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Maladie d’Alzheimer : un diagnostic simplifié, avec les critères les plus fiables

Combien de patients ont un diagnostic erroné de la maladie d’Alzheimer ? La réponse surprend par son importance: plus d’un tiers ! Pour limiter les erreurs, les critères de diagnostic doivent être les plus fiables possibles, en particulier au stade très précoce de la maladie. C’est ce sur quoi planche, depuis une dizaine d’années, une équipe internationale de neurologues, coordonnée par Bruno Dubois (UMRS 975 Inserm/Université Pierre et Marie-Curie/AP-HP). Dans la revue The Lancet Neurology de juin, les chercheurs sont parvenus à un diagnostic simplifié avec les critères les plus spécifiques de la maladie. Un enjeu principalement pour la recherche, mais aussi pour la clinique.

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative. C’est la plus fréquente (70%) des démences. En France, le nombre de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et d’autres démences est estimé entre 750.000 et un million et devrait atteindre 1,29 à 1,40 million de patients en 2030. La maladie d’Alzheimer est due à une perte de neurones. C’est l’accumulation de certaines protéines cérébrales qui est à l’origine des lésions. La pathologie commence par des troubles de la mémoire. Puis viennent des difficultés à s’orienter dans l’espace et le temps, des troubles du comportement et une perte d’autonomie. Mais ces symptômes ne sont pas spécifiques de la maladie d’Alzheimer. Et tout l’enjeu est de savoir distinguer cette pathologie d’autres démences, de poser le diagnostic le plus fiable et le plus précoce possible.

En 2005, un groupe international de neurologues, coordonné par Bruno Dubois à l’Inserm, s’est réuni pour redéfinir les critères diagnostiques établis en 1984. Jusqu’alors, il fallait attendre la mort d’un patient pour pouvoir établir avec certitude le diagnostic de maladie d’Alzheimer, après l’examen des lésions dans son cerveau. Et de son vivant, on ne pouvait évoquer qu’une probabilité de pathologie et seulement à un stade tardif, à partir d’un certain seuil de sévérité de démence.

En 2007, l’équipe internationale a fait voler en éclats ces concepts. Les chercheurs ont introduit de nouveaux critères diagnostiques, en particulier des biomarqueurs. Il s’agit de véritables signatures de la pathologie, présentes dès les premiers symptômes (stade prodromal).

La publication de ces résultats a constitué une révolution. Des chercheurs se sont alors aperçus qu’avec ces nouveaux critères, « 36% de leurs patients inclus dans un essai thérapeutique sur la base d’anciens critères cliniques n’avaient pas la maladie d’Alzheimer », rapporte Bruno Dubois. Et même si cette analyse n’a porté que sur un sous-groupe de patients, l’enjeu est important. Des patients n’ont pas reçu le bon traitement et/ou la bonne prise en charge. Et la mauvaise sélection des patients a peut-être eu un impact sur l’absence d’efficacité du nouveau traitement qui a été observée.

Depuis 2007, beaucoup d’études ont été publiées. Et le groupe international a décidé d’analyser cette littérature pour rendre plus simple et plus fiable l’algorithme de diagnostic de la maladie d’Alzheimer.

« On est au bout du chemin, on arrive à l’essentiel, à quelque chose d’épuré, émanant d’un consensus international», indique le Pr Dubois. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer repose désormais sur « un seul couple de critère clinico-biologique pour tous les stades de la pathologie » (cf encadré).

Cet algorithme plus simple et plus fiable est important, tout d’abord pour la recherche (essais thérapeutiques, caractérisation de la pathologie, suivi de cohortes de patients…). En dehors de la recherche, l’utilisation des biomarqueurs, qui est onéreuse et/ou invasive, reste pour l’instant limitée aux patients jeunes ou aux cas difficiles ou complexes dans des centres experts.

Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer repose la plupart du temps d’abord sur un profil clinique évocateur. Il est ensuite confirmé ou infirmé par un biomarqueur.

Pour le profil clinique, trois situations existent :

–        cas typiques (80 à 85% de tous les cas): troubles de la mémoire épisodique à long terme (appelés syndrome amnésique de type hippocampique et correspondant par exemple à la difficulté de se rappeler d’une liste de mots même avec des indices)

–        cas atypiques (15 à 20% des cas): atrophie de la partie arrière du cortex cérébral ou aphasie logopénique (trouble de la mémoire verbale où le patient répète un mot en inversant les syllabes par exemple) ou atteinte de la partie avant du cerveau (qui donne des troubles du comportement)

–        états précliniques: asymptomatiques à risque (patients sans symptôme mais pour lesquels on découvre fortuitement dans le cadre d’études scientifiques qu’ils ont des biomarqueurs positifs) et présymptomatiques (ayant une mutation génétique)

L’un des deux biomarqueurs suivants est nécessaire :

–        dans le liquide céphalorachidien (issu d’une ponction lombaire) : teneurs anormales de protéines cérébrales (en baisse pour la  protéine bêta amyloïde et en hausse pour la protéine tau)

–        dans le cerveau par neuro-imagerie TEP (tomographie par émission de positons) : rétention élevée du traceur amyloïde

Tablet mit der Diagnose Alzheimer auf dem Display

Des neurones d’emblée trop sensibles au stress cellulaire dans la maladie de Huntington

Les neurones ne peuvent pas se défendre correctement contre la maladie de Huntington, et ce, dès le début de la pathologie. C’est ce qu’une équipe de chercheurs de l’Inserm de l’Institut de biologie Paris-Seine (Inserm/CNRS/université Pierre et Marie Curie) et leurs collègues américains et australiens ont découvert. En cause, la défaillance d’un mécanisme important de longévité cellulaire. Au-delà de ce résultat, cette étude montre l’importance de restaurer la capacité de résistance au stress des neurones pour retarder les manifestations de la maladie. Des travaux qui conduisent à une nouvelle façon d’envisager de traiter les maladies neurodégénératives.Les résultats de ce travail sont publiés dans PLoS Biology.

Rôle de la huntingtine au cours de la mitose ©Inserm/Elias, Salah

La maladie de Huntington est une pathologie neurodégénérative héréditaire dont les symptômes comprennent des mouvements involontaires (chorée) et des troubles cognitifs et psychiatriques. La maladie se déclare à tous les âges de la vie, mais en général vers 40 ans. Elle évolue sur de nombreuses années, avec une perte d’autonomie progressive et un décès au bout de 15 à 20 ans en moyenne. Aucun traitement curatif ni préventif n’est actuellement disponible. Mais une prise en charge adaptée peut améliorer l’état des patients.

Environ 6.000 personnes seraient touchées par cette maladie en France, et probablement plus portent la mutation génétique à l’origine de la maladie. Des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux permettraient d’expliquer les différences entre les patients, tant dans la diversité et la sévérité des symptômes rencontrés, que dans l’âge d’apparition de la maladie.

La maladie de Huntington est causée par des mutations dans le gène de la huntingtine et la production de protéines du même nom dont la forme est anormale. La huntingtine mutée génère un stress cellulaire continu qui conduit à la mort de certains neurones, notamment dans le striatum (partie centrale du cerveau). A partir de ce postulat, les chercheurs ont émis l’hypothèse que l’étude de cette maladie pourrait permettre de comprendre comment les neurones résistent au stress dans les maladies neurodégénératives.

«  Jusqu’à présent, on pensait que les neurones étaient capables de s’adapter à cette situation stressante, d’y résister en mobilisant pleinement leurs capacités de compensation. Ce que l’on a découvert, c’est que la résistance au stress de ces neurones est défaillante d’entrée de jeu, qu’elle est plus faible que celle d’une cellule normale », indique Christian Néri, directeur de recherche à l’Inserm à l’Institut de biologie Paris-Seine (Inserm/CNRS/université Pierre et Marie Curie). «  C’est une situation inattendue due à des anomalies précoces qui viennent bloquer les mécanismes de longévité des neurones adultes. Cela pose la question de « l’âge biologique » des neurones dans les maladies neurodégénératives », ajoute-t-il.

Le scientifique et ses collègues français, américains et australiens ont travaillé sur un petit ver (C. elegans) qui, grâce à sa transparence, rend facile une manipulation et une observation des neurones. A partir ces animaux dans lesquels le gène de la huntingtine mutée est introduit dans les neurones, ils ont étudié les effets de la huntingtine à l’échelle du génome à l’aide de modélisations mathématiques. Ils ont mis en évidence une inhibition des protéines FOXO, qui sont connues pour jouer un rôle important dans la longévité et la résistance au stress. Chez les centenaires, les gènes FOXO seraient efficaces pour lutter contre le stress cellulaire. Le secret de leur longévité s’expliquerait par un meilleur « équipement » pour résister au stress.

Les chercheurs ont confirmé ces résultats dans d’autres modèles de la maladie, mettant en lumière les liens étroits entre la longévité cellulaire et la résistance aux maladies neurodégénératives.

Mais surtout, ces travaux qui sont au centre du Laboratoire International Associé (LIA) de l’Inserm ‘Longévité Neuronale’ montrent l’importance de restaurer la capacité de résistance au stress des neurones pour retarder les manifestations de la maladie.


 Cette piste thérapeutique pourrait être particulièrement intéressante pour lutter contre les tout premiers stades de la maladie de Huntington et d’autres maladies neurodégénératives.

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photo 1 : Les chercheurs ont fait appel à la biologie systémique pour déchiffrer la complexité des effets toxiques de la huntingtine mutée sur le génome des neurones. Ils ont analysé l’expression de ce génome par des modélisations mathématiques basées sur les réseaux d’interaction entre les gènes. Le résultat est illustré ici sous forme stylisée en 3D

photo 2 :Les chercheurs ont travaillé sur de petits vers transparents. Il s’agit de nématodes C. elegans transgéniques modélisant la pathologie neuronale dans la maladie de Huntington. On peut voir chez l’animal vivant des anomalies morphologiques des axones grâce à des marqueurs fluorescents.

Comment une cellule souche voit rouge

De nombreuses situations médicales nécessitent un apport en globules rouges: anémies, accidents de la route ou chimiothérapie. Mais la pénurie de sang est réelle. Des chercheurs du monde entier s’attèlent donc à trouver des solutions pour pallier ces manques avec en ligne de mire l’espoir de pouvoir créer à l’infini globules rouges, plaquettes, etc., à partir de cellules souches et selon les besoins. Naomi Taylor, directrice de recherche Inserm, et son équipe à l’Institut de Génétique Moléculaire de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier) viennent de franchir un pas dans cette étape. Ils montrent que deux substances : le glucose et la glutamine dictent le chemin pour qu’une cellule souche sanguine devienne un globule rouge ou au contraire donne d’autres types de cellules sanguines.
Ces travaux sont publiés dans la revue Cell Stem Cell.

La durée de vie d’une cellule sanguine peut être très variable : de plusieurs décennies pour certains lymphocytes à 120 jours pour un globule rouge, 8 jours pour les plaquettes, voire seulement 1 jour pour les neutrophiles. Il faut donc que l’organisme renouvelle quotidiennement et spécifiquement certaines de ces cellules pour assurer les besoins en sang « frais » tout en maintenant l’équilibre entre les différents types de cellules sanguines.

De nombreuses recherches ces dernières décennies se sont concentrées sur l’élucidation du rôle de certaines cytokines pour favoriser la multiplication des cellules souches sanguines et leur différenciation soit en globule rouge, soit en « globules blancs » ou en cellules productrices de plaquettes. C’est ainsi que l’EPO est désormais bien connue pour stimuler et favoriser la multiplication des globules rouges tandis que le GM-CSF, par exemple, stimule la multiplication des cellules du type monocytes/macrophages, les fameuses cellules « nettoyeuses » circulantes. Les cytokines comme l’EPO ou le GM-CSF sont utilisées pour aider à la reconstitution hématopoïétique, après chirurgie, pendant une chimiothérapie anticancéreuse, après une greffe de moelle osseuse ou encore lors d’une infection par le VIH, le virus du SIDA par exemple.

Mais il semble que ces cytokines, pourtant déterminantes, ne suffisent pas à assurer l’aiguillage vers les différentes lignées sanguines. La question se pose alors des paramètres et facteurs complémentaires qui vont orienter plus efficacement les cellules souches hématopoïétiques vers un type cellulaire plutôt qu’un autre.

Au cours de la différenciation, de nombreuses divisions cellulaires ont lieu au fur et à mesure que les cellules filles acquièrent leurs caractéristiques propres. Ce processus nécessite non seulement de l’énergie mais aussi des molécules telles que les acides aminés, des nucléotides et des lipides pour synthétiser respectivement les protéines, les ADN, les ARN et les membranes des nouvelles cellules.

Dans cette étude, Leal Oburoglu, étudiante du laboratoire en dernière année de thèse, a montré que la glutamine, l’acide aminé le plus abondant dans le sang, est indispensable pour qu’une cellule souche sanguine devienne un globule rouge, notamment car elle permet la production des nucléotides. Des tests menés en laboratoire in vitro puis in vivo chez la souris ont montré que le blocage de l’utilisation de la glutamine ou de son transporteur empêche les cellules souches sanguines de devenir des globules rouges. Dans ces conditions, les cellules souches sanguines vont alors se différencier en cellules du type monocyte/macrophage.

A l’inverse, si on empêche le glucose d’être dégradé pour fournir de l’énergie sous forme d’ATP (glycolyse), il permettra alors la synthèse des nucléotides. Ceci aura pour effet global d’augmenter la fabrication de globules rouges à partir des cellules souches hématopoïétiques (érythropoïèse).

Image stem cell

En d’autres termes, l’utilisation coordonnée et ciblée de la glutamine et du glucose vers la synthèse des nucléotides permettrait à la cellule souche de fournir plus de globules rouges.
Pour la première fois, une étude met en lumière que les ressources métaboliques extérieures à la cellule déterminent le devenir de la cellule souche sanguine.
Pour Naomi Taylor et Sandrina Kinet qui ont coordonné cette étude : Il est passionnant de penser qu’on puisse un jour faire une différenciation « à la demande » des cellules du sang en influençant l’état métabolique de la cellule ».

Des blessures cutanées peuvent-elles être indolores?

Lorsque l’organisme présente des lésions cutanées, les terminaisons nerveuses envoient un message au cerveau qui génère la sensation de douleur. Les équipes de Priscille Brodin à Lille[1] et Laurent Marsollier à Angers[2], ont étudié les lésions de patients atteints d’ulcère de Buruli, une maladie tropicale. Dans un article publié dans la revue Cell, ils révèlent que, malgré l’étendue et la gravité des blessures, celles-ci sont moins douloureuses que d’autres qui paraissent plus bénignes (ex: égratignures, brûlures légères). Ils ont découvert un mécanisme analgésique qui limite la transmission du message douloureux au cerveau. La connaissance de ce mécanisme pourrait être utile pour le développement de nouvelles molécules antidouleur.

L’ulcère de Buruli ou infection à Mycobacterium ulcerans est la troisième mycobactériose après la tuberculose et la lèpre dans le monde. Cette maladie tropicale, qui touche principalement les enfants provoque des lésions ulcératives cutanées. La destruction du tissu cutané est causée par la mycolactone, une toxine secrétée par le bacille. Malgré leur étendue, les lésions sont peu douloureuses aux premiers stades de la maladie expliquant les consultations tardives des patients. Les chercheurs se sont penchés sur le mécanisme qui rend ces lésions indolores.

schéma ulcère buruli

© Inserm / Conception Clerc-com – Simar Thibault

Jusqu’alors, on pensait que l’absence de douleurs dans les premiers stades de la maladie était liée à la destruction des tissus nerveux. Dans cette étude, les chercheurs montrent chez des souris infectées que cette hypothèse est contradictoire avec la dégénérescence des nerfs qui survient uniquement à des stades avancés de la maladie. Ils ont aussi injecté la toxine aux souris pour observer ses effets sur la sensibilité des animaux. Les chercheurs révèlent que la présence de la toxine suffit à inhiber la douleur sans que les nerfs soient touchés.

« Le bacille, plus précisément sa toxine, la mycolactone, est capable d’interagir avec les neurones et d’empêcher la transmission de l’information nerveuse expliquant le caractère indolore des lésions », explique Laurent Marsollier, chargé de recherche à l’Inserm.

Une technique d’imagerie de pointe a permis d’identifier que la mycolactone interagit avec un récepteur neuronal (le récepteur 2 de l’angiotensine) entrainant une fuite de potassium. La sortie de potassium provoque une hyperpolarisation des neurones limitant la transmission de l’influx nerveux – qui véhicule le message douloureux – au niveau local.

Les chercheurs ont ensuite bloqué l’expression de ce récepteur neuronal chez les souris infectées par le bacille. Le blocage du récepteur empêche son interaction avec la toxine mycolactone ce qui rétablit la sensibilité à la douleur des animaux, confirmant ainsi le mécanisme identifié in vivo.

Le bacille Mycobacterium ulcerans utilise une stratégie d’infection inédite en utilisant la toxine qu’il sécrète pour annuler la douleur associée aux lésions qu’il cause.

« La découverte de ce mécanisme, qui limite la douleur des lésions cutanées aux premiers stades de la maladie, ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche de nouvelles molécules antidouleur » souligne Priscille Brodin, directrice de recherche Inserm et co-auteur de ces travaux.

En effet, la molécule capable de bloquer l’action du récepteur n’appartient pas aux classes d’analgésiques utilisées aujourd’hui comme le paracétamol, les opiacés tels que la morphine. De manière générale, dans la lutte contre la douleur, de nouvelles molécules sont attendues par les cliniciens car les molécules existantes ont toutes des limitations plus ou moins importantes dans un contexte de médecine personnalisée.

Enfin, d’après les chercheurs, le récepteur identifié pourrait notamment constituer une cible de choix car une autre étude[3] a montré que son blocage entraînait la diminution des douleurs chez des patients atteints d’herpès.

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© OMS / Dr A. Chauty, AFRF, Benin


[1] Unité mixte de recherche 1019 « Centre d’infection et immunité de Lille » (Inserm – CNRS – Institut Pasteur de Lille – Université Lille Nord de France) et anciennement Equipe Inserm Avenir Institut Pasteur Korea

[2] Unité Inserm 892 – Equipe Inserm Avenir « ATOMycA » (Inserm – CNRS – Université d’Angers)

[3] Rice, A.S., Dworkin, R.H., McCarthy, T.D., Anand, P., Bountra, C., McCloud, P.I., Hill, J., Cutter, G., Kitson, G., Desem, N., et al. (2014). EMA401, an orally administered highly selective angiotensin II type 2 receptor antagonist, as a novel treatment for postherpetic neuralgia: a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 2 clinical trial. Lancet.

Le Comité d’éthique de l’Inserm rend publiques deux notes sur la recherche sur l’embryon et sur le genre

A l’occasion de leur première grande réunion annuelle, qui a eu lieu ce mardi 17 juin à l’Auditorium de l’Hôpital Européen Georges Pompidou, plusieurs groupes de travail du Comité d’éthique de l’Inserm dont le groupe « Embryon & développement » et le groupe « Genre et recherche en santé » rendent leur avis sous forme de note.

Il s’agit d’un point d’étape assorti de recommandations d’actions pratiques au sein de l’Inserm pour développer dans les meilleurs conditions éthiques la recherche sur l’embryon et faire prendre conscience aux scientifiques de l’impact du genre sur la recherche en santé.

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©Inserm/ E. Valjent

Le comité d’éthique de l’Inserm dont l’ensemble des membres a été renouvelé l’an dernier a pour mission de créer le dialogue entre le monde de la recherche scientifique et médicale et la société. Composé actuellement de sept groupes de travail différents selon les thématiques qu’ils abordent, ces derniers peuvent être « saisi » ou s’autosaisir pour réfléchir sur les questions éthiques.

Résumé de la note du groupe « Embryon & développement »

Ce groupe s’intéresse aux recherches concernant l’obtention de cellules germinales et de gamètes à partir de cellules souches, aux recherches à visée cognitive sur l’embryon et aux recherches sur l’embryon susceptibles d’améliorer les traitements de l’infertilité et les résultats de l’assistance médicale à la procréation (AMP).

Le groupe de travail conclut sa réflexion en délivrant des indications qui pourraient être prises en compte pour faire avancer la recherche sur l’embryon :

  • Faciliter et promouvoir les recherches sur l’embryon, en développant une information auprès du public et des décideurs, en faisant apparaitre de manière plus claire ce thème de recherche parmi ceux susceptibles d’être financés par les organismes publics et en organisant de manière plus rationnelle la collecte, la conservation et la mise à disposition pour les équipes de recherche des embryons surnuméraires congelés ne faisant plus l’objet d’un projet parental et donnés à la recherche selon les modalités définies par les lois de bioéthique dans des structures dédiées de type :« embryothèques ».
  • Revoir l’encadrement de la recherche qui doit rester toujours aussi exigeant mais qui devrait être mieux adapté, plus cohérent et plus simple dans ses procédures.
  • Adapter les procédures de consentement au type d’embryon donné à la recherche et au moment où ce don est effectif. Ce consentement, révocable, pourrait être donné pour une (ou plusieurs) catégorie (s) de recherche plutôt que pour un projet précis.
  • Elaborer avec les chercheurs et les praticiens de l’AMP concernés des référentiels ou des recommandations chaque fois que nécessaire comme par exemple, les critères de congélation ou les procédures de destruction des embryons. Ces référentiels et recommandations devraient pouvoir être révisés régulièrement et simplement au fil des avancées et des évolutions technologiques.

Lien pour lire la note  » État de la recherche sur l’embryon humain et propositions »


Résumé de la note du groupe « Genre et recherche en santé »

Le groupe « Genre et recherche en santé » a été mis en place afin de sensibiliser à l’impact du genre sur la recherche en santé les chercheurs de l’Inserm. Il s’agit aussi d’être entendu au-delà des laboratoires de l’Inserm en participant à des débats de société accessibles à tous, patients, médecins et acteurs de la recherche en santé.

Les différences selon le sexe en matière de santé publique sont bien établies dans les enquêtes épidémiologiques. Cependant, force est de constater que les recherches se donnant pour objet de comprendre de tels écarts dans une perspective de genre restent rares en France, contrairement aux pays anglo-américains et européens.

La dimension du genre est également souvent négligée dans les travaux de recherche biomédicale. Rares sont les études qui s’interrogent sur la contribution des facteurs sociaux aux différences entre les sexes dans la physiologie et la pathologie.

Le groupe propose les pistes d’action suivantes :

  • Enquêter sur les recherches menées à l’Inserm impliquant un intérêt pour le genre en collaboration avec les laboratoires de sciences humaines et sociales.
  • Monter des d’ateliers pédagogiques sur la notion de genre et l’articulation genre/santé, avec pour objectifs de :

– Sensibiliser les chercheurs au fait que la biologie ne doit pas masquer le rôle joué par les constructions sociales dans les comportements de santé.

– Questionner les modalités cliniques de prise en charge, de soins, de dépistage, de suivi… au prisme du genre.

– Développer de nouvelles approches méthodologiques de la recherche avec l’outil du genre dans la compréhension du normal et du pathologique.

Les domaines de recherche abordés seront entre autre : santé reproductive, endocrinologie, cardiologie, neurosciences etc. et les implications en santé publique

  • Formuler des recommandations aux CPP (Comité de protection des personnes) et aux ERRE (Espace de réflexion éthique régional) pour introduire la question du genre dans l’examen des protocoles de recherche clinique en accord avec les récentes régulations européennes.

Lire la note « Genre et recherche en santé »

Pour Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm, ce premier grand rendez-vous : « est non seulement le moment de rendre compte de notre première année de travail mais d’engager le dialogue avec nos collègues et un public plus large, écouter leurs critiques, entendre leurs questionnements qui alimenteront nos travaux de l’année prochaine »

Consulter la page dédiée au comité d’éthique de l’Inserm

Grippe H1N1 : la vaccination déclenche une mémoire immunitaire comparable à celle d’une infection modérée

Combien de temps perdure la mémoire immunitaire d’un vaccin ? Est-elle similaire à celle induite par l’infection ? Des réponses viennent d’être apportées sur la grippe pandémique A(H1N1) par des chercheurs de l’unité mixte de recherche 1135-Cimi-Paris : Centre d’Immunologie et de Maladies Infectieuses (Inserm – Université Pierre et Marie Curie). Ils ont montré que la réponse immunitaire induite par la vaccination restait forte un an après et du même type qu’une infection modérée. Les résultats de ce travail sont publiés dans Journal of Clinical Investigation.

grippe©Fotolia

Le virus de la grippe A sous-type H1N1, d’origine porcine, aviaire et humaine s’est propagé à travers le monde de juin 2009 à août 2010. Bien que cette pandémie de grippe n’ait pas eu l’ampleur et la gravité de celle de 1918, elle a touché des personnes jeunes et en bonne santé, parfois gravement et fatalement. Ces personnes n’étaient pas immunisées naturellement contre ce nouveau type de virus, différent de ceux à l’origine des épidémies de grippe saisonnière chaque hiver. Mais pour les personnes qui ont pu être protégées par un vaccin, on peut se demander combien de temps a perduré la mémoire immunitaire induite contre la souche pandémique A(H1N1) et si elle est comparable à celle induite par l’infection.

Les chercheurs ont répondu à ces deux questions en menant

« la première étude à avoir comparé des personnes vaccinées et des patients infectées sur autant de paramètres de réponse immunitaire »

, indique le principal auteur, Béhazine Combadière, directrice de recherche Inserm au Cimi-Paris. Actuellement, il n’existe qu’un seul critère de référence pour évaluer l’efficacité d’un vaccin antigrippal : le taux d’anticorps dans le sang, qui est corrélé à la protection. « Nous avons poussé l’évaluation scientifique à son maximum, en nous intéressant à pas moins de huit paramètres », ajoute Béhazine Combadière. Ces huit paramètres témoignent à la fois de l’immunité humorale (c’est-à-dire les anticorps qui se lient au virus et le neutralisent) que de l’immunité cellulaire (c’est-à-dire les globules blancs ou lymphocytes T qui tuent les cellules infectées par le virus). Ainsi par exemple, sur l’immunité humorale, les chercheurs se sont intéressés non seulement au taux sanguin d’anticorps, mais aussi à l’avidité du sérum, c’est-à-dire à l’affinité des anticorps à se lier aux antigènes du virus.

L’autre particularité de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont comparé des personnes ayant été vaccinées à des patients ayant été infectés. Leur étude a inclus 50 volontaires ayant reçu un vaccin monovalent (ne ciblant que la souche pandémique H1N1) et comprenant un adjuvant (pour booster l’effet du vaccin avec peu de souche virale vaccinale). Les personnes vaccinées ont été comparées à 61 patients ayant contracté une grippe A(H1N1), l’infection ayant été légère à modérée pour 48 d’entre eux et sévère pour les 13 autres. Ces derniers ont dû être hospitalisés et prendre un traitement antiviral après avoir développé un syndrome aigu de détresse respiratoire. L’évaluation a été faite un an après l’exposition au virus ou un an après la vaccination.

Les chercheurs ont d’abord montré que la réponse immunitaire induite par le vaccin restait forte un an après l’injection. Ils ont aussi mis en évidence des ressemblances et des divergences entre les trois groupes de personnes en fonction des paramètres de réponse immunitaire. Ainsi, la vaccination ressemble à l’infection modérée sur plusieurs paramètres immunologiques.


Toutes deux entraînent ainsi notamment une plus forte migration des lymphocytes T vers les muqueuses.

Les chercheurs ont ensuite décidé de rechercher s’il existait différents profils de réponse immunitaire indépendamment du statut de vacciné ou d’infecté. Ils en ont identifié trois, le premier profil regroupant une majorité de vaccinés et d’infectés modérés. Ces travaux montrent donc l’hétérogénéité entre les individus au niveau de leur capacité de réponse immunitaire. Et ils confirment que la vaccination antigrippale est capable d’induire des réponses immunitaires mémoire d’intensité et de qualité similaires à celles générée par une infection modérée.

Cette étude pourrait avoir des implications sur l’ajustement ou l’optimisation des stratégies vaccinales. Elle pourrait faire évoluer les protocoles d’évaluation de l’efficacité vaccinale. Ainsi deux paramètres pourraient s’ajouter au taux d’anticorps : les marqueurs de migration des lymphocytes T vers les muqueuses et le potentiel d’activité cytotoxique d’une catégorie de lymphocytes T (les CD8).

Surdité : une perte auditive en apparence légère peut masquer un déficit plus profond

Grâce à un modèle de souris reproduisant une perturbation de la perception des sons aigus chez l’homme, des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du Collège de France, et de l’Université Pierre et Marie Curie, en collaboration avec une équipe de l’université d’Auvergne, ont pu élucider les anomalies en cause, et mettre en évidence une altération profonde du traitement des fréquences sonores. Ces travaux offrent une explication à la gêne considérable que représente le bruit pour la perception des fréquences aiguës chez certains malentendants. Ils suggèrent qu’un bilan auditif plus complet chez le praticien pourrait permettre d’améliorer le diagnostic de ces troubles, et de mieux prendre en charge les personnes concernées qui, malgré une perte auditive évaluée comme modérée par l’analyse audiométrique standard, nécessitent d’être appareillées, avec un ciblage fréquentiel approprié de la correction auditive.

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Alors que leur examen audiométrique ne révèle qu’une perte auditive légère, certains patients se plaignent pourtant d’une gêne profonde et de difficultés de compréhension importantes de la parole dans les milieux bruités, qui les handicapent au quotidien. En étudiant une souris porteuse d’une mutation affectant certaines cellules sensorielles de l’oreille interne, des chercheurs ont établi un parallèle avec le tableau clinique de ces malentendants. Le projet a été mené par le Dr. Aziz El-Amraoui, et par le Pr. Christine Petit,  dans l’unité de génétique et physiologie de l’audition (Institut Pasteur/Inserm/Université Pierre et Marie Curie) qu’elle dirige, en étroite collaboration avec l’équipe de biophysique neurosensorielle de l’UMR Inserm 1107 à l’Université d’Auvergne, conduite par le Pr. Paul Avan.

La souris étudiée présente une perte auditive en apparence très modérée, qui ne concerne que les sons aigus (sons de haute fréquence), qui sont traités à la base de la cochlée. Les défauts morphologiques observés par les chercheurs sont pourtant très importants à ce niveau : les cellules ciliées externes de la base de la cochlée ne peuvent plus répondre aux hautes fréquences, et leurs touffes ciliaires, qui jouent le rôle d’antenne de réception du son, sont gravement touchées (cf photographie).

L’introduction de sons interférents a conduit les chercheurs à mettre en évidence, chez cette souris, un phénomène inédit : une perturbation considérable de la détection des sons aigus en présence de sons beaucoup plus graves (deux octaves) et d’intensité bien moindre. Les chercheurs ont pu identifier l’origine de ce défaut : indemne de toute atteinte, la région apicale de la cochlée, qui traite normalement les sons graves, répondrait, chez la souris mutante, non seulement aux sons graves, mais également aux sons aigus. Elle se substituerait ainsi fonctionnellement à leur région habituelle de codage, la base de la cochlée, qui a perdu sa sensibilité. Dans une cochlée saine, les sons aigus ne peuvent pas atteindre la région apicale, en raison des caractéristiques physiques de la membrane qui les propage. Les anomalies de la touffe ciliaire chez la souris mutante permettraient aux vibrations des sons aigus d’emprunter une autre voie de propagation aux caractéristiques physiques bien différentes.

Transposés à l’homme, ces résultats pointent l’existence, chez certains individus, d’audiogrammes faussement optimistes, qui dissuadent à tort de les appareiller. Pour améliorer le diagnostic, il serait donc judicieux de proposer de manière plus routinière aux personnes présentant une gêne auditive en présence de bruits de basse fréquence des tests auditifs complémentaires, permettant notamment d’analyser finement la réponse fréquentielle des cellules sensorielles auditives. Les prothèses auditives prescrites dans une telle situation devraient veiller à rétablir sélectivement la détection des hautes fréquences, tout en évitant l’interférence par les sons graves.

Illustration : Touffes ciliaires de cellules ciliées externes provenant d’une souris normale (en haut) et d’une souris mutante (en bas), analysées par microscope électronique. – Copyright Institut Pasteur – V. Michel & K. Kamiya

 Cette étude a été financée par le grant ERC-hair bundle ”2011-ADG_20110310”, le Labex ”Lifesenses”, la société japonaise ”Promotion of Science and Uehara Memorial Foundation”, Réunica Prévoyance, Humanis, Errera Hoechstettee, la fondation BNP-Paribas et la fondation ”Voir et Entendre”.

Yves Lévy, nouveau Président-directeur général de l’Inserm

Yves Lévy vient d’être nommé, en conseil des ministres, Président-directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Le Professeur Yves Lévy est spécialiste en immunologie. Médecin, Yves Lévy est aussi chercheur et universitaire. Son activité de recherche est orientée sur la compréhension du développement du système immunitaire et sa pathologie. Il a également coordonné et développé une vingtaine d’essais cliniques nationaux et internationaux d’immunothérapie et de vaccination contre des infections par le VIH, certains déficits immunitaires et des maladies infectieuses. Son parcours scientifique a toujours allié recherche fondamentale et clinique.

Yves-LevyYves Lévy ©Inserm/ F Guenet

Depuis 1985, il a travaillé successivement dans plusieurs unités de recherche Inserm. Il est notamment depuis 1999 directeur de l’équipe « Développement lymphoïde normal et dans l’infection par le VIH » au sein de l’Unité Inserm 955. De 1996 à aujourd’hui, Yves Lévy dirige le service d’immunologie clinique et de Maladies infectieuses à l’hôpital Henri Mondor de Créteil.

En 2006, Yves Lévy devient directeur scientifique du programme vaccinal de l’Agence nationale de la recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS). En 2011, il crée dans le cadre du programme investissement d’avenir le labex « Vaccine Research Institute ». Son programme scientifique est fondé sur les avancées récentes dans les domaines de l’immunologie fondamentale, de la génomique, dans la connaissance de la biologie des systèmes et le développement d’outils innovants d’évaluation de la réponse immunitaire.

De 2010 à 2012, Yves Lévy est vice-doyen de la faculté de médecine de Créteil (UPEC). Il devient ensuite conseiller spécial auprès de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Yves Lévy succède, à 56 ans, au Pr André Syrota qui dirigeait l’Inserm depuis octobre 2007. La création en 2009 de l’Alliance des sciences de la vie et de la santé (Aviesan), dont il a assuré la présidence, avec pour objectif d’assurer une meilleure coordination et visibilité de recherche biomédicale, fait partie des grandes réformes dont André Syrota a été le promoteur.

4 grands objectifs pour l’Inserm

Pour les années à venir, Yves Lévy s’est fixé 4 objectifs pour l’Inserm:

• maintenir une recherche fondamentale de très haut niveau,
• accéder à un niveau d’excellence internationale dans les technologies associées aux sciences de la vie et de la santé,
• contribuer à la définition d’une authentique politique nationale de santé publique et d’aide à la décision publique,
• renforcer les liens avec les associations de malades et œuvrer à une meilleure diffusion de la culture scientifique

Cette politique s’appuiera sur une volonté constante de décloisonner les différents domaines de la recherche biomédicale et favoriser le dialogue entre les organismes de recherche, notamment dans le cadre de l’alliance Aviesan. Enfin, Yves Lévy, souhaite renforcer le dialogue social au sein de l’Institut. Sur ce dernier point, le nouveau Président-directeur général Yves Lévy insiste « C’est important qu’il n’y ait pas ce hiatus entre la politique de la recherche, la mise en place des alliances, la définition d’une stratégie globale et l’appropriation et la responsabilisation par les acteurs de la recherche ».

Ces objectifs permettront à l’Inserm, premier organisme de recherche biomédicale en Europe, de renforcer son positionnement, son attractivité et d’élargir ses partenariats au niveau international.

La crise d’épilepsie : une activité primitive du cerveau dont les mécanismes sont conservés à travers les espèces

Tout semble différencier une mouche d’un homme. Et pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraitre, des chercheurs de l’Inserm dirigés par Christophe Bernard et Viktor Jirsa au sein de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS) – Inserm U1106 à Marseille viennent de montrer que les crises d’épilepsie suivent des règles mathématiques simples et conservées à travers les espèces. La crise d’épilepsie est une forme d’activité neuronale qui est encodée dans tout cerveau sain, mais qui ne s’exprime que dans situations pathologiques. Grâce à l’identification de ces principes de base, les chercheurs ont pu classer rigoureusement les crises en 16 types distincts ; une classification qui sera très utile aux cliniciens pour envisager des traitements de plus en plus personnalisés et rechercher de nouveaux médicaments. Ces travaux sont publiés dans la revue Brain.

Photo CP Brain epilepsie
Qu’est-ce qu’une crise d’épilepsie? Cette question constitue une énigme pour les patients, leurs proches, les chercheurs et les médecins depuis des siècles. Les crises arrivent souvent sans signe avant-coureur avec des manifestations cliniques qui peuvent être spectaculaires. Pour les chercheurs et les médecins, la crise est considérée comme un problème très difficile à résoudre, faisant appel à des mécanismes très complexes.

Une percée majeure vient d’être faite par deux équipes de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS) – Inserm U1106 à Marseille. Combinant neuroscience théorique, recherche fondamentale et clinique, les chercheurs ont apporté la preuve que les principes qui régissent le début, le décours et la fin des crises d’épilepsie focales (une forme d’épilepsie très répandue) sont d’une très grande simplicité et invariantes entre les régions du cerveau et les espèces, de la mouche à l’Homme.

Le point de départ est simple : tout cerveau sain peut faire une crise, par exemple après un électrochoc, un traumatisme crânien etc. sans être et sans forcément devenir épileptique. Autrement dit, cette activité du cerveau qu’est la crise existe à l’état latent chez chacun d’entre nous. La crise est naturellement codée dans nos neurones. Elle est toujours possible, mais dans un cerveau « sain » la probabilité qu’elle se produise est très faible.

Nous allons utiliser une métaphore pour décrire le résultat principal. Représentons-nous l’activité du cerveau au moyen d’un personnage qui se déplace dans un pays composé de montagnes, de vallées, de plaines, de plages etc. Les différentes régions du pays constituent autant d’activités dans lesquelles le cerveau est engagé (par exemple, lire un livre, faire du vélo etc.). Au sein de ce pays, il y a un endroit très particulier : une zone interdite entourée d’une très haute barrière. Cette zone interdite est toujours là, elle fait partie du paysage, mais notre personnage ne peut pas y pénétrer. Cette zone interdite, c’est la crise d’épilepsie. Il faut des conditions extrêmes pour rentrer dedans – comme par exemple après un électrochoc.

Les chercheurs de l’Institut de Neurosciences des Systèmes ont construit un modèle mathématique décrivant ce qui se passe à partir du moment où la barrière est franchie (début de la crise) jusqu’au moment où le personnage finit par ressortir de la zone interdite (fin de la crise) et retrouve une activité normale à l’extérieur. Ils ont montré que les trajectoires d’entrée et de sortie de la crise suivent des règles mathématiques simples et précises. Ils ont aussi montré que la crise est peut-être la forme d’activité la plus simple – ou primitive – que le cerveau peut générer.

« Le modèle mathématique prédit l’existence de 16 types de crises, ce qui permet de classer rigoureusement les crises ; une classification qui sera très utile aux cliniciens pour le traitement de ces crises et la recherche de nouveaux médicaments. » Explique Christophe Bernard, directeur de recherche à l’Inserm.

Les chercheurs ont ensuite vérifié expérimentalement les prédictions du modèle mathématique, en analysant les crises enregistrées chez différentes espèces, y compris chez l’Homme (en utilisant une base de données internationale). 

Ils ont pu ainsi montrer que les règles d’entrée et de sortie de la crise étaient invariantes de la mouche à l’Homme. C’est donc la même zone interdite qui est présente dans la plupart des régions du cerveau à travers les espèces.

Pourquoi l’épilepsie est-elle si difficile à traiter ?

En utilisant un modèle expérimental d’épilepsie chez la souris, les chercheurs ont démontré que la zone interdite peut être pénétrée à de multiples endroits. Autrement il y a de nombreuses façons d’effriter la barrière. Cette multiplicité de possibilités explique pourquoi les traitements doivent être adaptés à chaque patient, parce que le passage de la barrière ne se fait pas forcément au même endroit d’un individu à l’autre.

Ces travaux revêtent une importance majeure, non seulement parce qu’ils contribuent à démythifier l’épilepsie, mais aussi parce qu’ils fournissent un cadre conceptuel pour mieux comprendre les mécanismes des crises et proposer de nouvelles solutions thérapeutiques.

Que se passe-t-il chez les patients qui font des crises ?
Chez les patients, la barrière s’est effritée, et il est beaucoup plus facile de rentrer dans la zone interdite. Cette destruction de la barrière est un phénomène très courant. Elle se produit naturellement au cours du vieillissement, et c’est pour cette raison que la fréquence de l’épilepsie augmente avec l’âge. Les enfants sont aussi très susceptibles aux crises d’épilepsie, parce que leur barrière n’est pas assez haute. De nombreuses pathologies comme l’autisme, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Huntington sont associées à des crises d’épilepsies, parce que les effets destructeurs que ces pathologies engendrent dans le cerveau finissent par éroder la barrière. C’est pour cette raison que l’épilepsie peut exister seule ou associée à d’autres pathologies. Les conditions pathologiques, la maladie, ne font que révéler une activité qui existe potentiellement en chacun de nous.

Cancer : la vie deux ans après le diagnostic

L’Institut national du cancer (INCa) et l’Inserm présentent, lors d’un colloque de restitution le 10 juin, les résultats d’une enquête de grande envergure interrogeant 4349 personnes atteintes d’un cancer deux ans après le diagnostic. Appelée VICAN2 pour « Vie après le Cancer à deux ans du diagnostic », cette enquête menée en 2012 constitue l’unique travail national qui rend compte des conditions de vie des personnes atteintes de cancer.Fotolia_37438608_XS

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Contexte de l’enquête « Cancer : la vie deux ans après le diagnostic »

L’incidence des cancers est en augmentation depuis plusieurs décennies, mais les progrès thérapeutiques ont significativement contribué à réduire la mortalité liée à cette maladie. Si le pronostic demeure mauvais pour certaines localisations, les perspectives de guérison et de survie à long terme évoluent favorablement en France pour nombre de cancers. Ce sont ainsi aujourd’hui 3 millions de personnes qui en France sont ou ont été concernées par un cancer. Le cancer reste une épreuve difficile au plan physique et psychologique. Les personnes doivent plusieurs années après leur diagnostic, composer avec le risque de rechute, les effets secondaires de la maladie et de ses traitements, mais aussi la reprise de leur vie quotidienne.

C’est pour mieux connaître et comprendre les difficultés de ce quotidien que l’Institut national du cancer (INCa) a souhaité renouveler l’enquête, réalisée une première fois en 2004 sous l’égide de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, sur la vie des personnes deux ans après leur diagnostic de cancer. L’Institut national du cancer en a confié la réalisation à l’unité Inserm 912 SESSTIM[1] de l’Inserm. Ce travail a été mené grâce à un partenariat avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI).

Principaux résultats de l’enquête « Cancer : la vie deux ans après le diagnostic »

L’enquête VICAN2 aborde les différentes facettes de la vie des personnes atteintes d’un cancer depuis la prise en charge de leur maladie et leur relation avec le système de soins, jusqu’à l’état de santé deux ans après le diagnostic, l’impact de la maladie sur les ressources et l’emploi, les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne et sociale. Elle souligne :

Le poids des inégalités

Les résultats de cette enquête illustrent l’ampleur de l’impact du cancer sur l’existence des personnes atteintes, et mettent en évidence le poids des inégalités de santé, tout au long de la trajectoire de la personne. Ces inégalités renvoient parfois aux pertes de chances dont souffrent les plus jeunes ou les plus âgés dans l’accès aux soins mais, elles sont liées surtout à des difficultés socio-économiques, qui pèsent parfois autant, voire plus, que la localisation du cancer, les traitements reçus ou les séquelles perçues. Le cancer apparaît alors comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales qui lui préexistaient.

Une annonce du diagnostic qui s’est faite majoritairement dans de bonnes conditions

L’enquête explore les circonstances du diagnostic.  Si les conditions de cette annonce ont progressé depuis 2004, elle est jugée encore trop brutale par 18 % des enquêtés. Les personnes les moins diplômées et disposant des plus faibles revenus portent encore plus souvent ce jugement. Les variations les plus nettes sont cependant observées en lien avec l’âge et le sexe des personnes interrogées : ce sont les femmes et les plus jeunes qui jugent le plus souvent brutale l’annonce de leur diagnostic (c’est le cas de 28 % des femmes âgées de 18 à 40 ans).

Des échanges d’informations avec les soignants qui semblent progresser.

La proportion de personnes satisfaites de leur implication dans le choix des traitements,  est en progression.


Par ailleurs, les proportions d’enquêtés estimant que l’information donnée par les soignants était trop importante ou trop compliquée, ou qu’eux-mêmes arrivaient mal à formuler leurs questions, ont toutes notablement baissé dans cette nouvelle enquête par rapport à 2004.

Un impact de la maladie sur la qualité de vie très lié à la localisation de cancer

Les résultats illustrent la dégradation générale de la qualité de vie induite par un cancer : cette dégradation dépend toutefois beaucoup de sa localisation (plus fréquente pour le cancer du poumon, elle est plus rare pour le cancer de la prostate), des traitements reçus et des séquelles perçues.

Au-delà de ces facteurs médicaux, la qualité de vie mesurée dépend aussi des éventuelles situations de précarité sociale (faibles revenus, chômage).

Un impact également très marqué sur la situation professionnelle

Le cancer a un impact sur la situation professionnelle : au moment du diagnostic, huit personnes sur dix avaient un emploi, contre six sur dix, deux ans plus tard.

La perte d’emploi touche davantage les moins diplômés, les plus jeunes et les plus âgés, ceux qui exercent un métier d’exécution (ouvriers, employés), qui ont un contrat de travail précaire ou sont employés dans des PME.

En outre, la gravité du cancer accentue les inégalités : plus le pronostic initial est mauvais, plus l’écart observé entre métiers d’exécution et métiers d’encadrement s’accroît. Ainsi pour un cancer « de bon pronostic », le taux de maintien en emploi deux ans après le diagnostic est de 89 % pour les métiers d’encadrement et de 74 % pour les métiers d’exécution, contre respectivement 48 % et 28 % pour les cancers de mauvais pronostic.

Des discriminations peu fréquentes mais encore présentes

Un enquêté sur dix déclare que, dans son entourage, il lui est déjà arrivé d’être l’objet d’attitudes de rejet ou de discrimination liées directement à sa maladie. Les femmes et les enquêtés les plus jeunes sont les plus enclins à rapporter de telles expériences.

La fréquence des expériences de discrimination atteint 25 % parmi les personnes qui déclarent que leur ménage connaît des difficultés financières (contre 4 % parmi celles qui se disent « à l’aise »). Les inégalités sociales se répercutent ainsi sur les expériences de discrimination de la part de l’entourage.

Ces résultats seront discutés au cours d’un colloque organisé le mardi 10 juin par l’Institut national du cancer associant l’ensemble des parties prenantes et notamment les personnes malades et leurs représentants associatifs. Cette réflexion engagée permettra de nourrir les actions du Plan cancer 2014-2019 qui s’attache notamment à limiter les conséquences sociales et économiques de la maladie, à faciliter la prise en compte du cancer dans le monde du travail, la poursuite de la scolarité et des études et autorise un « droit à l’oubli » dans l’accès à l’emprunt.


[1] Sciences Économiques et Sociales de la Santé et Traitement de l’Information Médicale

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