Menu

Des techniques synchrotrons révèlent l’action d’une molécule métallo-organique dans des cellules d’une forme agressive du cancer du sein

Cartographie par fluorescence excitée par rayonnement synchrotron de la distribution du potassium, élément physiologique essentiel de la cellule (K, rose) et, de  l’osmium (Os, vert), élément constitutif du dérivé osmocénique de l’hydroxytamoxifène, au sein de cellules de cancer du sein type triple négatif. Credits: Sylvain Bohic.

Certains types de cancer, comme le cancer du sein type triple négatif, restent réfractaires aux traitements par chimiothérapie. Des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne université, de l’université PSL, de l’Université Grenoble Alpes et de l’ESRF, le synchrotron européen de Grenoble, ont étudié une molécule organométallique, intéressante pour son activité antitumorale. Leurs recherches ont apporté une meilleure compréhension de son mécanisme d’action. Ces résultats sont publiés dans Angewandte Chemie.

Le cancer du sein type triple négatif (TNBC en anglais, « triple negative breast cancer »), représente 10 à 20% des cas de cancers du sein. Il se caractérise par l’absence de récepteur des œstrogènes, de récepteur de la progestérone et de récepteurs du facteur de croissance épidermique humaine (HER2). Ceci signifie qu’il ne répond ni à l’hormonothérapie ni à l’immunothérapie. Le manque de cibles moléculaires pour le traitement adapté de ce type de cancer très agressif reste un défi pour la communauté scientifique et médicale.

Une équipe pluridisciplinaire de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du CNRS, de Sorbonne université, de l’université PSL, de l’Université Grenoble Alpes et de l’ESRF, a étudié une molécule organométallique de la famille des métallocènes, un dérivé du métabolite actif du tamoxifène, – un médicament oral d’hormonothérapie très utilisé pour la prévention et le traitement du cancer du sein non invasif et invasif – , et précisé son mécanisme d’action au sein de cellules de cancer du sein type triple négatif.

Ces composés organométalliques ont été développés par le professeur G.Jaouen et son groupe à Sorbonne université et à l’université PSL à Paris. Il sont démontré leur large spectre d’efficacité envers différents types de cellules cancéreuses et leur potentiel à surmonter la résistance aux médicaments anticancéreux.

« Nous connaissions l’efficacité de cette molécule à base d’osmium grâce aux travaux approfondis déjà effectués. Mais, nous ne connaissions pas exactement son mécanisme d’action dans des cellules de cancer du sein type triple-négatif. C’est pourquoi nous avons localisé et mesuré les concentrations de cette molécule à l’intérieur même de la cellule cancéreuse, afin de mieux évaluer son efficacité », explique Sylvain Bohic, chercheur Inserm et auteur principal de l’étude.

Les chercheurs ont utilisé la ligne de lumière ID16A pour leur expérience. La technique de pointe de nano-imagerie synchrotron permet un éclairage unique sur la distribution intracellulaire de ce métallocène, avec une résolution de 35 nanomètres. « Depuis plusieurs années, les recherches sont menées dans ce domaine. Aujourd’hui, elles bénéficient des dernières techniques en matière de   cryo-fluorescence des rayons X en 2D et 3D » explique Peter Cloetens, scientifique ESRF, en charge de ID16A.

Pour la première fois, l’équipe scientifique a montré comment la molécule pénètre aisément les membranes de la cellule cancéreuse en raison de sa nature lipophile et comment elle cible un organite cellulaire essentiel, le réticulum endoplasmique, un réseau de tubules membranaires (souvent interconnectées) dispersées dans tout le cytoplasme des cellules eucaryotes. La molécule, un dérivé osmocénique de l’hydroxytamoxifène, qui est oxydée à cet endroit engendre des métabolites qui vont attaquer différentes parties de la cellule en même temps, menant à l’activité anticancéreuse observée. « la cellule cancéreuse doit faire face à de nombreux feux démarrant à différents endroits dans la cellule. La cellule tumorale, débordée par autant d’attaques, ne peut faire face et meurt, ou s’inactive»,explique S. Bohic.

Les résultats sont prometteurs. En effet, cette nouvelle famille de composés organométalliques, qui  présentent un mécanisme d’action multi-cibles, pourrait devenir une alternative intéressante dans l’arsenal de chimiothérapie classique et, permettre de surmonter la résistance aux médicaments actuels tout en ayant un coût faible. Le médicament Cisplatine, une autre molécule contenant un métal de transition qui est largement utilisé pour le traitement du cancer, a comme cible primaire l’ADN qu’il endommage à l’intérieur de la cellule. Souvent efficace, il a cependant des effets secondaires et les cellules cancéreuses développent aussi des mécanismes de résistance à ce type de chimiothérapie. Le cancer du sein triple négatif, comme d’autres cancers, est souvent résistant au Cisplatine. « Cette étude contribue au développement de mécanismes alternatifs à ceux des molécules de chimiothérapie classique utilisées dans le traitement des cancers. Nous sommes au début de cette recherche. A ce stade, des tests cliniques ne peuvent être envisagés, mais cette étude est prometteuse »,indique leprof.G.Jaouen co-auteur de cette étude.

La prochaine étape est de découvrir comment cette molécule agit sur des cellules saines et d’étudier sa toxicologie.

Les cancers sous pression : visualiser l’action du système immunitaire sur l’évolution des tumeurs

Cancérogenèse : Surexpression de TRF2, marqué en vert, dans les vaisseaux tumoraux, marquage rouge, dans un cancer ovarien. ©Inserm/Wagner, Nicole, 2014

À mesure que les tumeurs se développent, elles évoluent génétiquement. Comment le système immunitaire agit-il en présence de cellules tumorales ? Comment exerce-t-il une pression sur la diversité génétique des cellules cancéreuses ? Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, ont capté par vidéo in vivo l’action des cellules immunitaires lors de la prolifération de cellules cancéreuses, grâce à un marquage élaboré de coloration spécifique. Ces résultats seront publiés le 23 novembre 2018 dans la revue Science Immunology. Au fur et à mesure de leur prolifération incontrôlée, les cellules tumorales accumulent de nouvelles mutations et des modifications de leur génome. Ce processus progressif implique que chez un même patient, il existe une importante diversité génétique parmi les cellules cancéreuses. Si les cellules du système immunitaires et notamment les cellules T peuvent potentiellement éliminer ces cellules anormales, la diversité tumorale peut s’avérer délétère car elle rend difficile l’action du système immunitaire et peut rendre inefficaces certaines thérapies. Comprendre cette course effrénée entre évolution tumorale et réponse immunitaire est la clef du succès des futures immunothérapies. Les chercheurs de l’unité Dynamique des réponses immunes (Institut Pasteur / Inserm), dirigée par Philippe Bousso, en collaboration avec Ludovic Deriano, responsable de l’unité Intégrité du génome, immunité et cancer (Institut Pasteur) ont étudié comment les réponses immunitaires qui se développent spontanément contre les tumeurs modifient cette hétérogénéité tumorale. Ils ont montré par quels mécanismes les réponses immunitaires peuvent réduire très fortement la diversité tumorale et ainsi favoriser l’émergence de cellules tumorales plus homogènes génétiquement. Dans cette étude, les chercheurs sont parvenus à marquer de couleurs différentes chaque sous-clone de cellules cancéreuses chez un modèle murin. En suivant cet éventail de couleurs, ils ont pu ainsi caractériser dans le temps et dans l’espace, l’évolution de l’hétérogénéité tumorale. Ils ont pu de plus observer les contacts qu’ont les cellules T avec les cellules cancéreuses et déterminer comment une partie des cellules tumorales sont détruites. Ces travaux mettent en lumière l’effet drastique que peut avoir le système immunitaire pour façonner la tumeur en réduisant son hétérogénéité. Ce même effet sur l’hétérogénéité des cellules tumorales a également été observé lors de traitements fondés sur la levée de freins du système immunitaire, des immunothérapies dont le développement a été récompensé cette année par le prix Nobel de Médecine et de Physiologie. Ces travaux montrent que la prise en compte des interactions entre immunothérapies et hétérogénéité tumorale pourrait aider à définir les meilleures combinaisons et séquences thérapeutiques.

Visualisation de l’action des cellules immunitaires colorées. Cette vidéo représente en gris les cellules tumorales. En violet, les cellules T spécifiques de la tumeur, ont des contacts avec les cellules cancéreuses et les détruisent. Les cellules tuées apparaissent en bleu. En vert, les cellules de contrôle circulent mais ne tuent pas les cellules tumorales. © Institut Pasteur / Philippe Bousso

Visualisation des différents amas de différents clones de cellules cancéreuses. Cette vidéo illustre comment les sous-clones de la tumeur marqués chacun par une couleur différente (bleu, orange ou vert) se développent au sein de la moelle osseuse. Les vaisseaux apparaissent en blanc. © Institut Pasteur / Philippe Bousso

 
Ces travaux ont été financés en plus des organismes cités plus haut, par la Fondation de France, l’Inca et par l’ERC (European Research Council).

Une nouvelle voie pour moduler la réponse immunitaire anti-tumorale

Cellules cancéreuses d’un mélanome.  Inserm/Valencia, Julio C., 2018

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Paris-Sud, de Gustave Roussy et de l’Institut Curie ont identifié un nouvel acteur dans la régulation de l’expression du gène PD-L1 : il s’agit du complexe eIF4F dont le rôle est de contrôler la fabrication des protéines.

Ce complexe pourrait devenir un marqueur prédictif de réponse aux traitements par immunothérapie. Par ailleurs, les chercheurs montrent pour la première fois qu’en inhibant ce complexe eIF4F, on obtient un effet anti-tumoral qui est lié à la diminution de l’expression de PD-L1, et qui fait donc intervenir le système immunitaire. 

Ils espèrent pouvoir utiliser des inhibiteurs d’eIF4F comme agents anti-cancéreux dans le futur, seuls ou plus probablement en combinaison avec d’autres traitements. 

Le système immunitaire, qui assure notre défense contre les maladies, paraissait désarmé il y a encore quelques années pour combattre le cancer. Les avancées en immunothérapie permettent de corriger cette déficience : il est désormais possible d’apprendre au système immunitaire à reconnaître et à détruire les cellules cancéreuses. Les lymphocytes retrouvent alors leur capacité initiale à combattre la tumeur au lieu de la protéger.

Exprimée à la surface des lymphocytes T, la molécule PD-1 (programmed cell death) se lie à une autre molécule présente à la surface de certaines cellules tumorales ou immunitaires, PD-L1. Cette interaction rend, en quelque sorte, la cellule tumorale invisible au système immunitaire, en désactivant (ou désarmant) le lymphocyte T. 

Depuis quelques années, les traitements par immunothérapies ciblant l’interaction entre PD-L1 et PD-1 ont révolutionné la prise en charge du mélanome et d’autres cancers.

Cependant de nombreux patients ne répondent pas au traitement. Ces molécules sont très efficaces pendant plusieurs mois ou années mais chez seulement 10 à 20% des patients, tous types de cancers confondus.

« Le développement de biomarqueurs est donc un enjeu majeur pour être capable d’identifier les patients susceptibles de répondre au traitement » explique le Pr Caroline Robert, chef du service de dermatologie à Gustave Roussy.

« Une quantité élevée de PD-L1 dans les tumeurs est un indicateur important car elle est souvent associée à de bonnes réponses aux anti-PD1. Cependant, les mécanismes de la régulation de l’expression de PD-L1 ne sont pas complètement connus » précise Stephan Vagner, directeur de recherche Inserm et chef de l’équipe Biologie de l’ARN à l’Institut Curie.

Dans cette nouvelle publication, les chercheurs montrent pour la première fois qu’un complexe appelé eIF4F, qui est impliqué dans la phase d’initiation de la traduction des ARN messagers en protéines, régule l’expression de PD-L1 et qu’en ciblant eIF4F dans les cellules tumorales, il est possible de stimuler l’immunité anti-tumorale mimant ainsi l’effet d’une immunothérapie.

Dans cette étude, les chercheurs ont principalement utilisé le mélanome comme modèle mais ils ont également réalisé des expériences avec des cellules de cancer du poumon, du sein et du colon.

Ils vont maintenant évaluer l’apport de l’étude de la formation du complexe eIF4F en tant que marqueur prédictif de réponse aux traitements par immunothérapie.

Ils développent par ailleurs des modèles de traitements de mélanome reposant sur l’utilisation d’inhibiteurs du complexe eIF4F en combinaison avec d’autres traitements afin d’augmenter l’efficacité thérapeutique et de lutter contre les résistances. 

                                               

Cette étude a été soutenue par l’Inserm, le CNRS, Gustave Roussy et l’Institut Curie. Elle est également financée grâce à la Ligue Nationale Contre le Cancer (Equipe labellisée), l’Institut National du Cancer, le collectif ‘Ensemble contre le mélanome’ et l’association ‘Vaincre le Mélanome’, le SIRIC Socrate, la Fondation Bettencourt Schueller et la Fondation ARC pour la Recherche sur le Cancer.

Développement d’une alternative à la greffe osseuse pour les patients édentés

©Photo by rawpixel on Unsplash

La diminution du volume osseux de la mâchoire chez les personnes édentées est la principale difficulté rencontrée pour la pose d’implants dentaires. Pour y remédier, la greffe osseuse est aujourd’hui la solution la plus fréquente. Celle-ci présente cependant plusieurs inconvénients dont une dégradation dans le temps de l’os greffé. Entre 2010 et 2015, Pierre Layrolle, chercheur Inserm, en collaboration avec des équipes norvégiennes, et allemandes, au sein du projet européen REBORNE, a testé une technique innovante d’augmentation osseuse chez 11 patients édentés, en combinant un biomatériau avec des cellules souches. Les résultats, parus dans la revue Stem Cell Research & Therapy montrent l’apparition d’os vivant sur la zone traitée en quantité suffisante pour permettre la pose d’implants ainsi qu’un maintien durable de cet os après la pose de prothèses dentaires.

Chez les patients édentés, on peut observer – faute de stimulation mécanique par la mastication – une fonte osseuse au niveau de l’os alvéolaire (entourant et maintenant la dent) qui représente un tiers des contre-indications pour la pose d’implants dentaires. En effet, cette intervention nécessite un volume osseux suffisant afin de ne pas risquer de toucher le nerf facial, ce qui aurait pour conséquence de créer une paralysie du visage. Or, en l’absence d’un volume osseux suffisant sur le maxillaire pour soutenir les tissus mous de la gencive, même le dentier, s’avère peu adapté.

Si l’augmentation osseuse utilisant des biomatériaux est utilisée avec succès pour combler une alvéole dentaire, aujourd’hui la technique la plus fréquente pour remédier à la perte ancienne de plusieurs dents est celle de la greffe osseuse avec un prélèvement d’os effectué sur la mandibule ou le crâne du patient. Outre les risques post-opératoires associés à la création de deux sites chirurgicaux, d’une quantité limitée de matériau osseux disponible chez un même patient et de douleurs post-opératoire, cette technique s’avère peu durable dans le temps. En effet, l’os transplanté a tendance à se résorber très vite ; faute de vascularisation et de continuité avec l’os sous-jacent d’origine, il est dégradé par les cellules immunitaires qui le reconnaissent comme un corps étranger.

C’est sur une solution durable d’augmentation osseuse alvéolaire qu’a travaillé de 2010 à 2015 Pierre Layrolle, chercheur Inserm responsable de l’équipe « Inflammation et communications cellulaires dans les pathologies osseuses » (Unité 1238, Inserm/Université de Nantes) en collaboration avec des équipes norvégiennes et allemandes au sein du projet Reborne. Cet essai clinique européen, porte sur le suivi de 11 patients édentés depuis plusieurs années et traités avec une technique innovante d’augmentation osseuse mandibulaire basée sur le principe de la « thérapie cellulaire ». 

Pour remplacer les lamelles d’os (contenant les cellules du patient et des facteurs de croissance) utilisées classiquement en augmentation osseuse, l’équipe de recherche a utilisé un biomatériau, le phosphate de calcium, auquel elle a adjoint des cellules souches prélevées dans la moelle osseuse de la hanche du patient et amplifiées en culture.

En effet, si le phosphate de calcium n’est pas capable de régénérer de l’os, il permet aux cellules souches – qui elles ont cette fonction – de s’y fixer. Ce biomatériau est de plus très résistant à l’action de dégradation des cellules immunitaires. Le mélange ainsi obtenu a été appliqué  sur la partie édentée de la mandibule.

Durant 5 mois, les chercheurs ont contrôlé la bonne formation osseuse autour de la greffe, puis ils ont produit un modèle 3D de la partie augmentée pour choisir le type d’implant adapté à chaque patient. Le prélèvement effectué au moment de la pose des implants a révélé que chez les 11 patients non seulement le tissu formé était bien de l’os en quantité suffisante pour justifier la pose d’implants dentaires, mais qu’il était de plus vascularisé contrairement aux greffes osseuses traditionnelles. Deux ans après la pose des implants et des prothèses dentaires, ceux-ci sont fonctionnels chez les 11 patients.

Suite à ces résultats positifs, l’équipe de recherche lance en 2018 le projet européen MAXIBONE, toujours coordonné par Pierre Layrolle. Portant sur 150 patients, cet essai clinique a pour objectif de comparer à plus large échelle les résultats de l’augmentation osseuse maxillaire par thérapie cellulaire avec ceux de la greffe osseuse classique en évaluant la quantité d’os formé entre ces deux types de transplants et leur coût spécifique. Ce projet examinera également la possibilité de remplacer les cellules souches du patient (autologues) par des cellules souches d’un donneur dans la thérapie cellulaire. Cela pourrait permettre de pallier non seulement les difficultés techniques liées au coût et à la complexité du prélèvement et de la conservation des cellules autologues, mais également de compenser l’inégalité des individus à générer plus ou moins efficacement de l’os.

Le projet FP7 Reborne, essai clinique de phase 2, a fait l’objet d’un financement européen de 2010 à 2015.
Le projet H2020 Maxibone, essai clinique de phase 3, fait l’objet de deux financements européens et commencera début 2019.

Pierre Layrolle sera présent au festival international de science-fiction nantais Les Utopiales du 31 octobre au 5 novembre 2018 pour des démonstrations de bioimpression 3D. Il animera la table ronde « En chair étrangère : accepter un corps étranger » le mercredi 31 octobre à 14h

Cancer du foie : l’environnement cellulaire joue un rôle dans l’évolution de la tumeur hépatique

Le cancer du foie est le deuxième cancer le plus meurtrier à l’échelle mondiale. Si dans la majorité des cas, les malades souffrent d’un carcinome hépatocellulaire, 10 à 20 % des personnes atteintes développent la deuxième forme primitive du cancer : un carcinome des voies biliaires du foie, très invasif (cholangiocarcinome intrahépatique). Bien que certains facteurs de risque soient communs aux deux types de tumeurs, le nombre de patients présentant un cholangiocarcinome intrahépatique a sensiblement augmenté ces dernières années. Une équipe de chercheurs dirigée par le Prof. Lars Zender du CHU de Tübingen (Allemagne), en collaboration avec des chercheurs du National Cancer Institute (Bethesda, États-Unis), de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS, vient à présent de démontrer que l’environnement cellulaire, avec ses cellules hépatiques moribondes, détermine la voie empruntée par les cellules tumorales. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature, le 12 septembre 2018.

Malgré les progrès réalisés dans le dépistage précoce et le traitement de nombreux types de cancers, faisant diminuer leur taux de mortalité, on constate une hausse importante du nombre de décès chez les patients atteints d’un cancer du foie. Ainsi, les cas de stéatose hépatique (syndrome du foie gras) qui se multiplient dans les pays occidentaux se traduisent souvent par des dommages chroniques du foie, lesquels constituent un facteur de risque de cancer du foie. Étonnamment, les patients présentant une prédisposition similaire, ou bien des facteurs de risque de lésions hépatiques, développent indifféremment un carcinome hépatocellulaire (CHC) ou un cholangiocarcinome intrahépatique (CCI). Or, ces deux cancers se distinguent par leur comportement et leur mode de traitement.

L’environnement des cellules cancéreuses, et notamment le type de mort cellulaire qui a lieu dans cet environnement, se révèle décisif dans l’évolution du cancer (CHC ou CCI).

En effet, les chercheurs du CHU de Tübingen, du NIH, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS viennent de démontrer que le type de mort cellulaire est un facteur clé de l’évolution des cellules tumorales en une tumeur hépatique spécifique.

Dans un même environnement cellulaire, lorsque les cellules meurent par apoptose (processus de mort cellulaire classique), les précurseurs des cellules cancéreuses évoluent en carcinome hépatocellulaire (CHC). Par contre, lorsque les cellules meurent par nécroptose (forme de nécrose), les cellules précancéreuses se transforment en cholangiocarcinome intrahépatique (CCI).

Dans le cas de la nécroptose, la membrane cellulaire se dissout et le contenu de la cellule provoque une inflammation dans l’environnement de la cellule cancéreuse. Dans le cas de la mort cellulaire programmée classique, de petites vésicules se forment et sont éliminées par le système immunitaire. Ces résultats ont pu être vérifiés sur des modèles murins et sur des échantillons de tissus humains1.

Quelles sont les conséquences de ces découvertes sur la pratique clinique ?

« De futures recherches devront déterminer si l’environnement cellulaire direct impacte non seulement le type de développement tumoral, mais également la thérapie », déclare le professeur Lars Zender. Dans le traitement du CHC par chimioembolisation, il a déjà été observé qu’une partie du cancer du foie d’origine peut évoluer en carcinome des voies biliaires, expliquant pourquoi la maladie ne répond plus au traitement initial. « Nous sommes peut-être sur la piste d’un mécanisme de résistance thérapeutique du cancer du foie, indique l’oncologue, et nous espérons que nos résultats éclaireront de nouveaux axes thérapeutiques à l’avenir. »

Oliver Bischof2 ajoute : « Cette étude démontre l’importance de la transcriptomique, de l’épigénomique et des analyses bioinformatiques dans l’examen des événements moléculaires et des voies de transduction des signaux à l’origine de différentes entités tumorales. Les futurs travaux sur le cancer, avec l’apport d’analyses “omique”, joueront un rôle précieux dans l’identification de nouvelles pistes d’intervention thérapeutique contre cette maladie. »

 

1 Xin Wei Wang, chercheur en cancérologie au Laboratory of Human Carcinogenesis (Center for Cancer Research, National Cancer Institute, Bethesda, États-Unis), a apporté des données d’analyse humaines, et Oliver Bischof, directeur de recherche CNRS et épigénéticien à l’Institut Pasteur (unité Organisation nucléaire et oncogenèse), a décrit l’incidence du microenvironnement sur la régulation des gènes de la cellule cancéreuse.

2 Oliver Bischof bénéficie du soutien de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer dans le cadre d’un programme labellisé Fondation ARC.

Avancées majeures dans le diagnostic et le traitement du rejet d’allogreffe

Crédits: Allogreffe d’aorte abdominale décellularisée, Inserm/Allaire, Eric

Le Pr Alexandre Loupy, de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et le Pr Carmen Lefaucheur, de l’hôpital Saint-Louis AP-HP et de l’Université Paris Diderot, au sein du Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm /Université Paris Descartes), ont mis en évidence, dans un article publié dans la revue  New England Journal of Medicine le 20 septembre 2018, les dernières avancées et applications de l’intelligence artificielle réalisées dans le domaine de la transplantation, et notamment du diagnostic et le traitement du rejet d’allogreffe. Ces travaux transdisciplinaires ont porté sur des patients greffés du cœur, du rein et du poumon. Ils ont permis de faire évoluer ces cinq dernières années, à trois reprises, la classification internationale du rejet. Ils contribuent ainsi à améliorer la prise en charge des patients greffés sur les plans diagnostique et thérapeutique.

La transplantation est devenue le traitement de choix lors de la survenue d’une déficience d’organe. 120 000 nouvelles transplantations d’organes sont réalisées chaque année dans le monde, mais seul un million de personnes vit avec un greffon fonctionnel. Ce constat s’explique notamment par une absence d’amélioration de la survie des greffons au cours des dernières décennies et d’un nombre d’organes disponibles parfois limité. 

Le rejet de l’organe causé par la production d’anticorps par le patient receveur est reconnu comme l’une des principales causes de l’échec d’une greffe.

Une meilleure connaissance des mécanismes de ce rejet  permet aujourd’hui d’établir un diagnostic de précision et de proposer une approche thérapeutique personnalisée.

Une approche pluridisciplinaire regroupant spécialistes cliniciens, anatomopathologistes, immunologistes de la transplantation, épidémiologiste et statisticiens, a été développée en étroite collaboration avec le Pr Xavier Jouven, chef du service de cardiologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP et de l’équipe « Epidémiologie cardiovasculaire et mort subite » du Centre de recherche cardiovasculaire de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes, afin d’évaluer ce rejet à l’échelle d’une population. De nouvelles catégories diagnostiques ont ainsi été établies et des groupes de patients susceptibles de perdre leur greffon de manière accélérée ont été identifiés et définis. 

Le rejet d’une allogreffe peut par exemple être détecté grâce à

> une analyse intégrative de multiples biomarqueurs (anticorps anti HLA dirigés contre le donneur, marqueurs de l’inflammation); 

> une étude fine de l’organe transplanté (identification de l’expression de gènes et caractérisation des cellules infiltrant le greffon susceptibles de causer un rejet de l’allogreffe à court ou moyen/long terme). 

Des travaux menés par une équipe AP-HP/Inserm/Paris Descartes, et coordonnés par le Pr Alexandre Loupy, ont ainsi démontré que l’analyse ultra-fine des gènes exprimés par les cellules du cœur, via une nouvelle technique appelée « microscope moléculaire », permet d’identifier de manière précise et précoce les patients qui présentent un début de rejet de greffe de cœur. (En savoir plus : >> Diagnostic des rejets de greffes de cœur : une équipe française démontre l’intérêt d’une nouvelle méthode, le microscope moléculaire (mars 2017)).

D’autres travaux plus récents ont permis de démontrer l’utilité d’algorithmes pour améliorer l’efficacité et la performance des essais cliniques en transplantation*. Enfin, l’intérêt porté à cette approche d’intelligence artificielle de « machine learning » appliqué à la transplantation s’est concrétisé par l’obtention de deux financements dans le cadre du programme d’investissement d’avenir recherche hospitalo-universitaire (RHU) et du programme européen pour la recherche et l’innovation Horizon 2020.

Ces recherches ouvrent donc la voie vers une médecine du futur dans laquelle les algorithmes mathématiques seront utilisés pour le suivi au quotidien des patients et la prise de décision médicale. Un exemple concret est  le développement d’un outil de prédiction de la survie des greffons rénaux.

*Complement-Activating Anti-HLA Antibodies in Kidney Transplantation: Allograft Gene Expression Profiling and Response to Treatment.

1,2, Viglietti D3,2, Hidalgo LG4, Ratner LE5, Bagnasco SM6, Batal I7, Aubert O3, Orandi BJ8, Oppenheimer F9, Bestard O10, Rigotti P11, Reisaeter AV12, Kamar N13, Lebranchu Y14, Duong Van Huyen JP3,15, Bruneval P3,16, Glotz D3,2, Legendre C3,17, Empana JP3, Jouven X3, Segev DL18, Montgomery RA19, Zeevi A20, Halloran PF4, Loupy A3,17. J Am Soc Nephrol. 2018 Feb; 29(2):620-635. doi: 10.1681/ASN.2017050589. Epub 2017 Oct 17.

Une intelligence artificielle permet de prédire la réponse thérapeutique des patients atteints d’un cancer du rectum avancé traités par radiochimiothérapie pré-opératoire

Cancer colorectal humain et les cellules immunitaires. Crédits: Inserm/Galon, Jérôme

Les équipes de cancérologie digestive des Hôpitaux européen Georges-Pompidou, Cochin et Ambroise-Paré AP-HP, et du laboratoire « Sciences de l’information et médecine personnalisée » de l’Unité 1138 Centre de recherche des Cordeliers de l’INSERM et de l’Université Paris-Descartes, ont élaboré un système d’intelligence artificielle permettant de prédire la réponse thérapeutique à une radiochimiothérapie pré-opératoire chez des patients suivis pour un cancer du rectum. Ces travaux, coordonnés par le Dr Jean-Emmanuel Bibault du service d’oncologie radiothérapie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, permettraient de proposer un traitement conservateur plutôt qu’une ablation totale du rectum aux patients en réponse thérapeutique complète.

Ces résultats contribuent ainsi à l’élaboration d’une prise en charge plus personnalisée en cancérologie. Ils ont fait l’objet d’une publication le 22 août 2018 dans la revue Scientific Reports (revue du groupe Nature).  

Le traitement standard du cancer du rectum localement avancé comprend une radiochimiothérapie pré-opératoire, suivi d’une chirurgie d’exérèse (ablation) complète du rectum. Environ un quart des patients sont en réponse complète après la radiochimiothérapie : ils pourraient éviter une chirurgie radicale et bénéficier plutôt d’un traitement conservateur (surveillance ou résection endoscopique) entraînant moins de séquelles. Toutefois, la seule manière de savoir si ces patients répondent parfaitement à la radiochimiothérapie reste actuellement l’opération avec ablation de l’ensemble du rectum.

Cette étude, pilotée par le Dr Jean-Emmanuel Bibault, du service d’oncologie radiothérapie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, le Pr Philippe Giraud, du service de radiothérapie de l’HEGP, et le Pr Anita Burgun, chef du laboratoire « Sciences de l’information et médecine personnalisée » de l’Unité 1138 Centre de recherche des Cordeliers de l’INSERM et de l’Université Paris-Descartes, avait donc pour objectif de mettre au point un dispositif d’intelligence artificielle qui prédirait à l’avance les patients ayant une réponse complète à la radiochimiothérapie pré-opératoire, afin de leur éviter l’opération.

Les équipes se sont appuyées sur les données cliniques de patients et sur les images de scanners de radiothérapie. Ils ont ensuite utilisé une méthode d’intelligence artificielle de type « Deep learning » (ou « réseau neuronal profond ») qui a été paramétrée pour identifier les patients en réponse complète au traitement. Le « Deep learning » fait partie des méthodes d’apprentissage automatique qui modélisent avec un haut niveau d’abstraction des données.

L’algorithme mis au point a ensuite été évalué sur les données des patients déjà pris en charge à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à l’hôpital Cochin et à l’hôpital Ambroise-Paré AP-HP. Il s’est montré précis dans 80% des cas analysés. 22 des 95 patients inclus dans l’étude avaient une réponse complète à la radiochimiothérapie pré-opératoire.

Cette étude montre ainsi que les algorithmes d’intelligence artificielle de type « Deep learning » pourraient être utilisés pour prédire l’efficacité des traitements en cancérologie afin de personnaliser davantage la prise en charge des patients.

Ces résultats pourront donner lieu à d’autres recherches en vue d’intégrer ce dispositif dans la prise en charge des cancers du rectum localement avancés.

Prédire la réponse à l’immunothérapie grâce à l’intelligence artificielle

Photo by Ken Treloar on Unsplash

Une étude publiée dans The Lancet Oncology établit pour la première fois qu’une intelligence artificielle peut exploiter des images médicales pour en extraire des informations biologiques et cliniques. En concevant et en entrainant un algorithme à analyser une image de scanner, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy, CentraleSupélec, l’Inserm, l’Université Paris-Sud et TheraPanacea (spin-off de CentraleSupélec spécialisée en intelligence artificielle pour l’oncologie-radiothérapie et la médecine de précision) ont créé une signature dite radiomique. Cette signature qui définit le niveau d’infiltration lymphocytaire d’une tumeur détermine un score prédictif de l’efficacité de l’immunothérapie chez un patient.    
À terme, le médecin pourrait donc utiliser l’imagerie pour identifier des phénomènes biologiques d’une tumeur située dans n’importe quelle partie du corps sans avoir à réaliser de biopsie.

Jusqu’à présent, aucun marqueur ne permet d’identifier de manière certaine les patients qui vont répondre à une immunothérapie anti-PD-1/PD-L1 permettant de restaurer les fonctions immunitaires contre la tumeur alors que seulement 15 à 30 % des patients répondent au traitement. Sachant que plus l’environnement immunologique d’une tumeur est riche (présence de lymphocytes), plus l’immunothérapie a de chance d’être efficace, les chercheurs ont cherché à estimer cet environnement grâce à l’imagerie pour le corréler à la réponse clinique des patients. C’est l’objectif de la signature radiomique créée et validée par IA de l’étude publiée dans The Lancet Oncology.

Dans cette étude rétrospective, la signature radiomique a été apprise, entrainée et validée sur 500 patients présentant une tumeur solide (toutes localisations) issus de quatre cohortes indépendantes. Elle a été validée au niveau génomique, histologique et clinique ce qui la rend particulièrement robuste.

Dans une démarche basée sur le machine learning, les chercheurs ont d’abord appris à l’algorithme à exploiter les informations pertinentes extraites des scanners de patients inclus dans l’étude MOSCATO* qui comportait aussi les données génomiques tumorales des patients. Ainsi, en se basant uniquement sur des images, l’algorithme a appris à prédire ce que la génomique aurait révélé de l’infiltrat immunitaire tumoral notamment par rapport à la présence de lymphocytes T cytotoxiques (CD8) dans la tumeur et a établi une signature radiomique.  

Cette signature a été testée et validée dans d’autres cohortes dont celle du TCGA (The Cancer Genome Atlas) démontrant ainsi que l’imagerie pouvait prédire un phénomène biologique, à savoir évaluer l’infiltration immunitaire d’une tumeur.

Puis, pour tester la pertinence de cette signature en situation réelle et la corréler à la prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie, elle a été évaluée à partir des scanners réalisés avant la mise sous traitement de patients inclus dans 5 essais d’immunothérapie anti-PD-1/PD-L1 de phase I. Les chercheurs ont montré que les patients chez qui l’immunothérapie fonctionnait après 3 et 6 mois présentaient un score radiomique plus élevé, tout comme ceux qui avaient une meilleure survie.

Une prochaine étude clinique consistera à évaluer la signature de manière rétrospective et prospective, d’augmenter le nombre de patients et de les segmenter par type de cancers pour affiner la signature.

Il s’agira aussi d’utiliser des algorithmes plus sophistiqués d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle pour prédire la réponse des patients à l’immunothérapie. Pour cela, les chercheurs comptent sur l’intégration globale de données venant de l’imagerie, de la biologie moléculaire et de l’analyse des tissus. C’est tout l’objet de la collaboration entre Gustave Roussy, l’Inserm, l’Université Paris-Sud, CentraleSupélec et TheraPanacea qui permettra d’identifier les patients qui sont les plus à même de répondre au traitement, et aussi d’améliorer le rapport coût/efficacité de la prise en charge.

A propos de la radiomique
En radiomique, on considère que l’imagerie (scanner, IRM, échographie…) ne reflète pas seulement l’organisation et l’architecture des tissus mais aussi leur composition moléculaire ou cellulaire. Cette technique consiste à analyser de manière objective par des algorithmes une image médicale afin d’en extraire des informations invisibles à l’œil nu comme la texture d’une tumeur, son microenvironnement, son hétérogénéité… C’est une approche non invasive pour le patient qui peut être répétée tout au long de la maladie pour suivre son évolution.

Cinq ans après un diagnostic de cancer la qualité de vie et la situation en emploi restent fortement dégradés

Adobestock

Plus de 3 millions de personnes en France vivent aujourd’hui avec un cancer ou en ont guéri.
Si le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année augmente, les progrès réalisés dans le diagnostic et les traitements ont permis de faire reculer la mortalité par cancer. La maladie demeure une épreuve difficile pour les personnes touchées, tant au plan physique que psychologique. Elle est aussi synonyme de ruptures dans la vie sociale et professionnelle.
Afin d’étudier l’impact dans le temps de la maladie sur le quotidien des personnes atteintes de cancer, l’Institut national du cancer a souhaité prolonger l’enquête sur la vie deux ans après un diagnostic de cancer (VICAN2) menée en 2012. Réalisée par l’Inserm[1], cette étude explore, cinq ans après un diagnostic de cancer, l’état de santé, les séquelles et le suivi, les difficultés rencontrées au quotidien mais aussi l’impact de la maladie et des traitements sur les ressources et l’emploi. Ses résultats seront discutés lors d’un colloque
le 20 juin à Paris.

 

L’Étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer – VICAN5 »

Riches d’enseignements sur l’évolution des effets secondaires mais également sur la répercussion de la maladie sur la vie personnelle et professionnelle des personnes atteintes d’un cancer, les résultats permettent de guider l’action des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les cancers.

Aussi, certains de ces résultats confortent les actions mises en place par l’Institut national du cancer et les pouvoirs publics (le panier des soins de support, les actions en prévention tertiaire telles que  le remboursement des patchs nicotiniques ou la prescription de l’activité physique, le droit à l’oubli ou encore le retour et le maintien dans l’emploi dans le cadre du club des entreprises). D’autres permettent d’envisager les actions à mener pour renforcer les dispositifs actuels ou d’en mettre en œuvre de nouveaux pour orienter au mieux l’accompagnement des personnes malades et de leurs proches. En effet, des disparités selon le pronostic, la localisation ou encore le statut des personnes malades permettent d’envisager des actions plus ciblées notamment pour les cancers dont les progrès des thérapeutiques restent faibles. Réaffirmée dans le Plan cancer 2014-2019, la continuité et la qualité de vie préservée malgré la maladie est une ambition partagée par l’ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer.

 

Les principaux résultats de l’enquête VICAN5

Une persistance de l’impact du cancer sur la qualité de vie physique

Les personnes malades rapportent, à 44,4 %, une qualité de vie physique dégradée par rapport à la population générale. Ce pourcentage est similaire à celui observé lors de la première enquête.
Si le cancer du poumon a les conséquences les plus négatives en termes de qualité de vie physique, on observe une baisse de la dégradation par rapport à la situation antérieure. Il en est de même pour le cancer du sein. Pour les autres localisations, la situation reste stable.

L’amélioration observée pour le cancer du poumon reste cependant à nuancer ; en effet, il s’agit de la localisation dont le taux de décès est le plus élevé entre les deux enquêtes. Les résultats ne sont donc pas superposables.

 

La fatigue : symptôme le plus fréquemment spontanément rapporté mais qui s’améliore en fonction des localisations

Cinq ans après le diagnostic, 48,7 % des personnes décrivent la fatigue comme un symptôme cliniquement significatif. La prévalence est plus importante chez les femmes et varie en fonction des localisations.

Par ailleurs, les niveaux de fatigue demeurent significativement plus importants chez les femmes et les personnes jeunes. Enfin, les personnes en situation de précarité rapportent des niveaux de fatigue plus élevés soulignant ainsi le poids des inégalités quant à son vécu.Les résultats montrent une baisse significative de la prévalence de la fatigue pour le cancer du poumon et dans une moindre mesure pour le cancer de la thyroïde, localisations pour lesquelles la prévalence de la fatigue était la plus élevée à deux ans (de 70,9 % à 2 ans à 59,4 % à 5 ans et de 66 % à 2 ans à 55,8 % à 5 ans respectivement).Au-delà des différences hommes-femmes, les personnes les plus vulnérables par rapport à la fatigue sont les plus jeunes, et celles en situation de précarité financière. Ce dernier point souligne le poids toujours aussi important des inégalités sociales dans le vécu de l’après-cancer.

 

Une diminution des ressources liée en majorité à la diminution du temps de travail

Plus d’un quart des personnes diagnostiquées en 2010 ont connu une diminution de leurs revenus disponibles cinq ans après le diagnostic. Les personnes ayant connu une telle diminution présentent les profils les plus vulnérables sur le marché du travail (femmes, personnes avec niveau d’étude inférieur au baccalauréat, travailleurs indépendants), vivent fréquemment seules et déclarent vivre avec des séquelles liées à la maladie et/ou à son traitement.

La réduction du temps de travail est la principale cause d’une baisse des revenus professionnels.

Fortement associée à des caractéristiques de la maladie telles que le pronostic du cancer, le fait d’avoir été traité par chimiothérapie et éprouver de la fatigue en 2015, la réduction du nombre d’heures travaillées constitue le levier le plus fréquemment utilisé lors de la reprise de l’activité professionnelle afin de tenir compte de la capacité physique réduite, à cause notamment des séquelles de la maladie et des traitements.

L’enquête VICAN5 permet également de réaliser un suivi à deux puis cinq ans du diagnostic pour les personnes qui ont répondu aux deux questionnaires. L’analyse spécifique de ce groupe a montré que la baisse de revenus par personne intervient majoritairement à l’issue des deux premières années après le diagnostic ; pour 53,7 % cette diminution intervient au cours des trois années suivantes.

 

Une dégradation de la situation professionnelle au fil du temps

Cinq ans plus tard, un cancer a toujours un impact négatif sur la vie professionnelle des individus concernés, contrasté selon la réalité épidémiologique de la maladie et les caractéristiques professionnelles de l’emploi occupé initialement.

Aussi, la situation professionnelle des personnes ayant eu un cancer s’est détériorée, révélant globalement une accélération du phénomène de sortie d’emploi : baisse du taux d’emploi et hausse du chômage sont les premiers résultats de l’enquête VICAN5 concernant l’évolution de la situation professionnelle. Une hausse de la part d’inactifs en invalidité a également été constatée.

Parmi les personnes en emploi au moment du diagnostic du cancer, une sur cinq ne travaille pas cinq ans après.

En tenant compte du fait que les personnes en arrêt-maladie restent administrativement en situation d’emploi, ce résultat révèle une détérioration de la situation professionnelle plus importante que celle constatée lors de l’enquête VICAN2. Il semblerait ainsi que l’impact du cancer sur la vie professionnelle puisse survenir à moyen terme.

Comme dans la précédente enquête, les plus concernés par la perte d’emploi cinq ans après un diagnostic de cancer sont les travailleurs-exécutants, les salariés du secteur privé, les individus travaillant dans des TPE, les chefs d’entreprise et les personnes ayant connu un diagnostic de cancer du poumon, des vois aérodigestives supérieures ou un cancer colorectal.

Certains des résultats présentés ici doivent être interprétés avec précaution. La situation d’emploi présentée en fonction de différentes caractéristiques socioprofessionnelles permet de caractériser les groupes d’individus les plus concernés par une dégradation de la situation professionnelle cinq ans après un diagnostic de cancer, mais cela ne doit pas être interprété trop hâtivement en termes de causalité. Par exemple, si les individus touchés par un cancer du poumon sont plus affectés en termes de maintien en emploi, ceci peut provenir des caractéristiques de la maladie, mais également exprimer un argument d’épidémiologie sociale des cancers : les catégories socioprofessionnelles les plus concernées par ce type de maladie, comme les ouvriers, sont justement les plus vulnérables sur le marché du travail. 

 

L’aménagement des conditions de travail jugées satisfaisantes

L’aménagement du temps de travail est la mesure la plus fréquente pour les personnes en emploi au moment du diagnostic ; 62,7 % d’entre elles ont connu un aménagement de leurs conditions de travail au cours des cinq années suivantes et s’en déclarent majoritairement satisfaites. Les personnes qui ont bénéficié des aménagements sont les femmes, les personnes initialement à temps plein, les salariés du secteur public et les personnes à contrat à durée indéterminée.
Les indépendants ont moins recours à ces aménagements.    

 

La prévention tertiaire : suivi médical, habitudes de vie et de consommation

À cinq ans du diagnostic, 56,9 % des personnes ont un suivi spécifique en médecine générale de leur cancer. Toutefois, plus d’un tiers (33,1 %) déclare ne pas être suivie. Celles-ci se sentent d’ailleurs moins bien informées sur les symptômes auxquels elles sont susceptibles d’être confrontées.

Pendant et après un cancer, l’alimentation et l’activité physique jouent un rôle important dans plusieurs domaines tels que la prévention des risques de second cancer ainsi que l’amélioration du pronostic de la maladie et de la tolérance aux traitements. Pourtant, cinq ans après un diagnostic de cancer, 34,3 % des personnes déclarent ne pas avoir modifié leur pratique d’activité physique. De plus, 53 % des individus déclarent en faire moins ou avoir cessé complètement toute activité tandis que 12,7 % affirment en pratiquer davantage.

Les personnes rapportant une augmentation de leur activité physique sont plus jeunes et plus souvent des femmes tandis que celles ayant connu une diminution de leur activité physique conservent des séquelles, souffrent de troubles anxieux ou dépressifs, sont plus souvent des hommes et sont plus âgés. Trois individus sur cinq ayant réduit leur activité physique présentent un état de fatigue avéré.

Comme en population générale, parmi les personnes diagnostiquées d’un cancer il y a cinq ans, la prévalence tabagique décroît avec l’âge et concerne plus particulièrement les individus ayant un faible statut économique. Aussi, 39,8 % des personnes qui fumaient avant le diagnostic ont arrêté cinq ans après et 16,7 % fument du tabac le plus souvent quotidiennement. Par ailleurs, et contrairement à ce qui est observé en population générale, les femmes fument plus que les hommes.

 

[1] Équipe de recherche UMR 1252-SESSTIM de l’Inserm.

 

Méthode

L’enquête VICAN5 prolonge VICAN2, en interrogeant des personnes bénéficiaires de l’assurance maladie, résidant en France métropolitaine, pour lesquelles un diagnostic de cancer a été posé environ cinq ans avant le déroulement de l’enquête, et qui étaient âgées de 18 à 82 ans au moment du diagnostic. Douze localisations cancéreuses, dont les plus fréquentes, ont été privilégiées. Parallèlement à l’enquête téléphonique, des données issues du dossier médical et des informations sur la consommation de soins[1] ont été recueillies.
Au total, 4 174 personnes ont été interrogées, parmi lesquelles 2 009 individus ayant déjà participé à l’enquête VICAN2 auxquels s’ajoute un échantillon complémentaire de 2 165 personnes.

[1] Données extraites du Système national d’information inter-régime de l’assurance maladie (SNIIRAM).

 

Télécharger  la synthèse de l’étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer »

Télécharger le rapport complet  de l’étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer »

Pandoravirus : des virus géants qui inventent leurs propres gènes

Pandoravirus quercus, trouvé à Marseille. Coupe fine visualisée en microscopie électronique. Barre d’échelle : 100 nm. ©IGS- CNRS/AMU.

La famille de virus géants pandoravirus s’enrichit de trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/AixMarseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université GrenobleAlpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de l’évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de l’arbre de la vie !

 

En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire[1]. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes[2]. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme[3] et atypique – posait aussi la question de leur origine. 

La même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun…

De plus, ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes orphelins, c’est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans le reste du monde vivant (c’était déjà le cas pour les deux premiers pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur de tous les débats sur l’origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné les chercheurs, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille !

Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique.  

Si elle est avérée, cette hypothèse révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution.

[1] Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3173.htm 

[2] Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux, contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les archées.

[3] Jusqu’à 2,7 millions de bases.

Voir aussi « Behind the paper: Giant pandoraviruses create their own genes » sur le blog natureecoevocommunity.nature.com 

Ces recherches ont bénéficié, entre autres, d’un financement de la Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix « Coup d’élan pour la recherche française ».

fermer