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Les « gènes sauteurs » humains attrapés en pleine action !

©Photo AdobeStock

Tout au long de l’évolution, le génome de la plupart des êtres vivants s’est complexifié grâce aux éléments transposables ou « gènes sauteurs », des fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à un autre sur les chromosomes. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, d’Université Côte d’Azur et de l’Université de Montpellier ont pu capturer ces « gènes sauteurs » juste après leur déplacement et ont croisé leurs observations avec des bases de données déjà existantes. Leurs travaux, à paraître dans Molecular Cell, montrent que l’intégration des « gènes sauteurs » chez l’humain ne se ferait pas au hasard mais serait influencée par certaines propriétés du génome. Ces résultats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives dans l’interprétation des données de séquençage de génome entier.

Les éléments transposables, aussi appelés « gènes sauteurs », sont de petits fragments d’ADN capables de se multiplier et de se déplacer dans les chromosomes de la plupart des organismes vivants. Cette prolifération a été tellement intense chez les mammifères et les primates, qu’ils constituent plus de la moitié de nos chromosomes ! Bien sûr, ils ne sautent pas tous en même temps, dans toutes nos cellules. Parmi toutes les copies présentes dans notre ADN, seule une petite fraction est toujours active. Toutes les autres sont des vestiges moléculaires qui reflètent des millions d’années d’évolution au cours desquelles les insertions néfastes ont été éliminées et celles bénéfiques conservées.

Chez l’humain, les gènes sauteurs les plus actifs sont les rétrotransposons L1. En sautant, ils peuvent altérer ou détruire des gènes et provoquer l’apparition de maladies génétiques comme des hémophilies ou des dystrophies musculaires. Les rétrotransposons L1 sont aussi particulièrement actifs dans certaines formes de cancers, et pourraient être impliqués dans le vieillissement cellulaire ou dans certaines maladies mentales.

Les rétrotransposons L1 ciblent-ils des régions chromosomiques spécifiques ou s’insèrent-ils au hasard ? Les équipes de Gaël Cristofari et Simona Saccani, directeurs de recherche à l’Inserm au sein de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement de Nice – Ircan (Inserm, CNRS, Université Côte d’Azur), et leurs collaborateurs à l’Université de Montpellier, sont parvenus, grâce à une technique de séquençage du génome dite « à haut débit », à capturer ces gènes sauteurs en pleine action juste après qu’ils aient sauté à une nouvelle position. En croisant leurs observations avec des banques de données génomiques et épigénomiques, les chercheurs ont identifié les caractéristiques du génome qui influencent l’intégration des rétrotransposons L1, la plus notable étant la réplication de l’ADN, ainsi que le rôle prépondérant des phénomènes de sélection naturelle après intégration.

« Jusqu’à présent, on savait que les rétrotransposons L1 ont tendance à s’accumuler dans certaines régions de nos chromosomes, notamment l’hétérochromatine. Mais on ne savait pas si cela reflète une attraction particulière pour ces régions, ou s’ils sont uniquement tolérés dans ces régions et éliminés ailleurs par sélection naturelle. Lorsqu’on sait où ils sautent et les copies qui sont conservées au cours de l’évolution, on peut découvrir – en négatif – les régions où ils peuvent faire des dommages », explique Gaël Cristofari.

Ces résultats permettent de mieux comprendre comment les gènes sauteurs peuvent provoquer des mutations chez l’humain et contribuent à l’évolution de notre patrimoine génétique. Ils pourront être utiles à l’avenir pour interpréter les données de séquençage de génome entier, notamment en médecine personnalisée ou dans les grands programmes de séquençage.

Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier de la Fondation pour la recherche médicale, du Cancéropôle PACA, du Conseil européen de la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du Labex Signalife, du Groupement de recherche sur les éléments transposables (CNRS, GDR 3546), du FHU OncoAge, et du programme européen Erasmus Mundus Mobility with Asia.

A l’origine de l’asymétrie, une protéine qui donne le tournis

Doigt de migration cellulaire précédé par une cellule leader. En bleu, les noyaux des cellules, en vert, l’actine, en rouge, la myosine. Le câble pluricellulaire d’acto-myosine est bien visible sur les bords du doigt. ©Inserm/Cochet-Escartin, Olivier, 2014

L’asymétrie joue un rôle majeur en biologie, à toutes les échelles : enroulement en spirale de l’ADN, cœur positionné à gauche, préférence pour la main gauche ou la droite… Une équipe de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur), en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, a montré qu’une unique protéine induit le mouvement en spirale d’une autre molécule puis, par effet domino, la torsion des cellules, des organes et du corps entier, jusqu’à déclencher un comportement latéralisé. Ces travaux sont publiés dans la revue Science le 23 novembre 2018.

Notre monde est fondamentalement asymétrique : enroulement de la double hélice d’ADN, division asymétrique des cellules souches, localisation du cœur humain à gauche… Mais comment émergent ces asymétries et sont-elles liées les unes aux autres ?

À l’Institut de biologie Valrose l’équipe du chercheur CNRS Stéphane Noselli comprenant aussi des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Cote d’Azur étudie depuis plusieurs années l’asymétrie droite-gauche afin de résoudre ces énigmes. Ces biologistes avaient identifié le premier gène contrôlant cette asymétrie chez la mouche du vinaigre (drosophile), l’un des organismes modèles préférés des biologistes. Plus récemment, l’équipe a montré que ce gène joue le même rôle chez les vertébrés : la protéine qu’il produit, la myosine 1D[1], contrôle l’enroulement ou la rotation des organes dans le même sens.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont induit la production de myosine 1D dans des organes normalement symétriques de la drosophile, comme les trachées respiratoires. De façon spectaculaire, cela a suffi à induire une asymétrie à tous les niveaux : cellules déformées, trachées s’enroulant sur elles-mêmes, organisme entier torsadé, et comportement de nage hélicoïdale des larves de mouches. Chose remarquable, ces nouvelles asymétries se développent toujours dans le même sens.

Afin d’identifier l’origine de ces effets en cascade, des biochimistes de l’université de Pennsylvanie ont apporté leur concours : ils ont mis en présence, sur une lame de verre, la myosine 1D et un composant du « squelette » des cellules, l’actine. Ils ont alors pu constater que l’interaction des deux protéines entraine un mouvement en spirale de l’actine.

Outre son rôle dans l’asymétrie droite-gauche chez la drosophile et les vertébrés, la myosine 1D apparaît donc comme une protéine unique capable à elle seule d’induire l’asymétrie à toutes les échelles, d’abord au niveau moléculaire, puis, par effet domino, cellulaire, tissulaire et comportemental.

Ces résultats suggèrent un mécanisme possible d’apparition soudaine de nouveaux caractères morphologiques au cours de l’évolution, comme par exemple la torsion du corps des escargots. La myosine 1D aurait toutes les caractéristiques requises pour l’émergence de cette innovation, puisque son expression suffit à elle seule à induire la torsion à toutes les échelles.

[1] Les myosines sont une classe de protéines qui interagissent avec l’actine (constituant du squelette des cellules ou cytosquelette). La plus connue d’entre elles, la myosine musculaire, est responsable de la contraction musculaire.

Pandoravirus : des virus géants qui inventent leurs propres gènes

Pandoravirus quercus, trouvé à Marseille. Coupe fine visualisée en microscopie électronique. Barre d’échelle : 100 nm. ©IGS- CNRS/AMU.

La famille de virus géants pandoravirus s’enrichit de trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/AixMarseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université GrenobleAlpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de l’évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de l’arbre de la vie !

 

En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire[1]. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes[2]. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme[3] et atypique – posait aussi la question de leur origine. 

La même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun…

De plus, ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes orphelins, c’est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans le reste du monde vivant (c’était déjà le cas pour les deux premiers pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur de tous les débats sur l’origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné les chercheurs, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille !

Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique.  

Si elle est avérée, cette hypothèse révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution.

[1] Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : https://www2.cnrs.fr/presse/communique/3173.htm 

[2] Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux, contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les archées.

[3] Jusqu’à 2,7 millions de bases.

Voir aussi « Behind the paper: Giant pandoraviruses create their own genes » sur le blog natureecoevocommunity.nature.com 

Ces recherches ont bénéficié, entre autres, d’un financement de la Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix « Coup d’élan pour la recherche française ».

Diminuer l’apport en protéines dans l’alimentation pour mieux combattre les tumeurs

©Brooke Lark on Unsplash

Et si l’efficacité du système immunitaire contre les cellules cancéreuses pouvait être renforcée par un régime alimentaire sans réduction calorique mais avec des nutriments précisément dosés ? C’est sur cette question que se sont penchés des chercheurs de l’Inserm de l’Université Côte d’Azur, à travers l’étude des effets de régimes alimentaires restrictifs, sur la croissance tumorale chez la souris. Ils ont observé qu’un régime diminué en protéines, permettait de limiter le développement des tumeurs par accroissement de la réponse immunitaire.  Les résultats, à paraître dans Cell metabolism, s’avèrent prometteurs pour la compréhension de l’immunité anti-tumorale chez la souris et ouvrent la voie à de nouvelles études chez l’homme.

Si le jeûne a acquis une récente popularité dans la prévention de l’occurrence de cancers, dans le renforcement de la chimiothérapie et dans la prolongation de l’espérance de vie chez les patients atteints de tumeurs, aucune preuve scientifique solide ne vient à ce jour étayer l’efficacité de cette pratique. Les essais cliniques sont en réalité quasi inexistants chez l’homme et les résultats obtenus à partir de modèles animaux sont très débattus. Une réduction calorique prolongée peut en outre s’avérer être un facteur aggravant de la dénutrition et de la perte de masse musculaire (sarcopénie) fréquemment associées aux chimiothérapies.

Une équipe de l’Inserm au sein de l’Université Côte d’Azur s’est intéressée à l’hypothèse selon laquelle une modulation de l’apport en macronutriments (glucides, lipides et protéines), plutôt que de l’apport calorique, pouvait avoir un impact restrictif sur la croissance tumorale. Les chercheurs ont comparé l’effet sur la croissance des tumeurs chez la souris de plusieurs régimes alimentaires, plus ou moins appauvris en glucides ou en protéines, mais de même apport calorique. Les résultats ont montré qu’un régime appauvri en protéines mais pas en glucides avait un impact positif sur la limitation de la croissance tumorale et l’allongement de la durée de vie des souris.

L’analyse du contenu cellulaire des tumeurs des souris sous régime appauvri en protéines, a montré une quantité accrue et une activité plus intense des cellules anti-tumorales spécifiques du système immunitaire.

Les chercheurs ont constatés que la limitation de la croissance tumorale était due non pas à une inhibition de la prolifération des cellules cancéreuses comme on pouvait le croire, mais à un accroissement de l’efficacité de la réponse immunitaire, aussi appelée immunosurveillance, pour détruire les cellules cancéreuses.

En se penchant sur les mécanismes moléculaires liés à ce phénomène, les chercheurs ont constaté que ce renforcement de l’immunosurveillance était lié à la sécrétion par les cellules tumorales de protéines d’alerte du système immunitaire : les cytokines. Selon l’étude, la diminution en protéines dans le régime alimentaire rendrait insuffisante la quantité disponible de certains acides aminés (constituants des protéines) auxquels les cellules cancéreuses sont très sensibles. Une diminution de l’accès aux acides aminés provoquerait un stress chez les cellules tumorales, qui libèreraient alors des cytokines, activant ainsi une forte réponse immunitaire au niveau de la tumeur.

Si ces résultats chez la souris sont prometteurs pour la compréhension des mécanismes d’activation de l’immunosurveillance anti-tumorale,  plusieurs inconnues majeures demeurent à l’étude : une définition précise de la restriction protéique nécessaire et suffisante pour que le régime soit efficace, l’identification des acides aminés impliqués dans le stress des cellules tumorales et la transposabilité des résultats chez l’homme, dont l’immunosurveillance et le métabolisme présentent des différences notables avec ceux de la souris. Les études cliniques en cours chez l’homme doivent enfin tenir compte de la difficulté à imposer un régime alimentaire aussi rigoureux sur une longue durée chez des patients.

La flunarizine, nouveau candidat médicament dans le traitement de l’amyotrophie spinale

©Adobestock

Une équipe de chercheurs de l’Inserm (INSERM UMR 1124 « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire ») et des universités Paris Descartes et Paris Diderot, vient de découvrir qu’un médicament déjà utilisé contre la migraine et l’épilepsie, la flunarizine, permet de réparer un défaut moléculaire lié à l’amyotrophie spinale, maladie grave et incurable. Ce travail est l’aboutissement de recherches menées depuis 1995, lorsque l’équipe Inserm à laquelle appartenait Suzie Lefebvre, directrice des travaux publiés aujourd’hui, est parvenue à identifier le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. Les résultats des premiers essais chez l’animal, parus dans Scientific Reports, se révèlent extrêmement prometteurs avec une nette amélioration de l’état de santé. Ils doivent maintenant se confirmer chez l’homme. 

L’amyotrophie spinale est une maladie rare d’origine génétique. Elle touche 1 à 9 individus pour 100.000. Elle est due à une dégénérescence des motoneurones dans la moelle épinière qui entraine une perte musculaire progressive. Les symptômes apparaissent le plus souvent après la naissance, avec l’impossibilité d’acquérir le port de tête; ou un peu plus tard dans la petite enfance, avec l’impossibilité de marcher. Plus rarement, les symptômes apparaissent à l’adolescence avec des troubles musculaires importants mais compatibles avec une vie à peu près normale.

La maladie est causée par une mutation sur le gène SMN1 qui entraine un déficit en protéine SMN. C’est alors le gène SMN2, quasiment identique, qui prend le relai mais il produit en majorité une protéine SMN tronquée peu fonctionnelle.

 

Un problème d’adressage de la protéine SMN

Chez les individus sains, la protéine SMN est attirée dans des structures du noyau de la cellule appelées corps de Cajal. Y sont formés de petits ARN non codants, impliqués dans une étape de maturation des ARN messagers (l’épissage),  précurseurs des protéines. Dans l’amyotrophie spinale, les protéines SMN tronquées ne parviennent pas à rejoindre les corps de Cajal, ces derniers fonctionnent mal et la fabrication des petits ARN non codants est altérée. Ainsi, de nombreux ARN messagers présentent des problèmes de maturation et aboutissent à des protéines anormales ou déficientes et cela dans tous les tissus.

Pour tenter de restaurer ce mécanisme chez les malades, les chercheurs ont testé des molécules à visée thérapeutique in vitro, sur des cellules issues de patients atteints de la forme sévère de la maladie. L’objectif était d’en trouver une ou plusieurs capables de réacheminer les protéines SMN vers les corps de Cajal pour qu’ils retrouvent leur fonctionnalité.

 

La flunarizine efficace sur des cellules provenant de différents patients

Une seule molécule a démontré un effet sur un grand nombre de cellules de patients différents : la flunarizine, déjà utilisée dans le traitement de la migraine et de l’épilepsie. Dans un second temps, des souris malades ont été traitées dès la naissance avec cette molécule, à raison d’une injection par jour au niveau de la moelle épinière. L’espérance de vie des animaux traités a augmenté de 40% en moyenne, passant de 11 à 16 jours et même jusqu’à 36 jours pour l’un de sujets. L’analyse des motoneurones et des muscles montre qu’ils sont préservés plus longtemps chez les animaux traités. « La molécule présente un effet neuroprotecteur important bien que l’on ne se sache pas encore expliquer pourquoi », déclare Suzie Lefebvre, responsable de ces travaux et membre de l’équipe ayant découvert en 1995 le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. En outre, son équipe a constaté que  la flunarizine permettait de rétablir le fonctionnement des petits ARN non codants fabriqués dans les corps de Cajal pour la maturation des ARN messagers.

 

Des résultats à confirmer chez l’homme

Reste à tester la flunarizine chez l’homme mais cette étape se heurte à la difficulté de recruter des patients dans le cadre d’une maladie rare. En outre, la plupart d’entre eux sont déjà inclus dans un essai clinique d’évaluation d’un médicament de nouvelle génération ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché en décembre 2016 et ne peuvent donc pas être mobilisés pour un second essai. A terme, les deux approches thérapeutiques qui ciblent des mécanismes différents, pourraient tout à fait devenir complémentaires pour favoriser la survie et la qualité de vie des patients.

Des objets 3D d’une précision inégalée obtenus à partir d’ADN

C’est une petite révolution dans le domaine des nanotechnologies, un chercheur de l’Inserm[1] avec l’Université d’Harvard a réussi à créer des motifs en 3D d’un niveau de sophistication jamais obtenu et ce, grâce aux quatre bases de l’ADN : A, T, C et G. En pratique, ces chercheurs sont capables de créer des objets nanoscopiques (10-9 m) à partir de 30 000 séquences d’ADN qui vont s’auto assembler et se replier à la manière de briques LEGO®. A la clé, la fabrication de nouveaux outils adaptés à la taille de nos cellules. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature.

Les nanotechnologies représentent un domaine scientifique en pleine expansion notamment quand il s’agit de créer des matériaux avec des propriétés de plus en plus spécifiques. C’est le cas des nanotubes de carbone, par exemple, qui sont très solides tout en étant légers et dont les conductivités thermique et électrique sont très importantes. Mais, il existe un champ de recherche un peu moins connu : celui des nanotechnologies à base d’ADN. Elles ont pour objectif de modeler la matière vivante afin de pouvoir l’utiliser comme outil thérapeutique à une échelle compatible avec celle de la cellule humaine. Toutefois, cette technologie dites des  briques LEGO® à ADN, apparue en 2012 se heurtait encore à un obstacle : programmer suffisamment de séquences d’ADN pour créer des objets de plus en plus complexes.

Dans ce travail publié dans Nature, les chercheurs ont franchi un cap. Leurs objets sont fabriqués suivant la méthode des briques LEGO® à partir d’un million de bases d’ADN, une taille comparable à celle du génome d’une bactérie, alors que jusqu’à présent, les objets créés étaient composés d’un millier de bases seulement.

Alors comment ça marche ?

Cela repose sur l’existence de briques, telles celles des légos®, composées chacune de 52 bases d’ADN. Une des propriétés de l’ADN repose sur le fait que les bases nucléiques d’un brin d’ADN (A, T, C ou G) peuvent interagir avec celles d’un autre brin en s’appariant toujours de la même façon. La base A avec la T et la base C avec la G. Comme les légos®, toutes ces unités ont la même forme générale mais l’ordre des 52 bases à l’intérieur détermine quelles sont les briques qui vont pouvoir s’accoler entre elles et à quel niveau.

Il suffit ensuite de choisir la forme que l’on veut créer en la dessinant ou en la choisissant dans une base de motifs 3D (cube, ours, lapin, Möbius). Puis, chaque “voxel”[2] du dessin est traduit en brique d’ADN via un programme informatique conçu par les chercheurs et baptisé Nanobricks. “Nanobricks “code” l’ADN en indiquant à l’avance l’ordre des 52 bases de chaque brique qui seront utilisées par la suite. Cette étape détermine la manière dont les 30 000 motifs initiaux vont s’emboiter les uns aux autres pour qu’une seule structure 3D finale ne soit possible,” explique Gaétan Bellot, chercheur à l’Inserm et co-auteur de ces travaux.

Une fois ces étapes informatiques passées, les 30 000 séquences sont synthétisées en laboratoire puis mélangées dans un tube. Une première étape de dénaturation est réalisée à une température de 80°C où les 30 000 séquences d’ADN sont complètement déstructurées. Dans une seconde étape, le mélange est refroidit progressivement à 25°C au rythme de 0,5°C/heure, étape à laquelle l’auto assemblage s’effectue. Les molécules se replient spontanément et prennent une forme finale conforme au modèle 3D désiré. Dans cet article, 13 objets différents ont été réalisées par les chercheurs.

Pour réussir à faire des objets à partir de 30 000 séquences, il a fallu augmenter la diversité de séquences des briques d’ADN. En explorant différente taille de briques, les équipes de recherche ont pu définir une taille de brique optimale (52 bases) qui permet à la fois de conserver une géométrie 3D similaire à une brique LEGO et d’augmenter la diversité de brique unique à 67 millions.

Ainsi, avec une plus grande diversité de briques unitaires, le niveau de sophistication des objets est plus important. Les chercheurs ont réussi à créer des objets possédant des cavités. Ce degré de précision est nécessaire pour réussir à concevoir des outils qui s’avèreront utiles et efficaces. “Avec une clé vous allez ouvrir une voiture, avec un outil ADN vous allez, par exemple, pouvoir construire une capsule dans laquelle vous pourrez introduire un médicament. Et si cet objet possède plusieurs cavités, vous allez pouvoir créer une réaction biologique en chaîne en fonction des produits présents dans chaque cavité. En s’inspirant du vivant, cette approche permettra de reproduire à l’échelle du nanomètre des solutions et inventions qui y sont produites après des millions d’années d’évolution”, explique Gaëtan Bellot.

Cette méthode présente deux avantages. Le 1er, c’est que, contrairement aux processus d’assemblages industriels comme une chaîne de montage de voitures, cette technologie compresse toutes les étapes en une seule. C’est comme s’il suffisait de mettre les différents morceaux d’une voiture en présence les uns des autres pour qu’ils s’assemblent seuls. Le second c’est la rapidité, 30 000 pièces s’auto-assemblent en quelques heures en un objet dupliqué à un milliard d’exemplaires dans un même tube.

Contrairement aux nanotubes de carbones, les nanotechnologies à base d’ADN sont biocompatibles et peuvent être rapidement éliminées dans le corps humain ou dans l’environnement. Toutefois, même si les molécules d’ADN utilisées sont synthétiques et de fait non actives biologiquement, on ne peut pas exclure une interaction potentielle avec l’ADN présent dans les organismes vivants.


[1] De l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier)

[2] Un voxel : contraction des mots “volume” et “élément ” est un pixel en 3D

L’origine du syndrome des cheveux incoiffables identifiée

Surprised disheveled preschooler girl with long hair

(c) Fotolia

En 1973, le syndrome rare des cheveux incoiffables ou « pili trianguli et canaliculi », a été décrit par un dermatologue toulousain. Plus de 40 ans plus tard, Michel Simon, directeur de recherche Inserm et ses collaborateurs de l’Unité différenciation épidermique et autoimmunité rhumatoïde” (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) en ont identifié la cause génétique. Ces résultats sont publiés dans la revue The American Journal of Human Genetics.

 

Le syndrome des cheveux incoiffables est une maladie rare des cheveux dont la prévalence est mal connue. Elle débute généralement pendant l’enfance entre 3 mois et 12 ans. Secs et désordonnés, les cheveux des enfants atteints deviennent progressivement blond argenté ou couleur paille. Les cheveux se dressent sur le cuir chevelu et poussent dans tous les sens. Il est impossible de les coiffer ou de les aplatir avec un peigne. En détail, l’analyse microscopique à balayage révèle une gouttière longitudinale sur toute leur longueur, avec une section triangulaire ou réniforme. Ce syndrome n’est toutefois pas invalidant et connaît une amélioration spontanée à la fin de l’enfance.

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Les chercheurs, en collaboration avec une équipe de l’Institut de génétique humaine de l’Université de Bonn et des médecins dermatologues ou généticiens de 7 pays différents, ont découvert que la maladie est due à des mutations récessives d’un trio de gènes qui concourent à la formation du cheveu : le gène codant pour un de ses composants structuraux, la trichohyaline (TCHH) ; ou deux gènes à l’origine d’enzymes qui la prennent pour cible à tour de rôle : la peptidyl-arginine désiminase 3 (PAD3) et la transglutaminase 3 (TGase3).

Par ailleurs, les chercheurs ont également montré, chez la souris, que l’inactivation du gène Pad3 altère la forme du pelage et des moustaches des animaux, comme cela avait déjà été rapporté concernant des souris dépourvues de TGase3.

En conclusion, l’absence de TCHH ou le défaut de la cascade biochimique qui aboutit à la rigidification de la tige pilaire sont responsables des anomalies de la formation du cheveu caractéristiques du syndrome des cheveux incoiffables ou « pili trianguli et canaliculi ».

“Ces résultats, en plus de décrire l’origine moléculaire de la maladie et de permettre un meilleur diagnostic, apportent de nouvelles connaissances sur le cheveu et les mécanismes de sa formation” conclut Michel Simon, directeur de recherche à l’Inserm.

Pour en savoir plus

Bien qu’extrêmement rare, le syndrome est connu depuis longtemps. Il a acquis sa notoriété par le célèbre personnage littéraire « Struwwelpeter » (Pierre L’ébouriffé) créé en 1845 par l’auteur d’histoires pour enfants Heinrich Hoffmann. Le livre a été traduit par la suite en anglais par Mark Twain dans « Slovenly Peter ». Bien qu’il ne l’ait jamais dit, on peut même penser que le réalisateur Tim Burton s’en est inspiré pour son film Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands).

Les gènes sauteurs : tous coupables ?

Les éléments transposables, aussi appelés “gènes sauteurs”, sont des fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à un autre sur les chromosomes. Ils ont envahi le génome de la plupart des organismes vivants, des bactéries aux humains, en passant par les plantes. Lorsqu’ils sautent, ils provoquent des modifications complexes des gènes près desquels ou dans lesquels ils s’insèrent, ce qui peut modifier ou abolir leur fonction. Ce phénomène contribue à l’évolution et à l’adaptation des espèces.

Cependant, à plus court terme, les “gènes sauteurs” peuvent avoir des effets néfastes. Chez l’Homme, la seule famille actuellement active, les rétrotransposons de type LINE-1, est à l’origine de nouveaux cas de maladies génétiques, comme des hémophilies ou des dystrophies musculaires. C’est pourquoi leur activité est normalement strictement contrôlée. Cependant, dans près de la moitié des cancers épithéliaux, ils parviennent à échapper aux nombreux mécanismes de défense cellulaires qui protègent notre ADN, et ils sautent activement contribuant à l’émergence et à la progression des cancers. D’ailleurs de nombreuses études les utilisent comme biomarqueurs tumoraux à des fins diagnostiques ou pronostiques.

DNA Structure 

©fotolia

L’une des difficultés majeures soulevée par l’étude des “gènes sauteurs” est liée à leur nature extrêmement répétée. Notre ADN en contient des centaines de milliers de copies  presque identiques entre elles, et chaque individu possède des centaines de copies non répertoriées dans la carte de référence du génome humain. Aussi, jusqu’à présent, il était impossible de savoir si l’activation des “gènes sauteurs” résultait d’un dérèglement général conduisant à une mobilisation massive de toutes les copies, ou si, au contraire, seul un petit nombre d’entre elles parvenaient à échapper aux contrôles de protection. Grâce à une nouvelle approche, publiée dans la revue eLife, et intégrant séquençage à haut-débit, génomique, épigénomique et bioinformatique, l’équipe de Gaël Cristofari, chargé de recherche à l’Inserm, et ses collaborateurs de l’Unité 1081 “Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice (IRCAN)”, sont parvenus à mesurer l’activité des “gènes sauteurs” dans des cellules normales ou cancéreuses à une résolution inégalée.

D’après leurs résultats, seul un petit nombre de copies seraient réellement coupables : celles situées dans des régions permissives de nos chromosomes.  Or ces régions seraient différentes selon les types cellulaires. Qui plus est, toutes ces copies actives ne sont pas présentes chez tous les individus !

La notion importante ici, c’est que le petit groupe de LINE-1 qui échappe au contrôle est différent d’un type cellulaire à un autre: dans certains cancers, tel groupe est important, dans un autre type de cancer, ce sera un autre groupe de copies. Cette observation suggère qu’il y a derrière chaque groupe de LINE-1 un mécanisme et des signaux qui sont propres à un type d’organe ou de tissu particulier.” explique Gaël Cristofari.

Ces résultats permettent de mieux comprendre comment de nouvelles mutations peuvent apparaître, suggèrent l’existence de facteurs génétiques derrière ce phénomène, et apportent des données nouvelles pour utiliser de façon rationnelle les rétrotransposons LINE-1 comme biomarqueurs en cancérologie en se focalisant sur les copies actives dans un type cellulaire donné.

 

Ces travaux ont été rendus possibles grâce, notamment, au support financier de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, de la Fondation pour la Recherche Médicale, du Cancéropôle PACA, du Conseil Européen de la Recherche, de l’Agence Nationale de la Recherche (Labex Signalife), et du Groupement de Recherche sur les Eléments Transposable (CNRS, GDR 3546).

Les dessous de “l’effet cocktail” des perturbateurs endocriniens révélés

Des substances chimiques, qui prises isolément, sont sans danger pour l’Homme, peuvent devenir nocives lorsqu’elles sont mélangées. Trois équipes de recherche associant des chercheurs de l’Inserm et du CNRS [1] à Montpellier ont élucidé in vitro un mécanisme moléculaire qui pourrait contribuer à ce phénomène connu sous le nom « d’effet cocktail ». Cette étude est publiée dans la revue Nature Communications.

Nous sommes quotidiennement exposés à de multiples composés exogènes tels que des polluants environnementaux, des médicaments ou des substances provenant de notre alimentation. Certaines de ces molécules, appelées perturbateurs endocriniens, sont fortement suspectées d’interagir inopportunément avec des protéines régulatrices de nos cellules et d’induire de nombreux troubles physiologiques ou métaboliques (cancers, obésité, diabète, …). Par ailleurs, la combinaison de ces molécules dans les mélanges complexes avec lesquels nous sommes généralement en contact pourrait exacerber leur toxicité.

Dans un article à paraitre dans Nature Communications, les chercheurs dévoilent un mécanisme qui pourrait contribuer à cet effet de mélange pour lequel aucune explication rationnelle n’avait pour l’instant été apportée. Ils montrent que certains estrogènes comme l’éthinylestradiol (un des composants actifs des pilules contraceptives) et des pesticides organochlorés tels que le trans-nonachlor, bien que très faiblement actifs par eux-mêmes, ont la capacité de se fixer simultanément à un récepteur situé dans le noyau des cellules et de l’activer de façon synergique.

Les analyses à l’échelle moléculaire indiquent que les deux composés se lient coopérativement au récepteur, c’est-à-dire que la fixation du premier favorise la liaison du second.

Cette coopérativité est due à de fortes interactions au niveau du site de liaison du récepteur, de sorte que le mélange binaire induit un effet toxique à des concentrations largement plus faibles que les molécules individuelles.

Ces résultats obtenus in vitro constituent une preuve de concept qui ouvre la voie à un large champ d’études. Il existe effectivement dans notre environnement environ 150 000 composés dont l’action combinée pourrait avoir des effets inattendus sur la santé humaine au regard de leur innocuité reconnue ou supposée en tant que substances isolées. Si ces travaux sont confirmés in vivo, des retombées importantes sont attendues dans les domaines de la perturbation endocrinienne, la toxicologie et l’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits chimiques.


Séparément, l’éthinylestradiol (EE2) et le trans-nonachlor (TNC) se lient seulement à forte concentration au récepteur des xénobiotiques (PXR) et sont des activateurs faibles de ce récepteur. Lorsqu’ils sont utilisés ensemble, les deux composés se stabilisent mutuellement dans la poche de liaison du récepteur. Le « ligand supramoléculaire » ainsi créé possède une affinité augmentée pour PXR, de sorte qu’il est capable d’induire un effet toxique à des doses auxquelles chaque composé est inactif individuellement. © Vanessa Delfosse, William Bourguet

[1]  Centre de Biochimie Structurale (CNRS UMR5048 – Inserm U1054), de l’Institut de Recherche en Cancérologie (Inserm U1194) et de l’Institut de Génomique Fonctionnelle (CNRS UMR5203 – Inserm U661)

Des bactéries intelligentes pour détecter les maladies

Un pas de plus vient d’être franchi dans le domaine de la biologie synthétique. Des équipes de chercheurs de l’Inserm et du CNRS de Montpellier, associées au CHRU de Montpellier et à luniversité de Stanford ont transformé des bactéries en espions détecteurs” capables de signaler une pathologie sur la simple présence dans lurine ou le sang de molécules caractéristiques. Pour réaliser cette prouesse, les chercheurs ont introduit l’équivalent d’un programme informatique dans l’ADN des cellules. Les bactéries ainsi programmées détectent notamment la présence anormale de glucose dans les urines de patients diabétiques. Ces travaux publiés dans la revue Science Translational Medicine marquent les premiers pas de lutilisation de cellules programmables pour le diagnostic médical.



Les bactéries ont mauvaise réputation et sont souvent considérées comme nos ennemis causant de nombreuses maladies comme la tuberculose ou le choléra. Cependant, elles peuvent aussi être des alliées comme en témoignent les travaux de plus en plus nombreux sur notre flore bactérienne, ou microbiote, qui joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’organisme. Depuis l’avènement des biotechnologies, les chercheurs ont modifié des bactéries pour produire des molécules thérapeutiques ou des antibiotiques. Dans ce nouveau travail, elles deviennent un véritable outil de diagnostic.

Le diagnostic in vitro est basé sur la présence dans les liquides physiologiques (sang, urine par exemple) de molécules caractéristiques d’une pathologie donnée. Du fait de sa non-invasivité et facilité d’usage, le diagnostic in vitro est un enjeu majeur pour la détection précoce des maladies ainsi que pour leur suivi. Cependant, les tests in vitro sont parfois complexes et nécessitent des technologies sophistiquées souvent uniquement disponibles dans les centres hospitaliers.

C’est à ce stade que les systèmes biologiques entrent en jeu. Les cellules vivantes sont de véritables nano-machines capables de détecter et traiter de nombreux signaux et d’y répondre. Elles représentent donc des candidats évidents pour le développement de nouveaux tests diagnostiques puissants. Encore faut-il leur fournir le “programme” adéquat pour réussir à leur faire accomplir les tâches souhaitées.

Pour cela, l’équipe de Jérôme Bonnet au Centre de Biochimie Structurale de Montpellier (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) a eu l’idée d’utiliser des concepts de biologie synthétique[1] dérivés de l’électronique pour construire des systèmes génétiques permettant de “programmer” les cellules vivantes à la manière d’un ordinateur.

Le transcriptor : pièce maitresse de la programmation génétique

Le transistor est l’élément central des systèmes électroniques modernes. Il joue à la fois le rôle d’interrupteur et d’amplificateur de signal. En informatique, en combinant plusieurs transistors, il est possible de construire des “portes logiques”, c’est à dire des systèmes répondant à différentes combinaisons de signaux selon une logique prédéterminée. Par exemple une porte logique “ET” à deux entrées produira un signal uniquement si deux signaux entrant sont présents. Tous les calculs effectués par les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, comme les smartphones, reposent sur l’utilisation de transistors et des “portes logiques”.

Lors de son séjour postdoctoral à l’université de Stanford aux Etats-Unis, Jérôme Bonnet a inventé un transistor génétique, le transcriptor.

L’insertion d’un ou plusieurs transcriptors dans les bactéries les transforme en calculateurs microscopiques. Les signaux électriques utilisés en électronique sont remplacés par des signaux moléculaires contrôlant l’expression génétique. Ainsi, il est à présent possible d’implanter dans les cellules vivantes des “programmes” génétiques simples en réponse à différentes combinaisons de molécules[2].

Dans ce nouveau travail, les équipes de Jérôme Bonnet (CBS, Inserm U1054, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au professeur Eric Renard (CHRU de Montpellier) et de Drew Endy (Université de Stanford) ont appliqué cette nouvelle technologie à la détection de signaux pathologiques dans des échantillons cliniques.

Les échantillons cliniques sont des milieux complexes dans lesquels la détection de signaux est difficile. Les auteurs ont utilisé les capacités d’amplification du transcriptor pour détecter des marqueurs pathologiques présents même en très petite quantité. Ils ont aussi réussi à stocker plusieurs mois le résultat du test dans l’ADN des bactéries.

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Figure 1: Principe de l’utilisation de bactéries modifiées pour le diagnostic médical. ©J. Bonnet/ Inserm.

Les cellules deviennent ainsi capables de réaliser différentes opérations en fonction de la présence de plusieurs marqueurs, ouvrant la voie à des tests diagnostiques plus précis reposant sur la détection de “signatures” moléculaires.

Nous avons standardisé notre méthode puis confirmé la robustesse de nos systèmes bactériens synthétiques dans les échantillons cliniques. Nous avons aussi mis au point une technique rapide pour connecter le transcriptor à de nouveaux systèmes de détection. Tout ceci devrait faciliter la réutilisation de notre système précise Alexis Courbet, étudiant en thèse et premier auteur de l’article.

Les auteurs ont connecté au transistor génétique un système bactérien répondant au glucose et détecté la présence anormale de glucose dans les urines de patients diabétiques.

Nous avons déposé les éléments génétiques utilisés dans ce travail dans le domaine public pour permettre leur libre réutilisation par dautres chercheurs publics ou privés[3]” précise Jérôme Bonnet.

Nos travaux se concentrent à présent sur lingénierie de systèmes génétiques artificiels pouvant être modifiés à la demande pour détecter différentes molécules marqueurs de maladie ajoute-t-il. Dans le futur, ces travaux pourraient aussi être appliqués à l’ingénierie de la flore microbienne pour le traitement de diverses pathologies, notamment les maladies intestinales.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’Inserm, du CNRS, du Centre Stanford-France pour la recherche interdisciplinaire, de l’université de Stanford. Jérôme Bonnet est lauréat du programme Atip-Avenir, et est soutenu par la fondation Bettencourt-Schueller.

[1] Disponible sur : https://biobricks.org/bpa/

[2] Bonnet et al. Science, 2013

[3] Qui vise à l’ingénierie rationnelle de systèmes et fonctions biologiques artificiels

 

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