateur a été introduit qui consistait à demander aux participants de noter leur état de santé mentale sur une échelle de 1 à 10.

1237 volontaires ont accepté de participer à cette étude en remplissant ce deuxième questionnaire. A partir de leurs réponses, les chercheurs constatent que la proportion de personnes présentant des symptômes d’anxiété a cru de 17% à 20%. En revanche, la part de volontaires présentant des symptômes de dépression n’a que peu évolué (de 27% à 28%). Le score de santé mentale perçu a, pour sa part, diminué de 7,77 à 7,58 mais il a moins diminué chez ceux qui avaient l’habitude de passer plus d’une heure par jour sur un écran, peut-être parce qu’il s’agit d’une activité compatible avec le confinement.

Les personnes ayant présenté plus de symptômes de dépression durant le confinement étaient les femmes, les jeunes, et les plus âgés, ainsi que ceux qui vivent dans un logement de moins de 30 m2.

Les personnes présentant une santé physique mauvaise avaient un risque trois fois plus important de présenter plus de symptômes d’anxiété durant le confinement.

La même étude a été répétée pendant le deuxième confinement et les données sont en cours d’analyse. Les premiers résultats montrent une forte aggravation de ces trois mêmes indicateurs de santé mentale.

 

La recherche vaccinale Covid-19 se poursuit au sein de la plateforme Covireivac avec le démarrage de nouveaux projets

 

COVIREIVAC

De nouveaux projets sont lancés dans le cadre de COVIREIVAC. © Adobe Stock

 

Lancée en octobre 2020, la plateforme COVIREIVAC coordonnée par l’Inserm et F-CRIN en lien avec 32 centres hospitaliers universitaires et un réseau de 11 laboratoires d’immunologie vise à mener et à promouvoir une recherche clinique vaccinale d’excellence en France. Depuis le 1er octobre, 50 000 volontaires se sont inscrits pour participer aux efforts de recherche et améliorer les connaissances vis-à-vis de ces nouveaux vaccins. Il s’agit d’une initiative sans précédent dans notre pays. La plateforme est pilotée par l’Inserm, et le volet opérationnel clinique fait l’objet d’une coordination par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris des différents CHU. Alors que la participation de la France à l’essai clinique évaluant l’efficacité de deux doses du candidat vaccin du laboratoire Janssen (vaccin ayant déjà une autorisation d’utilisation pour la vaccination par une dose de vaccin) a démarré au mois de février, de nouveaux projets ambitieux démarrent dans le cadre de COVIREIVAC.

Même si plusieurs vaccins contre la Covid-19 sont disponibles, il est impératif de poursuivre la recherche afin d’approfondir les connaissances scientifiques, notamment la durée de la protection et la qualité de la réponse immunitaire, y compris chez les personnes qui souffrent de pathologies affectant leur immunité. Les études cliniques coordonnées par COVIREIVAC ont pour objectif d’apporter des réponses à ces questions de recherche. Les essais CoviCompare et la cohorte COV-POPART devraient apporter des données importantes pour la stratégie vaccinale.

Les essais CoviCompare ont pour objectif d’étudier l’immunogénicité de différents vaccins Covid-19, c’est-à-dire les réponses immunitaires qu’ils induisent, notamment chez les personnes âgées de 65 ans et plus, comparativement à celle des populations d’adultes plus jeunes.

Ces recherches devraient permettre une meilleure compréhension du fonctionnement des vaccins disponibles contre la Covid-19 et orienteront leur utilisation pour obtenir la meilleure efficacité dans les différents types de population. Les participants, tous vaccinés (il n’y a pas de bras contrôle), seront suivis pendant deux ans. Les résultats seront analysés et comparés entre chaque groupe d’âge afin de tester l’intensité et la durée de la réponse immunitaire et d’apporter des informations pour décider, le cas échéant, de la nécessité, ou pas, de réaliser dans l’avenir des rappels de vaccin en fonction de l’âge et/ou du statut immunitaire 

 

AP-HP-CoviCompare-m : affiner les connaissances sur la réponse immunitaire des personnes de 65 ans et plus vaccinées par Moderna

Le vaccin contre la Covid-19 de Moderna s’appuie sur la technologie de l’ARN messager. Déjà testé sur plus de 30 000 personnes, aux États-Unis, ce vaccin a prouvé une efficacité de 94,1 % dans la population générale et de 86,4 % chez les plus de 65 ans. Ce vaccin est déjà utilisé en France pour la vaccination.

Cet essai, promu par l’AP-HP a démarré le 12 février 2021 etse déroule actuellement dans 6 centres français à Créteil (hôpital Henri-Mondor AP-HP), Lille, Lyon, Marseille, Paris (Hôpital Cochin AP-HP) et Saint-Étienne.

Concrètement, l’essai prévoit la constitution de 3 groupes de 60 personnes :

  • Un groupe âgé de 18 à 45 ans 
  • Un groupe âgé de 65 à 74 ans 
  • Un groupe de 75 ans et plus 

Tous les volontaires seront vaccinés à raison de 2 injections à 28 jours d’intervalle.

 

ANRS0002S CoviCompare-P : affiner les connaissances sur la réponse immunitaire des personnes de 65 ans et plus et des personnes ayant déjà eu la COVID-19 vaccinées par Pfizer/BioNTech

Le vaccin à ARN messager développé par Pfizer/BioNTech, le premier à avoir été validé en Europe, affiche une efficacité de 95 % après l’administration de deux doses après les phases de test sur plus de 44 000 personnes. La Haute autorité de Santé (HAS) a récemment publié un avis recommandant d’injecter une seule dose de vaccin aux personnes ayant un antécédent de Covid-19.

Cet essai, promu par l’ANRS | Maladies infectieuses Emergentes, l’agence autonome de l’Inserm en charge notamment de coordonner la recherche sur la Covid-19, a débuté le 8 mars 2021. Il se déroule dans 11 centres (Créteil, Nantes, Caen, Clermont-Ferrand, Lyon, Nîmes, Brest, Tours, Strasbourg et Paris (Saint Louis et Cochin).

L’objectif est d’évaluer finement les réponses immunitaires induites par le vaccin de Pfizer/BioNTech chez les personnes âgées de 65 ans et plus, mais aussi de comparer celles des personnes ayant déjà contracté la Covid-19 à celles de personnes ne l’ayant jamais eue.

Ainsi, les participants seront répartis selon les mêmes groupes d’âge que ceux de l’essai CoviCompare-m et en trois catégories supplémentaires (150 personnes n’ayant jamais contracté la Covid-19 recevront deux doses de vaccin et 150 participants ayant déjà eu la Covid-19 recevront une seule injection).

 

ANRS0001S COV-POPART : une cohorte vaccinale pour évaluer la réponse immunitaire des vaccins Covid-19 dans des populations particulières

La cohorte COV-POPART, pour « cohorte vaccinale Covid-19 des populations particulières », promue par l’ANRS |Maladies infectieuses émergentes, est une cohorte nationale qui inclura un total de 10 500 participants dans 35 centres, et qui a reçu le label de priorité nationale par la cellule interministérielle « recherche ».

Le projet a été construit avec plus de 10 sociétés savantes nationales et internationales et 7 associations de patients (France Rein – Transhépate – ARSEP – CNAO – FFD – EGMOS – TRT5 CHV*) qui seront également très impliquées dans le recrutement et le suivi des participants.

La cohorte a pour objectif d’évaluer la production d’anticorps contre la Covid-19 de 8 650 personnes vaccinées ayant des pathologies pouvant affecter leur immunité : VIH-1, diabète (de type 1 ou 2), obésité, maladie auto-inflammatoire systémique et auto-immune (vascularite, lupus érythémateux…), rhumatismes inflammatoires chroniques, sclérose en plaques (ou une inflammation du nerf optique), cancer (même sans traitement depuis 2 ans), allogreffe, ayant eu une transplantation d’un organe solide (poumons, foie, reins, cœur, pancréas), une insuffisance rénale chronique (stade 4 et 5) ou une hypogammaglobulinémie (faible taux d’immunoglobulines dans le sang).

Afin de comparer leurs réponses immunitaires, un groupe contrôle de 1 850 personnes vaccinées ne présentant pas ces pathologies est également recruté.

La cohorte doit permettre également d’identifier les potentiels échecs vaccinaux et d’étudier le rôle des variants dans ces échecs. Les participants seront suivis pendant deux ans après la dernière injection de vaccin, avec l’aide des centres de COVIREIVAC et 4 centres complémentaires mobilisés pour ce projet. Cette cohorte permettra d’apporter des données indispensables à la politique vaccinale dans ces populations fragiles et particulièrement à risque de formes graves de Covid-19.

 

*France Rein – Transhépate – ARSEP Fondation pour l’Aide à la Recherche contre la Sclérose en Plaques – CNAO Collectif National des Associations d’Obèses – FFD Fédération Française des Diabétiques – EGMOS Entraide aux Greffés de Moelle Osseuse – TRT5 CHV collectif interassociatif de lutte contre le VIH, les hépatites et les IST

Certains cocktails de pesticides favoriseraient le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées

 

Champ de blé, Le Talais, France

Champ de blé. © Eric Prouzet on Unsplash 

Certains pesticides utilisés en Europe sont suspectés d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine. Ils provoqueraient des perturbations hormonales et auraient également des propriétés carcinogènes, déjà observées en milieu professionnel. Le lien entre l’exposition à ces pesticides via l’alimentation et le cancer du sein dans la population générale est encore peu étudié. Des chercheurs d’une équipe mixte INRAE, Inserm, Cnam et Université Sorbonne Paris Nord ont déjà montré que les consommatrices d’aliments issus de l’agriculture biologique de la cohorte NutriNet-Santé, avaient un moindre risque de cancer du sein en post-ménopause1. Cette même équipe a poursuivi ses travaux en s’intéressant cette fois à l’exposition à différents cocktails de ces pesticides sur cette catégorie de la population. Leurs travaux, parus le 15 mars dans la revue International Journal of Epidemiology apportent un éclairage sur l’impact de l’exposition alimentaire aux pesticides dans la survenue de cancer du sein en post-ménopause.

Actuellement en Europe, certains pesticides utilisés en grandes quantités dans l’agriculture, sont suspectés d’effets délétères sur la santé humaine reproductive, et pourraient avoir un rôle notamment dans la survenue de cancers du sein et de la prostate. Ils perturberaient le système endocrinien (hormonal) et auraient des propriétés carcinogènes, comme cela a déjà été observé dans des populations exposées dans leur milieu professionnel. Cependant, le lien entre l’exposition à ces pesticides via l’alimentation et le cancer du sein dans la population générale est peu étudié, bien que des chercheurs INRAE, Inserm, CNAM et Université Sorbonne Paris Nord aient déjà montré que les consommatrices d’aliments issus de l’agriculture biologique de la cohorte NutriNet-Santé présentaient un moindre risque de cancer du sein en post-ménopause. Mais alors, quel est ce lien entre mélange de pesticides apportés par l’alimentation et risque de cancer du sein en post-ménopause ?

Leur nouvelle étude, menée sur quatre ans, a commencé en 2014. Les participantes avaient alors répondu à un questionnaire permettant d’évaluer la consommation d’aliments biologiques et conventionnels. Un total de 13 149 femmes ménopausées a été inclus dans l’analyse, constituant l’échantillon de cette étude, et 169 cas de cancers ont été signalés. 

Grâce à une base de données de contamination des aliments selon leur mode de production2, les chercheurs ont mesuré l’exposition à 25 substances actives entrant dans la composition de pesticides autorisés en Europe, incluant ceux utilisés en agriculture biologique.

Une méthode dite en « Factorisation par Matrices non-Négatives » (NMF) a permis d’établir quatre profils d’exposition aux pesticides, traduisant des mélanges différents de pesticides auxquels nous sommes exposés via l’alimentation. Ensuite, des modèles statistiques ont été utilisés pour analyser ces profils, afin d’explorer le lien potentiel avec le risque de survenue d’un cancer du sein. 

Le profil NMF n°1 est caractérisé par une exposition élevée aux chlorpyriphos, imazalil, malathion et thiabendazole, des pesticides de synthèse. Dans ce profil, les chercheurs notent une augmentation du risque de cancer du sein en post-ménopause chez les femmes en surpoids (IMC entre 25 et 30) ou obèses (IMC>30). A l’inverse, le profil NMF n°3 est lui caractérisé par une exposition faible à la plupart des pesticides de synthèse et une diminution de 43% du risque de cancer du sein en post-ménopause. Les deux autres profils identifiés par NMF n’étaient pas associés au risque de cancer du sein.

A quoi servent ces pesticides de synthèse ?

Le chlorpyriphos est utilisé sur les cultures d’agrumes, de blé, de fruits à noyau ou d’épinards par exemple. L’imazalil est également utilisé pour la culture d’agrumes, de pommes de terre et les semences. Le malathion, utilisé pour lutter contre les insectes suceurs (pucerons, cochenilles) est interdit en France depuis 2008 mais autorisé dans certains pays européens. Le thiabendazole est utilisé sur le maïs, les pommes de terre et certains semis.

Ces résultats suggèrent un lien entre certains profils d’exposition aux pesticides et la survenue de cancers du sein en post-ménopause.

Mais pour confirmer ces données, il est primordial d’une part de mener des études expérimentales pour éclaircir les mécanismes impliqués, et d’autre part de confirmer ces résultats dans d’autres populations.

 

1 Baudry J, Assmann KE, Touvier M, et al. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk: Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Intern Med. 2018;178(12):1597–1606. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4357
2 Cette base de données provient du laboratoire de référence Européen CVUA à Stuttgart

Maladie de Charcot-Marie Tooth : une innovation thérapeutique 100 % française à base d’ARN

 

Maladie de Charcot

© Liliane Massade, laboratoire Maladies et hormones du système nerveux (Inserm/Université Paris-Saclay)

  • La maladie de Charcot-Marie Tooth est une maladie qui entraine une paralysie progressive des jambes et des mains. Aucun traitement n’est aujourd’hui disponible.
  • Après plus de dix ans de recherche, une équipe française a mis au point une thérapie, à base d’ARN, permettant à des souris modèles de cette maladie de retrouver toute leur mobilité.

La maladie de Charcot-Marie Tooth est la maladie neurologique héréditaire la plus fréquente au monde. Elle touche le nerf périphérique et entraine une paralysie progressive des jambes et des mains. Aucun traitement n’est aujourd’hui disponible pour lutter contre cette maladie, due à la surexpression d’une protéine spécifique. Des scientifiques du CNRS, de l’Inserm, de l’AP-HP et des universités Paris-Saclay et de Paris ont mis au point, chez la souris, une thérapie fondée sur la dégradation de l’ARN codant pour cette protéine. Leurs travaux, brevetés, sont publiés le 9 mars 2021 dans Communications Biology.

En biologie moléculaire, la transcription correspond à la copie d’une molécule d’ADN en une molécule d’ARN. Cette molécule d’ARN est ensuite « traduite » en une protéine, qui peut assurer différentes fonctions au sein des cellules de l’organisme. Lorsque qu’une protéine particulière, appelée PMP22, est fabriquée en quantité deux fois plus importante que la normale, elle provoque le développement de la maladie génétique Charcot-Marie Tooth de type 1A. Cette surproduction entraine une paralysie progressive des jambes et des mains.

Tout l’enjeu est donc de réussir à normaliser l’expression de cette protéine chez les personnes atteintes de la maladie de Charcot-Marie Tooth. Pour cela, des scientifiques français1 ont mis au point une thérapie, brevetée2, fondée sur la dégradation de l’ARN codant pour la protéine PMP22. Ils ont utilisé à cette fin d’autres petits ARN capables d’interférer avec un ARN spécifique, ici celui codant pour la PMP22, et de conduire à sa dégradation ou à la diminution de sa traduction en protéine.

La difficulté pour la mise au point de cette thérapie a été de stabiliser ces petits ARN, dit interférents (ou siARN), qui se dégradent très rapidement dans l’environnement biologique. Les chercheuses et chercheurs les ont couplés avec une autre molécule, le squalène, classiquement utilisée en cosmétologie ou en pharmacologie.

Biocompatible, biodégradable et formant dans l’eau des nanoparticules, le squalène protège les siARN de toute dégradation. Il permet également de contrôler la taille des particules formées et la quantité de siARN injectée.

Les scientifiques ont ensuite montré, sur des souris modèles de cette maladie, que l’injection de ces ARN interférents permettait la restitution complète et rapide de l’activité locomotrice et de la force des souris. Les siARN pénètrent dans les nerfs périphériques, renforcent la couche de myéline3 autour de ces nerfs et normalisent la vitesse du signal nerveux. L’effet du traitement perdure trois semaines pour les formes graves et plus de dix semaines pour les formes plus légères de la maladie.

Cette stratégie thérapeutique pour les neuropathies périphériques héréditaires, entièrement mise au point en France, constitue la preuve de concept d’une nouvelle médecine de précision fondée sur la normalisation par siARN de l’expression d’un gène surexprimé. Elle reste à développer chez l’humain avec des études pré-cliniques et cliniques.

 

1 Au laboratoire Maladies et hormones du système nerveux (Inserm/Université Paris-Saclay), au laboratoire Aspects métaboliques et systémiques de l’oncogénèse pour de nouvelles approches thérapeutiques (CNRS/Université Paris-Saclay/Institut Gustave Roussy), à l’Institut Galien Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), au Service de neurologie – centre de référence neuropathies périphériques rares du CHU de Limoges, au Service de neurologie – centre de référence national des neuropathies amyloïdes familiales et autres neuropathies périphériques rares du CHU du Kremlin-Bicêtre (AP-HP/Université Paris-Saclay) et au laboratoire Environmental, toxicity, therapeutic targets, cellular signaling and biomarkers (Inserm/Université de Paris). Ces travaux ont bénéficié du financement de l’ANR dans le cadre du programme Avenir (Labex NanoSaclay, référence ANR-10-LABX-0035).

2 Références : WO/2020/064749, PCT/EP2019/075736

3 La myéline est une couche riche en lipides qui isole les axones des neurones et permet la transmission accrue du signal nerveux. Des dysfonctionnements de la myéline entrainent des maladies du nerf très invalidantes. La protéine PMP22 est présente dans la myéline et elle est essentielle pour le fonctionnement du nerf.

Les cellules cibles du SARS-CoV-2 produisent des molécules antivirales trop tardivement pour empêcher la réplication du virus

Cellules infectées par le SARS-CoV-2

Cellules infectées par le SARS-CoV-2 (marqué en vert). L’échelle de taille correspond à 10µm. © Joe McKellar

 

Les cellules cibles du SARS-CoV-2 dans les voies respiratoires produisent des molécules antivirales suite à l’infection, mais trop tardivement pour empêcher la réplication du virus. C’est le constat que dressent les chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpellier à l’Institut de recherche en Infectiologie de Montpellier. Leurs résultats sont publiés dans la revue Journal of Virology.

Avec son équipe, la chercheuse Inserm Caroline Goujon travaille de longue date sur les virus à l’Institut de Recherche en infectiologie de Montpellier (CNRS/université de Montpellier). Au début de l’épidémie de Covid-19, elle et son collègue Olivier Moncorgé décident de réorienter leurs recherches sur le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 et lancent plusieurs projets dont l’un fondamental, destiné à comprendre la réponse des cellules cibles au moment de l’infection.

Alors que la communauté scientifique continue encore à se poser des questions sur le SARS-CoV-2, bâtir des connaissances sur les phases précoces de l’infection pour comprendre comment le virus pénètre dans l’organisme et comment il peut être bloqué est en effet essentiel.

 

A la recherche des interférons

Dans leur récente étude, les scientifiques décrivent cette réponse des cellules cibles dans l’épithélium respiratoire. Ils ont d’abord mis des cellules d’épithéliums respiratoires au contact du virus et analysé la multiplication de ce dernier dans les heures qui ont suivies. En parallèle, ils ont recherché la présence d’interférons, des molécules antivirales naturellement produites par les cellules en cas d’infection.

Ils ont constaté une augmentation rapide de la charge virale après 48 heures et une production importante de deux types d’interférons (les interférons de type I et de type III) entre 48 et 72 heures après l’infection. La production de ces molécules est classiquement déclenchée par certaines protéines des cellules hôtes – dites protéines sentinelles – car chargées de détecter la présence des virus.

Les chercheurs ont ensuite supprimé les gènes codants les principales protéines sentinelles avec la technique CRISPR-Cas9. Ils ont constaté que l’absence de l’un de ces gènes, MDA-5, empêchait la production des interférons. Cependant, ce phénomène n’avait pas d’impact sur la réplication virale. « Avec ou sans la production de ces interférons, qui ont pourtant pour but de contrecarrer le virus, la réplication virale avait lieu de la même manière dans notre modèle de cellules d’épithélium », clarifie Caroline Goujon.

Pourtant, les travaux de l’équipe et de nombreux autres groupes montrent que la mise en contact des cellules cibles avec ces mêmes interférons dans les heures précédant l’infection réduit énormément la capacité du virus à se répliquer : le taux de réplication est divisé par dix au minimum.

« L’activité antivirale des interférons n’est donc pas à remettre en cause contre le SARS-CoV-2. Leur inefficacité dans notre modèle est due à un problème de « timing ». Leur libération survient trop tard pour bloquer la réplication virale », explique-t-elle. Pour avoir un rôle protecteur et éviter la réplication virale, il semble important que leur production intervienne plus précocement.

 

Ouvrir des pistes de recherche thérapeutique

Ces travaux dessinent par ailleurs de nouvelles perspectives contre les formes sévères de Covid. « Nous savons grâce à des études précédentes que les niveaux d’interférons naturels sont bas chez les patients souffrant de forme grave de Covid-19 par rapport à ceux présentant une pathologie moins sévère. Stimuler précocement la production d’interférons par l’organisme en activant la voie MDA-5 pourrait permettre de limiter le risque de développement de formes sévères chez certains patients », ajoute la chercheuse.

Certaines équipes de recherche ont d’ores et déjà commencé à étudier l’administration précoce d’interférons dans le cadre de plusieurs essais cliniques. Caroline Goujon et ses collègues ont de leur côté entamé la suite du projet : identifier les gènes des cellules cibles dont l’expression est stimulée par l’infection et qui contribuent à freiner la réplication virale avec peut-être à la clé de nouvelles pistes thérapeutiques.

Survivants d’Ebola : des séquelles encore présentes quatre ans après avoir été déclarés guéris

Virus Ebola _NIH

Virus Ebola dans un échantillon de sang du Mali © NIH

Pour la première fois depuis l’apparition du virus Ebola, des survivants ont été suivis pendant 48 mois au sein d’une cohorte, appelée « PostEboGui ». Dans une étude menée par des chercheurs de l’IRD, de l’Inserm, de l’université de Montpellier, du Cerfig et de l’université de Conakry, coordonnée par Eric Delaporte et Abdoulaye Touré, l’équipe de recherche a pu confirmer que, même si les symptômes diminuent significativement dans le temps, de nombreux patients présentent encore des séquelles quatre ans après avoir été déclarés guéris. Ceci démontre qu’après la phase aiguë, la maladie à virus Ebola peut présenter une phase chronique longue, soulignant l’importance d’un suivi régulier et prolongé des survivants. L’analyse met également en lumière une corrélation entre l’âge, les types de symptômes développés pendant la phase aiguë de la maladie et les séquelles à long terme.

Ces travaux ont été publiés dans la revue Clinical Infectious Diseases le 23 février 2021. La cohorte PostEboGui a été financée par la Task Force Ebola France, l’Inserm, REACTing (devenu ANRS | Maladies infectieuses émergentes au 1er janvier 2021) et l’IRD.

Peu après le début de l’épidémie d’Ebola en 2014, l’Inserm a organisé, en partenariat avec l’IRD et le département des maladies infectieuses du CHU de Donka à Conakry, en Guinée, un suivi médical des personnes ayant survécu à l’infection par le virus. La mise en place de cette cohorte nommée « PostEboGui » a permis de suivre un total de 802 survivants d’Ebola. Les résultats de précédents travaux avaient mis en évidence l’existence d’un « syndrome post-Ebola » et l’importance des séquelles de ce virus sur le moyen terme chez 3 survivants sur 4, ainsi que la persistance possible du virus sur le long terme dans le sperme.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé l’évolution de ces séquelles jusqu’à quatre ans après la sortie des patients du Centre de Traitement Ebola (CTE). Ils ont pour cela suivi 722 personnes (enfants et adultes) de la cohorte PostEboGui pendant une durée médiane de 35,7 mois. L’âge médian des patients était de 28,7 ans et 44 % étaient des hommes.

Les résultats révèlent que parmi ces patients, différents symptômes étaient présents chez près d’une personne sur 3, quatre ans après avoir été déclarés guéris (c’est-à-dire que le virus n’était plus détecté dans leur sang) :

– 27,68 % présentaient des symptômes neurologiques (maux de tête, vertiges…),

– 25,35 % présentaient des symptômes généraux (fièvre, fatigue, anorexie),

– 17,08 % présentaient des symptômes abdominaux (douleurs ou gastrites),

– 16,82 % présentaient des symptômes musculo-squelettiques (douleurs au cou, au dos, aux articulations…),

– 6,07 % présentaient des symptômes oculaires (conjonctivites, cataracte…).

En comparaison, deux ans après la sortie du CTE, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 46,30 %, 50,70 %, 26,77 %, 35,34 % et 9,17 %. « La prévalence des symptômes diminuent au fil des années, mais reste étonnamment élevée, traduisant l’existence de formes que l’on pourrait appeler “Ebola long”, voire “très long”, par analogie avec la dénomination utilisée pour la Covid-19 », précise Éric Delaporte.

L’étude de l’incidence des séquelles montre des différences en fonction du sexe ou de l’âge : les enfants sont moins susceptibles que les adultes de déclarer la survenue de problèmes musculo-squelettiques, mais risquent davantage d’avoir des séquelles abdominales. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler l’apparition de symptômes abdominaux et de troubles neurologiques.

« Nous nous sommes aussi intéressés à la durée des épisodes symptomatiques des survivants pendant le suivi, indique Abdoulaye Touré, directeur du Cerfig (lire ci-dessous). Si certains survivants rapportent des épisodes brefs mais récurrents, d’autres décrivent des symptômes qui durent longtemps. » La durée médiane des symptômes ressentis entre 2 et 4 ans après la guérison s’étend de 121 jours pour les séquelles abdominales à 204 jours pour celles neurologiques.

L’équipe de recherche a également mis en évidence une corrélation entre certains symptômes apparus pendant la phase aiguë de la maladie, l’âge et des séquelles à long terme : par exemple, l’âge et les symptômes hémorragiques, neurologiques et généraux ressentis pendant l’infection sont associés de façon significative à l’apparition ultérieure de séquelles oculaires, tandis que les symptômes hémorragiques et abdominaux s’associent à des séquelles musculo-squelettiques.

En améliorant les connaissances sur les conséquences au long cours de l’infection par le virus Ebola, cette étude apporte de nouvelles informations sur la maladie et contribue à l’optimisation de la prise en charge des patients en prenant en compte leurs antécédents et les risques associés à l’apparition de séquelles.

« Les séquelles à long terme peuvent avoir un impact négatif majeur sur la santé, la qualité de vie des survivants et leur aptitude au travail. Nos résultats montrent qu’il est important de continuer à suivre les survivants sur le long terme non seulement pour améliorer leur prise en charge mais aussi pour prévenir d’éventuelles résurgences de virus comme l’illustre actuellement le redémarrage de l’épidémie à partir d’un survivant en République Démocratique du Congo », conclut Eric Delaporte.

 

Le suivi de la cohorte PostEboGui est réalisé au sein du Cerfig (Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée), structure intégrée de recherche et de prise en charge médicale dans le domaine des maladies infectieuses située à Conakry. Ce centre a été financé par la Task Force Ebola France, l’IRD, l’Université de Montpellier et l’Inserm / REACTing (devenu depuis le 1er janvier 2021 ANRS | Maladies infectieuses émergentes), dans une démarche de renforcement des capacités nationales et de préparation au risque d’une nouvelle épidémie.

Inauguré en 2019, le Cerfig est aujourd’hui pleinement opérationnel. La réapparition récente du virus Ebola en Guinée a pu être confirmée rapidement par l’équipe du laboratoire du Dr Alpha Keita, avant d’être déclarée par l’OMS comme une nouvelle épidémie le 14 février 2021.

Une toxine à l’origine de dommages à l’ADN retrouvée chez des patients souffrant d’infections urinaires

 

Bactérie E Coli

« Lors d’une infection urinaire, les bactéries Escherichia coli uropathogènes (leur ADN est marqué en rouge) forment des communautés bactériennes au sein des cellules superficielles de la vessie (le noyau des cellules est marqué en bleu, leur contenu cellulaire en sucre est marqué en vert), ici 6 heures après une infection reproduite chez la souris ». © Inserm/Motta, Jean-Paul/Chagneau, Camille

Les infections urinaires touchent plus de 50 % des femmes, dans certains cas de manière récurrente. La bactérie E. coli est très souvent impliquée dans le développement de ces infections. Pour la première fois, des scientifiques de l’Inserm, du CHU de Toulouse, d’INRAE, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse ont identifié la présence d’une toxine produite par ces bactéries dans les urines de patientes, qui aurait pour effet d’endommager l’ADN des cellules de la vessie. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour affiner la prise en charge des patientes sujettes à infections urinaires récurrentes. L’étude est publiée dans le journal Plos Pathogens le 25 février 2021.

Tous les ans, 150 millions de personnes sont touchées par les infections urinaires. Celles-ci sont plus fréquentes chez les femmes : plus d’une sur deux en connaîtra une au cours de sa vie. Ces infections constituent donc un problème de santé publique majeur, d’autant que la prise d’un traitement antibiotique est souvent nécessaire, favorisant l’émergence d’antibiorésistances.

Les infections urinaires surviennent lorsque la région urogénitale est contaminée par des bactéries issues du microbiote intestinal. Les bactéries Escherichia coli (E. coli) sont ainsi impliquées dans 80 % de ces infections[1] et font l’objet de travaux de recherche menés depuis plusieurs années par Eric Oswald et son équipe à l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRAE/Université de Toulouse III Paul Sabatier/École nationale vétérinaire de Toulouse) dans le cadre d’une collaboration avec plusieurs équipes de recherche de Toulouse.[2]

Les scientifiques s’intéressent notamment aux facteurs de virulence de ces bactéries, c’est-à-dire à leur capacité à infecter ou endommager les tissus de l’hôte. Ils avaient déjà montré que dans certaines conditions, les E. coli présentes dans le tractus intestinal peuvent produire une toxine, la colibactine, qui est associée à un risque accru de cancer colorectal. Dans cette nouvelle étude, l’équipe a analysé les prélèvements urinaires de 223 adultes avec une infection urinaire liée à la présence d’E. coli et prise en charge aux urgences du CHU de Toulouse.

Ils ont ainsi identifié un biomarqueur témoignant de la présence de colibactine produite par les bactéries E. coli dans au moins 25 % des urines collectées. C’est la première fois que cette toxine est identifiée dans le contexte d’une infection urinaire et que des chercheurs apportent une preuve directe de sa production lors d’une infection chez l’Homme.

 

ADN endommagé chez la souris

Pour essayer de mieux comprendre et de caractériser les effets de la colibactine dans le contexte des infections urinaires, les chercheurs se sont tournés vers des modèles animaux. Ils montrent que chez la souris, la toxine est produite lors d’une infection urinaire par E. coli et qu’elle induit des dommages à l’ADN dans les cellules de la muqueuse de la vessie.

« Ces expérimentations nous permettent de sortir d’un cadre très théorique et de montrer que lors d’une infection urinaire, la colibactine peut avoir un effet génotoxique : les dommages causés à l’ADN ne se réparent pas complètement et des mutations génétiques peuvent survenir. Si on ne peut pour le moment que spéculer sur l’impact de ces mutations, il est probable qu’elles soient associées à un risque accru de cancer de la vessie », précise Eric Oswald.

Si ces résultats portant sur des modèles animaux ne peuvent en l’état être appliqués aux humains, le chercheur et son équipe estiment qu’ils pourraient néanmoins inciter à une surveillance plus importante et plus ciblée des personnes sujettes à infections urinaires récurrentes.

Par ailleurs, mieux comprendre les liens entre microbiote intestinal et infections urinaires à répétition est considéré comme une priorité. « On pourrait imaginer mettre en place une prise en charge plus spécifique des patientes souffrant régulièrement d’infections urinaires, avec une recherche systématique des marqueurs de la colibactine dans leurs urines. Et de manière plus proactive, proposer des approches thérapeutiques visant à moduler la composition de leur microbiote intestinal, qui représente le réservoir principal des bactéries E. coli mises en cause dans ces infections urinaires », souligne Eric Oswald.

L’équipe travaille notamment sur plusieurs projets de recherche autour des probiotiques et du réservoir intestinal pour limiter les populations nocives d’E. coli dans le microbiote et favoriser l’émergence de « bonnes bactéries ». Ils ont ainsi breveté avec Inserm-Transfert une souche d’E. coli non pathogène, capable de mener une « guerre biologique » aux souches uropathogènes.

 

[1] On parle alors d’Escherichia coli uropathogènes (UPEC).

[2] En particulier la coordination d’un projet ANR avec comme partenaires la société VibioSphen et une équipe de l’institut travaillant sur le métabolisme du fer.

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