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L’imagerie ultrasonore pour résoudre le fonctionnement du cortex visuel

Colonnes de dominance oculaire dans le cortex visuel du primate non-humain après visualisation par imagerie ultrasonore ultrarapide. ©Kevin Blaize, Institut de la vision, Paris, France

L’imagerie ultrasonore ultrarapide a récemment été proposée pour suivre l’activité cérébrale dans la profondeur du cerveau. Cette nouvelle technologie permettrait même de visualiser des structures fonctionnelles aussi fines – que les colonnes corticales du cortex visuel – d’une taille trop petite pour une détection plus traditionnelle par imagerie par résonnance magnétique (IRM). Telles sont les conclusions d’une étude dirigée par Serge Picaud, physiopathologiste à l’Institut de la vision (Sorbonne Université / Inserm / CNRS) et Mickael Tanter, physicien au laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris – PSL / Inserm / CNRS) et directeur de l’ART « Ultrasons biomédicaux ». Les répercussions de leurs travaux, parus le 8 juin 2020 dans la revue PNAS, s’étendent bien au-delà de la compréhension du système visuel.

Le fonctionnement du cerveau demeure difficile à comprendre car l’IRM requiert des équipements lourds non mobiles souvent incompatibles à la réalisation de tâches comportementales. Par ailleurs, les technologies optiques ont offert une très haute résolution mais uniquement pour observer les structures à la surface du cerveau mis à nu.

À l’inverse, comme le souligne cette nouvelle étude parue dans PNAS, l’imagerie ultrasonore ultrarapide permet de visualiser les structures fonctionnelles profondes dans le cortex visuel sur un animal éveillé réalisant une tâche de comportement.

En une heure, la projection du champ visuel sur le cortex peut être reconstruite et ce, même dans la profondeur du cortex visuel. La répartition différentielle des informations de l’œil gauche et de l’œil droit sous forme de colonnes de dominance oculaire apparait sur les images malgré leur taille de quelques centaines de microns. Il devient même possible de distinguer l’extension de ces colonnes dans les différentes couches du cortex visuel et donc la zone d’intégration des informations visuelles provenant de chacun des deux yeux, ce que seule l’histologie sur coupes de cerveau avait permis de visualiser.

Si auparavant, une telle visualisation des couches du cortex n’avait pu être réalisée autrement que par histologie, un partenariat pluridisciplinaire mettant en commun les connaissances sur le système visuel[1], le cerveau[2] et l’imagerie ultrasonore ultrarapide[3] l’a rendue possible. Ce partenariat pluridisciplinaire s’inscrivait dans le cadre du projet Européen ERC Synergy « Helmholtz » pour le développement de technologies d’investigation du système visuel.

En révélant ainsi les structures fonctionnelles dans la profondeur du cortex visuel, les chercheurs ouvrent un nouveau champ d’investigation pour la compréhension de notre vision et plus largement du cerveau.

Ces travaux mettent en lumière combien l’imagerie ultrasonore ultrarapide pourrait changer l’analyse du fonctionnement du cerveau en révélant des structures fonctionnelles de taille autrefois impossibles à discerner.

 

[1] Institut de vision (Sorbonne Université / Inserm / CNRS)

[2] Institut du cerveau (Sorbonne Université / Inserm / CNRS) et Institut de neurosciences de la Timone (CNRS / AMU)

[3] laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris – PSL / Inserm / CNRS) et Institut Langevin (ESPCI Paris – PSL / CNRS)

Musique ou langage ? Le cerveau divisé…

Le cerveau humain ne mobilise pas ses hémisphères de façon équivalente lorsqu’il s’agit de reconnaître une mélodie ou de comprendre une phrase à l’oral. Si ce concept est reconnu des scientifiques, jusqu’à présent, le phénomène n’était pas expliqué au niveau physiologique et neuronal. Une équipe de recherche codirigée par le chercheur Inserm Benjamin Morillon à l’Institut de neurosciences des systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), en collaboration avec des chercheurs de l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal de l’Université McGill, est parvenue à montrer que, grâce à des réceptivités différentes aux composantes du son, les neurones du cortex auditif gauche participeraient à la reconnaissance du langage, tandis que les neurones du cortex auditif droit participeraient à celle de la musique. Ces résultats à paraître dans Science suggèrent que la spécialisation de chaque hémisphère cérébral pour la musique ou le langage permettrait au système nerveux d’optimiser le traitement des signaux sonores à des fins de communication.

Le son est issu d’un ensemble complexe de vibrations de l’air qui, lorsqu’elles arrivent dans l’oreille interne au niveau de la cochlée, y sont discriminées en fonction de leur vitesse : à chaque instant, les vibrations lentes sont traduites en sons graves et les vibrations rapides en sons aigus. Cela permet de représenter le son selon deux dimensions : la dimension spectrale (fréquence) et la dimension temporelle (temps).

Ces deux dimensions auditives sont fondamentales car c’est leur combinaison en simultané qui stimule les neurones du cortex auditif. Ces derniers permettraient notamment de discriminer les sons pertinents pour l’individu, tels que les sons utilisés pour la communication qui permettent l’échange et la compréhension entre individus.

Le langage et la musique constituent chez l’humain les principales utilisations du son et les plus complexes au niveau cognitif. L’hémisphère gauche est principalement impliqué dans la reconnaissance du langage, tandis que l’hémisphère droit est principalement impliqué dans celle de la musique. Cependant, le fondement physiologique et neuronal de cette asymétrie était encore méconnu.

Une équipe de recherche codirigée par le chercheur Inserm Benjamin Morillon à l’Institut de neurosciences des systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), en collaboration avec des chercheurs de l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal de l’Université McGill, a utilisé une approche innovante pour comprendre comment le langage et la musique sont décodés au sein de chaque hémisphère cérébral chez l’humain.

Les chercheurs ont enregistré 10 phrases chantées chacune par une soprane sur 10 airs mélodiques inédits composés pour l’occasion. Ces 100 enregistrements, dans lesquels mélodie et parole sont dissociées, ont ensuite été déformés en diminuant la quantité d’information présente dans chaque dimension du son. Il a été demandé à 49 participants d’écouter ces enregistrements déformés par paire, et de déterminer s’ils étaient identiques au niveau de la mélodie ou au niveau du texte. L’expérience a été menée en français et en anglais, afin d’observer si les résultats étaient reproductibles dans des langues différentes.

Une démonstration du test audio proposé aux participants est disponible (en anglais) sur le lien suivant :

 https://www.zlab.mcgill.ca/spectro_temporal_modulations/

L’équipe de recherche a constaté que, quelle que soit la langue, lorsque l’information temporelle était déformée les participants étaient capables de reconnaître la mélodie, mais avaient des difficultés à identifier le contenu du texte. À l’inverse, lorsque l’information spectrale était déformée, ils étaient capables de reconnaître le texte mais avaient du mal à reconnaître la mélodie.

L’observation par imagerie par résonance fonctionnelle (IRMf) de l’activité neuronale des participants a montré que, dans le cortex auditif gauche, l’activité variait en fonction de la phrase présentée mais restait relativement stable d’une mélodie à l’autre, tandis que dans le cortex auditif droit, l’activité variait en fonction de la mélodie présentée mais restait relativement stable d’une phrase à l’autre.

De plus, lorsque l’information temporelle était dégradée, seule l’activité neuronale du cortex auditif gauche était affectée, tandis que la dégradation de l’information spectrale affectait uniquement l’activité du cortex auditif droit. Enfin, les performances des participants dans la tâche de reconnaissance pouvaient être prédites seulement en observant l’activité neuronale de ces deux aires.

Extrait original de chant a capella (en bas à gauche) et son spectrogramme (au-dessus, en bleu) décomposé en fonction de la quantité d’informations spectrales et temporelles (au centre). Les cortex auditifs droit et gauche du cerveau (côté droit de la figure) décodent respectivement la mélodie et la parole.

« Ces résultats indiquent que dans chaque hémisphère cérébral, l’activité neuronale est dépendante du type d’information sonore, précise Benjamin Morillon. Si l’information temporelle est secondaire pour reconnaître une mélodie, elle est au contraire primordiale à la bonne reconnaissance du langage. Inversement, si l’information spectrale est secondaire pour reconnaître le langage, elle est primordiale pour reconnaître une mélodie. »

Les neurones du cortex auditif gauche seraient ainsi principalement réceptifs au langage grâce à leur meilleure capacité à traiter l’information temporelle, tandis que ceux du cortex auditif droit seraient, eux, réceptifs à la musique grâce à leur meilleure capacité à traiter l’information spectrale.  « La spécialisation hémisphérique pourrait être le moyen pour le système nerveux d’optimiser le traitement respectif des deux signaux sonores de communication que sont la parole et la musique », conclut Benjamin Morillon.

Ces travaux sont financés par une bourse Banting attribuée à Philippe Albouy, par des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada et de l’Institut canadien de recherches avancées accordées à Robert J. Zatorre, et par des financements ANR-16-CONV-0002 (ILCB), ANR-11-LABX-0036 (BLRI) et de l’initiative d’excellence d’Aix-Marseille Université (A*MIDEX).”

Des textiles humains pour réparer les vaisseaux sanguins

Les feuillets ont été découpés par les chercheurs pour former des fils, un peu comme ceux qui composent le textile d’un vêtement.©Nicolas L’Heureux

Première cause de mortalité dans le monde, les maladies cardiovasculaires font plus de 17 millions de morts dans le monde par an, selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Pour apporter de nouvelles pistes de recherche à ce grave problème de santé publique, le chercheur Inserm Nicolas L’Heureux et son équipe, développent, au sein de l’unité « Bioingénierie Tissulaire » (Inserm/Université de Bordeaux), des « textiles humains » à partir de collagène afin de réparer les vaisseaux sanguins détériorés. Une innovation décrite dans le journal Acta Biomaterialia, qui devra encore passer plusieurs étapes avant d’être testée chez l’homme.

Et s’il était possible de remplacer les vaisseaux sanguins endommagés des patients par des vaisseaux tout neufs produits en laboratoire ? C’est le pari que s’est lancé le chercheur Inserm Nicolas L’Heureux, dont les travaux portent sur la matrice extracellulaire humaine, support structurel des tissus humains, que l’on retrouve autour de pratiquement toutes les cellules du corps.

Dans une étude publiée dans le journal Acta Biomaterialia, Nicolas L’Heureux et ses collègues de l’unité « Bioingénierie Tissulaire » (Inserm/Université de Bordeaux) décrivent comment ils ont cultivé des cellules humaines en laboratoire, afin d’obtenir des dépôts de matrice extracellulaire riche en collagène, cette protéine structurale qui compose l’échafaudage mécanique de la matrice extracellulaire humaine. « Nous avons obtenu des feuillets de matrice extracellulaire fins, mais très solides qui peuvent servir de matériel de construction pour remplacer les vaisseaux sanguins », explique Nicolas L’Heureux.

 

Un vaisseau en train de se faire tisser sur un métier circulaire ©Nicolas L’Heureux

Ces feuillets ont ensuite été découpés par les chercheurs pour former des fils, un peu comme ceux qui composent le textile d’un vêtement. « Nous pouvons tisser, tricoter ou tresser les fils que nous avons obtenus pour leur donner de multiples formes. Notre objectif principal est de faire des assemblages avec ces fils qui puissent remplacer les vaisseaux sanguins endommagés », ajoute Nicolas L’Heureux.

Entièrement composés de matériel biologique, ces vaisseaux sanguins auraient, en outre, l’avantage d’être bien tolérés par tous les patients. En effet, le collagène ne varie pas d’un individu à l’autre, ce qui implique que ces vaisseaux ne devraient pas être considérés par l’organisme comme des corps étrangers à rejeter.

Les chercheurs veulent désormais affiner leurs techniques de production de ces « textiles humains » avant de passer aux essais animaux, afin de valider cette dernière hypothèse. Si ceux-ci sont concluants, ils pourraient mettre en place des essais cliniques.

Explorer la « carte » de notre cerveau pour ouvrir la voie à la médecine personnalisée du futur

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L’imagerie cérébrale permet de visualiser les connexions qui existent entre les régions du cerveau. Ces connexions dessinent une véritable « carte » de la structure cérébrale, propre à chaque individu. Une équipe menée par Christophe Bernard, chercheur Inserm, et Viktor Jirsa au sein de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), a montré que la connaissance de cette carte permet de prédire le fonctionnement du cerveau, le développement potentiel de maladies neurologiques et leur traitement. Leurs résultats sont publiés dans la revue PNAS.

 

Depuis une trentaine d’années, les rapides progrès de l’imagerie cérébrale (imagerie par résonnance magnétique ou IRM) ont permis de grandes avancées en neurosciences. Cette technique a ouvert la voie à une meilleure compréhension du cerveau et des mécanismes de certaines pathologies.

L’IRM permet d’avoir accès à l’organisation générale du cerveau, notamment la carte des connexions neuronales qui existent entre les différentes régions cérébrales (un peu comme une carte des routes qui relient les différentes villes entre elles). « Cette carte est unique à chaque personne, elle est même plus précise qu’une empreinte digitale », souligne le chercheur Inserm Christophe Bernard. Pour poursuivre l’analogie, les maladies neurologiques, telles que la maladie d’Alzheimer ou les épilepsies, sont associées à une réorganisation des cartes. Ainsi, les connexions entre régions cérébrales sont modifiées, certaines « routes » disparaissent.

Mais s’il est possible de visualiser très précisément le cerveau de chaque individu après avoir obtenu la carte des connexions avec l’IRM, est-il possible à partir de là de prévoir tout aussi précisément son fonctionnement cérébral ainsi que le développement éventuel de pathologies et leur traitement ? La connaissance de cette « carte » est-elle suffisante pour faire ce type de prédictions de manière individuelle, chez chaque patient ?

 

Cerveau virtuel

C’est à ces questions que Christophe Bernard, chercheur à l’Institut de Neurosciences des Systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université) et ses collègues ont tenté de répondre dans une nouvelle étude publiée dans la revue PNAS. Les chercheurs ont d’abord visualisé très précisément par imagerie cérébrale les connexions existantes entre les régions cérébrales du cerveau de plusieurs souris.

À partir de ces « cartes », ils ont créé des modèles virtuels du cerveau de chaque souris grâce à une technologie appelée « Cerveau Virtuel »[1], en collaboration avec des chercheurs de Technion en Israël. Dans chacun de ces cerveaux virtuels, les chercheurs ont ensuite généré une activité électrique, mimant ce qui se passe dans un cerveau réel.

La carte des connexions cérébrales d’une souris permet de prédire l’activité du cerveau de cette même souris. Résultats obtenus après virtualisation du cerveau de souris sur la plateforme « Le Cerveau Virtuel ». Crédits : Christophe Bernard

Ceci leur a permis d’étudier quelle région du cerveau communique avec quelle région, résultats qui ont été comparés avec les données expérimentales obtenues à l’état de repos chez chaque souris en imagerie fonctionnelle. Les chercheurs ont ainsi montré que la connaissance de la « carte » de chaque souris suffit à expliquer l’activité du cerveau de cette même souris comme vue en imagerie fonctionnelle. Ils ont aussi pu démontrer quelles connexions font que chaque cerveau de souris est unique.

Ces résultats devront être validés chez l’Homme, mais ils permettent d’ores et déjà d’ouvrir la voie à la médecine personnalisée du futur. « Nos travaux valident la stratégie de virtualisation du cerveau des patients pour explorer dans l’ordinateur les stratégies thérapeutiques optimales avant leur transfert personnalisé. Nous pouvons imaginer que le fait de pouvoir prédire le développement de certaines pathologies chez un individu à partir de la carte unique de son cerveau nous permettent d’envisager des stratégies de prévention et des options thérapeutiques personnalisées », souligne Christophe Bernard.

[1] Le « Cerveau virtuel est une plateforme neuro-informatique, développée par Viktor Jirsa à l’Institut de Neuroscience des Systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université) en collaboration avec Randy McIntosh (Baycrest Centre, Toronto) et Petra Ritter (Charité, Berlin). La technologie permet la création de modèles individuels du cerveau. En cours d’évaluation dans le contexte de patients épileptiques résistants aux médicaments, cet outil permet par exemple, après la virtualisation du cerveau d’un patient, d’explorer et de prédire quelle serait la meilleure intervention neurochirurgicale pour guérir une épilepsie résistante à tout traitement.

Les promesses de la rétine artificielle pour restaurer la vue se concrétisent

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Depuis plusieurs années, la perspective de restaurer la vision des patients souffrant de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou de rétinopathies pigmentaire devient de plus en plus tangible. De nombreux chercheurs ont ainsi tenté de développer une rétine artificielle permettant de lutter contre la cécité. Dans une nouvelle étude, une équipe de l’Institut de la vision (Inserm-CNRS- Sorbonne Université) menée par le chercheur Inserm Serge Picaud a montré, dans des modèles animaux, qu’un dispositif fabriqué par la société Pixium Vision permettrait d’induire une perception visuelle de haute résolution. Leurs résultats, publiés dans Nature Biomedical Engineering, ont ouvert la voie à des essais cliniques chez l’Homme.

Maladie du vieillissement particulièrement invalidante, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) se caractérise par une dégradation de la rétine pouvant mener à une perte de la vision centrale. Jusqu’à 30 % des personnes âgées de plus de 75 ans seraient concernées. Depuis des années, plusieurs groupes de chercheurs œuvrent pour développer une rétine artificielle qui pourrait redonner la vue à ces patients, ainsi qu’aux individus atteints de rétinopathie pigmentaire.

La rétine est composée de cellules sensibles à la lumière appelées photorécepteurs, dont le but est de transformer les signaux lumineux reçus par l’œil en signaux électriques acheminés vers le cerveau. Ce sont ces cellules qui sont détruites au cours de ces pathologies, ce qui peut mener à la cécité. Le principe d’une rétine artificielle est simple : elle est développée pour se substituer à ces photorécepteurs. Le dispositif est en fait constitué d’implants fixés sous la rétine et composés d’électrodes qui viennent stimuler les neurones rétiniens pour porter les messages au cerveau. 

Deux dispositifs de ce type, l’Argus II (Second sight, Etats-Unis) et le Retina Implant (AG, Allemagne), ont déjà largement été implantés. « Néanmoins, ces deux entreprises se désengagent petit à petit du marché, notamment parce que le rendu pour les patients n’était pas suffisant pour cibler les patients atteints de DMLA. Les patients parvenaient à voir des signaux lumineux, mais ceux qui arrivaient à distinguer des lettres étaient très minoritaires », souligne Serge Picaud.

Vers une implantation chez les patients

Réinventer le dispositif pour le rendre plus performant : telle a été l’ambition de ce chercheur Inserm et de ses collègues. Portée par l’entreprise Pixium Vision, leur rétine artificielle, inventée par le Pr Palanker à l’Université de Stanford (USA), est un dispositif sans fil, moins complexe, contrairement aux dispositifs précédents. De plus, cet implant introduit un retour local du courant induisant ainsi une meilleure résolution des images perçues par l’œil. Enfin, l’image est projetée sur l’implant par une stimulation infrarouge qui active des photodiodes reliées aux électrodes, permettant une stimulation plus directe des neurones rétiniens.

La rétine artificielle développée par Pixium Vision. Crédits : Serge Picaud

Dans leur étude publiée dans Nature Biomedical Engineering, Serge Picaud et ses collègues ont testé ce dispositif chez des primates non-humains, montrant qu’il permet de restaurer une acuité visuelle significative. Des tests in vitro ont d’abord montré que chaque pixel active des cellules différentes dans la rétine. Cette sélectivité se traduit par une très haute résolution, de sorte que des animaux implantés peuvent percevoir l’activation d’un seul pixel de l’implant dans un test de comportement.

La haute résolution de ces implants a permis d’ouvrir la voie à l’implantation du dispositif chez cinq patients français atteints de DMLA dans le service de José-Alain Sahel à la Fondation ophtalmologique A. de Rothschild. Les premiers résultats indiquent que ceux-ci retrouvent peu à peu une vision centrale. Ils sont en mesure de percevoir des signaux lumineux, et certains peuvent même identifier des séquences de lettres, de plus en plus rapidement au cours du temps.

« L’objectif est maintenant de faire un essai de phase 3 chez un groupe plus conséquent de patients atteints de DMLA. Si la rétine artificielle fonctionne chez eux, nous pensons qu’il n’y a pas de raison pour qu’elle ne fonctionne pas chez des patients souffrant de rétinopathie pigmentaire, maladie également liée à la dégénérescence des photorécepteurs », conclut Serge Picaud.

Innovation : le froid pour réduire le risque de séquelles des arrêts cardiaques

Vaisseaux lymphatiques du coeur chez le rat ©Inserm/Brakenhielm, Ebba

Chaque année en France, 46 000 personnes sont victimes d’un arrêt cardiaque. Des chercheurs de l’EnvA, de l’université Paris Est Créteil, de l’Inserm et de l’institut Mondor de recherche biomédicale proposent une nouvelle approche pour mieux les prendre en charge et mieux appréhender leurs possibles conséquences. Elle repose sur une technique basée sur le froid et la ventilation liquide et est décrite dans le journal EBioMedicine.

Un nouveau pas vers une meilleure prise en charge des arrêts cardiaques vient d’être franchi ! Après 15 années de recherche, les équipes de chercheurs impliquant les professeurs Renaud Tissier (INSERM, EnvA, Institut Mondor) et Philippe Micheau (Université de Sherbrooke, Canada) ont mis au point une technologie permettant de traiter les maladies critiques en réanimation (les arrêts cardiaques notamment). Cette technique repose sur les vertus du froid. Il s’agit de faire respirer au patient inconscient un liquide froid qui va refroidir très rapidement le corps tout en assurant l’apport en oxygène. La température du corps diminue alors pour atteindre 32°C. Cet état d’hypothermie est atteint en 20 minutes contre trois à six heures avec les techniques habituelles (pour un individu de 80kg). Le froid va réduire la circulation sanguine et
réduire les besoins du corps, notamment en oxygène, et de ce fait limiter le risque de séquelles, par exemple neurologiques et cardiaques.

Les résultats de ces travaux de recherche sont publiés dans un article sur le site internet de E-biomedicine. Ils seront repris dans le numéro à venir de la revue, en janvier 2020. Dans cette nouvelle étude, les auteurs ont permis de mieux comprendre la physiologie pulmonaire au cours de la ventilation liquide, afin d’aboutir à une excellente tolérance de la procédure, tout en conservant et potentialisant les bénéfices. Un nouveau concept de ventilation liquide est alors proposé par la ventilation des poumons sous leur capacité résiduelle fonctionnelle.

À partir de ces travaux, la start up Orixha a mis au point des prototypes, déposé des brevets et réalisé les premiers tests. Orixha et Erganeo, société de transfert technologique valorisant les travaux des organismes publics de recherche, ont signé en juin une licence exclusive mondiale sur l’utilisation de cette technologie innovante.

L’enjeu est majeur pour les 46 000 victimes d’arrêts cardiaques en France chaque année. D’autant que le taux de survie après 30 jours est de 4,9%, augmentant à 10,4% lorsqu’un massage cardiaque a été effectué immédiatement après la perte de conscience.

Comment les personnes autistes éviteraient les situations socio-émotionnelles

Le manque de flexibilité cognitive est une des hypothèses mises en avant pour expliquer les comportements répétitifs des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme. Et si ce n’était pas le cas ? C’est ce que suggèrent les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’université de Tours qui ont suivi par IRM l’activité cérébrale de participants autistes et non-autistes face à des situations similaires à celles posant problème aux personnes autistes au quotidien. Leurs résultats parus dans Brain and Cognition suggèrent que l’inflexibilité des personnes autistes proviendrait en fait d’une stratégie d’évitement des situations socio-émotionnelles. Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes dans la compréhension et la prise en charge de l’autisme, en proposant de ne plus dissocier le domaine cognitif du domaine socio-émotionnel mais de les considérer comme étroitement liés.

Les personnes avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) montrent dans leurs activités quotidiennes des difficultés à adapter leur comportement aux modifications de l’environnement. Le TSA est caractérisé par deux critères diagnostiques principaux : une difficulté persistante à communiquer socialement et un enfermement dans des schémas comportementaux répétitifs, des intérêts et/ou activités restreints. Mais si le diagnostic d’autisme requiert la présence simultanée de ces deux critères, leur interaction demeure peu étudiée.

Dans une étude dirigée par Marie Gomot, chercheuse Inserm, au sein du laboratoire « Imagerie et cerveau » (Inserm/Université de Tours), cette question a été abordée en comparant la gestion cognitive des informations socio-émotionnelles et celle des informations non-sociales chez les personnes autistes.

Si les processus à l’origine des symptômes du TSA ne sont pas encore bien compris, l’une des hypothèses aujourd’hui avancée est un manque de flexibilité cognitive, c’est-à-dire une difficulté à alterner entre plusieurs tâches et à analyser son environnement pour s’adapter à ses changements.

Pour évaluer cette flexibilité, les chercheurs ont suivi par IRM l’activité cérébrale de participants autistes et non-autistes soumis à un test simulant des situations similaires à celles posant problème aux personnes TSA au quotidien.

L’équipe de recherche a utilisé une version modifiée d’un test classique en neuropsychologie qui lui a permis de tester la flexibilité cognitive lors du traitement d’informations non sociales ou socio-émotionnelles. Cinq cartes étaient présentées, chacune illustrée d’un visage différent. Les participants devaient associer la carte centrale avec une des quatre cartes adjacentes selon un des trois critères suivants : couleur du cadre de la carte (information non sociale), identité du visage (information sociale) ou expression faciale (information socio-émotionnelle). Tout au long du test, pour évaluer la flexibilité cognitive des participants, il leur était demandé de réaliser différentes associations (même couleur, même identité ou même expression faciale) en changeant ou maintenant une des trois règles en vigueur.

L’équipe de recherche n’a constaté aucune différence significative entre les participants autistes et non-autistes sur les paramètres comportementaux mesurant purement la flexibilité cognitive, c’est-à-dire la capacité à adopter une nouvelle règle.

En revanche, l’étude révèle l’importance de la nature de l’information à traiter sur ces processus de flexibilité cognitive dans l’autisme. Ainsi, les participants TSA ont besoin de plus d’essais que les participants non-TSA pour s’orienter vers la règle liée à l’information socio-émotionnelle, alors qu’ils ne montrent pas de difficultés particulières à adopter celles impliquant le traitement d’informations non émotionnelles.

Parallèlement, l’IRM a mis en évidence une activité cérébrale significativement plus importante chez les participants autistes lorsqu’ils devaient faire preuve de flexibilité cognitive. Cette activité cérébrale ne se stabilisait que lorsque les participants TSA recevaient confirmation qu’ils avaient trouvé la bonne règle à appliquer. Cette observation suggère que l’adaptation à une nouvelle situation nécessiterait un niveau plus élevé de certitude chez les personnes autistes.

« Ces résultats sont importants car ils suggèrent que les personnes TSA pourraient mettre en place des routines et des comportements répétitifs non en raison d’un réel manque de flexibilité cognitive mais plutôt pour éviter d’être confrontées à certaines situations socio-émotionnelles, précise Marie Gomot. Le besoin d’un haut niveau de certitude combiné à une faible compréhension des codes régissant les interactions socio-émotionnelles mènerait ainsi à un évitement des tâches impliquant une composante socio-émotionnelle. » Et de conclure, « ces travaux confirment que les dysfonctionnements cognitifs et émotionnels sont étroitement liés dans le TSA et qu’ils devraient davantage être considérés conjointement dans de futures études. »

Du tissu adipeux humain reproduit en laboratoire

Sphéroïde mimant in vitro l’architecture du tissu adipeux. Rouge : lipides stockés dans les gouttelettes lipidiques des adipocytes, vert : cellules endothéliales structurées en réseaux, cyan : noyaux©STROMALab

Reproduire un tissu adipeux humain en laboratoire ? C’est désormais possible grâce à une équipe de recherche réunissant l’Inserm, le CNRS, l’université Toulouse III-Paul-Sabatier, l’Etablissement français du sang et l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) au sein du laboratoire STROMALab. Cette équipe a développé via la culture en 3 dimensions des petites unités cellulaires qui miment les caractéristiques et l’organisation du tissu adipeux tel qu’il se présente in vivo : les organoïdes du tissu adipeux ou « adiposphères ». Dans leur article paru dans Scientific Reports, les chercheurs détaillent les différentes étapes des conditions expérimentales nécessaires pour obtenir ces adiposphères à partir de cellules humaines. Cette innovation pourrait notamment permettre d’étudier les pathologies associées au dysfonctionnement de ce tissu telles que l’obésité et le diabète de type 2 mais aussi de développer de nouveaux médicaments pour traiter ces maladies.

Le tissu adipeux humain, richement vascularisé par un réseau de capillaires, est constitué de cellules graisseuses appelées « adipocytes ». Jusqu’à présent, pour l’étudier en laboratoire,  les chercheurs travaillaient sur des modèles 2D qui ne rendaient pas compte de l’architecture en 3D de ce tissu, tel qu’on le retrouve dans le corps humain.

Des « minis organes » appelés « organoïdes », capables de reproduire l’organisation cellulaire d’un organe spécifique, avaient déjà été mis au point pour certains tissus comme celui de l’intestin. Cependant, il n’en existait pas qui permette de reproduire l’organisation cellulaire et vasculaire en 3D du tissu adipeux en laboratoire.

C’est maintenant chose faite grâce à des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’université Toulouse III-Paul-Sabatier, de l’Etablissement français du sang et de l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse réunis au sein du laboratoire STROMALab. Grâce à l’avènement des nouvelles méthodes de culture cellulaire en 3D, la maîtrise de la sélection et de la caractérisation des cellules stromales du tissu adipeux (des cellules de soutien), cette équipe a pu mettre au point des organoïdes de ce tissu, appelés « adiposphères ».

Génération des organoïdes en 3D

A partir de ces cellules stromales du tissu adipeux humain, les chercheurs ont mis au point des nouvelles conditions de culture en 2D, puis en 3D, permettant d’obtenir à la fois des adipocytes et des cellules endothéliales de ce tissu. Les adiposphères ainsi obtenues contenaient un réseau vasculaire intact et organisé autour d’adipocytes de façon identique à celle du véritable tissu humain. Mieux encore, les adipocytes obtenus étaient capables de se différencier en adipocytes de tissu brun ou blanc (les deux types de tissu adipeux chez l’humain) de la même manière que ceux rencontrés dans le corps humain.

Transplantation chez la souris

L’équipe de recherche a ensuite transplanté ces adiposphères chez des souris afin de vérifier la fonctionnalité de leur réseau vasculaire. Ils ont constaté que non seulement ce réseau se maintenait dans l’organisme, mais qu’en plus, il s’était étendu en établissant des connections avec le système circulatoire de l’hôte.

Les chercheurs ont également observé des vaisseaux dits « chimériques », constitués à la fois de cellules de souris et de cellules humaines. « Tous ces éléments sont des signes de la bonne tolérance de l’hôte vis-à-vis des organoïdes transplantés, expliquent Isabelle Ader, chercheuse Inserm, et Frédéric Deschaseaux, de l’Etablissement français du sang, auteurs de l’étude. Cela permet de conclure non seulement que ces petites structures sont fidèles à l’organisation du tissu humain, mais également qu’elles sont capables de se maintenir en vie grâce à l’établissement de connections avec le système circulatoire de l’hôte qui leur apporte l’oxygène et les nutriments nécessaires. »

Selon les chercheurs, cette innovation va permettre de poursuivre des études sur le fonctionnement et les propriétés du tissu adipeux chez l’Homme, en diminuant ainsi l’utilisation des animaux et en travaillant directement sur du tissu humain.

« Cette innovation va également permettre de tester différents médicaments qui pourraient être utilisés dans le cadre d’un traitement de certaines maladies liées à une pathologie du tissu adipeux comme l’obésité ou le diabète de type 2 », concluent Isabelle Ader et Frédéric Deschaseaux.

Lire aussi l’article paru dans le Magazine de l’Inserm, n°43, Juin 2019.

L’hépatite D, un virus qui en utilise d’autres

Foie humain avec fibres de collagène. Hépatocyte et cellules circulantes (x2000).© Inserm/U56

Si la plupart des virus sont capables de se répliquer seuls dans les cellules qu’ils infectent, ce n’est pas le cas du virus de l’hépatite D (VHD). Celui-ci a besoin que le virus de l’hépatite B (VHB) co-infecte une cellule afin de se transmettre à d’autres cellules. En effet, le VHD ne possède pas de gènes codant les protéines d’enveloppe virale sans lesquelles il est incapable de sortir d’une cellule pour en infecter une autre, mais utilise celles du VHB. Cette interaction, rare au sein des virus animaux, fait l’objet d’une étude de l’équipe de François-Loïc Cosset, directeur de recherche CNRS au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI, CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard – Lyon 1/Inserm). Ces recherches, soutenues par l’ANRS, démontrent dans un modèle de souris au foie humanisé, que le VHD est capable in vitro et in vivo d’utiliser l’enveloppe d’autres virus que celle du VHB, comme celle du virus de l’hépatite C et de virus d’autres genres, comme celui de la dengue. Ces résultats sont parus le 8 mai 2019 dans Nature Communications.

Le virus de l’hépatite D (VHD) a été découvert il y a 40 ans chez des patients préalablement diagnostiqués comme atteints d’hépatite B (VHB). Cette co-infection virale s’est rapidement révélée nécessaire pour le VHD, celui-ci étant incapable d’infecter seul d’autres cellules.

En effet, son génome ne contient pas les gènes nécessaires à la production d’une enveloppe virale, élément entourant le virus et lui permettant de sortir de la cellule pour en infecter d’autres (figure 1). Un tel virus, nécessitant une co-infection pour se multiplier, est dit « satellite ». L’infection par le VHD est responsable de symptômes plus marqués que lors d’une infection par le VHB seul, mais, si à présent ce virus a été sujet de plusieurs études, son origine reste à ce jour inconnue.

 

Figure 1 : Utilisation des enveloppes virales par le VHD. Les gènes du VHD ne codent que pour ses ribonucléoprotéines (RNP), d’où son besoin d’utiliser des enveloppes de virus différents pour former une particule virale complète. Les particules dites « conventionnelles » sont celles utilisant l’enveloppe du VHB, alors que l’existence des particules « non conventionnelles », c’est-à-dire utilisant l’enveloppe d’un autre virus, est montrée dans ce travail.

Une étude menée par l’équipe de François-Loïc Cosset au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) à Lyon, soutenue par l’ANRS et le LabEx ECOFECT, publiée le 8 mai 2019 dans Nature Communications s’intéresse à l’utilisation par le VHD de l’enveloppe d’autres virus que celle du VHB, notamment virus de l’hépatite C (VHC) et virus de la dengue. Dans ce travail, les chercheurs montrent in vitro que des cellules infectées à la fois par le VHD et des virus différents du VHB et formant des enveloppes permettent la production de VHD fonctionnel et infectieux. Ce dernier a donc été capable d’utiliser l’enveloppe d’un autre virus et de se propager indépendamment du VHB.

Ces résultats sont validés in vivo dans un modèle de souris au foie humanisé, dans lequel la co-infection du VHD avec le VHC lui permet de se multiplier. Ce dernier, d’une famille différente du VHB, illustre et prouve la capacité qu’a le VHD à utiliser des enveloppes de virus variés pour créer des particules virales infectieuses.

Les chercheurs concluent que « Le VHD est capable d’être le satellite de virus de familles différentes du VHB, ce qui ouvre la possibilité qu’il puisse s’associer avec d’autres virus humains. Ainsi, des nouveaux scénarios de pathogénèse et des modes de transmission différents, jusqu’à présent inenvisageables, sont possibles et doivent être recherchés. » Suite à ce travail, l’équipe souhaite vérifier ces hypothèses à partir d’échantillons issus de cohortes de patients infectés par le VHD afin de saisir l’ampleur de ce mécanisme chez l’humain.

Des pansements pour régénérer les articulations

 

Cartilage articulaire © Inserm/Chappard, Daniel

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg au sein de l’Unité 1260  » Nanomédecine régénérative » ont mis au point un implant qui, appliqué comme un pansement, permet de régénérer les cartilages en cas de lésions importantes des articulations ou d’arthrose débutante. Les détails de cette innovation validée en phase préclinique sont publiés ce jour dans Nature communication.

L’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation des traumatismes accidentels nécessitent une augmentation des interventions chirurgicales visant à remplacer une articulation défectueuse. Parmi les pathologies chroniques, l’arthrose, décrite comme une destruction du cartilage touchant toutes les structures de l’articulation, dont l’os et le tissu synovial, qui tapisse l’intérieur des articulations représente un réel problème de santé publique. Selon le diagnostic médical, plusieurs options thérapeutiques sont possibles allant de la microgreffe à la pose d’une prothèse. Néanmoins, ces interventions sont toutes invasives et/ou douloureuses pour le patient, avec une efficacité limitée et des effets secondaires.

Aujourd’hui, en dehors de la pose de prothèses, on se contente en réalité de réparer provisoirement le cartilage des articulations et d’alléger les douleurs.  Les traitements consistent surtout à injecter des anti-inflammatoires ainsi que de l’acide hyaluronique pour améliorer la viscosité de l’articulation. Des cellules souches peuvent être aussi utilisées, notamment parce qu’elles sécrètent des molécules capables de contrôler l’inflammation.

Dans ce contexte et afin de régénérer ce tissu conjonctif, souple et souvent élastique qui recouvre nos articulations et permet aux os de bouger et de glisser l’un par rapport à l’autre, une équipe de recherche associant l’Inserm et l’université de Strasbourg vient de mettre au point un pansement pour le cartilage – inspiré des pansements de nouvelle génération qui forment comme une seconde peau sur les plaies cutanées. Avec les pansements développés par la chercheuse et son équipe, la réponse thérapeutique passe un nouveau cap. On n’est plus seulement dans la réparation, on parle réellement de régénération du cartilage articulaire.

L’équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg 1260 sous la direction de Madame Benkirane-Jessel a en effet mis au point une technique innovante d’implant ostéoarticulaire, capable de reconstituer une articulation endommagée et dont l’application peut être comparée à celle des pansements. « L’implant que nous avons développé se destine à deux cas en particulier, d’une part les grandes lésions du cartilage et d’autre part les arthroses débutantes. » explique la chercheuse.

Dans le détail, ces pansements articulaires  sont composés de deux couches successives. La première, qui fait office de support (pansements classiques), est une membrane composée de nanofibres de polymères et dotée de petites vésicules contenant des facteurs de croissance en quantités similaires à celles que nos cellules sécrètent elles même. La seconde est une couche d’hydrogel chargée d’acide hyaluronique et de cellules souches provenant de la moelle osseuse du patient lui-même, ce sont ces cellules qui, en se différenciant en chondrocytes (cellules qui forment le cartilage) vont régénérer le cartilage de l’articulation. 

Les scientifiques entrevoient un avenir prometteur pour leur « pansement à cartilage » : en plus de l’articulation du genou et de l’épaule, celui-ci pourrait aussi être utilisé pour l’articulation temporo-mandibulaire, liée à la mâchoire. Assez handicapante, celle-ci peut conduire à des douleurs, des bruits articulaires mais surtout à une baisse de l’amplitude de l’ouverture de la bouche. L’équipe de chercheurs a d’ores et déjà mené des essais concernant des lésions cartilagineuses chez le petit animal, la souris et le rat, ainsi que chez le grand animal, la brebis et la chèvre, des modèles très adaptés à l’étude comparée des cartilages avec l’homme. L’objectif est de lancer un essai chez l’homme avec une petite cohorte de 15 patients.

Ce projet a été soutenu par la Satt conectus, L’ANR et la grande région Est.

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